Une intéressante collection dont je regrette qu’elle n’ait que trois petits volumes. Destinés plutôt à la jeunesse, ces fascicules seront utiles aussi à ceux qui ne sont pas trop familiers de la mythologie hindoue. Il est vrai que ce panthéon est foisonnant et qu’on pourrait multiplier les tomes à l’infini.
L’auteur a bien choisi ses sujets parmi les divinités les plus populaires, Ganesh, Krishna et Hanuman, dont la renommée est parvenue aux oreilles de l’occident. J’aurais quand même aimé qu’il propose également la trilogie des grands dieux fondateurs comme Brahma, Vishnou et Shiva (bien qu’il soit impossible de résumer ceux-là en 32 pages).
Il s'est d'ailleurs, chez un autre éditeur, attaqué à la vie du Bouddha Siddhartha Gautama.
Maintenant, sur les tomes parus, le traitement est assez succinct, format oblige, mais permet quand même d’avoir une petite idée de chacun de ces personnages.
Le dessin est certes un peu naïf et les couleurs un peu vives mais l’ensemble, comme je le disais, est plutôt destiné jeunesse et quand même, on est en Inde, je ne boude pas mon plaisir polychromique.
En redécouvrant ce personnage dans la collection La sagesse des mythes, je me suis pris de passion pour cette légende, la jugeant au combien intemporelle .
Bref tout ça pour dire que j’étais bien curieux de lire cette transposition moderne. Il y a de bonnes choses, plutôt honnête comme résultat mais j’en suis sorti assez mitigé.
La réalisation est agréable, Jop que je découvre, maîtrise les codes de la BD. Je ne suis pas archi fan des têtes de ses personnages mais le reste est bon : couleurs, cadrages, fluidité et lisibilité.
Le fond du récit possède quelque chose de toujours aussi pertinent mais je serai plus critique sur sa mise en place. La BD ne faisant que 30 planches, c’est un peu une version express et ampoulée que l’auteur nous propose, ça perd nettement en force. Je regrette également le traitement bien moins nuancé (les forces de l’ordre sont ici tristes à voir).
Je salue l’idée, la réalisation, le travail mais trop court pour satisfaire. J’aurais sans doute plus accroché avec plus de développement.
2,5
Plein de points positifs dans cette série, que je viens de relire, mais ce sont les négatifs qui restent finalement. Pour moi, le dernier tome est bâclé pour finir la série. Les scènes sont raccourcis pour proposer une fin, ce qui n'est déjà pas si mal, vu le nombre d'œuvres inachevées qui existent...
Le fils conducteur de la trame en est déstabilisé. Ca pourrait être largement mieux. Les premiers tomes étaient mieux maîtrisé. Finalement, l'ensemble manque de consistance. Reste un dessin sympa, même si la mise en page est parfois confuse.
Oh chic, une réécriture du mythe de Perséphone qui ne tourne pas la relation Perséphone/Hadès en romance !
Pas qu'il y ait de mal nécessairement à réécrire ce mythe ainsi, mais à force de voir fleurir des histoires prenant ce parti on en oublierait presque que le mythe d'origine raconte avant tout l'histoire d'un kidnapping et d'un mariage forcé (incestueux de surcroit, mais bon c'est la mythologie grecque, on n'est plus à ça prêt), et que son but était de préparer les mères à voir leurs filles se faire marier de force et se faire "enlever". Oui, car on rappelle que les mythes et légendes servent toujours, implicitement ou non, à inculquer des valeurs et des principes propres aux cultures dans lesquelles iels voient le jour. Donc, bien que tout angle de réécriture peut être pertinent si bien écrit, ça me met toujours un peu mal à l'aise de réaliser que, pour beaucoup aujourd'hui, le mythe de Perséphone évoque davantage une romance interdite que l'abject produit d'une société purement patriarcale et objectifiant les femmes qu'il était à la base.
Mais bon, trêve de discours féministes, ici la réécriture prend une approche bien différente et la relation Perséphone/Hadès n'a rien à voir avec le mythe d'origine ou ses nombreuses réécritures romantiques modernes.
Ici, le mythe est réécrit façon récit de fantasy, avec ses pays étranges, sa magie et ses intrigues politiques simples (mais claires dans leur approche) typiques des récits adolescents du genre.
Cet album, justement, s'adresse davantage à un public adolescent. Un public plus âgé sera sans doute moins emporté par l'intrigue (un peu trop classique par moment), même si les très beaux dessins et la jolie relation mère/fille entre Perséphone et Déméter, eux, restent appréciables universellement.
L'album vaux 3,5 à mes yeux, d'un regard adulte je l'arrondirais sans doute à 3 étoiles (bon mais trop convenu) mais je préfère privilégier le point de vue du public cible et l'arrondir à 4 étoiles.
Smolderen développe une intrigue dans le cadre de la seconde guerre mondiale, dans laquelle les principaux protagonistes sont des auteurs de polar. Tous vont se trouvés impliqués dans une opération d’espionnage et d’enfumage. Du polar de guerre plutôt cérébral.
Même si c’est une histoire inventée de toute pièce, c’est quand même assez bien fait pour nous y laisser croire. Y compris lorsque la « machination » de vient un chouia loufoque – puisqu’il s’agit pour les services secrets anglais (aidés par une romancière) de faire croire à un protagoniste (romancier français) qu’il rêve les informations que l’on veut qu’il transmette à une connaissance liée à un grand ponte du IIIème Reich !
C’est alambiqué, mais on se laisse prendre par ce récit. Un récit que j’ai quand même trouvé un peu lent, manquant de dynamisme parfois. C’est aussi le propre de ce type de polar aussi, qui joue essentiellement sur la réflexion au détriment de l’action proprement dite.
Quant au dessin de Gonzalez, il accompagne plutôt bien le récit. Mais je l’avais trouvé plus inspiré sur les immenses étendues désertes de Chère Patagonie. Je pense que je préfère son travail sur les paysages que sur les personnages (affaire de goût, car son dessin ne manque pas de charme et est très lisible).
J’aime beaucoup le travail de Sergio Leone (en fait j’adore ses versions du western spaghetti), et à partir du Bon, la brute et le truand, chaque film est grandiose, avec pas mal de scènes cultes. Quant au dernier, « Il était une fois en Amérique », c’est sans doute un de mes films préférés. Je suis donc a priori intéressé par cette biographie.
Mais j’en suis sorti avec un ressenti mitigé, même si la lecture a été globalement intéressante et agréable.
J’ai trouvé le dessin très lisible, mais la mise en scène et ce dessin m’ont paru un peu trop sages, statiques.
Simsolo cède aussi à certains tics classiques de ce genre de biographie. Comme par exemple lorsque Sergio Leone interpelle une connaissance par ses noms et prénoms (cela aide le lecteur à situer l’interlocuteur, mais parait peu crédible, tant on imagine qu’il n’utilisait en réalité que le prénom ou un surnom).
De même, il y a une volonté évidente de « placer » un maximum de gens célèbres, y compris lorsque ça n’a pas d’intérêt véritable (comme la rencontre de Patrice Lumumba et la remarque de Leone quasi visionnaire – a posteriori j’imagine).
Pour le reste, ça reste une honnête biographie, comme passe en revue de façon classique et chronologique la carrière du grand cinéaste. En s’attardant davantage sur certains projets (comme « Il était une fois en Amérique »). On voit bien la différence entre USA et Europe (France en particulier) en matière de censure ou en remontant certains films, au point de leur faire perdre une grande partie de leur intérêt. Les rapports entretenus par Leone avec certains de ses acteurs sont aussi intéressants (Eastwood semble être rapidement devenu gourmand par exemple).
Quelle dose de vérité l’homme peut-il supporter ?
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Ce tome contient une biographie du philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900) qui s’apprécie mieux avec une connaissance superficielle de son œuvre. La première édition date de 2010. Il a été réalisé par Maximilien Le Roy pour les dessins et l’adaptation, d’après le script cinématographique L’innocence du devenir, la vie de Frédéric Nietzsche, de Michel Onfray. Pour réaliser ce projet, le bédéiste a effectué un voyage en train à travers l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, sur les traces du philosophe allemand.
Naumburg, en Allemagne, en 1896, Friedrich Nietzsche est confortablement installé dans une chaise longue sur la terrasse, les yeux ouverts droit devant lui, protégés par ses épais sourcils, comme des rappels de son épaisse moustache. Röcken, en Allemagne, en 1844, Karl-Ludwig Nietzsche joue du piano, écouté par son fils. Quelque temps a passé, les enfants jouent dans la cour sous le regard attentif de leur mère Franziska. Le père sort de la maison en titubant. Il se tient au bouton de la porte, mais la douleur au crâne est trop forte et il tombe au sol. Le trente juillet 1849, le père est allongé sur son lit de mort, veillé par son épouse ; leur jeune fils regarde le défunt avec calme et curiosité. Dans l’église, il éprouve la sensation que le monde est en noir et blanc et qu’une ombre menaçante vient le chercher, s’insinue dans son esprit. Un peu plus tard, le garçon raconte son cauchemar à sa mère : Papa a pris Joseph dans ses bras, puis il l’a emporté avec lui dans sa tombe. La maman lui conseille de ne plus y penser : c’est un mauvais rêve, un vilain cauchemar. Elle porte son fils sur le bras droit, et sa fille sur le bras gauche, et elle les emmène jouer dans le jardin. Le quatre janvier 1850, la famille se recueille devant un autre lit de mort. En 1851, le petit garçon commence à son tour à jouer du piano.
En 1853, la famille a déménagé à Porta. À l’école, Friedrich discute avec un camarade de classe de l’histoire de Mucius Scaevola, qui aurait mis sa main dans le feu pour montrer à ses ennemis qu’il n’a pas peur de la mort et de ce qu’ils pourront lui faire. Friedrich indique qu’il y croit, que ce n’est pas une fable. Pour lui, les Romains n’aimaient pas les fables, ils aimaient l’héroïsme, et puis la grandeur d’âme. Pour appuyer ses affirmations, il saisit un charbon dans le poêle. Le maitre intervient en lui disant qu’il n’a rien dans la tête. Un autre jour, par une belle après-midi, le maître emmène la classe se baigner dans la rivière proche. Quelque temps plus tard, le jeune Friedrich indique à sa mère qu’il ne voudrait pas lui faire de peine, mais il a bien réfléchi et il croit qu’il ne sera pas pasteur. Il croit toujours en Dieu, mais il préfèrerait être compositeur. Sa mère lui répond que ce n’est pas un métier, lui fait observer qu’il peut être pasteur et que rien ne l’empêchera de composer de la musique et d’en jouer en plus de sa charge. Elle le convainc de continuer ses études. Tout jeune homme, il prend l’habitude de se promener dans les bois, parfois assailli par un terrible mal de crâne.
Dans le court paragraphe de présentation de l’artiste, il est indiqué que Maximilien Le Roy s’est demandé deux ans durant comme effectuer la jonction entre l’univers de ce philosophe et le dessin, et que l’opportunité s’est présentée sous la forme du script de Michel Onfray. Il se retrouve ainsi sous la double pression de faire honneur à Nietzsche et de ne pas déformer la pensée d’Onfray au travers de la présentation du philosophe. Le lecteur s’interroge sur le dosage que le bédéiste va effectuer entre des faits purement biographiques et la présentation des concepts du philosophe. Mis à part la première page, la narration suit rigoureusement l’ordre chronologique de la naissance à la mort de Nietzsche. Elle le suit à chaque nouvelle étape : à partir de Röcken en 1844, puis Pforta en 1853, Bonn en 1868, Cologne, chez les Wagner à Tribschen en Suisse en 1870, dans le canton des Grisons en Suisse, à Bâle en février 1875, à Engadine en Suisse, à Naumburg en Allemagne, à Venise en mars 1880, un nouveau séjour à Naumburg, à Gênes en Italie, dans la pension de famille à Sils-Maria dans la Haute-Engadine en Suisse en août 1881, au théâtre Politeama à Gênes en novembre 1881, à Rome en avril 1882, à Sorrente en Italie, de nouveaux séjours à Venise, à Naumburg, à Sils-Maria, à Leipzig en Allemagne, à Nice en février 1888, à Turin en janvier 1889, et enfin dans une clinique psychiatrique de Bâle en Suisse. L’artiste a l’art et la manière de représenter chaque endroit en quelques traits, avec une ambiance lumineuse différente à chaque fois.
Le lecteur suit donc le philosophe dans ses pérégrinations au fur et à mesure de sa carrière. L’enjeu pour les auteurs réside dans le fait de faire s’incarner un individu qui pour la majorité se résume à un nom et une philosophie radicale, pas forcément accessible sans passeur, tout en étant toujours d’actualité. La première page permet de rattacher la suite à l’image retenue par la postérité : en particulier cette moustache si abondante. Suivent cinq pages silencieuses, où la narration est portée par les images. L’artiste montre quatre moments significatifs ou emblématiques dans la vie de Friedrich. Son père jouant du piano, et souffrant déjà de maux de tête, un signe annonciateur de ce qui attend son fils. La fascination du jeune garçon pour un papillon dans la cour. Le père chutant lourdement en sortant de la maison, et son lit de mort. Le dessinateur détoure les éléments graphiques par un trait fin, un peu tremblé, ajoutant des textures soit par l’encrage avec des zones irrégulières, soit avec des traits secs, ou encore des traces de crayon à papier. Il en découle une sensation assez organique, et directe, avec la capacité de saisir des moments fugaces. Il réussit ainsi un dosage élégant entre le descriptif et l’impression donnée. Par exemple, il réalise une vue globale et éloignée d’une ville dans le canton des Grisons en Suisse : le lecteur perçoit bien les maisons étalées dans la vallée, les montagnes aux pentes douces, les sapins. S’il regarde de plus près il constate que le détourage se fait par des traits rapides, non repassés ou lissés, que les maisons correspondent plus à une impression, habilement rehaussée par les touches de couleurs, qu’à une représentation minutieuse et fidèle.
Progressivement, il s’avère que le bédéiste met en œuvre de nombreuses techniques graphiques pour donner plusieurs dimensions à son récit. Il a pris le parti de montrer ses personnages, sans texte explicatif, laissant le lecteur comprendre par lui-même ce qui leur arrive, ou s’interrogeant sur le sens qu’il faut donner à un regard à une attitude. Il voit le père de Friedrich se prendre la tête entre les mains et chuter : il se doute qu’il s’agit d’une douleur fulgurante au cerveau, s’il est familier avec la santé du philosophe, il fait le lien avec ses violents maux de tête et ses troubles visuels. Tout du long de la bande dessinée, le motif des maux de tête revient régulièrement, toujours sous forme visuelle, le lecteur pouvant voir Nietzsche se tenant la tête entre les mains, ou prostré par la douleur. L’intensité de la crise peut également être soulignée par la mise en couleur : naturaliste, ou en noir & blanc pour montrer la perte de nuances, ou encore avec un envahissement des cases par le jaune avec un peu de rouge pour évoquer l’intensité de la souffrance. À d’autres moments, le lecteur peut se perdre en conjectures quant à ce que pense un personnage : dans la première planche quand Nietzsche regarde au loin, en page cinq quand la mère regarde ses enfants jouer. L’artiste utilise également d’autres types de changements de registres graphiques, par exemple en passant en noir & blanc en 1850 quand le frère de Friedrich meurt et qu’il rêve qu’une tombe s'ouvre rapidement et que mon père apparaît marchant dans son linceul, traverse l'église et revient bientôt avec un petit enfant dans les bras. Il peut recourir également à des éléments graphiques comme une portée de musique courant en arabesque d’une case à l’autre pour indiquer qu’un personnage joue du piano.
Dans un premier temps, le lecteur se trouve rassuré par cette narration très factuelle, les dessins montrant clairement chaque action, chaque situation. Toutefois il se rend compte que l’auteur fait usage de quelques raccourcis, s’appuyant sur la connaissance préalable du lecteur. Ainsi, en page dix, Friedrich se recueille devant un autre lit de mort, sans précision explicite de qui il s’agit, étant entendu que le lecteur doit en déduire par lui-même qu’il s’agit du petit frère. En page vingt et vingt-et-un, il se rend dans une maison de tolérance, dans deux pages dépourvues de mots ; le lecteur en fait une interprétation assez différente en fonction de ce qu’il sait de cet épisode au préalable. La page vingt-deux est également dépourvue de mots : Nietzsche entreprend la lecture de Le monde comme volonté et comme représentation (1818, Die Welt als Wille und Vorstellung), d’Arthur Schopenhauer (1788-1860), sans développement sur le fond de cet ouvrage, juste quelques observations de Nietzsche après coup. Sur le même plan, l’auteur ne précise pas toujours les noms des personnages, charge au lecteur d’être capable de replacer Heinrich Köselitz (1854-1918, Peter Gast) et Richard Wagner (1813-1883). Au vu de l’ampleur des ellipses, la relation entre le philosophe et le compositeur ne se devine qu’en pointillé. Il ne donne que le prénom de la petite Russe : Lou, à nouveau la compréhension du récit s’en trouve améliorée quand on sait qu’il s’agit de Lou Andreas-Salomé (1861-1937). Il en va de même avec la composition de la biographie.
Michel Onfray fait se relier des situations de la vie de Nietzsche avec des éléments de sa philosophie à venir. L’observation du papillon renvoie à une citation devenue célèbre, dans ses œuvres. Les principaux concepts du philosophe sont rapidement évoqués au fur et à mesure de sa vie, et de la rédaction de ses ouvrages : le rejet du dogme catholique, l’éternel retour, le surhumain, le chaos à porter en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante, etc. Le lecteur néophyte peut saisir le cheminement qui aboutit à ces notions, elles ne font toutefois pas l’objet d’un développement ou d’une explication. L’objectif de cette bande dessinée réside dans la mise en scène de la vie du philosophe, et la formulation chronologique de ses principales théories, pas dans un cours de philosophie présentant et expliquant la notion d’Éternel Retour par exemple. Le lecteur s’attache à cet homme taciturne et tourmenté, en souffrance chronique, qui se définit comme un sismographe d’émotions.
Se familiariser avec l’œuvre de Friedrich Nietzsche peut apparaître intimidant pour le néophyte. Cette bande dessinée a été adaptée d’un script écrit par Michel Onfray qui a consacré trois ouvrages au philosophe : La Sagesse tragique - Du bon usage de Nietzsche (2005), L'Innocence du devenir : La Vie de Frédéric Nietzsche (2008), Bestiaire nietzschéen : Les Animaux philosophiques (2014). Le bédéiste effectue un travail d’adaptation élégant et sophistiqué, aboutissant à une vraie bande dessinée, aérée, tout en tenant un propos dense. Cette lecture s’apprécie mieux avec un minimum de connaissance préalable sur Nietzsche ou en se référant, pendant ou après coup, à une encyclopédie.
Je suis déçu par cette série et après voir lu les deux premiers tomes, je ne compte pas lire la suite.
Un des gros défauts de cette BD est le dessin. Si les décors sont corrects, j'ai vraiment eu de la difficulté avec les personnages que je trouve un peu moche et sans vouloir être méchant envers l'auteur j'ai plus l'impression de voir un dessin qui est acceptable pour un fanzine, mais qui l'est moins pour un album professionnel.
Quant au scénario, le monde créé par l'auteur est imaginatif, mais le récit ne m'a pas captivé ou grandement intéressé. Ça se laisse lire dans le premier tome où il se passe beaucoup de choses, mais dans le tome suivant l'action ralentit un peu et cela devient poussif à lire. Le coté poétique de l'œuvre ne m'a pas du tout touché.
En gros, j'ai lu les deux tomes sans trouver grand chose de mémorable ou de passionnant. C'est simple j'ai déjà commencé à oublier une bonne partie de l'histoire !
Hasard de mes lectures, je suis en ce moment, après « Les Indociles », dans les expériences communautaires.
C’est tout autre chose. Il ne s’agit pas ici de l’installation de jeunes idéalistes, mais, comme son titre l’indique, de la jeunesse de l’autrice née dans un lieu communautaire.
Je ne savais pas que de tels villages avaient aussi vu le jour au Japon dans les années 70. Kaya y a donc vécu ses premières années et a choisi de quitter le village à sa majorité. Elle nous fait partager son expérience par le biais de ses souvenirs qu’elle raconte à son conjoint.
Le procédé est intéressant, parce ce qu’elle a vécu est hors du commun, alors que pour elle, à l’époque, c’était la vie normale. Hors du commun, parce que cette communauté semblait sacrément autoritaire. Les enfants séparés de leurs parents et soumis à diverses contraintes physiques et psychologiques, comme le travail forcé, la privation de nourriture ou l’isolement… glaçant !
Au fur et à mesure de son récit, son mari lui fait remarquer que ces pratiques sont anormales, on voit que son sentiment est partagé avec le recul. Tout n’était pas si négatif, la solidarité entre les enfants entre autres. Et même s’il y avait ces dérives autoritaires, des principes de vie simple et de consommation responsable sous tendaient l’ensemble et l’auteure adulte continue d’appliquer avec bonheur ces principes acquis.
Procédé intéressant disais-je, mais qui ne dispense pas de quelques longueurs, au fil de la scolarité, on suit toute l’enfance et l’adolescence de Kaya, il y a forcément des redites mais elles restent modérées. L’ensemble est paru d’abord sous la forme d’un blog, repris ensuite en deux volumes dans l’édition originale japonaise. J’ai apprécié que la traduction en français regroupe l’ensemble et l’édition au format de lecture occidental, plus confortable pour moi peu encline aux mangas.
Quant au dessin, je l’ai trouvé simple, lisible et un peu « enfantin », il suffit à l’ouvrage.
Une lecture intéressante, à la fois pour la découverte de l’existence de ces « villages » et pour l’évolution psychologique de l’auteure.
Et comme elle le dit sur la quatrième de couverture : "Qu'importent les coups, les punitions, les brimades et les privations... Vivre au village, j'adore !"
Tout est dit.
Je n'ai pas accroché à cette série sur une partie de l'histoire de France. Pourtant les thématiques principales abordées ( colonisation et décolonisation) me sont chères. En effet la difficulté de cette série est que Le Gat ( agrégé d'histoire) choisit des thématiques pointues et compliquées pour s'adresser à un public assez jeune. A mes yeux cela provoque beaucoup de superficialité et un bon nombre de raccourcis discutables dans sa présentation ( par exemple la République n'est pas automatiquement un régime démocratique contrairement à ce que dit François (T1 p10)) . L'auteur en profite pour exposer l'évolution de la société bretonne au cours de cette période. Mais c'est fait sans nuance avec une division des bons ( la famille Quélennec) et des méchants ( le frère et les oncles). Même le graphisme de ces deux parties opposées m'a interpelé.
La série s'adresse en premier lieu à un public assez jeune ( dès 10 ans pour l'éditeur) ce qui va dans le sens du traitement graphique de Pierre Fouillet. C'est un graphisme assez humoristique de type "longs nez" avec des extérieurs succincts et des visages caricaturaux.
Perso je trouve que ce type de dessin convient peut être à la cible mais pas du tout à la tension dramatique des événements choisis par les auteurs: la mission Congo-Nil, Fachoda, l'expédition de Chine, WW1 ( expédiée), les totalitarismes, Dien bien Phu, Algérie...
Le visuel produit est bien trop éloigné de la souffrance et des atrocités qu'ont représenté ces événements.
Les ouvrages se concluent par un petit dossier historique qui revient sur les passages évoqués. Là encore j'ai des réserves. Quand je lis sur Fachoda (T1 p57)"Malheureusement, lâché par le Gouvernement français, Marchand est obligé d'évacuer Fachoda en novembre 1898." et (se)"...termine par l'humiliation d'une défaite". Ce "Malheureusement" me fait tiquer. Aurait il mieux valu des combats inutiles où de nombreux autochtones auraient trouvé la mort? J'ai trouvé cela en totale contradiction avec ce que je venais de lire.
Une série originale qui traite de sujets difficiles et peu abordés mais d'une façon bien trop superficielle et simpliste à mes yeux.
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Mythes et Dieux
Une intéressante collection dont je regrette qu’elle n’ait que trois petits volumes. Destinés plutôt à la jeunesse, ces fascicules seront utiles aussi à ceux qui ne sont pas trop familiers de la mythologie hindoue. Il est vrai que ce panthéon est foisonnant et qu’on pourrait multiplier les tomes à l’infini. L’auteur a bien choisi ses sujets parmi les divinités les plus populaires, Ganesh, Krishna et Hanuman, dont la renommée est parvenue aux oreilles de l’occident. J’aurais quand même aimé qu’il propose également la trilogie des grands dieux fondateurs comme Brahma, Vishnou et Shiva (bien qu’il soit impossible de résumer ceux-là en 32 pages). Il s'est d'ailleurs, chez un autre éditeur, attaqué à la vie du Bouddha Siddhartha Gautama. Maintenant, sur les tomes parus, le traitement est assez succinct, format oblige, mais permet quand même d’avoir une petite idée de chacun de ces personnages. Le dessin est certes un peu naïf et les couleurs un peu vives mais l’ensemble, comme je le disais, est plutôt destiné jeunesse et quand même, on est en Inde, je ne boude pas mon plaisir polychromique.
Antigone (Jop)
En redécouvrant ce personnage dans la collection La sagesse des mythes, je me suis pris de passion pour cette légende, la jugeant au combien intemporelle . Bref tout ça pour dire que j’étais bien curieux de lire cette transposition moderne. Il y a de bonnes choses, plutôt honnête comme résultat mais j’en suis sorti assez mitigé. La réalisation est agréable, Jop que je découvre, maîtrise les codes de la BD. Je ne suis pas archi fan des têtes de ses personnages mais le reste est bon : couleurs, cadrages, fluidité et lisibilité. Le fond du récit possède quelque chose de toujours aussi pertinent mais je serai plus critique sur sa mise en place. La BD ne faisant que 30 planches, c’est un peu une version express et ampoulée que l’auteur nous propose, ça perd nettement en force. Je regrette également le traitement bien moins nuancé (les forces de l’ordre sont ici tristes à voir). Je salue l’idée, la réalisation, le travail mais trop court pour satisfaire. J’aurais sans doute plus accroché avec plus de développement. 2,5
Wisher
Plein de points positifs dans cette série, que je viens de relire, mais ce sont les négatifs qui restent finalement. Pour moi, le dernier tome est bâclé pour finir la série. Les scènes sont raccourcis pour proposer une fin, ce qui n'est déjà pas si mal, vu le nombre d'œuvres inachevées qui existent... Le fils conducteur de la trame en est déstabilisé. Ca pourrait être largement mieux. Les premiers tomes étaient mieux maîtrisé. Finalement, l'ensemble manque de consistance. Reste un dessin sympa, même si la mise en page est parfois confuse.
Perséphone
Oh chic, une réécriture du mythe de Perséphone qui ne tourne pas la relation Perséphone/Hadès en romance ! Pas qu'il y ait de mal nécessairement à réécrire ce mythe ainsi, mais à force de voir fleurir des histoires prenant ce parti on en oublierait presque que le mythe d'origine raconte avant tout l'histoire d'un kidnapping et d'un mariage forcé (incestueux de surcroit, mais bon c'est la mythologie grecque, on n'est plus à ça prêt), et que son but était de préparer les mères à voir leurs filles se faire marier de force et se faire "enlever". Oui, car on rappelle que les mythes et légendes servent toujours, implicitement ou non, à inculquer des valeurs et des principes propres aux cultures dans lesquelles iels voient le jour. Donc, bien que tout angle de réécriture peut être pertinent si bien écrit, ça me met toujours un peu mal à l'aise de réaliser que, pour beaucoup aujourd'hui, le mythe de Perséphone évoque davantage une romance interdite que l'abject produit d'une société purement patriarcale et objectifiant les femmes qu'il était à la base. Mais bon, trêve de discours féministes, ici la réécriture prend une approche bien différente et la relation Perséphone/Hadès n'a rien à voir avec le mythe d'origine ou ses nombreuses réécritures romantiques modernes. Ici, le mythe est réécrit façon récit de fantasy, avec ses pays étranges, sa magie et ses intrigues politiques simples (mais claires dans leur approche) typiques des récits adolescents du genre. Cet album, justement, s'adresse davantage à un public adolescent. Un public plus âgé sera sans doute moins emporté par l'intrigue (un peu trop classique par moment), même si les très beaux dessins et la jolie relation mère/fille entre Perséphone et Déméter, eux, restent appréciables universellement. L'album vaux 3,5 à mes yeux, d'un regard adulte je l'arrondirais sans doute à 3 étoiles (bon mais trop convenu) mais je préfère privilégier le point de vue du public cible et l'arrondir à 4 étoiles.
Cauchemars ex Machina
Smolderen développe une intrigue dans le cadre de la seconde guerre mondiale, dans laquelle les principaux protagonistes sont des auteurs de polar. Tous vont se trouvés impliqués dans une opération d’espionnage et d’enfumage. Du polar de guerre plutôt cérébral. Même si c’est une histoire inventée de toute pièce, c’est quand même assez bien fait pour nous y laisser croire. Y compris lorsque la « machination » de vient un chouia loufoque – puisqu’il s’agit pour les services secrets anglais (aidés par une romancière) de faire croire à un protagoniste (romancier français) qu’il rêve les informations que l’on veut qu’il transmette à une connaissance liée à un grand ponte du IIIème Reich ! C’est alambiqué, mais on se laisse prendre par ce récit. Un récit que j’ai quand même trouvé un peu lent, manquant de dynamisme parfois. C’est aussi le propre de ce type de polar aussi, qui joue essentiellement sur la réflexion au détriment de l’action proprement dite. Quant au dessin de Gonzalez, il accompagne plutôt bien le récit. Mais je l’avais trouvé plus inspiré sur les immenses étendues désertes de Chère Patagonie. Je pense que je préfère son travail sur les paysages que sur les personnages (affaire de goût, car son dessin ne manque pas de charme et est très lisible).
Sergio Leone
J’aime beaucoup le travail de Sergio Leone (en fait j’adore ses versions du western spaghetti), et à partir du Bon, la brute et le truand, chaque film est grandiose, avec pas mal de scènes cultes. Quant au dernier, « Il était une fois en Amérique », c’est sans doute un de mes films préférés. Je suis donc a priori intéressé par cette biographie. Mais j’en suis sorti avec un ressenti mitigé, même si la lecture a été globalement intéressante et agréable. J’ai trouvé le dessin très lisible, mais la mise en scène et ce dessin m’ont paru un peu trop sages, statiques. Simsolo cède aussi à certains tics classiques de ce genre de biographie. Comme par exemple lorsque Sergio Leone interpelle une connaissance par ses noms et prénoms (cela aide le lecteur à situer l’interlocuteur, mais parait peu crédible, tant on imagine qu’il n’utilisait en réalité que le prénom ou un surnom). De même, il y a une volonté évidente de « placer » un maximum de gens célèbres, y compris lorsque ça n’a pas d’intérêt véritable (comme la rencontre de Patrice Lumumba et la remarque de Leone quasi visionnaire – a posteriori j’imagine). Pour le reste, ça reste une honnête biographie, comme passe en revue de façon classique et chronologique la carrière du grand cinéaste. En s’attardant davantage sur certains projets (comme « Il était une fois en Amérique »). On voit bien la différence entre USA et Europe (France en particulier) en matière de censure ou en remontant certains films, au point de leur faire perdre une grande partie de leur intérêt. Les rapports entretenus par Leone avec certains de ses acteurs sont aussi intéressants (Eastwood semble être rapidement devenu gourmand par exemple).
Nietzsche
Quelle dose de vérité l’homme peut-il supporter ? - Ce tome contient une biographie du philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900) qui s’apprécie mieux avec une connaissance superficielle de son œuvre. La première édition date de 2010. Il a été réalisé par Maximilien Le Roy pour les dessins et l’adaptation, d’après le script cinématographique L’innocence du devenir, la vie de Frédéric Nietzsche, de Michel Onfray. Pour réaliser ce projet, le bédéiste a effectué un voyage en train à travers l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, sur les traces du philosophe allemand. Naumburg, en Allemagne, en 1896, Friedrich Nietzsche est confortablement installé dans une chaise longue sur la terrasse, les yeux ouverts droit devant lui, protégés par ses épais sourcils, comme des rappels de son épaisse moustache. Röcken, en Allemagne, en 1844, Karl-Ludwig Nietzsche joue du piano, écouté par son fils. Quelque temps a passé, les enfants jouent dans la cour sous le regard attentif de leur mère Franziska. Le père sort de la maison en titubant. Il se tient au bouton de la porte, mais la douleur au crâne est trop forte et il tombe au sol. Le trente juillet 1849, le père est allongé sur son lit de mort, veillé par son épouse ; leur jeune fils regarde le défunt avec calme et curiosité. Dans l’église, il éprouve la sensation que le monde est en noir et blanc et qu’une ombre menaçante vient le chercher, s’insinue dans son esprit. Un peu plus tard, le garçon raconte son cauchemar à sa mère : Papa a pris Joseph dans ses bras, puis il l’a emporté avec lui dans sa tombe. La maman lui conseille de ne plus y penser : c’est un mauvais rêve, un vilain cauchemar. Elle porte son fils sur le bras droit, et sa fille sur le bras gauche, et elle les emmène jouer dans le jardin. Le quatre janvier 1850, la famille se recueille devant un autre lit de mort. En 1851, le petit garçon commence à son tour à jouer du piano. En 1853, la famille a déménagé à Porta. À l’école, Friedrich discute avec un camarade de classe de l’histoire de Mucius Scaevola, qui aurait mis sa main dans le feu pour montrer à ses ennemis qu’il n’a pas peur de la mort et de ce qu’ils pourront lui faire. Friedrich indique qu’il y croit, que ce n’est pas une fable. Pour lui, les Romains n’aimaient pas les fables, ils aimaient l’héroïsme, et puis la grandeur d’âme. Pour appuyer ses affirmations, il saisit un charbon dans le poêle. Le maitre intervient en lui disant qu’il n’a rien dans la tête. Un autre jour, par une belle après-midi, le maître emmène la classe se baigner dans la rivière proche. Quelque temps plus tard, le jeune Friedrich indique à sa mère qu’il ne voudrait pas lui faire de peine, mais il a bien réfléchi et il croit qu’il ne sera pas pasteur. Il croit toujours en Dieu, mais il préfèrerait être compositeur. Sa mère lui répond que ce n’est pas un métier, lui fait observer qu’il peut être pasteur et que rien ne l’empêchera de composer de la musique et d’en jouer en plus de sa charge. Elle le convainc de continuer ses études. Tout jeune homme, il prend l’habitude de se promener dans les bois, parfois assailli par un terrible mal de crâne. Dans le court paragraphe de présentation de l’artiste, il est indiqué que Maximilien Le Roy s’est demandé deux ans durant comme effectuer la jonction entre l’univers de ce philosophe et le dessin, et que l’opportunité s’est présentée sous la forme du script de Michel Onfray. Il se retrouve ainsi sous la double pression de faire honneur à Nietzsche et de ne pas déformer la pensée d’Onfray au travers de la présentation du philosophe. Le lecteur s’interroge sur le dosage que le bédéiste va effectuer entre des faits purement biographiques et la présentation des concepts du philosophe. Mis à part la première page, la narration suit rigoureusement l’ordre chronologique de la naissance à la mort de Nietzsche. Elle le suit à chaque nouvelle étape : à partir de Röcken en 1844, puis Pforta en 1853, Bonn en 1868, Cologne, chez les Wagner à Tribschen en Suisse en 1870, dans le canton des Grisons en Suisse, à Bâle en février 1875, à Engadine en Suisse, à Naumburg en Allemagne, à Venise en mars 1880, un nouveau séjour à Naumburg, à Gênes en Italie, dans la pension de famille à Sils-Maria dans la Haute-Engadine en Suisse en août 1881, au théâtre Politeama à Gênes en novembre 1881, à Rome en avril 1882, à Sorrente en Italie, de nouveaux séjours à Venise, à Naumburg, à Sils-Maria, à Leipzig en Allemagne, à Nice en février 1888, à Turin en janvier 1889, et enfin dans une clinique psychiatrique de Bâle en Suisse. L’artiste a l’art et la manière de représenter chaque endroit en quelques traits, avec une ambiance lumineuse différente à chaque fois. Le lecteur suit donc le philosophe dans ses pérégrinations au fur et à mesure de sa carrière. L’enjeu pour les auteurs réside dans le fait de faire s’incarner un individu qui pour la majorité se résume à un nom et une philosophie radicale, pas forcément accessible sans passeur, tout en étant toujours d’actualité. La première page permet de rattacher la suite à l’image retenue par la postérité : en particulier cette moustache si abondante. Suivent cinq pages silencieuses, où la narration est portée par les images. L’artiste montre quatre moments significatifs ou emblématiques dans la vie de Friedrich. Son père jouant du piano, et souffrant déjà de maux de tête, un signe annonciateur de ce qui attend son fils. La fascination du jeune garçon pour un papillon dans la cour. Le père chutant lourdement en sortant de la maison, et son lit de mort. Le dessinateur détoure les éléments graphiques par un trait fin, un peu tremblé, ajoutant des textures soit par l’encrage avec des zones irrégulières, soit avec des traits secs, ou encore des traces de crayon à papier. Il en découle une sensation assez organique, et directe, avec la capacité de saisir des moments fugaces. Il réussit ainsi un dosage élégant entre le descriptif et l’impression donnée. Par exemple, il réalise une vue globale et éloignée d’une ville dans le canton des Grisons en Suisse : le lecteur perçoit bien les maisons étalées dans la vallée, les montagnes aux pentes douces, les sapins. S’il regarde de plus près il constate que le détourage se fait par des traits rapides, non repassés ou lissés, que les maisons correspondent plus à une impression, habilement rehaussée par les touches de couleurs, qu’à une représentation minutieuse et fidèle. Progressivement, il s’avère que le bédéiste met en œuvre de nombreuses techniques graphiques pour donner plusieurs dimensions à son récit. Il a pris le parti de montrer ses personnages, sans texte explicatif, laissant le lecteur comprendre par lui-même ce qui leur arrive, ou s’interrogeant sur le sens qu’il faut donner à un regard à une attitude. Il voit le père de Friedrich se prendre la tête entre les mains et chuter : il se doute qu’il s’agit d’une douleur fulgurante au cerveau, s’il est familier avec la santé du philosophe, il fait le lien avec ses violents maux de tête et ses troubles visuels. Tout du long de la bande dessinée, le motif des maux de tête revient régulièrement, toujours sous forme visuelle, le lecteur pouvant voir Nietzsche se tenant la tête entre les mains, ou prostré par la douleur. L’intensité de la crise peut également être soulignée par la mise en couleur : naturaliste, ou en noir & blanc pour montrer la perte de nuances, ou encore avec un envahissement des cases par le jaune avec un peu de rouge pour évoquer l’intensité de la souffrance. À d’autres moments, le lecteur peut se perdre en conjectures quant à ce que pense un personnage : dans la première planche quand Nietzsche regarde au loin, en page cinq quand la mère regarde ses enfants jouer. L’artiste utilise également d’autres types de changements de registres graphiques, par exemple en passant en noir & blanc en 1850 quand le frère de Friedrich meurt et qu’il rêve qu’une tombe s'ouvre rapidement et que mon père apparaît marchant dans son linceul, traverse l'église et revient bientôt avec un petit enfant dans les bras. Il peut recourir également à des éléments graphiques comme une portée de musique courant en arabesque d’une case à l’autre pour indiquer qu’un personnage joue du piano. Dans un premier temps, le lecteur se trouve rassuré par cette narration très factuelle, les dessins montrant clairement chaque action, chaque situation. Toutefois il se rend compte que l’auteur fait usage de quelques raccourcis, s’appuyant sur la connaissance préalable du lecteur. Ainsi, en page dix, Friedrich se recueille devant un autre lit de mort, sans précision explicite de qui il s’agit, étant entendu que le lecteur doit en déduire par lui-même qu’il s’agit du petit frère. En page vingt et vingt-et-un, il se rend dans une maison de tolérance, dans deux pages dépourvues de mots ; le lecteur en fait une interprétation assez différente en fonction de ce qu’il sait de cet épisode au préalable. La page vingt-deux est également dépourvue de mots : Nietzsche entreprend la lecture de Le monde comme volonté et comme représentation (1818, Die Welt als Wille und Vorstellung), d’Arthur Schopenhauer (1788-1860), sans développement sur le fond de cet ouvrage, juste quelques observations de Nietzsche après coup. Sur le même plan, l’auteur ne précise pas toujours les noms des personnages, charge au lecteur d’être capable de replacer Heinrich Köselitz (1854-1918, Peter Gast) et Richard Wagner (1813-1883). Au vu de l’ampleur des ellipses, la relation entre le philosophe et le compositeur ne se devine qu’en pointillé. Il ne donne que le prénom de la petite Russe : Lou, à nouveau la compréhension du récit s’en trouve améliorée quand on sait qu’il s’agit de Lou Andreas-Salomé (1861-1937). Il en va de même avec la composition de la biographie. Michel Onfray fait se relier des situations de la vie de Nietzsche avec des éléments de sa philosophie à venir. L’observation du papillon renvoie à une citation devenue célèbre, dans ses œuvres. Les principaux concepts du philosophe sont rapidement évoqués au fur et à mesure de sa vie, et de la rédaction de ses ouvrages : le rejet du dogme catholique, l’éternel retour, le surhumain, le chaos à porter en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante, etc. Le lecteur néophyte peut saisir le cheminement qui aboutit à ces notions, elles ne font toutefois pas l’objet d’un développement ou d’une explication. L’objectif de cette bande dessinée réside dans la mise en scène de la vie du philosophe, et la formulation chronologique de ses principales théories, pas dans un cours de philosophie présentant et expliquant la notion d’Éternel Retour par exemple. Le lecteur s’attache à cet homme taciturne et tourmenté, en souffrance chronique, qui se définit comme un sismographe d’émotions. Se familiariser avec l’œuvre de Friedrich Nietzsche peut apparaître intimidant pour le néophyte. Cette bande dessinée a été adaptée d’un script écrit par Michel Onfray qui a consacré trois ouvrages au philosophe : La Sagesse tragique - Du bon usage de Nietzsche (2005), L'Innocence du devenir : La Vie de Frédéric Nietzsche (2008), Bestiaire nietzschéen : Les Animaux philosophiques (2014). Le bédéiste effectue un travail d’adaptation élégant et sophistiqué, aboutissant à une vraie bande dessinée, aérée, tout en tenant un propos dense. Cette lecture s’apprécie mieux avec un minimum de connaissance préalable sur Nietzsche ou en se référant, pendant ou après coup, à une encyclopédie.
Mortesève
Je suis déçu par cette série et après voir lu les deux premiers tomes, je ne compte pas lire la suite. Un des gros défauts de cette BD est le dessin. Si les décors sont corrects, j'ai vraiment eu de la difficulté avec les personnages que je trouve un peu moche et sans vouloir être méchant envers l'auteur j'ai plus l'impression de voir un dessin qui est acceptable pour un fanzine, mais qui l'est moins pour un album professionnel. Quant au scénario, le monde créé par l'auteur est imaginatif, mais le récit ne m'a pas captivé ou grandement intéressé. Ça se laisse lire dans le premier tome où il se passe beaucoup de choses, mais dans le tome suivant l'action ralentit un peu et cela devient poussif à lire. Le coté poétique de l'œuvre ne m'a pas du tout touché. En gros, j'ai lu les deux tomes sans trouver grand chose de mémorable ou de passionnant. C'est simple j'ai déjà commencé à oublier une bonne partie de l'histoire !
Je suis née dans un village communautaire
Hasard de mes lectures, je suis en ce moment, après « Les Indociles », dans les expériences communautaires. C’est tout autre chose. Il ne s’agit pas ici de l’installation de jeunes idéalistes, mais, comme son titre l’indique, de la jeunesse de l’autrice née dans un lieu communautaire. Je ne savais pas que de tels villages avaient aussi vu le jour au Japon dans les années 70. Kaya y a donc vécu ses premières années et a choisi de quitter le village à sa majorité. Elle nous fait partager son expérience par le biais de ses souvenirs qu’elle raconte à son conjoint. Le procédé est intéressant, parce ce qu’elle a vécu est hors du commun, alors que pour elle, à l’époque, c’était la vie normale. Hors du commun, parce que cette communauté semblait sacrément autoritaire. Les enfants séparés de leurs parents et soumis à diverses contraintes physiques et psychologiques, comme le travail forcé, la privation de nourriture ou l’isolement… glaçant ! Au fur et à mesure de son récit, son mari lui fait remarquer que ces pratiques sont anormales, on voit que son sentiment est partagé avec le recul. Tout n’était pas si négatif, la solidarité entre les enfants entre autres. Et même s’il y avait ces dérives autoritaires, des principes de vie simple et de consommation responsable sous tendaient l’ensemble et l’auteure adulte continue d’appliquer avec bonheur ces principes acquis. Procédé intéressant disais-je, mais qui ne dispense pas de quelques longueurs, au fil de la scolarité, on suit toute l’enfance et l’adolescence de Kaya, il y a forcément des redites mais elles restent modérées. L’ensemble est paru d’abord sous la forme d’un blog, repris ensuite en deux volumes dans l’édition originale japonaise. J’ai apprécié que la traduction en français regroupe l’ensemble et l’édition au format de lecture occidental, plus confortable pour moi peu encline aux mangas. Quant au dessin, je l’ai trouvé simple, lisible et un peu « enfantin », il suffit à l’ouvrage. Une lecture intéressante, à la fois pour la découverte de l’existence de ces « villages » et pour l’évolution psychologique de l’auteure. Et comme elle le dit sur la quatrième de couverture : "Qu'importent les coups, les punitions, les brimades et les privations... Vivre au village, j'adore !" Tout est dit.
Allons Z'enfants
Je n'ai pas accroché à cette série sur une partie de l'histoire de France. Pourtant les thématiques principales abordées ( colonisation et décolonisation) me sont chères. En effet la difficulté de cette série est que Le Gat ( agrégé d'histoire) choisit des thématiques pointues et compliquées pour s'adresser à un public assez jeune. A mes yeux cela provoque beaucoup de superficialité et un bon nombre de raccourcis discutables dans sa présentation ( par exemple la République n'est pas automatiquement un régime démocratique contrairement à ce que dit François (T1 p10)) . L'auteur en profite pour exposer l'évolution de la société bretonne au cours de cette période. Mais c'est fait sans nuance avec une division des bons ( la famille Quélennec) et des méchants ( le frère et les oncles). Même le graphisme de ces deux parties opposées m'a interpelé. La série s'adresse en premier lieu à un public assez jeune ( dès 10 ans pour l'éditeur) ce qui va dans le sens du traitement graphique de Pierre Fouillet. C'est un graphisme assez humoristique de type "longs nez" avec des extérieurs succincts et des visages caricaturaux. Perso je trouve que ce type de dessin convient peut être à la cible mais pas du tout à la tension dramatique des événements choisis par les auteurs: la mission Congo-Nil, Fachoda, l'expédition de Chine, WW1 ( expédiée), les totalitarismes, Dien bien Phu, Algérie... Le visuel produit est bien trop éloigné de la souffrance et des atrocités qu'ont représenté ces événements. Les ouvrages se concluent par un petit dossier historique qui revient sur les passages évoqués. Là encore j'ai des réserves. Quand je lis sur Fachoda (T1 p57)"Malheureusement, lâché par le Gouvernement français, Marchand est obligé d'évacuer Fachoda en novembre 1898." et (se)"...termine par l'humiliation d'une défaite". Ce "Malheureusement" me fait tiquer. Aurait il mieux valu des combats inutiles où de nombreux autochtones auraient trouvé la mort? J'ai trouvé cela en totale contradiction avec ce que je venais de lire. Une série originale qui traite de sujets difficiles et peu abordés mais d'une façon bien trop superficielle et simpliste à mes yeux.