Les derniers avis (105426 avis)

Par Blue boy
Note: 3/5
Couverture de la série Missak, Mélinée & le groupe Manouchian - Les Fusillés de l'Affiche Rouge
Missak, Mélinée & le groupe Manouchian - Les Fusillés de l'Affiche Rouge

Difficile de masquer un certain embarras à la lecture de cet ouvrage. La couverture, plutôt réussie, était pourtant prometteuse. Simplement, on reste un peu sur sa faim, alors qu’on attendait davantage d’une bande dessinée destinée à célébrer ces héros de la résistance, donnant cette impression lancinante et désagréable que l’on a affaire à un travail de commande. Tout vient en grande partie d’une narration un peu décousue, quand bien même elle remplit convenablement le cahier des charges en retraçant le parcours de Missik Manouchian et en relatant les faits d’armes de l’homme et de ses 22 camarades, si bien évoqués dans la chanson de Louis Aragon et Léo Ferré, « L’Affiche rouge ». Certes, le défi imposé par un tel hommage était immense : non seulement il fallait, dans un format relativement court (143 pages), retracer l’épopée de cette « armée de l’ombre » mais aussi accorder un espace mémoriel équitable à chacun des 23, si bien sûr on excepte Missak et son épouse panthéonisés. Pour ce faire, JD Morvan a choisi de consacrer le premier tiers à la jeunesse de Manouchian jusqu’à son arrivée en France, avec la rencontre de sa chère Mélinée. Jusqu’ici tout va à peu près bien, mais c’est avec l’apparition des autres personnages liés à la Résistance que la confusion s’installe. Dans une chronologie morcelée (et pour tout dire assez fastidieuse), le livre alterne plusieurs récits courts des actions de la Résistance avec les témoignages de Mélinée, des « images d’Epinal » des nombreux attentats commis contre l’envahisseur, ainsi que des portraits pleine page légendés des protagonistes, qui viendront ponctuer les deux cent pages du livre. Face à cet enchevêtrement narratif, c’est un sentiment de confusion qui domine, et je n’ai moi-même pu éviter de céder à l’ennui durant cette lecture, égaré par la multitude de personnages. Cela est fort regrettable et c’est d’autant plus dommage de la part du co-auteur de l’acclamé « Madeleine, résistante ». Ainsi, on ne peut s’empêcher de supposer que l’ouvrage a été conçu dans l’urgence, supposition corroborée par ce rectificatif à l’épisode où l’on voit Missak débarquer à Marseille avec son frère, précisant qu’ « une découverte, trop récente pour [l’]album, montre que Garabed serait arrivé en France un an avant Missak ». Même si bien sûr, on saura gré aux auteurs d’avoir ajouté cette mention… Quant au dessin, il a été confié à Thomas Tcherkezian, un jeune auteur au patronyme explicite et légitimant sa participation au projet, dont c’est ici la première bande dessinée. Une carte de visite de poids pour ce nouveau venu, qui s’affranchit plutôt bien de sa mission en révélant une certaine maîtrise du trait (bien qu’un brin vert), même si on reste dans l’académisme relatif à ce genre d’ouvrage, « lissitude » comprise. D’ailleurs, on peut regretter que celui-ci, soucieux de tout donner pour ce premier projet, ait cru bon de gommer à ce point les aspérités des personnages, en particulier dans les portraits pleine page en question. Loin d’apparaître comme des « métèques » « noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants », la plupart ressemblent à des gravures de mode, y compris Missak dont l’aspect buriné sur sa plus célèbre photo a totalement disparu. Malgré ces quelques critiques, on admettra toutefois volontiers que l’ouvrage conserve une valeur historique qui ne déshonorera pas ces « grands hommes » dont la République peut s’enorgueillir, a fortiori dans le contexte actuel de montée de l’extrême-droite. Il est toujours bon de le rappeler, comme Joséphine Baker admise au Panthéon quelques mois avant, les Manouchian et ses compagnons d’armes étaient tous d’origine étrangère et n’ont jamais obtenu la nationalité française, mais ils demeurent les aïeux, symboliques ou pas, de tous ceux qui constituent aujourd’hui cette fabuleuse mosaïque faisant peuple qu’est la France.

08/05/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Happy Sex
Happy Sex

J'avoue, j'ai bien ri à quelques uns des gags que Zep trouve autour du sexe. C'est pas hilarant, ni la meilleure BD que j'ai lu à ce propos, mais pour un auteur comme Zep, on s'y retrouve ! Le style de dessin est celui habituel de l'auteur, on se retrouve en territoire connu même si du coup j'avoue que ça reste assez peu érotique. Cela dit, on est plus là pour s'amuser, et à ce niveau le dessin est efficace. Les gags sont variés et sur plusieurs proposent de varier les blagues habituelles que l'on pourrait imaginer, notamment en mettant en scène des femmes plus entreprenantes qu'on ne le représente habituellement. Par contre, je dois noter quelques gags qui tombent à plat ou des idées que je trouve mal développées, étirées sur une page quand une seule case aurait suffit. Ces petits ratés m'incitent à rester sur un 3* mais je reste dans une bonne appréciation générale de l'ensemble. Recommandé !

08/05/2024 (modifier)
Couverture de la série L'Automne
L'Automne

Pas grand-chose à dire de cet album. C’est du travail bien fait, ça se lit facilement et très rapidement, et le dessin est lui aussi limpide et agréable. Tout part d'un meurtre ancien et impuni dont l’histoire resurgit par hasard. Mais, hélas, il n’y a pas suffisamment d’originalité et de densité dans cette intrigue, c’est son principal défaut. Comme si n’avait été publié qu’un synopsis à peine étoffé. Une lecture d’emprunt, qui m’a quand même laissé sur ma faim. Brubaker fera des choses plus intéressantes avec Phillips plus tard. Note réelle 2,5/5.

08/05/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
Couverture de la série La vie rêvée d'un papillon
La vie rêvée d'un papillon

J’avais déjà découvert la vie mouvementée d’Henri Charrière dans Sanseverino est Papillon, également chez La Boîte à Bulles. Je me suis intéressé à ce nouvel album, réalisé par Sylvère Denné et Sophie Ladame, dont j’avais adoré la collaboration précédente : Bleu amer. La narration alterne entre deux époques et deux styles graphiques. Le « présent », cad les années 50, alors que le protagoniste s’occupe d’une boite de nuit à Caracas et raconte ses aventures de jeunesse à ses collègues et amis. Le dessin en noir et blanc est élégant. Et le « passé », cad les années 30, alors qu’il s’évadait du bagne de Guyane pour vivre de liberté et d’aventure. Ces passages reprennent le style bien particulier de Bleu amer, à savoir un dessin crayonné et coloré à la gouache (je crois) en teintes blanches, bleues et vertes, sur un papier de type enveloppe marron. J’adore le rendu, je trouve que cette technique est parfaite pour représenter la mer et les îles… elle fonctionne par contre beaucoup moins sur les scènes d’action, heureusement assez rares. J’ai en tout cas passé un excellent moment de lecture en compagnie d’Henri Charrière, dont la vie passionnante fut également racontée au cinéma dans le film « Papillon », avec Steve McQueen et Dustin Hoffman… film que je vais essayer de dénicher, du coup.

08/05/2024 (modifier)
Par Roussel
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Maud et les aventuriers de l'océan
Maud et les aventuriers de l'océan

Ce livre m’a vraiment plu. Il essaye de sauver les mers et on a vraiment l’impression d'être avec lui dans l’histoire et qu’on vit ce qu’il est en train de vivre. Les dessins sont beaux et l’histoire aussi. Ce qui est bien aussi, c’est qu'il y a un zoom pédagogique sur les murailles de corail. Grâce à cela on peut en apprendre beaucoup plus.

08/05/2024 (MAJ le 08/05/2024) (modifier)
Par Bruno :)
Note: 3/5
Couverture de la série Fantastic Four - 1234
Fantastic Four - 1234

Trois étoiles quasi essentiellement pour le dessin de Jae Lee, toujours plein de grâce et de personnalité -et aussi pour la colorisation de José Villarrubia, très soignée, qui enrichie encore la poésie de l'ensemble. Malgré le peu de chaleur humaine exprimée par les traits des personnages, on tombe néanmoins assez facilement sous l'emprise de cette esthétique si décalée qui vient renouveler, plutôt agréablement, le genre du Super-Héros. Les décors sont à l'unisson et on a droit à quelques très jolies trouvailles gratuitement graphiques (l'aquarium, la "machine temporelle", Etc...). Même la ville sous la pluie, et parfois simplement cantonnée à une ou deux cases au bord des planches, renforce l'atmosphère "romantico-gothiques" des images : le Batman d'Irv Novick s'y serait probablement beaucoup plu... Beaucoup moins inventif est le scénario de Grant Morrison, par contre. Cette exploration sensée mettre à nu les désirs/besoins refoulés du quatuor tombe à plat tant la facilité du prétexte (Von Doom et son machiavélisme gna gna gna...) sonne faux. Sans compter que, dés le début, les différentes évocations de leurs caractères trahissent franchement les personnages d'origine : passe encore que Susan remette en question la légitimité de son mariage avec Reed -c'est une angoisse récurrente pour la plupart des couples- ; mais rattacher son mal-être à son béguin pour le Prince Des Mers frôle le ridicule. Une simple fixation de jeunesse ne saurait troubler la femme invisible au point de la faire douter. Aussi ; faire de Ben Grimm le bougon un asocial agressif et de Johnny Storm, éternel adolescent, un machiste cynique nous éloigne tellement de leurs identités originelles que la démonstration, de toutes façons tristement tiède dans son exposition, perd tout intérêt. Le plan du méchant est, au mieux, loufoque par la petitesse de ses ambitions et la démesure des moyens employés (gratuitement destructeurs, je trouve...) : le colosse meurtrier de l'Homme Taupe ne fait que diluer d'avantage "l'action", déjà pas mal troublée par l'association grotesque des Némésis classiques des FF. Cahier des charges trop peu inspirant pour le scénariste, peut-être ?! C'est toujours dommage de voir tant de talent au service de si peu de chose. À contrario, lire la très réussie collaboration de Jae Lee avec Mike Carey : Ultimate Fantastic Four numéro vingt, par exemple.

07/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série NOU3 (WE3)
NOU3 (WE3)

Grant Morrison & Frank Quitely s'éclatent. - Grant Morrison et Frank Quitely ont souvent collaboré ensemble pour des résultats plutôt enthousiasmant (New X-Men) ou plutôt moins enthousiasmant (All Star Superman). Grant Morrison a beaucoup écrit pour Vertigo, la branche mature de DC Comics, pour des résultats toujours originaux (Mystery Play, The Filth , The Invisibles, Seaguy). We3 est à la croisée de ces collaborations et à l'origine il s'agit d'une minisérie en 3 épisodes parue en 2004. Morrison et Quitely nous invite à suivre les luttes pour la survie de 3 animaux (un chien, un chat et un lapin) qui ont servi de cobayes pour l'armée américaine. Ils ont été dotés d'exosquelettes sous forme d'armure fortement armée et d'une capacité de paroles limitée. L'objectif pour l'armée est de créer des soldats plus puissants, sans mettre en péril d'êtres humains. Lors d'une inspection, un général met un terme au projet pour ne pas compromettre la carrière du sénateur Washington. La responsable du projet organise la fuite de ses 3 protégés qui vont devoir jouer à une dangereuse partie de cache-cache avec l'armée. Le scénario de Grant Morrison n'est pas un prétexte pour publier un pamphlet sur le droit des animaux ou une campagne de promotion de PETA (People for the Ethical Treatment of Animals ). Cette histoire est avant tout une bande dessinée d'action, et de l'action il y en a. Le choix des personnages principaux oblige le lecteur à regarder avec un oeil neuf les différents scènes de guérilla : les blessures infligées aux soldats apparaissent sous un autre jour quand elles sont infligées par les animaux. De même la traque de l'ennemi par les militaires devient ridicule quand on pense qu'ils sont en train de pourchasser un chien, un chat et un lapin domestique. En fait, cette histoire est surtout l'occasion pour Frank Quitely de changer un peu de style et de peaufiner ses séquences d'actions par le biais de découpages en cases innovants et très efficaces. Enfin, Quitely abandonne l'idée d'être Moebius à la place de Jean Giraud et il consacre toute son intelligence et son savoir faire à rendre les scènes d'action les plus percutantes possibles. Et il est très fort. Grâce à quelques idées astucieuses, voire géniales, il rend parfaitement la violence des affrontements, l'horreur des blessures infligées et la cruauté des combattants. Il sait dessiner les animaux sans en faire des créatures angéliques martyrisées par les humains. Il garde une distance suffisante pour éviter de tirer les images vers un réquisitoire à la Brigitte Bardot. Morrison a l'intelligence de ne pas trop mettre d'idées dans son scénario (il n'en rajoute pas sur le mythe de Frankenstein, ce qui aurait été facile) et de laisser les images spectaculaires parler d'elles mêmes. Ce tome est une course poursuite haletante avec un point de vue très original qui n'est ni mièvre, ni bête.

07/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Nippon Folklore - Mythes et légendes du Soleil-levant
Nippon Folklore - Mythes et légendes du Soleil-levant

Petite prise de risque en commandant cet(s) album(s), j’aime bien le Japon et son folklore mais sans en être un féru absolu. Et bien je dois dire que je me suis régalé, ça tombe d’ailleurs plutôt bien parce que j’en ai deux autres de la même autrice ^^. Nippon Folklore est donc ma première découverte dans cet univers, l’autrice est italienne mais franchement on s’y croirait. Sa science des couleurs et de son trait sont justes magiques et parfaits pour illustrer ce Japon féodal rempli de mythes. Certaines pages sont magnifiques et non rien à envier aux estampes. La balade graphique m’a vraiment plu et je me suis arrêté sur de nombreuses pages. Un style dépaysant et fort agréable. Pour les récits, je suis tout aussi enthousiaste. Je n’en connaissais aucun et l’auteure, en modifiant à chaque fois un peu son trait, arrive à leur donner une identité propre. Il n’y en a qu’un seul qui m’a laissé un peu dubitatif (Le chapeau de paille) sinon les autres sont du tout bon. Le côté court et abrupte des fins, contrairement aux autres aviseurs, ne m’a pas gêné. Plutôt le contraire même, ça m’a rappelé de bons souvenirs d’enfance où je dévorais de nombreux livres sur les mythes et légendes divers (Moyen-âge, Sibérie, Afrique …), j’aimais leurs formats court et le style direct, ça ne se perdait pas en fioritures et leurs fins, souvent flous, devaient laisser le lecteur en tirer sa propre moralité. Bref j’adorais ça et on retrouve la même formule dans ce recueil, d’ailleurs je laisse toujours à chaque fois un petit temps d’arrêt avant d’enchaîner avec le prochain conte. J’avoue qu’ici il n’y a rien de bien sorcier dans les morales mais j’ai adoré la façon dont ça m’était conté. Un album qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais si vous êtes amateurs d’art Nippon ou aimer les vieux mythes, je ne peux que vous encourager à tomber sur ce dernier. Le seul petit point négatif, c’est que j’aurai bien aimé avoir un petit dossier en fin de tome (source, inspiration …), mais honnêtement rien de grave, un album que me parle bien.

07/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Fantastic Four - 1234
Fantastic Four - 1234

Raison d'être - Ce tome comprend les 4 épisodes de la minisérie (2000/2001) du même nom, écrite par Grant Morrison et illustrée par Jae Lee. Ben Grimm vient d'enrouler un lampadaire autour de 3 supercriminels ayant détruit une partie d'un quartier de New York. Les criminels ne parlent que de le traîner devant les tribunaux pour maltraitance, la police prend les choses en main en lui demandant de faire moins de dégâts la prochaine fois, les pompiers lui demandent de leur laisser la place pour que de vrais professionnels puissent faire leur travail. Ben Grimm a le moral dans les chaussettes, il rentre au Baxter Building où Johnny Storm est très irritable et se montre vachard vis-à-vis de lui. Reed Richards est enfermé dans son laboratoire pour une expérience ultra-urgente dont rien ni personne ne peut l'extraire. Sue Richards se sent une fois encore abandonnée par son mari, et responsable de Ben et Johnny. Elle part chercher consolation auprès d'Alicia Masters. Alors qu'il reste seul au Baxter Building, Ben est pris à parti par Victor von Doom qui lui parle par l'intermédiaire des restes d'une de ses armures. Il parvient à téléporter Ben en Latvérie et lui révèle un secret liant Reed à Doom. Lecteurs dépressifs, fuyez de suite ! Grant Morrison propose un point de départ iconoclaste : il n'y a plus vraiment de raison d'existence des Fantastic Four. Ben Grimm se fait jeter par ceux qu'il vient de sauver, Johnny Storm l'envoie bouler, et Victor von Doom révèle un secret tellement énorme que Ben Grimm n'a plus de raison de continuer. Sue Storm (dont les enfants sont absents du récit) perd sa fonction d'épouse, retombe sous le charme vénéneux de Namor : elle foule au pied tous ses principes et toutes ses valeurs. Enfin Reed semble se couper une fois encore du monde des gens normaux, isolé par son propre génie, victime de son intelligence exceptionnelle. Lecteurs dépressifs, fuyez de suite ! Jae Lee propose une vision cauchemardesque de ces crises existentielles. Il utilise un style assez froid, avec des grosses masses d'encrage qui semblent vouloir engloutir les personnages. L'ambiance est clinique et cafardeuse. Les rares humains normaux sont désagréables et inamicaux. Les décors sont inhospitaliers. Sue Richards se sent tellement mal dans sa peau qu'elle reste invisible lors de son repas en tête à tête avec Alicia Masters (qui est pourtant aveugle). le malaise est encore accentué par les couleurs maîtrisées et déprimantes de José Villarrubia. Heureusement Morrison et Lee ne font pas que se complaire dans cette vision désespérante et saisissante de ces superhéros déchus, privés de leur raison d'être, trahissant leurs idéaux. Il y a également ce mystère que le lecteur cherche à percer. S'agit-il vraiment de Victor von Doom ? Quel rôle joue vraiment Namor ? Quel est le sens des propos d'Alicia Masters concernant les objets technologiques futuristes créés par Reed Richards ? Morrison prend bien soin de donner toutes les réponses et de boucler proprement son récit avec une connaissance épatante de l'univers partagé Marvel des années 1970. Jae Lee se révèle un créateur d'images frappantes. Sa propension à délaisser les décors est parfaitement compensée par le travail artistique de Villarrubia qui développe un vocabulaire graphique à base de couleurs. Jae Lee évoque avec une nostalgie savante le quartier de Yancy Street, il imagine des visuels expressifs pour Reed Richards en train de penser, de réfléchir (action pourtant peu visuelle à la base). Et son Namor dégage une aura royale, teintée de suffisance et de supériorité légitime. Jae Lee pose un vrai regard d'artiste sur les personnages pour une mise en images en osmose avec le scénario. Il rend palpable la tension sentimentale et sexuelle entre Sue Richards et Namor comme personne d'autre avant lui, sans se reposer sur des artifices vulgaires. Grant Morrison, Jae Lee et José Villarrubia plongent Ben, Sue, Johnny et Reed dans une situation déprimante liée à leur personnalité, face à un adversaire difficile à identifier pour une crise existentielle intemporelle. Certaines images et situations s'impriment dans la mémoire par leur étrangeté et leur douce cruauté mentale. Il s'agit d'une expérience de lecture différente pleine de personnalité, au message étrange.

07/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Happy! (Morrison/Robertson)
Happy! (Morrison/Robertson)

Le dur à cuire, avec un doudou - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante, initialement parue sous la forme de 4 épisodes en 2012/2013, avec un scénario de Grant Morrison, et des dessins de Darick Robertson. 2 ou 3 jours avant Noël à New York, Nick Sax (ancien flic) remplit un contrat : un assassinat de sang froid (la victime était déguisée en cafard, en train de téter un joint, en se faisant faire une petite gâterie par une professionnelle, un marteau de charpentier à la main). Dans le même temps, les frères Fratelli (Gerry et Mikey) se rendent dans un appartement où ils pensent que Sax est piégé. La confrontation a bien lieu et Sax se retrouve à l'hôpital sous le regard moqueur de Maireadh McCarthy (inspectrice de police ripou, ex-collègue de Sax) qui lui conseille de lui confier le mot de passe permettant d'accéder au magot des frères Fratelli, avant que la famille ne profite de sa situation de faiblesse dans un lit d'hôpital où il est particulièrement vulnérable. Nick Sax éprouve des difficultés à retrouver ses esprits car il semble être le seul à percevoir un petit cheval bleu, avec des ailes et une corne de licorne qui s'adresse directement à lui et qui prétend s'appeler Happy. D'un autre coté, Mister Smoothie (expert en tortures) est déjà dans le couloir menant à la chambre de Sax, en train de revêtir ses gants en latex pour se mettre à l'ouvrage, avec ses assistants. Régulièrement, Grant Morrison s'offre des respirations entre des projets plus ambitieux, à l'aide d'une histoire courte. le début de cette histoire fait immédiatement penser à l'ambiance des récits de Garth Ennis, et plus particulièrement au personnage de Billy Butcher de la série The Boys, initialement dessinées par Darick Robertson. Au vu du niveau élevé de violence sadique, le lecteur pourra également penser à Sin City de Frank Miller, en particulier en ce qui concerne la résistance à la douleur de Nick Sax qui fait penser à celle de Marv. Les jurons utilisés par Sax font également penser au langage fleuri et ordurier des personnages d'Ennis, mais rapidement il apparaît que Morrison n'a pas le même goût qu'Ennis pour ces expressions, et qu'il se limite essentiellement à un mot qui commence par cu (en VO), et qui finit par nt (en français le traducteur a opté pour un terme légèrement moins ordurier). Donc c'est parti pour un gros défouloir, très violent, avec des criminels sadiques, et un pédophile angoissant. Darick Robertson est le dessinateur de la situation, avec son style réaliste, sa capacité à croquer des trognes pas commodes, et son approche premier degré dans les blessures et les comportements à risque. Au fil des pages, les dessins de Nick Sax permettent au lecteur de se faire une idée plus précise de son caractère, par le biais de ses actions, mais aussi des expressions de son visage, de sa façon de se tenir, de son regard haineux, etc. Son dégoût de lui-même transparaît petit à petit, venant apporter une crédibilité indéniable au récit. Nick Sax existe vraiment grâce au talent de Robertson. Il sait rendre tout le sordide d'une situation, que ce soit Sax ramassant un joint par terre pour le fumer après avoir liquidé son propriétaire initial, ou une criminel se faisant une injection dans la cuisse, sur la cuvette des toilettes. Robertson semble s'être particulièrement impliqué dans ces 4 épisodes, puisqu'il a également soigné les décors du début jusqu'à la fin (ce qui n'est pas toujours dans son habitude). Il reste quand même une page ou deux sans arrière-plan, mais c'est minime. Grant Morrison propose donc un polar bien noir et bien violent, assez bref (4 épisodes), et assez dense. Il a choisi une structure presque chronologique (une brève évocation du passé de Nick Sax dans l'épisode 3), sans bifurcation, avec un unique personnage principal, et 2 personnages secondaires (une intrigue simpliste selon les standards de ce scénariste). En refermant le tome, le lecteur a eu droit à une histoire complète, avec une fin claire, nette et compréhensible, classique même. le récit est assez dense, Morrison n'ayant pas d'appétence particulière pour la décompression narrative. C'est ainsi qu'il peut consacrer la moitié d'un épisode à une partie de poker mémorable, et une autre à un voyage dans le train pour une discussion compliquée en Sax et Happy. Effectivement, cette histoire est celle de Nick Sax et de son évolution. Morrison ne souhaite pas se conformer au schéma des psychologique du dur à cuire revenu de tout et insensible à toute épreuve aussi bien physique que psychologique. Il y a donc la présence décalée de cet ami imaginaire ayant l'apparence d'un doudou de jeune enfant. En fonction de la sensibilité du lecteur, il pourra y voir différentes interprétations, et même différents niveaux de lectures. Par opposition à Ennis ou Miller, Morrison ne limite pas son histoire à un récit dérivatif où le gagnant est celui qui se montre l'alpha-mâle le plus impitoyable, le plus sadique, le plus cruel (mais avec un sens moral quand même). À partir de cliché d'antihéros à destination d'un public masculin en mal de virilité, et refusant toute trace de faiblesse, Morrison décortique ce genre de personnage, pour en donner sa vision. le lecteur pourra s'agacer de la présence de l'élément surnaturel que constitue Happy, pourra trouver que son apparence est outrée et trop sucrée, que ses mimiques n'ont pas leur place dans un comics, que sa simple existence met à bas toute l'ambiance et détruit tout l'intérêt de l'histoire. Ou il peut accepter ces visions absurdes et enfantines, et les prendre comme une métaphore. À cette condition, il devient possible de jouir du divertissement procuré par ces scènes de violence sadiques et cathartiques, et de prendre du recul sur ce type de divertissement en regardant ce personnage avec un autre point de vue, celui que développe Morrison au fur et à mesure du récit. Grant Morrison et Darick Robertson ont créé un polar bien noir et bien glauque qui fonctionne à la fois comme un récit de genre au premier degré, mais aussi comme une réflexion sur l'attrait de ce genre et sur les causes du désespoir du personnage principal.

07/05/2024 (modifier)