Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer !
C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis.
Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence.
*** Tome 2 ***
Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages.
Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis...
Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.).
Une belle série jeunesse.
*** Tome 3 ***
C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie.
Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser...
Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série.
Encore un très bon tome !
Conrad de Marbourg, accompagné d'Elisabeth d'Elsenor, sont embarqués dans une quête mystique, à la recherche non pas du graal mais d'un troisième testament qui mettrait à mal toute la chrétienté.
Voilà pour le pitch de cette aventure au cœur du Moyen Age qui mêle religion, ésotérisme et action.
Comme souvent avec Xavier DORISON c'est bien fait, bien pensé.
Même, et cela sera mon principal bémol, il m'a perdu lors du tome 3, où il m'a semblé manquer d'un brin de clarté pour comprendre le cheminement de l'histoire.
Graphiquement le travail d'Alex ALICE est en tout point remarquable (je vous renvoie aux 1ère,8ème et 13ème images de la galerie) et retranscrit avec énormément de talent l'atmosphère tendue du scénario. Ses personnages sont également bien faits et leurs traits sont cohérents avec leurs rôles.
Je ne connaissais pas son travail, mais il est sûr que je vais y porter dorénavant une attention particulière.
J'ai donc pris un réel plaisir à découvrir cette série. Il faudra certainement que je me replonge dedans, afin de comprendre ce qui a pu m'échapper lors du tome 3.
Elle m'a également donné l'envie de me plonger dans son préquel Le Troisième Testament - Julius
Une autre BD que plusieurs adorent et que j'ai trouvé correct sans plus.
Je reconnais qu'il y a des qualités dans l'album. Le scénario est efficace et les révélations finales montrent à quel point le scénariste maitrise bien son récit. Le dessin donne une bonne ambiance et la mise en page est très bonne aussi. Le problème vient plutôt des personnages qui m'ont laissé indifférent. Difficile donc de trouver cela jubilatoire de voir des salopards se tirer dessus si je me foutais un peu s'ils mourraient ou non. Je n'avais même pas de plaisir à les voir mourir parce que le fait qu'ils soient des salauds ne m'a même pas touché. Je pense même que j'aime mieux la première partie qui présente lentement les différents protagonistes dans une ambiance de huit-clos comme je les aime.
Une curiosité à emprunter selon moi vu qu'elle ne m'a pas trop marqué.
Belle histoire qui permet de mettre en lumière cette maladie ci cachée et incomprise. Je me suis mise a la place de cette jeune fille trouvant ce journal caché. J'aurais réagi de la même manière, avec cette euphorie et cette curiosité. On traverse avec elle toute les émotions, la joie un peu malsaine d'ouvrir un secret interdit, l'amour naissant d'un héro inconnu, la soif de partir a l'aventure. Le sentiment d'être l'élu devant accomplir une mission. L'inquiétude et la tristesse de découvrir des souffrances quelle n'avait jamais croisé. Elle a rencontré grâce a ce journal l'empathie l'espoir, elle a redécouvert l'amour de ces proches, elle a mûri elle s'est ouvert au monde. En bref tout ça le temps des vacances d'été.
Une BD sympathique qui présente un phénomène peu connu sur le moyen-âge: on a déjà convoqué au tribunal des animaux pour qu'ils répondent de leurs crimes. Cela semble absurde, mais en même temps est-ce mieux aujourd'hui où on ne fait qu'abattre les animaux sans aucun forme de procès dès qu'on les juge dangereux pour la société ?
Même si le récit est pas mal, j'ai été un peu déçu par le traitement du sujet par les auteurs. Il y a des réflexions intéressantes sur plusieurs sujets comme la responsabilité des animaux sur leurs actes, mais je trouve que c'est gâché par un traitement caricatural de plusieurs personnages de l’histoire. Je pense que cela aurait été plus intéressant si la partie qui veulent la mort de la truie n'était pas présenter comme des riches qui abusent de leurs pouvoirs et qui semblent avoir rien d'autres à faire de leurs journée que d'être méchant envers la pauvre truie et son propriétaire. Et si j'ai adoré une bonne partie de l'album, j'aime moins le derniers tiers où un événement crée un retournement de situation que je n'ai pas trop aimé.
Le dessin est correct.
3.5
Je ne serais pas aussi enthousiaste que Mac Arthur, mais je trouve tout de même que c'est un bon polar.
L'histoire est au final du déjà-vu (ah le village qui cache un terrible secret et c'est bien sur une étrangère qui va venir foutre la emmerde en ayant aucun problème à déterrer une affaire du passé), mais le scénario est terriblement efficace avec notamment des révélations bien emmenés. J'ai pris un certain plaisir à lire cette adaptation d'un roman que je ne connaissais pas et je pense que c'est à lire si on est fan de polar.
Là où ça va moins bien est le dessin. Je n'aime pas trop comment sont dessinés les personnes et en particuliers leurs visages. C'est vraiment le style réaliste typique où j'aime bien les décors qui sont parfois très beaux à regarder, mais je bloque sur les personnages que je trouve moche. Ce qui n'aide pas est qu'on est censé voir l'héroïne comme étant laide suite à un accident, mais pour moi tout le monde est laid !
En première lecture, j'ai détesté.
Oh, je n'ai pas détesté le dessin. C'est un beau trait souple au pinceau, des couleurs puissantes et très belles, une foule d'essais plastiques, de tampons et autres tâches. Mais déjà l'incroyable profusion et l'enchevètrement de formes, de couleurs, de traits et de bavures surprend par son aspect confus, comme improvisé. On y voit le talent graphique mais sous une forme libérée où tout se mêle dans un chaos semi-esthétique et réfractaire à la logique classique de narration graphique.
Ce chaos se révèle également dans ce qui tient lieu d'histoire à cet ouvrage. Les textes, quand ils ne sont pas tronqués, superposés, à demi effacés ou griffonnés, tiennent de l'écriture automatique, du déversement psychanalytique, sans structure séquentielle, au point de m'interroger sur le fait d'avoir face à moi une vraie BD ou plutôt un recueil d'illustrations réalisées au gré des envies et inspirations de l'auteur.
Illisible et bien trop abscons pour un lecteur matérialiste tel que moi.
En deuxième lecture toutefois, je suis parvenu à mieux comprendre.
Même si le dessin restait souvent gratuit, le texte lui se faisait plus compréhensible maintenant que j'avais une meilleure vision d'ensemble du sujet. Betty y devient en effet l'alter-ego d'une artiste au sens général ou de l'artiste auteur de cet album-ci en particulier.
Et à travers sa génèse, son développement et sa fin, l'artiste/auteur se parle en grande partie à lui-même. Il pose des thématiques telles que l'artiste contre les diktats de la bonne société, l'artiste qui doit réaliser son potentiel et ne pas se laisser guider vers un avenir tout tracé, l'artiste qui ne doit pas avoir honte de ses erreurs mais les afficher et apprendre d'elles, ou encore son rapport intime à Dieu et à Jésus...
Le message commençait donc à passer de manière un peu plus claire, mais toujours aussi décousue, aussi gratuite, avec à nouveau pour moi de grandes difficultés à ne pas décrocher toutes les 3 pages, à trouver désagréable cette mise en scène. Tant et si bien qu'une fois encore, j'ai eu du mal à ne pas survoler le dernier tiers de l'album.
C'est le genre d'ouvrage artistique qu'il faut prendre le temps de lire, relire et analyser pour en déterminer le message ou juste l'état d'esprit de l'auteur... sauf que pour cela, il aurait fallu qu'il parvienne à m'en donner l'envie et cet excès de confusion et d'improvisation me prend tellement la tête que ce serait me faire souffrance que de vouloir chercher à creuser davantage une thématique qui visiblement ne me parle pas.
El Diablo est une aventure d'un ancêtre du Marsupilami à l'époque des conquistadors. Le héros est un jeune mousse qui a désobéi à son capitaine (il a refusé de se laisser manger par l'équipage, vous vous rendez compte ?) et qui subit les brimades de celui-ci maintenant qu'ils sont arrivés sur les côtes de Palombie. Envoyé récupérer le cadavre d'un singe dans un arbre, il fait la rencontre du Marsupilami. Les deux développent un étrange lien les amenant à ressentir tout ce que l'autre ressent. Ainsi, quand les marins violentent le jeune héros, le Marsupilami va systématiquement lui venir en aide et éjecter les indélicats avec fracas. Mais cela n'empêche pas le capitaine avide d'or d'utiliser tous les moyens pour atteindre le trésor d'El Dorado qu'on lui a promis.
C'est une histoire tous publics avec un scénario simple mais rondement mené. Le décor est exotique et dépaysant. On passe des vieux gréements du 16e siècle à la jungle Palombienne, puis à ses montagnes enneigées et à des temples anciens, comme dans une bonne aventure de Tintin. Le fameux Marsupilami y est traité comme une bête farouche, pas forcément gentille mais pas méchante pour autant. Ce n'est pas le Marsupilami amical, malin et joueur de Franquin, mais il remplit bien son rôle d'ancêtre plus frustre et sauvage, capable de douceur toutefois. L'histoire est plutôt dense, remplissant bien la soixantaine de pages de l'album.
Et surtout le graphisme est superbe !
Ce sont de grandes planches aux couleurs intenses, rappelant les gouaches de Masbou (De Cape et de Crocs) et l'ambiance plus enfantine de Keramidas (Alice au pays des singes). On peut largement prendre le temps de les admirer tant les détails sont fournis et les couleurs éclatantes, et en même temps elles restent bien lisibles. Seul léger regret, certains personnages sont un peu trop cartoon dans leur style, en particulier les marins et leur capitaine, ce qui tranche avec la beauté des décors. Mais dans l'ensemble, c'est tellement beau qu'on pardonne facilement ce choix probablement destiné à faciliter l'attrait du jeune public.
Un récit d'aventure dépaysant incluant le personnage du Marsupilami au milieu de nombreux autres : si l'intrigue reste simple et sans grande surprise, elle est bien menée, plaisante et elle permet surtout de profiter du superbe dessin d'Alexis Nesme pour un ensemble qui laisse le lecteur satisfait.
Un comics bourré d'action qui critique le monde des médias, de la publicité et des élites dans une ambiance cyberpunk futuriste.
Au niveau du scénario, nous sommes dans des terrains déjà très balisés. Pour le spectacle, on y retrouve énormément de Running Man ou de Hunger Games. Pour l'idée d'utiliser la vraie guerre comme une télé-réalité, on y retrouve beaucoup de Live war heroes. Pour les élites largement au dessus du petit peuple et pour le côté décérébré et adepte de médias, on y retrouve beaucoup de Avant l'Incal. Quant aux publicités qui s'insèrent partout dans la vie des protagonistes et des spectateurs, c'est un grand classique du cyberpunk.
Bref, énormément de déjà vu pour une intrigue qui ne marquera pas par son originalité.
Au niveau du graphisme, c'est du beau boulot en matière d'esthétisme. Personnages, costumes et décors ont la classe, le trait est très maîtrisé et les couleurs à la hauteur. Par contre, la narration graphique des scènes d'action n'est pas toujours très claire et on comprend ce qu'il se passe davantage en lisant les dialogues qu'en observant les planches.
En effet, c'est bien la narration qui est le véritable défaut de ce comics. Toute l'histoire est décousue, avec de nombreux passages dont on peine à comprendre s'ils ont lieu avant, après ou pendant le déroulement des évènements. Les motivations des antagonistes ne sont pas claires, ni leurs méthodes et surtout le résultat bancal de celles-ci. Quant à comprendre pourquoi le super soldat au top du classement est à la ramasse pendant les deux tiers de l'album... J'ai dû relire l'album une deuxième fois, et encore après revenir sur certains passages pour tenter de bien comprendre toute l'intrigue et ses détails, mais non : même si on capte l'idée globale de l'histoire (et celle-ci ne casse vraiment pas trois pattes à un canard), il y a énormément d'éléments qui sont confus, contradictoires et limite incompréhensibles.
C'est un beau dessin mis au service d'une histoire banale et mal racontée.
Interroger l’intimité de l’autre pour tenter de se comprendre soi-même.
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Ce tome contient une histoire, ou un témoignage, indépendant de toute autre. Sa première édition date de 2019. Il a été entièrement réalisé par Joub (Marc Le Grand), pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction d’une page, un texte intitulé Les pas de côtés, rédigé par Fabien Grolleau, pour Vide Cocagne. Il évoque les albums à écrire, les commandes à exécuter, les livres à terminer, et puis il y a les pas de côté. Il continue : Pour Joub qui débutait une nouvelle vie entre Bretagne et Guyane, et qui s’interrogeait sur sa carrière d’auteur, il a été vital de faire ce pas de côté : il lui est alors venu l’idée de se confronter au corps de l’autre, d’utiliser son dessin pour emmener ses modèles à se raconter. Interroger l’intimité de l’autre pour tenter de se comprendre soi-même.
Lana : En novembre dernier, elle a posé pour la première fois à un court d’art. Là, elle a rencontré un monsieur qui lui a proposé, d’un ton grave, de faire des portraits un peu particuliers. Deux jours après elle était chez lui, nue en train de raconter sa vie sexuelle. Ça ne la dérange pas, elle aime bien parler d’elle. Elle ne comprend pas ce qui lui plaît chez elle. Elle est sûre qu’il veut coucher avec elle. – Marie : elle n’a jamais aimé son corps. Depuis son adolescence, elle s’est toujours trouvée vilaine. Après ses quarante ans, elle s’est sentie plus à l’aise. Peut-être parce que les gens lui disent qu’elle est belle. Et elle le voit dans le regard des hommes. Ce qui la rend triste, c’est que son mari ne lui ai jamais dit.
Élodie : Elle a 35 ans et elle trouve que son corps n’a pas été assez exploré. Du coup, elle se sent frustrée de contacts physiques. On n’a pas assez mordu le lobe de ses oreilles, joué avec ses seins, son corps. Elle voudrait plus de câlins, de caresses, de contacts. Aujourd’hui elle veut qu’on joue avec elle. Elle veut que son corps soit un immense terrain de jeu. – Nina : Elle trente-quatre ans. Elle est une belle femme, consciente de son pouvoir de séduction. Par contre, elle n’aime pas montrer son corps. Pour elle, ça n’a aucun intérêt. À la plage, par exemple, si elle n’est pas dans l’eau, elle ne reste pas en maillot de bain. Une fois sortie, elle se rhabille rapidement. Elle considère que son corps n’appartient pas au domaine public mais privé. Elle est plus à l’aise, plus libre dans l’intimité de son couple. - Simone : Elle perçoit son corps comme un compagnon qu’elle voit grandir, vieillir. Elle l’aime bien. Même si certaines évolutions sont plus difficiles à accepter que d’autres, comme le fait de prendre du poids. Gamine, elle était mince et musclée quand elle faisait de la danse classique. On l’appelait le haricot vert. À quarante-deux ans, elle n’est plus grassouillette. Elle a pris du poids. Par tranches de dix kilos. Ça a pu la gêner dans l’intimité de son couple, mais ça n’a jamais déplu à son compagnon. En revanche, elle est bienveillante face aux signes de vieillissement style rides ou cheveux blancs. Finalement, elle se trouve pas si mal.
Le lecteur commence par sourire au jeu de mots du titre : Très / Traits intimes. Puis il parcourt le texte d’introduction et note le principe de pages réalisées pour le plaisir, en dehors des obligations professionnelles de forme variée, l’auteur partageant son temps entre des séjours en Bretagne et des séjours en Guyane. Le court texte de la quatrième de couverture et la première histoire explicite le principe : mettre en scène le corps, souvent dénudé, d’un modèle consentant, tout en notant en de courtes phrases, son rapport au corps tel que le sujet l’expose. Chaque modèle est exposé en une page qui porte son prénom comme titre, composée de six cases de taille identique, disposées en trois bandes de deux cases chacune. Le lecteur découvre ainsi cinquante portraits réalisés avec cet angle d’approche. Trente-neuf femmes, onze hommes. Des pages réalisées à la peinture avec un trait de couleur coloré pour délimiter les formes, et un mode de couleur directe pour les zones ainsi détourées. En plus de ces portraits, l’auteur évoque plusieurs moments de sa vie : dix-sept moments, intégrés deux par deux, sauf pour le dernier, dans deux pages en vis-à-vis, page de gauche et page de droite. À chaque fois, l’auteur donne un titre composé d’un lieu et d’une date : Saint-Méloir-des-Bois 30/08/16, Saint-Méloir-des-Bois 01/09/16, Saint-Méloir-des-Bois 02/09/16, La Rochelle 03/09/16, Paris 06/08/16, Rue Victor Hugo 05/11/16, Vol TX 570 pour Cayenne 06/11/16, Cayenne 29/11/16, Copinstant 04/12/16, Cayenne 10/12/16, Corbeil 01/14/17, Cayenne 14/04/17, Cayenne 06/05/17, Copistant 04/06/17, Cayenne 26/03/18, Cayenne 30/04/18, Cayenne 02/06/18.
Le lecteur commence par découvrir le corps de Lana, entièrement nue : ses fesses, son tronc de face, à nouveau ses fesses deux fois, puis le haut de sa cuisse droite, et enfin son ventre. L’artiste ne choisit pas des cadrages ou des postures pornographiques, pas forcément d’intention érotique non plus. Le corps présente une belle couleur entre doré et brun, le visage de Lana reste invisible, en dehors du cadrage des cases. Marie porte une culotte et un soutien-gorge, ainsi que des talons hauts, son visage reste également hors cadre. Élodie est entièrement nue, son visage reste hors cadre. Au total, le lecteur pourra voir le visage de trois modèles : Zendaya, Attilia, Laurence. Pour autant, le texte qui accompagne chaque portrait apporte une touche personnelle pour chaque corps. Le point de vue du modèle sur sa relation avec son corps s’avère différent à chaque fois, portant un trait de caractère par ce qu’il raconte. Au fil des portraits, l’artiste prend de l’assurance et ne se sent pas enfermé dans son dispositif. Ainsi dix-sept modèles féminins sont habillés en tenue présentable en société, ni nues, ni en sous-vêtement, et il en va de même pour quatre modèles masculins. Les cases de la page consacrée à Milla montrent des portions de chaussée d’une route, des palettes dressées en barrière et des pneus.
Le lecteur comprend que l’artiste a discuté avec ses modèles pour travailler ensemble sur la manière dont ils souhaitent être montrés, être exposés, en fonction de leur relation avec leur corps, en fonction de la représentation qu’ils en ont, des zones qu’ils préfèrent ou non, souhaitant que le dessin évite lesdites zones ou au contraire les mettent en scène. Le choix de ladite mise en scène se fait aussi sur l’absence majoritaire de décor dans ces portraits, et sur un ou deux accessoires. Cécile se trouve dans son jardin avec son panier, manie le sécateur dans une page, caresse une fleur dans une autre. Thierry est dans sa salle de bain, en train de se raser. Antoine effectue des exercices physiques sur le sol en intérieur. Princesse achève d’ajuster sa robe et sa ceinture. Christophe se roule une clope, gratouille un peu sur sa guitare, déguste une bière. Alain change la couche de son bébé. Dès la première page, le lecteur remarque le travail de mise en couleur pour la peau de Lana : texturée, souple, captant la lumière. Dans le même temps, si son regard s’attarde un peu sur le mode d’application de la couleur, il voit l’équivalent de trait de pinceau, d’effets de texture, de grain, de nuance sans rapport avec la réalité observable à l’œil : un travail sophistiqué pour obtenir un tel résultat final. Pour Marie, la peau prend une teinte marron mâtiné de gris, peu naturelle dans sa couleur, mais organique dans l’apparence. Une dizaine de pages plus loin, il retrouve une couleur de peau similaire pour Marcel, puis pour Mary-Loo une quinzaine de pages encore plus loin. La peau de Cassandre se situe en gris et bleu. Celle de Lucie vire à l’orange-ocre. Celle Nounouz apparaît violet tendance prune, celle de Nono violet tendance aubergine. Un savoir-faire épatant de l’usage de la couleur pour des textures de peau organiques et plus vraies que nature.
Le lecteur découvre les confidences des modèles, toutes différentes de par leur personnalité, avec des thèmes variables : aimer son corps ou non, avoir un rapport affectif au corps qui évolue avec le temps, être en manque de contacts physiques (câlins, caresses, mordillages, etc.), le pouvoir de séduction, la pudeur, la prise de poids qui accompagne la prise d’âge, l’entretien du corps par l’exercice physique, la nourriture saine, ou au contraire une absence d’intérêt à s’occuper de son corps, un regain de sensualité, l’éventualité de la prostitution, la maladie, l’envie de faire des découvertes, d’expérimenter, la masturbation, le plaisir de porter des talons hauts, l’importance de l’odeur corporelle et des parfums, la fluctuation de poids en fonction de l’état émotionnel, un système pileux trop développé, les tatouages pour habiller le corps ou pour exprimer sa personnalité sur sa peau, les complexes ou leur absence, le besoin de changer d’apparence pour briser la monotonie, l’image publique de soi, l’apparition du bide, la possibilité de la chirurgie esthétique, etc. La majeure partie des modèles sont contents de leur corps, soit parce qu’ils le trouvent beau ou séduisant, parce qu’ils ont appris à l’aimer avec ses imperfections. La plupart des modèles donnent leur âge : 20 ans pour le jeune, 60 pour le plus vieux, dont dix-huit âgés de plus de quarante ans.
Dans le même temps, le lecteur découvre les intermèdes, ces séquences intercalées deux par deux qui évoquent la vie de l’auteur. Il a adopté la même mise en page que pour les portraits, six cases par page, disposées en trois bandes de deux, et des cadrages sur des éléments entre détail et décor. L’esprit de l’auteur vagabonde : profiter de moments de solitude, réfléchir aux prochains projets en cuisinant, tailler les arbres en se demandant où il sera la prochaine saison, penser à emménager à La Rochelle, glander à Saint Malo, voyager en train, effectuer un voyage en avion, se faire dorer la pilule sur la plage de Cayenne, planifier les projets à venir, attendre les coups de fils, se retrouver à Corbeil pour un festival de photographies, se retrouver seul dans sa maison, débuter un projet sur la relation au corps. D’un côté, c’est le souvenir de fil en aiguille qui a amené à débuter ce projet, et la boucle est bouclée : de l’autre, ce sont des instantanés de vie. Une vie unique et singulière de bédéiste avec une vie partagée entre métropole et département d’outre-mer, mais aussi une vie banale d’interrogations et de projets, de rapport à son existence, sans question sur son corps, ce qui produit comme un effet d’absence criante par rapport au thème de l’ouvrage.
Impossible de soupçonner ce que recèle cet ouvrage à partir de sa couverture ou du texte de quatrième de couverture, ou même en le feuilletant et en regardant des morceaux de corps, souvent dénudés. Un artiste qui regarde et restitue la personnalité d’individus, en leur consacrant une page de six cases, composés de gros plans ou de plans rapprochés sur telle ou telle partie de leur corps, en recueillant leur façon d’envisager leur corps en quelques phrases. Mais aussi des voyages en mouvement de balancier entre la métropole et la Guyane, en réfléchissant à ses projets et à sa vie de famille. Une étonnante anthologie réalisée par un seul et même artiste, entre observation de l’autre, et fragments de vie conduisant vers ce projet. Attention contient de vrais morceaux de vie, des individus véritables sans fard.
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Armelle et Mirko
Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer ! C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis. Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence. *** Tome 2 *** Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages. Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis... Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.). Une belle série jeunesse. *** Tome 3 *** C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie. Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser... Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série. Encore un très bon tome !
Le Troisième Testament
Conrad de Marbourg, accompagné d'Elisabeth d'Elsenor, sont embarqués dans une quête mystique, à la recherche non pas du graal mais d'un troisième testament qui mettrait à mal toute la chrétienté. Voilà pour le pitch de cette aventure au cœur du Moyen Age qui mêle religion, ésotérisme et action. Comme souvent avec Xavier DORISON c'est bien fait, bien pensé. Même, et cela sera mon principal bémol, il m'a perdu lors du tome 3, où il m'a semblé manquer d'un brin de clarté pour comprendre le cheminement de l'histoire. Graphiquement le travail d'Alex ALICE est en tout point remarquable (je vous renvoie aux 1ère,8ème et 13ème images de la galerie) et retranscrit avec énormément de talent l'atmosphère tendue du scénario. Ses personnages sont également bien faits et leurs traits sont cohérents avec leurs rôles. Je ne connaissais pas son travail, mais il est sûr que je vais y porter dorénavant une attention particulière. J'ai donc pris un réel plaisir à découvrir cette série. Il faudra certainement que je me replonge dedans, afin de comprendre ce qui a pu m'échapper lors du tome 3. Elle m'a également donné l'envie de me plonger dans son préquel Le Troisième Testament - Julius
Douze
Une autre BD que plusieurs adorent et que j'ai trouvé correct sans plus. Je reconnais qu'il y a des qualités dans l'album. Le scénario est efficace et les révélations finales montrent à quel point le scénariste maitrise bien son récit. Le dessin donne une bonne ambiance et la mise en page est très bonne aussi. Le problème vient plutôt des personnages qui m'ont laissé indifférent. Difficile donc de trouver cela jubilatoire de voir des salopards se tirer dessus si je me foutais un peu s'ils mourraient ou non. Je n'avais même pas de plaisir à les voir mourir parce que le fait qu'ils soient des salauds ne m'a même pas touché. Je pense même que j'aime mieux la première partie qui présente lentement les différents protagonistes dans une ambiance de huit-clos comme je les aime. Une curiosité à emprunter selon moi vu qu'elle ne m'a pas trop marqué.
Journal d'un Enfant de Lune
Belle histoire qui permet de mettre en lumière cette maladie ci cachée et incomprise. Je me suis mise a la place de cette jeune fille trouvant ce journal caché. J'aurais réagi de la même manière, avec cette euphorie et cette curiosité. On traverse avec elle toute les émotions, la joie un peu malsaine d'ouvrir un secret interdit, l'amour naissant d'un héro inconnu, la soif de partir a l'aventure. Le sentiment d'être l'élu devant accomplir une mission. L'inquiétude et la tristesse de découvrir des souffrances quelle n'avait jamais croisé. Elle a rencontré grâce a ce journal l'empathie l'espoir, elle a redécouvert l'amour de ces proches, elle a mûri elle s'est ouvert au monde. En bref tout ça le temps des vacances d'été.
La Truie, le Juge et l'Avocat
Une BD sympathique qui présente un phénomène peu connu sur le moyen-âge: on a déjà convoqué au tribunal des animaux pour qu'ils répondent de leurs crimes. Cela semble absurde, mais en même temps est-ce mieux aujourd'hui où on ne fait qu'abattre les animaux sans aucun forme de procès dès qu'on les juge dangereux pour la société ? Même si le récit est pas mal, j'ai été un peu déçu par le traitement du sujet par les auteurs. Il y a des réflexions intéressantes sur plusieurs sujets comme la responsabilité des animaux sur leurs actes, mais je trouve que c'est gâché par un traitement caricatural de plusieurs personnages de l’histoire. Je pense que cela aurait été plus intéressant si la partie qui veulent la mort de la truie n'était pas présenter comme des riches qui abusent de leurs pouvoirs et qui semblent avoir rien d'autres à faire de leurs journée que d'être méchant envers la pauvre truie et son propriétaire. Et si j'ai adoré une bonne partie de l'album, j'aime moins le derniers tiers où un événement crée un retournement de situation que je n'ai pas trop aimé. Le dessin est correct.
Surface
3.5 Je ne serais pas aussi enthousiaste que Mac Arthur, mais je trouve tout de même que c'est un bon polar. L'histoire est au final du déjà-vu (ah le village qui cache un terrible secret et c'est bien sur une étrangère qui va venir foutre la emmerde en ayant aucun problème à déterrer une affaire du passé), mais le scénario est terriblement efficace avec notamment des révélations bien emmenés. J'ai pris un certain plaisir à lire cette adaptation d'un roman que je ne connaissais pas et je pense que c'est à lire si on est fan de polar. Là où ça va moins bien est le dessin. Je n'aime pas trop comment sont dessinés les personnes et en particuliers leurs visages. C'est vraiment le style réaliste typique où j'aime bien les décors qui sont parfois très beaux à regarder, mais je bloque sur les personnages que je trouve moche. Ce qui n'aide pas est qu'on est censé voir l'héroïne comme étant laide suite à un accident, mais pour moi tout le monde est laid !
Comment Betty vint au monde
En première lecture, j'ai détesté. Oh, je n'ai pas détesté le dessin. C'est un beau trait souple au pinceau, des couleurs puissantes et très belles, une foule d'essais plastiques, de tampons et autres tâches. Mais déjà l'incroyable profusion et l'enchevètrement de formes, de couleurs, de traits et de bavures surprend par son aspect confus, comme improvisé. On y voit le talent graphique mais sous une forme libérée où tout se mêle dans un chaos semi-esthétique et réfractaire à la logique classique de narration graphique. Ce chaos se révèle également dans ce qui tient lieu d'histoire à cet ouvrage. Les textes, quand ils ne sont pas tronqués, superposés, à demi effacés ou griffonnés, tiennent de l'écriture automatique, du déversement psychanalytique, sans structure séquentielle, au point de m'interroger sur le fait d'avoir face à moi une vraie BD ou plutôt un recueil d'illustrations réalisées au gré des envies et inspirations de l'auteur. Illisible et bien trop abscons pour un lecteur matérialiste tel que moi. En deuxième lecture toutefois, je suis parvenu à mieux comprendre. Même si le dessin restait souvent gratuit, le texte lui se faisait plus compréhensible maintenant que j'avais une meilleure vision d'ensemble du sujet. Betty y devient en effet l'alter-ego d'une artiste au sens général ou de l'artiste auteur de cet album-ci en particulier. Et à travers sa génèse, son développement et sa fin, l'artiste/auteur se parle en grande partie à lui-même. Il pose des thématiques telles que l'artiste contre les diktats de la bonne société, l'artiste qui doit réaliser son potentiel et ne pas se laisser guider vers un avenir tout tracé, l'artiste qui ne doit pas avoir honte de ses erreurs mais les afficher et apprendre d'elles, ou encore son rapport intime à Dieu et à Jésus... Le message commençait donc à passer de manière un peu plus claire, mais toujours aussi décousue, aussi gratuite, avec à nouveau pour moi de grandes difficultés à ne pas décrocher toutes les 3 pages, à trouver désagréable cette mise en scène. Tant et si bien qu'une fois encore, j'ai eu du mal à ne pas survoler le dernier tiers de l'album. C'est le genre d'ouvrage artistique qu'il faut prendre le temps de lire, relire et analyser pour en déterminer le message ou juste l'état d'esprit de l'auteur... sauf que pour cela, il aurait fallu qu'il parvienne à m'en donner l'envie et cet excès de confusion et d'improvisation me prend tellement la tête que ce serait me faire souffrance que de vouloir chercher à creuser davantage une thématique qui visiblement ne me parle pas.
El Diablo
El Diablo est une aventure d'un ancêtre du Marsupilami à l'époque des conquistadors. Le héros est un jeune mousse qui a désobéi à son capitaine (il a refusé de se laisser manger par l'équipage, vous vous rendez compte ?) et qui subit les brimades de celui-ci maintenant qu'ils sont arrivés sur les côtes de Palombie. Envoyé récupérer le cadavre d'un singe dans un arbre, il fait la rencontre du Marsupilami. Les deux développent un étrange lien les amenant à ressentir tout ce que l'autre ressent. Ainsi, quand les marins violentent le jeune héros, le Marsupilami va systématiquement lui venir en aide et éjecter les indélicats avec fracas. Mais cela n'empêche pas le capitaine avide d'or d'utiliser tous les moyens pour atteindre le trésor d'El Dorado qu'on lui a promis. C'est une histoire tous publics avec un scénario simple mais rondement mené. Le décor est exotique et dépaysant. On passe des vieux gréements du 16e siècle à la jungle Palombienne, puis à ses montagnes enneigées et à des temples anciens, comme dans une bonne aventure de Tintin. Le fameux Marsupilami y est traité comme une bête farouche, pas forcément gentille mais pas méchante pour autant. Ce n'est pas le Marsupilami amical, malin et joueur de Franquin, mais il remplit bien son rôle d'ancêtre plus frustre et sauvage, capable de douceur toutefois. L'histoire est plutôt dense, remplissant bien la soixantaine de pages de l'album. Et surtout le graphisme est superbe ! Ce sont de grandes planches aux couleurs intenses, rappelant les gouaches de Masbou (De Cape et de Crocs) et l'ambiance plus enfantine de Keramidas (Alice au pays des singes). On peut largement prendre le temps de les admirer tant les détails sont fournis et les couleurs éclatantes, et en même temps elles restent bien lisibles. Seul léger regret, certains personnages sont un peu trop cartoon dans leur style, en particulier les marins et leur capitaine, ce qui tranche avec la beauté des décors. Mais dans l'ensemble, c'est tellement beau qu'on pardonne facilement ce choix probablement destiné à faciliter l'attrait du jeune public. Un récit d'aventure dépaysant incluant le personnage du Marsupilami au milieu de nombreux autres : si l'intrigue reste simple et sans grande surprise, elle est bien menée, plaisante et elle permet surtout de profiter du superbe dessin d'Alexis Nesme pour un ensemble qui laisse le lecteur satisfait.
VS - Ligne de front
Un comics bourré d'action qui critique le monde des médias, de la publicité et des élites dans une ambiance cyberpunk futuriste. Au niveau du scénario, nous sommes dans des terrains déjà très balisés. Pour le spectacle, on y retrouve énormément de Running Man ou de Hunger Games. Pour l'idée d'utiliser la vraie guerre comme une télé-réalité, on y retrouve beaucoup de Live war heroes. Pour les élites largement au dessus du petit peuple et pour le côté décérébré et adepte de médias, on y retrouve beaucoup de Avant l'Incal. Quant aux publicités qui s'insèrent partout dans la vie des protagonistes et des spectateurs, c'est un grand classique du cyberpunk. Bref, énormément de déjà vu pour une intrigue qui ne marquera pas par son originalité. Au niveau du graphisme, c'est du beau boulot en matière d'esthétisme. Personnages, costumes et décors ont la classe, le trait est très maîtrisé et les couleurs à la hauteur. Par contre, la narration graphique des scènes d'action n'est pas toujours très claire et on comprend ce qu'il se passe davantage en lisant les dialogues qu'en observant les planches. En effet, c'est bien la narration qui est le véritable défaut de ce comics. Toute l'histoire est décousue, avec de nombreux passages dont on peine à comprendre s'ils ont lieu avant, après ou pendant le déroulement des évènements. Les motivations des antagonistes ne sont pas claires, ni leurs méthodes et surtout le résultat bancal de celles-ci. Quant à comprendre pourquoi le super soldat au top du classement est à la ramasse pendant les deux tiers de l'album... J'ai dû relire l'album une deuxième fois, et encore après revenir sur certains passages pour tenter de bien comprendre toute l'intrigue et ses détails, mais non : même si on capte l'idée globale de l'histoire (et celle-ci ne casse vraiment pas trois pattes à un canard), il y a énormément d'éléments qui sont confus, contradictoires et limite incompréhensibles. C'est un beau dessin mis au service d'une histoire banale et mal racontée.
Traits intimes
Interroger l’intimité de l’autre pour tenter de se comprendre soi-même. - Ce tome contient une histoire, ou un témoignage, indépendant de toute autre. Sa première édition date de 2019. Il a été entièrement réalisé par Joub (Marc Le Grand), pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction d’une page, un texte intitulé Les pas de côtés, rédigé par Fabien Grolleau, pour Vide Cocagne. Il évoque les albums à écrire, les commandes à exécuter, les livres à terminer, et puis il y a les pas de côté. Il continue : Pour Joub qui débutait une nouvelle vie entre Bretagne et Guyane, et qui s’interrogeait sur sa carrière d’auteur, il a été vital de faire ce pas de côté : il lui est alors venu l’idée de se confronter au corps de l’autre, d’utiliser son dessin pour emmener ses modèles à se raconter. Interroger l’intimité de l’autre pour tenter de se comprendre soi-même. Lana : En novembre dernier, elle a posé pour la première fois à un court d’art. Là, elle a rencontré un monsieur qui lui a proposé, d’un ton grave, de faire des portraits un peu particuliers. Deux jours après elle était chez lui, nue en train de raconter sa vie sexuelle. Ça ne la dérange pas, elle aime bien parler d’elle. Elle ne comprend pas ce qui lui plaît chez elle. Elle est sûre qu’il veut coucher avec elle. – Marie : elle n’a jamais aimé son corps. Depuis son adolescence, elle s’est toujours trouvée vilaine. Après ses quarante ans, elle s’est sentie plus à l’aise. Peut-être parce que les gens lui disent qu’elle est belle. Et elle le voit dans le regard des hommes. Ce qui la rend triste, c’est que son mari ne lui ai jamais dit. Élodie : Elle a 35 ans et elle trouve que son corps n’a pas été assez exploré. Du coup, elle se sent frustrée de contacts physiques. On n’a pas assez mordu le lobe de ses oreilles, joué avec ses seins, son corps. Elle voudrait plus de câlins, de caresses, de contacts. Aujourd’hui elle veut qu’on joue avec elle. Elle veut que son corps soit un immense terrain de jeu. – Nina : Elle trente-quatre ans. Elle est une belle femme, consciente de son pouvoir de séduction. Par contre, elle n’aime pas montrer son corps. Pour elle, ça n’a aucun intérêt. À la plage, par exemple, si elle n’est pas dans l’eau, elle ne reste pas en maillot de bain. Une fois sortie, elle se rhabille rapidement. Elle considère que son corps n’appartient pas au domaine public mais privé. Elle est plus à l’aise, plus libre dans l’intimité de son couple. - Simone : Elle perçoit son corps comme un compagnon qu’elle voit grandir, vieillir. Elle l’aime bien. Même si certaines évolutions sont plus difficiles à accepter que d’autres, comme le fait de prendre du poids. Gamine, elle était mince et musclée quand elle faisait de la danse classique. On l’appelait le haricot vert. À quarante-deux ans, elle n’est plus grassouillette. Elle a pris du poids. Par tranches de dix kilos. Ça a pu la gêner dans l’intimité de son couple, mais ça n’a jamais déplu à son compagnon. En revanche, elle est bienveillante face aux signes de vieillissement style rides ou cheveux blancs. Finalement, elle se trouve pas si mal. Le lecteur commence par sourire au jeu de mots du titre : Très / Traits intimes. Puis il parcourt le texte d’introduction et note le principe de pages réalisées pour le plaisir, en dehors des obligations professionnelles de forme variée, l’auteur partageant son temps entre des séjours en Bretagne et des séjours en Guyane. Le court texte de la quatrième de couverture et la première histoire explicite le principe : mettre en scène le corps, souvent dénudé, d’un modèle consentant, tout en notant en de courtes phrases, son rapport au corps tel que le sujet l’expose. Chaque modèle est exposé en une page qui porte son prénom comme titre, composée de six cases de taille identique, disposées en trois bandes de deux cases chacune. Le lecteur découvre ainsi cinquante portraits réalisés avec cet angle d’approche. Trente-neuf femmes, onze hommes. Des pages réalisées à la peinture avec un trait de couleur coloré pour délimiter les formes, et un mode de couleur directe pour les zones ainsi détourées. En plus de ces portraits, l’auteur évoque plusieurs moments de sa vie : dix-sept moments, intégrés deux par deux, sauf pour le dernier, dans deux pages en vis-à-vis, page de gauche et page de droite. À chaque fois, l’auteur donne un titre composé d’un lieu et d’une date : Saint-Méloir-des-Bois 30/08/16, Saint-Méloir-des-Bois 01/09/16, Saint-Méloir-des-Bois 02/09/16, La Rochelle 03/09/16, Paris 06/08/16, Rue Victor Hugo 05/11/16, Vol TX 570 pour Cayenne 06/11/16, Cayenne 29/11/16, Copinstant 04/12/16, Cayenne 10/12/16, Corbeil 01/14/17, Cayenne 14/04/17, Cayenne 06/05/17, Copistant 04/06/17, Cayenne 26/03/18, Cayenne 30/04/18, Cayenne 02/06/18. Le lecteur commence par découvrir le corps de Lana, entièrement nue : ses fesses, son tronc de face, à nouveau ses fesses deux fois, puis le haut de sa cuisse droite, et enfin son ventre. L’artiste ne choisit pas des cadrages ou des postures pornographiques, pas forcément d’intention érotique non plus. Le corps présente une belle couleur entre doré et brun, le visage de Lana reste invisible, en dehors du cadrage des cases. Marie porte une culotte et un soutien-gorge, ainsi que des talons hauts, son visage reste également hors cadre. Élodie est entièrement nue, son visage reste hors cadre. Au total, le lecteur pourra voir le visage de trois modèles : Zendaya, Attilia, Laurence. Pour autant, le texte qui accompagne chaque portrait apporte une touche personnelle pour chaque corps. Le point de vue du modèle sur sa relation avec son corps s’avère différent à chaque fois, portant un trait de caractère par ce qu’il raconte. Au fil des portraits, l’artiste prend de l’assurance et ne se sent pas enfermé dans son dispositif. Ainsi dix-sept modèles féminins sont habillés en tenue présentable en société, ni nues, ni en sous-vêtement, et il en va de même pour quatre modèles masculins. Les cases de la page consacrée à Milla montrent des portions de chaussée d’une route, des palettes dressées en barrière et des pneus. Le lecteur comprend que l’artiste a discuté avec ses modèles pour travailler ensemble sur la manière dont ils souhaitent être montrés, être exposés, en fonction de leur relation avec leur corps, en fonction de la représentation qu’ils en ont, des zones qu’ils préfèrent ou non, souhaitant que le dessin évite lesdites zones ou au contraire les mettent en scène. Le choix de ladite mise en scène se fait aussi sur l’absence majoritaire de décor dans ces portraits, et sur un ou deux accessoires. Cécile se trouve dans son jardin avec son panier, manie le sécateur dans une page, caresse une fleur dans une autre. Thierry est dans sa salle de bain, en train de se raser. Antoine effectue des exercices physiques sur le sol en intérieur. Princesse achève d’ajuster sa robe et sa ceinture. Christophe se roule une clope, gratouille un peu sur sa guitare, déguste une bière. Alain change la couche de son bébé. Dès la première page, le lecteur remarque le travail de mise en couleur pour la peau de Lana : texturée, souple, captant la lumière. Dans le même temps, si son regard s’attarde un peu sur le mode d’application de la couleur, il voit l’équivalent de trait de pinceau, d’effets de texture, de grain, de nuance sans rapport avec la réalité observable à l’œil : un travail sophistiqué pour obtenir un tel résultat final. Pour Marie, la peau prend une teinte marron mâtiné de gris, peu naturelle dans sa couleur, mais organique dans l’apparence. Une dizaine de pages plus loin, il retrouve une couleur de peau similaire pour Marcel, puis pour Mary-Loo une quinzaine de pages encore plus loin. La peau de Cassandre se situe en gris et bleu. Celle de Lucie vire à l’orange-ocre. Celle Nounouz apparaît violet tendance prune, celle de Nono violet tendance aubergine. Un savoir-faire épatant de l’usage de la couleur pour des textures de peau organiques et plus vraies que nature. Le lecteur découvre les confidences des modèles, toutes différentes de par leur personnalité, avec des thèmes variables : aimer son corps ou non, avoir un rapport affectif au corps qui évolue avec le temps, être en manque de contacts physiques (câlins, caresses, mordillages, etc.), le pouvoir de séduction, la pudeur, la prise de poids qui accompagne la prise d’âge, l’entretien du corps par l’exercice physique, la nourriture saine, ou au contraire une absence d’intérêt à s’occuper de son corps, un regain de sensualité, l’éventualité de la prostitution, la maladie, l’envie de faire des découvertes, d’expérimenter, la masturbation, le plaisir de porter des talons hauts, l’importance de l’odeur corporelle et des parfums, la fluctuation de poids en fonction de l’état émotionnel, un système pileux trop développé, les tatouages pour habiller le corps ou pour exprimer sa personnalité sur sa peau, les complexes ou leur absence, le besoin de changer d’apparence pour briser la monotonie, l’image publique de soi, l’apparition du bide, la possibilité de la chirurgie esthétique, etc. La majeure partie des modèles sont contents de leur corps, soit parce qu’ils le trouvent beau ou séduisant, parce qu’ils ont appris à l’aimer avec ses imperfections. La plupart des modèles donnent leur âge : 20 ans pour le jeune, 60 pour le plus vieux, dont dix-huit âgés de plus de quarante ans. Dans le même temps, le lecteur découvre les intermèdes, ces séquences intercalées deux par deux qui évoquent la vie de l’auteur. Il a adopté la même mise en page que pour les portraits, six cases par page, disposées en trois bandes de deux, et des cadrages sur des éléments entre détail et décor. L’esprit de l’auteur vagabonde : profiter de moments de solitude, réfléchir aux prochains projets en cuisinant, tailler les arbres en se demandant où il sera la prochaine saison, penser à emménager à La Rochelle, glander à Saint Malo, voyager en train, effectuer un voyage en avion, se faire dorer la pilule sur la plage de Cayenne, planifier les projets à venir, attendre les coups de fils, se retrouver à Corbeil pour un festival de photographies, se retrouver seul dans sa maison, débuter un projet sur la relation au corps. D’un côté, c’est le souvenir de fil en aiguille qui a amené à débuter ce projet, et la boucle est bouclée : de l’autre, ce sont des instantanés de vie. Une vie unique et singulière de bédéiste avec une vie partagée entre métropole et département d’outre-mer, mais aussi une vie banale d’interrogations et de projets, de rapport à son existence, sans question sur son corps, ce qui produit comme un effet d’absence criante par rapport au thème de l’ouvrage. Impossible de soupçonner ce que recèle cet ouvrage à partir de sa couverture ou du texte de quatrième de couverture, ou même en le feuilletant et en regardant des morceaux de corps, souvent dénudés. Un artiste qui regarde et restitue la personnalité d’individus, en leur consacrant une page de six cases, composés de gros plans ou de plans rapprochés sur telle ou telle partie de leur corps, en recueillant leur façon d’envisager leur corps en quelques phrases. Mais aussi des voyages en mouvement de balancier entre la métropole et la Guyane, en réfléchissant à ses projets et à sa vie de famille. Une étonnante anthologie réalisée par un seul et même artiste, entre observation de l’autre, et fragments de vie conduisant vers ce projet. Attention contient de vrais morceaux de vie, des individus véritables sans fard.