Auteurs et autrices / Interview de Martin Jamar

Licencié en droit, Martin Jamar est un dessinateur autodidacte originaire de la région liégeoise. Spécialisé dans le dessin historique, et plus particulièrement sur la période napoléonienne, il est devenu célèbre grâce à la série « les Voleurs d’Empires ». A l’heure actuelle, c’est sur Double Masque, et toujours en collaboration avec Jean Dufaux, que cet artiste soigneux travaille.

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Martin Jamar Martin Jamar, bonjour. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour, je suis dessinateur et coloriste de bandes dessinées, liégeois de naissance et ardennais de cœur. Je réside à Limbourg, un petit village situé près de Verviers, dans la province de Liège. Enfin, je suis marié à une architecte, père de 3 enfants, et arrière-petit neveu du peintre Armand Jamar (1870-1945).

A quel moment, selon vous, votre vocation de dessinateur s’est-elle affirmée au point de décider d’en faire votre métier ?
Pendant mes années d'Université. J'étais plus attiré par le dessin que les métiers du Droit… La rencontre avec un autre étudiant fut déterminante : Franklin Dehousse. Son envie d'écrire des scénarios a rencontré mon envie de dessiner, il m'a "mis le pied à l'étrier". Deuxième rencontre importante : Michel De Meulenaere, le fondateur des Editions du Miroir, qui a proposé un contrat pour 5 albums aux débutants que nous étions… Une autre époque !

Accéder à la BD François Jullien Dès François Jullien, vous oeuvrez dans le récit historique. Était-ce un hasard ou intentionnel ?
Très intentionnel ! J'aimais depuis quelques années l'épopée napoléonienne, ses destins, ses uniformes. J'avais déjà un peu de documentation sur cette époque, qui n'était pas encore trop abordée en BD. C'est la lecture d'un roman régional ("Un réfractaire ardennais", de Georges Lecomte) qui m'a donné le déclic pour ces aventures de François Jullien.

La Lettre de feu est, jusqu’à présent, votre seul one-shot. Par choix ?
Oui, cet album fut finalement une "parenthèse", un moment de répit entre 2 séries. Le scénario de Yves Charlier (rencontré également à l'université et via des amis communs) était au départ prévu pour s'étendre sur 2 tomes. Il n'y en eut finalement qu'un seul, pour des raisons un peu longues à raconter ici...

Quels sont les avantages à travailler sur de longues séries ? Et les inconvénients ?
Il y a plus d'avantages que d'inconvénients, je pense. Une longue série donne à son auteur le temps d'évoluer, de progresser, de creuser son sillon, de raconter une grande saga, et aussi, plus prosaïquement, l'impression d'une certaine sécurité matérielle, malgré tout… Les inconvénients? Un éventuel risque d'essoufflement, car une série demande du souffle, de l'endurance pour sortir les albums à date régulière et rapprochée (ce qui fut bien souvent mon "problème", ma grosse difficulté…!)

Accéder à la BD Voleurs d'Empires "Les voleurs d'empires" est la série qui vous a fait connaître du grand public. Quel regard jetez-vous sur celle-ci aujourd’hui ? Combien d’années de votre carrière représente-t-elle ?
Les Voleurs d'Empires, j'y ai consacré 10 ans de ma vie. Délai qui a paru très (pour ne pas dire trop) long au scénariste, mais nécessaire pour moi, pour arriver à peu près à ce que je voulais réaliser avec ce récit très fort de Jean Dufaux. Jean m'a fait un très beau cadeau avec cette série ! J'essaie d'avoir sur elle un regard "bienveillant", en n'y voyant pas que les défauts et maladresses de dessin (ce qui est chez moi un penchant très fort…), et un sentiment de satisfaction d'avoir pu mener l'aventure à son terme.

Pensez-vous avoir trouvé en Jean Dufaux LE scénariste idéal ?
Jean est un merveilleux scénariste, exigeant, très humain, et aimant plus rire que ne pourraient le laisser penser ses écrits ! L'Idéal ne peut pas exister, mais on peut s'en approcher… J'aime beaucoup travailler avec lui, il m'a appris beaucoup de choses, a été souvent très patient avec moi et mon rythme de travail un peu lent à son goût !

Vous vivez dans une région historiquement riche. N’avez-vous jamais envie d’illustrer un récit se déroulant sur « vos terres » ? Un Verviers au temps de la splendeur de l’industrie lainière, un Spa lorsque la cité thermale et ses casinos attiraient de grands personnages, un Stavelot à l’époque de la révolution française, partagé entre son attachement à l’abbaye et les idées d’égalité ?
Bien sûr, je n'ai malheureusement qu'une main pour dessiner, mais les envies ne manquent pas, entre l'histoire de mon village (enfin, qui a le titre de « ville »…) et la région environnante, les Hautes-Fagnes, L'Ardenne. Ҫa me trotte dans la tête, je ne désespère pas d'en faire quelque chose un jour, avant d'être impotent ou 6 pieds sous terre…Mais le temps me manque.

Pouvez-vous nous faire virtuellement visiter votre atelier ? Que pouvons-nous y trouver ?
Mon atelier, mon antre…: 2 pièces, au rez-de-chaussée d'une maison… séculaire ! Au sol, vieux plancher grinçant, 2 cheminées anciennes, décorées de pavés de Delft, une fenêtre vers l'Est donnant sur l'église et son clocher du XVe siècle, l'autre fenêtre vers l'Ouest et notre jardin "de curé"… Plusieurs tables: la principale, légèrement inclinée, est face au jardin, une autre au milieu de la pièce, souvent bien encombrée de livres. Dans l'autre pièce: un plan de travail, avec un ordi que je n'exploite pas encore vraiment, et un autre pour la table lumineuse. Le long des murs, plusieurs bibliothèques, BD, documentation, etc…. Accrochés aux murs, là où il reste de la place : une série de cadres avec de superbes illustrations de Pellerin. Un plan de Paris en 1789, un grand tableau de mon aïeul Armand Jamar susmentionné, une très belle statuette de la Griffe Noire réalisée par un ami -Christian Merland-, un grand panneau publicitaire pour le Champagne Napoléon, of course -cadeau d'un ami champenois-…, et d'autres choses encore…

Accéder à la BD Double Masque En 2011, vous avez publié « les Coqs », cinquième tome de la série Double Masque. Mais savez-vous déjà le nombre de tomes que comprendra Double Masque au final ?
Non, je ne peux pas dire combien il y aura de tomes en tout, ce qui est sûr, c'est qu'il y aura un tome 6 qui clôturera un 1er cycle et devrait paraitre vers la mi-2012.

Mélanger personnages de fiction et personnages historiques est-il problématique pour un dessinateur ?
C'est justement cela qui est amusant et intéressant, arriver à ce que le lecteur ne sache plus exactement qui a vraiment existé et qui est sorti de notre imagination -tout en restant dans l'ordre du plausible. Qui pourrait me prouver, par exemple, qu'un dénommé François dit La Torpille semblable à notre personnage n'a jamais vécu ?

Napoléon a ses passionnés. Avez-vous reçu des remarques sur la manière dont vous l’avez représenté ? Vous étiez-vous fortement documenté auparavant ou bien êtes-vous parti du principe qu’il s’agissait d’une fiction et que, donc, vous aviez droit à une certaine liberté ?
Bien sûr, je me suis documenté, je souhaite que "mon" Napoléon corresponde un minimum à l'image que le public s'en est formé, il faut qu'on le reconnaisse, mais une certaine liberté est là, on est obligé de faire des choix entre les innombrables représentations de Napoléon qui nous sont parvenues.

Cliquez pour voir une planche de Double Masque, tome 5 Enfin, la question qui fâche : votre trait évolue immanquablement avec le temps. Mais dans quelle direction aimeriez-vous le faire évoluer au final ? L’efficacité ? La précision ? La netteté ? Ou bien plus prosaïquement la productivité ? Il me semble en tous les cas que vous avez abandonné un peu de finesse en cours de route… je me trompe ?
Pas tout à fait ! J'admets que sur les tomes 1 et 2 de Double Masque, j'ai voulu aller vers un dessin plus "simple", plus dépouillé, et le trait s'est un peu épaissi. Par la suite, je suis progressivement revenu vers plus de finesse, de détails. Je suis toujours à la recherche du bon équilibre...

Martin Jamar, un grand merci pour votre collaboration et au plaisir de vous retrouver rapidement avec un nouveau tome de Double Masque !
Rapidement… C'est aussi mon plus grand souhait !! Je dois lutter souvent avec une tendance à la procrastination aigüe… Merci, Mac Arthur, pour ces pertinentes questions !
Interview réalisée le 15/12/2011, par Mac Arthur.