Les derniers avis (24 avis)

Couverture de la série Hotel Particulier
Hotel Particulier

Après avoir été littéralement envouté par le magnifique Bluebells wood, j'ai décidé de rattraper mon retard sur l'œuvre de Guillaume Sorel en m'attelant à la lecture de ce one shot. Ma lecture m'a confirmé tout d'abord que je suis véritablement fan du trait de cet auteur. On sent que Sorel prend plaisir à dessiner les personnages, notamment féminins, et jouent des très belles courbes de l'héroïne et de la transparence de sa courte chemise. La mise en en couleurs monochrome tirant sur le brun est également très originale et colle parfaitement avec la thématique de l’œuvre. Du point de vue du scénario, si je suis resté légèrement sur ma faim, on ne peut que saluer l'originalité et la poésie de cette histoire de fantôme bloqué dans l"hôtel qui a vu se réaliser son funeste destin. Agrémentée d'extraits de poèmes ou de romans de Rimbaud, Baudelaire ou Caroll, Sorel nous livre différentes scènes à mesure que l'héroïne passe d'un étage à l'autre et s'invite dans la vie des occupants de l'hôtel, passant de scènes tantôt coquasses (la femme et son mari voyeur) tantôt plus macabres (la voisine dévorée par les chats du quartier) voire teintées de fantastique (la jeune fille disparue prise au piège dans une pièce sans issue ou le voisin festoyant avec les personnages imaginaires des romans qu'il possède). L'ensemble reste malgré tout cohérent, avec en fil conducteur, l'histoire du jeune peintre sans le sou dont notre héroïne s'éprend à mesure qu'elle l'observe. Cette histoire matinée de fantastique, dans la lignée de certaines nouvelles telles que le Horla (que Sorel a d'ailleurs adaptée en bande dessinée) rend ainsi un bel hommage à certains textes de poètes que l'auteur affectionne. Une œuvre originale à lire voire à posséder si on est fan comme moi du dessin de Guillaume Sorel. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 9/10 NOTE GLOBALE : 16/20

11/03/2025 (modifier)
Par yaglourt
Note: 3/5
Couverture de la série Flash ou le grand voyage
Flash ou le grand voyage

Une talentueuse et fidèle adaptation du bouquin. Dommage que cette série semble abandonnée...

11/03/2025 (modifier)
Par pol
Note: 4/5
Couverture de la série Dix Secondes
Dix Secondes

Il y a un peu plus de 10 ans Max De Radiguès publiait Orignal un album racontant le quotidien d'un adolescent persécuté par des camarades de classe. Un petit album au format souple qui ne payait pas de mine, mais dont l'histoire m'avait marqué. L'auteur avait excellé dans sa façon de raconter une histoire banale, une histoire de tous les jours, et de la rendre touchante. Dix Secondes présente quelques points communs, et ne le cachons pas, c'est plutôt agréable. Il est ici question de Marco, un adolescent qui ne fout absolument rien au lycée, ses seules préoccupations sont comment faire le mur pour sortir en douce, zoner avec ses potes et surtout trouver des trucs à fumer ou à boire pour tuer le temps. C'est ça le sujet de cette histoire : le quoditien d'un adolescent à priori sans problème, qui ne vit pas dans un quartier difficile, mais qui trompe son ennui en se défonçant la gueule. Et qui met le doigt dans un engrenage où il lui faut de moins en moins suivre ce que lui dicte les adultes, et de plus en plus de paradis artificiels pour sortir de son quotidien. Et Max De Radigues est très fort pour raconter cela. Il ne se passe finalement pas trop de chose dans cette histoire, mais pourtant on ne s'ennuie jamais. La façon dont elle est racontée, et la façon dont elle est dessinée la rende interessante et plaisante à lire. Parfois c'est amusant, que ce soit par des dialogues ou des situations. Parfois c'est attendrissant. Souvent cela arrache un petit sourire, surtout si on a grandi dans les années 90, de nombreux clins d'oeil à cette époque sont distillés tout au long de l'album. Tout ça fait que ce récit se lit d'une traite, juste avec la curiosité de voir où tout cela va mener Marco. La fin était prévisible mais ce n'est nullement gênant. Un album très agréable à lire, il lui manque peut être juste un coté un plus émouvant pour en faire un livre aussi marquant qu'Orignal l'avait été en son temps.

11/03/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Chicou Chicou
Chicou Chicou

Ah ! Bouffée de souvenirs en tombant sur cette BD puisque je lisais assidument le blog de Chicou-Chicou au moment où il était publié en ligne. Celui-ci était un cadavre exquis réalisé à huit puis dix mains par des auteurs qui ont initialement masqué leur identité sous celle de leurs avatars fictifs qui ne leur ressemblait pas forcément. Il s'agissait de Boulet, Aude Picault, Lisa Mandel, Domitille Collardey et Erwann Surcouf qui avait donné vie à Ella, Claude, Frédé, Juan et Fern en leur inventant des aventures du quotidien dans leur petite ville de Château-Gontier, une série d’histoires aussi décalées que divertissantes. L'album papier, lui, ne contenait que la seconde saison de ce blog, qui se déroulait quelques années après la première, comme des retrouvailles des personnages après une longue séparation. On évite ainsi les quelques balbutiements des débuts de la première saison qui se cherchait encore, mais on rate aussi quelques très bons moments de celles-ci, une fraicheur que la seconde saison a un peu perdu. Le concept de relayer l’histoire à chaque auteur apporte des rebondissements inattendus et un style graphique unique à chaque chapitre, ce qui rend l’ensemble jubilatoire, même si la transition entre les styles peut parfois sembler un peu chaotique. J'y ai tout de même une nette préférence pour le graphisme de Boulet et d'Aude Picault, de même que pour leurs personnages d'Ella et de Claude qui sont les plus attachants et hauts en couleur. A l'inverse, j'ai moins aimé les personnages masculins, en particulier Fern qui m'exaspère dans son rôle de séducteur. Et je dois dire certaines blagues tombent parfois à plat. Toutefois, malgré quelques incohérences, l'esprit d'expérimentation et d'humour se maintient, et l’on se laisse emporter par le délice de ce projet collectif. A l'image de La Maison Close qui poussait le concept de blog cadavre exquis encore plus loin, ce recueil, bien que partiellement incomplet, est un régal pour les amateurs de BD débridée et pleine de créativité. Note : 3,5/5

11/03/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série UN3 - Urgence Niveau 3
UN3 - Urgence Niveau 3

Toi, moi, n'oublions pas que nous sommes des privilégiés. UN3 est une œuvre de fiction basée sur des interviews et des recherches effectuées par les auteurs pendant des voyages en Irak, au Soudan du Sud et au Tchad entre 2014 et 2016. Un comics engagé, même si un certain merchandising s'en dégage, le logo de la WFP (programme alimentaire mondial) est largement représenté. Une intervention d'urgence de niveau 3 est le niveau de crise humanitaire le plus grave et de la plus grande ampleur. Et c'est à travers trois histoires que l'on va suivre le travail de ces femmes et de ces hommes qui se battent pour sauver des vies. Des urgences de niveau 3 qui découlent de conflits et du déplacement des populations. Un premier chapitre sur la guerre civile Kurde irakienne de 2014, un second sur la guerre civile sud-soudanaise en 2016 et enfin un dernier chapitre sur la guerre civile au Tchad en 2007. Des récits qui ne qui ne s'attardent pas sur les origines des conflits, mais sur le sort des personnes déplacées, mais aussi sur les membres du WFP qui se démènent pour acheminer de la nourriture et de relayer les informations aux médias. Des récits qui ne ménagent pas le lecteur, difficile de rester insensible devant tant de cruauté. Pas de misérabilisme, du factuel, rien que du factuel. Terrifiant ! Des aides humanitaires toujours nécessaires hélas... J'ai aimé le trait réaliste d'Alberto Ponticelli, il dégage beaucoup d'émotions. Par contre le style plus académique de Pat Massioni m'a laissé de marbre. En conclusion un 4 étoiles pour les deux premiers chapitres réalisés par Dysart-Ponticelli et un 3 étoiles pour celui du duo Dumont-Massioni. Lecture conseillée.

11/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Gatsby le magnifique
Gatsby le magnifique

Je me retrouve très bien dans l’avis de Ro. Comme lui je ne connaissais pas du tout le roman ou ses adaptations. Je dois dire que celle-ci ne m’a pas donné envie de le découvrir. D’abord, si l’idée de transposer une intrigue se déroulant originellement aux États-Unis dans les années 20 dans la Chine contemporaine n’est pas mauvaise en soi, je pense qu’à tout prendre il aurait été plus judicieux d’aller jusqu’au bout, et de changer aussi les noms, parce que du coup le rendu est bizarre, ça fait un peu artificiel. Ensuite l’histoire elle-même ne m’a pas vraiment intéressé. Je suis resté à côté. La critique d’une certaine superficialité de la bourgeoisie ne m’a pas paru ici suffisamment captivante. Surtout, le dessin, auquel je reconnais aisément des qualités ne m’a pas convenu. Affaire de goûts sans doute, mais j’ai trouvé qu’il renforçait le côté statique d’un récit qui m’avait laissé froid.

11/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Les 100 derniers jours d'Hitler
Les 100 derniers jours d'Hitler

Je vais être moins sévère que Paco, même si la lecture de cet album m’a quelque peu laissé sur ma faim (je pense avoir eu sous la main une version revue, car il n’y avait pas les coquilles qu’il signale dans son avis). Je ne connais pas le livre de l’historien Jean Lopez à l’origine de cet album. Je ne jugerai donc que cette adaptation. Disons qu’elle n’est pas inintéressante, mais sa construction m’a semblé trop sèche et répétitive. Nous n’avons en fait qu’un enchainement lugubre et terrible de morts et de massacres, situés et datés plus ou moins précisément, le tout entrecoupés d’ordre et de vociférations de moins en moins crédibles et lucides d’Hitler, jusqu’à l’écroulement final et le suicide du Führer – après qu’il ait envoyé à la mort une bonne partie des habitants du Reich. Le problème, en plus d’une construction sèche, sorte de litanie de dates/massacres, c’est que manquent le contexte, et quelques explications. Je suis plutôt au fait du sujet, mais je pense que ça n’aurait pas été de trop (une ou deux cartes, une présentation d’une ligne des personnages principaux évoqués en fin ou en début de volume aiderait grandement ceux qui ne connaissent pas dans les détails cette période de la guerre). Dans le même genre de perspective, mais étendu au Reich et pas seulement à Hitler (mais ici les deux sont aussi imbriqués), j’avais plus apprécié le très bon travail de l’historien anglais Ian Kershaw « La Fin : Allemagne 1944-1945 » (même si bien sûr ça n’est pas une BD). Mais bon, le dessin fait bien le travail, et on comprend quand même le raidissement du régime, l’accentuation du fanatisme dans la fuite en avant qui mène à liquider tous les « traitres (de la même façon qu’on voit bien la violence des bombardements alliés sur des civiles). L’album se laisse lire. Mais Pécau aurait plus le rendre plus intelligible et digeste je pense. Note réelle 2,5/5.

11/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Jusqu'à Raqqa
Jusqu'à Raqqa

Un récit assez brut, sans pathos ni envolées lyriques sur l’engagement, la mort de proches. Ça rend le récit sans doute un peu aride, mais ne gâche pas la lecture, intéressante. L’auteur raconte son engagement contre Daech en Syrie de 2015 à 2017. Je devrais d’ailleurs écrire que l’auteur s’est engagé, plus que contre Daech, pour les combattants kurdes en Rojava. En effet, c’est engagement fort, militaire, est la directe conséquences des idéaux politiques de l’auteur, qu’il explique en début d’album. C’est la liberté en général, mais aussi l’expérience révolutionnaire de cette région du Kurdistan qu’il est venu défendre les armes à la main, lui qui n’avait a priori aucune appétence ou aptitude au niveau du maniement des armes. Le récit est circonstancié, froid – et fait froid dans le dos aussi ! En effet, dès son arrivée sur le champ de bataille, la mort est omniprésente, puisqu’il fait partie des combattant s’infiltrant dans les lignes de l’Etat islamique, jusqu’à l’assaut final sur sa capitale en ruine, anéantie, remplie de mine et de tireurs isolés, jamais à l’abri d’un kamikaze ou d’une voiture suicide. L’auteur nous fait aussi découvrir d’autres combattant qui, comme lui, ont rejoint une sorte de Brigade internationale (avec des origines et des motivations assez diverses. L’album se termine avec le retour de l’auteur en France en 2017. Ce qui laisse en suspens quelques questions. D’abord vers la fin on voit apparaitre les premiers bombardements turcs contre les Kurdes. Un pays de l’Otan, bombarde donc nos alliés, sans que la France et plus généralement les occidentaux ne protestent outre mesure (et l’auteur montre bien la présence des forces spéciales françaises à côté des combattants kurdes). Une fois Daech « vaincue », on n’a plus besoin de ceux que l’on présentait dans les médias à l’époque comme des exemple (et depuis, lâchés, ils subissent une guerre violente de la part de la Turquie – en plus du régime d’Assad – à voir ce que le nouveau régime fera). Ubuesque est aussi le traitement subi par l’auteur lorsque, au milieu de sa « mission » en Syrie, il revient en France. Lorsqu’il souhaite retourner combattre, il est arrêté, traité comme un terroriste en puissance… Un récit à hauteur d’homme, sans doute assez sec, mais intéressant pour donner corps aux reportages ou études lus ailleurs (le Monde diplomatique en particulier a publié plusieurs articles intéressants sur le sujet).

11/03/2025 (modifier)
Par C.GUEGAN
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Bibliothèque des Vampires
La Bibliothèque des Vampires

Je trouve ce livre très captivant et vraiment marrant car les deux filles sont meilleures amies depuis la première minute qu’ elles passent dans cette école de magie. La BD est 100% originale (de mon point de vue), c'est un livre parfait pour les 10/13 ans et je le recommande fortement(car j’ai 12 ans et c'est ma bande dessinée préférée). Bonne lecture !!! ?

11/03/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Les Crieurs du crime
Les Crieurs du crime

Punir un crime par un crime, quelle idée aberrante. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Elle a été réalisée par Sylvain Venayre pour le scénario, et par Hugues Micol pour les dessins et la couleur. Il comprend cent-trente-huit pages de bande dessinée. Il se termine par trois pages de notes indiquant la source des éléments historiques et des opinions des personnages, que ce soit sur l’affaire Soleilland, l’histoire du journal Le Petit Parisien, (avec son slogan : Le plus fort tirage des journaux du monde entier), le développement du fait divers, des interviews et du scoop, l’affaire Dreyfus, l’apparition du terme Apache, la déconstruction de l’imaginaire de la traite des blanches, la place des femmes dans la police, les lois qui ont pour but d’atténuer les sévérités du code pénal, le service d’anthropométrie fondé par Alphonse Bertillon (1853-1914), l’affaire criminelle Menesclou, l’affaire Troppmann, l’invention des rotatives, la morgue de Paris, Bel-Ami de Guy de Maupassant, le débat sur l’abolition de la peine de mort et la grâce systématiquement accordée par le président Armand Fallières, le quartier parisien de la presse, etc. Lundi quatre février 1907, à Paris, dans le quartier de la gare de Lyon, les jeunes époux Valentin et Marguerite marchent dans la rue, bras dessus, bras dessous. Elle évoque le pont des soupirs pour leur lune de miel, et qu’ils pourront s’y embrasser en public, en pensant à tous les amoureux qui sont passés par là avant eux. Son mari la détrompe en expliquant que si elle avait lu le guide, elle saurait que le pont des Soupirs relie le palais des doges à la prison de Venise. Et que les soupirs de ce pont ont peu à voir avec les leurs, d’amoureux. En réalité, c’étaient les tristes soupirs de ceux qui avaient été condamnées par la justice des hommes. Les tourtereaux s’arrêtent car ils croisent Jean, un collègue journaliste de Valentin. Il leur apprend que Père Lachaise, leur rédacteur-en-chef, les attend, car il y a eu un drame du côté de Ba-ta-clan : un crime. Une fillette a disparu et elle a certainement été assassinée. Jean remet un mot du patron à Valentin, dans lequel Lachaise lui demande de renoncer momentanément à son voyage, et lui promet de réserver aux frais du journal sa chambre nuptiale au Danieli. Les deux journalistes se rendent chez le patron, et celui-ci leur expose l’affaire, et aussi ce qu’en pense le chef de la Sûreté : une fillette a disparu jeudi dernier, elle s’appelle Marthe Erbelding. Le jeudi 31 janvier dernier, à une heure de l’après-midi, un ami de la famille est venu pour emmener la fillette à un concert à Ba-ta-clan. Un certain Albert Soleilland. Il dit que la petite s’est absentée aux water-closets mais qu’elle n’est jamais revenue. Lui et la famille de la fillette l’ont cherchée partout aux alentours de Ba-ta-clan, dans les hôpitaux, à la morgue… Rien ! La couverture évoque les crieurs de crime avec l’image d’un jeune adulte brandissant un exemplaire d’un journal, un paquet d’autres exemplaires sous le bras, pour crier les informations se rapportant donc à un crime. Le lecteur suppose qu’il va suivre un crieur de journaux, ou qu’il va découvrir le traitement des faits divers sordides au travers de leur vente à l’unité dans la rue. La quatrième de couverture lui promet la mise en scène d’un débat public sur la peine de mort, entre abolitionnistes et rétentionnistes. Les premières pages exposent le dispositif narratif : les auteurs mettent en scène Valentin, journaliste ou plutôt reporter dans un des quatre grands quotidiens parisiens, avec autour de lui son épouse Marguerite, un collègue reporter Jean jouant un rôle très secondaire, ainsi que Léonie (dessinatrice de presse pour le même journal que Valentin) et Armand son époux médecin de profession. Valentin est missionné par son rédacteur-en-chef pour écrire des articles sur une meurtre sordide : celui de Marthe Erbelding, une fillette de onze ans, le 31 janvier 1907, par Albert Soleilland (1881-1920), une affaire criminelle réelle. Dans le cours de l’enquête, d’autres journalistes la comparent à l’affaire Menesclou, le viol et le meurtre atroce d'une fillette de quatre ans, perpétré par Louis Menesclou, le 15 avril 1880 rue de Grenelle. Pour autant, l’affaire suit son cours, sans que le personnage principal n’en devienne un acteur. Le lecteur comprend rapidement qu’il s’agit tout d’abord d’une reconstitution historique, focalisée sur l’évolution de la presse à sensation, en suivant à distance les différentes étapes d’une enquête. La forme peut s’avérer un peu déroutante puisque les informations sur l’affaire sont acquises de seconde main : par le rédacteur-en-chef, par des personnes qui étaient présentes lors de déclaration ou d’intervention de la police, sans accès direct à l’accusé ou même à des proches impliqués dans l’affaire. Dans le même temps, le scénariste utilise de nombreuses références qu’il explicite plus ou moins dans le cours de la bande dessinée, et dont il cite explicitement les sources dans les notes de fin. Il estime que le lecteur doit posséder un minimum de connaissances sur l’affaire Dreyfus, c’est-à-dire qu’il en a déjà entendu parler, et qu’il peut comprendre que l’affaire Menesclou était une autre affaire criminelle retentissante. En effet, la compréhension et l’appréciation du récit ne se trouvent pas obérées, ni le plaisir de lecture diminué, si le lecteur découvre pour la première fois ces événements. Il peut satisfaire sa curiosité avec les notes, qui sont plus étoffées qu’une simple liste de titres avec des dates, car elles sont intégrées dans un texte rédigé, apportant des remarques supplémentaires. La narration visuelle porte une part prépondérante de la reconstitution historique en montrant les différents lieux, les tenues vestimentaires, les accessoires du quotidien et plusieurs activités spécifiques à l’époque. Dès la première page, le lecteur identifie aisément la gare de Lyon avec sa tour de l’Horloge, et il reconnaît bien les pavés parisiens. Au fil de l’album, il relève le modèle de banc (Alphand), l’église Saint-Ambroise (11e arrondissement), la préfecture de police sur l’île de la Cité, les bouquinistes des quais de Seine, Note-Dame-de-Paris, l’institut médico-légal, les toitures en zinc, et de nombreux troquets avec leur terrasse et leur intérieur. Au bout de quelques pages, le lecteur découvre une illustration en double page, pages 18 & 19, une vue de plain-pied dans une rue de Paris, une scène du quotidien avec des voitures à cheval, une automobile, des façades, des livraisons. C’est ainsi dix-sept illustrations en double page qui viennent installer le lecteur dans un instantané urbain du quotidien de l’époque : les double-pages 18 & 19, 30 & 31, 38 & 39, 46 & 47, 62 & 63, 72 & 73, 84 & 85, 96 & 97, 104 & 105, 116 & 117, 126 & 127, 130 & 131, 132 & 133, 134 & 135, 136 & 137, 138 & 139, 140 & 141. Ainsi les auteurs indiquent, voire insistent, que la localisation est essentielle dans cette histoire. Le lecteur peut considérer que Paris devient un personnage à part entière, ou plus simplement que le déroulement de ces événements est configuré par ces quartiers de Paris, qu’ils ne peuvent survenir qu’en ces lieux. La narration visuelle s’avère des plus agréables : des dessins réalisés en couleur directe, y compris les traits de contour. L’artiste met en œuvre une forme de simplification dans la représentation des personnages et des décors, tout en conservant une forte densité d’informations visuelles. Le scénariste a pris soin de varier les lieux et les situations, et le dessinateur utilise ses compétences de metteur en scène pour diriger ses personnages de manière naturaliste, sachant transmettre leurs émotions par leur expressions faciales, montrant leurs petits gestes et les activités auxquelles ils se livrent tout en discutant, en délivrant des informations, en échangeant des points de vue. Ainsi les images insufflent une vie aux personnages, les font se comporter en adulte, les montrent évoluant dans leur environnement habituel, faisant apparaître leur personnalité et leur caractère, ce qui rend leurs réactions et leur comportement compréhensibles. Ce qui rend également compte de l’animation des rues de Paris, et ce qui rend concret les limites de l’exercice du métier de reporter tel que l’exige le rédacteur-en-chef. L’intérêt du lecteur est ainsi éveillé pour les différents thèmes abordés. Au vu du titre et de la couverture, il s’attend au développement des aspects les moins reluisants de la presse à sensation… dès cette époque, en ce tout début du vingtième siècle. Il voit à l’œuvre des mécanismes toujours d’actualité, tels que la course au scoop, le nombre limité de sources d’informations pour les journaux en grand nombre, les techniques pour rendre chaque bribe d’information plus sensationnelle, dans le seul but d’augmenter les ventes, c’est-à-dire le chiffre d’affaires et le profit. Valentin fait observer au Père Lachaise que : il y a beau temps que les journaux ont renoncé à éduquer le peuple, que les annonces pour les pilules revigorantes ont autant de valeur que les débats politiques, et que d’ailleurs, souvent on ne distingue même pas les informations des annonces. Toute ressemblance avec le temps présent… Il serait aussi possible de rajouter la propension contemporaine à se placer dans le registre de l’opinion orientée, plutôt que dans le registre du journalisme. Éventuellement, le lecteur peut assouvir sa curiosité en allant chercher des informations complémentaires sur l’affaire Soleilland, sur l’affaire Menseclou, et sur l’affaire Troppmann. Il va également se renseigner plus avant pour comprendre le choix orthographique de Ba-ta-clan (avec des tirets entre chaque syllabe). En fonction de sa culture, il découvre l’existence du mouvement abolitionniste de la peine de mort à cette époque, la parade aux exécutions employée par le président de la République, la contre-parade mise en œuvre par les rétentionnistes, la politisation de l’affaire Soleilland dans cet enjeu. La belle époque du fait divers : un beau rapprochement entre la Belle Époque et la presse à sensation. La narration visuelle s’avère impeccable, de très belles reconstitutions du Paris d’époque, une façon discrète et sophistiquée de rendre compte de l’activité quotidienne dans la rue. Le scénario peut prendre au dépourvu au départ selon les attentes du lecteur. Le récit met en scène le développement des techniques de la chasse au scoop, y compris l’écriture orientée pour gonfler de maigres informations, dans le contexte d’un mouvement d’abolition de la peine de mort. Une reconstitution intéressante et enrichissante, mettant en lumière des constantes dans l’exercice du journalisme à sensation.

11/03/2025 (modifier)