Les derniers avis (105133 avis)

Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Black Jack
Black Jack

3.5 Tezuka X Dr. House X Captain Harlock ... et comme toujours avec le roi du manga, le cocktail est parfaitement dosé. On y suit donc les aventures médicales d'un gars ténébreux dont on ne sait de quel côté il penche dans des histoires courtes ponctuées de gags. Cette série fait le même effet que Golgo 13 : on passe un bon moment en compagnie de personnages originaux vivant au quotidien des aventures pas banales. Une routine s'installe, la mécanique est rodée et bien parti pour durer. Peu d'avancées mais finalement on est bien dans ce terrain connu, attendant simplement la prochaine intrigue qui garantit presque toujours un bon moment de lecture. Rien de grandiose par rapport à d'autres séries de Tezuka mais le thème et les personnages principaux (Black Jack soit mais aussi Pinoko, fidèle parmi les fidèles comme le jeune accolyte de Dororo) font leur effet. Note vers le haut car cette série a offert un personnage iconique (tout du moins au Japon).

23/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 2/5
Couverture de la série L'Ange
L'Ange

Pas franchement indispensable, cette lecture. Je l'ai emprunté pour voir ce que donnait Michel Faure dont j'avais apprécié particulièrement son Jésus Marie Joseph et je pense que cette BD est une sorte de premier jet. On y retrouve les mêmes thématiques et des personnages qui ressemblent étrangement à la version visible dans l'autre volume. Cela dit, ces deux volumes sont assez anecdotiques et franchement c'est pas très fou. On a une quête mystique qui tourne autour de l’apparition de la vierge qui enfantera le sauveur. Le tout avec du sang et de la violence, et un monde assez développé autour sans qu'on ne comprenne tout. C'était clairement destiné à être une série plus longue mais arrêtée rapidement. C'est dommage, mais en même temps le début m'a paru assez poussif et l'auteur semble partir dans plusieurs directions en même temps, avec le côté duel mystique, la représentation de la Judée ancienne, des représentations de marchands d'esclaves et une quête d'un sauveur qui semble mélanger les anciennes traditions avec le Judaïsme. L'ensemble m'a paru trop gloubi-boulga pour m'intéresser. Pour ma part, la réécriture de cette série (enfin, ce dont j'ai l'impression) m'a beaucoup plus convaincu.

23/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Carnation
Carnation

Un étrange album, aux dessins qui m'ont évoqués des planches en sérigraphie. Je ne m'attendais pas à grand chose de cet album que j'ai emprunté pour la couverture plutôt sympa. C'est une lecture assez spéciale, dans l'ensemble. Les planches ne sont pas toujours conventionnelles et de nombreuses cases contiennent des dessins figuratifs, métaphoriques, qui permettent de souligner le texte d'une manière parfois originale. Une façon de faire qui n'est pas sans me rappeler l'utilisation que fait Squarzoni dans ses œuvres du même procédé (d'ailleurs il est cité en remerciement à la fin). La lecture est donc assez ambitieuse, qu'il ne faut pas faire rapidement dans un coin entre deux rendez-vous. C'est plutôt verbeux et parfois complexe puisque l'auteur mélange des citations, des passages assez complexes narrativement et une voix-off qui présente les sentiments intérieurs du personnage. Mais en se laissant porter par le récit on voit la façon dont l'auteur se met à nue dans une relation toxique dont il est à la fois victime et bourreau, se complaisant dans une relation où il peut se croire dans le beau rôle. C'est une BD introspective, mettant à nue des aspects sombres du narrateur qui ne se cache pas d'avoir fait une bonne quantité de bêtises durant ses jeunes années. Cela dit, si la lecture fut sympathique, j'ai surtout en de l'antipathie pour les deux protagonistes et de fait, peu envie de relire la BD. Surtout que la fin m'a semblé abrupte, même si compréhensible. C'est une BD qui s'arrête à cette relation et ne développera pas plus. Pour ma part, je ne regrette pas ma lecture mais je ne chercherais pas à la relire !

23/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Voie du glaive
La Voie du glaive

Une lecture for plaisante pour ma part, il faut dire que je partais avec un à priori positif vu les auteurs du projet que sont Benoît Dellac (Hawkmoon, Nottingham), Vincent Brugeas (Irai Dei, Tête de Chien) et Emmanuel Herzet (Le Chant du Cygne), et qu’ils ne m’ont jamais déçu. Le pitch, vous l’avez lu, je ne vais pas faire dans la redite donc, c’est un buddy movie époque péplum, chose rare car je ne crois pas que l’idée ait déjà été exploitée. En tout cas cela tombe bien car j’apprécie ces deux genres. Les profils des deux compères, c’est du classique mais efficace, l’un est taiseux, réfléchi, stoïque, quand l’autre est plus exubérant, showman, fonceur, typiquement les profils de Titus Pulo et Lucius Vorenus dans la série HBO, Rome. Sauf que là les faux frangins Furieux se retrouve en position John McClane, « au mauvais endroit, au mauvais moment », et là le récit par à 100 à l’heure, de la course-poursuite sur plus d’une dizaine de pages dans les ruelles malfamées de Ravenne. Très plaisant à lire, déjà parce que c’est superbement mis en image par Dellac dont on commence à bien reconnaître le trait, le comparse Denis Bêchu fait le taf as usual aux couleurs, et en plus ce n’est pas juste « un tome d’intro » comme on a l’habitude de dire : les profils psychologiques sont bien posés et on sent les héros suffisamment intelligent et profond pour qu’il y ait de la place à des changements ou une évolution ; les enjeux sont définis mais comme je l’ai dit plus haut c’est mené tambour battant donc on ne termine pas ce tome 1 sur un « bon on a posé les bases du récit, on va pouvoir décoller dans le tome suivant », non là on a de l’action. Le seul bémol que j’aurai à apporter concerne l’illustration de couverture : je ne la trouve pas du tout réussie. La position des personnages, les proportions, les jambes, la police du titre… Meh, c’est pas très appâtant. Bien cool tout ça. Bon dessin, couleurs au poil, bons dialogues, bonne histoire, du pain et des jeux. Que demande le peuple ?

23/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Vie est belle malgré tout
La Vie est belle malgré tout

Réflexions déambulatoires -Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, et indépendante de toute autre, initialement parue en 1996. Seth est un auteur de bandes dessinées qui a une vingtaine d'années alors que le récit commence. Il s'adresse au lecteur par le biais de sa voix intérieure indiquant que sa vie baigne dans son amour pour les comic strips et les dessins humoristiques. En ce jour de 1986, il profite d'un séjour chez sa mère pour rechercher des compilations de comic strips dans les librairies de London (en Ontario). Après ce bref séjour, il rentre à Toronto. Il se promène dans un arboretum où il papote avec Chester Brown, son meilleur ami, lui aussi auteur de comics (par exemple le petit homme). Il évoque sa façon de voir les gens, sa rupture avec sa dernière copine. Arrivé chez lui, il montre à Chester ses dernières trouvailles en matière de dessins humoristiques, en particulier ceux publiés dans le New Yorker (The complete cartoons of the New Yorker). Il a été particulièrement touché par un dessin d'un artiste ayant signé Kalo. Par la suite il croise une jeune femme prénommée Ruthie, avec laquelle il noue une relation, il rencontre à plusieurs reprises Chester Brown, il emmène son chat chez le vétérinaire pour une infection des gencives. Et il se met à la recherche de ce mystérieux Kalo au style si séduisant. Seth (de son vrai nom Gregory Gallant) est un auteur canadien rare, au style très personnel. À ce jour (2013), il a réalisé 5 bandes dessinées : (1) La vie est belle malgré tout publié en 1996 dans les numéros 4 à 9 de son magazine "Palookaville", (2) le commis voyageur initialement publié en 2 tomes sortis en 2000 et 2003, (3) Wimbledon Green : le plus grand collectionneur de comics du monde en 2005, (4) George Sprott (1894-1975) en 2009, et (5) La Confrérie des cartoonists du grand nord en 2011. Dans ce récit, il se met en scène dans le cadre d'une autofiction. Il est visible que le personnage Seth partage beaucoup de points communs avec l'auteur Seth, mais cette quête de Kalo est fictive. Seth dessine dans un style très épuré pouvant parfois évoquer celui d'Hergé ou des nombreux cartoonistes qu'il évoque en fin de volume (Charles Addams, Dan DeCarlo, Ernie Bushmilller, Charles Schultz…). L'ouvrage est dessiné en noir et blanc, avec une seule couleur vert sauge appliquée pour faire ressortir quelques formes dans chaque case. Dans sa version originale (en VO), il est imprimé sur du papier jauni pour accentuer l'effet suranné et nostalgique. Seth s'applique à dessiner des personnages aux morphologies et aux visages tous différents et distincts, avec cette simplification des traits qui en fait des personnages de bandes dessinées, déjà assez éloignés visuellement de leur contrepartie réelle, plus proche d'un assemblage de traits que d'une ressemblance photographique. Ce parti pris volontairement détaché de la réalité se retrouve également dans la représentation des bâtiments divers et variés. Seth accorde une grande place à la contemplation des constructions immobilières et des maisons. À plusieurs reprises, le lecteur se retrouve face à une maison dans la campagne canadienne, ou des maisons à 1 ou 2 étages dans la banlieue de Toronto, ou l'horizon délimité par le somment des immeubles. Seth est un individu qui se déplace souvent en marchant et le lecteur peut apprécier un parc sous la neige, les gens marchant sur le trottoir, un feu d'artifice. Les bâtiments présentent la même distanciation d'avec une représentation réaliste ; ils ont cette même qualité un peu factice. Au fur et à mesure, Seth expérimente avec sa façon de raconter. Au début de la cinquième partie, il y a 5 pages consécutives dépourvues de tout texte qui montrent le passage des saisons. D'un coté, il utilise le dispositif très classique d'insérer de la neige, ou un soleil de plomb pour signifier la saison, de l'autre il juxtapose des images traduisant le mouvement de son regard, le papillonnement de son attention. Il s'agit d'une technique très courante dans les mangas qui permet à l'auteur de figurer la sensation éprouvée par le personnage, ou son état d'esprit. Intégrée dans une narration plus occidentale, l'effet est tout aussi saisissant. Sous des apparences visuelles simples et évidentes, Seth fait déjà preuve d'une solide maîtrise des techniques de la bande dessinée, et les utilise pour faire ressentir au lecteur, ses états d'âmes, ses états d'esprit, sa légère mélancolie. Pour autant, il ne s'agit pas d'un récit passéiste ou pessimiste. Seth expose sa passion pour les comic-strips avec délicatesse. Il reconnaît son goût pour les années 1930 et 1940 (pas très loin d'un "c'était mieux avant", mais pas tout à fait), son goût pour les objets manufacturés avec soin (par opposition à industrialisés avec économie de moyens), sa capacité à se sentir ému par ses souvenirs d'enfance. Seth se révèle être un individu très agréable à côtoyer, à découvrir petit à petit au fil de ses discussions avec Chester Brown ou Ruthie, de son monologue intérieur sur sa peur du changement, son habitude de faire des listes, etc. Cette forme de confession se combine avec ce qui constitue la dynamique ou le fil conducteur du récit : la recherche de ce dessinateur remarquable ayant eu une courte carrière. À un premier niveau, cette lente recherche de cet artiste fournit la trame principale et transforme un journal intime en un roman avec une intrigue. Mais Seth s'attache plus à évoquer les traces de la carrière de cet artiste fictif, qu'à décrire ses qualités d'artiste. Petit à petit, le lecteur finit par se dire que cette évocation ressemble fort à une projection de ce que pourrait être le devenir de Seth lui-même : un auteur connaissant une forme de gloire limitée, puis sombrant dans l'oubli. Sous cet angle, ce récit prend une dimension étonnante : Seth évoque ses impressions d'enfance (son passé), il évolue dans le présent, et il contemple ce qui pourrait être sa trajectoire d'artiste. Avec ce point de vue, "It's a good life if you don't weaken" n'est plus une autofiction douce et intime, mais un regard sur une vie en devenir, comme si le moment présent contenait déjà tout les moments futurs. Cette impression est encore renforcée alors que l'histoire s'achève dans une maison de repos pour personnes âgées. Dans cette histoire, Seth se met en scène dans une autofiction tenant à la fois du journal intime, de son approche de la vie et de sa propre individualité, mais aussi d'une possible structure prédéterminée de son avenir.

23/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série Enfin je vole !
Enfin je vole !

Je connaissais l'histoire d'Eugene Bullard pour l'avoir lu dans Le Petit Théâtre des opérations et je pensais que cette biographie plus longues allaient approfondir mes connaissances sur lui et j'ai pas eu l'impression que j'ai appris grand chose de nouveau. L'histoire commence dans les années 50 lorsque Bullard revenu aux États-Unis et travaillaient comme garçon d'ascenseur raconte sa vie à un client durant une panne d'ascenseur. On va donc suivre la vie de Bullard lorsqu'il était gamin dans le sud jusqu'à ses exploits dans l'armée française durant la première guerre mondiale. Ça se laisse lire sans problème parce que Bullard a eu une vie excitante, mais j'ai été un peu déçu comment les auteurs traitent sa vie. On passe un peu trop de temps dans le sud des États-Unis. Je comprends que les auteurs sont américains et veulent dénoncer le racisme qu'on retrouve dans l'histoire de leur pays, mais des histoires sur le racisme du sud profond des années d'avant les droits civiles j'en ai lu des paquets alors qu'on voit moins le traitement des noirs dans les pays européens à la même époque, du moins dans les fictions que j'ai lu ou vu. Les auteurs abordent la question dans une des meilleures scènes du récit: on voit qu'il y a du racisme, mais comme ce n'est pas aussi extrême que dans le sud des États-Unis, on comprend pourquoi c'est un paradis pour un type comme Bullard qui a vécu dans une atmosphère où un noir pouvait se faire lyncher pour un oui ou pour un non. Un autre truc qui m'a déçu est qu'en mets sur la couverture que Bullard a été aviateur, mais lorsqu'on arrive enfin à la première guerre mondiale, on va surtout voir Bullard dans les tranchés. Bullard l'aviateur n'arrive que dans les 50 dernières pages d'une biographie de plus de 300 pages ! En plus, le récit du passé de Bullard se termine après la première guerre mondiale donc le lecteur ne voit pas comment un héros de guerre qui a combattu pour la France se retrouve quelques décennies plus tard comme simple garçon d'ascenseur aux États-Unis. Moi je le sais parce que je connaissais déjà la vie de Bullard dans les grandes lignes, mais un lecteur qui ne le connaissait pas va rester sur sa faim et être obligé d'aller sur Wikipédia pour connaitre la suite. Les auteurs ont peut-être prévue un second tome, mais pour l'instant l'éditeur traite cet album comme un one-shot. Sinon, le dessin est très bon. Il y est à la fois dynamique et expressif. On notera plusieurs pages muettes ou avec peu de mots ce qui fait que la lecture est plutôt rapide pour un album aussi long.

23/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Tombée d'une autre planète - D'après les aventures indécentes de Patricia Highsmith
Tombée d'une autre planète - D'après les aventures indécentes de Patricia Highsmith

Ce comics raconte la vie de l'écrivaine Patricia Highsmith ou plutôt un moment de sa vie, lorsqu'elle écrivait des comics et essayait tant bien que mal de faire publier son premier roman et aussi de combattre son homosexualité. Je ne connaissais pas cette écrivaine qui semble avoir marqué la littérature queer en publiant un roman lesbienne qui était un des premiers (sinon le premier) où les personnages principaux finissent heureuses ensembles. À l'époque, lorsqu'il y avait des personnages homosexuelles, il faillait qu'ils finissent 'normaux' avec un mari/une épouse ou qu'ils se suicident ou qu'ils meurent pour expier leur terrible pêché. J'ai adoré cette biographie qui m'a fait découvrir une personnalité hors du commun. Highsmith était une personnalité complexe avec de gros défauts et j'ai bien aimé que les autrices n'aient pas peur de montre son coté sombre. Trop souvent dans les biographies en bande dessinée, les auteurs qui veulent rendre hommage à une personnalité gomment souvent leurs défauts et on se retrouve avec un personnage principal lisse. Ici, ce n'est pas le cas et cela rends Highsmith attachante malgré tout et on comprend mieux l'époque dans laquelle est vie. On voit bien, par exemple, comment les membres des LGBT vivaient lorsque leurs orientations étaient considérées comme une maladie et pourquoi quelqu'un comme Highsmith va chez le psychiatre dans l'espoir d'être guéri de son lesbianisme. Un autre défaut récurent des biographies est qu'en résume une vie complète et cela finit souvent en une simple suite d'anecdote. Ici, comme on ne voit qu'un moment de la vie de Highsmith, cela permet de mieux développer les thématiques abordées par les autrices. Le dessin est très bon, du réaliste dynamisme comme je l'aime.

22/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série George Sprott
George Sprott

Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps ? - Il s'agit d'un récit complet, initialement paru en feuilleton dans le New York Times Magazine, complété et publié en 2009, dans un très grand format (36,3cm*30,48cm). C'est l'œuvre d'un seul auteur Seth qui a réalisé le scénario, les dessins, l'ajout de tons. George Sprott a 81 ans, il est à quelques heures de sa mort. le récit intercale le compte-rendu de ses dernières activités (repas, papotage, siestes inopinées, préparation de sa conférence imminente), avec de courtes saynètes revenant sur des moments de son quotidien (ses expéditions dans le Grand Nord canadien, ses émissions de télévision, ses conférences, son passage au séminaire, l'annonce de la mort de son père, sa relation avec sa femme, etc.), et des interviews de personnes l'ayant côtoyé à titre professionnel ou à titre amical. le tome s'achève avec la mort de George Sprott, et une dernière interview d'un collectionneur de souvenirs de la station de télévision qui enregistrait et diffusait les émissions de Sprott. Seth apparaît comme un auteur sophistiqué qui demande à son lecteur de participer activement dès les 2 premières pages placées en introduction avant le titre. Il s'agit de 2 fois 21 cases sur un fond bleu gris dans lesquelles flottent la tête de Sprott nouveau né et celle de Sprott à 81 ans, avec des considérations sur le néant existant après la mort, mais aussi avant la naissance. Par la suite, la voix du narrateur omniscient explique qu'il ne sait pas tout sur le personnage, qu'il a raté un moment crucial (ou pas) une demie heure avant sa mort et que l'histoire n'est pas forcément racontée dans le bon ordre. Seth attire donc l'attention du lecteur sur les conventions qui régissent la création d'une histoire et sa structuration. le lecteur a donc la responsabilité de prendre du recul pour s'interroger sur la signification de telle ou telle anecdote à ce moment précis du récit, ou dans sa trame globale. Il joue avec le lecteur en observant que les dates de séminaire de Sprott (1914-1918) coïncident avec celle de la seconde guerre mondiale tout en indiquant juste après qu'il ne faut voir aucune signification particulière dans cette information. C'est dans l'une des saynètes du passé que Seth donne la clef sur l'intention de son ouvrage : pour lui l'expérience du contraste entre l'extérieur et l'intérieur d'un individu constitue l'une des expériences d'humanité les intenses. Cette bande dessinée hors norme propose donc au lecteur de se former son propre jugement de valeur sur l'individu imaginaire George Sprott. Évidemment dans toute démarche de cette nature, la réflexion renvoie le lecteur à son système de valeurs, à ses convictions, à son éventuelle spiritualité, à ses croyances. Sur ce dernier thème, Seth est clair dès le début : aucune composante religieuse, ou même spirituelle. Seth se tient même à l'écart de toute théorie psychanalytique. Malgré des sujets aussi sérieux que la vie intérieure et l'altérité insondable d'autrui, cette histoire se lit avec une facilité exceptionnelle au point d'en devenir déroutante. Seth bannit les éléments trop modernes ou trop technologiques pour une sorte de présent immédiatement assimilable. Il utilise un graphisme épuré qui tutoie à la fois l'icône, le symbole, et dans certains recoins l'abstraction. Ces dessins procurent une lisibilité immédiate et très simple, mais pas tout à fait simpliste du fait de la réflexion graphique pour le choix des formes de base. La compréhension du visage de Sprott est immédiate, mais l'analyse des composantes montre un assemblage de traits basiques qui pris un à un perdent du sens pour relever d'une géométrie abstraite. La mise en page procède d'une maîtrise de composition tout aussi savante, pour une apparence tout aussi trompeusement simple. Seth utilise une grammaire graphique d'une étendue impressionnante, tout en faisant en sorte qu'elle reste en arrière-plan. Dans la saynète "Merrily we roll along", Seth raconte par les images une des expéditions de Sprott dans le grand nord, tout en évoquant son premier amour dans les inserts de texte. Il réutilise ce dispositif déconnectant images et textes un peu plus loin. Dans la page d'après il construit une biographie approximative de Sprott à base de photos juxtaposées donnant évoquant à merveille le temps qui passe et la distance impossible à franchir entre ces quelques moments choisis et la construction psychologique et émotionnelle de l'individu. Alors que le lecteur pourrait craindre une forme d'homogénéité soporifique due au graphisme, les mises en page (toutes sur la base de cases rectangulaires sagement juxtaposées) reposent sur des mises en scènes différentes qui introduisent des variations tonales dans la narration, rendant impossible la sensation d'uniformité soporifique. Même les différentes interviews avec plusieurs cases dédiées à des têtes en train de parler deviennent signifiantes dans leur forme qui rappelle que ces propos sont eux aussi artificiels et incapables de retranscrire la vie intérieure du sujet George Sprott. Il y a également quelques pleines pages qui capturent un instant dans toutes ses composantes matérielles, elles aussi graphiquement tirées vers l'épure, l'icône, l'élément générique qui symbolise tous ceux de cette famille d'objets. Il y a également une ou deux doubles pages qui mettent en évidence la nature abstraite de chaque trait utilisé pour composer chaque forme, chaque objet, chaque visage. Il attire l'attention du lecteur sur le mode de fonctionnement de l'attribution de signification, de la reconnaissance d'une forme connue avec des traits sur une page. Ces doubles pages forment des exercices à la frontière de la paréidolie aussi exemplaires que pédagogiques. Seth a même intégré des photographies des modèles réduits de bâtiments qu'il a réalisés avec du carton fort, habillé de surfaces dessinées. Dès le début, Seth place son histoire sous le signe de la mort et de l'art du narrateur. le lecteur plonge alors dans le récit d'une vie fictive avec ses actions remarquables (les expéditions dans le grand nord) et sa forme de célébrité dérisoire, de solitude, de vieillissement, le quotidien immuable des 20 dernières années de Sprott qui n'a jamais cessé de travailler. Les illustrations simples (en apparence presqu'enfantines) dédramatisent le discours sur la mort, tout en composant une tapisserie d'une grande richesse. le lecteur est amené à peser le sens de quelques actions de Sprott et de la perception qu'en ont eu ceux qui l'entouraient ou le croisaient, au regard de sa mort qui approche. Seth propose au lecteur de mettre en pratique la maxime de Nietzsche, en douceur, gentiment, mais inexorablement : quand on contemple l'abysse, l'abysse vous contemple aussi.

22/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Kids
Les Kids

Souvenirs d'enfance enlaidis - Ce tome contient une histoire complète parue pour la première fois en recueil en 2002. Joe Matt (scénariste et dessinateur) raconte 2 jours (samedi + dimanche) de sa jeune adolescence, en noir & blanc. Dave (le meilleur copain de Joe, peut-être le seul) se rend de chez lui à la maison de Joe en bicyclette, dans une banlieue pavillonnaire boisée et assez étalée, où le petit jardin devant chaque maison n'a pas de clôture. Dave vient chercher Joe parce que les pneus de sa bicyclette sont crevés. le vélo de Dave dispose d'une selle à 2 places. Alors qu'ils circulent dans les rues de la ville, ils passent devant la maison de Rizzo, un autre gamin du quartier. Rizzo et Joe échangeaient des comics il y a quelques semaines, mais maintenant Rizzo souhaite le bastonner. Alors qu'ils passent devant chez lui, l'inquiétude de Joe monte et il demande à Dave de pédaler plus vite de peur que Rizzo leur jette quelque chose dessus. Une fois cette maison dépassée, Joe se moque copieusement de Rizzo en le traitant de lâche. Ils rencontrent un groupe de jeunes ayant creusé 2 tunnels dans un terrain vague. Ils se moquent ensuite d'une jeune fille un peu attardé. Joe se fait inviter chez Dave et répond à sèchement au téléphone à sa mère en lui signifiant son refus de tondre la pelouse à titre gracieux. Ce troisième recueil autobiographique de Joe Matt sort un peu du lot. À ce jour (2012), Joe Matt a sorti 4 albums : Strip-tease (1992), le pauvre type (1996), Les Kids (2002) et Epuisé (2007). Les 3 autres correspondent à une forme de journal autobiographique, alors que "Les Kids" est un récit ramassé sur 2 jours qui traite de souvenirs d'enfance. Pour les habitués de Joe Matt, la scène d'introduction déconcerte un instant car il s'agit de 3 pages muettes dans lesquelles il s'applique à donner une idée d'un quartier de cette banlieue paisible (alors que d'habitude les décors jouent un faible rôle dans ses comics). Par contre, on reconnaît tout de suite le style très rond des dessins, une approche simplifiée des formes, avec un esthétisme très doux, très plaisant à l'oeil, presque pour une publication destinée à la jeunesse. En fait seuls les thèmes abordés en font un récit pour lecteurs plus âgés. Pour les habitués de Joe Matt, sa description de lui-même en jeune adolescent participe de la même approche que son journal autobiographique. En une dizaine de pages, Joe Matt enfant ressort comme un individu au caractère détestable et veule. Au fur et à mesure de son interaction avec sa mère, sa soeur, Dave et d'autres, le lecteur découvre les différentes facettes de sa personnalité : trouillard, mauviette, pingre, cupide, rancunier et obsessionnel (surtout en ce qui concerne sa collection de comics). Joe Matt n'utilise pas l'autobiographie pour se dépeindre comme héros de sa propre vie, mais comme un individu sans aucune valeur rédemptrice. Il n'est pas méchant, il est juste médiocre et mesquin. Matt évite toute analyse psychologique pour uniquement raconter les petits événements de ces 2 journées ordinaires qui font ressortir tous les défauts de sa personnalité. Par comparaison, Dave apparaît comme un jeune équilibré et enjoué, un peu bagarreur, un modèle de normalité. Parmi les différents personnages de l'histoire, il est évident que Matt entretient des relations conflictuelles avec sa mère, des oppositions pas encore dépassées au moment où il réalise cette bande dessinée. Au fil des pages, comme dans toute autobiographie, le lecteur est amené à se demander quelle est la part de vérité et la part romancée, enlaidie en l'occurrence. Joe Matt réalise une mise en scène entièrement à charge contre sa propre personne, alors que tous les autres individus sont normaux, à l'exception certaine de sa mère. Il est évident que ce récit constitue pour Matt un exercice de reconstruction de ses souvenirs pour leur donner la forme construite d'un récit. Il n'est donc pas à prendre au premier degré, et d'ailleurs l'enfance de Joe Matt n'a qu'une portée très restreinte en termes d'intérêt puisqu'il n'est par à proprement parler une célébrité qu'il n'y a pas de faits marquants. Cette démarche de reconstruction narrative des souvenirs évoque celle effectué par Chester Brown, un des amis de Joe Matt, dans Je ne t'ai jamais aimé. D'une manière assez étonnante, cette autocritique acerbe se lit facilement et même avec plaisir. Il faut dire que l'aspect visuel presqu'enfantin désamorce complètement tout risque d'apitoiement ou de pitié envers cet enfant, mais aussi toute forme de dégoût vis-à-vis de ce jeune garçon totalement inoffensif. Les anecdotes relatées fournissent la matière narrative nécessaire pour éviter de tomber dans une analyse de caractère destructive. Joe Matt a l'art et la manière de se mettre en scène en suscitant le ridicule et la dérision, c'est à dire que malgré une vision peu reluisante de lui-même, le lecteur a plutôt le sourire aux lèvres devant cet exemple peu plaisant d'être humain.

22/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Epuisé
Epuisé

Addiction - Il s'agit du quatrième tome des récits autobiographiques de Joe Matt après : (1) Strip-tease (1992), (2) le pauvre type (1996), et (3) Les Kids (2002). Ce tome est initialement paru en 2007. Joe Matt réalise le scénario, les dessins, l'encrage et l'application d'une nuance de vert. La première scène s'ouvre avec Joe Matt et Seth (auteur de George Sprott) dans une librairie à la recherche de vieux comic strips. Joe Matt trouve un exemplaire de "Birdseye center" et l'accapare, tout en sachant pertinemment que Seth y attache plus de valeur que lui. Après un peu de marche à pied et une conversation amicale et parfois amère, ils se séparent. Joe Matt à rendez-vous avec Mario, un copain qui l'approvisionne en cassettes vidéo pornographiques. Une nouvelle discussion très spécialisée commence dans un café. Par la suite, Joe Matt met en scène son addiction à la pornographie, ses stratégies mesquines pour éviter de se retrouver face aux autres locataires de la maison où il loue une chambre, ses discussions avec Seth et Chester Brown (par exemple le petit homme) qui tournent autour de son addiction et de ses défauts en tant qu'individu, sa collectionnite aigüe pour Gasoline Alley, son incapacité à réaliser de nouvelles planches de BD, etc. Le lecteur retrouve pour la quatrième fois les réflexions de Joe Matt sur sa personnalité qu'il met en scène au travers d'épisodes de sa vie réarrangé. Il l'indique clairement dans la quatrième partie de ce tome : il choisit les moments qu'il raconte, il les retravaille n'incorporant que les éléments qui servent son propos, laissant les autres de coté. En tant que narrateur il effectue un travail de montage de ses souvenirs. Matt ne fait pas un mystère du fait qu'il s'agit d'une autofiction (d'une forme romancée de sa vie), plus que d'une autobiographie qui rechercherait un semblant d'authenticité. le flux des souvenirs est réarrangé et structuré pour aboutir à une narration ordonnée. de ce fait le personnage Joe Matt n'est pas une représentation honnête ou littérale de l'individu Joe Matt ; c'est un double de fiction. D'un point de vue visuel, Joe Matt a conservé son approche graphique du tome précédent, en ajoutant des tons vert sauge. Il s'agit donc toujours de contours simples, arrondis et élégants pour délimiter les formes, de visages simplifiés dans lesquels les yeux peuvent être représentés juste par 2 ovales, ou 2 traits. Ce registre graphique permet d'assimiler les images avec une grande rapidité, et il a également pour effet de rendre les personnages plus sympathiques, plus proches du lecteur car définis de manière simple. Seth et Chester apparaissent comme 2 individus très chaleureux, agréables à vivre (malgré leurs piques contre Joe) du fait de leur apparence inoffensive. Cette approche permet également à Matt d'exagérer les expressions des visages, sans que cela ne paraisse choquant, ou que cela ne vienne distraire de la lecture. de ce fait les émotions sont exprimées avec plus de force, mais aussi plus de nuance. Joe Matt le scénariste ne facilite pas la tâche du dessinateur : il inclut de longs plans séquence composés uniquement de conversation, ou de monologue à voix haute de Joe. Cela donne des pages assez statiques qui sont heureusement rendues visuellement intéressantes par cette expressivité des visages. Comme pour le tome précédent, Joe Matt s'en tient à une mise en page unique et immuable : 8 cases par page, réparties en 4 lignes de 2 cases. Autant de fois que nécessaire, Matt dessine les décors qui se composent d'une poignée d'éléments qui suffisent pour comprendre où se déroule la scène. le seul passage à la mise en scène un peu trop artificielle correspond à la marche à pied effectuée par Seth et Joe, où Matt dessine des silhouettes d'immeubles en arrière plan, comme si elles n'avaient pas de lien direct avec les personnages. Dès les premières pages, le lecteur se rend compte que Joe Matt a diminué le niveau de la composante humoristique de son récit, et a augmenté la composante geignarde, ou tout du moins l'inquiétude éprouvée par le personnage. Effectivement ce tome est moins drôle que les précédents. Au fil des pages, le lecteur comprend que Matt écrit ces pages alors qu'il a atteint la trentaine et qu'il semble éprouver une crise de la quarantaine. Déjà peu confiant en lui de nature, ce passage de sa vie voit cette inquiétude augmenter. Matt doute de tout, et commence à faire ses premiers bilans. Sa relation profonde avec Seth et Chester Brown permet aux uns et aux autres de parler de choses qui leur tiennent à cœur, de manière approfondie. C'est ainsi qu'ils n'hésitent pas à dire ses 4 vérités à Joe Matt qui s'en nourrit pour développer son introspection. Il s'agit d'un aspect de ce récit qui ne peut pas laisser indifférent : Joe Matt parle de choses qui le touchent intimement (quel que soit le degré de véracité) et il en parle librement et avec intelligence. Lorsque Seth parle de ses principaux défauts, il est évident que Matt a fait le cheminement intérieur qui lui permet de savoir que Seth à raison sur toute la ligne, mais aussi qu'il s'agit de sa nature profonde sur laquelle il n'a que peu d'emprise. Quand Matt retranscrit sa discussion sur la pornographie avec Mario, le lecteur ressent toute la charge émotionnelle qui accompagne ces échanges. Joe Matt sait faire passer l'importance que le sujet à pour lui, le plaisir que lui procure le visionnage de ces K7, la culpabilité qu'il ressent en s'imaginant ce que peut être la vie de ces femmes, l'échelle de valeur qu'il s'est construit en catégorisant chaque acte pour déterminer quels plans l'excitent plus que d'autres, la concentration intense qu'il met dans cette activité (au point de reconnaître les actrices, et de s'apercevoir si elles ont eu recours à la chirurgie esthétique d'un film sur l'autre). Mario et lui parlent en connaisseurs, presqu'experts citant les pratiques du réalisateur Ed Powers (de son vrai nom Mark Krinsky), ou les mérites des actrices figurant dans les films de la collection "Private" (sans parler du goût immodéré de Matt pour les asiatiques). En fait plus de la moitié du récit est consacré à son addiction à la pornographie. Petit à petit, le lecteur prend conscience au travers de cette BD des symptômes de son addiction et des conséquences sur sa vie qui vont de l'incapacité à avoir une relation affective avec une femme, jusqu'à une forme de marginalisation douce mais tranchée. Effectivement on est loin de l'insouciance avec lesquelles il exposait ses petites névroses. Avec cette bande dessinée, Joe Matt va beaucoup plus loin dans l'autofiction que dans les 3 tomes précédents. Toujours sous des dehors simples et agréables, il aborde une facette peu reluisante de sa vie. Il montre comment sa recherche du plaisir a pris la forme d'une addiction qui mange son quotidien. Comme à son habitude, il relate ce récit sans moralisation, ou apitoiement larmoyant (il y a juste une ou deux tentatives maladroites de recourir à une forme de moment clef dans sa vie, assez risible du fait de leur simplisme qui sous-entend que Matt est condamné à reproduire les mêmes schémas comportementaux). Il fait rire de ses défauts, mais le constat est glaçant dans sa force émotionnelle.

22/04/2024 (modifier)