Auteurs et autrices / Interview de Edmond Tourriol

Edmond Tourriol commence tout juste à se faire un nom dans la BD, entre strips footballistiques et traduction d’un phénomène éditorial. Rencontre avec un stakhanoviste.

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Edmond Tourriol Bonjour Edmond. Je peux t’appeler Ed ?
Tu peux.

Comment te présenterais-tu en quelques mots ?
Beau gosse. Bête de sexe. Raconteur d’histoires.

C’est quoi le studio Makma ?
C’est le prétexte que j’ai trouvé pour forcer les éditeurs à travailler avec moi. Une putain de force de frappe d’une trentaine de collaborateurs qui touchent à tous les métiers de la BD : scénaristes, dessinateurs, coloristes, lettreurs, traducteurs… Si ça a un rapport avec la bande dessinée, les comics ou les mangas, on le fait.

Comment t’est venue l’idée, avec ton complice Daniel Fernandes, de Banc de touche ?
Eh bien, au départ, c’était un projet de web série, avec des acteurs et tout. Un jour, j’en ai parlé à Christophe Lemaire, des éditions Kantik. Il m’a dit d’arrêter tout de suite mes conneries et de bosser ça au format BD, chez lui. Et on a dit banco.

Accéder à la BD Banc de touche Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Avec Domenech il y avait de la matière depuis 2004…
Oh, tu sais, l’équipe de 2002 était beaucoup plus rigolote. Et ce n’est pas de Domenech que je voulais me moquer. Domenech, je l’aime bien. Il a une tête et il s’en sert. Et une grande gueule, aussi. C’est pour ça que les gens ne l’aiment pas. Et c’est pour ça que je l’aime. Lui, il avait une sacrée répartie. Il me manquera. Enfin, pas trop si l’équipe de France réussit un truc en 2012.

Ceci dit, la BD Domenech, en bleu... et contre tous a bien traité le sujet. Tu l’as lue ?
Non. Je n’ai lu aucune BD de foot à part celles de Bouzard qui sont super drôles. Les autres, je ne peux pas dire, je n’en sais rien. Si ça se trouve, elles sont toutes hyper drôles. Ou si ça se trouve, non. Mais maintenant, je ne veux pas regarder dedans. J’aurais trop peur de parasiter mes propres pistes de gags.

Extrait de Banc de Touche vol. 1 N’avez-vous pas peur que la BD perde de son intérêt d’ici quelques années ?
Hé, déjà, si des gens s’y intéressent encore à Noël, je signe, hein… c’est de la BD d’actu. Un instantané. C’est comme un album photo de quand t’étais gosse. Ça décrit un moment de la vie de l’histoire de France. Dans la déconne. Les gags seront toujours drôles, pour peu qu’ils l’aient jamais été. Après, les références vont s’estomper et certains seront de plus en plus difficiles à saisir. On verra bien.

Ca va continuer avec Laurent Blanc… Son personnage dans les deux premiers tomes n’est pas bien précis… Quel va être son caractère ?
Je crois que bon… avec Laurent Blanc, voilà, c’est un nouveau sélectionneur. À partir de là, il ne va pas tenir le même discours que Domenech. De toute façon, à l’issue de n’importe quel match de football, l’important, c’est les trois points.

Quels joueurs va-t-on plus voir ? Des gens comme Valbuena ou Hoarau j’imagine, à cause de leur physique ? Ribéry, à cause de son intelligence ?
Il faut qu’ils soient reconnaissables physiquement. Qu’ils aient un trait de caractère sur lequel on puisse appuyer pour caricaturer et faire rire. Et il faut qu’il soit sélectionné. Pour l’instant, on se donne le temps de la réflexion car le tome 3 a été décalé à la fin de l’année 2011. À la place, on va sortir un hors-série sur une grosse cylindrée de la Ligue 1, au printemps.

Accéder à la BD Banc de touche On voit Paul le poulpe dans le tome 2, mais dans un nombre réduit de gags… La peur de faire le gag de trop ?
Non. Tu sais, c’est une BD sur l’équipe de France à la Coupe du Monde. Je crois qu’on le voit suffisamment, Paul le Poulpe, surtout quand on sait que la BD a été écrite et dessinée pendant le tournoi lui-même. Si on avait su qu’il allait devenir le chouchou des média, on l’aurait peut-être mis davantage dès le début. Mais il a une bonne place dans le livre, et ses gags sont mes préférés. J’espère pouvoir rebondir dessus dans le tome 3, d’une manière ou d’une autre. Tiens, son enterrement, déjà. Je sens qu’il va se passer un truc.

Le premier tome a été en partie prépublié dans l’Equipe, jolie publicité ! Moins le second, il me semble…
En fait, le premier tome est sorti début juin, avant la Coupe du Monde. Ensuite, pendant toute la durée du tournoi, une trentaine de gags ont été publiés dans le quotidien sportif. Parfois, pour des raisons de logistique ou d’opportunité en or, on a recyclé quelques gags du tome 1. Mais c’est surtout le tome 2 qui a été pré-publié. Pour l’album, on a remis les gags dans leur état normal. Certains avaient dû être retouchés ou dialogués au dernier moment pour coller à une actu brûlante.

Couverture de Urban Rivals Le tome 2 est sorti à peine quatre mois après le premier… Albert Carreres a-t-il dormi pendant cette période ?
Non. D’ailleurs, tu fais bien de m’en parler, il faut qu’on libère sa famille.

Tu sors en décembre une autre nouvelle série chez Kantik : Urban Rivals. Tu peux nous en dire plus ?
Déjà, je peux te dire qu’une panne d’imprimeur a fait que la BD sortira début janvier, finalement. C’est un peu comme une panne d’imprimante mais en pire. Pour en revenir à l’album, j’espère que ça va plaire aux fans du jeu en ligne. On a créé des personnages inédits pour l’histoire, qui apparaîtront aussi dans le jeu. On suit un petit jeune qui fait une connerie et qui doit se racheter en intégrant le clan Rescue. Un peu les super-ambulanciers de la ville de Clint City. Il se bat contre un mystérieux méchant qui organise des combats clandestins. Et à la fin, tout finit par un grand éclat de rire. Les dessins sont super dynamiques, ils sont signés Rocio Zucchi, avec qui j’avais déjà collaboré chez Shogun sur la série Code Néon.

Une planche inédite du tome 2 de Zeitnot
Est-ce que Zeitnot, que tu as écrit pour Shogun mag, va connaître un second tome ?
Certainement. Mais je ne sais pas quand. Tu sais, quand l’éditeur s’est retrouvé ruiné, il a arrêté la plupart de ses séries. Bon, ce tome 1 a sûrement été un succès pour les Humanos car il a épuisé son premier tirage. Après, c’est très simple, puisque le titre est épuisé, l’éditeur a le choix entre relancer un tirage pour permettre de satisfaire la demande (il y en a encore) ou bien renoncer à ses droits sur la série. On a déjà réalisé un chapitre entier du manga pour le tome 2. Si les Humanos relancent Zeitnot, on sera prêts. Et s’ils nous abandonnent les droits aussi. La vraie question, c’est le temps que ça prendra.

Marrant d’écrire une BD sur les échecs… Une lointaine inspiration par Hikaru no Go ?
En fait, si j’ai fait une BD sur les échecs, c’est parce que j’aime les échecs et que j’ai joué en compète quand j’étais plus jeune. La première fois que quelqu’un m’a parlé d’Hikaru No Go, c’était Guillaume Dorison, le boss de Shogun. Je bossais déjà sur Zeitnot, à l’époque. Je me suis mis au manga. Je cherche encore le tome 10, si quelqu’un a une piste, ça m’intéresse. Et je me suis mis au go, aussi. Là, par contre, c’est des joueurs, que je cherche.

Tu es aussi, par ailleurs, traducteur de nombreux comics, dont Batman et Superman… Tu n’as pas envie d’écrire des histoires de super-héros ? L’histoire d’un gars en body-string léopard, par exemple…
Haha. Si, je suis justement en train de te l’écrire, celle-là. Sinon, oui, au début, si je suis entré dans la BD, c’est justement pour faire du super-slip. C’est ma came, ça. Un jour, j’en ferai. D’une manière ou d’une autre. Des histoires à moi, bien sûr, mais aussi en mercenaire sur des univers plus connus, ce serait classe. Mon but ultime ? Un run sur Uncanny X-Men et un autre sur Amazing Spider-Man. Après ça, c’est bon, je pourrai prendre ma retraite anticipée à 96 ans.

Accéder à la BD Walking Dead Et comment en vient-on à traduire Walking Dead ?
Faut coucher. Avec des hommes. Ou alors, faut lire la série dès le début. Et prévenir son responsable éditorial de chez Semic pour bloquer la série. Genre « hé, j’adore Walking Dead et tous les autres s’en foutent, je peux traduire la série si vous la faites ». Et hop. Bon, si ça se trouve, les collègues aimaient la série mais je m’en fous, je suis pas leur mère. Ensuite, quand Semic a laissé tomber la licence, Delcourt l’a reprise et Thierry Mornet a naturellement pensé à moi pour reprendre les persos dont j’avais créé la « voix » en VF.

Quelles contraintes particulières rencontres-tu dans cet exercice ?
La routine du traducteur de comics. L’encombrement des bulles, l’adaptation des références culturelles, le tutoiement ou le vouvoiement, le nom de tel ou tel personnage en VF, les jurons. Rien de nouveau sous le soleil. Mon défi, c’est de parler français. Donc autant que possible, j’essaie de mettre des mots français dans la bouche des personnages. Je suis un admirateur du linguiste Claude Hagège et j’encourage tous les francophones à lire ses ouvrages.

La série rencontre un grand succès, au moins critique. J’imagine que tu dois bien carburer :)
Critique, oui, en effet, alors que je traduis le tome 13, le tome 12, sans doute le moins fort de toute la série, vient d’être cité dans la sélection d’Angoulême. Sinon, le succès public est au rendez-vous, oui, surtout pour une BD en niveaux de gris. Si je carbure ? Affirmatif. De combien ? No comment.

La couverture de Morsures, une BD avec des vampires et des loups-garous. Sortie prévue en mars 2011 La série est enfin sélectionnée pour Angoulême. Peut-être va-t-elle recevoir une récompense…
C’est tout ce que je lui souhaite. Et il était où, le jury, quand le tome 8 est sorti ? Il était aux fraises ? Il faisait caca ?

Que penses-tu de l’adaptation télé ?
Je ne sais pas, je ne l’ai pas vue.

Tu interviens également comme conférencier, animateur et formateur sur le thème de l'écriture BD, de la culture comics ou des mangas. Des exemples de tes interventions ?
Tiens, cette semaine, j’étais à Terrasson, en Dordogne. À la limite de la Corrèze, presque. Un joli petit coin où mes ancêtres Tourriol avaient élu domicile. Bordel, il faisait tellement froid et pas beau que j’ai pas pris le temps d’aller voir la ville ou le cimetière. Bon, à Terrasson, donc, on a fait un atelier de traduction de comics en utilisant Walking Dead. Terrible, les jeunes, ils kiffent, ça, tu vois ? Ça les change de la version à papa. Je leur fais traduire du « Gruuuuh », du « Fuck » et du « Argh ». D’autres mots, dans des phrases, aussi. Ça leur apprend à attribuer des niveaux de langue, à respecter un phrasé naturel. À synthétiser un texte qui ne peut pas rentrer dans la bulle. À comprendre. À réécrire.

Une planche de Morsures, une BD avec des vampires et des loups-garous. Sortie prévue en mars 2011 Ton blog contient pas mal d’articles sur l’écriture, les comics… c’est passionnant !
Oh, c’est gentil, ça, merci. C’est un hameçon pour choper du travail de conférencier ou même de scénariste mercenaire. Genre BD de communication, tout ça. Et surtout, en formalisant mon questionnement dans un blog, ça m’aide carrément à m’approprier certaines techniques, à comprendre certaines théories. C’est tout bénef.

Quels sont tes autres projets ?
Une autre BD sur les échecs. Un polar que je coécris avec la championne du monde Alexandra Kosteniuk. Ça, c’est pour dans longtemps parce que c’est über compliqué à écrire. Été 2012, a priori. Plus proche de nous, « Morsures », une BD avec des vampires et des loups-garous. Sortie prévue en mars 2011. Et d’autres trucs mais je t’en parlerai quand ça se précisera.

Ed, merci.
C’est moi qui te remercie, Spooky le martien.







A voir aussi :
Blog d’Edmond Tourriol
Blog du studio MAKMA
Blog de Banc de Touche
Interview réalisée le 01/01/2011, par Spooky.