Entre neige et loup est un gentil conte, joliment illustré et fortement influencé par la culture asiatique. Il ne développe pas vraiment de morale et son histoire est cousue de fil blanc même si la part d’ombre d’un des personnages permet d’apporter un peu de noirceur à cet univers.
En gros, une île isolée du monde, un hiver perpétuel, une gamine et son papa, une maman absente, des amis animaux (deux grenouilles et un chat) : l’héroïne va braver la neige pour partir à la recherche de son papa, disparu lors d’une sortie en mer et, chemin faisant, va explorer l’île, retrouver des souvenirs enfouis et se découvrir un don. Tout finit bien dans une scène de grand pardon. On y aborde des thèmes comme le respect de la parole donnée, la filiation ou encore la peur de l’inconnu mais sans que ces thèmes ne donnent lieu à une leçon de vie. La scénariste insiste sur l'aspect poétique de son récit, sans vraiment me convaincre : ses haiku me semblent trop énigmatiques pour atteindre un jeune public (cible première de ce livre) et leur sonorité ne m'a pas spécialement séduit.
Je n’ai pas été ébloui, je n’ai pas été déçu. Ça se laisse lire mais ça n’aura pas réussi à me marquer. Pas mal sans plus.
PS : cet album s'inscrit dans le même univers que D'Ambre et de Feu, des mêmes auteures, mais se lit de manière totalement indépendante.
Le merci à Calcal se confirme. J'avais manqué l'avis de Noir Desir mais vu celui de Calcal, très justement mis en avis de la semaine. Heureusement que BDTheque existe, je serais passé à côté.
Les planches visibles ici m'avaient intrigué, si en plus le scénario suit... Et c'est le cas. C’est dense, bien ficelé, et visuellement saisissant. On suit Marv, ancien inventeur qui a tout perdu, relégué à un boulot de livreur dans une société dystopique où la frontière entre les nantis et les déclassés semble infranchissable. La mission paraît simple : remettre une lettre à Olympe, épouse du tout-puissant Carlus Traitruss. Mais ce qui devait être un simple aller-retour se transforme en un parcours du combattant dans une usine labyrinthique où chaque détour amène dans un nouvel environnement kafkaïen.
Dalin signe tout – scénario, dessin et couleurs, et ca aussi c'est impressionnant. Ce qui frappe en premier, c’est la mise en page, à la fois créative et exigeante. On est parfois un peu perdu, surtout au début : les doubles pages qui s’étirent sur plusieurs temps différents surprennent, mais ce n’est clairement pas de l’innovation pour l’innovation. Il y a du sens derrière ces choix. Chaque composition participe à l’atmosphère de cet univers mécanique et oppressant, un peu à la Horologiom. Certaines pages sont de vraies claques graphiques par la précision des détails, la créativité de l'univers et la richesse de la palette de couleurs.
Le scénario tient la route, ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce genre d’univers visuellement ambitieux. Ici, l’histoire avance avec des révélations progressives, un mystère bien dosé et des personnages qui prennent corps. Les dialogues sont ciselés, et les non-dits entre Marv et Olympe donnent une profondeur inattendue à cette intrigue qui pourrait sembler classique sur le papier. L’usine devient presque un personnage à part entière, écrasante, hostile, et symbolique de toutes les barrières sociales que Marv n’a jamais réussi à franchir.
Jean Dalin livre une œuvre qui mélange réflexion sociale, créativité graphique et un récit prenant. L’ambiance, les surprises et cette façon de jouer avec la narration créent quelque chose de nouveau et solide à la fois. Je commence par un 4/5 en attendant le 2e tome, compliqué de dire qu'une oeuvre est culte avant d'en avoir lu l'intégrale. Bravo M. Dalin et encore merci aux précédents aviseurs.
Ah mais qu’est-ce qu’elle est bien cette BD ! Tout est bon, scénar, dessins, personnages, ambiance… et tout cela sans souffrir de faiblesse majeure.
Le dessin apparait dans la « simple » expression du noir et blanc. Il est très maitrisé, retranscrit parfaitement les postures, traduit bien les expressions. On aimera (ou pas) la manière dont il représente les scènes nocturnes, mais en ce qui me concerne, j’ai trouvé ça bien vu. Les rares cases colorisées le sont avec des couleurs choisies qui s’accordent ensemble de manière à nous plonger dans les années 60.
Le scénario file droit et s’ancre fortement dans le réel, ce qui permet à Nicolas Spitz de créer des personnages forts et empathiques, et d’assoir la crédibilité de l’ensemble. Certes, il s’agit d’une adaptation littéraire, mais à tout le moins, le travail est réussi. Le lecteur est réellement aux côtés des personnages, dans une petite ville minable des Etats-Unis à la fin des années 60. C’est aussi réussi que dans le génial film de Rob Reiner Stand By Me. J'ajoute qu'il est largement fait mention de Jean-Jacques Audibon, or j'adore justement son travail sur les oiseaux. Le travail d'une vie !
Les personnages sont travaillés. La plupart du temps, ils échappent à ce manichéisme souvent si préjudiciable dans les histoires, à part peut-être le personnage du père qui concentre toute la détestation que le lecteur pourra ressentir.
Quant à l’aspect historique, c’est encore une fois quelque chose de soigné. En outre, le choix d’avoir arc-bouté cette histoire entre la désillusion du Viêt-Nam et l’espoir qu’a pu représenté le premier pas sur la Lune est tout à fait judicieux.
Sans nécessairement être un coup de cœur, Jusqu’ici tout va bien est une excellente BD, solide et sans défaut, qui plaira aux ados comme aux adultes, car il serait dommage de la cantonner à un jeune public. Ça ne l'empêchera pas de figurer dans ma liste des meilleures titres de l'année.
L’événement deviendra célèbre en tant qu’exposition du vide.
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Ce tome contient une biographie d’Yves Klein (1928-1962), artiste plasticien, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de son œuvre. L’édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Julian Voloj pour le scénario, par Wagner Willian pour les dessins et les couleurs, la traduction étant de Laure Picard-Philippon. Il comprend cent-vingt-cinq pages de bande dessinées, en noir & blanc, avec des touches de couleur, essentiellement de bleu. Il se termine par un dossier de dix pages, une chronologie consacrée à l’artiste.
Un homme en costume noir marche résolument à travers la double page blanche. Il traverse la page de gauche, puis celle de droite. Arrivé au bord extrême droit, il le saisit à deux mains et déchire la feuille. Derrière apparaît du bleu. Il continue de déchirer la page en s’y prenant à deux mains. Il déchire entièrement la page et se tient devant ainsi devant le bleu mis à nu en s’exclamant qu’il doit libérer la prison de la ligne. Nice, France. Yves Klein naît le 28 avril 1928. Ses parents, Fred et Marie, sont tous deux peintres. Sa mère, Marie Raymond, est une figure de proue du mouvement de l’Art Informel. Elle crée des œuvres abstraites et est célèbre pour sa méthode d’improvisation et sa technique hautement gestuelle. Son père, Fred Klein, peint des personnages et des paysages caractéristiques du postimpressionnisme. Bien qu’Yves grandisse au sein d’une famille très créative, il ne reçoit pas vraiment d’enseignement artistique. Le petit Yves plonge les mains dans la peinture et barbouille le mur, sous le regard amusé de ses parents. Ils déménagent à Paris alors qu’Yves est encore très jeune. Ils y vivent une vie de bohème, en esprits libres. La famille passe les mois d’été avec des amis artistes à Cagnes-sur-Mer, où Yves est laissé à la garde de sa tante Rose, la sœur de Marie. Tante Rose, divorcée et sans enfant, est une fervente catholique. Elle l’inscrit dans une école privée pour essayer de lui apporter un cadre.
Paradoxalement, la seconde guerre mondiale apporte un semblant d’équilibre dans l’existence d’Yves. Ses parents s’installent dans le sud de la France, où ils vivent une vraie vie de famille pendant la plus grande partie de la guerre. Ils jouent aux pirates avec ses copains. À l’adolescence, Yves se découvre une passion pour le Judo. Au club de judo, il rencontre Claude Pascal, un poète, et Armand Fernandez, qui deviendra plus tard le célèbre peintre Arman. Après une séance d’entraînement, les trois jeunes hommes discutent entre eux : ils décident d’aller à la plage. Assis sur le sable, regardant la mer, ils décident de se partager le monde : l’un prend l’air qu’on respire, l’autre régnera sur la Terre et ses richesses. Yves décide que le ciel et son infini lui reviennent. Ils s’allongent sur le sable : Yves contemple le ciel et il s’imagine écrire son prénom sur le bleu du ciel, avec le blanc des nuages. Mais voilà qu’un vol de mouettes vient tout déchirer et mélanger. Yves se lamente à haute voix que les oiseaux détruisent son chef d’œuvre, et il agite les bras pour les faire fuir, sous les rires de ses deux amis.
Le lecteur apprécie de suite le mode narratif choisi par les auteurs : des dessins avec un degré de simplification qui les rend immédiatement lisibles pour l’œil. Des formes discrètement arrondies, une densité d’informations visuelles très mesurée par case, régulièrement des pages avec deux ou trois cases, des dessins en pleine page ou en double page, beaucoup place laissée au blanc de la feuille : une lecture aérée et aisée, jolie et agréable. Le narrateur omniscient égraine un à un les faits marquants de la vie de l’artiste, en toute simplicité et avec toute l’évidence de l’effet rétroactif généré par la connaissance de ce qu’il est advenu de Klein, jusqu’à sa mort. Les auteurs conservent une forme de distance par rapport à leur sujet : peu de moments d’intimité, peu de dialogues, pas de monologue explicatif, pas de flux de pensées. Les dessins respectent également cette forme de distance : une belle silhouette sans forme de romantisme, une expressivité de type naturaliste avec une petite poignée d’exagération pour un effet discrètement comique. Entre les nuances de gris, il y a l’usage ponctuel de la couleur. Le lecteur se focalise sur les nuances de bleu, leur apparition, leur fonction dans la narration, figurative pour la mer ou le ciel ou conceptuelle pour une œuvre d’art. L’effet de surprise est ainsi maximalisé quand une autre couleur surgit au détour d’une page tournée, soit pour une autre expérience de l’artiste, soit pour un effet comme celui d’un baiser entre Yves et son épouse Rotraut Uecker.
Une entrée en la matière qui brise le quatrième mur et une convention majeure de la bande dessinée : Yves Klein se retourne vers le lecteur pour expliciter son intention (Libérer la couleur de la ligne) et le personnage déchire la page pour montrer ce qu’il y a derrière. Puis tout rentre en ordre : des cases rectangulaires alignées, un commentaire explicatif, des phylactères, des personnages, la représentation des lieux. Dès la page suivante, la notion de case a disparu au profit de deux dessins juxtaposés en décalage, chacun agrémenté d’une reproduction de l’artiste correspondant, la mère, puis le père. Le lecteur se retrouve en alerte, enclin à relever l’usage de dispositifs bédéiques qui sortent d’une mise en forme académique. En effet, page vingt-huit, la tête d’Yves dépasse de la case pour déborder sur celle du dessus, et il en va de même pour son corps en pleine prise de judo qui déborde sur la rangée supérieure. La mise en page est pensée sur les planches en vis-à-vis, trente-quatre & trente-cinq, avec deux cases de la hauteur de la page, et le doigt d’Yves qui dessine directement avec le blanc des nuages sur le bleu du ciel. Page trente-huit et trente-neuf, c’est une portée qui se déploie en arabesque d’une page à l’autre en vis-à-vis, et Yves qui intervient directement pour en resserrer les lignes en un endroit, y écrire une note (mais en lettres) à un autre. D’ailleurs en page quarante, il tient à bout de bras les mots Ré majeur, entre ses mains. Page quarante-trois, il applique des taches de peinture, et c’est la planche elle-même qui est tachée, par-dessus les dessins dans les cases. Page quarante-sept, des lettres flottent entre les invités d’un vernissage, formant l’expression : Le fils de Marie, comme une rumeur circulant d’un invité à l’autre. Page quatre-vingt-cinq, une petite silhouette d’Yves marche à la surface d’une mappemonde, bleue forcément. Le dessinateur joue également avec la couleur bleue qui s’invite dans des formes significatives ou révélatrices, qui remplit progressivement une silhouette au fil des cases, etc.
Les auteurs savent donc utiliser les possibilités graphiques de la bande dessinée pour montrer des concepts ou des émotions, plutôt que de les expliciter par les mots en commentaire ou dans des dialogues. En cela, ils adoptent une démarche similaire à celle de l’artiste : conceptuelle. Pour autant, ils exposent bien les principaux événements de sa vie, en respectant scrupuleusement un ordre chronologique. 1928 : naissance d’Yves Klein, puis son enfance avec ses parents, et les séjours au bord de la mer chez sa tante Rose. Jeux sur la plage avec ses amis. Apprentissage du judo. 1948 : création de sa symphonie monotone silence. Apprentissage du métier chez l’encadreur Robert Savage. 22 août 1952 : départ pour la Japon. Retour en France, et choix d’un métier. Invention du bleu plus bleu avec l’aide des laboratoires Rhône-Poulenc, et dépôt de sa marque IKB. Avril 1958 : exposition à la galerie Iris Clert, et inauguration avec l’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, surnommée l’Exposition du vide. Rencontre avec Rotraut Uecker. Etc. La forme de l’autobiographie est respectée à la lettre.
Quant à l’esprit, il appartient aux auteurs de choisir un point de vue : il peut être factuel avec un degré de précision plus ou moins maniaque en fonction du niveau de détail et de la pagination, ou il peut être orienté, c’est-à-dire à partir d’un point de vue politique, social ou artistique. Les auteurs adoptent une narration très C’est comme ça : Yves Klein suit sa trajectoire de vie, implacable, sans surprise, sans écart, sans doute. Il ne s’agit pas tant d’une destinée à accomplir ou prophétisée, que plutôt d’une vie toute tracée. Le lecteur remarque que l’artiste bénéficie d’une aisance matérielle tout du long de sa vie, grâce à ses parents, puis par l’argent de sa tante, puis par les revenus générés par ses productions artistiques. Ce qui intéresse les auteurs et ce qu’ils mettent en scène s’apparentent à une recherche et une explication de la démarche d’artiste d’Yves Klein et de ce qui l’a nourrie. En fonction du doigté des auteurs, cela peut apparaître très mécanique, faisant fi des complexités de l’être humain, et de l’intrication de la ramure de l’arbre des causes, ou plus élégant avec uniquement des pistes plutôt que des certitudes. La démarche de Voloj & Willian correspond à la deuxième manière de faire. Ils rapprochent des similitudes, laissant le lecteur se faire sa propre opinion quant au degré de force dans la relation de cause à effet. Par exemple, ils évoquent le fait que Klein est un judoka ceinture noire 2e dan. L’atteinte de ce niveau induit une pratique régulière et rigoureuse des katas, un mouvement chorégraphié qui doit être mémorisé et parfaitement réalisé par le judoka. Cette pratique fait partie de la vie d’Yves Klein : elle a donc eu une incidence sur sa façon de penser, sur ses habitudes physiques et intellectuelles. Le lecteur reste libre de choisir ce qu’il estime être raisonnable comme conséquence sur la conception et la pratique de l’art développée par Yves Klein.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’IKB ? les auteurs réalisent une bande dessinée très accessible, à la lecture facile et simple. L’artiste combine une lecture évidente avec des effets de bande dessinée travaillés, lui offrant toute la liberté nécessaire à mettre en scène la démarche artistique conceptuelle d’Yves Klein. Le scénariste déroule linéairement la vie de l’artiste, notant en passant des influences culturelles propices à sa démarche. Une fois la dernière page tournée, le lecteur en ressort avec une idée claire des œuvres de l’artiste et de leur caractère innovant, ainsi qu’avec des pistes de réflexion sur ce qui a nourri sa démarche si singulière. Mission accomplie.
2.5
J'ai été un peu déçu par ce documentaire dont j'attendais peut-être un peu trop vu que j'aime bien les documentaires qui tournent autour de la religion.
Je n'ai pas eu l'impression d'avoir appris grand chose de nouveau. Il faut dire que c'est surtout centré sur l'occident et les religions non-occidentales qu'on met en avant sont surtout des religions dont je connaissais déjà la genèse comme la mythologie égyptienne et l'Islam. Malgré tout, ce n'est pas nécessairement un défaut parce que l'album aurait pu être une bonne synthèse sur la religion au travers les siècles, un bon outil pour ceux qui n'ont pas envie de lire des dizaines de livres d'histoire. Sauf que je trouve que la narration manque de fluidité et j'ai eu un peu de difficulté à finir l'album, alors que le sujet me passionne. L'humour ne fonctionne pas sur moi.
En gros, un documentaire avec des informations intéressantes, mais présenté de manière peu captivante. Le dessin est pas mal.
J’ai beaucoup aimé l’histoire d’Axel et de son groupe, Perkeros. Ce mélange de musique, d’amitié et de magie est vraiment original. L’idée que la musique peut avoir des pouvoirs surnaturels m’a tout de suite intrigué. L’intrigue avance bien, avec des moments drôles, émouvants et parfois surprenants. On suit Axel dans sa lutte contre ses doutes, mais aussi dans sa quête pour unir son groupe. La touche fantastique, avec les pouvoirs magiques de la musique, donne une belle profondeur au récit. On se sent transporté dans cet univers où tout peut arriver.
Perkeros parle de musique, bien sûr, mais aussi d’amitié, de confiance en soi et de dépassement de ses peurs. J’ai trouvé le sujet du bégaiement d’Axel très bien traité : on sent à quel point cela le freine, mais aussi comment il apprend à en faire une force grâce à son amour pour la musique. Les liens entre les membres du groupe montrent bien les hauts et les bas qu’on peut rencontrer en travaillant en équipe. Et le mélange entre le quotidien (comme les répétitions, les relations de couple ou la recherche de succès) et le surnaturel (avec la magie de la musique) rend le tout encore plus passionnant.
Chaque personnage est unique et apporte quelque chose de spécial. Axel, avec ses doutes et son évolution, est un héros attachant. J’ai adoré Lily, la claviériste débrouillarde, et Kervinen, le bassiste complètement perché. Et que dire d’Aydin, avec sa voix incroyable et son histoire touchante ? Même le batteur-ours, complètement absurde, m’a fait sourire. Ces personnages sont tous différents, mais on sent une vraie énergie et une belle dynamique entre eux. Ça donne envie de faire partie du groupe, même avec tous leurs problèmes.
Les illustrations sont magnifiques. Elles sont pleines d’énergie et donnent vraiment vie à la musique et à l’univers du groupe. Les scènes où la magie et la musique se rencontrent sont impressionnantes : on ressent presque le son à travers les pages ! Le style est à mi-chemin entre le comics et la BD franco-belge, ce qui est très original. Les couleurs, les expressions des personnages, les décors… tout est soigné et agréable à regarder.
Etrange album, que je croyais au départ réservé à un jeune, voire très jeune public, mais qui passe la barrière de l’âge (même si cela cible prioritairement je pense les adolescents).
J’ai trouvé le récit original, et globalement intéressant, sur le fond comme sur la forme.
C’est une sorte de huis-clos, l’essentiel de l’action se déroulant dans et autour du sous-marin du capitaine Nemo (mais dans un lointain futur !). Outre Nemo, plusieurs robots, et surtout Arona, une gamine – qui devient une jeune femme à la fin – recueillie par Nemo. Elle serait la dernière survivante de l’humanité, qui a sombré – dans tous les sens du terme.
Nemo recueille, éduque Arona, pour qui il se prend d’affection, au point d’envisager qu’elle prenne sa succession à la tête du Nautilus. Les discussions entre Nemo et Arona sont l’occasion de questionnements philosophiques parfois, en particulier à propos de la fin des civilisations. C’est aussi l’occasion d’évoquer des problèmes contemporains (la soif de puissance, la pollution, etc.).
Malgré l’absence d’action, on ne s’ennuie pas, la narration est fluide et agréable.
Mais c’est aussi que le travail graphique de Juni Ba (auteur que je découvre avec cet album) est très sympathique. Le style est assez épuré, presque stylisé parfois, avec une colorisation que j’ai elle aussi appréciée.
Bref, un album tout public, avant surtout destiné aux ados, mais que j’ai trouvé plaisant à lire.
Note réelle 3,5/5.
Istin (créateur de l’univers) et Jarry, se retrouvent ici sur une nouvelle série Fantasy. La principale surprise est ne pas les retrouver chez Soleil ! Car, pour le reste, les amateurs de leurs créations vont se retrouver en terrain très familier.
La série semble prévue en cinq tomes (mais on peut tout à fait imaginer les connaissant que ça ne soit qu’un premier cycle, si le succès est au rendez-vous !).
Jarry est un vieux routier, il connait son affaire, et donc l’univers développé avec Istin est suffisamment riche pour y insérer moult intrigues, tout en restant quand même dans quelque chose de bien balisé. La carte du monde telle que présentée dans les doubles pages de garde est ainsi très classique pour le genre. J’aurais à son propos deux petites remarques à faire : je n’y ai pas trouvé la ville – pourtant importante semble-t-il – de Djaname’Syrt où démarre l’intrigue. Et sur une carte, ce sont des golfes, et non des golfs qui devraient apparaitre (merci la relecture !).
J’ai lu le premier tome (seul disponible dans ma médiathèque – je découvre d’ailleurs en l’avisant qu’un deuxième vient juste de paraitre). Disons que ça se laisse lire, c’est rythmé. Mais il manque pour le moment des surprises, quelque chose qui ferait sortir cette série de la masse des productions du genre, et de ces auteurs, qui, s’ils ne placent pas ici nains, orcs, elfes et autres créatures fantasy, restent un peu trop à mon goût dans leur zone de confort, et surtout dans un certain déjà vu pour le lecteur.
Le dessin est globalement bon, mais irrégulier, et pas exempt de défauts pour les personnages. La colorisation est agréable, et adaptée à un univers et à des péripéties assez sombres.
A voir ce que ça donnera par la suite. Mais pour le moment, malgré un premier tome relativement bien construit, je reste un peu sur ma faim.
J’ai rarement été convaincu par le mélange de western et de fantastique. Et ici, l’apport du fantastique ne m’a pas convaincu. Mais ça n’est pas la seule chose à m’avoir gêné.
Les scénaristes installent leur intrigue au cœur de la guerre de Sécession. Un contexte déjà pas mal utilisé ailleurs. Mais ça a au moins le mérite de dramatiser immédiatement l’histoire.
Hélas, je n’ai pas été convaincu – ni intéressé outre mesure – par cette histoire. Qui se révèle assez rapidement un empilement d’action et de protagonistes.
Car, aux Nordistes et Confédérés s’ajoutent une improbable mission scientifique en plein territoire Choctaws hostile (ces derniers sont alliés des Confédérés, mais ceux-ci leur tirent dessus). Comme ça ne semblait pas suffire, les scénaristes ajoutent dans le deuxième tome des Cherokees hostiles aux Choctaws et alliés des Nordistes (j’avais oublié de signaler que les Nordistes peuvent aussi se diviser entre racistes et troupes noires), une deuxième expédition scientifique venant en renfort (mais trahie par ses guides). On peut ajouter la guide de la première expédition qui semble destinée après avoir disparu à jouer un rôle dans le dernier tome, et une Noire esclave des Choctaws libérée par des Nordistes eux-mêmes noirs mais ne lui faisant pas confiance.
L’intrigue se débat au milieu des luttes, coups de feu et autres entourloupes entre tous ces groupes (chacun étant en plus traversé par de fortes dissensions !).
Bon, déjà, c’est un peu indigeste. Mais à partir du dernier tiers du premier tome, et davantage dans le suivant, interviennent des « géants », sorte de peuple antérieur aux Amérindiens, qui massacrent indifféremment tous ceux qui les approchent. Tout ça n’est clairement pas ma came !
Bref, les amateurs de n’importe quoi habillé en western s’amuseront peut-être de cette série, mais ce gloubiboulga indigeste ne m’a pas convaincu de m’intéresser au tome suivant, censé conclure une série qui m’a laissé de côté.
J’ai un peu le même ressenti que Yann135 après lecture de cet album, qui ne m’a pas vraiment captivé.
L’intrigue est assez légère, voire creuse, manque d’aspérités. En fait c’est très linéaire : un type sort faire du jogging en forêt, est ensuite poursuivi jusqu’à la nuit par un motard (cette course-poursuite occupe plus de la moitié de l’album, tout en étant un chouia mollassonne). Le joggeur se demande qui est ce mystérieux agresseur. Nous aussi (puisque c’est le seul intérêt de l’histoire), même si la réponse se laisse deviner quand même bien avant la révélation. Et que la suite/chute est quelconque (et pour le coup décevante et pas dans le ton de ce qui avait précédé). Le happy-end est ici trop décalé par rapport au reste, et renforce in fine l’impression de mollesse de l’ensemble .
Rien dans le dessin (lisible, mais pas ma came) ou le scénario pour me rendre intéressante une intrigue assez faible, qui n’a pas non plus su jouer sur une montée d’angoisse à la Hitchcock ou comme Spielberg avait su le faire dans « Duel ».
Ça se laisse globalement lire, mais je suis clairement resté sur ma faim.
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Entre Neige et Loup
Entre neige et loup est un gentil conte, joliment illustré et fortement influencé par la culture asiatique. Il ne développe pas vraiment de morale et son histoire est cousue de fil blanc même si la part d’ombre d’un des personnages permet d’apporter un peu de noirceur à cet univers. En gros, une île isolée du monde, un hiver perpétuel, une gamine et son papa, une maman absente, des amis animaux (deux grenouilles et un chat) : l’héroïne va braver la neige pour partir à la recherche de son papa, disparu lors d’une sortie en mer et, chemin faisant, va explorer l’île, retrouver des souvenirs enfouis et se découvrir un don. Tout finit bien dans une scène de grand pardon. On y aborde des thèmes comme le respect de la parole donnée, la filiation ou encore la peur de l’inconnu mais sans que ces thèmes ne donnent lieu à une leçon de vie. La scénariste insiste sur l'aspect poétique de son récit, sans vraiment me convaincre : ses haiku me semblent trop énigmatiques pour atteindre un jeune public (cible première de ce livre) et leur sonorité ne m'a pas spécialement séduit. Je n’ai pas été ébloui, je n’ai pas été déçu. Ça se laisse lire mais ça n’aura pas réussi à me marquer. Pas mal sans plus. PS : cet album s'inscrit dans le même univers que D'Ambre et de Feu, des mêmes auteures, mais se lit de manière totalement indépendante.
La Trahison d'Olympe
Le merci à Calcal se confirme. J'avais manqué l'avis de Noir Desir mais vu celui de Calcal, très justement mis en avis de la semaine. Heureusement que BDTheque existe, je serais passé à côté. Les planches visibles ici m'avaient intrigué, si en plus le scénario suit... Et c'est le cas. C’est dense, bien ficelé, et visuellement saisissant. On suit Marv, ancien inventeur qui a tout perdu, relégué à un boulot de livreur dans une société dystopique où la frontière entre les nantis et les déclassés semble infranchissable. La mission paraît simple : remettre une lettre à Olympe, épouse du tout-puissant Carlus Traitruss. Mais ce qui devait être un simple aller-retour se transforme en un parcours du combattant dans une usine labyrinthique où chaque détour amène dans un nouvel environnement kafkaïen. Dalin signe tout – scénario, dessin et couleurs, et ca aussi c'est impressionnant. Ce qui frappe en premier, c’est la mise en page, à la fois créative et exigeante. On est parfois un peu perdu, surtout au début : les doubles pages qui s’étirent sur plusieurs temps différents surprennent, mais ce n’est clairement pas de l’innovation pour l’innovation. Il y a du sens derrière ces choix. Chaque composition participe à l’atmosphère de cet univers mécanique et oppressant, un peu à la Horologiom. Certaines pages sont de vraies claques graphiques par la précision des détails, la créativité de l'univers et la richesse de la palette de couleurs. Le scénario tient la route, ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce genre d’univers visuellement ambitieux. Ici, l’histoire avance avec des révélations progressives, un mystère bien dosé et des personnages qui prennent corps. Les dialogues sont ciselés, et les non-dits entre Marv et Olympe donnent une profondeur inattendue à cette intrigue qui pourrait sembler classique sur le papier. L’usine devient presque un personnage à part entière, écrasante, hostile, et symbolique de toutes les barrières sociales que Marv n’a jamais réussi à franchir. Jean Dalin livre une œuvre qui mélange réflexion sociale, créativité graphique et un récit prenant. L’ambiance, les surprises et cette façon de jouer avec la narration créent quelque chose de nouveau et solide à la fois. Je commence par un 4/5 en attendant le 2e tome, compliqué de dire qu'une oeuvre est culte avant d'en avoir lu l'intégrale. Bravo M. Dalin et encore merci aux précédents aviseurs.
Jusqu'ici tout va bien (Pitz)
Ah mais qu’est-ce qu’elle est bien cette BD ! Tout est bon, scénar, dessins, personnages, ambiance… et tout cela sans souffrir de faiblesse majeure. Le dessin apparait dans la « simple » expression du noir et blanc. Il est très maitrisé, retranscrit parfaitement les postures, traduit bien les expressions. On aimera (ou pas) la manière dont il représente les scènes nocturnes, mais en ce qui me concerne, j’ai trouvé ça bien vu. Les rares cases colorisées le sont avec des couleurs choisies qui s’accordent ensemble de manière à nous plonger dans les années 60. Le scénario file droit et s’ancre fortement dans le réel, ce qui permet à Nicolas Spitz de créer des personnages forts et empathiques, et d’assoir la crédibilité de l’ensemble. Certes, il s’agit d’une adaptation littéraire, mais à tout le moins, le travail est réussi. Le lecteur est réellement aux côtés des personnages, dans une petite ville minable des Etats-Unis à la fin des années 60. C’est aussi réussi que dans le génial film de Rob Reiner Stand By Me. J'ajoute qu'il est largement fait mention de Jean-Jacques Audibon, or j'adore justement son travail sur les oiseaux. Le travail d'une vie ! Les personnages sont travaillés. La plupart du temps, ils échappent à ce manichéisme souvent si préjudiciable dans les histoires, à part peut-être le personnage du père qui concentre toute la détestation que le lecteur pourra ressentir. Quant à l’aspect historique, c’est encore une fois quelque chose de soigné. En outre, le choix d’avoir arc-bouté cette histoire entre la désillusion du Viêt-Nam et l’espoir qu’a pu représenté le premier pas sur la Lune est tout à fait judicieux. Sans nécessairement être un coup de cœur, Jusqu’ici tout va bien est une excellente BD, solide et sans défaut, qui plaira aux ados comme aux adultes, car il serait dommage de la cantonner à un jeune public. Ça ne l'empêchera pas de figurer dans ma liste des meilleures titres de l'année.
Yves Klein - Immersion
L’événement deviendra célèbre en tant qu’exposition du vide. - Ce tome contient une biographie d’Yves Klein (1928-1962), artiste plasticien, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de son œuvre. L’édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Julian Voloj pour le scénario, par Wagner Willian pour les dessins et les couleurs, la traduction étant de Laure Picard-Philippon. Il comprend cent-vingt-cinq pages de bande dessinées, en noir & blanc, avec des touches de couleur, essentiellement de bleu. Il se termine par un dossier de dix pages, une chronologie consacrée à l’artiste. Un homme en costume noir marche résolument à travers la double page blanche. Il traverse la page de gauche, puis celle de droite. Arrivé au bord extrême droit, il le saisit à deux mains et déchire la feuille. Derrière apparaît du bleu. Il continue de déchirer la page en s’y prenant à deux mains. Il déchire entièrement la page et se tient devant ainsi devant le bleu mis à nu en s’exclamant qu’il doit libérer la prison de la ligne. Nice, France. Yves Klein naît le 28 avril 1928. Ses parents, Fred et Marie, sont tous deux peintres. Sa mère, Marie Raymond, est une figure de proue du mouvement de l’Art Informel. Elle crée des œuvres abstraites et est célèbre pour sa méthode d’improvisation et sa technique hautement gestuelle. Son père, Fred Klein, peint des personnages et des paysages caractéristiques du postimpressionnisme. Bien qu’Yves grandisse au sein d’une famille très créative, il ne reçoit pas vraiment d’enseignement artistique. Le petit Yves plonge les mains dans la peinture et barbouille le mur, sous le regard amusé de ses parents. Ils déménagent à Paris alors qu’Yves est encore très jeune. Ils y vivent une vie de bohème, en esprits libres. La famille passe les mois d’été avec des amis artistes à Cagnes-sur-Mer, où Yves est laissé à la garde de sa tante Rose, la sœur de Marie. Tante Rose, divorcée et sans enfant, est une fervente catholique. Elle l’inscrit dans une école privée pour essayer de lui apporter un cadre. Paradoxalement, la seconde guerre mondiale apporte un semblant d’équilibre dans l’existence d’Yves. Ses parents s’installent dans le sud de la France, où ils vivent une vraie vie de famille pendant la plus grande partie de la guerre. Ils jouent aux pirates avec ses copains. À l’adolescence, Yves se découvre une passion pour le Judo. Au club de judo, il rencontre Claude Pascal, un poète, et Armand Fernandez, qui deviendra plus tard le célèbre peintre Arman. Après une séance d’entraînement, les trois jeunes hommes discutent entre eux : ils décident d’aller à la plage. Assis sur le sable, regardant la mer, ils décident de se partager le monde : l’un prend l’air qu’on respire, l’autre régnera sur la Terre et ses richesses. Yves décide que le ciel et son infini lui reviennent. Ils s’allongent sur le sable : Yves contemple le ciel et il s’imagine écrire son prénom sur le bleu du ciel, avec le blanc des nuages. Mais voilà qu’un vol de mouettes vient tout déchirer et mélanger. Yves se lamente à haute voix que les oiseaux détruisent son chef d’œuvre, et il agite les bras pour les faire fuir, sous les rires de ses deux amis. Le lecteur apprécie de suite le mode narratif choisi par les auteurs : des dessins avec un degré de simplification qui les rend immédiatement lisibles pour l’œil. Des formes discrètement arrondies, une densité d’informations visuelles très mesurée par case, régulièrement des pages avec deux ou trois cases, des dessins en pleine page ou en double page, beaucoup place laissée au blanc de la feuille : une lecture aérée et aisée, jolie et agréable. Le narrateur omniscient égraine un à un les faits marquants de la vie de l’artiste, en toute simplicité et avec toute l’évidence de l’effet rétroactif généré par la connaissance de ce qu’il est advenu de Klein, jusqu’à sa mort. Les auteurs conservent une forme de distance par rapport à leur sujet : peu de moments d’intimité, peu de dialogues, pas de monologue explicatif, pas de flux de pensées. Les dessins respectent également cette forme de distance : une belle silhouette sans forme de romantisme, une expressivité de type naturaliste avec une petite poignée d’exagération pour un effet discrètement comique. Entre les nuances de gris, il y a l’usage ponctuel de la couleur. Le lecteur se focalise sur les nuances de bleu, leur apparition, leur fonction dans la narration, figurative pour la mer ou le ciel ou conceptuelle pour une œuvre d’art. L’effet de surprise est ainsi maximalisé quand une autre couleur surgit au détour d’une page tournée, soit pour une autre expérience de l’artiste, soit pour un effet comme celui d’un baiser entre Yves et son épouse Rotraut Uecker. Une entrée en la matière qui brise le quatrième mur et une convention majeure de la bande dessinée : Yves Klein se retourne vers le lecteur pour expliciter son intention (Libérer la couleur de la ligne) et le personnage déchire la page pour montrer ce qu’il y a derrière. Puis tout rentre en ordre : des cases rectangulaires alignées, un commentaire explicatif, des phylactères, des personnages, la représentation des lieux. Dès la page suivante, la notion de case a disparu au profit de deux dessins juxtaposés en décalage, chacun agrémenté d’une reproduction de l’artiste correspondant, la mère, puis le père. Le lecteur se retrouve en alerte, enclin à relever l’usage de dispositifs bédéiques qui sortent d’une mise en forme académique. En effet, page vingt-huit, la tête d’Yves dépasse de la case pour déborder sur celle du dessus, et il en va de même pour son corps en pleine prise de judo qui déborde sur la rangée supérieure. La mise en page est pensée sur les planches en vis-à-vis, trente-quatre & trente-cinq, avec deux cases de la hauteur de la page, et le doigt d’Yves qui dessine directement avec le blanc des nuages sur le bleu du ciel. Page trente-huit et trente-neuf, c’est une portée qui se déploie en arabesque d’une page à l’autre en vis-à-vis, et Yves qui intervient directement pour en resserrer les lignes en un endroit, y écrire une note (mais en lettres) à un autre. D’ailleurs en page quarante, il tient à bout de bras les mots Ré majeur, entre ses mains. Page quarante-trois, il applique des taches de peinture, et c’est la planche elle-même qui est tachée, par-dessus les dessins dans les cases. Page quarante-sept, des lettres flottent entre les invités d’un vernissage, formant l’expression : Le fils de Marie, comme une rumeur circulant d’un invité à l’autre. Page quatre-vingt-cinq, une petite silhouette d’Yves marche à la surface d’une mappemonde, bleue forcément. Le dessinateur joue également avec la couleur bleue qui s’invite dans des formes significatives ou révélatrices, qui remplit progressivement une silhouette au fil des cases, etc. Les auteurs savent donc utiliser les possibilités graphiques de la bande dessinée pour montrer des concepts ou des émotions, plutôt que de les expliciter par les mots en commentaire ou dans des dialogues. En cela, ils adoptent une démarche similaire à celle de l’artiste : conceptuelle. Pour autant, ils exposent bien les principaux événements de sa vie, en respectant scrupuleusement un ordre chronologique. 1928 : naissance d’Yves Klein, puis son enfance avec ses parents, et les séjours au bord de la mer chez sa tante Rose. Jeux sur la plage avec ses amis. Apprentissage du judo. 1948 : création de sa symphonie monotone silence. Apprentissage du métier chez l’encadreur Robert Savage. 22 août 1952 : départ pour la Japon. Retour en France, et choix d’un métier. Invention du bleu plus bleu avec l’aide des laboratoires Rhône-Poulenc, et dépôt de sa marque IKB. Avril 1958 : exposition à la galerie Iris Clert, et inauguration avec l’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, surnommée l’Exposition du vide. Rencontre avec Rotraut Uecker. Etc. La forme de l’autobiographie est respectée à la lettre. Quant à l’esprit, il appartient aux auteurs de choisir un point de vue : il peut être factuel avec un degré de précision plus ou moins maniaque en fonction du niveau de détail et de la pagination, ou il peut être orienté, c’est-à-dire à partir d’un point de vue politique, social ou artistique. Les auteurs adoptent une narration très C’est comme ça : Yves Klein suit sa trajectoire de vie, implacable, sans surprise, sans écart, sans doute. Il ne s’agit pas tant d’une destinée à accomplir ou prophétisée, que plutôt d’une vie toute tracée. Le lecteur remarque que l’artiste bénéficie d’une aisance matérielle tout du long de sa vie, grâce à ses parents, puis par l’argent de sa tante, puis par les revenus générés par ses productions artistiques. Ce qui intéresse les auteurs et ce qu’ils mettent en scène s’apparentent à une recherche et une explication de la démarche d’artiste d’Yves Klein et de ce qui l’a nourrie. En fonction du doigté des auteurs, cela peut apparaître très mécanique, faisant fi des complexités de l’être humain, et de l’intrication de la ramure de l’arbre des causes, ou plus élégant avec uniquement des pistes plutôt que des certitudes. La démarche de Voloj & Willian correspond à la deuxième manière de faire. Ils rapprochent des similitudes, laissant le lecteur se faire sa propre opinion quant au degré de force dans la relation de cause à effet. Par exemple, ils évoquent le fait que Klein est un judoka ceinture noire 2e dan. L’atteinte de ce niveau induit une pratique régulière et rigoureuse des katas, un mouvement chorégraphié qui doit être mémorisé et parfaitement réalisé par le judoka. Cette pratique fait partie de la vie d’Yves Klein : elle a donc eu une incidence sur sa façon de penser, sur ses habitudes physiques et intellectuelles. Le lecteur reste libre de choisir ce qu’il estime être raisonnable comme conséquence sur la conception et la pratique de l’art développée par Yves Klein. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’IKB ? les auteurs réalisent une bande dessinée très accessible, à la lecture facile et simple. L’artiste combine une lecture évidente avec des effets de bande dessinée travaillés, lui offrant toute la liberté nécessaire à mettre en scène la démarche artistique conceptuelle d’Yves Klein. Le scénariste déroule linéairement la vie de l’artiste, notant en passant des influences culturelles propices à sa démarche. Une fois la dernière page tournée, le lecteur en ressort avec une idée claire des œuvres de l’artiste et de leur caractère innovant, ainsi qu’avec des pistes de réflexion sur ce qui a nourri sa démarche si singulière. Mission accomplie.
Sacré Dieu !
2.5 J'ai été un peu déçu par ce documentaire dont j'attendais peut-être un peu trop vu que j'aime bien les documentaires qui tournent autour de la religion. Je n'ai pas eu l'impression d'avoir appris grand chose de nouveau. Il faut dire que c'est surtout centré sur l'occident et les religions non-occidentales qu'on met en avant sont surtout des religions dont je connaissais déjà la genèse comme la mythologie égyptienne et l'Islam. Malgré tout, ce n'est pas nécessairement un défaut parce que l'album aurait pu être une bonne synthèse sur la religion au travers les siècles, un bon outil pour ceux qui n'ont pas envie de lire des dizaines de livres d'histoire. Sauf que je trouve que la narration manque de fluidité et j'ai eu un peu de difficulté à finir l'album, alors que le sujet me passionne. L'humour ne fonctionne pas sur moi. En gros, un documentaire avec des informations intéressantes, mais présenté de manière peu captivante. Le dessin est pas mal.
Perkeros - Les Notes fantômes
J’ai beaucoup aimé l’histoire d’Axel et de son groupe, Perkeros. Ce mélange de musique, d’amitié et de magie est vraiment original. L’idée que la musique peut avoir des pouvoirs surnaturels m’a tout de suite intrigué. L’intrigue avance bien, avec des moments drôles, émouvants et parfois surprenants. On suit Axel dans sa lutte contre ses doutes, mais aussi dans sa quête pour unir son groupe. La touche fantastique, avec les pouvoirs magiques de la musique, donne une belle profondeur au récit. On se sent transporté dans cet univers où tout peut arriver. Perkeros parle de musique, bien sûr, mais aussi d’amitié, de confiance en soi et de dépassement de ses peurs. J’ai trouvé le sujet du bégaiement d’Axel très bien traité : on sent à quel point cela le freine, mais aussi comment il apprend à en faire une force grâce à son amour pour la musique. Les liens entre les membres du groupe montrent bien les hauts et les bas qu’on peut rencontrer en travaillant en équipe. Et le mélange entre le quotidien (comme les répétitions, les relations de couple ou la recherche de succès) et le surnaturel (avec la magie de la musique) rend le tout encore plus passionnant. Chaque personnage est unique et apporte quelque chose de spécial. Axel, avec ses doutes et son évolution, est un héros attachant. J’ai adoré Lily, la claviériste débrouillarde, et Kervinen, le bassiste complètement perché. Et que dire d’Aydin, avec sa voix incroyable et son histoire touchante ? Même le batteur-ours, complètement absurde, m’a fait sourire. Ces personnages sont tous différents, mais on sent une vraie énergie et une belle dynamique entre eux. Ça donne envie de faire partie du groupe, même avec tous leurs problèmes. Les illustrations sont magnifiques. Elles sont pleines d’énergie et donnent vraiment vie à la musique et à l’univers du groupe. Les scènes où la magie et la musique se rencontrent sont impressionnantes : on ressent presque le son à travers les pages ! Le style est à mi-chemin entre le comics et la BD franco-belge, ce qui est très original. Les couleurs, les expressions des personnages, les décors… tout est soigné et agréable à regarder.
Mobilis - Ma vie avec le Capitaine Nemo
Etrange album, que je croyais au départ réservé à un jeune, voire très jeune public, mais qui passe la barrière de l’âge (même si cela cible prioritairement je pense les adolescents). J’ai trouvé le récit original, et globalement intéressant, sur le fond comme sur la forme. C’est une sorte de huis-clos, l’essentiel de l’action se déroulant dans et autour du sous-marin du capitaine Nemo (mais dans un lointain futur !). Outre Nemo, plusieurs robots, et surtout Arona, une gamine – qui devient une jeune femme à la fin – recueillie par Nemo. Elle serait la dernière survivante de l’humanité, qui a sombré – dans tous les sens du terme. Nemo recueille, éduque Arona, pour qui il se prend d’affection, au point d’envisager qu’elle prenne sa succession à la tête du Nautilus. Les discussions entre Nemo et Arona sont l’occasion de questionnements philosophiques parfois, en particulier à propos de la fin des civilisations. C’est aussi l’occasion d’évoquer des problèmes contemporains (la soif de puissance, la pollution, etc.). Malgré l’absence d’action, on ne s’ennuie pas, la narration est fluide et agréable. Mais c’est aussi que le travail graphique de Juni Ba (auteur que je découvre avec cet album) est très sympathique. Le style est assez épuré, presque stylisé parfois, avec une colorisation que j’ai elle aussi appréciée. Bref, un album tout public, avant surtout destiné aux ados, mais que j’ai trouvé plaisant à lire. Note réelle 3,5/5.
Empires
Istin (créateur de l’univers) et Jarry, se retrouvent ici sur une nouvelle série Fantasy. La principale surprise est ne pas les retrouver chez Soleil ! Car, pour le reste, les amateurs de leurs créations vont se retrouver en terrain très familier. La série semble prévue en cinq tomes (mais on peut tout à fait imaginer les connaissant que ça ne soit qu’un premier cycle, si le succès est au rendez-vous !). Jarry est un vieux routier, il connait son affaire, et donc l’univers développé avec Istin est suffisamment riche pour y insérer moult intrigues, tout en restant quand même dans quelque chose de bien balisé. La carte du monde telle que présentée dans les doubles pages de garde est ainsi très classique pour le genre. J’aurais à son propos deux petites remarques à faire : je n’y ai pas trouvé la ville – pourtant importante semble-t-il – de Djaname’Syrt où démarre l’intrigue. Et sur une carte, ce sont des golfes, et non des golfs qui devraient apparaitre (merci la relecture !). J’ai lu le premier tome (seul disponible dans ma médiathèque – je découvre d’ailleurs en l’avisant qu’un deuxième vient juste de paraitre). Disons que ça se laisse lire, c’est rythmé. Mais il manque pour le moment des surprises, quelque chose qui ferait sortir cette série de la masse des productions du genre, et de ces auteurs, qui, s’ils ne placent pas ici nains, orcs, elfes et autres créatures fantasy, restent un peu trop à mon goût dans leur zone de confort, et surtout dans un certain déjà vu pour le lecteur. Le dessin est globalement bon, mais irrégulier, et pas exempt de défauts pour les personnages. La colorisation est agréable, et adaptée à un univers et à des péripéties assez sombres. A voir ce que ça donnera par la suite. Mais pour le moment, malgré un premier tome relativement bien construit, je reste un peu sur ma faim.
Nephilims
J’ai rarement été convaincu par le mélange de western et de fantastique. Et ici, l’apport du fantastique ne m’a pas convaincu. Mais ça n’est pas la seule chose à m’avoir gêné. Les scénaristes installent leur intrigue au cœur de la guerre de Sécession. Un contexte déjà pas mal utilisé ailleurs. Mais ça a au moins le mérite de dramatiser immédiatement l’histoire. Hélas, je n’ai pas été convaincu – ni intéressé outre mesure – par cette histoire. Qui se révèle assez rapidement un empilement d’action et de protagonistes. Car, aux Nordistes et Confédérés s’ajoutent une improbable mission scientifique en plein territoire Choctaws hostile (ces derniers sont alliés des Confédérés, mais ceux-ci leur tirent dessus). Comme ça ne semblait pas suffire, les scénaristes ajoutent dans le deuxième tome des Cherokees hostiles aux Choctaws et alliés des Nordistes (j’avais oublié de signaler que les Nordistes peuvent aussi se diviser entre racistes et troupes noires), une deuxième expédition scientifique venant en renfort (mais trahie par ses guides). On peut ajouter la guide de la première expédition qui semble destinée après avoir disparu à jouer un rôle dans le dernier tome, et une Noire esclave des Choctaws libérée par des Nordistes eux-mêmes noirs mais ne lui faisant pas confiance. L’intrigue se débat au milieu des luttes, coups de feu et autres entourloupes entre tous ces groupes (chacun étant en plus traversé par de fortes dissensions !). Bon, déjà, c’est un peu indigeste. Mais à partir du dernier tiers du premier tome, et davantage dans le suivant, interviennent des « géants », sorte de peuple antérieur aux Amérindiens, qui massacrent indifféremment tous ceux qui les approchent. Tout ça n’est clairement pas ma came ! Bref, les amateurs de n’importe quoi habillé en western s’amuseront peut-être de cette série, mais ce gloubiboulga indigeste ne m’a pas convaincu de m’intéresser au tome suivant, censé conclure une série qui m’a laissé de côté.
Effet miroir
J’ai un peu le même ressenti que Yann135 après lecture de cet album, qui ne m’a pas vraiment captivé. L’intrigue est assez légère, voire creuse, manque d’aspérités. En fait c’est très linéaire : un type sort faire du jogging en forêt, est ensuite poursuivi jusqu’à la nuit par un motard (cette course-poursuite occupe plus de la moitié de l’album, tout en étant un chouia mollassonne). Le joggeur se demande qui est ce mystérieux agresseur. Nous aussi (puisque c’est le seul intérêt de l’histoire), même si la réponse se laisse deviner quand même bien avant la révélation. Et que la suite/chute est quelconque (et pour le coup décevante et pas dans le ton de ce qui avait précédé). Le happy-end est ici trop décalé par rapport au reste, et renforce in fine l’impression de mollesse de l’ensemble . Rien dans le dessin (lisible, mais pas ma came) ou le scénario pour me rendre intéressante une intrigue assez faible, qui n’a pas non plus su jouer sur une montée d’angoisse à la Hitchcock ou comme Spielberg avait su le faire dans « Duel ». Ça se laisse globalement lire, mais je suis clairement resté sur ma faim.