Auteurs et autrices / Interview de Marie Gloris

Après Thierry, scénariste réputé, c’est son épouse Marie qui se lance dans l’écriture de bandes dessinées. Forte de ses compétences d’historienne, elle nous propose avec Isabelle, Louve de France, un récit sous haute tension au XIVème siècle.

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Marie Gloris Marie, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis enseignante tout en préparant une thèse d'histoire contemporaine sur la question de l'abolition de la peine de mort en Europe. C'est pour ces compétences d'historienne que Thierry m'a proposé de travailler avec lui sur l'album Isabelle la Louve de France. Je me suis chargée des recherches historiques pointues ainsi que de la coordination de l'équipe (un dessinateur, un coloriste, un lettreur en plus de nous deux). J'ai aussi donné ma patte à notre histoire : Thierry souhaitait avoir un regard féminin permanent sur le personnage d'Isabelle.

Comment Thierry en est-il venu à s'intéresser à ce personnage ? Et quel est le lien, s'il existe, avec la question de la peine de mort ?
Nous avons choisi ensemble le personnage d'Isabelle. Nous voulions travailler sur un personnage féminin qui fasse écho à notre culture commune et qui donne du sens à nos réflexions narratives. Isabelle a été une évidence très rapidement : elle est celle sur laquelle nous nous sommes accordés. En 48h la question du « Qui » était réglée . Il n'y a pas de référence à la peine de mort, de façon directe. Outre cet axe de recherche, j'ai travaillé sur le féminisme aussi en histoire. C'est plus sur ce propos là que Thierry attendait mes idées et réflexions

Accéder à la BD Isabelle la Louve de France La collection Les Reines de Sang existait-elle avant le projet ? Ou celui-ci a-t-elle permis de lancer ce nouveau défi éditorial sous la houlette de Marya Smirnoff ?
C'est Marya qui a contacté Thierry : elle souhaitait qu'il travaille dans sa nouvelle collection. Et Thierry a pensé à travailler avec moi tout de suite, au vu du sujet.

Pourquoi un récit en deux tomes ?
La collection l'impose plus ou moins : cela permet d'être synthétique, de réaliser une vraie biographie d'un personnage, sans que cela ne devienne une saga.

Mais du coup le récit est resserré ; ça commence alors qu'Isabelle est déjà reine d'Angleterre, et mère d'un enfant. Comment avez-vous, Thierry et toi, opéré cette "sélection" en termes de contenu temporel ?
La collection se nomme "Reines de sang", donc effectivement nous sommes partis de cet axiome. D'où l'ouverture de l'album sur le bûcher des templiers avec Isabelle représentée en "famille". C'est un drame familial qui se joue, sauf qu'il se déroule chez les puissants ce qui va avoir des dommages collatéraux pour l'Europe entière.

Toi qui es très intéressée par l'abolition de la peine de mort (comme en témoignent ton carnet de recherches et la thèse que tu es en train de rédiger), tu nous parles d'un personnage particulièrement violent...
L'époque - le Moyen-Âge - est très violente. Rien n'est apaisé. Les moeurs sont très rudes, la place des femmes est extrêmement difficile, quelque soit leur rang. Pour moi Isabelle n'est pas violente à proprement parler, elle tente juste d'exister et de ne pas subir dans un milieu d'hommes très codé et très dur. Alors oui, en s'adaptant pour faire entendre sa voix, effectivement, ça dérape très sérieusement.

Cliquer pour voir une planche de Les Reines de sang L'abolition de la peine de mort c'est une idée qui apparaît au XVIIIème siècle, avant cela, rares sont les textes où les hommes se positionnent en-dehors de la loi du Talion. Ce serait anachronique pour moi de travailler par exemple sur cette idée à l'époque d'Isabelle. Mais montrer la scène de mise à mort que l'on voit dans l'album est aussi une façon de faire prendre conscience de la barbarie que cela pouvait être. Ça se passait ainsi. Je le dénonce d'une certaine façon, mais en indiquant que c'était une norme. Heureusement elle ne l'est plus aujourd'hui, et c'est pour cela que nous sommes tant choqués : la peine de mort en devenant une exception crée de plus en plus de réactions abolitionnistes. C'est un cercle vertueux, lent, mais qui laisse présager de l'abolition universelle.

Dans le premier tome, il y a un personnage qui reste encore un peu dans l’ombre, Roger Mortimer. J’imagine qu’on va le voir de plus en plus aux côtés d’Isabelle dans le tome 2 ?
Oui, Mortimer va devenir un personnage central, mais je ne vais pas spoiler ! :)

Où en est ce tome 2, justement ?
Nous sommes en plein dedans : il sortira pile un an après le tome 1.

Le travail de Jaime Calderon est absolument magnifique sur ce premier tome... Comment le choix du dessinateur s'est-il imposé ?
Thierry l'avait rencontré, Marya le connaissait, il y a eu une sorte d'évidence.

As-tu d'autres projets BD ? Si oui, peux-tu nous en parler ?
Oui, j'ai d'autres projets, mais pour l'instant rien n'est fait. En tout cas, cette première incursion dans l'univers BD n'est sans doute pas la dernière :)

Marie, merci.
Merci à toi Spooky :)



A lire : le carnet de recherches de Marie Gloris
Interview réalisée le 10/11/2012, par Spooky.