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Couverture de la série American Parano
American Parano

"American Parano", première partie d'un dyptique signé par le duo Hervé Bourhis et Lucas Varela, fait suite à leur précédente collaboration, Le Labo, parue en 2021. Dans cette bande dessinée, l'atmosphère vibrante de la fin des années 60 est parfaitement retranscrite, rappelant l'ambiance de films cultes tels que "Rosermary's Baby" pour la thématique du satanisme, ainsi que les œuvres sombres de David Fincher, comme "Zodiac" et "Seven". L'histoire se déroule à San Francisco en 1967, où la jeune inspectrice Kim Tyler et le vétéran Ulysses Ford enquêtent sur le meurtre brutal d'une étudiante près du Golden Gate. Le cadavre porte un sinistre signe satanique gravé au couteau sur le ventre, menant les enquêteurs à se pencher sur Baron Yeval, leader de l'"Église de Satan". Intriguée par ce mystérieux gourou, Kim décide de poursuivre l'enquête seule, risquant ainsi de perdre son âme au contact de forces obscures. Hervé Bourhis, fin connaisseur de la société et de la musique des années 60, insuffle à ses récits une crédibilité historique saisissante, tandis que Lucas Varela apporte une élégance graphique à la fois rétro-pop et moderne. Cette combinaison réussie entre un scénario captivant et des illustrations saisissantes fait d'"American Parano" une bande dessinée envoûtante et passionnante, plongeant le lecteur au cœur d'une époque marquée par le mystère et la paranoïa.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Royaumes de Tiketone
Les Royaumes de Tiketone

"Les Royaumes de Tiketone" de Mélissa Morin, son troisième album en solo après une carrière de designer de mode, nous plonge dans une aventure jeunesse empreinte de mystère et de symbolisme. L'histoire suit Thomas, un jeune garçon miraculeusement épargné par un accident de voiture, qui rejoint un foyer. Visiblement traumatisé, il ne s’exprime qu’en rotant et garde, en permance, un casque sur la tête. Il fait la rencontre d’Eliott, Florian, Marianne, Robin et Virgile, 5 enfants qui vont l’oblige à sortir de sa coquille et à s’ouvrir à eux. Porteur du savoir de sa sœur disparue, Thomas guide la bande dans une quête pour retrouver cinq reliques, censées ouvrir les portes d'un monde invisible : le Royaume de Tiketone. C’est un récit très intriguant qui évoque des thèmes de passage à l'âge adulte, rappelant des histoires telles que "Stand By Me" ou Stranger things. À travers des défis et des épreuves, les enfants surmonter leurs peurs, leur souffrance et leur colère, tout en unissant leurs forces pour atteindre le mystérieux royaume de Tiketone. L'influence de Morin en tant que designer de mode se ressent tout particulièrement dans son dessin, coloré et chargé de symbolisme. Je dois toutefois dire être un peu resté sur ma fin. L'histoire m'a semble être une longue introduction et bien que pas inintéressante, elle ne décolle réellement que dans son dernier tiers... qui, par dessus le marché, se termine par un cliffhanger ! Bon... je suis toutefois très curieux de découvrir la suite, d’ores et déjà annoncée pour la rentrée 2024.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Cat's eye
Cat's eye

J'ai le générique de la série télé en tête en écrivant ces lignes ! "Cat's Eye", c'est LE manga culte de Tsukasa Hojo… enfin, disons le SECOND manga culte de Hojo, le premier étant City Hunter (alias Nicky Larson). Cat’s Eye est une œuvre emblématique de la culture manga des années 80 et 90, tout comme son adaptation animée qui a marqué cette époque. L’histoire est archi connue : en journée, Rui, Hitomi et Ai, les trois sœurs Kisugi gèrent le café "Cat's Eye", mais la nuit, elles deviennent des cambrioleuses hors pair. Leur objectif : retrouver leur père disparu pendant la seconde guerre mondiale, en dérobant exclusivement les toiles d'un mystérieux artiste. Elles pensent ainsi qu'en réunissant toute la collection de leur père, elles pourront le retrouver. Malheureusement, elles sont traquées sans relâches par l’inspecteur Toshio, un jeune policier très bavard qui n’est autre que… le fiancé d’Hitomi. Cet aspect culte de "Cat's Eyes" s'est étendu jusqu'en Belgique et en France, où le manga et l'anime ont connu un immense succès. Leurs aventures captivantes, mêlant action, mystère et romance, ont conquis un large public. Depuis l’an dernier, les éditions Panini Comics sortent de belles intégrales de cette œuvre, qui permettent de La série est, par ailleurs, actuellement en phase d’adaptation sur TF1.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Chroniques d'Ona
Les Chroniques d'Ona

Les Chroniques d'Ona est une aventure jeunesse pleine de douceur, d'humour et de poésie On y suit le personnage d'Ona, une jeune "Lueur" isolée (entendez, une sorte de magicienne) qui vit dans un monde ravagé par le Sombre, une mystérieuse force qui détruit la végétation et semble également toucher certains êtres vivants. De part sa nature de Lueur, Ona, est capable de faire repousser la végétation, c'est pourquoi elle vit cachée. Elle est toutefois amenée, en début de récit, à quitter son repère après que celui-ci soit détruit par des créatures atteintes par le Sombre. Elle entame alors un long périple pour tenter de rejoindre ses consœurs Lueurs et fera, sur sa route la rencontre de tout un tas de personnages plus rocambolesques les uns que les autres, dont Anto, une sorte de chat froussard, Dini, une petite chauve-souris, ainsi que Bigre et son équipage de pirates ! C'est un récit plein de poésie et d'humour, doublé d'une réflexion sur l'écologie et la place de l'humain dans la nature que proposent les deux auteurs. J'ai été très séduit par la douceur du dessin de Yohan Sacré qui mêle à la fois le dessin numérique et le dessin à l'aquarelle (pour les scènes de flashback). De plus, on sent les influences "Jim Hensonesque" (pour Jim Henson, le créateur du Muppets Show et de Sesame Street) dans la représentation de certains personnages (notamment l'équipage de pirates) L'histoire est découpée en chapitres qui voient Ona passer d'une situation à une autre, d'une problématique à une autre, tout en faisant avancer le récit, un peu à la manière d'une série télé comme The Mandalorian (l'association Ona-Dini n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de Mando et de Grogu). Si le début du récit semble un peu confus, les auteurs prennent toutefois le temps de faire découvrir leur univers petit à petit de sorte à ce que celui-ci gagnent en cohérence et en force à la fin de l'histoire. De plus, entre chaque chapitres sont intercalés des "fiches" qui nous renseignent sur les différents cristaux qu'utilise Ona pour faire sa magie. Une technique qui renforce un peu plus la mythologie du récit et qui invite également à une relecture de certains chapitres. Je suis curieux de voir la tournure que prendra cette histoire car il ne me semble pas encore clair s'il s'agit d'un one shot ou du début d'une éventuelle série. Dans le second cas, les bases sont posées pour une aventure épique, et je suis curieux de voir ce que les auteurs vont proposer par la suite.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série La Vengeance
La Vengeance

"La Vengeance" de David Wautier est éditée aux éditions Anspach. Cette histoire nous transporte dans le Wyoming du XIXe siècle. Nous suivant Richard Hatton, un cowboy qui, après le viol et le meurtre de sa femme se lance dans une quête vengeresse pour retrouver ses assassins : Jim Pickford et ses acolytes,. Hatton est accompagné par ses deux enfants Tom et Anna qui le suivent un peu malgré eux. C’est une histoire qui explore les limites de la vengeance et les conséquences déchirantes sur Hatton et ses enfants, tout en questionnant la frontière entre le vengeur et le criminel. David Wautier dépeint cette histoire avec un trait réaliste et chaleureux, notamment dans les scènes sous la neige et les flashbacks en couleur sépia. La relation entre le père et ses enfants est au cœur du récit, soulignant la poésie et l'humanité dans un contexte de violence et de désespoir.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Rivages lointains
Rivages lointains

Anais Flogny signe ici sa première bande dessinée. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cet album trahi déjà de grandes ambitions scénaristiques et un volonté de façonner des personnages fascinants ! Cet album sort dans la collection Combo, un nouveau label que la maison d’édition Dargaud lance cette année et qui a pour objectif de mettre en lumière le travail d’autrices et d’auteurs différentes, influencés par les mangas, les comics, l'animation, le jeu vidéo et les réseaux sociaux. « Rivages Lointains » raconte l’histoire de Jules Tivoli, un jeune commis, immigré italien vivant dans le Chicago des années 30, en pleine grande dépression (et durant la prohibition). Un jour, Jules fait la connaissance d’Adam Czar, un charismatique (et plus âgé) membre de la pègre locale. Rapidement, de façon fort culotée, Jules va se faire remarquer d’Adam qui, intrigué par le potentiel du jeune homme, le prendra sous son aile. Il entamera avec lui une relation amoureuse passionnée. Suite à une série de règlements de compte Adam et Jules sont contraints de quitter Chicago pour s’installer à New York. Malheureusement, Adam, polonais d’origine, ne parvient pas à intégrer les rangs de la très italienne Cosa Nostra. Qu’à cela ne tienne, il décide de se servir de Jules comme « porte-parole » et ainsi conserver ses privilèges. Jules va toutefois se prêter au jeu et va, progressivement, prendre de l’assurance et gravir lui-même les échelons jusqu’à devenir un membre important de la Cosa Nostra, au grand dam … d’Adam. Cette historie est terriblement bien racontée. A tel point que les presque 230 pages qui la composent se lisent avec une facilité déconcertante. L’autrice, Anais Flogny, a eu la bonne idée de découper son récit en chapitres entre lesquels s’écoulent chaque fois 2 années ou plus. De la sorte, on assiste à la progressive montée en puissance de Jules, à la déchéance du charismatique Adam et surtout à la détérioration de leur romance, le second jalousant petit à petit le premier. Il est aussi très intéressant d’observer comment Anais Flogny construit méthodiquement la psychologie de ses personnages. Cela se ressent tout particulièrement dans le personnage de Jules qui, s’il ne dispose d’aucun « pouvoir » (et ce sens qu’il n’est qu’un commis sans perspective d’avenir) a, dès le début, une force de caractère et une volonté de réussir dans la vie. A tel point que son ascension, son amour pour Adam puis son émancipation de son mentor/amant en sont passionnantes. Il est enfin important de noter la présence du personnage d’Eufrasio, un autre jeune membre de la mafia, flamboyant et tête brulée, que Jules rencontrera à New York et dont il deviendra l’ami. Eufrasio s’inscrit comme un élément perturbateur magnifique. C’est en effet lui qui va semer les premiers éléments de doute que Jules éprouvera vis-à-vis d’Adam et c’est surtout lui qui va amener le personnage à s’affirmer profondément et durablement. De son propre aveu, Anais Flogny tire son inspiration des affichistes et des illustrateurs du début du XXème siècle (René Gruau, Austin Griggs…) mais également d’auteurs et autrices de bandes dessinées comme Cyril Pedrosa ou Kamome Shirahama , un mélange de style intriguant qui, s’il pourrait de prime abord en surprendre certains, se laisse rapidement apprivoiser pour en devenir addictif. Peu de décors, mais des personnages tout en expressivité et dont les moindres haussement de sourcils (aussi infimes soient ils), les moindres rictus, les membres expressions corporelles, trahissent des personnalités fortes. L’ensemble est colorisé dans des tons pales et un peu délavés renforce l’aspect vintage et dangereux du récit et du monde dans lequel évolue les personnages. Cette histoire n’est pas sans rappeler d’autres récits tels que le Parrain, les Affranchis, dont elle aborde, bien évidemment les thèmes. La pauvreté, la petite et la grande criminalité, la montée en puissance d’un personnage d’origines modestes, déterminé, la chute inévitable d’un personnage influent… Loin d’être redondante, la relecture de ces différentes thématiques est, au contraire, passionnante, tant on est curieux et curieuses de voir ce qu’en fait Anais Flogny. L’autrice parvient en effet, grâce à son trait particulier et à la construction de la psyché de ses personnages, à transcender ce type de récit « classique » en y insufflant une dimension (un peu plus) humaine et poignante. En ce sens, la relation homosexuelle entre les deux personnages est un élément tout à fait neuf, dans ce genre d’histoire et peu représenté dans ce genre de milieux mafieux, iconiquement considéré comme très viril. Cela apporte ainsi une touche de douceur mais également de danger à l’ensemble. Avec Rivages Lointains, Anais Flogny ne dynamite pas les codes du récit de gangster, mais le soin qu’elle apporte à sa narration ainsi qu’à la construction de ses personnages font de cet album une relecture moderne et rafraichissante de ce type d’histoire.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série L'Expert (Jennifer Daniel)
L'Expert (Jennifer Daniel)

Nous sommes à la fin des années 70, en Allemagne de l’Est. Mr Martin, ancien soldat SS est désormais un homme de bonne famille, rangé et bien sous tous rapports. Employé de morgue, il est méticuleux et discret. A côté de ça, Mr Martin a un petit problème de boisson… Pas évident quand le médecin en charge de la morgue où il travaille est l’un des pionniers en matière de limitation d’alcoolémie. Tout bascule pour Mr Martin lorsqu’un soir, passablement éméché, il rentre chez lui en voiture et est le témoin d’un accident de la route qui coute la vie à une femme et son jeune enfant. Le coupable de l’accident vient de prendre la fuite. Paniqué, Mr Martin fait de même. Quelques jours plus tard, rongé de remords, il va toutefois décider de mener lui-même l’enquête, quelques jours plus tard pour retrouver le chauffard. Ce récit est, visuellement, magnifique. Le dessin est coloré et mélange à la fois couleurs directes et couleurs numériques. De plus, les personnages et les décors ne sont pas sans rappeler une certaine esthétique d’après-guerre ( dont s’inspirera le style « atome ») et qui, dans cette Allemagne de l’Est, transpire la sévérité et, paradoxalement, la mélancolie. A côté de cela, l’histoire est construite comme un thriller un peu contemplatif. Elle a été inspiré à l’autrice, par des photographies de son grand-père (notamment du travail de ce dernier dans un institut médico-légal) et reflète l’état de l’Allemagne juste avant la chute du Mur de Berlin. On observe avec une certaine fascination la façon dont Mr Martin assemble progressivement les indices comme autant de pièce de puzzle, le mettant sur la piste du mystérieux chauffard.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Messire Guillaume
Messire Guillaume

Messire Guillaume a été créé par le scénariste Gwen de Bonneval (Les Derniers Jours d’un Immortel, Le Dernier Atlas…) et magistralement dessiné par Matthieu Bonhomme (L’Homme qui tua Lucky Luke, Texas Cowboy, Le Voyage d’Esteban…). C’est une histoire en trois tomes, parue initialement entre 2005 et 2007. Elle avait déjà été ré-éditée en intégrale en 2010, sous le titre « L’Esprit Perdu », dans une magnifique édition en noir et blanc et en format à l’italienne. C’est d’ailleurs cette version qui avait été primée au festival d’Angoulême et qui avait permis à cette fantastique histoire médiévale d’être mise en lumière. Mais pas encore assez, tant il me semble qu'elle reste encore aujourd’hui, un peu oubliée… C'est un tort ! Dès qu’on entre dans les premières pages de ce récit, on sent que l’on s’embarque dans une grande et épique aventure teintée d’une douce mélancolie. L’histoire raconte comme le jeune Guillaume décide de partir à la recherche de son père, pourtant déclaré mort. Il est précédé par Hélis, sa grande sœur, partie avant lui et portée disparue. Dans sa quête, Guillaume va faire la connaissance du chevalier de Brabançon (un chevalier errant et bourru dont les traits rappellent ceux de Jean Réno), d’un barde du nom de Courtepointe et d’une petite chèvre. Sur leur route, ils croiseront des brigands, des sorcières, de méchants Seigneurs et, dans ce qui était autrefois le 2ème tome de la série, des créatures fantastiques objectivement inventives et inédites en héroïc-fantasy. Un récit initiatique grandiose à rattraper absolument

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Douze
Douze

L'histoire de Douze se déroule dans un grand hôtel de luxe, perdu dans les Alpes. Fin de saison oblige, celui-ci ferme ses portes au grand public. C’est là que se retrouvent douze personnes mystérieuses d’âges et de nationalités différentes autour d’un grand diner. Ces douze personnes sont, en réalité des agents gouvernementaux, d’anciens policiers, des assassins professionnels…Ils ont pour particularité d’avoir été invités par l’Hydre, l’énigmatique dirigeant d’une organisation secrète (il ne se montre qu’affublé d’un masque de démon). Le but de cette invitation : les douze convives devront, le lendemain du diner, s’entretuer les uns les autres jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un ou une. C’est un huis-clos captivant que nous proposent Herik Hanna et Herve Boivin. Déjà parce que cette histoire, sanglante (d’une certaine façon jouissive) est à la croisée des romans d’Agatha Christie et des films de Quentin Tarantino. Ensuite parce que les Alpes françaises offrent un cadre glaçant (sans mauvais jeux de mots) pour ce petit jeu de massacre. Le tout est servi par un dessin réaliste mais avenant (les personnages ont tous et toutes des gueules terriblement marquées), un dessin qui se démarque tout particulièrement lors de la scène de la sublime scène de dîner, véritable pivot du récit.

09/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Mauvaises Herbes
Mauvaises Herbes

Keum Suk Gendry-kim est une autrice et traductrice sud-coréenne. Elle a d’abord étudié à Sejong avant de rejoindre Strasbourg et qui, après quelques années en France, est retournée vivre en Corée. En plus de ses nombreux travaux de traduction, elle est à la fois l’autrice de bande dessinée jeunesse (dont certaines inédites en francophonie) et de bandes dessinées autobiographiques et reportages. Son ouvrage, "Les Mauvaises Herbes" est paru une première fois aux éditions Delcourt en 2018. Il a été publié en 7 langues et a reçu de nombreux prix à travers le monde. Il ressort aujourd’hui aux éditions Futuropolis et mérite amplement un nouveau coup de projecteur Les « Mauvaises Herbes » est une histoire vraie. Elle est basée sur le témoignage et les souvenirs d’une dame, Lee Oksun, que l’autrice rencontre au détour de la visite d’un centre pour « femmes de réconfort ». Les femmes de réconfort, c’est ainsi que l’on appelait les esclaves sexuelles de l’armée japonaise, en 1943, en pleine guerre du Pacifique. A l’époque, la Corée se trouvait sous occupation nippone. Oksun, a 16 ans et est vendue par ses parents adoptifs comme esclave sexuelle à l'armée japonaise basée en Chine. Après avoir vécu 60 ans loin de son pays, Sun revient sur sa terre natale. Sa rencontre avec Keum Suk Gendry-kim va lui permettre de relater l’enfer qu’elle a vécu à l’époque… un enfer qu’elle décrit de façon très factuelle et qui ne fait que souligner l’horreur qu’on vécues des tas de femmes durant cette période méconnue de l’histoire. C’est un ouvrage long de 500 pages que nous propose l’autrice et, le moins que l’on puisse dire c’est que la force et la puissance de ce témoignage nous fait difficilement arrêter la lecture. Keum Suk Gendry-kim alterne sa narration entre ses rencontres avec une Oksun âgée et le récit imagée de la jeunesse (et du calvaire) de cette dernière. En ce sens, l’histoire rappelle Maus un autre grand témoignage en bande dessinée récit qui lui aussi alternait entre l’horreur des camps de concentrations et le témoignage qu’un homme en faisait à son fils. Keum Suk Gendry-kim relate avec beaucoup de simplicité et de force un récit empli de tristesse, de violence, voire parfois d’un certain nihilisme. Le détachement avec lequel Oksun raconte certains passage de sa vie en captivité est parfois glaçant. On a le cœur brisé pour cette femme qui tant bien que mal, construite , s’est construite une vie malgré les horreurs qu’elle a vécu enfant et jeune femme. De son propre aveu, Oksun semble avoir fait le deuil d’un bonheur qu’elle n’aura finalement jamais connu. La narration que propose Keum Suk Gendry-kim est à la fois dure, pudique et très poétique. On ressent au plus profond de notre chaire les brimades, les humiliations et l’injustice que vivent Oksun et ces autres « femmes de réconfort ». On se sent finalement impuissant face à une profonde et honteuse injustice qui, malheureusement fait partie d’une histoire trop peu racontée. Le trait de Keum Suk Gendry-kim est fascinant. Son dessin est en noir et blanc, son trait est « gras », réalisé au pinceau et à la plume (nous semble-t-il) et constitué de gros aplats noirs. C’est un dessin aussi brut que l’histoire qu’il raconte (et sans doute que le témoignage d’Oksun) et dont parfois ressortent des vrais moments de grâces, notamment dans la représentation de la végétation (dont les « mauvaises herbes » qui ont, en partie, inspiré le titre) et de certaines scènes entre ces différentes femmes de réconfort. Cet ouvrage est véritablement un témoignage coup de poing. A titre personnel, c’est une partie de l’histoire que je ne connaissais que trop peu, voire pas du tout. Découvrir le traitement que ces femmes ont subies il y a à peine 80 ans (quasiment rien à l’échelle de l’histoire humaine) a quelque chose de profondément choquant, déstabilisant, éprouvant… La vie d’Oksun, telle que décrite dans ce livre, a été une succession d’épreuves et d’injustices. Des épreuves que la jeune femme a traversé avec une colère étouffée et, parfois, une résignation perturbante et glaçante. Quand on réalise à quel point la situation de cette jeune femme et de ses camarades d’infortunes était désespérée (ainsi que celle, dans une moindre mesure, de certains des militaires japonais, pris eux aussi dans un engrenage malsain), on ne peut que saluer la force de caractère et d’abnégation de cette femme qui se sera, envers et contre tout, accrochée à un instinct de survie. Un instinct de survie dans tout ce qu’il a de plus primaire. Une volonté de vivre qui lui aura permis de croiser la route de Keum Suk Gendry-kim et de faire en sorte que son histoire ne soit jamais oubliée « Les Mauvaises Herbes » est un récit dévastateur qui ne vous laissera pas indemne. Une histoire froide et profondément humaine qui donne, enfin, une voix, à celles qui en ont été privées pendant trop longtemps. Une histoire qui, nous l’espérons, accordera à leur courage toute la place qu’il mérite dans l’histoire de l’humanité.

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