Les interviews BD / Interview de Fabcaro

Fabcaro est un grand timide, mais il se soigne... en faisant des bandes dessinées et en racontant des histoires décalées. Partez à la rencontre de cet auteur pas comme les autres.

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Fabcaro Fab, si tu rencontrais une personne pour la première fois, comment te présenterais-tu ?
Houlà, ça commence fort... Euh, disons, un type dont la passion est d'écrire des histoires un peu décalées...

Guéri de la timidité dont tu faisais grand cas dans Le Steak Haché de Damoclès ?
Pas vraiment... Mais l'avantage c'est que je l'assume un peu mieux maintenant, et peut-être que la publication du « Steak haché... » y est pour beaucoup. La timidité en soi n'est pas difficile à vivre, c'est de ne pas l'assumer qui est un vrai calvaire. Petit à petit je tente de l'apprivoiser, même si c'est pas encore gagné.

D’où vient ce titre d’ailleurs ?
De la première histoire qui introduit l'album et qui est un peu la pierre angulaire de tout ce qui suit. Ma mère m'envoie acheter une baguette et, suite à un malentendu, je reviens avec un steak haché. Ce steak haché symbolise tous les quiproquos et problèmes relationnels qui suivront tout au long de ma vie.

Accéder à la BD Droit dans le mûr Cet album, ainsi que sa « suite », Droit dans le mûr, sont des plongées irrésistibles dans la trentaine, où l’on passe de l’état d’adulescent à celui d’adulte responsable, celui qui doit payer les factures et assurer la nourriture pour les enfants… L’humour est dévastateur, et fait état, par moments, d’une certaine rage, toutes proportions gardées. J’imagine que tout est du vécu ?
Oui, hélas, tout est vrai... Après je me débrouille pour le mettre en forme de manière un peu drôle. Cette distance-là, l'humour, est pour moi nécessaire dans ce genre d'exercice. Il arrive parfois que j'hésite à raconter une anecdote parce que ça me met mal à l'aise de la rendre publique. Mais c'est aussitôt la même raison qui fait que je me lance, parce que c'est la seule raison valable pour le faire. J'aborde l'autobio comme un anti-exhibitionnisme : le but c'est de montrer ce qu'on ne veut pas montrer. Raconter des épisodes où je me mets en valeur ne m'intéresse pas.

Cet humour irrésistible se retrouve aussi dans tes deux autres albums, Talijanska et La Bredoute, ce dernier étant une satire potache du célèbre catalogue.
Talijanska, c'est un peu un retour aux sources, j'ai commencé par ça, le strip muet, j'ai fait ça pendant des années dans le Coca'zine, un mensuel culturel du Grand Sud. Pour La Bredoute, je me suis amusé à travers une parodie du catalogue à poser un certain regard sur la société consumériste. Mais il s'agit aussi en filigrane d'un hommage à toute une culture populaire des années 70/80 dont je suis issu.

Accéder à la BD Figurec Le public BD ne le sait pas, mais tu es également l’auteur du roman Figurec, adapté avec brio par Christian de Metter. Pourquoi ne pas l’avoir adapté toi-même ?
Pour deux raisons. D'abord parce que j'en suis incapable. Mon approche de la narration en BD est très différente du roman. En BD je suis plus fragmentaire, plus léger. Je suis incapable d'installer une ambiance sur la longueur, avec des décors, un récit, très vite il faut que je fasse le clown.

Et puis, je n'aime pas revenir sur des travaux, quand ils sont finis je passe à autre chose. J'ai un gros défaut : je me lasse très vite. C'est pour ça que j'aime varier d'un projet à l'autre, et que mes albums sont souvent assez courts...

Es-tu intervenu sur cette adaptation ?
Non, pas du tout. Encore une fois ça ne m'intéressait pas. Et Christian est un auteur à part entière, il n'avait pas besoin de moi. Comme on a tout de suite très bien accroché, je lui ai fait une entière confiance. Et puis je pense que lui non plus n'aurait pas aimé m'avoir sur le dos, on a ça en commun, on est plutôt habitués à travailler seuls.

Le récit est brillant, vicieux, et prend le lecteur à contre-pied. J’ai vu ça comme un croisement lointain, en prenant des références cinématographiques, entre The Truman Show et Total Recall. Comment as-tu composé cette histoire ?
Le thème est probablement venu de ma paranoïa naturelle, l'idée que tout ce qui nous entoure est peut-être factice... Et c'était un biais intéressant pour parler de la solitude, de l'individualisme. Je l'ai écrit relativement vite, j'ai beaucoup improvisé pour me surprendre moi-même, j'ai volontairement évité de faire un plan pour garder le plaisir intact du début à la fin.

Accéder à la BD Desproges en BD Une adaptation au cinéma serait en cours ?
Oui, mais la pré-production n'en finit jamais et ça fait trois ans que je dis que le tournage est imminent, à force je vais finir par passer pour un vrai mythomane... Donc j'arrête d'en parler. On découvrira le projet quand il sortira. Mais théoriquement le tournage est imminent...

Dans un autre genre, tu as réalisé un album sur les chansons de Fernandel aux éditions Nocturne. Es-tu un fan de cet acteur/chanteur ?
Pas particulièrement. Nocturne m'a proposé une liste de chanteurs, c'était le seul dans le tas que je connaissais un peu. C'est en quelque sorte un boulot de commande, si j'avais eu le choix, je ne serais probablement pas parti sur Fernandel.

Tu as aussi participé à un ouvrage collectif concernant Desproges. Tu sembles très influencé par son humour corrosif, n’hésitant pas à rire de toi-même…
Desproges a dû m'influencer d'une manière ou d'une autre. J'utilise l'humour comme un exutoire à mes idées noires, c'est une soupape. Pour éviter de développer des cancers de toutes sortes - encore que ça n'est pas incompatible, la preuve avec Desproges justement...

Quant à l'autodérision, oui c'est une prédisposition naturelle, j'adore me foutre de moi. Mais là aussi c'est probablement une forme de défense, de l'ordre du « personne ne pourra jamais me tacler autant que je le fais moi-même ».

Couverture de La clôture Tu as longtemps sévi dans les pages de Psikopat, de Tchô ! ou de FLBLB. Tu fais toujours de la caricature de presse ?
Oui, je continue Psikopat tous les mois. Je travaille aussi depuis l'an dernier, dans un tout autre style, pour l'Echo des savanes. Je participe aussi au magazine ZOO, et au programme culturel parisien LYLO...

Tiens je m'aperçois que ça commence à faire beaucoup... Le boulot pour la presse est assez paradoxal, d'un côté c'est stressant de devoir rendre un boulot à telle date, d'un autre c'est une contrainte plutôt intéressante, un peu opposée à celle d'un album : tu ne dois pas attendre que l'inspiration vienne à toi, tu dois aller la chercher tous les mois, parfois tu ne sais pas trop où... C'est un exercice qui maintient l'esprit alerte, même si on frôle l'ulcère tous les mois.

Quels sont tes projets ?
J'ai un album qui sort chez 6 pieds sous terre en avril, « La clôture » (voir planche), c'est un récit d'humour un peu expérimental. Je poursuis mes participations aux mensuels, mes planches pour l'Echo devraient d'ailleurs donner lieu à un album début septembre. Et puis je suis en train de travailler à un nouvel album pour La cafetière, encore quelque chose d'autobio (voir planche), mais sous une forme très légèrement différente du Steak haché... et Droit dans le mûr.

Fabrice, merci.
Interview réalisée le 18/02/2009, par Spooky.