Les derniers avis (105157 avis)

Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série Le Cas Alan Turing
Le Cas Alan Turing

2.5 Je connaissais les grandes lignes de la vie d'Alan Turing et c'est peut-être une des raisons qui explique pourquoi j'ai moyennement accroché à cette biographie. Il faut dire aussi que ce qui m'intéressais le plus c'était la vie privée du pauvre Turing qui était homosexuel dans une époque où c'était un crime et on voit surtout tout ce qui tourne autour des codes de l'Enigma. Disons que voir comment les britanniques vont déchiffrer le code n'est pas très palpitant lorsqu'on sait déjà comment ça va finir. J'ai mieux accroché lorsque l'action se déplace après la guerre et qu'on voit comment l'Angleterre a maltraité Turing qui était pourtant un héros de guerre, mais c'est juste une petite partie du scénario. Une autre raison pourquoi je n'ai pas trop accroché est le dessin. C'est du réaliste pas du tout agréable à regarder et un peu figé qui donne l'impression qu'on a juste dessiné par-dessus des photos. J'ai aussi trouvé la mise en scène un peu lourde. Par exemple, Turing s'est suicidé en mangeant une pomme empoissé alors tout le long de l'album on va avoir droit à des allusions au Blanche-Neige de Disney. Qu'on fasse une allusion symbolique au film, pourquoi pas, mais à répétition cela devient juste irritant. On va dire que c'est un album pour ceux qui ne connaissent rien à ce personnage historique.

24/04/2024 (modifier)
Par Hervé
Note: 2/5
Couverture de la série Quelque chose de froid
Quelque chose de froid

Je n'ai guère été convaincu par cet album, pourtant que j'attendais avec impatience. Au vu des auteurs, Pelaez qui a signé de très bon albums depuis quelques temps et Labiano, dessinateur emblématique de la série Black Op je m'attendais à un festival. J'ai même commandé la version n&b de l'album pour mieux en apprécier l'atmosphère de polar noir. Mais j'avoue ne pas avoir accroché à l'intrigue, Je ne sais si cela est dû à la voix off des premières pages qui alourdit le récit ou encore à un scénario assez bancal, qui en voulant trop rendre hommage au film noir américain, finit par se perdre voire perdre le lecteur, en tout cas j'ai eu du mal à finir cet album. Par contre le dessin de Labiano, dans la version grand format noir et blanc, ne souffre d'aucun défaut, au contraire, l'édition n&b vient renforcer la noirceur du récit. Bref, un avis assez réservé sur ce titre. Dommage.

24/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série A.D. After Death
A.D. After Death

Vieillissant - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de tout autre. Il regroupe les 3 épisodes, initialement parus en 2016/2017, écrits par Scott Snyder, dessinés, encrés et peints par Jeff Lemire. Chaque numéro comportait environ 70, aussi des pages de bandes dessinées traditionnelles, que des pages de texte avec une illustration. En 1986, les parents de Jonah Cooke (6 ans) l'emmènent passer quelques jours de vacances en Floride. Sa mère fait un malaise alors qu'ils se sont arrêtés en voyant un objet brillant dans le ciel. Il s'agissait d'un groupe de ballons de baudruches portant un ticket pour un lot gagnant. Au temps présent (dans un futur indéterminé), un individu adulte progresse dans une jungle de plantes inconnues (peut-être d'origine extraterrestre) en se frayant un chemin à la machette. Il transporte un énorme sac rectangulaire sur le dos. Il répond à une voix hachée et pleine de parasites dans sa radio. Il se fait attaquer par des créatures violettes, peut-être végétales, peut-être animales. En 825 AD (AD = After Death), 3 ou 4 humains sont en train de s'occuper d'un troupeau de vaches paisibles sur un haut plateau de la cordillère des Andes. Jonah Cooke indique à l'un des présents qu'il va bientôt partir pour effectuer son service. À l'insu des autres, il a dérobé un veau qu'il a baptisé Darwyn, et qu'il a mis sur le plateau de son pick-up, sous une bâche. Il l'emmène dans son entrepôt où se trouvent de nombreux objets hétéroclites qu'il a également volés, allant d'un piano à queue à une toile de maître en passant par une armure médiévale, une barque en bois, etc. La narration repasse alors à des pages de texte dans lesquelles le narrateur évoque sa jeunesse, et la première fois qu'il a volé un objet, en l'occurrence un lecteur de cassette audio en 1990. Scott Snyder a acquis une forte notoriété en écrivant la série mensuelle Batman. Jeff Lemire a d'abord acquis sa renommée pour ses œuvres indépendantes, avant d'écrire aussi pour des superhéros mais plutôt pour Marvel, puis pour Valiant. le lecteur est à la fois intrigué par l'association de ces 2 créateurs à la forte personnalité et par l'étrange couverture cryptique. Il feuillète le tome pour se faire une idée. Il remarque qu'il s'agit bien des dessins si particuliers de Jeff Lemire, mais aussi que l'ouvrage contient un nombre de pages de texte significatif, près de deux cinquièmes du total. À partir de là, il sait qu'il s'agit d'un récit à la forme originale. Pour beaucoup, des pages de texte dans une bande dessinée constituent une hérésie rédhibitoire : décider de se lancer dans la lecture d'une bande dessinée, ce n'est pas pour se taper des pages de livres. Donc pour une partie du lectorat, les pages de texte font de cet ouvrage un anathème, issu d'une alliance contre nature, et il est alors hors de question de se lancer dans une telle abomination. de la même manière, pour un lecteur de roman, ces dessins pas très jolis aux contours pas très assurés ne font pas très sérieux, et le résultat est également contre nature. Il ne reste donc plus que les lecteurs aventureux se demandant s'il est vraiment possible de réconcilier ces 2 modes narratifs, et les lecteurs éprouvant une forte attirance pour les créations de l'un ou l'autre des auteurs. Effectivement, l'amalgame entre les pages de texte et les pages de bandes dessinées ne se fait pas. D'ailleurs, c'est comme si Snyder & Lemire avaient fait en sorte d'opposer les 2 modes narratifs. Les pages de texte disposent d'une illustration, mais celle-ci semble le plus souvent inutile car elle ne fait que représenter un élément déjà présent dans le texte. Plus surprenant, les auteurs ont fait en sorte que les pages de bandes dessinées ne comportent que le strict minimum en termes de mots. Elles se lisent donc très rapidement, le lecteur n'ayant besoin que de saisir ce qui est représenté. le contraste est donc très fort entre les textes nécessitant du temps pour les lire, et les bandes dessinées se lisant très vite. Jeff Lemire dessine comme à son habitude, en donnant l'impression que ses cases ont été réalisées très rapidement, avec des traits délimitant grossièrement les contours, sans jolis arrondis, avec des traits approximativement jointifs. Les personnages disposent de visages marqués par des plis peu flatteurs. Les lèvres et les yeux sont dessinés de manière grossière. Les vêtements semblent dessinés à la va-vite. Les éléments de décors sont représentés à l'emporte-pièce, sans beaucoup de détails, sans finition, sans texture. Néanmoins le lecteur constate que les pages de bande dessinée se lisent toutes seules, très rapidement, sans aucun doute sur ce qui est montré ou sur ce qui est en train de se passer, malgré l'absence de toute explication, de toute phrase qui serait redondante par rapport aux images. L'avancée à la machette dans l'étrange jungle montre une progression pénible et dangereuse, mais avec une densité d'informations visuelles assez faible. du coup le lecteur lit tout aussi rapidement les passages se déroulant dans ce futur approximatif, après la Mort (AD), sans trop s'y investir. Après coup, il finit par prendre conscience que tout aussi rapidement qu'ils semblent avoir été exécutés, les dessins comprennent finalement des informations autres que le simple fait de montrer ce qui se passe, et que ces informations revêtent un caractère utile pour le récit. de la même manière, Jeff Lemire donne l'impression de remplir ses cases à grand coup de pinceau pour appliquer des couleurs à l'aquarelle, juste pour habiller les dessins, pour qu'ils semblent moins vides. Mais au fur et à mesure, il apparaît qu'il ne s'agit pas que de peinturlurer les cases, et qu'il y a une complémentarité étonnante entre les traits encrés et les couleurs, malgré l'apparence simpliste, presqu'enfantine, de leur association. le lecteur reste un peu moins convaincu par l'intérêt des illustrations accolées aux pavés de texte, sauf peut-être comme rappel visuel de l'existence des pages de bandes dessinés avant et après celles de texte. Une fois entamé l'ouvrage, la promesse de pages de bande dessinée se lisant rapidement constitue comme une récompense pour le lecteur, et l'aide à conserver sa patience pendant les pages de texte. La prose de Scott Snyder s'inscrit dans un registre utile et factuel. Il ne s'attarde pas trop sur les sentiments de ses personnages, préférant raconter, avec de temps à autre une remarque sur l'état d'esprit de Jonah Cooke. le lecteur comprend assez vite que les pages de texte correspondent à la narration de Cooke avant la suppression de la mort. Il découvre donc son histoire personnelle au travers de faits marquants comme les pertes de connaissance de sa mère, et l'acquisition de compétences en matière de vol. Les auteurs ont décidé de jouer avec la chronologie des faits, que ce soit dans le passé, dans le présent, ou dans le passé proche. Ils n'abusent pas de ce dispositif et le lecteur peut facilement identifier à quelle époque se déroule quelle scène. Par contre cela aboutit à une découverte désordonnée des causes et des conséquences. Au fil des différentes séquences, le lecteur découvre comment un groupe d'individus a réussi à retarder l'effet de la vieillesse, jusqu'à rendre une communauté virtuellement immortelle. Il s'agit plus d'un récit de science-fiction que de réelle anticipation. le scénariste fait des efforts pour essayer de rendre la chose plausible, en évoquant des maladies comme un désordre de la néoténie, ou la fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP), mais les dessins montrent des éléments tellement étrangers qu'ils réduisent à néant la vraisemblance de ce qui est raconté. Snyder sait y faire pour capter l'attention du lecteur, par exemple avec les vols organisés de Jonah Cooke, portant sur des tableaux, du beurre, et allant jusqu'à voler la veste mortuaire d'un chanteur de country, une malade dans un hôpital, ou même une couleur encore jamais vue. Il développe la sensation d'étrangeté en limitant les contacts humains de Jonah Cooke, en lui faisant évoquer des personnes qui n'apparaissent pas sur la page. Il maintient la curiosité du lecteur avec l'évocation de choses diverses et variées comme le veau Darwyn, un paillasson de bienvenue, la recherche d'un groupe appelé Forager, ou encore l'examen des vêtements de qualité de monsieur Errant possédant une grosse fortune. Sa curiosité ainsi titillée, le lecteur se laisse balader de séquence en séquence, en se disant que tout ça finira bien par former un tout cohérent. Il apprécie quelques observations dénotant des idées aussi décalées qu'horribles, comme la possibilité que l'humanité ait atteint le stade de développement correspondant à la vieillesse et qu'elle s'achemine vers sa mort naturelle, ou comme l'idée que la capacité de la mémoire d'un humain est limitée. Il finit par se laisser surprendre quand l'histoire justifie cette forme si bizarre de pages de texte sur les faits passés, d'une manière naturelle et organique. Il éprouve plus de difficultés à faire passer d'autres éléments comme la survie De Claire, quand même peu probable vue sa maladie et la manière dont Jonah Cooke la transporte. Au final, il apprécie d'avoir lu une histoire complète et cohérente à la fois dans son intrigue et dans sa forme. Effectivement, ce tome constitue une expérience de lecture originale, sortant de l'ordinaire. Pour l'apprécier, il faut que le lecteur accorde sa confiance aux auteurs sur le fait qu'il s'agit d'une structure découlant de l'intrigue, et non pas d'un montage artificiel avec lequel les auteurs ont voulu se faire plaisir. Il finit par tomber sous le charme un peu primitif des dessins. Il se rend compte qu'il ne lui faut pas fournir beaucoup d'efforts pour lire les paragraphes de texte, même si l'écriture de Scott Snyder manque un peu de charme. Il apprécie que les auteurs aient raconté un récit de science-fiction en mettant à profit les conventions du genre pour regarder l'évolution de l'humanité sous un autre angle. Il termine sa lecture, content de la qualité narrative des pages de bandes dessinées, vaguement insatisfait de l'intrigue pour laquelle la forme prend un peu trop régulièrement le dessus sur la forme.

24/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Jack Joseph, soudeur sous-marin
Jack Joseph, soudeur sous-marin

Plonger sous les eaux - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Elle est parue d'un seul tenant, sans prépublication, publiée pour la première fois en 2012. Elle a été réalisée par Jeff Lemire qui a tout fait : scénario, dessins, encrage, nuances de gris. Il commence par une introduction de Damon Lindelof, comparant cette bande dessinée aux meilleurs épisodes de la série originelle Twilight Zone. le tome se termine avec 16 pages d'étude graphique, avec de brèves annotations de l'auteur. Peter Joseph a garé son pick-up face à l'océan. Une légère bruine tombe et il s'allume une clope à l'abri dans son véhicule. Il allume la radio qui diffuse une chanson sur le thème d'Halloween. Il fume tranquillement sa cigarette, puis éteint la radio. Il sort à l'extérieur et prend sa tenue de plongeur sous-marin. Il descend une bière, et revêt sa combinaison, en finissant par les palmes, puis par le masque. Il avance d'un pas professionnel vers l'océan et s'y enfonce très calmement. Des années plus tard, Jack Joseph, son fils, est en train de se raser avec un rasoir mécanique, et il se coupe un tout petit peu : une goutte de sang tombe dans le lavabo. Il regarde l'heure : 06h25. Il s'essuie le visage et va regarder Susan sa femme enceinte, encore endormie. Elle se réveille, lui demande l'heure, et s'il va bien. Il répond qu'il a eu une bizarre sensation de déjà-vu. Un peu plus tard, ils prennent leur petit déjeuner dans un diner désert. Ils papotent tranquillement à propos d'Halloween qui approche et des souvenirs qui remontent chez Jack, du mois qu'il reste avant le terme de Susan, le fait qu'il repart pour une campagne de soudure sous-marine de quinze jours sur la plateforme offshore, le manque d'amie de Susan à part peut-être Marlene la sage-femme. Finalement l'heure est venue que Susan l'accompagne sur la jetée où l'attend le bateau qui va l'emmener en mer à une demi-heure de là. Il l'embrasse et touche son ventre car elle lui indique qu'il est en train de donner des coups de pied. Il sourit en constatant qu'elle est persuadée qu'il s'agit d'un garçon. Jack Joseph confie son sac de marin à Trapper le pilote du bateau qui l'emmène. Puis il monte à bord. Ils ont vite fait de rejoindre la plateforme sur une mer étale. Il dépose ses affaires sur la plateforme et il se met direct à enfiler sa combinaison pour aller se mettre au travail. Son collègue trouve qu'il pourrait prendre un peu plus de temps. Il plonge et descend vers le pied de la plateforme. Il se met au travail pour refaire les soudures qui ont besoin d'être refaites. le travail avance bien, avec des soudures bien droites. Il a l'impression qu'un autre plongeur passe fugitivement derrière à dix ou vingt mètres derrière. Il le signale à son collègue sur la plateforme, mais la communication est très mauvaise. Il a l'impression d'entendre une voix qui lui dit qu'il est temps. Il décide de se mettre à la recherche de la voix, et il aperçoit une montre à gousset sur le fond marin. Sur le bateau, Trapper appelle la plateforme à l'aide, indiquant que le plongeur a un problème. Si le lecteur est familier des œuvres de Jeff Lemire, il n'est pas très surpris par la situation qu'il découvre : une région isolée du Canada, ici la Nouvelle Écosse, un trentenaire un peu désorienté, une relation au père non résolue, avec une narration visuelle aérée et des dessins parfois esquissés. S'il ne le connaît pas, il découvre vite la voix d'auteur de ce créateur. Il habille une partie de ses planches de lavis de gris, donnant la sensation de peintures, apportant ainsi une sensation de texture, de chatoiement lumineux, même quand il s'agit de quelques coups de pinceau grossiers. L'usage de ces nuances de gris marque les scènes du passé et les séquences oniriques, les habillant et transformant l'impression donnée par la planche, qui passe d'esquisses à une planche finie. Effectivement, les traits encrés donnent l'impression d'esquisses, à peine reprises, maladroites par endroit : un trait souvent mal assuré, un contour irrégulier, des visages très marqués par les rides et les plis, des vêtements toujours froissés, des décors pas bien solides, des anatomies malmenées, des visages déformés par des émotions soutenues ou au contraire ingénues. Pour un peu, le lecteur pourrait avoir l'impression d'un film fauché, avec des acteurs pas très sûrs d'eux. Pourtant le charme opère vite. Les personnages semblent très ordinaires, simples, un peu usés par la vie, mais encore vaillants avec un réel entrain, parfois un peu désemparés, parfois un peu énervés, mais rien de vraiment grave. Ils sont en paix avec leur environnement, avec leur petite vie dans un bled paumé, sans beaucoup d'activité, voire aucune. le lecteur ne les prend pas en pitié, il ne les envie pas non plus, en revanche il éprouve une forte empathie pour eux. Il se sent proche d'eux, du fait de cette simplicité. Il n'y a pas d'inquiétude particulière sur l'état du monde, sur le sens de la vie. Dans le même temps, il est apparent que Jack Joseph subit un conflit intérieur qu'il ne sait pas nommer, dont la nature et la source lui échappent. L'artiste utilise une approche naturaliste, dépourvue d'apprêt. Il en va de même pour les principaux environnements. le lecteur a presque du mal à croire qu'un artiste qui semble aussi limité sur le plan technique parvienne à donner corps à ce village en bord de mer, à l'ambiance marine et isolée. C'est vrai que Lemire n'est pas à l'aise quand il représente une voiture ou un pickup : ils semblent être en carton. Pour le reste, c'est une autre histoire. Les décors sont représentés avec la même sensibilité naturaliste que les personnages, avec des contours tout aussi irréguliers. Pourtant les trois pontons de bois semblent très réels, très authentiques. Les quelques maisons sont disséminées sur le talus qui fait face à l'océan, construites comme bon il semblait aux habitants, avec une voirie très basique, un village de fortune, mais aussi un village plausible et d'un réalisme criant. Il en va ainsi des autres endroits : l'intérieur du diner, la plateforme offshore dans une vue d'ensemble, le pavillon bon marché de Susan & Jack, les conduits et les poutrelles de la station offshore, l'échoppe rudimentaire de Peter Joseph, etc. Dans les pages en fin de tome, Lemire explique qu'il a passé beaucoup de temps pour concevoir ce village, et le lecteur en a droit à une vue du ciel dans un dessin en double page. En fait, l'artiste sait restituer la nature des choses et des êtres. S'il a encore un doute, il suffit au lecteur de regarder les objets récupérés par Peter Joseph au cours d'une de ses plongées pour prendre conscience qu'il les reconnaît tous sans aucune difficulté, que l'apparence mal assurée des traits contribuent à transcrire la corrosion et les saletés dues à un long séjour dans l'océan, et qu'il n'y a nul besoin d'un degré de précision visuelle supplémentaire. La narration visuelle coule également de source, l'auteur tirant profit du fait qu'il réalise cette histoire de manière autonome, sans aide extérieure, pour une cohérence parfaite, et la mise en place d'un rythme posé, sans être contemplatif. Il choisit à sa guise la durée de chaque séquence, la répartition des informations entre dialogues et dessins, privilégiant systématiquement les seconds, y compris au cours de séquences muettes. le lecteur comprend ce qui a amené Lindelof à associer cette histoire à un épisode de la Quatrième Dimension : ce n'est pas que l'intrigue, c'est aussi ce ressenti unique de petite ville abandonnée quand Jack Joseph en parcourt les rues en voiture, sans rencontrer âme qui vive. le coeur du récit réside dans ce malaise diffus que ressent Jack Joseph, qui le pousse à travailler pour ne pas avoir à penser, qui l'empêche d'apprécier la compagnie de son épouse, qui ne lui permet pas d'envisager sereinement la naissance de son enfant, de se projeter dans cette situation d'avenir. L'auteur entremêle la vie au présent de Jack Joseph avec des souvenirs qui remontent par association d'idées, sans volonté consciente. le lecteur découvre donc petit à petit ce qui est arrivé au père de Jack, l'importance de la montre de gousset, ce qui génère ce malaise. Il n'y a pas de révélation fracassante, mais une prise de conscience graduelle. Lemire met en jeu avec sensibilité, le refoulement d'un souvenir traumatisant, et la culpabilité enfantine, en montrant, sans jamais recourir à un jargon psychologique, avec une délicatesse touchante. Encore un récit de Jeff Lemire sur une thématique qui revient très souvent dans son œuvre, et qu'il développera avec plus de sophistication dans ses bandes dessinées suivantes comme dans Royal City (2017/2018). Oui, c'est vrai, mais ça n'enlève rien à la poésie qui se dégage des dessins à la fois naïfs et très justes, ni à la sympathie que le lecteur éprouve pour Jack Joseph et ses valeurs. En outre, Jeff Lemire n'a rien d'un auteur naïf : il sait manier des éléments métaphoriques comme la montre symbolisant le temps passé, ou comme l'eau et la plongée, évoquant ce qui existe sous la surface, et la nécessité pour Jack de plonger en lui-même pour découvrir ce qui le meut et l'émeut.

24/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Sentient
Sentient

Doté de conscience, mais pas autonome - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018/2019, écrits par Jeff Lemire, dessinés, encrés et mis en couleurs par Gabriel Walta. Le corps sans vie de l'officier Alex Wu dérive dans l'espace, alors qu'une voix indique qu'il s'agit de l'histoire de leur mère, après qu'ils ont dû embarquer dans un grand vaisseau spatial pour s'en aller. En fait la narratrice n'a gardé aucun souvenir de la Terre. Ce jour-là, Lilly Wu, une enfant, se réveille, et s'empresse d'aller réveiller sa mère Alex Wu. Cette dernière lui souhaite un bon anniversaire, tout en indiquant que Lilly n'aura pas son cadeau avant son retour de l'école. Elle demande l'heure à Valarie, l'intelligence artificielle du vaisseau : il est 06h00. Dans une autre cabine du vaisseau, l'officier Jill Kruger est réveillée par Valarie. Elle va ensuite réveiller son fils Isaac pour qu'il se prépare à aller à l'école. Lilly petit-déjeune en discutant avec sa mère, et en regardant des dessins animés, pendant que le petit déjeuner entre Jill et Isaac est silencieux, sans télé. Finalement les deux paires mère et enfant se rendent à l'école, et se rencontrent sur le chemin. Wu et Kruger laissent leur enfant au bon soin de la maîtresse Clarke, puis s'en vont ensemble rejoindre le capitaine du vaisseau, car c'est un grand jour. Lilly s'empresse de rejoindre les autres pour jouer avant le début de l'école, alors qu'Isaac va chercher un livre pour lire. Les deux femmes ont rejoint la salle de commandement, où le reste de l'équipage est déjà présent et attend les ordres du capitaine Gardner. Elles prennent leur poste, et le capitaine indique qu'ils vont bien pénétrer dans la zone noire où ils ne pourront plus recevoir de communications de la Terre et où ils ne pourront pas encore recevoir de communications de la colonie vers laquelle ils se dirigent. Il demande à Wu quelles sont les dernières nouvelles en provenance de la Terre. Elle répond que les dernières estimations indiquent que la Terre ne sera plus habitable dans 10 ans. Par ailleurs, les incidents continuent dans les colonies, alors que les séparatistes recrutent de plus en plus de personnes. Un ou deux membres de l'équipage peuvent comprendre l'envie de faire sécession d'avec le gouvernement terrestre qui a plutôt mal géré ses ressources. Valarie indique qu'elle va commencer le compte à rebours pour signaler l'entrée dans la zone noire. La tension commence à s'installer parmi les membres de l'équipage, alors que les enfants ont commencé à étudier dans la bonne humeur. Une fois le vaisseau USS Montgomery dans la zone noire, Jill Kruger se lève et présente ses excuses aux autres membres de l'équipage. Elle revêt un masque à gaz et appuie sur un bouton se trouvant sur un dispositif à son poignet. le système de ventilation se met à diffuser un gaz mortel. TKO est une maison d'édition de comics fondée en 2017 par Tze Chun et Salvatore Simeone, ayant fait appel à des créateurs réputés pour leurs premières parution comme Garth Ennis pour Sara avec Steve Epting, et Joshua Dysart pour Goodnight Paradise avec Alberto Ponticelli. le lecteur se réjouit à l'avance de découvrir une histoire complète écrite par Jeff Lemire, auteur prolifique dans la deuxième moitié des années 2010, et illustrée par Gabriel Walta, le dessinateur de Vision de Tom King. Avec cette histoire, le lecteur se retrouve dans une histoire de science-fiction pur jus : un voyage dans l'espace à bord d'un grand vaisseau, en route vers une planète colonie, des relations politiques tendues entre la planète mère, la Terre, et les colonies, le besoin de s'arrêter à une station spatiale artificielle en cours de route, une technologie futuriste pour le vaisseau bien sûr, mais aussi pour les capacités de l'intelligence artificielle permettant de piloter le vaisseau. L'artiste joue le jeu avec un bon niveau d'implication pour donner une forme spécifique au vaisseau, des tenues particulières aux membres de l'équipage et à leurs enfants, pour avoir des interfaces entre humains et ordinateurs reconnaissables et plausibles, pour représenter des couloirs et des salles de vaisseau qui montrent une conception où l'usage prime sur l'aménagement, pour montrer un fond spatial acceptable, essentiellement noir avec une faible luminosité, et peut-être un peu beaucoup d'étoiles. le lecteur se sent à la fois en terrain connu, avec les conventions du genre attendues, à la fois dans un vaisseau assez concret et particulier, et non pas un décor de SF en carton-pâte, prêt à l'emploi, épais comme du papier à cigarette. À la rigueur, il peut aussi trouver que les coursives et certaines salles sont particulièrement spacieuses, ce qui est un peu bizarre pour un vaisseau où la place devrait être comptée. Gabriel Walta réalise des cases descriptives avec un bon niveau de détails pour les différents décors : le lecteur peut aussi bien regarder les quartiers privés des Wu et des Kruger, que les pièces de l'école, ou les salles de travail de l'équipage. Il peut observer les écrans qui permettent de communiquer avec l'intelligence artificielle du vaisseau, ainsi que les outils dont Valarie dispose pour intervenir, à savoir des chariots sur roues, avec des bras de préhension. Il éprouve la même curiosité que Lilly en regardant autour de lui comme elle, quand elle s'aventure dans la station spatiale qui semble déserte. Les personnages présentent une allure normale, avec une morphologie ordinaire, pas spécialement beaux comme des dieux, pas extraordinairement musclés. Leur expressivité reste dans un registre naturaliste, nuancée en temps ordinaire ce qui permet au lecteur de se faire une idée de l'état d'esprit du personnage représenté, et plus maquée sous l'effet de l'inquiétude, de la peur ou de la colère. La majeure partie du récit est consacrée aux enfants, et l'artiste fait de son mieux pour leur conserver la jeunesse correspondante, sans y parvenir tout le temps. Le scénariste éprouve les mêmes difficultés à rester dans un registre plausible pour le comportement et les réactions des enfants. Par un coup du sort, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes, sous la supervision de Valarie, l'intelligence artificielle du vaisseau. Lemire se trouve confronté à la difficulté d'imaginer le comportement d'enfants qui ne sont pas soumis à une autorité parentale, qui ne bénéficient pas du réconfort affectif d'adultes. le lecteur doit faire un petit effort d'adaptation pour se dire que ce qui est montré ne relève pas du reportage sur le vif, et que le scénariste se permet d'user de licence artistique pour le comportement des enfants, quand il choisit de privilégier l'intrigue. Sous réserve de consentir à un peu plus de suspension d'incrédulité, le lecteur peut alors apprécier l'intrigue de manière plus juste. Lemire a su créer une situation dans laquelle des enfants et de très jeunes adolescents se retrouvent encadrés et en mesure de continuer à apprendre. En passant sous silence le processus de construction de l'individu dans de telles conditions, le développement de l'intrigue s'avère satisfaisant. Finalement ces jeunes et très jeunes évoluent dans un environnement protégé, sous une tutelle bienveillante et constructive. Il s'agit donc d'individus dotés de conscience qui apprennent les rudiments des métiers à bord d'un vaisseau, se montrant finalement aussi aptes que leurs parents grâce à l'assistance continue d'une intelligence artificielle. Cet état de fait n'est peut-être pas intentionnel de la part des auteurs, mais il est bien présent. Évidemment au vu de la couverture qui représente le vaisseau spatial USS Montgomery, et de l'omniprésence de Valarie à bord du USS Montgomery, de son rôle d'assistant personnel, de banque de données, et d'outil d'aide à la décision, le lecteur finit par se dire que son aide providentielle n'est pas très éloignée d'une forme de conscience. le scénariste se montre très habile pour rester dans le registre réaliste d'une intelligence artificielle : des interventions à l'évidence préprogrammées, mais aussi une variété d'interventions et une banque de données assurant l'expertise dans plusieurs domaines qui placent les actions de Valarie à la frontière de la vie autonome. du coup le lecteur oscille entre confiance pour la sécurité des enfants, et questionnement sur la pseudo-conscience de Valarie qui peut la conduire à prendre des décisions où elle ferait passer son intérêt en premier. D'une certaine manière elle perpétue le schéma d'organisation sociale des adultes, faisant en sorte que les enfants apportent leur énergie et développent leur savoir-faire pour continuer de faire fonctionner le vaisseau et en assurer la petite maintenance, vaisseau qui abrite les éléments d'ordinateur et les outils qui sont Valarie. Toute la question est donc de savoir quels conseils elle dispensera à ses protégés en cas de rencontre avec des adultes qui, eux-mêmes, peuvent être plus ou moins bien intentionnés, y compris envers le vaisseau, qui voudront sûrement reprendre la main et la direction des opérations, en en dépossédant Valarie. Le lecteur sent bien que cette pseudo-conscience peut déboucher sur des choix s'apparentant à ceux d'un parent abusif, ce qui génère une tension palpable, et une inquiétude parfois malsaine. Jeff Lemire & Gabriel Walta racontent une histoire de science-fiction à l'intrigue simple (des enfants dans un vaisseau spatial, sous la responsabilité d'une intelligence artificielle) et mettant en œuvre au premier degré les conventions de ce genre littéraire. Cela donne un récit linéaire, surprenant, bien réalisé. le titre génère une inquiétude dans l'esprit du lecteur, se demandant si l'intelligence artificielle Valarie ne serait pas sur le point d'acquérir une conscience autonome, ce qui lui ferait passer sa survie en premier, avant celle des enfants. Cette facette du récit est développée avec élégance, compensant le fait que le comportement des enfants est parfois un peu trop mature.

24/04/2024 (modifier)
Par Hervé
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Swinging Island
Swinging Island

Très belle découverte avec cet auteur que je ne connaissais pas du tout. Avec cette histoire d'échangisme, Andrew Tarusov nous offre un scénario solide basé sur un superbe dessin. En effet, les dessins de Tarusov sont tout simplement lumineux, à l'image de la couverture. Certes, l'auteur nous présente des scènes de sexe explicites sur un temps très court, celui d'une rencontre à la plage. J'ai littéralement été séduit par le style de Tarusov, qui illustre des corps parfaits de pin-up, des visages souriants, respirant la joie de vivre, bref l'auteur met en scène une partie de jambe en l'air joyeuse entre 4 adultes consentants. Un véritable hymne à l'amour libre sous le soleil. Une bande dessinée pour adulte rafraichissante qui mérite de s'y attarder. Une suite serait bienvenue, bien que l'histoire pourrait se conclure ici, mais le "à suivre" laisse présager de bonnes nouvelles. Un auteur à suivre, un dessin de très bonne qualité...bref, je recommande ce bouquin des éditions "dynamite".

24/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Légende Oubliée de Perceval
La Légende Oubliée de Perceval

Frédéric Brrémaud propose une nouvelle série destinée à la jeunesse (et plus) autour de la légende du roi Arthur. L'originalité de son récit n'est pas de nous plonger dans la jeunesse du futur chevalier Perceval mais de la faire correspondre avec celle de la fée Noisette. Comme souvent Brrémaud y ajoute un contexte historique dramatique, ici l'invasion de l’Angleterre par les Saxons. Cela permet à l'auteur de présenter une vision souvent caustique et décalée sur les malheurs de la guerre. Dans ce tome 1 l'auteur reste sur un humour très accessible aux plus jeunes même si certaines scènes avec le renard rappellent la dureté de la vie. Les auteurs prennent le temps d'installer leur récit. Perceval reste au second plan et je l'ai perçu un peu comme le Arthur de Merlin de Disney. A mes yeux c'est la fée Noisette qui donne son cachet à ce tome. Elle permet d'installer le récit dans un Fantastique/Fantasy assez cohérent avec un fond de récit plus réaliste (lieu et fait précis). L'équilibre entre fantasy et réalisme est bien réalisé. Ensuite c'est Noisette qui tire Perceval vers une aventure pas du tout guimauve. Enfin le graphisme de Noisette me rappelle par un petit côté coquin la fée Clochette de Loisel. Cela me permet de louer le très beau graphisme de Bertolucci qui devrait convenir à un très large public. Son dessin est à la fois doux, rond et paisible mais il est aussi tonique et d'une construction et d'une présentation très moderne. C'est une lecture agréable qui ne dévoile pas le chemin que compte prendre les auteurs. Cette imprévisibilité est un atout pour aiguiser ma curiosité. Un bon 3 d'attente.

24/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Satchmo
Satchmo

J'ai bien apprécié la lecture de cette série de Léo Heitz. La ligne principale du scénario est assez classique. On y retrouve les heurs et malheurs d'un jeune Afro-Américain petit génie de la trompette au début du XXème siècle. Le trajet est commun : un mentor qui perçoit le génie, des péripéties qui mènent à la case prison, une montée vers Chicago rare ville US de cette époque où un musicien Afro pouvait faire réellement carrière. On y retrouve le racisme systémique de l'époque et une ambiance des bas-fonds de la Nouvelle Orléans assez bien exposée. J'ai surtout aimé le personnage de la maman prostituée. L'auteur propose dans les rapports mère-fils une psychologie bien travaillée et crédible. C'est ce rapport qui porte l'essentiel de la dramaturgie du récit. Le graphisme propose un récit animalier à base de souris (noires ou blanches) qui rappelle un trait assez vintage que ce soit Jano ou même pour certaines adaptations de Mickey. J'aime bien ce trait rond et souple. Malheureusement j'ai une réserve dans la mise en couleur qui efface les contrastes entre les personnages Afro et un fond très brun. Le personnage ne se détache pas assez ce qui rend la lecture parfois difficile. Malgré cette réserve je reste sur une appréciation positive de ma lecture qui m'a apporté un agréable moment.

24/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Brume
Brume

Je n'ai pas été convaincu par cette série jeunesse. Il n'y a rien de rédhibitoire mais je trouve que les propositions de Jérôme Pelissier manquent cruellement d'originalité. Brume est une petite sorcière malicieuse en quête d'identité. Elle est flanquée de Hubert un cochon qui sert à la narration et d'un copain Hugo qui sert de faire valoir trouillard dans les dialogues plus ou moins humoristiques. Ma réserve la plus prononcée est que les auteurs réutilisent les images usées des animaux qui font peur comme les loups ou les araignées. Je n'adhère pas du tout à cette imagerie vieillotte. Pelissier abuse aussi des solutions miracles qui permettent de se sortir d'un mauvais pas avec beaucoup de facilité. De plus je ne comprends pas les emprunts très superficiels à des légendes ancestrales. Le graphisme de Carine Hinder correspond aux standards actuels pour les enfants avec une grosse tête bien ronde sur un petit corps peu expressif. C'est l'expressivité des visages qui portent l'essentiel du dynamisme du récit. C'est travaillé avec goût avec de jolies planches d'extérieurs Par contre j'ai beaucoup aimé la mise en couleur qui crée une belle ambiance mystérieuse. Une déception pour une sélection Angoulême. Un petit 3.

24/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Tirailleur
Le Tirailleur

Il n’y a peut-être pas dans ce récit toute la passion qui aurait pu donner un souffle épique à cette vie étalée sous nos yeux. Mais c’est un parti pris que je comprends, et préfère, finalement. Et la partie conclusive, sous forme de reportage accompagné de photos, lorsque Bujak est allé rencontrer une dernière fois Abdesslem dans son village paumé au Maroc, confirme bien l’aspect intimiste mis en avant. Il ne s’agit pas de montrer l’histoire au travers d’un homme – même si elle est bien présente, dans ses aspects douloureux – mais plutôt de donner voix et corps à un homme à qui on a sans doute volé une partie de sa vie, et qui a été rejeté dans l’oubli dès lors qu’on n’a plus eu besoin de lui. Le récit est touchant. Jamais Abdesslem ne se plaint réellement, lui qui aurait matière à le faire ! il a miraculeusement survécu aux nombreux combats (Seconde guerre mondiale – dont l’attaque du Monte Cassino, guerre d’Indochine) dans lesquels l’armée française l’avait enrôlé (contre son gré, en exploitant sa candeur et sa naïveté, sa bonté). Et puis, lorsqu’il quitte l’armée française, il subit le sort des anciens combattants des « colonies », privés de reconnaissances. On admire au passage la mesquinerie, le cynisme des autorités françaises qui, ayant finalement accepté de verser une pension à ces combattants, leur impose de vivre dans la misère dans un foyer en France (loin de leur famille) au moins 9 mois par an. Cela n’a changé que depuis quelques années – au moment où la plupart de ces anciens combattants étaient morts… Sans pathos, avec dignité, Abdesslem raconte donc sa destinée. Et le dessin de Macola, qui joue lui aussi sur la simplicité, est tout à fait raccord avec le ton adopté par ce récit touchant.

24/04/2024 (modifier)