Je reste un peu sur ma faim avec cet album d’Horacio Altuna que je me suis procuré chez un bouquiniste durant le festival BD d’Angers. Pourtant au premier abord, avec des dessins particulièrement admirables - qui font penser à ceux de Manara - tout était réuni pour que cette bande dessinée soit une petite pépite oubliée.
Il est vrai que visuellement c’est magnifique … surtout les personnages féminins. Vais-je me régaler ? Pour ça il faut que l’histoire tienne la route. Et c’est là où le bât blesse !
L’histoire se résume à suivre un cameraman payé pour filmer des scènes sensationnelles pour une chaîne de télévision. Oui je le répète les dessins collent parfaitement à l’ambiance sombre et décadente de cette société où la violence et le voyeurisme sont au cœur des médias mais très vite le scénario s’essouffle après pourtant un départ sur les chapeaux de roues. Le rythme baisse en intensité et au final je me suis rapidement ennuyé, pas au point de ne pas finir ma lecture mais plutôt en survolant les dernières planches.
Cet album sans doute avant-gardiste à l’époque qui anticipe les dérives de la télé-réalité moderne peut plaire à vos petits yeux ébahis mais ne vous attendez pas cependant à une BD cultissime.
dessins = 4 / Histoire = 2
Je découvre Gaëlle Geniller avec Minuit passé. De toute évidence, il y a du boulot. L’autrice a apporté un soin tout particulier aux décors, ce que la colorisation tout à fait plaisante ne fait que souligner davantage tout en conférant une réelle ambiance. Tout cela fonctionne très bien : on est dans l’époque, on est dans l’Art Nouveau. Ajoutons que l’objet en lui-même renforce cette impression, de part notamment la tranche qui représente un décor floral vert du plus bel effet.
J’aime assez le trait même si je ne goute guère ces visages taillés à la serpe façon manga. Et que dire de ces nez pointus ? Question de goût, certes.
Quant au scénario, j’avoue l’avoir trouvé assez poussif, et la conclusion faiblarde. Tout ça pour ça ?
Mais ce sont surtout les personnages en eux-mêmes qui m’ont dérangé. En effet, je ne suis pas parvenu à les sentir, et pas un seul instant je n’ai cru à leur psychologie romantique doucereuse. C’est trop ! Trop gentil, trop béni-oui-oui. A mon sens, ce n’est pas parce qu’on donne dans le fantastique qu’il faut s’affranchir de toute crédibilité dans la construction des personnages.
Je salue donc le travail, l’ambiance forte et la beauté graphique, avec toutefois les quelques réserves évoquées, mais je n’irai pas plus loin.
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs.
Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy.
Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie.
Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5
Je n'ai pas accroché à cette chronique intimiste d'une maison d'étudiant(e)s au Japon. Presque 400 pages pour les états d'âmes de trois jeunes femmes venues perfectionner leur japonais ( mais qui parlent toujours en américain) c'est long. Il y donc de nombreux endroits où je me suis désintéressé des aléas sentimentaux ou du job de l'une ou l'autre.
Il faut noter que les dialogues où les jeunes femmes parlent en japonais sont dans les deux langues. C'est un avantage pour bien comprendre la situation due au langage mais cela prend de la place et conduit à des dialogues assez basiques.
Par contre j'ai apprécié le graphisme de Harmony Becker qui est très souple et bien expressif. L'autrice utilise différents styles pour bien faire ressortir la situation . Cela peut être très détaillé en semi réaliste ou alors utilisé un style plus manga avec des visages déformés. C'est un graphisme moderne qui devrait plaire aux ados. D'ailleurs à mes yeux la narration est surtout visuelle ce qui conduit à ce volumineux ouvrage. Les extérieurs sont peu nombreux mais quand ils existent ils sont soignés( tenues traditionnelles, quartier, nature fleurie)
Un petit 3 pour une lecture en pointillé qui ne m'a pas apporté.
Ça s’appelle l’égrégore. C’est hautement magique.
-
Ce tome est le second d’un diptyque : il fait suite à Tu n’as rien à craindre de moi (2016). Sa première édition date également de 2016. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins, et par Brigitte Findakly pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix pages de bande dessinée. Il commence par une page d’introduction rédigée par l’auteur sur l’importance de Salvador Dalí pour lui.
Deux individus sont en train de regarder et de commenter un tirage du tarot de Marseille. Ils échangent sur la fixation de l’un à propos des jumelles, sur les systèmes de pensée, sur le pouvoir des Américains, des Saoudiens ou des Qataris dans l’art contemporain, sur Romain Gary, sur les entretiens de Salvador Dalí avec Louis Pauwels, sur la façon dont Platon défendait le Logos par un recours paradoxal au mythe, etc. Sur une plage paradisiaque de sable blanc, Lior, une très belle femme, s’adresse à l’artiste pictural Seabearstein. Elle lui dit que ce qui le fait retourner en France n’a aucune logique. Lui-même entretient des doutes quant à sa décision de rentrer. Elle l’aide à faire son nœud de cravate. Il s’en va, et elle se rend compte qu’il lui manque… au bout de onze secondes. Elle croit qu’elle est vraiment amoureuse. Lui est arrivé à l’aéroport international de La Cucaracha, tirant sa valise à roulettes derrière lui, tout en fumant un cigare. Il prend place dans l’avion, et il sirote des cocktails. Il explique à l’hôtesse de l’air qu’aujourd’hui, pour une fois, un héros qui n’est pas américain va peut-être sauver la planète. Ce n’est pas lui, c’est Salvador Dalí. Derrière lui, deux autres voyageurs papotent en anglais, et évoquent des champignons hallucinogènes. L’artiste s’approche et ils lui en offrent un petit paquet.
Seabearstein sort de l’avion à Paris, sous la pluie. Il se parle à lui-même : ce truc qui le saisit lorsqu’on revient en France. Ce sentiment que son pays vit une sorte de malédiction depuis trente ans. L’imaginaire en panne, incapables d’aimer le monde actuel, ni d’être aimés par lui. Ne plus comprendre ni les échanges économiques ni les mouvements de population. Ne plus comprendre l’amour non plus. Comme si à force d’être coincés entre Nord et Sud, on était devenus complètement idiots. Voilà ce vide où est la France aujourd’hui. Par manque de génie. On manque de génie. Il évoque Jean Gabin dans le film Le président, avec l’agent de la douane, lui faisant observer qu’avec un tribun comme lui, le Front National n’aurait aucune chance, ce dont son interlocuteur n’a cure. Il prend un taxi-moto pour se rendre l’aéroport à Paris, et il discute religion avec le motard. Ce dernier estime que la religion donne des réponses à toutes les questions. L’artiste rétorque qu’il veut devenir chrétien apostolique et romain, épouser Gala une deuxième fois, selon le rite copte. Il décide de descendre de moto et de terminer le trajet à pied sous la pluie. Il rejoint le Centre Dalinien pour le Futur dont les bureaux se situent place Vendôme, abrités par la maison Schiaparelli. Il discute avec Farida Khela, et il écoute le projet qu’elle lui propose : ressusciter ou réveiller Dali qui est cryogénisé par une expérience consistant à passer quatre nuits dans un hôtel particulier avec quatre modèles nues.
Le lecteur retrouve Seabearstein, exilé dans une île paradisiaque à la fin du tom précédent, en compagnie de la magnifique Lior. Il rentre à Paris et il se voit confier une mission : réveiller Salvador Dalí (1904-1989) ou participer à sa résurrection en fonction du point de vue, en réalisant une session de dessins très particulière. L’enjeu est de sauver le monde, ou au moins la France d’un obscurantisme grandissant, par le retour de Dali en prophète non-religieux. Par contraste avec le tome précédent, celui-ci repose donc sur une intrigue, avec une mission dont l’objectif est défini, même si les modalités peuvent paraître floues. Le lecteur continue de voir en Seabearstein, un avatar de l’auteur dont le patronyme évoque une forme orthographique déformée de Cyber-stein. En effet les quatre modèles évoluent nues la plupart du temps, sauf Christel qui a choisi de porter un string avec l’accord de l’artiste. Il s’agit de quatre mannequins travaillant pour la haute couture, des maisons comme Yves Saint-Laurent ou Schiaparelli. En vis-à-vis de la page d’introduction de l’auteur, se trouve une photographie du peintre prise par Jean Gaumy, avec en arrière-plan quatre jeunes femmes nues. Alors que Seabearstein se trouve à assister à la préparation d’un défilé, il se fait la remarque qu’il n’y a aucune de ces modèles qu’il ait envie de voir nue. Il ne parvient pas à comprendre comment Farida Khelfa effectue ses castings : les filles trop sexy sont tout de suite éliminées. La haute couture, c’est l’anti-Pirelli. Il croit qu’elle garde les œuvres d’art sur pattes : des filles aux cartilages originaux, à la démarche inexplicable. Sfar les représente avec cette même vision : de grandes jeunes femmes, avec des os protubérants, parfois tout juste la peau sur les os, souples, conscientes de leur beauté, de très beaux yeux, des jambes interminables, des bras fins, de beaux cheveux. Le lecteur voit cette beauté plastique, sans pour autant qu’elle ne dégage d’érotisme.
Le lecteur fait connaissance avec les quatre mannequins dès la couverture, un moment qui se situe vers la fin du récit : la blonde Christel, les jumelles nommées uniquement par leur surnom Tweedle Dee & Tweedle Dum, et au centre Seabearstein avec Ylva derrière lui. L’auteur donne rapidement un soupçon de personnalité aux jumelles qui restent toutefois interchangeables, remplissant leur fonction d’incarnation vivante de la beauté. Ylva bénéficie d’une discussion en tête à tête avec Seabearstein le temps de deux pages (34 & 35), évoquant son habitude d’être en retard à elle, le songe de Jacob (épisode biblique du Livre de la Genèse). Ces éléments ne joueront pas de rôle significatif par la suite ; en revanche le dessinateur retranscrit avec justesse et amour les différents gestes et postures du mannequin, très sensuels. Le cas de Christel s’avère un peu différent : elle et lui ont été dans une relation amoureuse précédemment. Elle assure sa fonction de muse dénudée, avec un soupçon de résistance symbolique au processus en conservant son string, et en ayant un enjeu émotionnel vis-à-vis de l’artiste. Son rôle n’est pas cantonné à une fonction : elle porte un regard personnel sur l’artiste qui les représente.
Comme pour l’album précédent, le dessinateur fait preuve d’un degré élevé d’implication pour représenter les environnements, présents dans 95% des cases. Les caractéristiques de dessin restent les mêmes : des traits de contour très fins, un peu tremblés comme mal assurés, donnant une apparence parfois malhabile aux personnages et aux décors, voire froissée, tout en conservant un regard adulte dépourvu de naïveté. En dehors de l’hôtel particulier, l’artiste emmène le lecteur sur une plage paradisiaque, avec bungalow sur le sable, faire du surf sur les vagues, devant l’aéroport La Cucaracha, au guichet d’embarquement, dans les rangées de sièges de l’avion, dans un immeuble de la place Vendôme, dans ses sous-sols pour voir Dalí dans sa chambre de cryogénisation, dans les coulisses d’un défilé pour la maison Schiaparelli, dans les rues de Paris et dans le muséum d’Histoire naturelle. Il apporte également un grand soin à représenter les différentes pièces de l’hôtel particulier et leur décoration : la terrasse, le grand escalier avec ses tentures rouge et sa rambarde de bois, les parquets, les œuvres d’art, la chambre de Seabearstein, l’ascenseur, le jardin avec sa piscine, le salon avec ses canapés et ses fauteuils, la salle à manger. Sous des dehors griffonnés à la va-vite, Sfar représente cette habitation avec la même attention et la même affection qu’il porte aux modèles.
Dans son introduction, Joan Sfar explicite son intention. Il commence par indiquer que ce livre n’est que la retranscription d’une expérience réelle, vécue à Paris l’an dernier par quatre modèles et un dessinateur. Il n’indique pas si l’expérience menée était exactement identique à celle racontée. Le lecteur peut penser que la forme littéraire l’emporte sur la réalité : Seabearstein semble bien fonctionner comme un avatar de l’auteur, tout en n’étant pas exactement lui, puisqu’il est possible d’assimiler l’un des passagers de l’avion à un autre avatar plus proche physiquement de l’auteur. Dans le même temps, la référence à la pratique du dessin en tant qu’étudiant d’art lors de dissection de cadavres correspond bien à une expérience personnelle de Sfar. Ensuite, l’expérience qui doit participer au réveil de Dalí s’avère très compréhensible : reproduire ses tableaux par les poses des mannequins. Sfar indique que c’est par ce processus qu’il a pu saisir l’esprit de Dalí au-delà des simples images que constituent ses tableaux. L’objectif devient : ranimer l’esprit de Salvador Dalí chez l’artiste pour retrouver sa flamme, ses visions, son génie. Cette interprétation de la présente bande dessinée se trouve confortée par l’introduction de Sfar, et le tirage des cartes du tarot de Marseille, au début et à la fin de l’ouvrage. L’auteur écrit que : L’envie de sacré ne le prend pas tous les jours. Il a peu d’enthousiasme pour les rituels des religions consacrée ; il ressent le besoin de se barder de la mystique de grands artistes. Il s’agit pour lui de défendre les arts et la liberté qu’on attaque de plus en plus. Face au mur des Pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. Il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée. Dans la deuxième partie du tirage de cartes, l’un des deux personnages mentionne la Kabbale, une tradition ésotérique du judaïsme. L’enjeu pour l’auteur est bel et bien d’effectuer une expérience mystique lui permettant de faire l’expérience d’une révélation spirituelle sur l’ordre des choses, le sens de la vie. A-t-il réussi ?
Après lecture, il s’avère que le texte de quatrième de couverture synthétise bien la nature de cet ouvrage : Et si l’art était la seule alternative à la violence et à l’obscurantisme contemporain ? Et si seul Salvador Dalí, en prophète surréaliste pouvait en montrer le chemin ? Pour répondre à cette question, Joann Sfar raconte son étude des œuvres du peintre, par le biais d’une expérience entre réalité et fiction (dans une proportion impossible à déterminer) : un rituel entre spiritisme et reconstitution des œuvres du maître. Le lecteur ressort de cette bande dessinée avec l’envie irrépressible de découvrir l’œuvre de Salvador Dalí, avec ses propres moyens, un rituel d’acculturation à sa manière en fonction de ses moyens.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Imaginaire
Je reste un peu sur ma faim avec cet album d’Horacio Altuna que je me suis procuré chez un bouquiniste durant le festival BD d’Angers. Pourtant au premier abord, avec des dessins particulièrement admirables - qui font penser à ceux de Manara - tout était réuni pour que cette bande dessinée soit une petite pépite oubliée. Il est vrai que visuellement c’est magnifique … surtout les personnages féminins. Vais-je me régaler ? Pour ça il faut que l’histoire tienne la route. Et c’est là où le bât blesse ! L’histoire se résume à suivre un cameraman payé pour filmer des scènes sensationnelles pour une chaîne de télévision. Oui je le répète les dessins collent parfaitement à l’ambiance sombre et décadente de cette société où la violence et le voyeurisme sont au cœur des médias mais très vite le scénario s’essouffle après pourtant un départ sur les chapeaux de roues. Le rythme baisse en intensité et au final je me suis rapidement ennuyé, pas au point de ne pas finir ma lecture mais plutôt en survolant les dernières planches. Cet album sans doute avant-gardiste à l’époque qui anticipe les dérives de la télé-réalité moderne peut plaire à vos petits yeux ébahis mais ne vous attendez pas cependant à une BD cultissime. dessins = 4 / Histoire = 2
Minuit Passé
Je découvre Gaëlle Geniller avec Minuit passé. De toute évidence, il y a du boulot. L’autrice a apporté un soin tout particulier aux décors, ce que la colorisation tout à fait plaisante ne fait que souligner davantage tout en conférant une réelle ambiance. Tout cela fonctionne très bien : on est dans l’époque, on est dans l’Art Nouveau. Ajoutons que l’objet en lui-même renforce cette impression, de part notamment la tranche qui représente un décor floral vert du plus bel effet. J’aime assez le trait même si je ne goute guère ces visages taillés à la serpe façon manga. Et que dire de ces nez pointus ? Question de goût, certes. Quant au scénario, j’avoue l’avoir trouvé assez poussif, et la conclusion faiblarde. Tout ça pour ça ? Mais ce sont surtout les personnages en eux-mêmes qui m’ont dérangé. En effet, je ne suis pas parvenu à les sentir, et pas un seul instant je n’ai cru à leur psychologie romantique doucereuse. C’est trop ! Trop gentil, trop béni-oui-oui. A mon sens, ce n’est pas parce qu’on donne dans le fantastique qu’il faut s’affranchir de toute crédibilité dans la construction des personnages. Je salue donc le travail, l’ambiance forte et la beauté graphique, avec toutefois les quelques réserves évoquées, mais je n’irai pas plus loin.
Idiss
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs. Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy. Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie. Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5
Himawari house
Je n'ai pas accroché à cette chronique intimiste d'une maison d'étudiant(e)s au Japon. Presque 400 pages pour les états d'âmes de trois jeunes femmes venues perfectionner leur japonais ( mais qui parlent toujours en américain) c'est long. Il y donc de nombreux endroits où je me suis désintéressé des aléas sentimentaux ou du job de l'une ou l'autre. Il faut noter que les dialogues où les jeunes femmes parlent en japonais sont dans les deux langues. C'est un avantage pour bien comprendre la situation due au langage mais cela prend de la place et conduit à des dialogues assez basiques. Par contre j'ai apprécié le graphisme de Harmony Becker qui est très souple et bien expressif. L'autrice utilise différents styles pour bien faire ressortir la situation . Cela peut être très détaillé en semi réaliste ou alors utilisé un style plus manga avec des visages déformés. C'est un graphisme moderne qui devrait plaire aux ados. D'ailleurs à mes yeux la narration est surtout visuelle ce qui conduit à ce volumineux ouvrage. Les extérieurs sont peu nombreux mais quand ils existent ils sont soignés( tenues traditionnelles, quartier, nature fleurie) Un petit 3 pour une lecture en pointillé qui ne m'a pas apporté.
Fin de la parenthèse
Ça s’appelle l’égrégore. C’est hautement magique. - Ce tome est le second d’un diptyque : il fait suite à Tu n’as rien à craindre de moi (2016). Sa première édition date également de 2016. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins, et par Brigitte Findakly pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix pages de bande dessinée. Il commence par une page d’introduction rédigée par l’auteur sur l’importance de Salvador Dalí pour lui. Deux individus sont en train de regarder et de commenter un tirage du tarot de Marseille. Ils échangent sur la fixation de l’un à propos des jumelles, sur les systèmes de pensée, sur le pouvoir des Américains, des Saoudiens ou des Qataris dans l’art contemporain, sur Romain Gary, sur les entretiens de Salvador Dalí avec Louis Pauwels, sur la façon dont Platon défendait le Logos par un recours paradoxal au mythe, etc. Sur une plage paradisiaque de sable blanc, Lior, une très belle femme, s’adresse à l’artiste pictural Seabearstein. Elle lui dit que ce qui le fait retourner en France n’a aucune logique. Lui-même entretient des doutes quant à sa décision de rentrer. Elle l’aide à faire son nœud de cravate. Il s’en va, et elle se rend compte qu’il lui manque… au bout de onze secondes. Elle croit qu’elle est vraiment amoureuse. Lui est arrivé à l’aéroport international de La Cucaracha, tirant sa valise à roulettes derrière lui, tout en fumant un cigare. Il prend place dans l’avion, et il sirote des cocktails. Il explique à l’hôtesse de l’air qu’aujourd’hui, pour une fois, un héros qui n’est pas américain va peut-être sauver la planète. Ce n’est pas lui, c’est Salvador Dalí. Derrière lui, deux autres voyageurs papotent en anglais, et évoquent des champignons hallucinogènes. L’artiste s’approche et ils lui en offrent un petit paquet. Seabearstein sort de l’avion à Paris, sous la pluie. Il se parle à lui-même : ce truc qui le saisit lorsqu’on revient en France. Ce sentiment que son pays vit une sorte de malédiction depuis trente ans. L’imaginaire en panne, incapables d’aimer le monde actuel, ni d’être aimés par lui. Ne plus comprendre ni les échanges économiques ni les mouvements de population. Ne plus comprendre l’amour non plus. Comme si à force d’être coincés entre Nord et Sud, on était devenus complètement idiots. Voilà ce vide où est la France aujourd’hui. Par manque de génie. On manque de génie. Il évoque Jean Gabin dans le film Le président, avec l’agent de la douane, lui faisant observer qu’avec un tribun comme lui, le Front National n’aurait aucune chance, ce dont son interlocuteur n’a cure. Il prend un taxi-moto pour se rendre l’aéroport à Paris, et il discute religion avec le motard. Ce dernier estime que la religion donne des réponses à toutes les questions. L’artiste rétorque qu’il veut devenir chrétien apostolique et romain, épouser Gala une deuxième fois, selon le rite copte. Il décide de descendre de moto et de terminer le trajet à pied sous la pluie. Il rejoint le Centre Dalinien pour le Futur dont les bureaux se situent place Vendôme, abrités par la maison Schiaparelli. Il discute avec Farida Khela, et il écoute le projet qu’elle lui propose : ressusciter ou réveiller Dali qui est cryogénisé par une expérience consistant à passer quatre nuits dans un hôtel particulier avec quatre modèles nues. Le lecteur retrouve Seabearstein, exilé dans une île paradisiaque à la fin du tom précédent, en compagnie de la magnifique Lior. Il rentre à Paris et il se voit confier une mission : réveiller Salvador Dalí (1904-1989) ou participer à sa résurrection en fonction du point de vue, en réalisant une session de dessins très particulière. L’enjeu est de sauver le monde, ou au moins la France d’un obscurantisme grandissant, par le retour de Dali en prophète non-religieux. Par contraste avec le tome précédent, celui-ci repose donc sur une intrigue, avec une mission dont l’objectif est défini, même si les modalités peuvent paraître floues. Le lecteur continue de voir en Seabearstein, un avatar de l’auteur dont le patronyme évoque une forme orthographique déformée de Cyber-stein. En effet les quatre modèles évoluent nues la plupart du temps, sauf Christel qui a choisi de porter un string avec l’accord de l’artiste. Il s’agit de quatre mannequins travaillant pour la haute couture, des maisons comme Yves Saint-Laurent ou Schiaparelli. En vis-à-vis de la page d’introduction de l’auteur, se trouve une photographie du peintre prise par Jean Gaumy, avec en arrière-plan quatre jeunes femmes nues. Alors que Seabearstein se trouve à assister à la préparation d’un défilé, il se fait la remarque qu’il n’y a aucune de ces modèles qu’il ait envie de voir nue. Il ne parvient pas à comprendre comment Farida Khelfa effectue ses castings : les filles trop sexy sont tout de suite éliminées. La haute couture, c’est l’anti-Pirelli. Il croit qu’elle garde les œuvres d’art sur pattes : des filles aux cartilages originaux, à la démarche inexplicable. Sfar les représente avec cette même vision : de grandes jeunes femmes, avec des os protubérants, parfois tout juste la peau sur les os, souples, conscientes de leur beauté, de très beaux yeux, des jambes interminables, des bras fins, de beaux cheveux. Le lecteur voit cette beauté plastique, sans pour autant qu’elle ne dégage d’érotisme. Le lecteur fait connaissance avec les quatre mannequins dès la couverture, un moment qui se situe vers la fin du récit : la blonde Christel, les jumelles nommées uniquement par leur surnom Tweedle Dee & Tweedle Dum, et au centre Seabearstein avec Ylva derrière lui. L’auteur donne rapidement un soupçon de personnalité aux jumelles qui restent toutefois interchangeables, remplissant leur fonction d’incarnation vivante de la beauté. Ylva bénéficie d’une discussion en tête à tête avec Seabearstein le temps de deux pages (34 & 35), évoquant son habitude d’être en retard à elle, le songe de Jacob (épisode biblique du Livre de la Genèse). Ces éléments ne joueront pas de rôle significatif par la suite ; en revanche le dessinateur retranscrit avec justesse et amour les différents gestes et postures du mannequin, très sensuels. Le cas de Christel s’avère un peu différent : elle et lui ont été dans une relation amoureuse précédemment. Elle assure sa fonction de muse dénudée, avec un soupçon de résistance symbolique au processus en conservant son string, et en ayant un enjeu émotionnel vis-à-vis de l’artiste. Son rôle n’est pas cantonné à une fonction : elle porte un regard personnel sur l’artiste qui les représente. Comme pour l’album précédent, le dessinateur fait preuve d’un degré élevé d’implication pour représenter les environnements, présents dans 95% des cases. Les caractéristiques de dessin restent les mêmes : des traits de contour très fins, un peu tremblés comme mal assurés, donnant une apparence parfois malhabile aux personnages et aux décors, voire froissée, tout en conservant un regard adulte dépourvu de naïveté. En dehors de l’hôtel particulier, l’artiste emmène le lecteur sur une plage paradisiaque, avec bungalow sur le sable, faire du surf sur les vagues, devant l’aéroport La Cucaracha, au guichet d’embarquement, dans les rangées de sièges de l’avion, dans un immeuble de la place Vendôme, dans ses sous-sols pour voir Dalí dans sa chambre de cryogénisation, dans les coulisses d’un défilé pour la maison Schiaparelli, dans les rues de Paris et dans le muséum d’Histoire naturelle. Il apporte également un grand soin à représenter les différentes pièces de l’hôtel particulier et leur décoration : la terrasse, le grand escalier avec ses tentures rouge et sa rambarde de bois, les parquets, les œuvres d’art, la chambre de Seabearstein, l’ascenseur, le jardin avec sa piscine, le salon avec ses canapés et ses fauteuils, la salle à manger. Sous des dehors griffonnés à la va-vite, Sfar représente cette habitation avec la même attention et la même affection qu’il porte aux modèles. Dans son introduction, Joan Sfar explicite son intention. Il commence par indiquer que ce livre n’est que la retranscription d’une expérience réelle, vécue à Paris l’an dernier par quatre modèles et un dessinateur. Il n’indique pas si l’expérience menée était exactement identique à celle racontée. Le lecteur peut penser que la forme littéraire l’emporte sur la réalité : Seabearstein semble bien fonctionner comme un avatar de l’auteur, tout en n’étant pas exactement lui, puisqu’il est possible d’assimiler l’un des passagers de l’avion à un autre avatar plus proche physiquement de l’auteur. Dans le même temps, la référence à la pratique du dessin en tant qu’étudiant d’art lors de dissection de cadavres correspond bien à une expérience personnelle de Sfar. Ensuite, l’expérience qui doit participer au réveil de Dalí s’avère très compréhensible : reproduire ses tableaux par les poses des mannequins. Sfar indique que c’est par ce processus qu’il a pu saisir l’esprit de Dalí au-delà des simples images que constituent ses tableaux. L’objectif devient : ranimer l’esprit de Salvador Dalí chez l’artiste pour retrouver sa flamme, ses visions, son génie. Cette interprétation de la présente bande dessinée se trouve confortée par l’introduction de Sfar, et le tirage des cartes du tarot de Marseille, au début et à la fin de l’ouvrage. L’auteur écrit que : L’envie de sacré ne le prend pas tous les jours. Il a peu d’enthousiasme pour les rituels des religions consacrée ; il ressent le besoin de se barder de la mystique de grands artistes. Il s’agit pour lui de défendre les arts et la liberté qu’on attaque de plus en plus. Face au mur des Pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. Il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée. Dans la deuxième partie du tirage de cartes, l’un des deux personnages mentionne la Kabbale, une tradition ésotérique du judaïsme. L’enjeu pour l’auteur est bel et bien d’effectuer une expérience mystique lui permettant de faire l’expérience d’une révélation spirituelle sur l’ordre des choses, le sens de la vie. A-t-il réussi ? Après lecture, il s’avère que le texte de quatrième de couverture synthétise bien la nature de cet ouvrage : Et si l’art était la seule alternative à la violence et à l’obscurantisme contemporain ? Et si seul Salvador Dalí, en prophète surréaliste pouvait en montrer le chemin ? Pour répondre à cette question, Joann Sfar raconte son étude des œuvres du peintre, par le biais d’une expérience entre réalité et fiction (dans une proportion impossible à déterminer) : un rituel entre spiritisme et reconstitution des œuvres du maître. Le lecteur ressort de cette bande dessinée avec l’envie irrépressible de découvrir l’œuvre de Salvador Dalí, avec ses propres moyens, un rituel d’acculturation à sa manière en fonction de ses moyens.