Les derniers avis (105588 avis)

Par SuperCed
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Génie des alpages
Le Génie des alpages

Je suis tombe sur 2 tomes quand j'étais ado, dans la liste de bd de mes parents. Et je n'ai plus lâché la série, j'adore le caractère des personnages. Aujourd'hui, mes enfants les découvrent petit à petit et c'est un plaisir de leur lire!

20/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Monde à tes pieds
Le Monde à tes pieds

Même si je serai moins généreux dans ma note, je me retrouve très bien dans l’avis de gruizzli – y compris au niveau des convictions politiques, qui me rapprochent facilement de la critique sociétale sous-jacente dans les récits. C’est du roman graphique qui se lit bien, assez bavard, avec une succession de trois histoires centrées chacune autour d’un personnage. Le point commun de ces trois personnages est qu’ils souffrent d’un positionnement dans la société qui ne correspond pas à leurs attentes, à leurs compétences, et que leur vie sociale, amoureuse en est impactée. C’est là que Nadar glisse, mine de rien, une critique de nos sociétés, qui produisent de la frustration, et qui broient trop facilement les rêves et les individus. Moi qui pourtant apprécie le plus souvent le format à l’italienne, je n’ai pas trouvé ici qu’il soit utile. De plus, j’ai trouvé brutale et artificielle la transition entre ces trois histoires, qui chacune auraient pu mériter un 48 pages classique. Mais bon, ça reste quand même une lecture agréable.

20/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Amour, sexe et bigorneaux
Amour, sexe et bigorneaux

Mouais. Je suis amateur d’humour en tous genre, et d’humour con en particulier, mais là, même si les auteurs se placent sur ce créneau, ils sont loin de m’avoir convaincu. C’est une sorte de suite de l’album Les Losers sont des perdants. Les héros sont tout aussi beauf et cons. Obsédés par la drague, et totalement nuls (quels que soient les critères d’évaluation d’ailleurs). Pourquoi pas ? Mais ces deux crétins en vacances, qui ne pensent qu’à « choper des meufs » sont pathétiques, sans être vraiment drôles. C’est là que le bât blesse. Il n’y a pas l’efficacité de l’humour qui sauve le personnage de Jean-Claude Dusse dans « Les Bronzés » (sur lequel lorgnent un peu les auteurs). Surtout, il n’y a aucun autre personnage ou autres péripéties, tout tourne autour de ces deux gusses et de leurs plans de dragues grossiers et foireux. Du coup, c’est rapidement lassant. Le dessin, aussi grossier que les personnages, pourrait passer avec un humour plus réussi. Mais là, il ne fait que souligner la faiblesse de l’ensemble, hélas.

20/05/2024 (modifier)
Par Phoenix
Note: 5/5
Couverture de la série Backhome
Backhome

Salut à Tous les BDtheque ! Comment ça va? Voici mon premier avis sur ce site. J'espère qu'il vous plaira. Sinon, n'hésitez pas à me dire ce qui ne va pas. Critique en deux parties. Une par tome. Comme c'est la première fois que je critique une série dans sa globalité, j'ai fais avec les moyens que je connaissais. PARTIE 1: DES MONSTRES, DU COURAGE ET DES LIENS... Ann et Adam, Frères et Sœurs (Tiens! Encore une histoires sur les frères et sœurs! Mais d'une manière bien différente, cette fois!) semblent avoir perdus leurs parents. Cela commence par un déménagement. Puis une ellipse. Très vite, l'Histoire prend une dimension Horreur/Fantastique (qui pousse au renouveau) assez agréable. Des gros plans sur des parties du visage, tellement expressif! Apparemment, Ann est arrivée dans une ville fantôme "Woscastle" et elle se fait agresser par des Ombres et sauver par un groupe de soldats, qu'elle va rejoindre sur le champ de bataille. Un côté "Road Trip" ... (Je vous laisse la surprise pour certains trucs...) Cela me fait penser à un croisement entre Walking Dead et Resident Evil !! Le personnage du "God Father" avec son bras mécanique. Des inspirations empruntés à Alien. Un petit côté Flip! Si ce avait été un Film j'aurais eu peur ! Mais le côté d'être "acteur" (lecteur) de se visualisation ça atténue les Frissons. J'ai aussi pensé à la "Berserker" de Gears of War. Une bonne mise en scène. J'AI BESOIN D'UN MIRACLE !! (2) PARTIE 2 Un soldat s'explique "Un miracle... J'ai besoin d'un miracle" avant de tirer contre son camp. Il veut protéger son Fiston en Stase atteint par Le Virus. Virus qui créé des hordes de monstres combattus par les forces de l'ordre. Un scientifique soulève de ne pas tuer un certains spécimen qui pourrait être la clé de leur réussite, mais les porteur de flingues le fume quand même. Flash back avec emphases sur le passé de Ann et Adam, enfant, se jurant de toujours veiller l'un sur l'autre. Ce qui est la définition de la famille. Ann devient (ou s'imagine?) un monstre humain. Le côté horreur est bien réussi. Avec le temps. Un scénario complexe qui fait réfléchir. Finalement, Ann meurt dans le monde où elle est un monstre et se réveille dans un autre auprès de son Frangin. Des combats 100% féminins. Puis Thomas (le méchant qui met tout le monde d'accord!) perd son Fils Caleb qu'il avait mis en stase et à partir de là il décide de tuer tout le monde. Alors que Thomas tabasse deux personnages importants de la série (en étant à moitié monstre) les vrais monstres s'attaquent collectivement à Lui. Preuve qu'ils ont encore un peu d'intelligence, l'un d'eux leur intime de fuir. Je n'appellerais plus ces monstres ainsi car ils ont quelque chose d'humain ce sont des Ombres... Mais Thomas semble muter encore et devenir une bête horrible. J'ai été un peu ému sur la fin... Au final, ce méchant, "Thomas" était très seul dans son entreprise... Ann retrouve un Foyer. En piteux état, mais c'est le sien. LE MOT DE LA FIN Typiquement le genre de manga qu'on note 5/5 car on a rien à Lui reprocher, mais ça ne veut pas dire que c'est un coup de coeur non-plus. Au Revoir! A+ Phoenix ++

20/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Légendes des Méga-cités
Légendes des Méga-cités

Citoyen dans la ville police de Megacity One - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante, en couleurs, se déroulant à Mega-City-One dans l'univers partagé du Judge Dredd qui fait plusieurs apparitions. Elle est parue initialement en 1990, dans "Judge Dredd Megazine" 1.01 à 1.07, écrite par John Wagner, l'un des scénaristes historique de Judge Dredd, et dessinée et peinte par Colin MacNeil (qui a continué à illustrer des histoires de Dredd comme Fourth faction). L'histoire s'ouvre sur 2 illustrations pleine page : Judge Dredd marche sur un drapeau américain ensanglanté dans la première, drapeau qui recouvre un cadavre (deuxième image). En même temps les cases de texte contiennent le flux de pensée de Dredd s'achevant par une maxime dont il a le secret : la Justice a un prix ; ce prix, c'est la liberté. le ton est donné : il s'agit d'une tragédie. La cellule d'après indique qu'il s'agit d'une histoire d'amour. Elle est racontée du point de vue de Bennett Beeny, un fils d'immigrant, jeune enfant lorsqu'il assiste à la naissance d'America Jara (son amour d'enfance) que son père prénomme ainsi en l'honneur de la nation qui l'a accueilli en tant qu'immigrant. Bennett raconte dans quelles circonstances il a pris conscience pour la première fois de l'existence des juges, et en quoi sa réaction a été fondamentalement différente de celle d'America. En grandissant, Bennett et America ont choisi des voies différentes dans la société. En 1990, la probabilité de voir Judge Dredd adapté en film se rapproche de plus en plus et les responsables éditoriaux estiment que le temps est venu qu'il dispose de son propre magazine. Dans l'introduction, John Wagner explique qu'il avait été choisi pour écrire l'histoire principale de ce magazine qui devait avoir un ton plus "adulte" ou "mature" que 2000AD. Il explique également que contrairement à son habitude de travail, America est un scénario qu'il a composé dans le détail du début jusqu'à la fin (par opposition à son habitude se laisser porter dans une autre direction au fur et à mesure de l'écriture complète du scénario). Il ajoute qu'il s'agit de l'une de ses histoires préférées de Judge Dredd. À la lecture, il apparaît que Dredd n'est pas le personnage principal, mais plus l'incarnation du système judiciaire totalitaire de ce futur. le personnage principal est bien ce jeune homme timide Bennett Beeny (qui ne se transforme pas en superhéros dans le courant de l'histoire). John Wagner met en scène 2 individus attachés par de forts liens affectifs qui prennent des chemins différents dans la vie, entre l'un qui refuse de plier sous le joug de ce système aliénant, et l'autre qui connaît la réussite à l'américaine. Il transforme cette histoire d'amour en une métaphore sur le cauchemar sécuritaire. Si le premier rôle féminin s'appelle America, Wagner se garde bien d'en faire l'incarnation de l'Amérique. Il a même le bon goût de ne pas abuser des phrases à double sens jouant sur le mot America pour désigner le personnage, où le lecteur pourrait comprendre qu'il parle du pays. Tout en finesse, Wagner ne donne pas non plus de leçon. Bennett Beeny est un individu attachant dans sa normalité, sympathique dans sa réussite sociale et le contentement qui en découle. Mais il n'en devient pas un héros à proprement parler car pour le lecteur de 2000AD America serait plutôt l'héroïne en refusant l'ordre établi. Mais là aussi, Wagner parvient à introduire un degré de complexité dans le personnage qui évite qu'elle ne se transforme en une rebelle romantique. John Wagner emmène le lecteur dans une tragédie qui s'émancipe de la dichotomie bien / mal pour une vision plus amère et plus réaliste des individus. La qualité du récit doit également beaucoup aux illustrations de Colin MacNeil. Les 2 premières pleines pages en contreplongée montrent un Judge Dredd sinistre et écrasant, comme la justice cinglante qu'il incarne. le choix des couleurs se révèle étonnant et personnel combinant du jaune vif avec des teintes plus sombres. Tout du long du récit, le lecteur va découvrir des illustrations qui semblent passer d'un registre à un autre, sans transition progressive. Ainsi l'image d'après montre une vue du ciel d'un petit quartier de Mega-City-One avec des couleurs très sombres, et des formes détourées par des lignes de couleurs claires. La scène d'après est plongée dans les tons orange, la suivante commençant sur la même page dans des tons violet. le contraste est saisissant. Pour la scène suivante, MacNeil utilise les couleurs pour transcrire celles de la réalité de manière naturelle. Puis arrive un autre dessin pleine page aux couleurs acidulées de l'enfance, pour un tableau terrible d'un juge impressionnant un jeune enfant, à vie, pour qu'il se tienne tranquille dans la peur des juges. Ce dessin est à la fois comique du fait des couleurs vives, et terrible du fait du traumatisme psychologique infligé sciemment. L'histoire s'achève sur une autre pleine page : le casque d'un juge en très gros plan formant presque une composition conceptuelle si elle était sortie de son contexte, à nouveau avec une composition chromatique provocatrice très réussie. La force graphique de cette histoire en 62 pages ne se limite pas à des compositions chromatiques pleines de personnalité. MacNeil s'avère aussi convaincant qu'il dessine de jeunes enfants, une cité futuriste, ou les silhouettes imposantes intimidantes des juges. Il adapte sa composition de page en fonction du récit passant sans coup férir d'une illustration pleine page, à une page comportant 15 cases dans un montage haché rendant compte de la violence et de la rapidité de l'action. À l'issue de ces 62 pages, le lecteur a la sensation d'avoir lu un roman complet du fait de la densité narrative qui pourtant passe toute seule, sans surcharge d'information dans les textes ou dans les images. America est une histoire à part dans la mythologie de Judge Dredd. Elle constitue un drame très humain face à une société normalisatrice qui ne supporte pas les écarts ou les divergences d'opinion. Elle se suffit à elle-même et forme un récit poignant sur les relations humaines, et les ambitions ou convictions de l'individu, avec des images qui restent longtemps en mémoire, tout en étant entièrement au service de la narration. Exceptionnel, indispensable.

20/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Judge Dredd - Mandroid
Judge Dredd - Mandroid

La supercherie du libre arbitre de l'individu - Ce tome regroupe 2 histoires écrites par John Wagner, la première introduisant le personnage de Nate Slaughterhouse, la seconde donnant une suite à la première. - Première histoire : "Mandroid", dessinée et encrée par Kev Walker parue dans les numéros 1453 à 1463 du magazine "2000AD", en 2005 - Nate Slaughterhouse est un sergent dans l'armée, effectuant des missions de combat sur le terrain, contre des forces extraterrestres. Lors d'une de ces batailles, il est grièvement blessé, et doit son salut au capitaine Kitty Rosson (sa femme). Il est reconstruit par les chirurgiens et biomécaniciens, les parties biologiques manquantes étant remplacées par des parties mécaniques. Il devient un cyborg, un Mandroid (contraction de Man et Android). Il est rendu à la vie civile et sa femme décide de le suivre avec Tommy leur enfant. Il s'installe à Mega-City One, dans le Block Dean Gaffney, dans le secteur 6. Pas facile pour un vétéran avec un corps de cyborg de combat d'espérer de s'intégrer dans une vie civile de chômeur, dans un appartement minable, dans une citée malfamée, avec un enfant à charge, une femme qui travaille, et une société qui a vite fait d'oublier les services rendus à la nation. Un soir, Kitty Rosson ne rentre pas à l'appartement. Slaughterhouse prévient les Juges ; Judge Dredd est chargé du dossier. Il explique que les disparitions se comptent par centaine, qu'il n'est pas possible d'agir avant plusieurs heures, que les effectifs de police sont insuffisants pour accorder beaucoup de temps à ce genre de dossier. Slaughterhouse se met à enquêter par lui-même, et à faire un peu de ménage en même temps (= éliminer la racaille de manière permanente), grâce aux capacités de son corps de mandroid. Le début ne donne pas vraiment confiance. Kev Walker s'applique à singer le style graphique de Mike Mignola, en moins massif, moins brut de décoffrage, moins anguleux, et donc moins convaincant. John Wagner dresse le portrait d'un vétéran doté de capacités physiques faisant de lui un tank sur pattes. Sa femme disparaît et il commence à jouer le redresseur de torts, comme un ersatz de Punisher. Mais très vite, John Wagner s'écarte des clichés propres au citoyen prenant la loi entre ses mains pour devenir juge, jury et bourreau. Slaughterhouse n'a rien d'infaillible, il ne possède pas le mental de Frank Castle et il vit dans une société où tout les policiers appliquent une loi sévère, répressive, aux sanctions brutales et très lourdes. Slaughterhouse doit s'attaquer à un racket organisé par un parrain Denzo Schultz qui ne se salit jamais les mains, et très retors (il s'est fait enlever les cordes vocales pour ne pas se trahir au détecteur vocal de mensonge). Il a face à lui des policiers efficaces, accordant une importance prioritaire à la disparition de sa femme parce qu'il est un vétéran, sous la houlette de Judge Dredd, le meilleur. Pourtant rien n'avance, sa situation sociale se détériore, sa confiance en lui s'effrite. Wagner utilise les conventions du roman noir pour montrer comment le cadre rigide et castrateur de la société mine l'individu en le rendant superflu (personne n'a besoin d'un vétéran amoché et inadapté), impuissant (toute la force de frappe de son corps de mandroid ne sert à rien), incapable d'évoluer (Slaughterhouse ne peut que constater ses échecs, sans espoir de reprendre le dessus). Sa situation s'aggrave encore aux yeux du lecteur qui sait que Judge Dredd incarne une loi sans pitié, et qu'il est un policier sans faille auquel le "perp" (pour "perpetrator", criminel) n'a aucune chance d'échapper (non, même pas la plus petite). Dans cette histoire, Judge Dredd n'est qu'une présence sans âme, l'incarnation d'une loi sans cœur, une force normalisatrice de la société implacable. Par contraste, Nate Slaughterhouse est un individu inadapté qui se débat dans une société où il n'est qu'un individu de plus, sans importance, sans intérêt, juste un criminel en puissance aux yeux des Juges. de page en page, John Wagner met en scène un individu sachant que ses actions ne changeront rien, n'amélioreront rien, mais qui n'a d'autre choix que de faire ce qu'il sait faire (se battre). du début jusqu'à la fin la situation et le caractère de Slaughterhouse en font une figure tragique, dépassant les conventions du genre pour rendre compte de la fragilité de l'individu dans la société, soumis à des forces sur lesquelles il n'a aucune prise. Wagner réussit le tour de force d'inclure des séquences d'action impressionnantes, totalement intégrées et organiques par rapport au récit (même l'assaut final en armure de combat). Au départ, le style de Walker semble trop superficiel : des décors vaguement esquissés par quelques traits et quelques aplats de noir, des visages rapidement définis. Il n'y a que ces tâches noires pour donner de la consistance aux personnages mangés par l'ombre. Et puis, peu à peu, l'économie de moyens rend compte du dénuement matériel dans lequel se trouve Slaughterhouse, puis de son dénuement psychologique sans rien à quoi se raccrocher. Il apparaît que Walker a donné à chaque personnage un signe distinctif qui permet de le reconnaître immédiatement. Il gère admirablement la profondeur de champ. le scénario de Wagner évite les longs tunnels de dialogue, et Walker sait imaginer des mises en scène où le langage corporel vient renforcer les non-dits des paroles prononcées. La paucité des détails évite que le lecteur ne soit distrait par l'environnement, l'enferme avec Slaughterhouse dans une réalité finie et limitée, ne lui laisse d'autre choix que l'instant présent. Ce style graphique participe à la désolation psychique subie par Slaughterhouse, à son manque d'alternatives. Dans le cadre contraignant de la série "Judge Dredd", John Wagner raconte une histoire d'action, qui parle de solitude moderne, de coercition sociétale, d'absence de valeur ou de reconnaissance de l'individu, d'impuissance de la force virile face au malheur, un récit très noir, parfaitement exécuté, avec des dessins amplifiant discrètement les thèmes abordés. - Deuxième histoire : "Instrument of war", dessinée et encrée par Simon Coleby (numéros / progs 1555 & 1556), puis par Carl Critchlow (progs 1557 à 1566), parue en 2007 - Nate Slaughterhouse purge sa peine de prison. Il a déjà effectué 2 ans. Régulièrement le programme de gestion de sa cellule lui rappelle qu'il a été condamné à perpétuité, et que dans cette situation sans issue, le devoir d'un bon citoyen est de demander l'euthanasie pour ne pas gâcher les ressources de la société. le corps de sa femme va d'ailleurs bientôt être intégré au programme de recyclage, le délai étant arrivé. Slaughterhouse réussit à s'enfuir de manière rocambolesque et il trouve refuge chez un vieux général Trig Vincent, vétéran des guerres spatiales. Il lui propose de lui faire remettre de nouveaux implants cybernétiques, à charge de revanche, bien sûr. C'est la malédiction des héros récurrents et des magazines périodiques : quand une histoire a du succès, elle doit forcément générer une suite parce que le bénéfice monétaire sera d'office au rendez-vous. John Wagner s'atèle donc à raconter la suite de la vie de Nate Slaughterhouse. Il respecte le personnage en le plaçant dans une nouvelle situation où il est à nouveau un pantin au milieu d'événements sur lesquels il n'a aucune prise. Néanmoins la dimension sociale et psychologique présente dans la première histoire a diminué d'intensité, et la part dévolue à l'action augmente un peu en contrepartie. Wagner oriente l'histoire sur un thème plus classique qui est celui d'un soldat obéissant aux ordres qui ne sont pas forcément compatibles avec ses convictions. Il y a à nouveau une motivation très personnelle pour Slaughterhouse, mais pas aussi intense et viscérale que dans la première histoire. de page en page, le lecteur ne peut que constater que les motivations du général Vincent sont surtout un prétexte pour servir d'intrigue, sans grande consistance. Les tourments affectifs de Slaughterhouse sont plausibles, sans être à la hauteur de ceux de la première partie. Son dilemme moral est également assez mince, et la fin sacrifie au spectaculaire dans une grande explosion pyrotechnique manquant singulièrement de nuances. Les 12 premières pages sont dessinées par Coleby dans un style qui évoque celui de Walker, mais en moins dépouillé, et un peu plus réaliste. Il réussit à rendre crédible cet individu sans bras ni jambes qui s'enfuit en se déplaçant en rampant et en mordant (très beau moment d'humour second degré où le personnage principal réduit à un tronc avance encore). Les 58 pages suivantes sont dessinées par Critchlow dans un style plus brut, pas fait pour faire joli, assez rugueux, rappelant aussi bien Kevin O'Neill (en moins anguleux) que Carlos Ezquerra. La narration est claire, les décors rares, et Judge Dredd prend les poses habituelles, à commencer par l'appel à la radio assis sur sa moto, en vue de trois quarts arrière. Critchlow a l'art et la manière de faire prendre corps à un environnement peu accueillant, à la fois stérile (aucun végétal) et un peu usé, où évoluent des personnages usés par la vie, sans joie de vivre. Après la première histoire exceptionnelle, celle-ci apparaît comme superflue. Malgré tout elle permet de retrouver Nate Slaughterhouse coincé dans une nouvelle situation inextricable, d'avance perdant, avec quelques dilemmes moraux bien posés.

20/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Last American
Last American

Le spectacle doit continuer. - Ce tome constitue un récit complet et indépendant de tout autre. Il comprend les 4 épisodes, initialement parus en 1990/1991, coécrits par Alan Grant & John Wagner, dessinés, encrés et mis en couleurs par Mick Mahon. Cette histoire est parue à l'origine dans le label Epic Comics de Marvel, une branche adulte créée sur le modèle de Heavy Metal, l'homologue du magazine Métal Hurlant français. Ce recueil commence par une introduction en texte d'une page, écrite par Mick McMahon, sur l'impact psychologique de la crainte d'une guerre nucléaire quand il était jeune. Dans une chambre souterraine, un appareillage technologique arrive au terme de sa mission : réveiller un soldat américain cryogénisé 20 ans plutôt. En 2019, le 4 juillet (date symbolique), le caisson se vide de ses fluides. 3 robots, dotés de parole et d'intelligence, arrivent dans la salle du caisson pour assister au réveil et aider le soldat. Able et Baker sont les 2 robots chargés des tâches militaires, allant de la logistique à la bataille, en passant par la conduite de véhicule. Charlie est chargé de l'assistance personnelle à Ulysses Pilgrim et de maintenir son moral. Il s'exprime de manière joyeuse, avec un discours émaillé de références à la culture populaire américaine, surtout télévisuelle. Pilgrim ne regagne pas connaissance tout de suite. du coup Able et Baker le secouent un peu pour le stimuler. Ayant repris ses esprits, Ulysses Pilgrim se plaint de continuer à ressentir le froid jusque dans ses os. Néanmoins, il est bientôt prêt à sortir à l'extérieur après avoir eu la confirmation qu'une guerre nucléaire a eu lieu. Il demande aux robots qui en est sorti vainqueur, et comprend vite que les circonstances de son réveil indiquent que ce n'est pas les États-Unis. C'est donc forcément l'ennemi. Après avoir été armé de pied en cape par Able & Baker, le Commandant de l'Apocalypse (c'est son grade officiel) sort à l'extérieur, flanqué des 3 robots. Il découvre un paysage désolé, et un ciel cramoisi comme s'il avait absorbé le sang des victimes de la guerre. Ils montent tous les 4 à bord d'un énorme tank sur chenilles et commencent à se diriger vers la ville la plus porche. Ils ne croisent pas âme qui vive. Pilgrim observe les cadavres dans les voitures qui jonchent l'autoroute. Il remarque que les occupants portaient des vêtements très chauds, comme s'ils devaient se protéger de l'hiver nucléaire. Pilgrim se demande ce que sont devenus Barbara et Tony, sa femme et son fils. En 1982, Jim Shooter décide de créer une branche plus adulte au sein de l'éditeur Marvel. Avec l'aide d'Archie Goodwin et Al Milgrom, ils lancent d'abord un magazine appelé Epic Illustrated, puis quelques histoires complètes dans la ligne Graphic Novel de Marvel, et enfin des miniséries et des séries comme Moonshadow, Blood: A tale, ou encore Dreadstar, The Bozz Chronicles, et même des projets de superhéros trop particuliers comme Elektra: Assassin, ainsi que des partenariats avec des créateurs comme Moebius ou Clive Barker. Lorsqu'arrive cette histoire post-apocalyptique, le lecteur commence par se dire que l'éditeur profite de l'engouement du lectorat américain pour les auteurs anglais (la British Invasion initiée par Alan Moore, Neil Gaiman, ou encore Grant Morrison), et qu'il a juste débauché Alan Grant & John Wagner (le duo qui écrit les aventures de Judge Dredd dans 2000 AD à l'époque) et Mike McMahon, dessinateur à la forte personnalité graphique, connu pour avoir illustré Judge Dredd et Sláine: Warrior's dawn également dans les pages de 2000 AD. La couverture est assez étrange avec ce soldat à l'uniforme composite (avec des guêtres ?), une main énorme, tirant sur un ennemi invisible. Cette réédition est de très bonne qualité réussissant à rendre les tonalités des couleurs, sans impression boueuse. L'introduction de Mick McMahon permet de bien saisir l'intention des auteurs : évoquer l'angoisse d'une apocalypse nucléaire, catastrophe jugée très probable pendant la Guerre Froide (1947-1991), ayant traumatisé des générations entières par l'idée hallucinante que le genre humain a créé lui-même des armes assez puissantes pour se détruire (et même plusieurs fois), et par des spots télévisés expliquant que faire en cas d'alerte de guerre nucléaire. le label Epic Comics indiquait qu'il ne s'agirait pas d'un simple récit de survie après la guerre, et la nationalité des auteurs indiquait (et indique encore) que la nation des États-Unis n'en ressortirait pas forcément grandie. Il vaut mieux avoir conscience de ce contexte éditorial pour pouvoir apprécier le récit. En effet Ulysses Pilgrim sort du bunker flanqué des 3 robots et il parcourt du terrain à bord de son tank en constatant la dévastation et l'absence de tout être vivant. Et c'est à peu près tout pour l'intrigue. Il faut également un temps d'adaptation pour les dessins. Mick McMahon aime bien les traits droits et les oreilles décollées. Mick McMahon réalise lui-même sa mise en couleurs dans des teintes assez sombres, rendant compte de l'impression crépusculaire des environnements post-apocalyptiques. Il semble travailler à la peinture directe, avec des couleurs plutôt unies, sans dégradés tels que l'aquarelle peut le permettre. Il porte les variations de luminosité en détourant des zones sur les surfaces concernées, et en y appliquant une nuance plus claire ou plus foncée. L'effet est parfois surprenant car sur les visages, ces surfaces sont détourées à angle droit, formant souvent des rectangles, ce qui se marie mal avec le relief d'une figure par exemple. Néanmoins, il ne s'agit pas non plus d'aplats d'une couleur uniforme. le lecteur distingue de de petites variations qui produisent un effet de texture sur les surfaces. L'artiste accentue cette impression de texture avec des traits souvent très fins, parfois un peu gras pour marquer les plis des étoffes ou de la peau. le résultat est à nouveau parfois étrange, surtout sur la peau, avec de nombreux petits traits secs, pas forcément bien jointifs, dont l'extrémité peut déborder un tout petit peu de l'autre trait sur lequel elle vient mourir, comme si le dessinateur avait tracé ça vite fait et n'avait pas voulu souhaiter peaufiner après coup. le résultat est également assez étrange pour les visages, dont la peau semble ne pas être élastique de la même manière partout, subissant des plis sur des lignes droites. le lecteur observe que McMahon exagère aussi discrètement quelques détails anatomiques comme la pliure au niveau du poignet (à angle droit bien marqué) ou la taille des cuisses, et les oreilles systématiquement décollées. D'un autre côté ces caractéristiques graphiques permettent de bien rendre compte de la nature mécanique des robots, sans que jamais le lecteur ne puisse y voir des simulacres ou des ersatz d'êtres humains. le tank est incroyablement massif et les dessins montrent qu'il peut effectivement passer partout, écraser tous les obstacles présents sur son chemin, à commencer par les carcasses de voitures. Ainsi dessinée, la végétation devient bizarre, transcrivant son évolution malsaine sous l'influence des radiations et de l'hiver nucléaire. À plusieurs reprises, Mick McMahon s'éloigne d'une représentation trop littérale, ce qui permet à certains éléments de prendre une dimension plus conceptuelle, comme les squelettes présents dans le paysage, ou les pierres sur le sol ou dans l'air. En fait, l'artiste représente des boules irrégulières semblant de nature rocheuse, présentes aussi bien sur le sol que tombant dans l'air. le lecteur suppute que pour ces dernières il s'agit de flocons imbibés de cendre, ce qui leur donne cette étrange apparence. En liant les 2 (pierres & flocons) de manière visuelle, le dessinateur donne à voir un environnement en déliquescence dont des parties se désagrègent et tombent sous les yeux du lecteur. Il est possible qu'il faille un petit temps d'adaptation au lecteur pour se faire à l'esthétique particulière des dessins de Mick McMahon, mais la narration visuelle reste claire et facile à suivre. Alan Grant & John Wagner n'ont pas facilité la tâche de l'artiste car eux aussi ont recours à des métaphores visuelles plus ou moins subtiles pour raconter leur histoire. Parmi les moins subtiles, il y a la vision de cet aigle ayant subi des mutations et s'acharnant sur une charogne pour se nourrir, soit une métaphore appuyée des États-Unis (dont l'aigle est le symbole) se nourrissant de ce qu'il a détruit. Dans le deuxième épisode, il y a également une scène hallucinante dans laquelle les cadavres semblent revenir à la vie pour se lancer dans une comédie musicale sur les bienfaits de la mort par irradiation atomique. le lecteur se rend compte que la dimension un peu abstraite des dessins permet de faire passer cette scène, sans qu'elle ne soit ridicule ou outrée, juste grotesque et particulièrement sarcastique et macabre. Les coscénaristes mettent en scène un homme finalement très normal. Ils ont pris soin d'en faire un soldat, ce qui semble logique pour qu'il puisse survivre dans un tel environnement, et d'expliquer comment il a été choisi et ce qui l'a convaincu d'accepter. Ils montrent que ce n'est pas un surhomme et que ses talents de guerrier ne lui permettent pas de faire face à la désolation de ces États-Unis après la bombe. Ulysses Pilgrim a été contraint et forcé d'accepter d'être le survivant en subissant cette cryogénisation et il n'est pas devenu un surhomme pour autant, ou capable de gérer l'ampleur du désastre et l'absence de survivants. Ils introduisent un contrepoint comique par le biais de Charlie, le robot qui cite des accroches de séries télévisuelles. Pour le reste, Ulysses Pilgrim découvre la réalité de ce monde après la guerre. Grant & Wagner évoquent les horreurs attendues, les cadavres laissés sur place, les autoroutes encombrées par les voitures des habitants essayant de fuir, les fourmis comme seule espèce ayant survécu aux radiations, les zones encore irradiées, la statue de la Liberté décapitée, les phases de dépression d'Ulysses Pilgrim en tant que seul survivant. Les coscénaristes manient également l'allusion et la métaphore avec plus ou moins de légèreté. le lecteur sourira plus aux références de Charlie s'il dispose d'une culture des années 1970/1980, sinon il ne pourra que subodorer l'existence de ces références, en en découvrant une qu'il saisit (comme celle au Magical mystery tour, des Beatles) et des artefacts technologiques d'une autre époque (comme un lecteur de cassette audio). Ils mettent en scène les particularités culturelles des États-Unis soit de manière directe (la première action d'Ulysses Pilgrim est de s'armer jusqu'aux dents avant de sortir), soit de manière métaphorique avec l'aigle malformé, soit de manière plus imagée (comme le tank qui écrase tout sur son passage, comme l'armée), soit encore sous forme de visions (comme cette comédie musicale interprétée par des cadavres). Parfois ils y vont lourdement : la naissance d'Ulysses Pilgrim le jour de la mort de John Fitzgerald Kennedy, l'exécution des détenus dans une prison, les présidents des États-Unis au Paradis, Pilgrim en train de s'en prendre à Dieu, etc. En découvrant l'action principale de chaque épisode, le lecteur se demande même s'ils savaient bien où ils allaient dès le début, ou s'ils ont improvisé une ou deux péripéties au fur et à mesure. Le tome se clôt avec les paroles de l'hymen américain dans un contexte qui leur donne un autre sens, et le lecteur éprouve la sensation de sortir d'un mauvais rêve. Bien qu'il se demande encore si les expérimentations dans un autre bunker étaient bien nécessaires au récit, il a vécu un songe étrange, un cauchemar rendant bien compte de l'angoisse générée par l'éventualité d'une guerre nucléaire, de l'environnement ravagé et impropre à la vie. Il a également eu droit à une tragédie pour un individu incapable d'appréhender l'énormité de la situation, et à une critique pénétrante d'un pays qui se positionne comme le plus grand de la planète, même si certains propos sont plus appuyés que d'autres. Il a découvert un récit très personnel, tant pour la narration visuelle que pour la suite des péripéties, mettant en scène un individu ayant les caractéristiques d'un héros d'action, se retrouvant complètement inadapté et inefficace dans des circonstances que la seule raison ne permet pas d'appréhender.

20/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Sláine (Délirium)
Sláine (Délirium)

Un barbare enraciné dans la mythologie celtique (avis sur le tome 1) - Ce tome est le premier dans la série ayant pour personnage principal Sláine. Il comprend les épisodes parus dans les numéros 330 à 360 du magazine 2000 AD, en 1983/1984. Tous les épisodes sont écrits par Pat Mills. Angela Kincaid dessine le premier épisode. Massimo Belardinelli dessine les épisodes 331 à 334, 337 à 344. Mike McMahon dessine les épisodes 335, 336 et 345 à 360. Tous les épisodes sont en noir & blanc ; ils comportent chacun 6 ou 7 pages. La première histoire montre Sláine MacRoth en train de se battre contre un gros monstre (croisement de dinosaure et de lézard) pendant que le nain Ukko vide subrepticement les bourses des 4 individus qui ont parié sur l'issue du combat. Les histoires suivantes sont narrées de temps à autre par Ukko, individu plutôt pleutre, prompt à se cacher pendant que Sláine se bat, voleur, menteur et arnaqueur. Ces histoires prennent place dans Tír na nÓg (la Terre de l'éternelle jeunesse), une Terre légendaire de la mythologie celtique, correspondant ici à une Angleterre datant d'avant sa séparation d'avec le continent européen. Sláine est un valeureux guerrier issu de la tribu de Cesaire qui a dû la quitter après avoir courtisé Niamh, la fille du Roi. Il fait partie des guerriers Red Branch, ceux capables de maîtriser les énergies de la déesse mère lors de monstrueux spasmes de déformation (warp spasm). Au cours de ces aventures, Sláine et Ukko vont acheter une prison abritant un monstre à écailles, libérer Medb (une jeune femme) promise en sacrifice à Crom Cruach, échapper à un nain maréchal ferrant trempant ses lames dans le sang, exterminer un monstre Shoggey, servir de gardes du corps à Slough Throt, un seigneur Drune. Un barbare hirsute, avec un pagne ceint autour des hanches, une arme tranchante (ici une hache) dans une époque mythique (l'âge d'or de la légende des celtes, en lieu et place de l'âge hyborien) se battant contre des créatures surnaturelles, des sorciers et autres monstres : difficile de ne pas penser à Conan le barbare de Robert Erwin Howard et à ses adaptations en comics (Tower of the elephant and other stories et suivants ou The savage sword of Conan Vol. 1). Dans les 3 pages de fin, Pat Mills indique qu'il s'est également inspiré de Cúchulainn (héros de la mythologie celtique irlandaise, La geste de Cuchulainn). Or l'expérience montre que les conventions du genre "heroic fantasy" peuvent vite enfermer les scénaristes dans des schémas répétitifs à délivrer la belle jeune femme contre le monstre du mois, dans un environnement sans épaisseur. Ici, scénariste et dessinateurs font preuve d'une inventivité et d'une originalité tout du long, sans tomber dans la redite ou l'ersatz. Les larges emprunts à la mythologie celtique permettent à Pat Mills de nourrir l'environnement de Sláine, le rendant étoffé et substantiel dès les premières pages. Si l'on retrouve le thème du guerrier déraciné, Mills fait en sorte que les circonstances du départ de Sláine soient différentes de celle de Conan, et le lecteur a la surprise de croiser le père du héros. Si Sláine se bat régulièrement contre des monstres surnaturels, Mills s'abreuve à une autre source que celles de Robert E. Howard (et plus tard Roy Thomas et tous ceux qui le suivront) s'écartant ainsi des stéréotypes établis dans les itérations de Conan. Enfin, Mills envisage dès le départ une narration au long cours, avec des péripéties et une forme sortant de l'ordinaire. Pour commencer, ces aventures sont émaillées des commentaires d'Ukko qui se met en avant comme étant le cerveau de l'association, en faisant passer sa propre couardise pour de la sagesse. Ce point de vue introduit une touche d'humour sarcastique qui fait souvent mouche, sans devenir répétitif. Enfin, je ne me souviens pas que Conan se soit un jour retrouvé propriétaire d'une prison gérée comme une entreprise, dégageant des bénéfices. Les lecteurs férus de mythologie celtique reconnaîtront facilement les emprunts tels que Tír na nÓg, Danu, Crom Cruach, le rite du Wicker Man, la tribu de Cesair, les alignements de mégalithes, etc. À l'évidence, Pat Mills dispose d'une culture pas simplement superficielle, puisqu'il incorpore également des éléments très spécifiques comme le spasme de déformation et le culte de la déesse mère. À l'opposé des conventions du genre "heroic fantasy" de l'époque, il intègre une composante féminine dans son récit. Au premier abord, il s'agit des aventures d'un homme musclé, très fort, réglant ses problèmes à coups de hache, fracassant le crâne de ses ennemis. Toutefois, dans ce tome, Sláine se retrouve à se défendre contre Medb (une prêtresse) qui ne joue pas le rôle de la demoiselle en détresse, ou de l'objet sexuel, mais bien d'ennemi crédible. En filigrane, les personnages font référence à la déesse mère, composante qui prendra plus d'importance dans les tomes suivants. Dès ce premier tome, Pat Mills met en place les éléments récurrents de l'univers de Sláine, des personnages secondaires (Ukko, Cathbad, Niamh), aux ennemis (Lord Weird Slough Feg, Medb, les Drunes), en passant par les armes (dont la terrible lance Gae Bolga, à la pointe hérissée d'ardillons l'empêchant de ressortir de la blessure). le tome commence avec une courte page d'introduction dans laquelle Pat Mills décrit la réaction initiale des lecteurs aux 3 dessinateurs successifs. Dès le premier tome, il explique que la série bénéficie de dessinateurs qui tranchent par rapport à l'ordinaire de l'époque. Il revient donc à une femme la responsabilité de définir l'apparence du personnage et de son environnement. Dès le premier épisode, le lecteur découvre que Sláine prononce sa célèbre phrase "Kiss my axe". Avec le regard d'aujourd'hui, le lecteur découvre des dessins très détaillés (il ne manque pas une seule écaille sur le monstre), un peu tassés (sachant que le format d'édition d'origine était plus grand), évoquant un peu les dessins de Bryan Talbot. Pour les 12 épisodes qu'il dessine, Massimo Belardinelli se calque sur cette approche méticuleuse, détaillée dans une veine réaliste, dont le seul défaut est que les personnages donnent parfois l'impression de poser un peu. Cette approche très descriptive fait que 30 ans plus tard ces épisodes restent lisibles et graphiquement intéressants, dans un style classique qui n'a pas vieilli. Il n'y a qu'une seule scène souffrant de simplisme : l'entassement des prisonniers dans le Wicker Man, dont il n'est pas possible de comprendre la structure (comment ils peuvent être entassés par étages). Le style de Mike McMahon diffère un peu. Il est moins peaufiné, plus rugueux, plus brut, moins plaisant à l'oeil, avec une façon étrange de remplir les ombrages. À un aplat uniforme, il préfère une multitude de traits qui laisse un peu de blancs sur la surface. Cela donne une apparence très dense, tout en renforçant de manière unique les textures. Les visages sont taillés à la serpe, transcrivant le caractère fruste de cette civilisation d'un autre âge. D'une certaine manière, le style de McMahon transcrit à merveille l'ambiance ancienne et antique de ces aventures, à condition que le lecteur se fasse à cette apparence un peu fruste. À nouveau, les dessins de McMahon n'ont pas pris une ride du fait de ce style déconnecté des modes l'époque. Pour un premier tome, Mills, Kincaid, Belardinelli et McMahon font très fort, créant de toutes pièces un environnement crédible et tangible et un héros aux capacités peu courantes, ne sachant pas trop comment faire un usage satisfaisant de ses capacités. Tout n'est quand même parfait du premier coup. Pat Mills utilise quelques raccourcis et ellipses assez brutaux en termes de transition, et le spasme de déformation présente parfois des relents de superpouvoirs arrivant à point nommé pour sortir le héros d'une situation périlleuse. Les postures des personnages sont parfois compassées (surtout chez Belardinelli). Si le lecteur ne doute pas une seconde que l'éditeur Rebellion a fait de son mieux pour assurer une bonne qualité de reprographie, il semble avoir éprouvé des difficultés avec les planches de McMahon qui peuvent être soit nettes avec des noirs bien francs, soit étrangement délavées (l'encrage apparaît gris plutôt que noir), soit saturées de contraste (au point de faire baver les noirs). Si cette dernière particularité ne gène en rien la lecture, elle peut déconcerter de par la disparité de tonalité qu'elle génère entre différents épisodes. Après cette introduction impressionnante du personnage et de son environnement si particulier, le lecteur éprouve une envie irrésistible de retrouver Sláine dans Time killer (progs 361 à 367 illustrés par Massimo Belardinelli, et 411 à 428, 431 à 434 illustrés par Glenn Fabry, David Pugh et Bryan Talbot). Ce premier tome constitue une chance inespérée de pouvoir découvrir la genèse de Sláine, lecture indispensable pour la suite de ses aventures, car Pat Mills a la fâcheuse habitude de ne jamais faire de rappel, estimant qu'il appartient au lecteur d'avoir lu ce qui précède.

20/05/2024 (modifier)
Couverture de la série La Neige était sale
La Neige était sale

J'ai déjà été séduit par plusieurs créations de Fromental ( le coup de Prague, Miss Chat) dans des genres différents mais là je trouve qu'il s'est surpassé. De Simenon je connais ses romans parus chez Gallimard et bien sûr Maigret en version TV. "La neige était sale" est donc une découverte et malgré les excellents avis j'ai commencé ma lecture sans apriori. Fromental a fait un travail extraordinaire dans l'équilibre quasi parfait du texte off de Simenon, de ses dialogues et de la narration graphique de Yslaire. Comme le souligne l'auteur il y a beaucoup de l'intime familial de Simenon dans le personnage de Frank. Fromental réussit la prouesse de nous faire comprendre les mécanismes qui ont permis l'éclosion de ce chef-d'œuvre. Yslaire nous fait voyager dans une ambiance totalitaire sans distinction politique mais qui imprègne l'atmosphère du quasi huis clos dans laquelle se cloitre Frank. L'excellente postface de Fromental nous ouvre les yeux sur la parenté de l'œuvre avec L'Etranger de Camus. Frank est le stéréotype du personnage qui vit hors de soi. Il reste dans l'indifférence totale de son environnement et des conséquences de ses actions qui sont pour lui sans signification. L'étude psychologique que proposent les auteurs est très fine, à la fois dans son intelligence textuelle mais aussi dans son aspect physique soigné mais impersonnel. Un tout petit geste final lui permettra de réintégrer la communauté humaine. Je n'ai pas tari d'éloge sur le travail de Fromental mais je peux reprendre les mêmes félicitations pour le graphisme de Yslaire. Le travail sur les détails de l'appartement/bordel est exceptionnel. Chaque objet de la cuisine, de la chambre ou du salon renvoie à une ambiance de marché noir en période de pénurie. Les extérieurs nous font voyager à travers de nombreuses capitales d'Europe Centrale sans que l'on sache où poser nos valises Est ou Ouest ? Enfin Frank avec sa gueule d'amour de 18 ans se trouve dans une galerie de caricatures plus ou moins repoussantes à l'exception des jeunes filles. Une lecture marquante par son excellence dans presque tous les domaines pour un réel hommage au talent du romancier belge.

20/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Mad présente Sergio Aragonès
Mad présente Sergio Aragonès

L’inénarrable Sergio Aragones et son humour chaleureux - Ce recueil regroupe des gags humoristiques (essentiellement sous forme de strips de 3 ou 4 cases) réalisés par Sergio Aragonés (scénario et dessins) en noir & blanc (une dizaine de pages en couleurs en fin de volume) pour le magazine humoristique MAD. Une page sur deux, le lecteur retrouve également de nouveaux "marginals" (des petits dessins apposés dans les marges de l'ouvrage). Comme le titre l'indique, le lecteur aura le plaisir de lire des blagues de Sergio Aragonés regroupées par décennie : 1960, 1970, 1980, 1990, 2000. Au fil des années, Aragonés se spécialise dans une rubrique intitulée "The MAD look at..." étant thématique et tournant en dérision tout ce qui passe par la tête d'Aragonés à commencer par la course à l'espace (pour sa toute première participation à MAD) jusqu'à la réalité de la récession économique pour la dernière de ce tome. C'est ainsi que le lecteur verra défiler des thèmes variés tels que le football américain, les éboueurs, Batman (dans les années 1960), les monstres de cinéma, le mariage, les requins, King Kong, Star Wars (dans les années 1970), les parcs d'attraction Disney, un camp d'entraînement de terroristes (toujours dans les années 1970), un centre commercial à l'approche de Noël, l'obésité, le baseball, les dinosaures, les tatouages, les OVNI, le harcèlement sexuel, les piercings, le racisme, Las Vegas, Harry Potter, la chirurgie esthétique, les mères, l'infidélité conjugale, la sécurité dans les aéroports, et bien d'autres encore. Le magazine de MAD est créé en 1952 par Harvey Kurtzman, il incarne une tradition humoristique aux États-Unis depuis cette époque, avec des valeurs politiques et sociales à ses débuts, perdues en cours de route au profit d'un humour plus potache destiné essentiellement aux adolescents et aux jeunes adultes. Mais à son arrivée, Aragonés apporte un humour 100% visuel et essentiellement apolitique, sans aucun texte, si ce n'est un panneau ou une enseigne de temps à autre. Dès la première double page consacrée à la conquête spatiale, les particularités du style d'Aragonés apparaissent. En termes de forme des personnages, il est adepte des silhouettes exagérées, avec un gros nez et une partie médiane assez arrondie. Au fil des décennies il est possible d'assister à une lente évolution vers des formes plus agréable à regarder (ajustement des proportions et trait plus délié) et à une amélioration des expressions des visages. En fonction de l'objet du strip, Aragonés peut également avoir recours à des silhouettes filiformes, ou à la musculature exagérée (pour un regard sur les clubs de gym par exemple). Même dans ces cas là, le visage reste exagéré, avec des traits simplifiés pour ne garder que le plus signifiant. Les illustrations d'Aragonés appellent naturellement un examen plus détaillé. D'un coté, il dessine avec ce qui pourrait être un stylo bille : toujours la même épaisseur de trait, aucune variation, de très rares aplats de noir (vraiment une exception). Ce parti pris donne des dessins vite lus, très faciles à assimiler, avec une sorte de légèreté due à l'absence de surfaces noires compactes. En lecture rapide, on a l'impression de voir plutôt des personnages rapidement esquissés, des croquis vite faits. Mais très rapidement il apparaît que la densité d'information visuelle est plus élevée que ne le laisse croire l'apparence. Quels que soient le contexte et les personnages, le lecteur a la surprise de constater qu'il n'est jamais en présence d'un individu générique, ou d'un décor passepartout. En prenant au hasard, à chaque fois, le personnage présente des singularités qui le rendent unique. Même lorsqu'il dessine un groupe de 4 militaires en uniforme, chacun a une silhouette spécifique, une posture différente, un visage de forme différente. Derrière l'apparence expéditive des dessins se trouve une capacité exceptionnelle à créer toute sorte d'individus, tous particuliers et tous familiers. Il en va de même pour les tenues vestimentaires, les accessoires et pour les décors. Ce qui frappe également, c'est qu'Aragonés croque avec la même habilité et la même justesse chaque objet, chaque élément de décor. Sous des dehors de croquis rapide, il retranscrit avec pertinence et intelligence chaque élément qu'il s'agisse d'un rideau de douche (à la fixation fonctionnelle), un cockpit d'avion avec les bonnes commandes à leur place, une pompe à essence avec son pistolet en état d'utilisation, une cave à vins dans un restaurant, l'agencement de l'arrière boutique d'un fast-food, une table d'opération dans un hôpital, etc. Mine de rien ces petits détails contribuent à ce que le lecteur puisse s'immerger instantanément dans chaque lieu, aux cotés de chaque personnage. Il s'avère qu'il est tout aussi habile à reproduire l'apparence de personnages de fiction connus telle cette troupe de gugusses qui ne sont autre que les Ghostbusters. D'un point de vue graphique, Sergio Aragonés estomaque le lecteur lorsqu'il se lance dans une double page bourrée à craquer de détails. C'est donc le cas de ce camp d'entraînement pour terroriste, mais aussi de ce centre commercial à la veille de Noël. Il est possible de passer un quart d'heure à explorer chaque centimètre carré de cette illustration pour découvrir détail après détail, ainsi que les activités d'environ 200 personnages différents. Cela dénote un sens exceptionnel de l'organisation spatiale pour que tout reste lisible malgré la densité hallucinante d'informations. le lecteur se lance alors dans une lecture qui peut rappeler ces livres où il faut retrouver un personnage perdu dans une illustration d'envergure (par exemple Où est Charlie ?). Petite cerise sur le gâteau : Aragonés est capable de glisser Groo ou Rufferto (son chien) au détour d'une case, comme ça discrètement. Et l'humour dans tout ça ? Sergio Aragonés pratique un humour débordant d'humanisme, évitant la moquerie ou la méchanceté. D'un certain coté, cette compilation d'une énorme quantité de gags peut finir par devenir fade. Voilà un monsieur qui refuse l'humour qui tâche, les attaques sous la ceinture, le pointage du doigt d'un individu ou d'une catégorie d'individu et qui débite du gag à raison de 4 à 6 par page pendant 250 pages. C'est sûr que lu d'une traite ou même en 4 ou 5 fois, il s'installe un sentiment d'engourdissement qui fait perdre le goût de chaque blague. Il est vrai aussi que certains gags sont très basiques. Un marginal parmi tant d'autres : un monsieur s'enfuit d'une boutique de tatouage quand il découvre que le tatoueur est une armoire à glace. Seule l'exagération de la pantomime transforme la situation en gag. Mais pris un par un chaque gag recèle un trésor d'inventivité et d'expressivité. Il y a par exemple ce vendeur d'automobiles qui voit arriver des parents avec leur grand fils. Chaque personne dispose d'un phylactère dans lequel le lecteur découvre le modèle de voiture auquel il pense ; ils sont tous différents. Ils repartent bien sûr avec le modèle que le vendeur avait décidé de leur fourguer. En 2 cases, Aragonés a raconté une petite histoire sur les envies de chacun et la réalité économique. Dans les 2 premières décennies, il utilise également un dispositif irrésistible : dépeindre une scène avec des personnages et représenter leurs ombres en train de se conduire comme ils souhaiteraient vraiment se conduire ("The shadow knows", jeu de mot sur le slogan d'un personnage de pulp). Au fil des pages, le lecteur aura également la surprise de voir apparaître en creux l'évolution de la société américaine. Dans les années 1960, l'image de la femme dans la société était essentiellement celle de la mère au foyer, ce qui va évoluer au fil des gags et des décennies. Il y aura également le passage en revue de plusieurs phénomènes de mode ou d'événement de nature culturelle : Woodstock, la conservation du patrimoine architectural, les rejets de polluants en rivière, Jaws de Steven Spielberg, Star Wars, la génération hippie convertie au capitalisme, le service militaire, les jeux olympiques, le harcèlement sexuel, la libre détention d'armes à feu, les accros aux jeux vidéo, etc. Ce recueil bénéfice également d'un grand format (identique à celui du magazine MAD) et un beau papier épais. Il s'agit donc d'un plaisir de lecture d'une forme différente susceptible de plaire pour plusieurs raisons, en fonction des lecteurs. C'est une occasion exceptionnelle de découvrir le talent d'un monsieur modeste à l'expressivité exceptionnelle : Sergio Aragonés.

20/05/2024 (modifier)