Si « Retour à Tomioka » a toutes les apparences d’une lecture jeunesse, elle devrait pouvoir séduire tout aussi bien les grands enfants jusqu’à 77 ans et plus… Il est d’ailleurs difficile de classer cet album dans une catégorie quelconque. Aventure intimiste et poétique, « Retour à Tomioka » est un manga au format franco-belge, co-réalisé par deux auteurs français : Laurent Galandon au scénario et Michaël Crouzat au dessin, ce dernier étant un nouveau venu dans la bande dessinée.
Elément notable : d’’un sujet anxiogène lié à la catastrophe de Fukushima, les auteurs ont réussi à produire quelque chose d’étonnamment apaisant… C’est une très belle lecture qu’ils nous offrent, en plaçant au cœur de l’histoire deux orphelins, en particulier le jeune Osamu qui est prêt à braver les restrictions de circulation imposées par le gouvernement pour rendre un hommage décent à sa grand-mère qui vient de décéder. Lui seul semble en capacité de communiquer avec les yokai, ces petites créatures espiègles issues du folklore japonais, ce qui ajoutera une touche d’humour au récit tout en permettant de prendre du recul.
En évitant le pathos lié à cette terrible tragédie, Laurent Galandon et Michaël Crouzat ont réussi à produire un récit que l’on pourrait croire imaginé par Hayao Miyazaki lui-même, un récit où la nature fait jaillir toute sa puissante poésie à la façon d’un feu d’artifice, mais cette fois dans la foulée d’une catastrophe nucléaire. Car même si la région de Fukushima semble rayée de la carte, cette nature en mutation, symbolisée par un yokai atomique monstrueux, montre qu’elle est toujours là et cherche à reprendre l’ascendant sur une invention humaine spectaculaire qui aurait échappé à son créateur…
D’un point de vue graphique, si l’univers évoque celui de Miyazaki, on ne peut également s’empêcher de penser à Jirô Taniguchi pour cette façon de produire une atmosphère rassurante dans ce Japon bien ordonné. Le trait tout en simplicité de Michaël Crouzat est maîtrisé, de même que le cadrage et la mise en page, et quand on sait que cet auteur a longtemps officié dans le dessin animé, il n’y a guère de quoi être surpris, tant les séquences s’enchaînent avec une plaisante fluidité. On pourra relever également le beau travail sur la couleur d’Andrès Garrido Martin et Clara Patiño Bueno, avec des tonalités évoluant en fonction des passages.
Tout cela fait de « Retour à Tomioka » une réussite incontestable qui a largement mérité son prix jeunesse à Angoulême. Il y a beaucoup de magie dans cet album qui nous invite à conserver la meilleure part de notre enfance, cette part qui donne accès au monde invisible et que l’on a trop souvent tendance à oublier lorsque vient l’âge adulte.
Mais un bon deal valant mieux qu’un long et coûteux procès…
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Ce tome constitue la première moitié d’un diptyque, d’une série centrée sur un nouveau personnage apparu pour la première fois dans les deux derniers tomes de la précédente série de l’auteur, Caroline Baldwin : Caroline Baldwin T18 - Half-blood (2018) & Caroline Baldwin - T19 - les faucons (2020), ainsi que dans le hors-série Caroline Baldwin, Miss Tattoo (2020). Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les crayonnés et les couleurs, et par Elisabetta Barletta pour les dessins. Cyrielle Zurbrügg a servi d’inspiration et de modèle pour le personnage principal. Il comprend quarante-quatre pages de bande dessinée. Le récit s’apprécie mieux en ayant une connaissance des tomes 18 & 19 précités.
Au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, par une belle journée ensoleillée, une femme blonde en robe verte d’été se repère avec un plan dans la main. Elle finit par trouver la tombe qu’elle recherche : celle de Caroline Baldwin. Dans un costume classique, Gary Scott se tient devant la stèle en attendant. Vanina Lao présente ses excuses : elle est en retard, malgré le plan fourni par Scott, elle s’est perdue dans ce labyrinthe. Il lui demande si elle a fait bon voyage. Elle répond par l’affirmative et ils se recueillent un instant en mémoire de la défunte. Puis Scott reprend la parole, il se demande ce qui a finalement décidé Lao à venir, le besoin de changer de vie dit-elle. Il lui tend les clés de la maison de Caroline, la demi-sœur de Vanina : la maison est à elle à présent, il a lui aussi besoin de changer de vie. Elle s’y rend avec son sac de voyage et pénètre à l’intérieur : tout est sens dessus-dessous. La maison a été fouillée de fond en comble et il y règne un désordre indescriptible.
Le téléphone sonne, un modèle filaire : Vanina Lao répond et un interlocuteur anonyme la menace violemment en exigeant qu’elle rende le dossier qu’elle leur a piqué, dans les vingt-quatre heures. Passé ce délai, elle sera morte. Alors qu’elle est encore sous le choc, la porte s’ouvre et l’inspecteur Philips pénètre à l’intérieur. Elle réagit immédiatement en indiquant qu’elle n’a pas ce qu’il recherche. Il se présente comme étant de la police, et un ami de Gary. Il lui propose de s’asseoir et de discuter. Après quelques échanges, il essaye de contacter Scott sur son portable, mais ce dernier ne répond pas. En continuant de discuter, les deux interlocuteurs en déduisent que l’état de la maison doit être lié au boulot de Caroline chez Wilson Investigation. Après avoir fait le tour de la maison, Philips propose à Vanina de l’emmener à New York, pour tirer cette affaire au clair ; elle accepte. Le lendemain, dans la mégapole, ils se présentent à la porte desdits bureaux : ils se heurtent à deux policiers qui leur interdisent le passage. Philips reconnaît un nouvel arrivant, Terry, un inspecteur qu’il connaît. Ce dernier accepte de les faire entrer et leur expose la situation. C’est le gardien qui a donné l’alerte ce matin : la porte des bureaux de Wilson avait été fracturée, quelqu’un avait vidé les armoires, emporté les disques durs externes, et surtout ils ont laissé un joli macchabée.
Dix-neuf albums pour la série Caroline Baldwin, personnage créé en 1996, deux albums supplémentaires (Double dames en 2021 et Le voyageur en 2023) et une fin en bonne et due forme… avec quelques questions laissées en suspens. Le scénariste change donc de personnage, tout en reprenant les fils de l’intrigue. Le lecteur hésite entre plus de la même ou quelque chose de différent : cela valait-il la peine de changer de personnage ? On change d’une héroïne brune et élancée pour une héroïne blonde et tatouée : la différence n’est pas criante, d’autant que la nouvelle subit plutôt les évènements, trimballée par l’inspecteur Philips qui fait son boulot avec une totale liberté, mais aussi une vraie compétence. L’histoire reprend le principe de ce cabinet d’investigation, avec un ou deux secrets de nature à déstabiliser les plus hauts niveaux de l’état américain, une conspiration dans laquelle Caroline Baldwin aurait pu se retrouver à son corps défendant, se comportant comme un éléphant dans un magasin de porcelaine pour mener son enquête. Elle aurait sans nul doute été plus dans l’action que Vanina Lao. Enfin, Taymans a quasiment dessiné cet album : il en a fait le découpage et les crayonnés, confiant la finition des dessins à une dessinatrice, comme il avait confié les dessins définitifs de Le voyageur à Nico van de Walle.
Bon voilà donc un album qui semble s’apparenter à une nouvelle aventure de Caroline Baldwin qui ne dit pas son nom. D’un autre côté, c’est bien le même auteur, il n’est guère surprenant qu’il crée un album dans la lignée des précédents. Son héroïne se trouve impliquée dans une affaire de chantage concernant des documents susceptibles de nuire à la réélection du président des États-Unis, dans un plan organisé par son concurrent. Ce dernier est légèrement empâté, avec une étrange chevelure blonde alambiquée, il joue au golf, et ses subalternes l’appellent gouverneur Duck, un nom qui sonne étrangement au départ, jusqu’au moment où le lecteur fait le lien avec un prénom qui est à la fois celui d’un canard (Duck) et celui du quarante-cinquième président des États-Unis. Mais voilà que la situation se complique avec l’implication du cabinet Wilson Investigation, et celle de Gary Scott, l’ancien compagnon de Caroline par intermittence, et également agent du FBI. Le lecteur apprécie l’expérience consommée avec laquelle l’auteur met à profit la mythologie propre à ce pays, avec également une sombre histoire du suicide collectif des membres d’une secte, évoquant des affaires réelles similaires.
Pour autant, le lecteur remarque également les différences significatives avec la série précédente, et elles vont plus loin que la couleur des cheveux et la présence de tatouage, ou encore une paire de lunettes. Pour commencer, Vanina Loa ne mène pas l’enquête : ce n’est pas son métier, à la différence de Caroline Baldwin. Ensuite, elle ne semble pas souffrir de symptômes dépressifs, peut-être que l’auteur lui-même a laissé derrière lui quelques-uns de ses propres démons. En revanche, elle est tout aussi à l’aise que Caroline avec la nudité, et l’auteur a conservé cette caractéristique avec une scène de douche, qui permet d’admirer l’intégralité des tatouages de Miss Tatttoo. Pour autant, la dessinatrice dispose de sa personnalité propre pour les traits de contour, avec une sensibilité différente de celle de Taymans, ce qui donne une allure moins sexy à ce passage, plus prosaïque. En effet, Barletta utilise des traits de contours moins épurés, plus fins et plus appliqués, aboutissant à un rendu plus minutieux pour les personnages, parfois proche de celui de Taymans pour quelques éléments de décors. En fonction de ses goûts, le lecteur peut trouver le visage des personnages un peu trop littéral, ou apprécier ce rendu descriptif plus proche du réel. La page de garde de l’ouvrage comprend une photographie de Cyrielle Zurbrügg ce qui permet de constater la ressemblance du personnage dessiné avec son modèle.
La narration visuelle repose sur une documentation concrète et des dessins descriptifs et réalistes. Le lecteur peut avoir l’assurance de la vraisemblable de la représentation du cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, des rues de New York, de la Maison Blanche, d’un restaurant asiatique en entresol, ou encore d’un motel en pleine cambrousse, et d’un lodge isolé dans une zone naturelle sauvage. D’un côté, les dessins de Barletta comprennent plus d’éléments que ceux de Taymans ; de l’autre, ce dernier donnait une meilleure sensation des grands espaces naturels. Quoi qu’il en soit, les dessins donnent à voir concrètement les environnements et les différents éléments comme les aménagements intérieurs, les ameublements, les accessoires variés. Grâce à cela, le lecteur peut croire que la maison de Caroline Baldwin était effectivement encore équipée d’un poste de téléphone filaire, le saccage consécutif à la fouille est patent, il ne manque rien à l’équipement de pêche de Philips, les enseignes avec idéogrammes chinois apportent un cachet authentique au quartier asiatique de New York, la scène de décollage d’hélicoptère sur la pelouse de la Maison Blanche semble provenir des informations télévisées, il fait bon rouler dans les routes de basse montagne dans la région de Denver, etc. Le talent de metteur en scène et de découpage d’André Taymans fait son effet et Barletta sait s’adapter pour compléter les esquisses en les respectant et en en gardant l’esprit. La campagne de financement participatif de l’album offrait la possibilité d’acquérir en plus un album souple collector en tirage limité reprenant l’intégralité du storyboard d’André Taymans.
Le créateur de l’héroïne Caroline Baldwin et de sa série revient avec un nouvel album avec un personnage secondaire assumant le premier rôle : Miss Tattoo, inspirée par Cyrielle Zurbrügg. Le lecteur retrouve de nombreux éléments de la série originale, à commencer par une intrigue policière nourrie par des éléments d’actualité, dans le territoire américain, mettant à profit aussi bien ses grands espaces naturels que le potentiel d’un complot politique. Il apprécie la qualité de la narration visuelle en termes de découpage et de plan de prises de vue réalisés par André Taymans, il s’adapte rapidement aux dessins d’Elisabetta Barletta. Un polar divertissant avec quelques clins d’œil savoureux à des faits bien réels, comme l’art des affaires.
J’ai beaucoup aimé ce récit choral, j’apprécie cet exercice narratif qui permet souvent une réflexion utile sur la façon dont nos vies se croisent et s’entrecroisent, sur le fait que nous savons peu de la souffrance des autres.
Je comprends que certains trouvent le récit un peu « plat » ou la fin un peu décevante (voir les autres avis), mais ces petits défauts (s’ils en sont) ne m’ont pas vraiment dérangé. J’ai suivi les déboires des différents protagonistes avec beaucoup d’intérêt, je me suis vraiment pris au jeu, je me suis attaché à elles-eux.
Pour la note, mon cœur balance entre 3/5 et 4/5… allez, j’arrondis à 4. Une lecture pas forcément poignante, mais belle et prenante.
Je suis plutôt d’accord avec ce qui a plu à Mac Arthur et déplu à Bamiléké. Je me retrouve donc le cul entre deux chaises. Mais globalement, c’est un album qui m’a laissé sur ma faim.
J’avais beaucoup aimé le film « Lord of War », qui dressait le portrait d’un marchand d’armes intelligent, roublard et d’un cynisme à toute épreuve. Je m’attendais au vu du titre et de la quatrième de couverture, à lire quelque chose de semblable, et de découvrir au travers de Gerry un personnage quasi identique.
En fait il n’en est rien – ou quasiment rien – tant du point de vue du personnage lui-même, que du traitement proposé par Philippe Girard.
Car, comme le souligne Mac Arthur, c’est une sorte de gamin qui garde ses rêves de gosse que nous suivons, un passionné de Jules Verne (le grand Verne fait d’ailleurs de nombreuses apparitions pour dialoguer fictivement avec le héros) qui cherche jusqu‘au bout, et par tous les moyens, une façon de finaliser et de financer ses rêves de canon pouvant envoyer dans l’espace (ou sur la lune !) satellites et autres objets. Mais voilà, la fin justifiant peu à peu les moyens, il va se retrouver aspiré par les appels d’air de certains services secrets (CIA et services canadiens en tête), certains états (Israël, puis Irak), et finalement ne produire que des armes, là où il ne cherchait qu’à produire des moyens de transports plus économes et plus efficaces.
Traiter ce genre de personnage en ne s’intéressant quasiment qu’à ses aspirations, dresser le portrait d’un idéaliste inconscient des manipulations dont il est l’objet, et du dévoiement de ses idéaux, pourquoi pas ? Mais ici je n’ai pas été convaincu. Non pas parce que ce serait moche de présenter un concepteur et marchand d’armes comme un être intelligent et positif. Mais surtout parce que ça n’est pas crédible selon moi. Girard a forcément dû improviser sur ce point, et j’ai du mal à croire que notre ingénieur ait été aussi naïf. Qu’il ait eu des rêves de gosses oui, mais il les a laissés de côté, consciemment ou pas, sous la contrainte de la réalité ou pour satisfaire ses besoins familiaux ou autres. Des rêves de gosse oui, mais ça n’est plus un gosse ! Après avoir été lâché, trahi par la CIA, après avoir été condamné et banni, il poursuit dans la même voie, comme un drogué « replongeant ».
Pas crédible sur la partie « inventée », immergée de l’iceberg Gerry, le scénario m’a aussi déçu pour toute la partie émergée, celle pour laquelle on peut avoir plus de connaissances factuelles. Ainsi l’action de la CIA, les différents régimes auxquels il vend des armes, tout est traité de façon trop lapidaire. Ne reste ainsi qu’une biographie fantasmée et parcellaire, un peu bancale.
Au final, l’album n’est pas inintéressant. Mais, sur le matériau constitué par Gerry, il y avait peut-être quelque chose de plus fort à construire, je ne sais pas.
Note réelle 2,5/5.
Dès les premières pages, on se sent embarqué. La narration en voix off est ultra-efficace, et tout le côté "film noir/comédie policière des années 50" est plutôt bien fait (jusqu'au logo Delcourt sur la 1re page qui parodie le logo Gaumont de 1948). Il y a de jolies punchlines, les personnages sont bien brossés, et les prémisses du récit extrêmement intrigantes. Sans compter que le nombre réduit de cases par planche fait de cette bande dessinée un tourne-pages digne de ce nom !
Bref, la magie opère indéniablement. On est pris et on n'a qu'une envie, arriver au fin mot de l'histoire, surtout que les avis qu'on trouve ici et là nous vendent tous un twist impossible à prévoir !
Et de fait, ils ont globalement raison. Seulement, c'est là que tout s'effondre... Sans être une catastrophe absolue, le twist est d'une facilité que n'égale que son manque total de vraisemblance (sans parler d'une assez forte chute dans le mauvais goût). Je n'arrive pas du tout à y croire. Alors certes, on serait dans une pure comédie parodique qui jouerait la carte de l'absurde, ça aurait pu très bien passer. Peut-être les plus cinéphiles se souviendraient-ils de l'hilarant Un Cadavre au dessert (avec rien de moins que Truman Capote, David Niven, Maggie Smith, Alec Guinness, Peter Sellers, Elsa Lanchester et James Cromwell !), qui s'amusait à abattre les cartes les plus délirantes pour finir par nous emmener dans un festival de grand n'importe quoi absolument réjouissant.
Ici, le twist m'a vraiment fait penser à ce film, sauf que le ton n'y est pas assez absurde pour nous faire accepter n'importe quel twist. Ou alors il aurait fallu l'étoffer pour le rendre plus crédible...
Cela ne signifie pas que La Cage aux cons soit une mauvaise bande dessinée. Mais je dois bien avouer qu'elle n'est pas du tout aussi marquante que je l'aurais souhaité. Reste le souvenir d'une lecture plaisante, très bien écrite et assez bien menée, mais dont, à la réflexion, j'aurais préféré ne pas lire la fin.
Trondheim nous propose une nouvelle série estampillée jeunesse mais dont l'humour peut être lu comme tout public. Avec beaucoup d'humour et d'intelligence l'auteur réunit deux mondes que tout devrait opposer mais qui se rejoignent plus que l'on croit sur la thématique de la violence. Les deux héros font des aller-retour entre le monde policé d'une école primaire et la sauvagerie de l'héroïc Fantasy d'une guerre éternelle entre Elfes et Orcs. L'auteur crée un premier décalage en rendant le petit Orc attachant grâce à un discours de présentation et d'accueil à l'école de type pauvre réfugié de zone de combats. Une lecture plus adulte (ce qui est usuel chez Trondheim) fait immédiatement penser à la thématique des enfants soldats qui véhiculent avec eux la dangerosité de leurs traumas. Paradoxalement Aurore est la seule a s'en rendre compte mais aussi la seule à vraiment se rapprocher de Orc. Le tome 1 se calque sur des série comme Mortelle Adèle avec des gags d'une page et une violence apportée par Orc; La comparaison s'arrête là car j'ai trouver la narration d'un bien meilleur niveau chez Trondheim qui joue tout de même avec le scato.
Toutefois le texte propose des situations subtiles qui m'ont fait souvent rire ou sourire. Le "total respect" de Orc pour les 60 millions de morts de notre seconde guerre mondiale est la preuve que les deux mondes ne sont pas aussi éloignés.
La thématique de la violence est donc centrale dans la série. L'auteur est trop expérimenté pour se contenter d'une approche commerciale et démagogique sur un tel sujet. A travers son humour décalé on sent qu'il propose une réflexion plus profonde sur nos comportements et doucement on glisse de plus en plus sur la vision des bons et des méchants. Le tome 2 dans le monde Fantasy en guerre nos deux personnages passent d'un monde "paisible" à un monde hostile avec une facilité déconcertante comme on franchit une porte sans s'en rendre compte. Revenir au monde paisible n'est pas aussi simple que l'on aimerait. Ainsi le tome 2 abandonne petit à petit la structure discontinue des gags pour former un récit de plus en plus suivi autour d'une expérience initiatique classique .
Le graphisme de l'auteur abandonne les animaux ce qui rend son récit très réaliste. L'auteur est un maître de l'expression humoristique qu'il est capable de faire ressentir grâce à un minuscule trait d'une formidable efficacité. C'est particulièrement vrai pour le personnage de Orc véritable bloc de granite aux subtiles expressions comiques.
Le T3 conclut le cycle d'une façon imprévue et originale qui laisse la porte ouverte à de nouveaux développements comiques. Je laisse la découverte.
Une lecture avec beaucoup de créativité qui m'a plu et que je vais m'empresser de proposer et de partager avec mes préados.
Noirdésir a eu tort dans son avis: il ne sera pas le seul à aviser cette série quasi inconnue comme son auteur et sa maison d'édition. C'est en lisant son avis avec amusement que je me suis jeté à l'eau pour lire 2 opus ( le minotaure et le calife ). Dans l'ensemble je suis d'accord avec ses remarques même si je tempère un peu car c'est une série jeunesse qui utilise des ressorts classiques pour des enfants de 8 ans. Il faut noter que cette série a produit 5 opus plus un album sur la jeunesse de Mekaly, ce qui n'est pas rien.
Ce qui m'a le plus troublé c'est que j'ai eu le sentiment que Behem avait recopié les idées et le graphisme de série des années 60/70 sans y ajouter une touche d'originalité. Le village de résistants, Mekaly doué d'une force prodigieuse , personnage toujours torse nu, des bagarres à pif paf pouf sans une goutte de sang , on se croirai dans une version Z d'Astérix, la population uniformément blanche, sapée à la mode 60's dans un village aux pavillons de banlieue des mêmes années me font penser à certains épisodes de Tif et Tondu. La seule touche que je vois de l'auteur est cette mise en place quasi politique d'une population autosuffisante avec uniquement des "productifs" sans technocrates inutiles. C'est d'ailleurs une des contradictions du scénario puisque Mekaly est plus de l'ordre du régalien ( Défense ou diplomatie) que du productif.
Une lecture pas méchante mais sans originalité avec un graphisme vieillot et mal maitrisé.
Quelle ne fut pas ma déception quand je me suis aperçu que la thématique de l'ouvrage était centrée sur un concepteur et marchand de canons. J'aurais préféré une top model québécoise.
En effet j'ai de nombreuses réserves sur l'ouvrage. L'auteur et l'éditeur sont libres de proposer un tel sujet mais est ce vraiment nécessaire de mettre en lumière douce ce type d'individu. Ces artisans de morts peuvent rester dans les poubelles de l'histoire que cela ne me dérange absolument pas.
Ensuite je trouve ridicule la tentative de l'auteur d'humaniser le personnage en en faisant un doux rêveur idéaliste en conversations avec Jules Vernes pour atteindre une utopie de gosse. Je ne sais pas si le personnage a laissé ses glorieuses mémoires mais comme l'ensemble de ses activités étaient secrètes ont peut en déduire que la narration textuelle est pure fantaisie. On a même parfois droit à de la psychologie de comptoir du type j'ai perdu deux mères dans mon enfance donc je construis des canons et des obus pour me protéger (et tant pis pour les mamans qui en "profitent")... Tout au long du scénario je me suis demandé où l'auteur voulait nous promener? Gerry génie incompris manipulé et lâché par les services secrets? Hypocrisie et duplicité des états commanditaires ? Innocence du scientifique sans conscience politique, qui fournit mais n'utilise pas? Tout cela est tellement convenu que je me suis très vite lassé de ma lecture.
Je retrouve le graphisme au trait un peu vintage que j'avais découvert dans l'ouvrage sur Saint-Exupéry. Si cela fonctionnait pour un épisode de trois semaines à Québec en 1942, c'est beaucoup moins convaincant pour un personnage qui voyage à travers le monde sur une durée de soixante ans. Les extérieurs sont pauvres, les personnages ont tous des costumes ou robes uniformisés sans recherche quelque soit l'année et surtout notre Gerry qui garde sa bonne bouille de jeune ingénieur tout au long du récit.
Une lecture dont j'aurais pu me passer.
Il y a parfois un peu des documentaires de Delisle dans ce récit, dans lequel l’auteur se place au centre, et pointe, l’air de rien – et sans forcer les jugements trop faciles – quelques petites désillusions après observation de sociétés éloignées de la sienne.
L’auteur a été attiré – le mot est faible pour parler d’une passion et d’une forte attente – par le bouddhisme, au point d’envisager de devenir moine. Déçu par ses rencontres dans son Canada natal, il s’envole pour un long périple au Népal, puis au Tibet, pensant y trouver les réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent.
Si le bouddhisme en tant que tel ne le déçoit pas, il en est autrement de certains bouddhistes, et de ce qu’il découvre des sociétés tibétaines et népalaises (on a aussi droit à quelques témoignages du contrôle jusqu’à l’absurde – voir les multiples contrôles de visa lorsqu’il franchit la frontière tibétaine – exercé par la Chine dans cette région annexée qu’est le Tibet). Les observations de Bérubé désacralisent cet Orient fantasmé par des milliers d’occidentaux (les Hippies bien sûr, mais aussi de nos jours par une idéalisation du bouddhisme et des habitants de l’Himalaya).
Le récit est une expérience humaine intéressante, racontée de façon simple, plutôt réaliste et impartial. Au final, si l’auteur n’est pas devenu moine, et si sa vision des bouddhistes tibétain a sans doute parfois souffert de la réalité observée, Bérubé semble être sorti grandi et rasséréné par ce long voyage et ces rencontres.
En tout cas c’est une lecture plaisante, agréable et fluide, avec un dessin lui aussi simple mais efficace.
Si le début du récit est un peu lent et « mollasson », dès que l’on part dans la mémoire de la mère de l’auteure, dans un long flash-back, ça devient vraiment prenant.
Au travers du témoignage de plusieurs personnes (sa mère bien sûr, mais aussi deux autres, comme elle le présente en fin d’album), l’auteure a condensé un pan important et douloureux de son histoire familiale, mais aussi de l’histoire bouleversée de la Corée.
On découvre ainsi de l’intérieure la brutalité de l’occupation japonaise durant la guerre (même si c’est ici traité rapidement et presque de façon transversale – on ne voit pas les soldats japonais, mais sont évoqués les réquisitions, les enrôlements forcés, les enlèvements des « femmes de réconfort », etc.). Mais aussi et surtout la brutalité de la « guerre de Corée », poussant des centaines de milliers de personnes dans un exode m’ayant fait penser à celui qu’a connu la France au printemps 1940.
Quelques scènes hallucinantes, comme ces bombardements de l’aviation américaine sur des civils, ou les nombreuses familles séparées durant ce long reflux – comme la mère de l’auteure, qui perd de vue – définitivement hélas son mari et son fils.
Soixante ans plus tard, on retrouve la mère de l’auteure et d’autres qui attendent d’être « tirés au sort » pour avoir la chance de revoir, furtivement et sous haute surveillance et censure, des membres de leur famille vivant en Corée du Nord. Ces épisodes douloureux et presque ubuesques sont bouleversants.
Au final, on a un récit circonstancié et bien mené, qui mêle petite et grande histoire, qui ne surjoue pas le pathos, mais qui rend sensible de l’extérieur la douleur, les cicatrices qui ne peuvent se refermer, de ces familles séparées depuis des décennies.
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Retour à Tomioka
Si « Retour à Tomioka » a toutes les apparences d’une lecture jeunesse, elle devrait pouvoir séduire tout aussi bien les grands enfants jusqu’à 77 ans et plus… Il est d’ailleurs difficile de classer cet album dans une catégorie quelconque. Aventure intimiste et poétique, « Retour à Tomioka » est un manga au format franco-belge, co-réalisé par deux auteurs français : Laurent Galandon au scénario et Michaël Crouzat au dessin, ce dernier étant un nouveau venu dans la bande dessinée. Elément notable : d’’un sujet anxiogène lié à la catastrophe de Fukushima, les auteurs ont réussi à produire quelque chose d’étonnamment apaisant… C’est une très belle lecture qu’ils nous offrent, en plaçant au cœur de l’histoire deux orphelins, en particulier le jeune Osamu qui est prêt à braver les restrictions de circulation imposées par le gouvernement pour rendre un hommage décent à sa grand-mère qui vient de décéder. Lui seul semble en capacité de communiquer avec les yokai, ces petites créatures espiègles issues du folklore japonais, ce qui ajoutera une touche d’humour au récit tout en permettant de prendre du recul. En évitant le pathos lié à cette terrible tragédie, Laurent Galandon et Michaël Crouzat ont réussi à produire un récit que l’on pourrait croire imaginé par Hayao Miyazaki lui-même, un récit où la nature fait jaillir toute sa puissante poésie à la façon d’un feu d’artifice, mais cette fois dans la foulée d’une catastrophe nucléaire. Car même si la région de Fukushima semble rayée de la carte, cette nature en mutation, symbolisée par un yokai atomique monstrueux, montre qu’elle est toujours là et cherche à reprendre l’ascendant sur une invention humaine spectaculaire qui aurait échappé à son créateur… D’un point de vue graphique, si l’univers évoque celui de Miyazaki, on ne peut également s’empêcher de penser à Jirô Taniguchi pour cette façon de produire une atmosphère rassurante dans ce Japon bien ordonné. Le trait tout en simplicité de Michaël Crouzat est maîtrisé, de même que le cadrage et la mise en page, et quand on sait que cet auteur a longtemps officié dans le dessin animé, il n’y a guère de quoi être surpris, tant les séquences s’enchaînent avec une plaisante fluidité. On pourra relever également le beau travail sur la couleur d’Andrès Garrido Martin et Clara Patiño Bueno, avec des tonalités évoluant en fonction des passages. Tout cela fait de « Retour à Tomioka » une réussite incontestable qui a largement mérité son prix jeunesse à Angoulême. Il y a beaucoup de magie dans cet album qui nous invite à conserver la meilleure part de notre enfance, cette part qui donne accès au monde invisible et que l’on a trop souvent tendance à oublier lorsque vient l’âge adulte.
Miss Tattoo
Mais un bon deal valant mieux qu’un long et coûteux procès… - Ce tome constitue la première moitié d’un diptyque, d’une série centrée sur un nouveau personnage apparu pour la première fois dans les deux derniers tomes de la précédente série de l’auteur, Caroline Baldwin : Caroline Baldwin T18 - Half-blood (2018) & Caroline Baldwin - T19 - les faucons (2020), ainsi que dans le hors-série Caroline Baldwin, Miss Tattoo (2020). Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par André Taymans pour le scénario, les crayonnés et les couleurs, et par Elisabetta Barletta pour les dessins. Cyrielle Zurbrügg a servi d’inspiration et de modèle pour le personnage principal. Il comprend quarante-quatre pages de bande dessinée. Le récit s’apprécie mieux en ayant une connaissance des tomes 18 & 19 précités. Au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, par une belle journée ensoleillée, une femme blonde en robe verte d’été se repère avec un plan dans la main. Elle finit par trouver la tombe qu’elle recherche : celle de Caroline Baldwin. Dans un costume classique, Gary Scott se tient devant la stèle en attendant. Vanina Lao présente ses excuses : elle est en retard, malgré le plan fourni par Scott, elle s’est perdue dans ce labyrinthe. Il lui demande si elle a fait bon voyage. Elle répond par l’affirmative et ils se recueillent un instant en mémoire de la défunte. Puis Scott reprend la parole, il se demande ce qui a finalement décidé Lao à venir, le besoin de changer de vie dit-elle. Il lui tend les clés de la maison de Caroline, la demi-sœur de Vanina : la maison est à elle à présent, il a lui aussi besoin de changer de vie. Elle s’y rend avec son sac de voyage et pénètre à l’intérieur : tout est sens dessus-dessous. La maison a été fouillée de fond en comble et il y règne un désordre indescriptible. Le téléphone sonne, un modèle filaire : Vanina Lao répond et un interlocuteur anonyme la menace violemment en exigeant qu’elle rende le dossier qu’elle leur a piqué, dans les vingt-quatre heures. Passé ce délai, elle sera morte. Alors qu’elle est encore sous le choc, la porte s’ouvre et l’inspecteur Philips pénètre à l’intérieur. Elle réagit immédiatement en indiquant qu’elle n’a pas ce qu’il recherche. Il se présente comme étant de la police, et un ami de Gary. Il lui propose de s’asseoir et de discuter. Après quelques échanges, il essaye de contacter Scott sur son portable, mais ce dernier ne répond pas. En continuant de discuter, les deux interlocuteurs en déduisent que l’état de la maison doit être lié au boulot de Caroline chez Wilson Investigation. Après avoir fait le tour de la maison, Philips propose à Vanina de l’emmener à New York, pour tirer cette affaire au clair ; elle accepte. Le lendemain, dans la mégapole, ils se présentent à la porte desdits bureaux : ils se heurtent à deux policiers qui leur interdisent le passage. Philips reconnaît un nouvel arrivant, Terry, un inspecteur qu’il connaît. Ce dernier accepte de les faire entrer et leur expose la situation. C’est le gardien qui a donné l’alerte ce matin : la porte des bureaux de Wilson avait été fracturée, quelqu’un avait vidé les armoires, emporté les disques durs externes, et surtout ils ont laissé un joli macchabée. Dix-neuf albums pour la série Caroline Baldwin, personnage créé en 1996, deux albums supplémentaires (Double dames en 2021 et Le voyageur en 2023) et une fin en bonne et due forme… avec quelques questions laissées en suspens. Le scénariste change donc de personnage, tout en reprenant les fils de l’intrigue. Le lecteur hésite entre plus de la même ou quelque chose de différent : cela valait-il la peine de changer de personnage ? On change d’une héroïne brune et élancée pour une héroïne blonde et tatouée : la différence n’est pas criante, d’autant que la nouvelle subit plutôt les évènements, trimballée par l’inspecteur Philips qui fait son boulot avec une totale liberté, mais aussi une vraie compétence. L’histoire reprend le principe de ce cabinet d’investigation, avec un ou deux secrets de nature à déstabiliser les plus hauts niveaux de l’état américain, une conspiration dans laquelle Caroline Baldwin aurait pu se retrouver à son corps défendant, se comportant comme un éléphant dans un magasin de porcelaine pour mener son enquête. Elle aurait sans nul doute été plus dans l’action que Vanina Lao. Enfin, Taymans a quasiment dessiné cet album : il en a fait le découpage et les crayonnés, confiant la finition des dessins à une dessinatrice, comme il avait confié les dessins définitifs de Le voyageur à Nico van de Walle. Bon voilà donc un album qui semble s’apparenter à une nouvelle aventure de Caroline Baldwin qui ne dit pas son nom. D’un autre côté, c’est bien le même auteur, il n’est guère surprenant qu’il crée un album dans la lignée des précédents. Son héroïne se trouve impliquée dans une affaire de chantage concernant des documents susceptibles de nuire à la réélection du président des États-Unis, dans un plan organisé par son concurrent. Ce dernier est légèrement empâté, avec une étrange chevelure blonde alambiquée, il joue au golf, et ses subalternes l’appellent gouverneur Duck, un nom qui sonne étrangement au départ, jusqu’au moment où le lecteur fait le lien avec un prénom qui est à la fois celui d’un canard (Duck) et celui du quarante-cinquième président des États-Unis. Mais voilà que la situation se complique avec l’implication du cabinet Wilson Investigation, et celle de Gary Scott, l’ancien compagnon de Caroline par intermittence, et également agent du FBI. Le lecteur apprécie l’expérience consommée avec laquelle l’auteur met à profit la mythologie propre à ce pays, avec également une sombre histoire du suicide collectif des membres d’une secte, évoquant des affaires réelles similaires. Pour autant, le lecteur remarque également les différences significatives avec la série précédente, et elles vont plus loin que la couleur des cheveux et la présence de tatouage, ou encore une paire de lunettes. Pour commencer, Vanina Loa ne mène pas l’enquête : ce n’est pas son métier, à la différence de Caroline Baldwin. Ensuite, elle ne semble pas souffrir de symptômes dépressifs, peut-être que l’auteur lui-même a laissé derrière lui quelques-uns de ses propres démons. En revanche, elle est tout aussi à l’aise que Caroline avec la nudité, et l’auteur a conservé cette caractéristique avec une scène de douche, qui permet d’admirer l’intégralité des tatouages de Miss Tatttoo. Pour autant, la dessinatrice dispose de sa personnalité propre pour les traits de contour, avec une sensibilité différente de celle de Taymans, ce qui donne une allure moins sexy à ce passage, plus prosaïque. En effet, Barletta utilise des traits de contours moins épurés, plus fins et plus appliqués, aboutissant à un rendu plus minutieux pour les personnages, parfois proche de celui de Taymans pour quelques éléments de décors. En fonction de ses goûts, le lecteur peut trouver le visage des personnages un peu trop littéral, ou apprécier ce rendu descriptif plus proche du réel. La page de garde de l’ouvrage comprend une photographie de Cyrielle Zurbrügg ce qui permet de constater la ressemblance du personnage dessiné avec son modèle. La narration visuelle repose sur une documentation concrète et des dessins descriptifs et réalistes. Le lecteur peut avoir l’assurance de la vraisemblable de la représentation du cimetière de Notre-Dame-des-Neiges, des rues de New York, de la Maison Blanche, d’un restaurant asiatique en entresol, ou encore d’un motel en pleine cambrousse, et d’un lodge isolé dans une zone naturelle sauvage. D’un côté, les dessins de Barletta comprennent plus d’éléments que ceux de Taymans ; de l’autre, ce dernier donnait une meilleure sensation des grands espaces naturels. Quoi qu’il en soit, les dessins donnent à voir concrètement les environnements et les différents éléments comme les aménagements intérieurs, les ameublements, les accessoires variés. Grâce à cela, le lecteur peut croire que la maison de Caroline Baldwin était effectivement encore équipée d’un poste de téléphone filaire, le saccage consécutif à la fouille est patent, il ne manque rien à l’équipement de pêche de Philips, les enseignes avec idéogrammes chinois apportent un cachet authentique au quartier asiatique de New York, la scène de décollage d’hélicoptère sur la pelouse de la Maison Blanche semble provenir des informations télévisées, il fait bon rouler dans les routes de basse montagne dans la région de Denver, etc. Le talent de metteur en scène et de découpage d’André Taymans fait son effet et Barletta sait s’adapter pour compléter les esquisses en les respectant et en en gardant l’esprit. La campagne de financement participatif de l’album offrait la possibilité d’acquérir en plus un album souple collector en tirage limité reprenant l’intégralité du storyboard d’André Taymans. Le créateur de l’héroïne Caroline Baldwin et de sa série revient avec un nouvel album avec un personnage secondaire assumant le premier rôle : Miss Tattoo, inspirée par Cyrielle Zurbrügg. Le lecteur retrouve de nombreux éléments de la série originale, à commencer par une intrigue policière nourrie par des éléments d’actualité, dans le territoire américain, mettant à profit aussi bien ses grands espaces naturels que le potentiel d’un complot politique. Il apprécie la qualité de la narration visuelle en termes de découpage et de plan de prises de vue réalisés par André Taymans, il s’adapte rapidement aux dessins d’Elisabetta Barletta. Un polar divertissant avec quelques clins d’œil savoureux à des faits bien réels, comme l’art des affaires.
Les Météores
J’ai beaucoup aimé ce récit choral, j’apprécie cet exercice narratif qui permet souvent une réflexion utile sur la façon dont nos vies se croisent et s’entrecroisent, sur le fait que nous savons peu de la souffrance des autres. Je comprends que certains trouvent le récit un peu « plat » ou la fin un peu décevante (voir les autres avis), mais ces petits défauts (s’ils en sont) ne m’ont pas vraiment dérangé. J’ai suivi les déboires des différents protagonistes avec beaucoup d’intérêt, je me suis vraiment pris au jeu, je me suis attaché à elles-eux. Pour la note, mon cœur balance entre 3/5 et 4/5… allez, j’arrondis à 4. Une lecture pas forcément poignante, mais belle et prenante.
Supercanon ! - Le marchand d'armes qui visait les étoiles
Je suis plutôt d’accord avec ce qui a plu à Mac Arthur et déplu à Bamiléké. Je me retrouve donc le cul entre deux chaises. Mais globalement, c’est un album qui m’a laissé sur ma faim. J’avais beaucoup aimé le film « Lord of War », qui dressait le portrait d’un marchand d’armes intelligent, roublard et d’un cynisme à toute épreuve. Je m’attendais au vu du titre et de la quatrième de couverture, à lire quelque chose de semblable, et de découvrir au travers de Gerry un personnage quasi identique. En fait il n’en est rien – ou quasiment rien – tant du point de vue du personnage lui-même, que du traitement proposé par Philippe Girard. Car, comme le souligne Mac Arthur, c’est une sorte de gamin qui garde ses rêves de gosse que nous suivons, un passionné de Jules Verne (le grand Verne fait d’ailleurs de nombreuses apparitions pour dialoguer fictivement avec le héros) qui cherche jusqu‘au bout, et par tous les moyens, une façon de finaliser et de financer ses rêves de canon pouvant envoyer dans l’espace (ou sur la lune !) satellites et autres objets. Mais voilà, la fin justifiant peu à peu les moyens, il va se retrouver aspiré par les appels d’air de certains services secrets (CIA et services canadiens en tête), certains états (Israël, puis Irak), et finalement ne produire que des armes, là où il ne cherchait qu’à produire des moyens de transports plus économes et plus efficaces. Traiter ce genre de personnage en ne s’intéressant quasiment qu’à ses aspirations, dresser le portrait d’un idéaliste inconscient des manipulations dont il est l’objet, et du dévoiement de ses idéaux, pourquoi pas ? Mais ici je n’ai pas été convaincu. Non pas parce que ce serait moche de présenter un concepteur et marchand d’armes comme un être intelligent et positif. Mais surtout parce que ça n’est pas crédible selon moi. Girard a forcément dû improviser sur ce point, et j’ai du mal à croire que notre ingénieur ait été aussi naïf. Qu’il ait eu des rêves de gosses oui, mais il les a laissés de côté, consciemment ou pas, sous la contrainte de la réalité ou pour satisfaire ses besoins familiaux ou autres. Des rêves de gosse oui, mais ça n’est plus un gosse ! Après avoir été lâché, trahi par la CIA, après avoir été condamné et banni, il poursuit dans la même voie, comme un drogué « replongeant ». Pas crédible sur la partie « inventée », immergée de l’iceberg Gerry, le scénario m’a aussi déçu pour toute la partie émergée, celle pour laquelle on peut avoir plus de connaissances factuelles. Ainsi l’action de la CIA, les différents régimes auxquels il vend des armes, tout est traité de façon trop lapidaire. Ne reste ainsi qu’une biographie fantasmée et parcellaire, un peu bancale. Au final, l’album n’est pas inintéressant. Mais, sur le matériau constitué par Gerry, il y avait peut-être quelque chose de plus fort à construire, je ne sais pas. Note réelle 2,5/5.
La Cage aux cons
Dès les premières pages, on se sent embarqué. La narration en voix off est ultra-efficace, et tout le côté "film noir/comédie policière des années 50" est plutôt bien fait (jusqu'au logo Delcourt sur la 1re page qui parodie le logo Gaumont de 1948). Il y a de jolies punchlines, les personnages sont bien brossés, et les prémisses du récit extrêmement intrigantes. Sans compter que le nombre réduit de cases par planche fait de cette bande dessinée un tourne-pages digne de ce nom ! Bref, la magie opère indéniablement. On est pris et on n'a qu'une envie, arriver au fin mot de l'histoire, surtout que les avis qu'on trouve ici et là nous vendent tous un twist impossible à prévoir ! Et de fait, ils ont globalement raison. Seulement, c'est là que tout s'effondre... Sans être une catastrophe absolue, le twist est d'une facilité que n'égale que son manque total de vraisemblance (sans parler d'une assez forte chute dans le mauvais goût). Je n'arrive pas du tout à y croire. Alors certes, on serait dans une pure comédie parodique qui jouerait la carte de l'absurde, ça aurait pu très bien passer. Peut-être les plus cinéphiles se souviendraient-ils de l'hilarant Un Cadavre au dessert (avec rien de moins que Truman Capote, David Niven, Maggie Smith, Alec Guinness, Peter Sellers, Elsa Lanchester et James Cromwell !), qui s'amusait à abattre les cartes les plus délirantes pour finir par nous emmener dans un festival de grand n'importe quoi absolument réjouissant. Ici, le twist m'a vraiment fait penser à ce film, sauf que le ton n'y est pas assez absurde pour nous faire accepter n'importe quel twist. Ou alors il aurait fallu l'étoffer pour le rendre plus crédible... Cela ne signifie pas que La Cage aux cons soit une mauvaise bande dessinée. Mais je dois bien avouer qu'elle n'est pas du tout aussi marquante que je l'aurais souhaité. Reste le souvenir d'une lecture plaisante, très bien écrite et assez bien menée, mais dont, à la réflexion, j'aurais préféré ne pas lire la fin.
Aurore et l'Orc
Trondheim nous propose une nouvelle série estampillée jeunesse mais dont l'humour peut être lu comme tout public. Avec beaucoup d'humour et d'intelligence l'auteur réunit deux mondes que tout devrait opposer mais qui se rejoignent plus que l'on croit sur la thématique de la violence. Les deux héros font des aller-retour entre le monde policé d'une école primaire et la sauvagerie de l'héroïc Fantasy d'une guerre éternelle entre Elfes et Orcs. L'auteur crée un premier décalage en rendant le petit Orc attachant grâce à un discours de présentation et d'accueil à l'école de type pauvre réfugié de zone de combats. Une lecture plus adulte (ce qui est usuel chez Trondheim) fait immédiatement penser à la thématique des enfants soldats qui véhiculent avec eux la dangerosité de leurs traumas. Paradoxalement Aurore est la seule a s'en rendre compte mais aussi la seule à vraiment se rapprocher de Orc. Le tome 1 se calque sur des série comme Mortelle Adèle avec des gags d'une page et une violence apportée par Orc; La comparaison s'arrête là car j'ai trouver la narration d'un bien meilleur niveau chez Trondheim qui joue tout de même avec le scato. Toutefois le texte propose des situations subtiles qui m'ont fait souvent rire ou sourire. Le "total respect" de Orc pour les 60 millions de morts de notre seconde guerre mondiale est la preuve que les deux mondes ne sont pas aussi éloignés. La thématique de la violence est donc centrale dans la série. L'auteur est trop expérimenté pour se contenter d'une approche commerciale et démagogique sur un tel sujet. A travers son humour décalé on sent qu'il propose une réflexion plus profonde sur nos comportements et doucement on glisse de plus en plus sur la vision des bons et des méchants. Le tome 2 dans le monde Fantasy en guerre nos deux personnages passent d'un monde "paisible" à un monde hostile avec une facilité déconcertante comme on franchit une porte sans s'en rendre compte. Revenir au monde paisible n'est pas aussi simple que l'on aimerait. Ainsi le tome 2 abandonne petit à petit la structure discontinue des gags pour former un récit de plus en plus suivi autour d'une expérience initiatique classique . Le graphisme de l'auteur abandonne les animaux ce qui rend son récit très réaliste. L'auteur est un maître de l'expression humoristique qu'il est capable de faire ressentir grâce à un minuscule trait d'une formidable efficacité. C'est particulièrement vrai pour le personnage de Orc véritable bloc de granite aux subtiles expressions comiques. Le T3 conclut le cycle d'une façon imprévue et originale qui laisse la porte ouverte à de nouveaux développements comiques. Je laisse la découverte. Une lecture avec beaucoup de créativité qui m'a plu et que je vais m'empresser de proposer et de partager avec mes préados.
Les Aventures de Mékaly
Noirdésir a eu tort dans son avis: il ne sera pas le seul à aviser cette série quasi inconnue comme son auteur et sa maison d'édition. C'est en lisant son avis avec amusement que je me suis jeté à l'eau pour lire 2 opus ( le minotaure et le calife ). Dans l'ensemble je suis d'accord avec ses remarques même si je tempère un peu car c'est une série jeunesse qui utilise des ressorts classiques pour des enfants de 8 ans. Il faut noter que cette série a produit 5 opus plus un album sur la jeunesse de Mekaly, ce qui n'est pas rien. Ce qui m'a le plus troublé c'est que j'ai eu le sentiment que Behem avait recopié les idées et le graphisme de série des années 60/70 sans y ajouter une touche d'originalité. Le village de résistants, Mekaly doué d'une force prodigieuse , personnage toujours torse nu, des bagarres à pif paf pouf sans une goutte de sang , on se croirai dans une version Z d'Astérix, la population uniformément blanche, sapée à la mode 60's dans un village aux pavillons de banlieue des mêmes années me font penser à certains épisodes de Tif et Tondu. La seule touche que je vois de l'auteur est cette mise en place quasi politique d'une population autosuffisante avec uniquement des "productifs" sans technocrates inutiles. C'est d'ailleurs une des contradictions du scénario puisque Mekaly est plus de l'ordre du régalien ( Défense ou diplomatie) que du productif. Une lecture pas méchante mais sans originalité avec un graphisme vieillot et mal maitrisé.
Supercanon ! - Le marchand d'armes qui visait les étoiles
Quelle ne fut pas ma déception quand je me suis aperçu que la thématique de l'ouvrage était centrée sur un concepteur et marchand de canons. J'aurais préféré une top model québécoise. En effet j'ai de nombreuses réserves sur l'ouvrage. L'auteur et l'éditeur sont libres de proposer un tel sujet mais est ce vraiment nécessaire de mettre en lumière douce ce type d'individu. Ces artisans de morts peuvent rester dans les poubelles de l'histoire que cela ne me dérange absolument pas. Ensuite je trouve ridicule la tentative de l'auteur d'humaniser le personnage en en faisant un doux rêveur idéaliste en conversations avec Jules Vernes pour atteindre une utopie de gosse. Je ne sais pas si le personnage a laissé ses glorieuses mémoires mais comme l'ensemble de ses activités étaient secrètes ont peut en déduire que la narration textuelle est pure fantaisie. On a même parfois droit à de la psychologie de comptoir du type j'ai perdu deux mères dans mon enfance donc je construis des canons et des obus pour me protéger (et tant pis pour les mamans qui en "profitent")... Tout au long du scénario je me suis demandé où l'auteur voulait nous promener? Gerry génie incompris manipulé et lâché par les services secrets? Hypocrisie et duplicité des états commanditaires ? Innocence du scientifique sans conscience politique, qui fournit mais n'utilise pas? Tout cela est tellement convenu que je me suis très vite lassé de ma lecture. Je retrouve le graphisme au trait un peu vintage que j'avais découvert dans l'ouvrage sur Saint-Exupéry. Si cela fonctionnait pour un épisode de trois semaines à Québec en 1942, c'est beaucoup moins convaincant pour un personnage qui voyage à travers le monde sur une durée de soixante ans. Les extérieurs sont pauvres, les personnages ont tous des costumes ou robes uniformisés sans recherche quelque soit l'année et surtout notre Gerry qui garde sa bonne bouille de jeune ingénieur tout au long du récit. Une lecture dont j'aurais pu me passer.
Comment je ne suis pas devenu moine
Il y a parfois un peu des documentaires de Delisle dans ce récit, dans lequel l’auteur se place au centre, et pointe, l’air de rien – et sans forcer les jugements trop faciles – quelques petites désillusions après observation de sociétés éloignées de la sienne. L’auteur a été attiré – le mot est faible pour parler d’une passion et d’une forte attente – par le bouddhisme, au point d’envisager de devenir moine. Déçu par ses rencontres dans son Canada natal, il s’envole pour un long périple au Népal, puis au Tibet, pensant y trouver les réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent. Si le bouddhisme en tant que tel ne le déçoit pas, il en est autrement de certains bouddhistes, et de ce qu’il découvre des sociétés tibétaines et népalaises (on a aussi droit à quelques témoignages du contrôle jusqu’à l’absurde – voir les multiples contrôles de visa lorsqu’il franchit la frontière tibétaine – exercé par la Chine dans cette région annexée qu’est le Tibet). Les observations de Bérubé désacralisent cet Orient fantasmé par des milliers d’occidentaux (les Hippies bien sûr, mais aussi de nos jours par une idéalisation du bouddhisme et des habitants de l’Himalaya). Le récit est une expérience humaine intéressante, racontée de façon simple, plutôt réaliste et impartial. Au final, si l’auteur n’est pas devenu moine, et si sa vision des bouddhistes tibétain a sans doute parfois souffert de la réalité observée, Bérubé semble être sorti grandi et rasséréné par ce long voyage et ces rencontres. En tout cas c’est une lecture plaisante, agréable et fluide, avec un dessin lui aussi simple mais efficace.
L'Attente
Si le début du récit est un peu lent et « mollasson », dès que l’on part dans la mémoire de la mère de l’auteure, dans un long flash-back, ça devient vraiment prenant. Au travers du témoignage de plusieurs personnes (sa mère bien sûr, mais aussi deux autres, comme elle le présente en fin d’album), l’auteure a condensé un pan important et douloureux de son histoire familiale, mais aussi de l’histoire bouleversée de la Corée. On découvre ainsi de l’intérieure la brutalité de l’occupation japonaise durant la guerre (même si c’est ici traité rapidement et presque de façon transversale – on ne voit pas les soldats japonais, mais sont évoqués les réquisitions, les enrôlements forcés, les enlèvements des « femmes de réconfort », etc.). Mais aussi et surtout la brutalité de la « guerre de Corée », poussant des centaines de milliers de personnes dans un exode m’ayant fait penser à celui qu’a connu la France au printemps 1940. Quelques scènes hallucinantes, comme ces bombardements de l’aviation américaine sur des civils, ou les nombreuses familles séparées durant ce long reflux – comme la mère de l’auteure, qui perd de vue – définitivement hélas son mari et son fils. Soixante ans plus tard, on retrouve la mère de l’auteure et d’autres qui attendent d’être « tirés au sort » pour avoir la chance de revoir, furtivement et sous haute surveillance et censure, des membres de leur famille vivant en Corée du Nord. Ces épisodes douloureux et presque ubuesques sont bouleversants. Au final, on a un récit circonstancié et bien mené, qui mêle petite et grande histoire, qui ne surjoue pas le pathos, mais qui rend sensible de l’extérieur la douleur, les cicatrices qui ne peuvent se refermer, de ces familles séparées depuis des décennies.