Les interviews BD / Interview de Arthur Qwak

Entretien avec Arthur Qwak, auteur de BD (Lola Cordova…), mais aussi réalisateur dont le film d’animation « Chasseurs de dragons » sort en salle le 26 mars 2008.

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Arthur Qwak (copyright Marine Tuloup) Salut Qwak, pourrais-tu te présenter s’il te plait?
J’ai toujours navigué entre BD et DA depuis que j’ai commencé à travailler. Pour l’essentiel il y a eu Asterix chez les Bretons » et Le coup du menhir, comme story boarder et layout man (Gaumont) ; Le Soleil des loups (trois albums) comme dessinateur, chez Vents d’ouest ; La réalisation de Orson et Olivia pour Canal +, une série télé tirée de l’œuvre de Yann et Edith ; Basil et Victoria (Humanos). Pas mal de réalisation ou de direction artistique de génériques et de pilotes pour différentes sociétés ; la scénarisation de Mémoires d'un incapable pour Gilles Cazaux, chez Vents d’ouest et plus récemment Lola Cordova pour Casterman.

J’ai commencé dessinateur, aujourd’hui je me sens plus comme un raconteur d’histoire. J’ai compris que l’intérêt du dessin n’avait pour moi de sens qu’à partir du moment où il servait une histoire. Le story board est dans ce sens un métier passionnant. Ce qui me manque souvent en BD c’est la notion de temps (choisir combien de temps une image doit être exposée à l’œil du spectateur) et le son. Le cinéma (Ou le DA) est pour ce qui me concerne, un support très puissant pour raconter une histoire.

Accéder à la fiche de Lola Cordova Sur BDT tu es surtout connu comme l’auteur de Lola Cordova, qui avait déchaîné les passions en 2005. Deux ans après, quel regard portes-tu sur cette œuvre ?
Lola a été une expérience mémorable. J’ai aimé travailler le découpage en essayant de garder la dynamique de narration jusqu’à la dernière page. J’avais envie de faire quelque chose qui ne ressemble à rien d’autre, mon but était de surprendre le lecteur en lui proposant une histoire atypique et une mise en page différente. Le travail sur l’ordinateur à été passionnant. Photoshop est un outil incroyable qui désinhibe la démarche du dessinateur. Le champ d’exploration est immense et on peut tenter plein de choses sans avoir peur « d’abîmer » un dessin, dans la mesure où le retour en arrière est toujours possible. Lola a rencontré un public enthousiaste, c’est la plus belle des récompenses.

J’ai aujourd’hui un regard attendri pour ce personnage libre et indépendant à une époque qui instaure de plus en plus une "dictature" de la norme. J'aimerais beaucoup avoir l'opportunité de transposer Lola en DA...

A l’époque sur le forum tu avais parlé d’une possible suite. Qu’en est-il ?
Une suite est possible dans la mesure où le matériel est déjà là. La trame de l’histoire, les idées, les personnages… C'est pour cette raison que l'idée d'une adaptation cinéma me séduit. Un film un peu dans la lignée "métal hurlant" avec du sexe, de la drogue et du rock. D'ailleurs les personnages féminins rock and roll sont en ce moment assez "à la mode". Je pense aux femmes des films de Tarantino ou encore à celles du superbe The Descent. En littérature il y a la très "punk" Lisbeth Salander du Millenium de Stieg Larsson ; un livre que je recommande à tous.

Cliquez pour voir l'affiche du film Ton actualité, c’est surtout Chasseurs de dragons, long métrage d’animation sur lequel tu travailles depuis maintenant un bon moment en tant que réalisateur. Parle-nous un peu de l’état d’avancement du projet.
Chasseurs de dragons est une longue histoire qui a commencé il y a 8 ans. J'ai rencontré Guillaume Ivernel et Valérie Hadida avec qui j'ai développé le projet.
Le film sort le 26 mars. On peut trouver les bandes annonces sur le net et pas mal d'images tirées du film. Allez sur allociné.com ; bacfilms ou encore chasseursdedragons-lefilm.fr
La galerie Arludik, à Paris, organise une exposition autour du film où des dessins originaux seront mis en vente. (pour info : www.arludik.com - Voir affiche)

En tant que réalisateur, elle a été ta contribution exacte au projet ?
J'ai réalisé le film en collaboration avec Guillaume. Le travail a consisté dans un premier temps à développer tout l'univers graphique, écrire le scénario et réaliser le story board. On avait autour de nous une équipe de 10 personnes : designers, story boarders et infographistres. Puis nous avons travaillé avec le studio Mac guff ligne pour fabriquer le film. Ici l'essentiel du travail consiste à superviser les équipes et à suivre la fabrication jusqu'à la post production qui comprend le son, de la musique et les voix.

Le réalisateur passe la moitié de son temps à communiquer à chaque étape toutes les intentions artistiques et l'autre moitié à répondre aux questions et trouver des solutions à tout un tas de problèmes par jour.

Comment se porte le marché français de l’animation face aux géants américains (Pixar…) ? On a de quoi rivaliser ? Le financement de Chasseurs de Dragons s’est passé comment ?
On ne peut pas parler de rivalité dans la mesure où le succès du DA venant des USA mais aussi du Japon favorise son développement en Europe.

Cliquez pour voir une image du film Le financement d'un film est par contre plus long et plus compliqué en Europe. Le producteur est obligé de s'associer avec d'autres compagnies pour boucler le financement. 12 millions d'euros est un plafond quand le projet n'est pas une licence (Lucky Luke), que les réalisateurs ne sont pas "bankable" et sans financement UK [1] : le cas de figure de Chasseurs de Dragons.

Le montage financier du film s'est bouclé avec un coproducteur allemand, une chaine de télé (RTL TVI) et des aides locales (banques allemandes de financement), un Luxembourgeois et des aides locales, un distributeur italien, un distributeur français, France 3 cinéma, Canal+, les aides Ile de France, Media, CNC... J'en oublie sûrement. On peut imaginer le temps qu'il faut pour convaincre tout le monde. Imaginez un auteur BD qui doit convaincre dix éditeurs pour faire son livre. Aux Etats-Unis tu as convaincu la Warner, le film peut rentrer en production.

Pour finir, le marché français (et européen) se porte bien. De nombreux films sortent chaque année (La prophétie des grenouilles, Lucky Luke, Renaissance, Arthur et les Minimoys, Pollux, Azur et Asmar, Persépolis, U...). Il y a dix ans ce n'était même pas imaginable. Je trouve que la production européenne est riche parce qu'elle propose des styles très variés. Aujourd'hui le DA intéresse beaucoup de monde. Un article sur le DA en France est sorti dans le Cinélive de ce mois-ci.

Quels sont tes futurs projets une fois Chasseurs de dragons terminé ? Un retour à la BD peut-être ?
On a envie de souffler un peu en attendant la sortie du film. Pour l'instant, pas de signatures ni de projets en chantier ; juste quelques idées trop vagues pour en parler pour le moment. Une BD, pourquoi pas. La BD reste un support où la liberté d'expression est la plus vaste.

Merci et bonne chance pour la suite !
Merci, A+
Qwak

[1] Exemple sur Pollux, une licence qui vient du Royaume-Uni, le financement avec le reste des partenaires Européens est monté à 20 Millions d'euros. Mais les Anglais rentrent rarement dans des financements qui viennent de France. Question de protectionnisme où de culture, peut-être.
Interview réalisée le 27/02/2008, par Alix.