En refermant chacun des deux tomes, une vague d'émotion silencieuse vous déséquilibre, comme quand l'eau se retire du sable sous vos pieds.
Vous n'avez d'autre choix que de mettre un pied devant l'autre en regardant l'horizon, sans savoir si le vent du large vous mouille ou vous sèche les yeux...
Dans ce dyptique, il y a quelque chose qui rappelle les films italiens des années 50 qui racontent la pauvreté de l'après-guerre. Je me souviens que j'avais un peu poussé mon tout jeune ado à regarder "La strada" avec nous et à la fin il m'avait dit : mais pourquoi vous aimez les films tristes ?
En réalité ce n'est pas tant la tristesse que la douleur, l'injustice qui paraît, lorsqu'on est jeune, inutile, contre-productive, inacceptable... et en aucun cas belle.
Pourquoi lorsqu'on est adulte, on peut trouver beau un roman, un film, une pièce de théâtre qui ne raconte que des échecs ? Je repense souvent à la question de mon fils lorsque je suis émue par une oeuvre d'art.
Cette BD raconte la fin d'un art, décidée par un dictateur grec. Ce chant triste et autodérisoire, accompagné d'instruments à cordes, raconte le destin des immigrés turcs dans les années 30. Comme souvent , les dictateurs agissent comme des enfants, la tristesse les embarrasse autant que les étrangers.
Contrairement à Grogro, je n'arrive pas vraiment à comprendre le mécanisme qui aboutit à cette émotion, ce sentiment d'appartenance qui nait à la lecture de cette histoire, si lointaine à tout point de vue : les année 20, la Grèce, des musiciens fauchés et immigrés, qu'ont-ils de commun avec moi, finalement ? Eh bien c'est là le miracle : leur situation sans issue ressemble à la nôtre.
Nous nous reconnaissons dans ce sentiment à la fois d'impasse et de la nécessité toujours recommencée, de génération en génération, de perséverer.
Le dessin est bien-sûr très réussi : La lumière méditerranéenne, le modelé des paupières de tous ces regards fatigués, les ravages de la coco sur des jeunes visages, les silhouettes dansantes dans l'ivresse, l'ombre des oliviers ou celle des canisses abritant un repas dans la douceur de l'air...
Mais j'ai du mal à croire que le dessin puisse faire le travail à lui seul. Les personnages, leur humour et leur rage, et la musique absente, (qui reste imaginaire pour le lecteur qui est trop pris par l'histoire pour chercher sur internet les traces de ce fado grec... ) s'enchevêtrent dans un scénario complexe, difficile à se remémorer, comme si notre tête avait cogné sur des rochers en suivant les remous du fleuve triste...
Si vous êtes assez vieux, vous aimerez cette histoire.
J'aime bien Hervé Bourhis, j'apprécie son travail depuis des années. Je trouve que ça a de la tenue, j'apprends des trucs, même quand il propose des trucs moyen. Qui plus est, j'ai l'impression que son trait s'affirme au fil du temps, pour peut-être trouver sa forme la plus accomplie sur cet album. Avec Paul, le dessin est plus souple, les visages d'avantage reconnaissables (alors qu'ils l'étaient déjà auparavant), et on retrouve le même plaisir consistant à parfaire sa culture musicale dans les moindres détails. En outre, dans le cas présent toujours, le sujet est central dans l'univers du rock puisqu'il s'attache à retranscrire la vie post-Beatles de Maca, or les Beatles c'est presque l'Alpha et l'Omega.
C'est une nouvelle fois très agréable à lire d'autant plus que cette partie de la vie de notre homme m'était un peu inconnue. Ainsi, j'ignorais tout de ce passage à vide, de ces quelques années creuses où il frôla la ruine et l'oubli... En ce qui concerne sa discographie, je connaissais son album solo Ran, splendide, qui tourne régulièrement sur ma platine, mais sa période Wings m'avait laissée froid comme la pierre musicalement parlant après une seule et unique écoute de Band On The Run. Les Wings, je n'ai jamais trop compris, trop ampoulé et démonstratif, ce qui selon moi égarait les mélodies. Après la lecture de Paul, je me promets de réécouter attentivement la discographie de Sir McCartney et des Wings.
Cette lecture, bien qu'un peu linéaire dans sa narration, et peut-être un peu moins drôle aussi, entretient l'intérêt du mélomane intact, et c'est déjà beaucoup. Un bon 3,5 !
Je suis amateur d'Ero-Guro, surtout autour de l'œuvre de Maruo, mais c'est avec cet album que je découvre Kago.
Et c'est plutôt une chouette découverte. L'histoire pourrait aisément être résumée, et elle est assez linéaire, autour de revolutions de palais dans le Japon féodal de la fin du XVIeme siècle.
Mais voilà, Kago traite cette intrigue en illustrant plusieurs possibilités. D'un côté le seigneur a éliminé son adversaire et gardé le pouvoir, de l'autre le coup d'Etat à réussi. Avec parfois d'autres sous intrigues. Chaque branche de l'intrigue entraîne le développement d'une branche du château, qui s'étend vers le ciel comme une plante grimpante où chaque étage est dévolu à une catégorie sociale.
Le récit est porté par un graphisme minutieux, un trait fin, précis et agréable, que ce soit pour les décors ou pour les personnages (je regrette juste certains visages plus inégaux, voire avec des traits effacés).
Et, surtout une esthétique baroque, un fantastique souvent gore, où, comme l'architecture du château, les corps développent des surgeons, des freaks possédant plusieurs membres doublés, plusieurs têtes (ce qui entraîne, en sus des deux versions de l'histoire évoquées plus haut, des dialogues doublés).
A réserver à un lectorat adulte (il y a plusieurs scènes de sexe explicites, et de nombreuses scènes de torture particulièrement dures), mais j'ai trouvé l'album original et intéressant.
Note réelle 3,5/5.
Il est difficile de se promener dans les rayons BD avec son fils sans éviter la pile des Lapins crétins. Comme le tome 1 est en promo cela ne m'a pas couté cher de faire plaisir et de découvrir ce concept dont j'ai vaguement entendu parler. BD muette c'est le visuel qui fait le dynamisme et l'humour des strips. On sourit parfois surtout si on comprend les références "de vieux" qu'utilisent les auteurs. Sans être laid le graphisme va au plus simple en utilisant ce modèle répétitif à l'envie et une très forte économie de moyens sur les détails. Ainsi j'ai eu l'impression que le graphisme et l'humour ne s'adressait pas au même public ce qui en fait une série cherchant à ratisser large sans effort de cohérence. Un tome me suffira.
J'aime bien le qualificatif de série Pop corn que lui a attribué un aviseur. Perso je le prend du bon côté, une bonne série commerciale qui fait passer un agréable moment de lecture dépaysante. Evidemment la thématique complotiste autour d'un labo pharmaceutique et d'une agence de sureté américaine n'est pas de première jeunesse. Toutefois la construction originale autour de ces six personnages dynamise l'intérêt de chaque opus en apportant un élément nouveau à chaque lecture. Je dois reconnaitre que la construction des croisements entre les histoires est quasi parfaite. La limite de cette méthode est que l'on se trouve sur un temps court puisque chaque opus se focalise sur un passage commun. Cela impose de nombreux flash back, un récit coup de poing qui peut laisser certains personnages sur le bord du chemin et créer une petite frustration. Ces petites remarques ne doivent pas cacher le vrai travail de coordination intelligente pour finaliser une série avec cette cohérence.
Quant à lire la série dans n'importe quel ordre j'ai un petit doute. Perso je trouve la série bien plus fluide avec un ordre Camille- Darius ou Jonas- Park ou Noah et Fouad.
La faiblesse est surtout graphique à mes yeux. Certains personnages sont à la limite de la caricature avec des visages pas trop soignés. Par contre j'ai bien aimé le travail sur les décors et les extérieurs qui donnent un fort goût façon James Bond à la série.
Le tome 7 possède une double vocation en réunissant l'ensemble des protagonistes dans un final moral tout en laissant une ouverture pour une suite potentielle. Là encore c'est réalisé avec une belle maitrise car il y a du matériel pour aller plus loin sur ce thème de la liberté individuelle qui pilote la série. A suivre. en saison 2 sans être un achat prioritaire.
Je n'ai jamais réussi à accrocher au récit de Kid Toussaint à tel point que j'ai failli mettre seulement 2. Toutefois je garde 3 car cela aurait été faire injure à l'excellent graphisme d'Aurélie Guarino et à une certaine recherche dans le scénario. En effet j'ai trouvé le récit graphique très original et créatif. Le trait est fin et élégant et la dynamique du dessin nous entraine dans une atmosphère tourbillonnante et virevoltante en complet décalage avec la thématique centrale de la série. Seulement voilà la lecture m'a ennuyé! Trop lisse et trop superficielle avec un esprit de comédie musicale qui rend le visuel agréable mais la lecture passable. La plupart du temps je n'ai pas réagi à l'humour proposé par l'auteur. A la lecture des autres avis je me suis replongé dans ma lecture mais non, cela m'ennuie.
Une série avec de la créativité graphique et de mise en scène mais qui ne match pas avec mon état d'esprit . Peut être une autre fois.
Bon, de l'érotisme hétérosexuel, sur le papier ça ne devrait pas m'attirer. Pourtant l'album possède quand-même quelques atouts qui m'avait donné envie de le lire : une mise en avant du désir féminin, une narration jouant sur un flou entre rêve et réalité, une utilisation de la figure de la sorcière pour parler de l'ostracisation et de la diabolisation des femmes, et deux graphismes magnifiques s'alternant pour illustrer les changements de perception de la protagoniste
Ouais, l'album a de bonnes qualités.
Et, grande surprise, même si je lui trouve un petit défaut (parfaitement personnel et sur lequel je reviendrai après), j'ai trouvé l'album très bon. Ce petit défaut n'est pas vraiment l'érotisme hétérosexuel, bien que la figure fantasmée masculine ne me fasse pas vibrer le cœur (ni frémir le pantalon d'ailleurs) je trouve tout de même les sujets du désir féminin, des désirs refoulés et des fantasmes assez joliment traités. En fait, le seul défaut que je trouve à cet album est qu'il m'apparaît dommage de ne pas avoir profité davantage du sujet de la figure de la sorcière. Oui, je suis sans doute un peu vache dans cet avis, le sujet reste central à l'album, mais la figure de la sorcière, ses symboliques et ses réappropriations me tiennent énormément à cœur. Ici, cette figure est bien utilisée pour illustrer la peur de l'inconnu, la personnification de ce que nous jugeons de mal dans une société, un outil de contrôle pour éliminer les gens que nous n'apprécions pas. C'est juste que je n'aurais pas boudé voir tout cela un peu plus... un peu plus présent, un peu plus développé. Tout cela fait trop sage, trop convenu.
Oui, ce n'est sans doute pas très clair, mais j'ai tout de même un petit sentiment d'occasion manquée à la fin de cet album.
Après, quand je dis défaut, je le trouve moi-même minime. Honnêtement, l'album reste bon, ne serait-ce que pour les très beaux graphismes et le jeu très intéressant sur leur alternance de plus en plus chaotique pour illustrer le sentiment de perdition de la protagoniste.
Je déplore simplement le fait que l'album aurait pu davantage étoffer son propos sur la figure de la sorcière.
(Note réelle 3,5)
Une série ambitieuse et originale, servie par un univers riche et un bon scénario, mais desservie par un ton hésitant entre jeunesse et maturité.
L’idée de départ, un monde où la mort a disparu, est originale, puissante, et permet une vraie réflexion sur la condition humaine, le deuil, la liberté de mourir. L’univers est riche, le scénario globalement bien construit, et certains passages sont très touchants, notamment dans les relations familiales.
De même, le dessin est de très bonne qualité, notamment concernant les décors qui sont non seulement beaux mais aussi originaux.
Mais la série souffre d’un déséquilibre de ton. Le mélange entre légèreté “jeunesse” (dans le dessin comme dans certains dialogues ou gags) et violence macabre fonctionne par moments, mais dérange souvent. Déjà au niveau du dessin, ces personnages avec des grands yeux presque larmoyants, de grands sourires, des joues bien rondes : ça fait un peu trop à la fois manga et cartoon à mes yeux. Et de même, malgré le côté macabre du scénario, le tout est contrebalancé par un esprit jeune en permanence. En outre, plusieurs personnages, en particulier Dirna, peinent à évoluer ou deviennent irritants sur la durée. C'est cette oscillation entre le sérieux d'une histoire fantasy adulte et le côté enfantin ou du moins adolescent que l'auteur et le dessinateur veulent conserver qui ne me permet pas d'apprécier cette série autant que j'aimerais le faire.
Malgré quelques longueurs au milieu, la série se conclut de manière satisfaisante, avec un dernier tome un peu trop intense mais cohérent. Au final, même si tout n’est pas réussi, Zorn & Dirna reste une série marquante et ambitieuse, qui a la mérité de former un tout cohérent malgré son étrange oscillation de ton.
Il y a plus de 15 ans, j'avais plutôt été emballé par cette série. Force est de constater qu'en vieillissant et après avoir lu pas mal de bandes dessinées, je suis de moins en moins fan de ce genre de Bd de chez Soleil.
En effet, bien que le scénario et l'idée de départ soit très originaux (la mort a été enfermée dans un psyché, ce qui n'empêche pas les corps de se décrépir et de pourrir...), je trouve à présent que les personnages sont un peu trop tranchés et caricaturaux et l'enchainement des événements peu crédible. Splata et Seldnör se remettent ainsi beaucoup trop rapidement des horreurs qu'ils ont subies et certains dialogues sont vraiment trop décalés par rapport au contexte et au thème de l'Héroïc-Fantasy. A cela s'ajoute un côté plutôt énervant de nos deux petits héros que sont Zorn et Dirna et certains gags un peu lourds (le retour répétitif du gitan qui zozote au fil des tomes, les changements de corps masculins/féminins, etc.). Enfin, était-il vraiment nécessaire de dédier 5 pages du tome 5 à une scène de sexe entre Splata et Seldnör/Kerozinn ? Personnellement, je n'en ai pas perçu la plus-value...
Concernant le graphisme, le côté enfantin et très rond du dessin, notamment au niveau des visages de Zorn & Dirna, et la mise en couleur très prononcée avec des couleurs très vives et contrastées, tranchent avec la noirceur et la violence des scènes rencontrées. Dommage que l'ensemble reste trop informatisé et lisse à mon goût.
Une série à réserver aux amateurs du genre dont je ne conseillerais à présent plus l'achat. Note réelle : 2,5
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 5/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10
NOTE GLOBALE : 11/20
Nous sommes en Angleterre au XVIIeme siècle (même si rien ne précise le lieu, et si les noms des personnages sont plutôt "nordiques "). Une atmosphère puritaine étouffante. L'arrière-plan est très classique, et l'intrigue très - trop - linéaire. Elle manque aussi de densité, et avec quelque chose de plus étoffé, avec des intrigues parallèles et des personnages secondaires plus développés, j'aurais volontiers arrondi au niveau supérieur.
Mais ça reste quand même une histoire plaisante à lire. Qui montre bien la peur des femmes, l'instrumentation du diable et de l'idée de sorcellerie pour les dominer et accessoirement cadenasser une société en pleine effervescence. Ainsi l'héroïne, délaissée par son mari (inquisiteur obnubilé par sa chasse aux sorcières - avec des méthodes discutables !), est assaillie de rêves érotiques, qui vont la mener à sa perte.
La narration est fluide.
Mais c'est l'aspect graphique qui est le plus original et le plus réussi.
Chacune des deux autrices se charge, avec son style propre, d'une partie du récit. Un style comics classique (et réussi) avec un trait gras pour tout ce qui est de la vie "ordinaire ", et un style hyper réaliste au rendu proche de la photo pour les parties rêvées (ou sensualité et érotisme s'invitent avec le "malin").
J'ai bien aimé ce double travail graphique.
Note réelle 3,5/5.
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Rébétissa (L'Antidote)
En refermant chacun des deux tomes, une vague d'émotion silencieuse vous déséquilibre, comme quand l'eau se retire du sable sous vos pieds. Vous n'avez d'autre choix que de mettre un pied devant l'autre en regardant l'horizon, sans savoir si le vent du large vous mouille ou vous sèche les yeux... Dans ce dyptique, il y a quelque chose qui rappelle les films italiens des années 50 qui racontent la pauvreté de l'après-guerre. Je me souviens que j'avais un peu poussé mon tout jeune ado à regarder "La strada" avec nous et à la fin il m'avait dit : mais pourquoi vous aimez les films tristes ? En réalité ce n'est pas tant la tristesse que la douleur, l'injustice qui paraît, lorsqu'on est jeune, inutile, contre-productive, inacceptable... et en aucun cas belle. Pourquoi lorsqu'on est adulte, on peut trouver beau un roman, un film, une pièce de théâtre qui ne raconte que des échecs ? Je repense souvent à la question de mon fils lorsque je suis émue par une oeuvre d'art. Cette BD raconte la fin d'un art, décidée par un dictateur grec. Ce chant triste et autodérisoire, accompagné d'instruments à cordes, raconte le destin des immigrés turcs dans les années 30. Comme souvent , les dictateurs agissent comme des enfants, la tristesse les embarrasse autant que les étrangers. Contrairement à Grogro, je n'arrive pas vraiment à comprendre le mécanisme qui aboutit à cette émotion, ce sentiment d'appartenance qui nait à la lecture de cette histoire, si lointaine à tout point de vue : les année 20, la Grèce, des musiciens fauchés et immigrés, qu'ont-ils de commun avec moi, finalement ? Eh bien c'est là le miracle : leur situation sans issue ressemble à la nôtre. Nous nous reconnaissons dans ce sentiment à la fois d'impasse et de la nécessité toujours recommencée, de génération en génération, de perséverer. Le dessin est bien-sûr très réussi : La lumière méditerranéenne, le modelé des paupières de tous ces regards fatigués, les ravages de la coco sur des jeunes visages, les silhouettes dansantes dans l'ivresse, l'ombre des oliviers ou celle des canisses abritant un repas dans la douceur de l'air... Mais j'ai du mal à croire que le dessin puisse faire le travail à lui seul. Les personnages, leur humour et leur rage, et la musique absente, (qui reste imaginaire pour le lecteur qui est trop pris par l'histoire pour chercher sur internet les traces de ce fado grec... ) s'enchevêtrent dans un scénario complexe, difficile à se remémorer, comme si notre tête avait cogné sur des rochers en suivant les remous du fleuve triste... Si vous êtes assez vieux, vous aimerez cette histoire.
Paul
J'aime bien Hervé Bourhis, j'apprécie son travail depuis des années. Je trouve que ça a de la tenue, j'apprends des trucs, même quand il propose des trucs moyen. Qui plus est, j'ai l'impression que son trait s'affirme au fil du temps, pour peut-être trouver sa forme la plus accomplie sur cet album. Avec Paul, le dessin est plus souple, les visages d'avantage reconnaissables (alors qu'ils l'étaient déjà auparavant), et on retrouve le même plaisir consistant à parfaire sa culture musicale dans les moindres détails. En outre, dans le cas présent toujours, le sujet est central dans l'univers du rock puisqu'il s'attache à retranscrire la vie post-Beatles de Maca, or les Beatles c'est presque l'Alpha et l'Omega. C'est une nouvelle fois très agréable à lire d'autant plus que cette partie de la vie de notre homme m'était un peu inconnue. Ainsi, j'ignorais tout de ce passage à vide, de ces quelques années creuses où il frôla la ruine et l'oubli... En ce qui concerne sa discographie, je connaissais son album solo Ran, splendide, qui tourne régulièrement sur ma platine, mais sa période Wings m'avait laissée froid comme la pierre musicalement parlant après une seule et unique écoute de Band On The Run. Les Wings, je n'ai jamais trop compris, trop ampoulé et démonstratif, ce qui selon moi égarait les mélodies. Après la lecture de Paul, je me promets de réécouter attentivement la discographie de Sir McCartney et des Wings. Cette lecture, bien qu'un peu linéaire dans sa narration, et peut-être un peu moins drôle aussi, entretient l'intérêt du mélomane intact, et c'est déjà beaucoup. Un bon 3,5 !
La Princesse du Château sans Fin
Je suis amateur d'Ero-Guro, surtout autour de l'œuvre de Maruo, mais c'est avec cet album que je découvre Kago. Et c'est plutôt une chouette découverte. L'histoire pourrait aisément être résumée, et elle est assez linéaire, autour de revolutions de palais dans le Japon féodal de la fin du XVIeme siècle. Mais voilà, Kago traite cette intrigue en illustrant plusieurs possibilités. D'un côté le seigneur a éliminé son adversaire et gardé le pouvoir, de l'autre le coup d'Etat à réussi. Avec parfois d'autres sous intrigues. Chaque branche de l'intrigue entraîne le développement d'une branche du château, qui s'étend vers le ciel comme une plante grimpante où chaque étage est dévolu à une catégorie sociale. Le récit est porté par un graphisme minutieux, un trait fin, précis et agréable, que ce soit pour les décors ou pour les personnages (je regrette juste certains visages plus inégaux, voire avec des traits effacés). Et, surtout une esthétique baroque, un fantastique souvent gore, où, comme l'architecture du château, les corps développent des surgeons, des freaks possédant plusieurs membres doublés, plusieurs têtes (ce qui entraîne, en sus des deux versions de l'histoire évoquées plus haut, des dialogues doublés). A réserver à un lectorat adulte (il y a plusieurs scènes de sexe explicites, et de nombreuses scènes de torture particulièrement dures), mais j'ai trouvé l'album original et intéressant. Note réelle 3,5/5.
The Lapins crétins
Il est difficile de se promener dans les rayons BD avec son fils sans éviter la pile des Lapins crétins. Comme le tome 1 est en promo cela ne m'a pas couté cher de faire plaisir et de découvrir ce concept dont j'ai vaguement entendu parler. BD muette c'est le visuel qui fait le dynamisme et l'humour des strips. On sourit parfois surtout si on comprend les références "de vieux" qu'utilisent les auteurs. Sans être laid le graphisme va au plus simple en utilisant ce modèle répétitif à l'envie et une très forte économie de moyens sur les détails. Ainsi j'ai eu l'impression que le graphisme et l'humour ne s'adressait pas au même public ce qui en fait une série cherchant à ratisser large sans effort de cohérence. Un tome me suffira.
Alter Ego
J'aime bien le qualificatif de série Pop corn que lui a attribué un aviseur. Perso je le prend du bon côté, une bonne série commerciale qui fait passer un agréable moment de lecture dépaysante. Evidemment la thématique complotiste autour d'un labo pharmaceutique et d'une agence de sureté américaine n'est pas de première jeunesse. Toutefois la construction originale autour de ces six personnages dynamise l'intérêt de chaque opus en apportant un élément nouveau à chaque lecture. Je dois reconnaitre que la construction des croisements entre les histoires est quasi parfaite. La limite de cette méthode est que l'on se trouve sur un temps court puisque chaque opus se focalise sur un passage commun. Cela impose de nombreux flash back, un récit coup de poing qui peut laisser certains personnages sur le bord du chemin et créer une petite frustration. Ces petites remarques ne doivent pas cacher le vrai travail de coordination intelligente pour finaliser une série avec cette cohérence. Quant à lire la série dans n'importe quel ordre j'ai un petit doute. Perso je trouve la série bien plus fluide avec un ordre Camille- Darius ou Jonas- Park ou Noah et Fouad. La faiblesse est surtout graphique à mes yeux. Certains personnages sont à la limite de la caricature avec des visages pas trop soignés. Par contre j'ai bien aimé le travail sur les décors et les extérieurs qui donnent un fort goût façon James Bond à la série. Le tome 7 possède une double vocation en réunissant l'ensemble des protagonistes dans un final moral tout en laissant une ouverture pour une suite potentielle. Là encore c'est réalisé avec une belle maitrise car il y a du matériel pour aller plus loin sur ce thème de la liberté individuelle qui pilote la série. A suivre. en saison 2 sans être un achat prioritaire.
Les Vies de Charlie
Je n'ai jamais réussi à accrocher au récit de Kid Toussaint à tel point que j'ai failli mettre seulement 2. Toutefois je garde 3 car cela aurait été faire injure à l'excellent graphisme d'Aurélie Guarino et à une certaine recherche dans le scénario. En effet j'ai trouvé le récit graphique très original et créatif. Le trait est fin et élégant et la dynamique du dessin nous entraine dans une atmosphère tourbillonnante et virevoltante en complet décalage avec la thématique centrale de la série. Seulement voilà la lecture m'a ennuyé! Trop lisse et trop superficielle avec un esprit de comédie musicale qui rend le visuel agréable mais la lecture passable. La plupart du temps je n'ai pas réagi à l'humour proposé par l'auteur. A la lecture des autres avis je me suis replongé dans ma lecture mais non, cela m'ennuie. Une série avec de la créativité graphique et de mise en scène mais qui ne match pas avec mon état d'esprit . Peut être une autre fois.
Somna
Bon, de l'érotisme hétérosexuel, sur le papier ça ne devrait pas m'attirer. Pourtant l'album possède quand-même quelques atouts qui m'avait donné envie de le lire : une mise en avant du désir féminin, une narration jouant sur un flou entre rêve et réalité, une utilisation de la figure de la sorcière pour parler de l'ostracisation et de la diabolisation des femmes, et deux graphismes magnifiques s'alternant pour illustrer les changements de perception de la protagoniste Ouais, l'album a de bonnes qualités. Et, grande surprise, même si je lui trouve un petit défaut (parfaitement personnel et sur lequel je reviendrai après), j'ai trouvé l'album très bon. Ce petit défaut n'est pas vraiment l'érotisme hétérosexuel, bien que la figure fantasmée masculine ne me fasse pas vibrer le cœur (ni frémir le pantalon d'ailleurs) je trouve tout de même les sujets du désir féminin, des désirs refoulés et des fantasmes assez joliment traités. En fait, le seul défaut que je trouve à cet album est qu'il m'apparaît dommage de ne pas avoir profité davantage du sujet de la figure de la sorcière. Oui, je suis sans doute un peu vache dans cet avis, le sujet reste central à l'album, mais la figure de la sorcière, ses symboliques et ses réappropriations me tiennent énormément à cœur. Ici, cette figure est bien utilisée pour illustrer la peur de l'inconnu, la personnification de ce que nous jugeons de mal dans une société, un outil de contrôle pour éliminer les gens que nous n'apprécions pas. C'est juste que je n'aurais pas boudé voir tout cela un peu plus... un peu plus présent, un peu plus développé. Tout cela fait trop sage, trop convenu. Oui, ce n'est sans doute pas très clair, mais j'ai tout de même un petit sentiment d'occasion manquée à la fin de cet album. Après, quand je dis défaut, je le trouve moi-même minime. Honnêtement, l'album reste bon, ne serait-ce que pour les très beaux graphismes et le jeu très intéressant sur leur alternance de plus en plus chaotique pour illustrer le sentiment de perdition de la protagoniste. Je déplore simplement le fait que l'album aurait pu davantage étoffer son propos sur la figure de la sorcière. (Note réelle 3,5)
Zorn & Dirna
Une série ambitieuse et originale, servie par un univers riche et un bon scénario, mais desservie par un ton hésitant entre jeunesse et maturité. L’idée de départ, un monde où la mort a disparu, est originale, puissante, et permet une vraie réflexion sur la condition humaine, le deuil, la liberté de mourir. L’univers est riche, le scénario globalement bien construit, et certains passages sont très touchants, notamment dans les relations familiales. De même, le dessin est de très bonne qualité, notamment concernant les décors qui sont non seulement beaux mais aussi originaux. Mais la série souffre d’un déséquilibre de ton. Le mélange entre légèreté “jeunesse” (dans le dessin comme dans certains dialogues ou gags) et violence macabre fonctionne par moments, mais dérange souvent. Déjà au niveau du dessin, ces personnages avec des grands yeux presque larmoyants, de grands sourires, des joues bien rondes : ça fait un peu trop à la fois manga et cartoon à mes yeux. Et de même, malgré le côté macabre du scénario, le tout est contrebalancé par un esprit jeune en permanence. En outre, plusieurs personnages, en particulier Dirna, peinent à évoluer ou deviennent irritants sur la durée. C'est cette oscillation entre le sérieux d'une histoire fantasy adulte et le côté enfantin ou du moins adolescent que l'auteur et le dessinateur veulent conserver qui ne me permet pas d'apprécier cette série autant que j'aimerais le faire. Malgré quelques longueurs au milieu, la série se conclut de manière satisfaisante, avec un dernier tome un peu trop intense mais cohérent. Au final, même si tout n’est pas réussi, Zorn & Dirna reste une série marquante et ambitieuse, qui a la mérité de former un tout cohérent malgré son étrange oscillation de ton.
Zorn & Dirna
Il y a plus de 15 ans, j'avais plutôt été emballé par cette série. Force est de constater qu'en vieillissant et après avoir lu pas mal de bandes dessinées, je suis de moins en moins fan de ce genre de Bd de chez Soleil. En effet, bien que le scénario et l'idée de départ soit très originaux (la mort a été enfermée dans un psyché, ce qui n'empêche pas les corps de se décrépir et de pourrir...), je trouve à présent que les personnages sont un peu trop tranchés et caricaturaux et l'enchainement des événements peu crédible. Splata et Seldnör se remettent ainsi beaucoup trop rapidement des horreurs qu'ils ont subies et certains dialogues sont vraiment trop décalés par rapport au contexte et au thème de l'Héroïc-Fantasy. A cela s'ajoute un côté plutôt énervant de nos deux petits héros que sont Zorn et Dirna et certains gags un peu lourds (le retour répétitif du gitan qui zozote au fil des tomes, les changements de corps masculins/féminins, etc.). Enfin, était-il vraiment nécessaire de dédier 5 pages du tome 5 à une scène de sexe entre Splata et Seldnör/Kerozinn ? Personnellement, je n'en ai pas perçu la plus-value... Concernant le graphisme, le côté enfantin et très rond du dessin, notamment au niveau des visages de Zorn & Dirna, et la mise en couleur très prononcée avec des couleurs très vives et contrastées, tranchent avec la noirceur et la violence des scènes rencontrées. Dommage que l'ensemble reste trop informatisé et lisse à mon goût. Une série à réserver aux amateurs du genre dont je ne conseillerais à présent plus l'achat. Note réelle : 2,5 SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10 NOTE GLOBALE : 11/20
Somna
Nous sommes en Angleterre au XVIIeme siècle (même si rien ne précise le lieu, et si les noms des personnages sont plutôt "nordiques "). Une atmosphère puritaine étouffante. L'arrière-plan est très classique, et l'intrigue très - trop - linéaire. Elle manque aussi de densité, et avec quelque chose de plus étoffé, avec des intrigues parallèles et des personnages secondaires plus développés, j'aurais volontiers arrondi au niveau supérieur. Mais ça reste quand même une histoire plaisante à lire. Qui montre bien la peur des femmes, l'instrumentation du diable et de l'idée de sorcellerie pour les dominer et accessoirement cadenasser une société en pleine effervescence. Ainsi l'héroïne, délaissée par son mari (inquisiteur obnubilé par sa chasse aux sorcières - avec des méthodes discutables !), est assaillie de rêves érotiques, qui vont la mener à sa perte. La narration est fluide. Mais c'est l'aspect graphique qui est le plus original et le plus réussi. Chacune des deux autrices se charge, avec son style propre, d'une partie du récit. Un style comics classique (et réussi) avec un trait gras pour tout ce qui est de la vie "ordinaire ", et un style hyper réaliste au rendu proche de la photo pour les parties rêvées (ou sensualité et érotisme s'invitent avec le "malin"). J'ai bien aimé ce double travail graphique. Note réelle 3,5/5.