Les interviews BD / Interview de Frédérik Salsedo

Si vous voulez tout savoir sur l'art et la manière de partir du jazz pour aller à la rencontre du père en passant par des histoires de pirates, suivez l'itinéraire du dessinateur Fred Salsedo...

Voir toutes les séries de : Frédérik Salsedo


Frédérik Salsedo Hello Frédérik, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Fred Salsedo, dessinateur.

Avant de te lancer dans la BD, tu as fait un peu de dessin animé… C’était quoi ? C’était bien ? Est-ce de là que te vient ton style ?
Effectivement, j’ai travaillé brièvement dans le dessin-animé. L’expérience était intéressante mais le milieu du dessin animé ne m’a pas tellement enthousiasmé. C’est un peu le travail à la chaîne, chacun à son petit poste… je voulais avoir plus de contrôle sur ce que je faisais plutôt que de me fondre dans un projet qui finalement laisse peu de place à la créativité. Mon style vient forcément en partie de là, puisque tout ce qui m’entoure et toutes mes expériences nourrissent mon approche du dessin. Ce que j’aime dans l’animation c’est le jeu très expressif, limite exagéré des "acteurs" et j’essaye de retranscrire ça en BD.

Comment es-tu arrivé dans le monde de la BD ? Etait-ce un rêve de gosse ou les hasards de la vie professionnelle ?
D’aussi loin que je me souvienne, je voulais devenir dessinateur. La BD c’est venu après. Avant de rentrer à l’école Emile Cohl, J’aimais bien la BD mais je ne savais pas trop vers quelle branche du métier me tourner et c’est là-bas que j’ai découvert vraiment l’animation. En sortant, pour moi c’était soit l’un soit l’autre donc j’ai testé l’anim’ avant de me raviser et de tenter le concours des BDjazz qui m’a mis sur les rails.

Art Tatum (BDJazz) Tu as participé au projet "BDJazz" (16 pages illustrant la vie du musicien + 2 CD) : comment ça se passe ? Es-tu fan de jazz ? Connaissais-tu les musiciens avant d'illustrer ou au contraire ces travaux t'ont-ils permis de faire leur connaissance ?
Je ne suis pas spécialement fan de jazz, j’aime certains trucs mais ce n’est qu’une petite partie de cette musique. Cependant, à l’époque j’en écoutais pas mal, ainsi que de la soul donc quand j’ai vu ce concours, je me suis dit que ça pourrait être pas mal…

Tu as aussi fait un album sur James Brown. Aurais-tu eu envie d’en faire d’autres ? Sur ton blog tu nous montres un projet de couverture pour Dinah Washington, est-ce pour un nouvel opus BDJazz ?
L’album de James Brown était vraiment une belle occasion d’illustrer un chanteur que j’aime beaucoup. Pour les autres BDJazz, c’est plutôt pour découvrir des artistes que je ne connais pas ou peu. Le Dinah Washington est prévu pour le premier trimestre 2011, je n’ai pas de date plus précise pour le moment.

Les Editions Nocturne viennent de tirer le rideau sur leur histoire, il me semble… Qu’est-ce que cela t’inspire ?
Ils n’ont pas vraiment tiré le rideau, ils sont devenu BD music. Ils produisent moins d’albums peut-être… mais existent toujours.

James Brown (BDJazz) Concernant Ratafia, comment as-tu commencé à travailler avec Nicolas Pothier ?
Il m’a appelé sur les conseils d’un ami commun. Ce qui est amusant c’est qu’à l’époque il travaillait pour le magazine Bodoï et m’a interviewé pour une prépublication la semaine précédente.

La série s’est taillé un joli succès d’estime. Vous attendiez-vous à cela ?
On ne s’attendait évidemment pas à ça !! C’est notre première série à tous les deux ! On a fait le tome 1 sans se prendre la tête en espérant qu’il aurait suffisamment de succès pour nous permettre de signer le tome 2… et ça a largement dépassé ce qu’on imaginait en très peu de temps.

La série a eu un temps un site officiel, mais celui-ci a disparu, pourquoi ?
Le site a été laissé à l’abandon pendant un bon moment. Et après qu’il ait été hacké, il n’avait plus suffisamment de fréquentation pour qu’on s’occupe de le remettre en place. Trop de travail pour Greg qui en était le webmaster sans que l’éditeur ne le rémunère pour ce labeur.

Interviens-tu sur le scénario ?
Non, chacun a sa partie. On a un droit de regard sur ce que fait l’autre mais c’est tout.

Le tome 5 repart sur un nouveau cycle, évitant ainsi à la série de trop se répéter… Combien de tomes comptera ce cycle ? Et la série ?
Ce n’est pas un nouveau cycle, c’est un one shot et il n’y aura pas de suite. La série ne comportera donc que 5 tomes.

Accéder à la BD Ratafia Tu as marqué une pause dans la série pour faire ton album avec Olivier Jouvray. Quand vas-tu te remettre aux aventures de capitaine et de ses complices ?
Je ne m’y remettrai pas.

La cohabitation avec ton frère Greg à la couleur, ça fait combien de temps que ça dure ? Comment vous est venue l'envie de bosser ensemble ? Aimerais-tu parfois que tes planches soient colorisées en couleurs directe plutôt qu’avec l’outil informatique ?
Greg est à la couleur depuis Ratafia, ça fait donc 6 ans qu’on bosse ensemble maintenant et franchement, c’est une très belle collaboration. Je lui ai simplement proposé de faire des essais sur un projet qui finalement n’a pas vu le jour sachant qu’il avait un bon sens de la couleur et que l’outil informatique lui plaisait beaucoup. Et donc tout naturellement, je lui ai proposé Ratafia et c’était le début de l’aventure. Concernant la couleur directe, pourquoi pas, je laisse ça à l’appréciation de mon frère, donc si l’envie lui prend, ça peut être intéressant. D’ailleurs, il faut savoir que pour Nous ne serons jamais des héros j’ai réalisé des lavis à l’aquarelle noire pour donner cet aspect un peu "couleur directe".

Comment se passe le travail de dessinateur quand on ne fait pas soi même la mise en couleurs, donnes-tu des directives ou des directions à ton frère ? Dans le cas contraire, es-tu parfois surpris (agréablement ou pas) par ce qu'il a fait de tes planches en noir et blanc ? T'arrive-t-il de faire changer certains éléments qui ne te conviennent pas.
Je considère que Greg est un auteur à part entière, et à part les quelques indications de temps que donnent les scénaristes, je laisse libre le choix des teintes. Je lui fais totalement confiance. En plus c’est quelqu’un que je connais bien, et je vois à l’avance ce qu’il va faire !! Il faudra qu’il se lève tôt pour me surprendre !!!

Accéder à la BD Nous ne serons jamais des héros Comment passe-t-on du dessin de pirate de Ratafia à celui d'une histoire plus réaliste comme Nous ne serons jamais des héros, y'a-t-il de vieux réflexes dont il faut se débarrasser, le style s'adapte-t-il facilement au genre ?
Il est naturel pour moi d’adapter le type de dessin au propos d’une histoire. Je ne pouvais pas dessiner Nous ne serons jamais des héros comme j’ai dessiné Ratafia ! Ca n’aurait eu aucune cohérence. Après 5 années au service de la série de pirates cartoonesque, bien entendu, j’avais pris des automatismes et il a fallu s’en détacher… Tout le début de l’album n’est pas encore au point, mais au fil des planches je prenais de l’assurance et de l’aisance dans ce nouveau trait et c’était vraiment une expérience intéressante d’illustrer un scénario si différent de ce que j’avais fait jusqu’à maintenant et qui me touchait autant.

J'ai beaucoup aimé les tronches cartoonesque du père grincheux et de sa vieille voisine quand ils se chamaillent, qu'est-ce qui t'a donné l'idée de faire ces gueules de dessin animés à des personnages plutôt ancrés dans le réel le reste du temps ?
L’idée de base était de dessiner les moments drôles dans un style humoristique et les moments plus émouvants dans un style plus réaliste… rien de très innovant, ça a déjà été fait dans l’histoire de la BD, mais on était séduits par ça, d’autant que ça me venait naturellement. Le but c’est d’arriver à faire passer l’intention d’Olivier le mieux possible au lecteur pour qu’il comprenne au mieux ce que ressent le personnage. Et c’est ce qui me paraissait être le meilleur moyen.

Nous ne serons jamais des héros - couverture - encrage et lavis Début mai tu lançais un appel pour participer à un rassemblement concernant l'appel du numérique. Quelle est ta position sur ce nouveau support qui semble bien se développer pour la BD ?
Je pense que bientôt le numérique va se développer d’une manière qu’on ne peut pas encore imaginer et qu’il faut prendre le train en marche. L’autre point c’est que les éditeurs se ruent sur ce nouveau média alors que pour le moment il n’est pas au point. En route ils oublient les auteurs qu’ils négligent de plus en plus et veulent se tailler la part du lion de ce gâteau à venir. Plus qu’un combat pour se faire entendre sur le sujet du numérique, c’est un combat pour se faire respecter des éditeurs et leur rappeler qu’on doit travailler main dans la main en bon accord, qu’ils ne feront rien sans les auteurs et que de notre côté nous avons aussi besoin d’eux pour s’occuper de publier nos histoires.

L'expérience Nous ne serons jamais des héros avec Olivier Jouvray et Greg Salsedo semble avoir été bonne puisque vous avez de nouveau un projet tous les 3 : "Au royaume des aveugles", peux tu nous en dire plus ?
Effectivement, nous avons adoré travailler tous les trois ! On aurait tort de se priver pour "Au royaume des aveugles"… Je ne peux rien dire pour le moment si ce n’est que cette histoire comportera trois tomes de 54 pages et que c’est une sorte de polar d’anticipation sur la surveillance dont l’action se déroulera à Londres en 2060.

Dinah Washington (BDJazz - projet de couverture) A propos de ce projet et de la BD numérique, j’ai lu sur le site du journal " Le Progrès " que cette nouvelle BD allait paraître début 2011 mais qu’elle serait aussi disponible en consultation gratuite sur http://www.8comix.com afin de faire avancer les discussions sur les droits d’auteur dans l’édition numérique. Ton avis sur le sujet ?
Selon moi, publier gratuitement l‘intégralité de l’histoire sur une plate-forme numérique qui regroupera une poignée d’auteurs à la notoriété montante ou déjà installée est une bonne façon de promouvoir et d’élargir notre public, ça équivaudrait à une prépublication comme à l’époque des journaux de BD ou les lecteurs pouvaient retrouver de façon hebdomadaire ou mensuelle, les aventures de leurs personnages favoris. Le numérique peut être un très bon outil si on le maîtrise… Pour le moment, on expérimente et on découvre les possibilités qui s’offrent à nous.

As-tu déjà envisagé de faire une BD en solo ?
Non pas vraiment, mais pourquoi pas un jour… Cela dit, j’aime vraiment le travail d’équipe avec un scénariste et mon frangin.

D’autres projets dans les cartons ? Quel style (roman graphique, fantastique, fantasy ? )
Mis à part "Au royaume des aveugles", rien en ce moment.

As-tu un rêve de réalisation BD et si oui, lequel ?
C’est top secret.

Katsuhiro Otomo - Main tenant un miroir spérique (d'après Maurits Cornelis Escher) Quel sont les scénaristes avec qui tu aimerais travailler ?
Je n’ai pas le rêve de travailler avec quelqu’un en particulier, c’est plus le projet qui m’intéresse et détermine mes envies, ou alors si c’est un copain. Le top, c’est si les deux paramètres sont réunis.

Quelle est ta BD préférée en tant que lecteur ?
Je ne suis pas un "fan", je n’ai pas de titre ou même de genre favoris. J’aime plusieurs auteurs dans des styles différents pour la qualité de leur travail.

Quels sont tes dessinateurs préférés ? Quels styles graphiques apprécies-tu ?
Je ne me mets pas de barrière de genre, un auteur peut me plaire quelque soit son genre si son travail me touche. Après, ce qui va ou non me parler, c’est difficile à dire ! Il peut y avoir tellement de raisons différentes… Mais bon, allez ! Je vais citer quelques noms. Alors sans ordre particulier, comme ça me vient : Akira Toryama, Mike Mignola, Ashley Wood, Michaël Sanlaville, Katsuhiro Otomo, Larcenet, Carlos Nine, Cyril Pedrosa, Kent Williams, Natacha Sicaud, Juanjo Guarnido… et bien d’autres, la liste est longue.

Un petit mot rien que pour les BDphiles du site marron (c’est toi qui venais régulièrement donner des nouvelles de Ratafia en te faisant passer pour Romuald, non ? )
Ha… non non, désolé, ce n’est pas moi… peut-être Nicolas Pothier ou alors un lecteur très au courant.

Frédérik, merci
Merci à vous.



A voir aussi :
- Nuits Noires - Dessins et croquis de Fred Salsedo
Interview réalisée le 08/09/2010, par Pasukare, avec l'aide de Miranda et Spooky.