Simon vit seul entouré d'une horde d'animaux domestiques, chiens, chats et perroquet qu'il appelle tous Georges, ainsi que d'une ânesse, Armelle, qui le suivent où qu'il aille en balade. Mais quand le confinement interdit l'accès à la forêt où ils ont leurs habitudes, Simon va braver la loi et découvrir au coeur de la végétation un terrain aménagé et recouvert de plantes qu'il va prendre à cœur de remettre à neuf. Bien vite, il va s'interroger sur l'esprit brillant qui a eu l'idée de ce bike park en pleine nature.
Une bien étrange BD qu'il est difficile de cerner.
Au niveau du graphisme, c'est plaisant et lumineux. Animaux, nature et personnages sont rendus dans un ensemble sympathique qui contribue à l'ambiance de douceur de l'intrigue. L'inconstance de la taille et de la perspective du fameux bike park et de la clairière qui l'entoure est toutefois dérangeante, donnant parfois l'impression d'être en pleine jungle et d'autres fois dans un terrain vague désertique avec un seul arbre au milieu.
L'intrigue exhale les bons sentiments, l'amour des animaux et des plantes, l'amour de la liberté... et en même temps elle s'enferre dans une histoire de rénovation d'un parc pour vélo cross acrobatique comme si c'était la 8e merveille du monde. Les personnages et leurs comportements sonnent bizarrement, assez faux, comme s'ils jouaient un rôle dans un vaudeville. Il y a le bon héros proche de la nature mais qui cache un passé torturé, la gentille voisine élégante, le gros policier idiot, le gentil policier bienveillant, etc... chacun a son rôle assez stéréotypé et pas toujours crédible. Comme ce gars qui déboule silencieusement, frappe les héros parce qu'il est visiblement en colère puis disparait, avant d'être rencontré à nouveau plus tard et tout est pardonné dans des grands sourires comme si de rien n'était car il avait ses raisons bien sûr. Ou comme ces ados cyclistes qui surgissent dans le park à peine débroussaillé comme s'ils l'avaient toujours utilisé. Et bien sûr il y a toute l'admiration pour le génie incompris qui a inventé l'architecture des lieux... sans vraiment qu'on en voit en quoi c'est si formidable.
J'ai l'impression d'être passé complètement à côté de cette BD qui sent la guimauve par moment et qui n'a pas su m'atteindre de son charme.
Un album pour ne pas oublier.
Pour ne pas oublier cet homme, Missak Manouchian, issue de l'immigration, il avait fui le génocide arménien de 1915 pour se réfugier en France en 1924. Il mourra pour la France en 1944, fusillé avec ses vingt-deux compagnons d'infortune par l'occupant nazis.
Un album qui se concentre sur Missak Manouchian dans un gros premier tiers du récit, la partie la plus intéressante. On y découvre son enfance et sa rencontre avec Mélinée, elle permet de cerner le personnage, de découvrir sa relation fusionnelle avec sa Mélinée et de comprendre son militantisme. Car par la suite, c'est un peu le fourre-tout. Des actes de résistance vont se succéder entrecoupés de nombreux portraits de résistants, en mode photo d'identité, en pleine page, avec un texte conséquent sur chaque personnage. Alors oui c'est très intéressant et instructif, mais ça casse le rythme et ça fait très manuel scolaire. Une narration à deux vitesses qui me laisse sur ma faim. Dommage.
Je ne suis pas non plus convaincu par le dessin, certes il est efficace, mais je ne suis pas fan de ce trait fin accompagné par des couleurs monotones sans nuances.
Une petite déception.
"Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent."
"L'affiche rouge" de Louis Aragon.
J’ai été pris dès le début par cette histoire. On découvre un monde dur, où la peur et la surveillance sont partout. Chaque événement m’a donné envie de savoir ce qui allait se passer ensuite. Il y a des surprises, des moments forts et un vrai suspense. Plus j’avançais, plus je ressentais une tension qui ne faisait que grandir.
Cette BD parle de liberté et de résistance. Elle montre ce qui arrive quand un gouvernement devient trop puissant et ce que certaines personnes sont prêtes à faire pour retrouver leurs droits. J’ai trouvé ça très fort et parfois même troublant. Ça pousse à réfléchir sur la société et sur la valeur de la liberté.
V est un personnage impressionnant. Il est à la fois mystérieux, intelligent et imprévisible. J’ai aimé suivre ses actions et essayer de comprendre ses intentions. Evey, elle, change énormément au fil de l’histoire, et j’ai ressenti beaucoup d’émotions en la voyant évoluer. Les autres personnages sont tous marquants à leur façon et apportent quelque chose d’important à l’histoire.
Les dessins renforcent l’ambiance sombre de l’histoire. Les couleurs sont souvent froides, les ombres sont bien utilisées, et tout ça donne une vraie personnalité à la BD. Chaque page a un côté presque cinématographique, ce qui rend la lecture encore plus immersive. J’ai eu l’impression de vraiment entrer dans ce monde, comme si j’y étais.
Je réécris ce que je mettais pour Une petite tentation du même Jim, c'est tout aussi adapté à ce diptyque "Héléna" : nous sommes ici dans la caricature de ce que peut proposer ce scénariste, à savoir de la romance sexy observée depuis un point de vue très masculin, jouant sur des fantasmes peu glorieux et gentiment racoleurs. C'est généralement conduit avec un certain sens du rythme et servi par des illustrations chaleureuses, dans leur rondeur tout autant que leurs couleurs. Bref du divertissement aisément accessible, à destination d'un public masculin non-sensible aux idées féministes.
Ici, l'amour d'enfance, beau sujet par ailleurs, est traité via le malaisant prisme de la possession/prostitution. La plupart des personnages principaux sont détestables quoi qu'en disent d'autres personnages. Cela finit par nous interroger d'entendre en permanence le héros être considéré comme un mec bien quand tous les éléments en notre possession nous certifient du contraire, mais cet autre beau sujet n'est malheureusement pas traité : aucun discours sur le paraître, le jugement de goût, ni ouverture sur le fantastique, etc. En fait, le lecteur n'est pas seulement en désaccord avec l'opinion défendue par les personnages, il est vraisemblablement aussi en désaccord avec ceux des auteurs.
Notons enfin que cette comédie romantique est moins bien rythmée que d'habitude, et le fait de l'avouer et d'en jouer, ne sauve aucunement les meubles ; il n'y a là aucun jeu avec le genre, ni mise en perspective amusante, seulement le constat d'un petit ratage.
Mieux vaut encore une fois garder en mémoire le beau roman graphique L'Étreinte que Jim a conçu avec Bonneau et oublier ce divertissement racoleur, certes facile à lire, mais fort peu agréable.
J'ai lu le premier tome de cette série il y a quelques temps sans réussir à trouver le second tome et de toute manière je ne pense pas le lire vu le peu d'intérêt que j'ai trouvé au premier.
Nous sommes face à une Heroic Fantasy décalée et humoristique, avec des anachronismes à la manière de Terry Pratchett, mais à l'exécution décevante. Le dessin ne fait pas pro, il manque de dynamisme, avec un style trop rigide et des couleurs informatisées assez laides : il ne parvient pas à insuffler de l’énergie à l’ensemble. Le récit manque de profondeur et d'originalité. Les clins d'œil sont omniprésents, mais souvent lourds et insérés de manière trop évidente. L'humour, bien que parfois léger, m'a rapidement agacé et n’a pas réussi à me faire sourire. L’histoire, bien que rythmée, ne m’a pas du tout captivé. A noter quelques renvois insérés dans l'album vers des pages d'un site internet dédié, mais celui-ci semble avoir disparu aujourd'hui donc ça tombe à l'eau et montre à quel point ça a très vite vieilli.
Bref, une BD relativement divertissante si on aime la surabondance de clins d'œil et d'anachronismes, mais pas terrible dans l'ensemble.
Cette série a bien du mérite. En effet elle permet de mettre un visage et une histoire sur un grand nombre de noms qui patronnent les plus grands hôpitaux français: Necker, Bichat, Laënnec et les autres ne seront plus des noms vides après la lecture de cette intéressante encyclopédie. Il faut dire que le Pr Fabiani a un certain talent de conteur et que son récit sait capter l'attention de son lectorat. Sa construction chronologique et thématique est très dynamique. Les chapitres sont introduits par un texte très concis ( souvent une demi page) qui va à l'essentiel et laisse la place à un texte plus fourni qui accompagne la partie BD. Il y a un bon équilibre entre le dessin de Bercovici qui amène du dynamisme à travers un trait humoristique. Le récit propose beaucoup d'anecdotes dans leur contexte historique et qui donnent du sens à certains épisodes dramatiques du passé. Le Pr Fabiani met en lumière certains passages mal connus comme la relation difficile entre la Révolution de 89 et l'Hôpital ou la mise au point d'outils incontournables ( les gants, le stéthoscope).
Le métier de médecin s'est beaucoup féminisée ces dernières décennies et la série n'oublie pas le rôle majeur des femmes dans l'histoire des soins ( un chapitre sur les infirmières et un sur les sages-femmes entre autres).
Une lecture instructive et distrayante traitée d'une façon à être accessible à un très large public.
"Dent d'ours" est pour moi la série type qui se lit facilement avec un narration fluide et bien construite mais qui reste superficielle en de nombreux endroits clés. Le scénario de Yann a peut être obtenu un prix mais si on approfondi un peu, de nombreuses facilités apparaissent. En effet à vouloir charger le personnage de Max comme Polonais et Juif, l'auteur affaiblit du même coup la crédibilité de son tome 1. En effet pas besoin pour des services secrets américains de regarder la vieille photo d'une main blessée. Il suffisait de demander à Max de baisser son pantalon et de lui réciter un passage de la Torah en Yiddish. C'est la grosse faiblesse du scénario de Yann. Les trois enfants évoluent dans une bulle sociétale où parents, relations sociales et rapport à la religion sont inexistants. Dans le contexte d'une Silésie des années 30 c'est difficilement crédible. Je trouve le côté humain du récit très forcé et peu crédible. Au contraire du côté technique et historique où Yann se régale à présenter tous les modèles aéronautiques en pointe à l'époque mais qui ont peu influencé le cours du conflit par manque de pilotes et d'appareils. C'est d'ailleurs bien exprimé dans le T2. Le T3 propose un rebondissement scénaristique intéressant mais qui repose les questions que je soulève en début d'avis. La suite devient de plus en plus loufoque en abandonnant la prédominance historique et fait appel à toutes les ficelles du métier pour meubler et proposer un semblant de cohérence ( rêve, flash back, hasard toujours bénéfique…).
La fluidité et le plaisir de lecture doit beaucoup au graphisme de Henriet. Les personnages sont expressifs et dynamiques. Les extérieurs et les lumières très bien travaillés. Le plus étant un travail de belle précision sur les avions, les combats aériens et les ambiances au sols ( armements et uniformes). J'y ai vu un graphisme qui mêle la technicité à l'esthétisme d'une très belle façon.
Une lecture plaisante si l'on reste à la surface du scénario dotée d'un graphisme très plaisant.
Alors là, j'en veux à Mr Bilal.
Il nous offre avec le premier tome ce que je considère un album magistral, un 6/5. Chaque planche est une oeuvre d'art mélangeant les techniques. La narration est riche, chaque bribe d'information fait tourner l'imagination d'un monde dont on ne sait pas s'il est futuriste ou une adaptation de l'actuel. Le ton est sombre (y sont abordés les thèmes de l'hyper-sécurisation, le fanatisme, les villes sont froides...), les personnages sont durs mais l'espoir et les sentiments tapis au fond des âmes.
Et puis, comme pour les autres séries de cet auteur unique, les tomes suivants sont moins ambitieux, plus bavards, plus épurés. D'une trilogie, on passe à une tétralogie sortant à une cadence interminable. Alors je relis le tome 1 en attendant que la conclusion puisse me donner le même uppercut. Et finalement, non. La série n'est pas mauvaise, loin de là, mais le sommet atteint au début laisse peu de chances à ce qui n'est "que" bon.
Pas facile à noter. On retrouve les ingrédients d'Arleston: univers foisonnant et personnages hauts en couleur. Et le dessinateur sait donner vie à son imaginaire, en dépeignant des cités alternatives colorées et détaillées en sachant se renouveler à chaque nouveau tome.
Mais il y a le côté un peu redondant à la longue de voir les mêmes clichés tourner en boucle: la blonde canon tête-à-claque, l'intello musclé, la cohabition difficile prétexte à des quiproquos. Et une sexualisation gratuite qui n'apporte strictement rien, ou alors il faut assumer et ponctuer plus intelligemment un érotisme léger qui fait avancer les choses.
Les Preshauns sont intriguants et titillent l'envie d'en savoir plus sur le fonctionnement de ce monde à la fois familier et proche de celui du 5ème Elément de Besson.
Donc un bof pour les personnages humains et leurs aventures et un chapeau pour les villes dépeintes.
Décrivez le monde où vous vivez en insistant sur ses aspects les plus pittoresques.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2013. Il a été réalisé par Rodolphe (scénario, de son vrai nom Rodolphe Daniel Jacquette), Vink (dessins et couleurs, de son vrai nom Vinh Khoa), et Cine (couleurs, l'épouse de Vink). Il comprend 56 pages de bande dessinée en couleurs. Il se termine par 12 pages d'études graphiques allant du croquis à l'illustration peinte en double page, et par un court texte de remerciements rédigé par Vink. Ce dernier est également l'auteur de la série Le Moine fou et de sa suite Les Voyages de He Pao.
Guillaume Romain est un auteur de bande dessinée, en train de revenir au volant de sa voiture, du Salon de Cursac, un festival de bande dessinée. En ce dimanche soir, la route lui semble encore trop longue pour terminer son voyage, et il décide de s'arrêter à une auberge appelée Le temps perdu. Il est accueilli par l'hôtelière Marie Brune, à qui il demande une chambre. Elle lui tend les clés de la numéro 11, avec douche et WC. Guillaume Romain monte à l'étage et ouvre la porte. Il éprouve une vague impression de déjà-vu. Il pose son sac et se dirige vers la salle de bain pour se laver les dents. Il passe devant une gravure intitulée La pays du temps perdu, qui montre un bûcheron tenant une hache levée et s'apprêtant à cogner un tronc, dans une forêt. En tant que dessinateur, Guillaume Romain apprécie la composition de la gravure et la touche du doigt. Il se retrouve aspiré à l'intérieur de la gravure, se tenant dans la forêt, à côté du bûcheron qui lui adresse la parole. Guillaume lui demande où il peut se diriger ; le bûcheron lui indique la direction du bourg et lui confirme qu'ils sont bien dans une gravure.
Le bûcheron est bien content de pouvoir poser sa hache ; Guillaume Romain se met en marche vers le bourg. Il croise un garçon assis sur une branche, essayant de trouver des éléments pittoresques dans ce qui l'entoure pour faire sa rédaction. Il s'appelle Yoyo. L'adulte et l'enfant décident de faire chemin ensemble vers le bourg. Le garçon demande à Guillaume de se taire car il a entendu un groupe de soldats devant eux. Le garde champêtre indique aux 4 soldats, 3 autres soldats qui sont en train de sortir de terre. Les quatre premiers aident les autres à s'extirper de la terre et à se nettoyer. Le sergent Plume prend leur tête et commence à marcher au pas, en levant bien haut la jambe. Guillaume et Yoyo sortent du bois et arrive à proximité du bourg. Ils entendent des notes de musique. Il s'agit du colporteur qui joue de la vielle, des notes vertes et bleues. Yoyo indique à Guillaume de se boucher les oreilles car ces notes ravissent et ensorcellent, ce qui lui permet de voler les enfants, de les emmener et de les revendre à l'autre bout du monde. Un garçon et une fillette qui jouent dans le jardin tombent sous le charme des notes, et suivent le colporteur en changeant de couleur, lui en bleu, elle en vert.
Le lecteur peut aussi bien être attiré par le scénariste à la carrière impressionnante, que par le dessinateur à la sensibilité remarquable, que par le programme du titre ou de la couverture. Dès le départ, les auteurs proposent une mise en abîme, avec la mise en scène d'un personnage principal, lui-même auteur de bandes dessinées. La situation banale de la nuit d'hôtel bascule dès la page 5 dans la situation fantastique où Guillaume Romain peut pénétrer dans le monde des gravures, demandant une suspension consentie d'incrédulité au lecteur. Sous réserve qu'il accepte d'y consentir, l'intrigue se révèle charmante, facile à suivre. Guillaume Romain est fasciné par ces gravures, et par ce qu'il découvre en accompagnant Yoyo. Ces séquences à l'intérieur des gravures se parent d'onirisme, qu'il s'agisse des soldats en train de pousser en terre, ou de l'arrachage d'une maison. Le lecteur y repère facilement des allusions à des contes, comme le joueur de flûte de Hamelin, ou la belle figure de proue d'un navire de pirates. Mais ces contes sont comme gauchis, avec un déroulement ou une fin bizarre et non-conforme à la forme classique. Certaines séquences reposent sur des caractéristiques macabres, telles les photographies de Ciao qui révèlent les individus dont la mort est proche, où le conteur dont la cervelle se vide et qui se creuse littéralement la tête pour chercher des traînées d'histoires, des lambeaux de rêves, dans une image littérale assez dérangeante.
Il est vraisemblable que le lecteur comprenne le fin mot de l'histoire assez rapidement, mais cela ne l'empêche pas d'apprécier cette bande dessinée. S'il est tombé amoureux des pages de Vink dans la série Le moine fou, il hâte de retrouver cet artiste. Si son regard a été arrêté par la couverture, il a feuilleté la BD et il a pu constater que les pages intérieures présentent un même niveau de qualité. Vink dessine dans un registre descriptif et réaliste, avec un détourage léger des différentes formes, un trait discret noir ou brun. Les formes ainsi détourées sont ensuite nourries par la peinture de Cine qui vient elle aussi représenter les éléments, comme une technique de couleur directe. Cette technique de représentation marie la précision des traits encrés, avec la richesse de la peinture. L'intégration des traits et de la peinture atteint un niveau fusionnel qui fait que le lecteur ne peut imaginer à quoi ressemblerait une case sans la peinture ou sans les traits.
Dans la postface, Vink précise qu'il a dessiné les personnages d'après des modèles et le lecteur peut constater la cohérence parfaite des traits de leur visage tout du long de la bande dessinée, ce qui leur donne une forte personnalité visuelle. L'artiste a choisi une approche naturaliste, avec des gestes posés pour les différents protagonistes, des expressions variées et nuancées, des tenues vestimentaires réalistes et différentes suivant les occupations. Certains des personnages dans le monde des gravures présentent des caractéristiques sortant plus de l'ordinaire, à commencer par les étranges soldats qui poussent comme des champignons, Beau qui semble souffrir de nanisme, la silhouette déformée du plus grand conteur de tout le pays et son habit de ménestrel, ou encore Rose et sa forte poitrine. Pour tous, le lecteur apprécie l'impression de vie qui se dégage d'eux, la manière dont la couleur directe apporte des reliefs à leurs vêtements, la texture de la peau, leur langage corporel.
La première page commence par une case de la largeur de la page, montrant un panoramique d'une grande zone herbue, avec un village dans le lointain, et quelques arbres. L'attention du lecteur est également retenue par les belles couleurs ciel. Il y a visiblement de longues bandes de nuages éthérés qui retiennent les derniers rayons du soleil, avec des teintes jaune, orangée, violette. Vink & Cine n'appliquent pas des teintes vives ou agressives, mas des teintes pastel, l'aquarelle s'avérant parfaite pour rendre compte des nuances délicates. Dans une case en dessous sur la même page, le ciel a viré vers des teintes plus violettes, attestant de la diminution de la luminosité. S'il y est sensible, le lecteur peut alors prêter attention aux différents rendus du ciel au fil des séquences : un beau ciel bleu de printemps en page 8, un ciel dans une nouvelle teinte de violet en page 13, un ciel bleu avec des nuages plus consistants dans un nouveau panorama en page 18, un ciel menaçant d'orage en page 24, un ciel étoilé en page 40, un ciel d'été en page 58.
Vink représente les différents environnements de manière réaliste. Le lecteur éprouve l'impression de repérer l'hôtel et d'y pénétrer avec Guillaume Romain, de regarder l'accueil, la chambre, les gravures, etc. Il regarde les différentes façades de maisons et de bâtiments, que ce soit l'alignement dans la rue où habite Romain, ou celles du village dans la première gravure. L'artiste sait aussi bien décrire une chambre d'hôtel, qu'une chambre noire, ou une salle aménagée pour un banquet de mariage. Vink & Cine sont encore meilleurs pour transcrire l'impression qui se dégage des environnements naturels. Guillaume Romain avance dans un sous-bois, avec de très belles couleurs pour les feuillages, le ruisseau, les feuilles tombées au sol, etc. Un peu plus loin (en page 18), il piquenique avec Yoyo et Beau, et le lecteur s'installerait bien à leurs côtés, sur l'herbe accueillante, à l'ombre d'un bel arbre, avec une vue dégagée sur le village. Vers la fin, Guillaume Romain est train de passer la débroussailleuse, et le lecteur peut identifier les différentes plantes formant la végétation. Il constate aussi que Vink n'a pas oublié d'équiper Guillaume avec ses équipements de protection individuelle.
Le lecteur se laisse gentiment emmener dans ce récit sur le temps perdu, celui que Guillaume Romain perd en voyageant dans les gravures, et bien sûr celui qu'il retrouve. Il se laisse prendre au jeu des contes un peu bizarres et décalés pour essayer de comprendre la métaphore. Il prend plaisir à côtoyer ces personnages bienveillants et constructifs. Il ne sait trop comment réagir quand l'auteur explicite chaque séquence onirique à la fin tome, partagé entre la découverte de la solution qui lui indique s'il avait bien deviné, et une pointe de regret à voir ainsi l'onirisme s'évanouir au profit du réel. En revanche, il a pu se plonger dans des endroits pleinement matérialisés, avec une sensibilité d'artiste pour les décrire, et assister à une forme de remémoration très plaisante.
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Simon vit seul entouré d'une horde d'animaux domestiques, chiens, chats et perroquet qu'il appelle tous Georges, ainsi que d'une ânesse, Armelle, qui le suivent où qu'il aille en balade. Mais quand le confinement interdit l'accès à la forêt où ils ont leurs habitudes, Simon va braver la loi et découvrir au coeur de la végétation un terrain aménagé et recouvert de plantes qu'il va prendre à cœur de remettre à neuf. Bien vite, il va s'interroger sur l'esprit brillant qui a eu l'idée de ce bike park en pleine nature. Une bien étrange BD qu'il est difficile de cerner. Au niveau du graphisme, c'est plaisant et lumineux. Animaux, nature et personnages sont rendus dans un ensemble sympathique qui contribue à l'ambiance de douceur de l'intrigue. L'inconstance de la taille et de la perspective du fameux bike park et de la clairière qui l'entoure est toutefois dérangeante, donnant parfois l'impression d'être en pleine jungle et d'autres fois dans un terrain vague désertique avec un seul arbre au milieu. L'intrigue exhale les bons sentiments, l'amour des animaux et des plantes, l'amour de la liberté... et en même temps elle s'enferre dans une histoire de rénovation d'un parc pour vélo cross acrobatique comme si c'était la 8e merveille du monde. Les personnages et leurs comportements sonnent bizarrement, assez faux, comme s'ils jouaient un rôle dans un vaudeville. Il y a le bon héros proche de la nature mais qui cache un passé torturé, la gentille voisine élégante, le gros policier idiot, le gentil policier bienveillant, etc... chacun a son rôle assez stéréotypé et pas toujours crédible. Comme ce gars qui déboule silencieusement, frappe les héros parce qu'il est visiblement en colère puis disparait, avant d'être rencontré à nouveau plus tard et tout est pardonné dans des grands sourires comme si de rien n'était car il avait ses raisons bien sûr. Ou comme ces ados cyclistes qui surgissent dans le park à peine débroussaillé comme s'ils l'avaient toujours utilisé. Et bien sûr il y a toute l'admiration pour le génie incompris qui a inventé l'architecture des lieux... sans vraiment qu'on en voit en quoi c'est si formidable. J'ai l'impression d'être passé complètement à côté de cette BD qui sent la guimauve par moment et qui n'a pas su m'atteindre de son charme.
Missak, Mélinée & le groupe Manouchian - Les Fusillés de l'Affiche Rouge
Un album pour ne pas oublier. Pour ne pas oublier cet homme, Missak Manouchian, issue de l'immigration, il avait fui le génocide arménien de 1915 pour se réfugier en France en 1924. Il mourra pour la France en 1944, fusillé avec ses vingt-deux compagnons d'infortune par l'occupant nazis. Un album qui se concentre sur Missak Manouchian dans un gros premier tiers du récit, la partie la plus intéressante. On y découvre son enfance et sa rencontre avec Mélinée, elle permet de cerner le personnage, de découvrir sa relation fusionnelle avec sa Mélinée et de comprendre son militantisme. Car par la suite, c'est un peu le fourre-tout. Des actes de résistance vont se succéder entrecoupés de nombreux portraits de résistants, en mode photo d'identité, en pleine page, avec un texte conséquent sur chaque personnage. Alors oui c'est très intéressant et instructif, mais ça casse le rythme et ça fait très manuel scolaire. Une narration à deux vitesses qui me laisse sur ma faim. Dommage. Je ne suis pas non plus convaincu par le dessin, certes il est efficace, mais je ne suis pas fan de ce trait fin accompagné par des couleurs monotones sans nuances. Une petite déception. "Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent." "L'affiche rouge" de Louis Aragon.
V pour Vendetta
J’ai été pris dès le début par cette histoire. On découvre un monde dur, où la peur et la surveillance sont partout. Chaque événement m’a donné envie de savoir ce qui allait se passer ensuite. Il y a des surprises, des moments forts et un vrai suspense. Plus j’avançais, plus je ressentais une tension qui ne faisait que grandir. Cette BD parle de liberté et de résistance. Elle montre ce qui arrive quand un gouvernement devient trop puissant et ce que certaines personnes sont prêtes à faire pour retrouver leurs droits. J’ai trouvé ça très fort et parfois même troublant. Ça pousse à réfléchir sur la société et sur la valeur de la liberté. V est un personnage impressionnant. Il est à la fois mystérieux, intelligent et imprévisible. J’ai aimé suivre ses actions et essayer de comprendre ses intentions. Evey, elle, change énormément au fil de l’histoire, et j’ai ressenti beaucoup d’émotions en la voyant évoluer. Les autres personnages sont tous marquants à leur façon et apportent quelque chose d’important à l’histoire. Les dessins renforcent l’ambiance sombre de l’histoire. Les couleurs sont souvent froides, les ombres sont bien utilisées, et tout ça donne une vraie personnalité à la BD. Chaque page a un côté presque cinématographique, ce qui rend la lecture encore plus immersive. J’ai eu l’impression de vraiment entrer dans ce monde, comme si j’y étais.
Héléna
Je réécris ce que je mettais pour Une petite tentation du même Jim, c'est tout aussi adapté à ce diptyque "Héléna" : nous sommes ici dans la caricature de ce que peut proposer ce scénariste, à savoir de la romance sexy observée depuis un point de vue très masculin, jouant sur des fantasmes peu glorieux et gentiment racoleurs. C'est généralement conduit avec un certain sens du rythme et servi par des illustrations chaleureuses, dans leur rondeur tout autant que leurs couleurs. Bref du divertissement aisément accessible, à destination d'un public masculin non-sensible aux idées féministes. Ici, l'amour d'enfance, beau sujet par ailleurs, est traité via le malaisant prisme de la possession/prostitution. La plupart des personnages principaux sont détestables quoi qu'en disent d'autres personnages. Cela finit par nous interroger d'entendre en permanence le héros être considéré comme un mec bien quand tous les éléments en notre possession nous certifient du contraire, mais cet autre beau sujet n'est malheureusement pas traité : aucun discours sur le paraître, le jugement de goût, ni ouverture sur le fantastique, etc. En fait, le lecteur n'est pas seulement en désaccord avec l'opinion défendue par les personnages, il est vraisemblablement aussi en désaccord avec ceux des auteurs. Notons enfin que cette comédie romantique est moins bien rythmée que d'habitude, et le fait de l'avouer et d'en jouer, ne sauve aucunement les meubles ; il n'y a là aucun jeu avec le genre, ni mise en perspective amusante, seulement le constat d'un petit ratage. Mieux vaut encore une fois garder en mémoire le beau roman graphique L'Étreinte que Jim a conçu avec Bonneau et oublier ce divertissement racoleur, certes facile à lire, mais fort peu agréable.
Relais & Mago
J'ai lu le premier tome de cette série il y a quelques temps sans réussir à trouver le second tome et de toute manière je ne pense pas le lire vu le peu d'intérêt que j'ai trouvé au premier. Nous sommes face à une Heroic Fantasy décalée et humoristique, avec des anachronismes à la manière de Terry Pratchett, mais à l'exécution décevante. Le dessin ne fait pas pro, il manque de dynamisme, avec un style trop rigide et des couleurs informatisées assez laides : il ne parvient pas à insuffler de l’énergie à l’ensemble. Le récit manque de profondeur et d'originalité. Les clins d'œil sont omniprésents, mais souvent lourds et insérés de manière trop évidente. L'humour, bien que parfois léger, m'a rapidement agacé et n’a pas réussi à me faire sourire. L’histoire, bien que rythmée, ne m’a pas du tout captivé. A noter quelques renvois insérés dans l'album vers des pages d'un site internet dédié, mais celui-ci semble avoir disparu aujourd'hui donc ça tombe à l'eau et montre à quel point ça a très vite vieilli. Bref, une BD relativement divertissante si on aime la surabondance de clins d'œil et d'anachronismes, mais pas terrible dans l'ensemble.
L'Incroyable Histoire de la Médecine
Cette série a bien du mérite. En effet elle permet de mettre un visage et une histoire sur un grand nombre de noms qui patronnent les plus grands hôpitaux français: Necker, Bichat, Laënnec et les autres ne seront plus des noms vides après la lecture de cette intéressante encyclopédie. Il faut dire que le Pr Fabiani a un certain talent de conteur et que son récit sait capter l'attention de son lectorat. Sa construction chronologique et thématique est très dynamique. Les chapitres sont introduits par un texte très concis ( souvent une demi page) qui va à l'essentiel et laisse la place à un texte plus fourni qui accompagne la partie BD. Il y a un bon équilibre entre le dessin de Bercovici qui amène du dynamisme à travers un trait humoristique. Le récit propose beaucoup d'anecdotes dans leur contexte historique et qui donnent du sens à certains épisodes dramatiques du passé. Le Pr Fabiani met en lumière certains passages mal connus comme la relation difficile entre la Révolution de 89 et l'Hôpital ou la mise au point d'outils incontournables ( les gants, le stéthoscope). Le métier de médecin s'est beaucoup féminisée ces dernières décennies et la série n'oublie pas le rôle majeur des femmes dans l'histoire des soins ( un chapitre sur les infirmières et un sur les sages-femmes entre autres). Une lecture instructive et distrayante traitée d'une façon à être accessible à un très large public.
Dent d'ours
"Dent d'ours" est pour moi la série type qui se lit facilement avec un narration fluide et bien construite mais qui reste superficielle en de nombreux endroits clés. Le scénario de Yann a peut être obtenu un prix mais si on approfondi un peu, de nombreuses facilités apparaissent. En effet à vouloir charger le personnage de Max comme Polonais et Juif, l'auteur affaiblit du même coup la crédibilité de son tome 1. En effet pas besoin pour des services secrets américains de regarder la vieille photo d'une main blessée. Il suffisait de demander à Max de baisser son pantalon et de lui réciter un passage de la Torah en Yiddish. C'est la grosse faiblesse du scénario de Yann. Les trois enfants évoluent dans une bulle sociétale où parents, relations sociales et rapport à la religion sont inexistants. Dans le contexte d'une Silésie des années 30 c'est difficilement crédible. Je trouve le côté humain du récit très forcé et peu crédible. Au contraire du côté technique et historique où Yann se régale à présenter tous les modèles aéronautiques en pointe à l'époque mais qui ont peu influencé le cours du conflit par manque de pilotes et d'appareils. C'est d'ailleurs bien exprimé dans le T2. Le T3 propose un rebondissement scénaristique intéressant mais qui repose les questions que je soulève en début d'avis. La suite devient de plus en plus loufoque en abandonnant la prédominance historique et fait appel à toutes les ficelles du métier pour meubler et proposer un semblant de cohérence ( rêve, flash back, hasard toujours bénéfique…). La fluidité et le plaisir de lecture doit beaucoup au graphisme de Henriet. Les personnages sont expressifs et dynamiques. Les extérieurs et les lumières très bien travaillés. Le plus étant un travail de belle précision sur les avions, les combats aériens et les ambiances au sols ( armements et uniformes). J'y ai vu un graphisme qui mêle la technicité à l'esthétisme d'une très belle façon. Une lecture plaisante si l'on reste à la surface du scénario dotée d'un graphisme très plaisant.
Le Sommeil du Monstre
Alors là, j'en veux à Mr Bilal. Il nous offre avec le premier tome ce que je considère un album magistral, un 6/5. Chaque planche est une oeuvre d'art mélangeant les techniques. La narration est riche, chaque bribe d'information fait tourner l'imagination d'un monde dont on ne sait pas s'il est futuriste ou une adaptation de l'actuel. Le ton est sombre (y sont abordés les thèmes de l'hyper-sécurisation, le fanatisme, les villes sont froides...), les personnages sont durs mais l'espoir et les sentiments tapis au fond des âmes. Et puis, comme pour les autres séries de cet auteur unique, les tomes suivants sont moins ambitieux, plus bavards, plus épurés. D'une trilogie, on passe à une tétralogie sortant à une cadence interminable. Alors je relis le tome 1 en attendant que la conclusion puisse me donner le même uppercut. Et finalement, non. La série n'est pas mauvaise, loin de là, mais le sommet atteint au début laisse peu de chances à ce qui n'est "que" bon.
Ekhö - Monde miroir
Pas facile à noter. On retrouve les ingrédients d'Arleston: univers foisonnant et personnages hauts en couleur. Et le dessinateur sait donner vie à son imaginaire, en dépeignant des cités alternatives colorées et détaillées en sachant se renouveler à chaque nouveau tome. Mais il y a le côté un peu redondant à la longue de voir les mêmes clichés tourner en boucle: la blonde canon tête-à-claque, l'intello musclé, la cohabition difficile prétexte à des quiproquos. Et une sexualisation gratuite qui n'apporte strictement rien, ou alors il faut assumer et ponctuer plus intelligemment un érotisme léger qui fait avancer les choses. Les Preshauns sont intriguants et titillent l'envie d'en savoir plus sur le fonctionnement de ce monde à la fois familier et proche de celui du 5ème Elément de Besson. Donc un bof pour les personnages humains et leurs aventures et un chapeau pour les villes dépeintes.
Le Temps perdu
Décrivez le monde où vous vivez en insistant sur ses aspects les plus pittoresques. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2013. Il a été réalisé par Rodolphe (scénario, de son vrai nom Rodolphe Daniel Jacquette), Vink (dessins et couleurs, de son vrai nom Vinh Khoa), et Cine (couleurs, l'épouse de Vink). Il comprend 56 pages de bande dessinée en couleurs. Il se termine par 12 pages d'études graphiques allant du croquis à l'illustration peinte en double page, et par un court texte de remerciements rédigé par Vink. Ce dernier est également l'auteur de la série Le Moine fou et de sa suite Les Voyages de He Pao. Guillaume Romain est un auteur de bande dessinée, en train de revenir au volant de sa voiture, du Salon de Cursac, un festival de bande dessinée. En ce dimanche soir, la route lui semble encore trop longue pour terminer son voyage, et il décide de s'arrêter à une auberge appelée Le temps perdu. Il est accueilli par l'hôtelière Marie Brune, à qui il demande une chambre. Elle lui tend les clés de la numéro 11, avec douche et WC. Guillaume Romain monte à l'étage et ouvre la porte. Il éprouve une vague impression de déjà-vu. Il pose son sac et se dirige vers la salle de bain pour se laver les dents. Il passe devant une gravure intitulée La pays du temps perdu, qui montre un bûcheron tenant une hache levée et s'apprêtant à cogner un tronc, dans une forêt. En tant que dessinateur, Guillaume Romain apprécie la composition de la gravure et la touche du doigt. Il se retrouve aspiré à l'intérieur de la gravure, se tenant dans la forêt, à côté du bûcheron qui lui adresse la parole. Guillaume lui demande où il peut se diriger ; le bûcheron lui indique la direction du bourg et lui confirme qu'ils sont bien dans une gravure. Le bûcheron est bien content de pouvoir poser sa hache ; Guillaume Romain se met en marche vers le bourg. Il croise un garçon assis sur une branche, essayant de trouver des éléments pittoresques dans ce qui l'entoure pour faire sa rédaction. Il s'appelle Yoyo. L'adulte et l'enfant décident de faire chemin ensemble vers le bourg. Le garçon demande à Guillaume de se taire car il a entendu un groupe de soldats devant eux. Le garde champêtre indique aux 4 soldats, 3 autres soldats qui sont en train de sortir de terre. Les quatre premiers aident les autres à s'extirper de la terre et à se nettoyer. Le sergent Plume prend leur tête et commence à marcher au pas, en levant bien haut la jambe. Guillaume et Yoyo sortent du bois et arrive à proximité du bourg. Ils entendent des notes de musique. Il s'agit du colporteur qui joue de la vielle, des notes vertes et bleues. Yoyo indique à Guillaume de se boucher les oreilles car ces notes ravissent et ensorcellent, ce qui lui permet de voler les enfants, de les emmener et de les revendre à l'autre bout du monde. Un garçon et une fillette qui jouent dans le jardin tombent sous le charme des notes, et suivent le colporteur en changeant de couleur, lui en bleu, elle en vert. Le lecteur peut aussi bien être attiré par le scénariste à la carrière impressionnante, que par le dessinateur à la sensibilité remarquable, que par le programme du titre ou de la couverture. Dès le départ, les auteurs proposent une mise en abîme, avec la mise en scène d'un personnage principal, lui-même auteur de bandes dessinées. La situation banale de la nuit d'hôtel bascule dès la page 5 dans la situation fantastique où Guillaume Romain peut pénétrer dans le monde des gravures, demandant une suspension consentie d'incrédulité au lecteur. Sous réserve qu'il accepte d'y consentir, l'intrigue se révèle charmante, facile à suivre. Guillaume Romain est fasciné par ces gravures, et par ce qu'il découvre en accompagnant Yoyo. Ces séquences à l'intérieur des gravures se parent d'onirisme, qu'il s'agisse des soldats en train de pousser en terre, ou de l'arrachage d'une maison. Le lecteur y repère facilement des allusions à des contes, comme le joueur de flûte de Hamelin, ou la belle figure de proue d'un navire de pirates. Mais ces contes sont comme gauchis, avec un déroulement ou une fin bizarre et non-conforme à la forme classique. Certaines séquences reposent sur des caractéristiques macabres, telles les photographies de Ciao qui révèlent les individus dont la mort est proche, où le conteur dont la cervelle se vide et qui se creuse littéralement la tête pour chercher des traînées d'histoires, des lambeaux de rêves, dans une image littérale assez dérangeante. Il est vraisemblable que le lecteur comprenne le fin mot de l'histoire assez rapidement, mais cela ne l'empêche pas d'apprécier cette bande dessinée. S'il est tombé amoureux des pages de Vink dans la série Le moine fou, il hâte de retrouver cet artiste. Si son regard a été arrêté par la couverture, il a feuilleté la BD et il a pu constater que les pages intérieures présentent un même niveau de qualité. Vink dessine dans un registre descriptif et réaliste, avec un détourage léger des différentes formes, un trait discret noir ou brun. Les formes ainsi détourées sont ensuite nourries par la peinture de Cine qui vient elle aussi représenter les éléments, comme une technique de couleur directe. Cette technique de représentation marie la précision des traits encrés, avec la richesse de la peinture. L'intégration des traits et de la peinture atteint un niveau fusionnel qui fait que le lecteur ne peut imaginer à quoi ressemblerait une case sans la peinture ou sans les traits. Dans la postface, Vink précise qu'il a dessiné les personnages d'après des modèles et le lecteur peut constater la cohérence parfaite des traits de leur visage tout du long de la bande dessinée, ce qui leur donne une forte personnalité visuelle. L'artiste a choisi une approche naturaliste, avec des gestes posés pour les différents protagonistes, des expressions variées et nuancées, des tenues vestimentaires réalistes et différentes suivant les occupations. Certains des personnages dans le monde des gravures présentent des caractéristiques sortant plus de l'ordinaire, à commencer par les étranges soldats qui poussent comme des champignons, Beau qui semble souffrir de nanisme, la silhouette déformée du plus grand conteur de tout le pays et son habit de ménestrel, ou encore Rose et sa forte poitrine. Pour tous, le lecteur apprécie l'impression de vie qui se dégage d'eux, la manière dont la couleur directe apporte des reliefs à leurs vêtements, la texture de la peau, leur langage corporel. La première page commence par une case de la largeur de la page, montrant un panoramique d'une grande zone herbue, avec un village dans le lointain, et quelques arbres. L'attention du lecteur est également retenue par les belles couleurs ciel. Il y a visiblement de longues bandes de nuages éthérés qui retiennent les derniers rayons du soleil, avec des teintes jaune, orangée, violette. Vink & Cine n'appliquent pas des teintes vives ou agressives, mas des teintes pastel, l'aquarelle s'avérant parfaite pour rendre compte des nuances délicates. Dans une case en dessous sur la même page, le ciel a viré vers des teintes plus violettes, attestant de la diminution de la luminosité. S'il y est sensible, le lecteur peut alors prêter attention aux différents rendus du ciel au fil des séquences : un beau ciel bleu de printemps en page 8, un ciel dans une nouvelle teinte de violet en page 13, un ciel bleu avec des nuages plus consistants dans un nouveau panorama en page 18, un ciel menaçant d'orage en page 24, un ciel étoilé en page 40, un ciel d'été en page 58. Vink représente les différents environnements de manière réaliste. Le lecteur éprouve l'impression de repérer l'hôtel et d'y pénétrer avec Guillaume Romain, de regarder l'accueil, la chambre, les gravures, etc. Il regarde les différentes façades de maisons et de bâtiments, que ce soit l'alignement dans la rue où habite Romain, ou celles du village dans la première gravure. L'artiste sait aussi bien décrire une chambre d'hôtel, qu'une chambre noire, ou une salle aménagée pour un banquet de mariage. Vink & Cine sont encore meilleurs pour transcrire l'impression qui se dégage des environnements naturels. Guillaume Romain avance dans un sous-bois, avec de très belles couleurs pour les feuillages, le ruisseau, les feuilles tombées au sol, etc. Un peu plus loin (en page 18), il piquenique avec Yoyo et Beau, et le lecteur s'installerait bien à leurs côtés, sur l'herbe accueillante, à l'ombre d'un bel arbre, avec une vue dégagée sur le village. Vers la fin, Guillaume Romain est train de passer la débroussailleuse, et le lecteur peut identifier les différentes plantes formant la végétation. Il constate aussi que Vink n'a pas oublié d'équiper Guillaume avec ses équipements de protection individuelle. Le lecteur se laisse gentiment emmener dans ce récit sur le temps perdu, celui que Guillaume Romain perd en voyageant dans les gravures, et bien sûr celui qu'il retrouve. Il se laisse prendre au jeu des contes un peu bizarres et décalés pour essayer de comprendre la métaphore. Il prend plaisir à côtoyer ces personnages bienveillants et constructifs. Il ne sait trop comment réagir quand l'auteur explicite chaque séquence onirique à la fin tome, partagé entre la découverte de la solution qui lui indique s'il avait bien deviné, et une pointe de regret à voir ainsi l'onirisme s'évanouir au profit du réel. En revanche, il a pu se plonger dans des endroits pleinement matérialisés, avec une sensibilité d'artiste pour les décrire, et assister à une forme de remémoration très plaisante.