Auteurs et autrices / Interview de Aurélien Maury

Rencontre avec Aurélien Maury, qui nous parle de sa première BD, "Le Dernier Cosmonaute".

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Aurélien Maury Salut Aurélien, c’est avec cette première BD Le Dernier Cosmonaute qu’on te découvre, peux-tu avant tout nous dire deux trois mots sur toi pour te présenter ?
Mon vrai nom est Terrence A. Maury et je vis près de Cottula aux Etats-Unis (Texas) avec ma mère et Sparky, notre vieux matou. Le Dernier Cosmonaute est mon premier album de bande dessinée. Avant ça j'ai passé pas mal de temps à recopier des couvertures de revues de SF telles que Amazing Stories, Weird Science, Futura dans mon coin.

La vie du personnage principal de ta BD Le Dernier Cosmonaute est construite autour de sa passion pour la conquête spatiale. Es-tu toi aussi un fan de tout ce qui touche de près ou de loin la conquête de l’espace et l'astronomie ?
La conquête spatiale et l'astronomie me fascinent mais un peu moins que mon personnage pour qui c'est une obsession. J’ai lu sur le sujet pendant la préparation de l'album et je garde un oeil sur l'actualité astronomique. C'est une source d'inspiration inépuisable je trouve, tant du côté de l'avancée scientifique, que de l'aventure humaine.

Pourquoi avoir pris ce second prénom pour signer tes oeuvres ? Serais-tu secrètement amoureux de la France ou fier de tes lointaines origines ?
Je pensais que ce prénom, qui me paraît à moi presque exotique, ferait plus d'effet aux filles que "Terrence", mon vrai prénom. Mais je n'ai pas encore eu l'occasion de vérifier cette théorie. Ca me donne au moins l'impression d'être un peu français et de me connecter au courant dit "franco-belge" que j'apprécie.

Accéder à la BD Le Dernier Cosmonaute As-tu toujours été inspiré par la BD et as-tu toujours voulu en faire ton métier ?
D'aussi loin que je m'en souvienne j'ai toujours voulu raconter des histoires et particulièrement en bande dessinée, certainement motivé par mes lectures d'enfance ("Tintin", Mafalda, Peanuts, "Spirou"...). En revanche je ne tiens pas à en faire un métier pour autant.

Quel a été le déclic qui t’a décidé à te lancer ?
Il y a quelques années j'ai rejoint un atelier de bande dessinée et avec quelques rescapés, nous avons commencé à éditer nos propres planches dans un collectif. C'est la première fois que mes histoires étaient publiées et même lues par quelqu'un d'autre que moi. Cette expérience m'a conforté dans mon ambition, même si ces premiers pas (sous pseudonyme) étaient assez chiches.

Cliquez pour voir une planche du dernier cosmonaute As-tu suivi une formation particulière ou est-tu autodidacte ?
Je suis autodidacte et ma "formation" se poursuit !

On te parle souvent des liens pouvant exister entre ton travail et celui de certains de tes compatriotes comme Chris Ware ou Daniel Clowes. Mais en-dehors de la bande dessinée, quelles sont tes influences ? Tu as l'air de t'amuser avec les clichés du cinéma de genre. La scène du drive-in semble par exemple tout droit sortie d'un teenage movie et il y est fait référence au film When worlds collide. Au-delà de ces clins d'œil, penses-tu que le cinéma nourrit ton travail en profondeur ?
Ma première source d'inspiration est clairement le cinéma et la télé. Je vois beaucoup plus de films que je ne lis de bandes-dessinées ou de livres. L'histoire du Dernier cosmonaute n'est pas réaliste, elle prend pour cadre un "environnement" balisé par le cinéma de série B, Z, les séries ou les films indépendants. Même au niveau de la mise en scène (ou dit-on "mise en cases" pour la bande dessinée en France ?), j'imagine mes cases et mes planches comme des plans et des séquences. Je me demande où je vais poser ma "caméra", si elle sera fixe ou s'il y aura un travelling, où je vais couper le moteur...

L'influence de ta première oeuvre semble évidente en me rappelant Ghost World ou Le Roi des Mouches mais quelles sont tes oeuvres de référence en comics ou bd ?
J'aime beaucoup la bande dessinée indépendante américaine dont Ware, Clowes, Tomine, Burns, Chester Brown... et en France Mezzo et Pirus mais je me sens plus profondément influencé par Bill Watterson, Schultz, Quino, Hergé.

Cliquez pour voir une planche du dernier cosmonaute D’un point de vue technique, dessin et colorisation, peux-tu nous expliquer comment tu travailles ?
Pour Le Dernier Cosmonaute, les séquences ont été storyboardées de façon assez "jetée" au crayon, puis scannées. Le tracé et la couleur ont été faits à la tablette graphique, à l'ordinateur. Comme je suis graphiste, je travaille quotidiennement avec une tablette. Ca m'a semblé donc assez naturel de procéder comme ça pour l'album. De fait il n'existe pas d'originaux au sens traditionnel de mes planches.

Côté scénario, tu es aussi aux commandes. Est-ce un choix personnel parce que tu préfères travailler seul ?
Pour Le Dernier Cosmonaute, je n'aurais pas pu le faire autrement que tout seul. Je crois que si j'avais travaillé avec quelqu'un, ça aurait été plus inhibant qu'autre chose, car l'histoire m'est assez personnelle.

Aimerais-tu travailler en collaboration avec quelqu’un d’autre, que ce soit au scénario ou au dessin ? Si oui, avec qui (Les frères Bogdanov ???) ?
Travailler avec un scénariste ou un dessinateur "professionnel" ne m'intéresse pas vraiment. En revanche une collaboration avec quelqu'un qui pourrait m'apporter un éclairage sur un domaine qui m'intéresse mais auquel je suis extérieur serait assez excitant et enrichissant. Travailler avec un chercheur par exemple comme Alain Resnais l'a fait avec Henri Laborit pour son film Mon oncle d'Amérique, ou avec le témoin d'un événement marquant comme Emmanuel Guibert pour Le Photographe et La Guerre d'Alan. Quant aux frères Bogdanov, je préférerais les prendre comme sujet que comme collaborateur !

Cliquez pour voir une illustration Il y a une scène assez torride dans l'album, avec une fusée spatiale particulièrement phallique (bon d'accord toutes les fusées le sont, mais tout de même...). As-tu réalisé cette scène de ton plein gré ou bien s'agissait-il d'une demande de ton éditeur pour rendre l'œuvre plus commerciale ?
J'essayais de trouver un design à mon vaisseau qui évoquerait un phallus de façon plus subtile initialement. Mais Gilbert Pinos de Tanibis m'a convaincu qu'il valait mieux se débarrasser de tout symbolisme par souci de clarté, et d'y aller "plus franco". Peut-être qu'en fait il songeait à l'impact commercial effectivement. Tout à coup ça me frappe !

J'ai beaucoup aimé ton ouvrage mais j'ai eu l'impression que l'histoire était tronquée, comme si tu étais limité en pages. Est-ce réellement l'histoire que tu voulais dessiner ou ton éditeur t'a t-il limité ?
J'ai eu quelques fois la remarque. L'histoire n'a pas été tronquée : j'ai improvisé au fur et à mesure chacune des séquences sans savoir où j'allais. J'ai conscience que certaines pistes lancées au départ n'ont pas été développées comme elles auraient pu l'être : la comète qui frôle la terre, les personnages secondaires, et surtout le personnage d'Alice qui aurait dû prendre plus de place... Il me semble que je suis allé au moins au bout de mon propos, donc je suis satisfait. A l’avenir je travaillerai un peu différemment. Mon éditeur ne m'a jamais limité en tout cas, au contraire.

Cliquez pour voir un poster de l'ours D’où t’est venue l’idée de cet ours clope au bec, qui fait office de conscience à Larry ?
Avant d'attaquer la page où il entre en scène, je n'avais pas du tout pensé à ce personnage. Larry monte dans sa chambre, encore sous le choc de son baiser avec Alice. Je savais qu'il allait devoir faire face à sa conscience et je m'étais interdit le recours à une voix off qui aurait donné lieu à un monologue ennuyeux. Ca aurait pu être une apparition fantomatique de son père (comme il en était question dans les premiers storyboards), mais l'ourson apporte quelque chose de plus surprenant, de symbolique et de crétin. Souvent les personnages imaginaires sont assez moralisateurs (cf. Elvis dans True Romance, le barman de Shining...) donc Teddy n'y coupe pas. Il fume parce qu'il est plus adulte et roublard que Larry, et parce que c'est en contraste avec son apparence de peluche. Il est à la fois un vieux compagnon de Larry (on devine qu'ils se connaissent depuis toujours), un vestige de plus de son enfance qu'il a du mal à quitter, un coach et un père de substitution. C’est aussi un emprunt involontaire à "Calvin & Hobbes".

Pourquoi Tanibis comme éditeur ? Est-ce un choix, une opportunité, une commande ?
Le projet a été initié par Gilbert Pinos de Tanibis qui, à partir de quelques dessins de vaisseaux spatiaux que j'avais faits sur des boîtes de céréales et d'une historiette que je lui avais montrée, m'a fortement encouragé à travailler sur un projet d'album. C'est donc une opportunité et une commande à la fois. L'album a bénéficié chez Tanibis de toute la force d'une petite structure qui peut se focaliser sur un livre à la fois, tranquillement et soigneusement, en mettant toute son énergie dedans, quitte à prendre quelques risques. Je ne me voyais pas démarcher d'autres éditeurs.

Cliquez pour voir une illustration Tu sembles être un grand amateur de science-fiction, mais malgré son titre et sa couverture, Le Dernier Cosmonaute a finalement assez peu à voir avec ce genre. Envisages-tu de réaliser un jour un récit de science-fiction « premier degré » ?
J'ai justement un projet de science-fiction sur le feu. Je fais actuellement des recherches pour accorder mon dessin assez minimaliste à une tonalité plus sombre et plus "1er degré" que Le Dernier Cosmonaute.

Nous réserves-tu d'autres one-shot de la même trempe que Le Dernier Cosmonaute ou veux-tu te lancer dans une série récurrente ?
Je ne crois pas que j'aimerais me lancer dans une série. Je préfère le format plus condensé d'un one shot, et varier les univers et les tonalités de livre en livre.

Quels sont les domaines que tu souhaiterais explorer à l'instar de Larry pour les étoiles ?
Je n’ai pas vraiment d’idéaux dans ce genre... L’exploration imaginaire me suffit !

Teddy le "buddy" de Larry est le personnage le plus drôle et sympathique ! A quand l'adaptation de La République des animaux de G. Orwell avec le même coté cynique ?
C'est une idée qui ne manque pas de charme ! Pour le moment je préfère me concentrer sur les quelques casseroles que j'ai sur le feu, mais qui sait ?

Je remercie l'équipe de BDtheque et ses lecteurs.

Propos traduits de l'anglais par Sofia Gonsalez
Interview réalisée le 12/09/2011, par PAco.