Mouais. Voilà un album que j’ai lu sans réelle difficulté, mais aussi hélas sans jamais être captivé.
L’histoire de ces vieux bonhommes qui reconstituent une vieille équipe de rugby pour sauver leur ancien stade et leur ancien club sent fortement le déjà-vu. En mieux. Car ici l’histoire ne m’a pas emballé.
Les personnalités des « sauveurs de souvenirs » sont un peu caricaturales, et finalement peu fouillées. Et il manque les bons mots, les situations cocasses qui dans ce genre d’histoire relèvent le plat. Alors, une fois énoncées ces critiques, ça reste une histoire d’amitié virile qui peut plaire. Mais ça manque d’originalité.
Quant au dessin, il est lisible, et pas désagréable. J’ai été moins convaincu par la colorisation : les bleu/gris qui dominent ne sont pas heureux.
Note réelle 2,5/5.
Mouais. Disons que ça se laisse lire, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard, et je n’y reviendrai pas.
Ça commence comme un roman graphique très classique, où nous voyons une jeune femme « du continent » venir s’installer (elle ouvre une chambre d’hôtes) sur l’île d’Ouessant, où elle est en bute à la froideur et l’hostilité des iliens.
Si cet aspect perdure, s’ajoute rapidement une histoire qui tourne au polar.
Pourquoi pas ? Ça aurait le mérite de dynamiser une intrigue un peu convenue. Mais hélas tout le côté polar manque aussi de rythme – et d’intérêt. Jusqu’aux conclusions finales de l’héroïne qui, s’étant transformée en enquêtrice, nous sort un final digne d’un whodunit du pauvre – c’est quand même tarabiscoté ce qu’elle déduit de ces observations !
Bref, un album à emprunter à l’occasion, surtout si vous êtes amoureux de cette belle région. Mais j’en suis sorti sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Pas mal de bonnes choses dans ce premier tome, à commencer par la couverture. Composition superbe, le personnage avec son bras bio-mécanique contraste avec la guitare en bois, c'est du meilleur effet. Très belle mise en bouche, qui va se poursuivre dans une ville futuriste : un Lyon transformé en mégalopole glauque et sombre, il faut avouer que c'est amusant et séduisant. L'ambiance est très réussie, entre les véhicules volants quais de Sâone, et les bas fonds underground où on deale à tout bout de champ. Pour ne rien gâcher, c'est parfaitement mis en images par le dessin et la mise en couleur de Jef. Son style colle tout à fait à cet univers.
Coté scénario, c'est classique mais efficace. Il y a plusieurs protagonistes qui vont se croiser. L'intrigue tourne autour d'une drogue de synthèse, de sa distribution, et du contrôle des quartiers. Politiques et mafieux se partage le gâteau. Comme c'est de rigueur on ne sait pas initialement ce qui motive les différents personnages, ce qu'ils cherchent à faire exactement, ou pour le compte de qui ils agissent. L'histoire se met en place doucement, elle donne envie d'en savoir plus même si pour le moment ça reste introductif, et ce petit flou ambiant mérite d'être développé.
Les rouages de l'histoire sont en place, il ne reste plus qu'à ce que ça décolle vraiment pour transformer l'essai. En tout cas, l'envie de connaitre la suite est bien présente en fin de lecture.
Je ne serai pas long car les précédents aviseurs ont été dithyrambiques à propos de ce récit, moi aussi. Je me suis laissé embarquer dans cette longue épopée qui effectivement de prime abord peut rebuter plus d'un, mais une fois l'arbre généalogique digéré, le récit est d'une limpidité.
Je dois quand même avouer que les noms hindous ne sont pas évidents à retenir, il faut d'abord bien les graver dans un coin de la tête et ça passe comme une lettre à la poste.
Si je devais porter un jugement négatif, c'est concernant les scènes de batailles, je les trouve molles du genou, elles manquent cruellement d'intensité,
elles sont trop vite expédiées, pas assez épiques. Je n'ai pas ressenti le choc des armures. Malgré ce petit "moins" le Mahâbhârata reste une TRÈS bonne lecture.
Une série qui se laisse lire, mais qui m’a un peu laissé sur ma faim.
Le dessin de Faure est très typé années 1980. Daté, mais pas inintéressant, et plutôt agréable même. C’est un dessinateur qui a pas mal changé de style d’une série à l’autre et ici on pense parfois sur certains visages à Bilal, d’autres font penser à Rosinski (je me demande d’ailleurs s’il n’y a pas un clin d’œil qui lui est fait à un moment avec un personnage portant ce nom ?).
L’histoire se déroule sur un rythme assez lent, avec des péripéties finalement peu surprenantes (la rivalité amoureuse entre jeune et vieux peintre pour leur amie et modèle en particulier). Le côté très noir et suicidaire de Cyprian, très « romantique russe » (je ne sais pourquoi cette référence me vient à l’esprit) traverse le récit, sans apporter autre chose qu’une mollesse langoureuse.
De la même façon, tout ce qui concerne la Révolution polonaise, m’est apparu sous exploité, ne donnant finalement que quelques montées de tension, sans pour autant parvenir à dynamiser suffisamment l’intrigue.
Reste l’intrigue centrale, pas désagréable, mais à laquelle il manque un je ne sais quoi d’original pour davantage ma captiver.
Note réelle 2,5/5.
Avec un titre tel qu'Inhumain et le pitch derrière l'ouvrage, je m'attendais à un scénario beaucoup plus sombre et angoissant que celui auquel nous avons affaire ici. Comme cela est dit dans les avis précédents, nous sommes en présence d'une BD de SF dans dans la plus pure tradition avec une équipe de personnages qui s'écrase sur une planète inconnue et dont ils vont devoir percer les mystères.
Pourtant habituellement adepte de ce genre, je n'ai pas vraiment été emballé par cette BD, même si le moment de lecture ne fut pas désagréable pour autant.
Tout d'abord, j'ai trouvé que l'on rentrait un peu trop vite dans le vif du sujet. Le vaisseau se crashe dès les premières pages sans que le lecteur ait eu le temps de se familiariser avec les personnages ni de s'y attacher. C'est d'ailleurs l'un des premiers reproches que je ferais à la BD. Hormis peut-être le robot Ellis, j'ai trouvé l'ensemble des personnages fades et sans saveur de sorte qu'on a du mal à s'inquiéter de leur sort. Ensuite, j'ai trouvé certaines de leurs réactions peu crédibles, notamment dans leur faculté à laisser tomber rapidement leur premier compagnon de route dès qu'il a un comportement étrange. Enfin, et même si la fin assez ouverte et teintée d'optimiste n'est pas si mal trouvée, dès le début de l'histoire, on sent venir le dénouement final quant à l'explication de ce qu'est le "Grand Tout".
En ce qui concerne le graphisme, durant les passages très sombres, le trait de Thibaud De Rochebrune m'a fait penser par moment à celui de Christophe Bec dans Sanctuaire. Durant les premières pages, je me suis surpris à froncer les sourcils pour réussir à discerner le détail des cases. Heureusement, l'arrivée de l'équipage sur l'île entraine l'arrivée du soleil et de cases beaucoup plus lumineuses et lisibles. Malgré tout, certaines grandes cases allant jusqu'à la pleine page manque cruellement de détails pour que le lecteur reste scotché et lâche un "Wouahh", comme cela peut être mon cas sur certaines planches de Guillaume Sorel ou d'Olivier Ledroit. La colorisation plutôt lumineuse relève un peu l'ensemble.
Je m'arrêterai donc au premier tome au vu de l'avis très négatif de Ro concernant le second, n'étant déjà pas forcément enthousiasmé par le premier...
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 6/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10
NOTE GLOBALE : 12/20
Une série qui est plutôt à réserver à de jeunes lecteurs, mais ceux-ci y trouveront une aventure bien fichue.
Les premières planches du premier tome me laissaient craindre quelque chose de très naïf, mais en fait – même si ça reste quand même parfois « gentil » – ça n’est jamais niaiseux. De la même façon, le début semblait tourner uniquement autour de problématiques environnementales, avec la mer polluée, mais par la suite ça part dans d’autres directions (même si à partir du troisième tome cette problématique revient de plus en plus).
C’est de l’aventure vaguement SF, et chaque tome – tout en poursuivant une même histoire – développe une aventure différente (dans des lieux et des époques qui le sont aussi). Le côté « gentillet » est un peu contrebalancé par des dangers qui menacent régulièrement nos jeunes héros, et par le personnage du seigneur, méchant énigmatique.
L’histoire est assez décousue, ne s’embarrasse pas trop d’explications concernant les sauts dans le temps (ou plutôt use de pas mal de facilités). Les dernières pages concluent bien l’histoire, en donnant des « explications » d’ensemble, là aussi un peu faciles, mais le jeune public s’en satisfera aisément.
Quant au dessin, c’est un trait gras, avec des couleurs tapantes. Pas trop mon truc, mais c’est très lisible, et ça plaira aux plus jeunes je pense, qui pourront s’identifier aux héros de leur âge.
Mais ça passe difficilement la barrière de l’âge je trouve (ma note se comprend pour le public cible).
Je remonte la côte de cette série, certainement la plus dispensable de l’univers (avant les antipodes) mais tout à fait recommandable et sympathique.
Les scenarii se situent tous entre le tome 1 et 2 de Zénith, on suit les aventures de Marvin et Herbert avant que ce dernier ne sache se battre.
Forcément cette temporalité ne fera pas évoluer les enjeux de la série, mais j’aime beaucoup cette période où Herbert se la joue encore poule mouillée, et sa relation avec Marvin est encore pleine de camaraderie.
C’est très anecdotique (trop pour certains) mais rempli d’humour et de péripéties légères.
Il me semble que cette série à vue le jour après la non adaptation en dessin animée de l’univers. Le ton est donc assez accès jeunesse et les aventures se lisent vites, une trentaine de pages par album, mais je ne boude pas mon plaisir.
Un 1er tome gentillet mais la suite décolle bien plus, il y a franchement des passages cultes (la boucle temporel, les vampires, le peuple de Grogro...).
Les 5 premiers albums sont sous le pinceau de Larcenet, école Bill Baroud, ça convient parfaitement à l’ambiance de la série, la couverture du tome 3 l’illustre très bien, j’adore.
Le tome 6 marque un sacré changement sur le plan graphique, Alexis Nesme a un dessin bien plus léché mais on perd en mimiques et spontanéité (j’ai un peu de mal avec la tête de Herbert et ses yeux noirs, manque d’expressivité), mais l’histoire est réussie et comporte ses bons moments, les rafistolages d’Horous sont très drôles.
Je continuerai à suivre sans hésitation.
3,5+
———————————————-
Petite MàJ
Donjon Parade fait peau neuve en 2025. Pas sur le fond, qui restera le même (aventures légères et humoristiques toujours dans la même temporalité), mais bien sur la partie graphique qui se rapprochera dorénavant de Donjon Monster.
Chaque album se verra confier à un dessinateur différent, au moins 6 sont annoncés cette année (avec Delaf, Burniat …).
L’idée me plaît bien mais j’avoue être sorti sans hype particulière avec les 2ers (ceux avec Tebo et Surcouf). La faute aux récits bien trop légers, ça m’a bien plus sauté aux yeux qu’avec les précédents. Ici ça va trop vite et si c’est divertissant, ce n’est pas bien marquant, voir trop facile. Je n’ai pas retrouvé l’équilibre des scenarii passés.
Je ne bouge pas ma côte (je suis tombé dans la marmite de l’univers) mais j’espère mieux pour les prochains. Même si je pense que contrairement à Monster, les invités auront ici beaucoup plus de mal à imprimer leurs pattes et à sortir des albums mémorables.
Le concept parade m’apparaît plus limité, il faudrait augmenter la pagination pour un meilleur développement et adapter l’humour déployé en fonction de l’auteur.
Un premier tome qui augure peut-être une série de haute volée à destination des grands ados.
Un graphisme clair, détaillé et coloré qui met bien les choses en valeur. Un scénario alliant mysticisme, action et science-fiction, ça rappelle Thorgal, non? Une série qui a également débuté de façon timide pour prendre une belle ampleur. C'est ce que j'attends également de "Tanis", car avec un tel duo talentueux au scénario et un dessinateur de talent (que je ne connaissais pas), le pari peut être relevé.
En attendant, il faudra qu'ils donnent plus d'épaisseur à l'héroïne qui est un peu trop planplan pour l'ambition du projet (la fin du tome laisse entrevoir du lourd) et éviter les clichés trop appuyés (tous les vikings sont mis dans le même panier, un peu de nuance ne serait pas de refus).
Quel horrible individu, ennuyeux, refoulé et un peu répugnant…
-
Ce tome est une anthologie regroupant cinq récits indépendants autour du thème des légendes et des contes. Son édition originale française date de 2009. Il a été réalisé par Sergio Toppi (1932-2012) pour le scénario et les dessins. Ce tome comprend quarante pages de bande dessinée, chaque histoire comprenant huit pages.
Krull, publié pour la première fois 1984. Le village est sombre et silencieux, les adultes sont plongés dans un sommeil pesant. Dans la chambre des enfants, la lumière tarde à s’éteindre car la peur rôde à la lueur tremblante des bougies. La nuit est profonde et c’est de nuit que Krull arrive… Rien ne vient rompre cet épais silence. Les ruelles sont désertes. Dans le village, seuls les enfants vaillent… et voici l’ogre ! Krull avec son sac et son coutelas, l’ogre qui vient enlever pour les manger… - Champignons, publié pour la première fois en 1983. Un petit gnome assis sur un champignon se plaint de sa condition : il n’en peut plus d’être assis du matin au soir sur des champignons, quel sens cela a-t-il de vivre sa vie de façon aussi grotesque ? Il a été assis sur toutes sortes de champignons. Rien que du bout des fesses, il arrive à reconnaître les chanterelles, les amanites, les pleurotes et les lépiotes. Il s’est enquiquiné sur des russules, des cèpes… Champignons, champignons jusqu’à la nausée… Le crapaud l’écoute et lui répond gentiment qu’il lui semble que c’est exactement le boulot du gnome. À quoi servent les gnomes dans les forêts si ce n’est à rester assis sur leurs petits champignons ? Son interlocuteur estime que le crapaud a beau jeu quand de temps à autre, il se transforme en beau jeune homme et il embarque de jolies princesses au lit. En son for intérieur, le crapaud se dit qu’il s’agit d’un individu ennuyeux, refoulé et un peu répugnant.
Le roi et le corbeau, publié pour la première fois en 1997. Dans une plaine ondulée, marquée par des rochers, se tient une statue de roi au milieu de nulle part. Lentes s‘écoulent les années, et, comme le lichen, elles recouvrent le grand roi de pierre, héros de batailles oubliées. Les pluies ont creusé de profondes rides de mélancolie sur son visage. Plus que le souvenir de ceux qui l’ont aimé et craint, ce qui le tourmente dans la succession silencieuse des saisons, c’est la nostalgie des territoires qu’il a vaincus et conquis. Il voit voler un corbeau vers lui et il lui demande de venir alléger sa peine. - Hortruge, publié pour la première fois en 1987. De grands yeux profonds, un visage d’albâtre, une splendide chevelure… Cependant jamais un homme n’est venu dans sa maison entre les sombres falaises de rochers. En revanche, viennent lui rendre visite, le grand ours brun, le loup gris sortis des forêts profondes par des sentiers secrets. Hortruge les caresse, ses doigts courent dans la fourrure, légers comme le vent du matin avant le lever du soleil. Mais ni l’ours brun, ni le loup gris ne repasseront par la porte comme ils étaient venus… - Puppenherstellerstr. 89, publié pour la première fois en 1982. Dans son atelier, un marionnettiste s’adresse à sa dernière création, une marionnette de petite fille, en lui indiquant qu’elle n’a qu’un chose à faire : obéir, toujours lui obéir et rien d’autre !
Ce tome fait partie de la vingtaine que l’éditeur Mosquito a consacré à ce bédéiste à la très forte personnalité. Le texte de la quatrième de couverture souhaite la bienvenue dans le monde des contes gothiques de Toppi. […] Le maître milanais distille avec humour sa noire vision de l’humanité, chaque fois l’ironie est grinçante, la pointe finale du récit surprenante et acérée. Le lecteur comprend qu’il va découvrir cinq récits à la structure très cadrée : une histoire de huit pages, un élément fantastique ou un personnage de conte, dans une version avec le point de vue de l’auteur. Comme d’habitude avec ces recueils, le lecteur peut s’interroger sur la nature de ce qu’il lit, entre bande dessinée et texte illustré. D’un côté, il y a de nombreuses pages qui s’assimilent à une illustration en pleine page, ou à une composition agrégeant deux ou trois dessins en une seule image, neuf planches sur quarante, soit près du quart. De l’autre côté, l’auteur fait usage de phylactères, souvent pour un texte d’exposition, de cases, souvent des moments juxtaposés, sans mouvement, ne participant pas d’un même mouvement de caméra, Enfin les dessins sont finement ouvragés, texturés jusqu’à l’obsession, certains personnages donnent l’impression de poser, des éléments peuvent être déformés pour revêtir une qualité expressionniste, et chaque récit comprend une composante fantastique évoquant un conte.
Du fait de la pagination de huit pages, chaque récit repose sur une idée principale, avec un monstre ou une créature issue des contes, et une chute qui prend la conclusion habituelle à rebours. Premier récit : un ogre qui enlève des enfants pour les manger. Il les ramène dans sa maison dans les bois pour les confier à son épouse une femme magnifique, qui les cuisine. Pas de doute, il s’agit bien d’un conte, car il est peu plausible que l’ogre ait pu se construire une maison en pierres d’une telle dimension, sans que les villageois ne parviennent à la localiser. Ou qu’il puisse enlever des enfants très régulièrement pour les manger, et qu’il en trouve encore à proximité de sa demeure après toutes ces années. Le lecteur peut relever ces formes de licences littéraires dans les autres contes : l’existence même d’un kobold (créature légendaire du folklore germanique) et un crapaud qui parle (et paraît-il se transforme occasionnellement en beau prince), une statue de pierre qui parle avec un corbeau, une femme qui vit dans une demeure isolée sans moyen de subsistance, ou encore une marionnette douée de vie.
Le lecteur se rend vite compte que l’auteur sait ce qu’il fait, c’est-à-dire qu’il utilise sciemment le genre du conte pour évoquer des thèmes adultes, soit par sous-entendu, soit de manière explicite. Cet horrible ogre monstrueux ne sait pas dire non à son épouse, et est resté très attaché à sa mère. Le gnome rêve d’être quelqu’un d’autre, avec des envies qui donnent à réfléchir : un maréchal fastueux, cynique et crapuleux, un archiduc Habsbourg qui s’adonnerait aux plus ténébreuses perversions, un chef de police secrète qui s’occuperait de couper en rondelles les opposants au régime. Le gnome évoque nominativement Guenrikh Grigorievitch Iagoda (1891-1938) acteur majeur dans la mise en place des goulags, et Félix Dzerjinski (1877-1926), fondateur de la Tchéka (police politique). Le crapaud pense en lui-même que : Ça ferait le bonheur du plus tordu des disciples de Freud que de connaître les désirs des gnomes de livres pour enfants. Il devient ainsi patent que l’auteur utilise sciemment la dimension psychanalytique des contes pour enfants, en intégrant des thèmes comme l’homme adulte encore sous l’influence de sa mère qui le choie toujours comme un enfant, l’envie de devenir quelqu’un d’autre grâce à un philtre magique, la nostalgie des heures de gloire passées pour un vieil homme, la puissance et l’aveuglement de la passion amoureuse, la prise d’autonomie d’un enfant qui se conduit comme il a vu ses parents se conduire.
Toutefois s’il connaît déjà cet artiste, le lecteur est plutôt venu pour sa narration visuelle si personnelle, et plus précisément pour ses dessins. Il est servi dès la couverture avec cette magnifique teinte verte, rehaussé par la touche violette, les doigts impossiblement longs du crapaud et la mine peu amène du kobold. Puis il découvre une illustration s’étalant sur deux pages, une chaumière dans la nuit, un voyageur qui s’en approche, une très belle utilisation de taches d’encre pour donner l’apparence de la nuit au paysage. Le récit Krull commence avec une illustration en pleine page, une vue de bâtiments du village avec un cadrage déstabilisant : le dernier étage et le toit de la maison en premier plan, et le toit de l’église rehaussé de deux bulbes, une architecture mixte étrange. L’artiste mélange ainsi plusieurs influences, ici avec des touches slaves marquées, et un sens du regard (la maison avec son porche et ses deux lucarnes qui font comme un visage dans la deuxième planche). Par comparaison, la maison de l’ogre et de son épouse apparaît plus grossière, et celle de sa mère plus ancienne, avec de nombreuses poutres extérieures non équarries. Le chalet en bois de Hortruge a bénéficié d’une construction rigoureuse et d’une finition très propre. Les rues de la ville où réside le marionnettiste présentent de solides constructions en pierres de deux ou trois étages et des maisons à un étage en bois ayant dû être consolidées avec des pièces rapportées.
Comme il convient à des contes, certains personnages sortent de l’ordinaire : l’ogre avec sa dentition acérée, son grand couteau bien sûr, et ses chausses pointues, Dzybilyactun, halac Huinic, grand chef des Mayas Totzil, à la parure tellement chargée qu’il semble être à moitié pétrifié, la magnifique Hortruge avec sa mèche de cheveu blanc dans sa chevelure noire, le vieux marionnettiste avec son costume trois pièces, sa mèche rebelle et ses yeux enfoncés. Sans oublier cette mise en page incroyable : une narration graphique qui intègre de véritables illustrations comme gravées avec une minutie inimaginable, et des séquences plus classiques comme le vol du corbeau au-dessus de ce que fut le royaume du héros de batailles oubliées. Le lecteur éprouve la sensation de pouvoir toucher chaque élément, de sentir leur texture. Il constate que régulièrement une case ou un élément le prend par surprise : un hibou en premier plan dans la dernière case de la page 9 avec l’ogre en arrière-plan, un oiseau perché sur un pieu en bois dans une case de la hauteur de la page, un dessin en pleine page consacré aux arabesques d’un champignon, des parures mayas, un abreuvoir en train de se remplir d’une eau s’écoulant d’un tronc d’arbre évidé, une rombière dans une robe noire bouffante du plus bel effet, etc. Chaque page est un délice pour les yeux, un véritable enchantement. C’est d’ailleurs ce qui donne une ampleur peu commune à chacun de ces cinq contes.
Cinq contes avec des figures assez classiques, d’une pagination assez brève, avec une chute plus ou moins originale. Oui, mais c’est raconté par Sergio Toppi, ce qui change tout. La narration visuelle plonge le lecteur dans des endroits donnant une sensation tactile par la richesse de leurs textures, elle montre des endroits plausibles tout en amalgamant des éléments venus de culture différentes. Les personnages participent à la fois du registre du conte et du registre romanesque. L’amalgame entre texte illustré et bande dessinée est parfaitement maîtrisé, l’art de conteur qui n’appartient qu’à ce créateur. Le lecteur n’est pas près d’oublier chacun de ces endroits, et les thèmes adultes mis en scène.
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Adieu coach
Mouais. Voilà un album que j’ai lu sans réelle difficulté, mais aussi hélas sans jamais être captivé. L’histoire de ces vieux bonhommes qui reconstituent une vieille équipe de rugby pour sauver leur ancien stade et leur ancien club sent fortement le déjà-vu. En mieux. Car ici l’histoire ne m’a pas emballé. Les personnalités des « sauveurs de souvenirs » sont un peu caricaturales, et finalement peu fouillées. Et il manque les bons mots, les situations cocasses qui dans ce genre d’histoire relèvent le plat. Alors, une fois énoncées ces critiques, ça reste une histoire d’amitié virile qui peut plaire. Mais ça manque d’originalité. Quant au dessin, il est lisible, et pas désagréable. J’ai été moins convaincu par la colorisation : les bleu/gris qui dominent ne sont pas heureux. Note réelle 2,5/5.
Ouessantines
Mouais. Disons que ça se laisse lire, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard, et je n’y reviendrai pas. Ça commence comme un roman graphique très classique, où nous voyons une jeune femme « du continent » venir s’installer (elle ouvre une chambre d’hôtes) sur l’île d’Ouessant, où elle est en bute à la froideur et l’hostilité des iliens. Si cet aspect perdure, s’ajoute rapidement une histoire qui tourne au polar. Pourquoi pas ? Ça aurait le mérite de dynamiser une intrigue un peu convenue. Mais hélas tout le côté polar manque aussi de rythme – et d’intérêt. Jusqu’aux conclusions finales de l’héroïne qui, s’étant transformée en enquêtrice, nous sort un final digne d’un whodunit du pauvre – c’est quand même tarabiscoté ce qu’elle déduit de ces observations ! Bref, un album à emprunter à l’occasion, surtout si vous êtes amoureux de cette belle région. Mais j’en suis sorti sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
La Mécanique
Pas mal de bonnes choses dans ce premier tome, à commencer par la couverture. Composition superbe, le personnage avec son bras bio-mécanique contraste avec la guitare en bois, c'est du meilleur effet. Très belle mise en bouche, qui va se poursuivre dans une ville futuriste : un Lyon transformé en mégalopole glauque et sombre, il faut avouer que c'est amusant et séduisant. L'ambiance est très réussie, entre les véhicules volants quais de Sâone, et les bas fonds underground où on deale à tout bout de champ. Pour ne rien gâcher, c'est parfaitement mis en images par le dessin et la mise en couleur de Jef. Son style colle tout à fait à cet univers. Coté scénario, c'est classique mais efficace. Il y a plusieurs protagonistes qui vont se croiser. L'intrigue tourne autour d'une drogue de synthèse, de sa distribution, et du contrôle des quartiers. Politiques et mafieux se partage le gâteau. Comme c'est de rigueur on ne sait pas initialement ce qui motive les différents personnages, ce qu'ils cherchent à faire exactement, ou pour le compte de qui ils agissent. L'histoire se met en place doucement, elle donne envie d'en savoir plus même si pour le moment ça reste introductif, et ce petit flou ambiant mérite d'être développé. Les rouages de l'histoire sont en place, il ne reste plus qu'à ce que ça décolle vraiment pour transformer l'essai. En tout cas, l'envie de connaitre la suite est bien présente en fin de lecture.
Le Mahâbhârata
Je ne serai pas long car les précédents aviseurs ont été dithyrambiques à propos de ce récit, moi aussi. Je me suis laissé embarquer dans cette longue épopée qui effectivement de prime abord peut rebuter plus d'un, mais une fois l'arbre généalogique digéré, le récit est d'une limpidité. Je dois quand même avouer que les noms hindous ne sont pas évidents à retenir, il faut d'abord bien les graver dans un coin de la tête et ça passe comme une lettre à la poste. Si je devais porter un jugement négatif, c'est concernant les scènes de batailles, je les trouve molles du genou, elles manquent cruellement d'intensité, elles sont trop vite expédiées, pas assez épiques. Je n'ai pas ressenti le choc des armures. Malgré ce petit "moins" le Mahâbhârata reste une TRÈS bonne lecture.
Le Maître de Peinture
Une série qui se laisse lire, mais qui m’a un peu laissé sur ma faim. Le dessin de Faure est très typé années 1980. Daté, mais pas inintéressant, et plutôt agréable même. C’est un dessinateur qui a pas mal changé de style d’une série à l’autre et ici on pense parfois sur certains visages à Bilal, d’autres font penser à Rosinski (je me demande d’ailleurs s’il n’y a pas un clin d’œil qui lui est fait à un moment avec un personnage portant ce nom ?). L’histoire se déroule sur un rythme assez lent, avec des péripéties finalement peu surprenantes (la rivalité amoureuse entre jeune et vieux peintre pour leur amie et modèle en particulier). Le côté très noir et suicidaire de Cyprian, très « romantique russe » (je ne sais pourquoi cette référence me vient à l’esprit) traverse le récit, sans apporter autre chose qu’une mollesse langoureuse. De la même façon, tout ce qui concerne la Révolution polonaise, m’est apparu sous exploité, ne donnant finalement que quelques montées de tension, sans pour autant parvenir à dynamiser suffisamment l’intrigue. Reste l’intrigue centrale, pas désagréable, mais à laquelle il manque un je ne sais quoi d’original pour davantage ma captiver. Note réelle 2,5/5.
Inhumain
Avec un titre tel qu'Inhumain et le pitch derrière l'ouvrage, je m'attendais à un scénario beaucoup plus sombre et angoissant que celui auquel nous avons affaire ici. Comme cela est dit dans les avis précédents, nous sommes en présence d'une BD de SF dans dans la plus pure tradition avec une équipe de personnages qui s'écrase sur une planète inconnue et dont ils vont devoir percer les mystères. Pourtant habituellement adepte de ce genre, je n'ai pas vraiment été emballé par cette BD, même si le moment de lecture ne fut pas désagréable pour autant. Tout d'abord, j'ai trouvé que l'on rentrait un peu trop vite dans le vif du sujet. Le vaisseau se crashe dès les premières pages sans que le lecteur ait eu le temps de se familiariser avec les personnages ni de s'y attacher. C'est d'ailleurs l'un des premiers reproches que je ferais à la BD. Hormis peut-être le robot Ellis, j'ai trouvé l'ensemble des personnages fades et sans saveur de sorte qu'on a du mal à s'inquiéter de leur sort. Ensuite, j'ai trouvé certaines de leurs réactions peu crédibles, notamment dans leur faculté à laisser tomber rapidement leur premier compagnon de route dès qu'il a un comportement étrange. Enfin, et même si la fin assez ouverte et teintée d'optimiste n'est pas si mal trouvée, dès le début de l'histoire, on sent venir le dénouement final quant à l'explication de ce qu'est le "Grand Tout". En ce qui concerne le graphisme, durant les passages très sombres, le trait de Thibaud De Rochebrune m'a fait penser par moment à celui de Christophe Bec dans Sanctuaire. Durant les premières pages, je me suis surpris à froncer les sourcils pour réussir à discerner le détail des cases. Heureusement, l'arrivée de l'équipage sur l'île entraine l'arrivée du soleil et de cases beaucoup plus lumineuses et lisibles. Malgré tout, certaines grandes cases allant jusqu'à la pleine page manque cruellement de détails pour que le lecteur reste scotché et lâche un "Wouahh", comme cela peut être mon cas sur certaines planches de Guillaume Sorel ou d'Olivier Ledroit. La colorisation plutôt lumineuse relève un peu l'ensemble. Je m'arrêterai donc au premier tome au vu de l'avis très négatif de Ro concernant le second, n'étant déjà pas forcément enthousiasmé par le premier... SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 6/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10 NOTE GLOBALE : 12/20
L'Odyssée du Temps
Une série qui est plutôt à réserver à de jeunes lecteurs, mais ceux-ci y trouveront une aventure bien fichue. Les premières planches du premier tome me laissaient craindre quelque chose de très naïf, mais en fait – même si ça reste quand même parfois « gentil » – ça n’est jamais niaiseux. De la même façon, le début semblait tourner uniquement autour de problématiques environnementales, avec la mer polluée, mais par la suite ça part dans d’autres directions (même si à partir du troisième tome cette problématique revient de plus en plus). C’est de l’aventure vaguement SF, et chaque tome – tout en poursuivant une même histoire – développe une aventure différente (dans des lieux et des époques qui le sont aussi). Le côté « gentillet » est un peu contrebalancé par des dangers qui menacent régulièrement nos jeunes héros, et par le personnage du seigneur, méchant énigmatique. L’histoire est assez décousue, ne s’embarrasse pas trop d’explications concernant les sauts dans le temps (ou plutôt use de pas mal de facilités). Les dernières pages concluent bien l’histoire, en donnant des « explications » d’ensemble, là aussi un peu faciles, mais le jeune public s’en satisfera aisément. Quant au dessin, c’est un trait gras, avec des couleurs tapantes. Pas trop mon truc, mais c’est très lisible, et ça plaira aux plus jeunes je pense, qui pourront s’identifier aux héros de leur âge. Mais ça passe difficilement la barrière de l’âge je trouve (ma note se comprend pour le public cible).
Donjon Parade
Je remonte la côte de cette série, certainement la plus dispensable de l’univers (avant les antipodes) mais tout à fait recommandable et sympathique. Les scenarii se situent tous entre le tome 1 et 2 de Zénith, on suit les aventures de Marvin et Herbert avant que ce dernier ne sache se battre. Forcément cette temporalité ne fera pas évoluer les enjeux de la série, mais j’aime beaucoup cette période où Herbert se la joue encore poule mouillée, et sa relation avec Marvin est encore pleine de camaraderie. C’est très anecdotique (trop pour certains) mais rempli d’humour et de péripéties légères. Il me semble que cette série à vue le jour après la non adaptation en dessin animée de l’univers. Le ton est donc assez accès jeunesse et les aventures se lisent vites, une trentaine de pages par album, mais je ne boude pas mon plaisir. Un 1er tome gentillet mais la suite décolle bien plus, il y a franchement des passages cultes (la boucle temporel, les vampires, le peuple de Grogro...). Les 5 premiers albums sont sous le pinceau de Larcenet, école Bill Baroud, ça convient parfaitement à l’ambiance de la série, la couverture du tome 3 l’illustre très bien, j’adore. Le tome 6 marque un sacré changement sur le plan graphique, Alexis Nesme a un dessin bien plus léché mais on perd en mimiques et spontanéité (j’ai un peu de mal avec la tête de Herbert et ses yeux noirs, manque d’expressivité), mais l’histoire est réussie et comporte ses bons moments, les rafistolages d’Horous sont très drôles. Je continuerai à suivre sans hésitation. 3,5+ ———————————————- Petite MàJ Donjon Parade fait peau neuve en 2025. Pas sur le fond, qui restera le même (aventures légères et humoristiques toujours dans la même temporalité), mais bien sur la partie graphique qui se rapprochera dorénavant de Donjon Monster. Chaque album se verra confier à un dessinateur différent, au moins 6 sont annoncés cette année (avec Delaf, Burniat …). L’idée me plaît bien mais j’avoue être sorti sans hype particulière avec les 2ers (ceux avec Tebo et Surcouf). La faute aux récits bien trop légers, ça m’a bien plus sauté aux yeux qu’avec les précédents. Ici ça va trop vite et si c’est divertissant, ce n’est pas bien marquant, voir trop facile. Je n’ai pas retrouvé l’équilibre des scenarii passés. Je ne bouge pas ma côte (je suis tombé dans la marmite de l’univers) mais j’espère mieux pour les prochains. Même si je pense que contrairement à Monster, les invités auront ici beaucoup plus de mal à imprimer leurs pattes et à sortir des albums mémorables. Le concept parade m’apparaît plus limité, il faudrait augmenter la pagination pour un meilleur développement et adapter l’humour déployé en fonction de l’auteur.
Tanis
Un premier tome qui augure peut-être une série de haute volée à destination des grands ados. Un graphisme clair, détaillé et coloré qui met bien les choses en valeur. Un scénario alliant mysticisme, action et science-fiction, ça rappelle Thorgal, non? Une série qui a également débuté de façon timide pour prendre une belle ampleur. C'est ce que j'attends également de "Tanis", car avec un tel duo talentueux au scénario et un dessinateur de talent (que je ne connaissais pas), le pari peut être relevé. En attendant, il faudra qu'ils donnent plus d'épaisseur à l'héroïne qui est un peu trop planplan pour l'ambition du projet (la fin du tome laisse entrevoir du lourd) et éviter les clichés trop appuyés (tous les vikings sont mis dans le même panier, un peu de nuance ne serait pas de refus).
Krull
Quel horrible individu, ennuyeux, refoulé et un peu répugnant… - Ce tome est une anthologie regroupant cinq récits indépendants autour du thème des légendes et des contes. Son édition originale française date de 2009. Il a été réalisé par Sergio Toppi (1932-2012) pour le scénario et les dessins. Ce tome comprend quarante pages de bande dessinée, chaque histoire comprenant huit pages. Krull, publié pour la première fois 1984. Le village est sombre et silencieux, les adultes sont plongés dans un sommeil pesant. Dans la chambre des enfants, la lumière tarde à s’éteindre car la peur rôde à la lueur tremblante des bougies. La nuit est profonde et c’est de nuit que Krull arrive… Rien ne vient rompre cet épais silence. Les ruelles sont désertes. Dans le village, seuls les enfants vaillent… et voici l’ogre ! Krull avec son sac et son coutelas, l’ogre qui vient enlever pour les manger… - Champignons, publié pour la première fois en 1983. Un petit gnome assis sur un champignon se plaint de sa condition : il n’en peut plus d’être assis du matin au soir sur des champignons, quel sens cela a-t-il de vivre sa vie de façon aussi grotesque ? Il a été assis sur toutes sortes de champignons. Rien que du bout des fesses, il arrive à reconnaître les chanterelles, les amanites, les pleurotes et les lépiotes. Il s’est enquiquiné sur des russules, des cèpes… Champignons, champignons jusqu’à la nausée… Le crapaud l’écoute et lui répond gentiment qu’il lui semble que c’est exactement le boulot du gnome. À quoi servent les gnomes dans les forêts si ce n’est à rester assis sur leurs petits champignons ? Son interlocuteur estime que le crapaud a beau jeu quand de temps à autre, il se transforme en beau jeune homme et il embarque de jolies princesses au lit. En son for intérieur, le crapaud se dit qu’il s’agit d’un individu ennuyeux, refoulé et un peu répugnant. Le roi et le corbeau, publié pour la première fois en 1997. Dans une plaine ondulée, marquée par des rochers, se tient une statue de roi au milieu de nulle part. Lentes s‘écoulent les années, et, comme le lichen, elles recouvrent le grand roi de pierre, héros de batailles oubliées. Les pluies ont creusé de profondes rides de mélancolie sur son visage. Plus que le souvenir de ceux qui l’ont aimé et craint, ce qui le tourmente dans la succession silencieuse des saisons, c’est la nostalgie des territoires qu’il a vaincus et conquis. Il voit voler un corbeau vers lui et il lui demande de venir alléger sa peine. - Hortruge, publié pour la première fois en 1987. De grands yeux profonds, un visage d’albâtre, une splendide chevelure… Cependant jamais un homme n’est venu dans sa maison entre les sombres falaises de rochers. En revanche, viennent lui rendre visite, le grand ours brun, le loup gris sortis des forêts profondes par des sentiers secrets. Hortruge les caresse, ses doigts courent dans la fourrure, légers comme le vent du matin avant le lever du soleil. Mais ni l’ours brun, ni le loup gris ne repasseront par la porte comme ils étaient venus… - Puppenherstellerstr. 89, publié pour la première fois en 1982. Dans son atelier, un marionnettiste s’adresse à sa dernière création, une marionnette de petite fille, en lui indiquant qu’elle n’a qu’un chose à faire : obéir, toujours lui obéir et rien d’autre ! Ce tome fait partie de la vingtaine que l’éditeur Mosquito a consacré à ce bédéiste à la très forte personnalité. Le texte de la quatrième de couverture souhaite la bienvenue dans le monde des contes gothiques de Toppi. […] Le maître milanais distille avec humour sa noire vision de l’humanité, chaque fois l’ironie est grinçante, la pointe finale du récit surprenante et acérée. Le lecteur comprend qu’il va découvrir cinq récits à la structure très cadrée : une histoire de huit pages, un élément fantastique ou un personnage de conte, dans une version avec le point de vue de l’auteur. Comme d’habitude avec ces recueils, le lecteur peut s’interroger sur la nature de ce qu’il lit, entre bande dessinée et texte illustré. D’un côté, il y a de nombreuses pages qui s’assimilent à une illustration en pleine page, ou à une composition agrégeant deux ou trois dessins en une seule image, neuf planches sur quarante, soit près du quart. De l’autre côté, l’auteur fait usage de phylactères, souvent pour un texte d’exposition, de cases, souvent des moments juxtaposés, sans mouvement, ne participant pas d’un même mouvement de caméra, Enfin les dessins sont finement ouvragés, texturés jusqu’à l’obsession, certains personnages donnent l’impression de poser, des éléments peuvent être déformés pour revêtir une qualité expressionniste, et chaque récit comprend une composante fantastique évoquant un conte. Du fait de la pagination de huit pages, chaque récit repose sur une idée principale, avec un monstre ou une créature issue des contes, et une chute qui prend la conclusion habituelle à rebours. Premier récit : un ogre qui enlève des enfants pour les manger. Il les ramène dans sa maison dans les bois pour les confier à son épouse une femme magnifique, qui les cuisine. Pas de doute, il s’agit bien d’un conte, car il est peu plausible que l’ogre ait pu se construire une maison en pierres d’une telle dimension, sans que les villageois ne parviennent à la localiser. Ou qu’il puisse enlever des enfants très régulièrement pour les manger, et qu’il en trouve encore à proximité de sa demeure après toutes ces années. Le lecteur peut relever ces formes de licences littéraires dans les autres contes : l’existence même d’un kobold (créature légendaire du folklore germanique) et un crapaud qui parle (et paraît-il se transforme occasionnellement en beau prince), une statue de pierre qui parle avec un corbeau, une femme qui vit dans une demeure isolée sans moyen de subsistance, ou encore une marionnette douée de vie. Le lecteur se rend vite compte que l’auteur sait ce qu’il fait, c’est-à-dire qu’il utilise sciemment le genre du conte pour évoquer des thèmes adultes, soit par sous-entendu, soit de manière explicite. Cet horrible ogre monstrueux ne sait pas dire non à son épouse, et est resté très attaché à sa mère. Le gnome rêve d’être quelqu’un d’autre, avec des envies qui donnent à réfléchir : un maréchal fastueux, cynique et crapuleux, un archiduc Habsbourg qui s’adonnerait aux plus ténébreuses perversions, un chef de police secrète qui s’occuperait de couper en rondelles les opposants au régime. Le gnome évoque nominativement Guenrikh Grigorievitch Iagoda (1891-1938) acteur majeur dans la mise en place des goulags, et Félix Dzerjinski (1877-1926), fondateur de la Tchéka (police politique). Le crapaud pense en lui-même que : Ça ferait le bonheur du plus tordu des disciples de Freud que de connaître les désirs des gnomes de livres pour enfants. Il devient ainsi patent que l’auteur utilise sciemment la dimension psychanalytique des contes pour enfants, en intégrant des thèmes comme l’homme adulte encore sous l’influence de sa mère qui le choie toujours comme un enfant, l’envie de devenir quelqu’un d’autre grâce à un philtre magique, la nostalgie des heures de gloire passées pour un vieil homme, la puissance et l’aveuglement de la passion amoureuse, la prise d’autonomie d’un enfant qui se conduit comme il a vu ses parents se conduire. Toutefois s’il connaît déjà cet artiste, le lecteur est plutôt venu pour sa narration visuelle si personnelle, et plus précisément pour ses dessins. Il est servi dès la couverture avec cette magnifique teinte verte, rehaussé par la touche violette, les doigts impossiblement longs du crapaud et la mine peu amène du kobold. Puis il découvre une illustration s’étalant sur deux pages, une chaumière dans la nuit, un voyageur qui s’en approche, une très belle utilisation de taches d’encre pour donner l’apparence de la nuit au paysage. Le récit Krull commence avec une illustration en pleine page, une vue de bâtiments du village avec un cadrage déstabilisant : le dernier étage et le toit de la maison en premier plan, et le toit de l’église rehaussé de deux bulbes, une architecture mixte étrange. L’artiste mélange ainsi plusieurs influences, ici avec des touches slaves marquées, et un sens du regard (la maison avec son porche et ses deux lucarnes qui font comme un visage dans la deuxième planche). Par comparaison, la maison de l’ogre et de son épouse apparaît plus grossière, et celle de sa mère plus ancienne, avec de nombreuses poutres extérieures non équarries. Le chalet en bois de Hortruge a bénéficié d’une construction rigoureuse et d’une finition très propre. Les rues de la ville où réside le marionnettiste présentent de solides constructions en pierres de deux ou trois étages et des maisons à un étage en bois ayant dû être consolidées avec des pièces rapportées. Comme il convient à des contes, certains personnages sortent de l’ordinaire : l’ogre avec sa dentition acérée, son grand couteau bien sûr, et ses chausses pointues, Dzybilyactun, halac Huinic, grand chef des Mayas Totzil, à la parure tellement chargée qu’il semble être à moitié pétrifié, la magnifique Hortruge avec sa mèche de cheveu blanc dans sa chevelure noire, le vieux marionnettiste avec son costume trois pièces, sa mèche rebelle et ses yeux enfoncés. Sans oublier cette mise en page incroyable : une narration graphique qui intègre de véritables illustrations comme gravées avec une minutie inimaginable, et des séquences plus classiques comme le vol du corbeau au-dessus de ce que fut le royaume du héros de batailles oubliées. Le lecteur éprouve la sensation de pouvoir toucher chaque élément, de sentir leur texture. Il constate que régulièrement une case ou un élément le prend par surprise : un hibou en premier plan dans la dernière case de la page 9 avec l’ogre en arrière-plan, un oiseau perché sur un pieu en bois dans une case de la hauteur de la page, un dessin en pleine page consacré aux arabesques d’un champignon, des parures mayas, un abreuvoir en train de se remplir d’une eau s’écoulant d’un tronc d’arbre évidé, une rombière dans une robe noire bouffante du plus bel effet, etc. Chaque page est un délice pour les yeux, un véritable enchantement. C’est d’ailleurs ce qui donne une ampleur peu commune à chacun de ces cinq contes. Cinq contes avec des figures assez classiques, d’une pagination assez brève, avec une chute plus ou moins originale. Oui, mais c’est raconté par Sergio Toppi, ce qui change tout. La narration visuelle plonge le lecteur dans des endroits donnant une sensation tactile par la richesse de leurs textures, elle montre des endroits plausibles tout en amalgamant des éléments venus de culture différentes. Les personnages participent à la fois du registre du conte et du registre romanesque. L’amalgame entre texte illustré et bande dessinée est parfaitement maîtrisé, l’art de conteur qui n’appartient qu’à ce créateur. Le lecteur n’est pas près d’oublier chacun de ces endroits, et les thèmes adultes mis en scène.