J’ai lu la série dans l’intégrale. Ça m’a occupé plusieurs soirées, mais ça a été un réel plaisir de m’endormir avec dans la tête l’histoire de ces quelques individus, sur une cinquantaine d’années.
L’un des rares bémols concerne le deuxième tome. J’ai vraiment eu du mal avec le saut temporel. C’était le premier de la série (chaque tome se déroule durant une décennie), surtout parce que beaucoup de personnages se sont joints à ceux que nous suivions déjà. Si par la suite j’ai réussi à les assimiler, j’ai trouvé cette transition un peu ardue.
Mais pour le reste, c’est clairement une très belle, très chouette série. Avec un dessin à la fois simple et expressif, efficace et fluide : agréable. Comment réussit parfaitement à faire « vieillir » ses personnages, et à donner à chacun (et pourtant le casting est vraiment imposant) une personnalité physique reconnaissable.
Mais c’est aussi que l’intrigue développée par Rebetez, elle aussi d’une grande simplicité dans le déroulé et les dialogues, se révèle aussi d’une grande richesse, et d’une grande justesse. Comme nous suivons l’évolution des personnages sur toute leur vie, on prend vraiment le temps de découvrir ces personnalités.
Mais c’est aussi l’évolution de la société qui est mise en avant. Les « époques » successives, rythmées par l’évolution physiques des personnages, par les chansons qui accompagnent de nombreux passages, enrichissent le récit.
Récit qui fait presque œuvre de sociologie, avec les utopies soixante-huitardes, peu à peu mises au rencard, jusqu’à la vente vers la fin de la ferme des Indociles. Au passage, quel joli titre, tellement évocateur de la personnalité de Lulu, dont la personnalité est au centre du récit. Tous les personnages exposent forces et fêlures (Lulu qui met plus de quarante ans à consommer avec Chiara un amour de jeunesse ; Jo qui n’a jamais pu assumer totalement avec tous son homosexualité, etc.).
Au sortir de cette lecture, et face à la complexe simplicité du récit et des personnalités qui l’ont animé, on a clairement le sentiment d’avoir traversé une belle histoire. Triste, douloureuse. Mais belle. Et originale.
Une lecture des plus recommandables en tout cas !
Après Les Filles de Salem qui ne m'avait absolument pas convaincu, j'ai été bien plus convaincu par cette BD. Même si je trouve que Thomas Gilbert brasse les mêmes sujets de façon pas toujours très fine.
Cette BD propose un polar/enquête qui nous propose de suivre une jeune femme meneuse de loup, personnage folklorique du patrimoine français, dans une enquête aux allures de voyage dans la campagne française aux alentours de l'an mille. L'idée est séduisante et je trouve que la réalisation n'est pas mauvaise, l'histoire ayant préséance sur les thématiques cette fois-ci. C'est ce qui sauve la BD, puisque même si je trouve les thématiques abordées de façon maladroite, j'ai été intéressé par l'histoire et ce qu'elle raconte des peurs que certains pouvaient avoir face aux transformations sociétales ou aux temps nouveaux qui s'annonçaient.
Quand je dis que ça sauve la BD, c'est parce qu'encore une fois je trouve les thématiques trop lourdes et appuyées, mais surtout complètement contemporaine pour un sujet médiéval. J'accepte bien plus cette utilisation lorsque le genre est celui de la fantasy (donc de l'imaginaire) et pas du proto-historique. Mais outre cette considération personnelle, je trouve très maladroit l'utilisation de certains thèmes : la religion est obscurantiste et pourvoyeuse de cinglé (ce qui semble bien plus un point de vue contemporain qui oublie que la religion promouvait la science ...), les femmes sont moins violentes que les hommes (point de vue que j'ai toujours trouvé sexiste personnellement), elles veulent être libre y compris sexuellement (dans un monde sans contraception et sans préservatif, faut-il le rappeler !), on pose des questionnements écologiques et de rapports avec la nature bien loin des réelles thématiques de cette époque ... En fait, je vois ce que l'auteur veut me dire, je suis globalement en accord avec ses messages, je le trouve amené très maladroitement.
Ce qui me fait apprécier cette BD par rapport aux filles de Salem, c'est qu'ici une contradiction existe. Brunehilde se retrouve parfois face à des personnes en désaccord avec elle, et l'existence de cette contradiction me fait plaisir. Déjà parce qu'on peut choisir parmi les propositions, mais aussi et surtout parce que ça évite le manichéen de bien des situations. Et si je vois bien des écueils, comme la représentation du Moyen-Âge comme un temps d'obscurantisme, de pauvreté et de saleté, j'apprécie que l'auteur nuance un propos (je répète, avec lequel je suis d'accord !) pour proposer quelque chose de plus intéressant qu'un pamphlet détournant l'Histoire.
Bref, j'ai apprécié ma lecture, sans pouvoir dire qu'elle sera indélébile dans ma mémoire, mais j'ai passé un bon moment. De mon point de vue, ce n'est pas bon, c'est mieux. Et ça me fait m'intéresser à l'auteur plutôt que m'en détourner !
J'ai passé un formidable moment de lecture avec les quatre tomes de cette série. J'avais vu son bon classement sur le site mais je n'avais lu ni le résumé ni les avis. C'est donc entièrement vierge de toute influence que j'ai commencé ma lecture. J'ai immédiatement été séduit par l'ambiance et le rythme donné par le graphisme de Virginie Augustin. Un début de série qui rappelle étrangement Aladdin de Disney jusqu'à la découverte des reliques. Ensuite le ton change et la narration de Lupano prend le dessus . Dans une société théocratique et sacrificielle, le blasphème et l'hérésie ne sont jamais loin de la peine capitale. Le ton est donné et malgré un graphisme tout en rondeur , c'est un scénario d'une grande intensité dramatique que cisèle Lupano. On y retrouve une multitude de références à la sanglante histoire de l'humanité. Lupano ratisse large : "sauveur" "prophète" "grand timonier" et d'autres renvoient clairement aux religions modernes ou à des épisodes historiques athées sanglants. Le personnage d'Alim s'efface assez rapidement face au pragmatique Khélob ou au guerrier fondamentaliste habité Torq Djihid. Si tous les deux utilisent la violence sans état d'âme leur finalité est différente. Khélob rêve d'une pax romana (ou américana ou de n'importe quel grand empire) pour apporter la lumière (Tome 3 page 25) alors que Torq lui rêve d'apporter la Vérité. Ya t il une troisième voie possible ? Lupano ne répond pas clairement ce qui rend son récit très pessimiste. Le choix d'Alim de s'isoler à la façon d'un Voltaire pour "cultiver son jardin" a montré ses limites car même caché au fond d'une sirène tueuse pendant des dizaines d'années, l'Histoire et ses tourments rattraperont Alim. Lupano a beau introduire des personnages plus légers (Bul ou Soubyre) c'est une réflexion assez sombre sur le sens de l'histoire à laquelle nous invite le final de l'auteur.
J'ai déjà dit que le graphisme était très décalé par rapport à la thématique centrale de la série. Cela rend la lecture bien plus légère et dynamique à mon sens. Perso cela m'a beaucoup séduit. Ce dessin très rond qui tend souvent vers l'humour équilibre par sa lumière un récit souvent très noir.
Une lecture marquante produite et construite avec beaucoup d'intelligence.
Je ne suis pas un Titeuf's fan et mes enfants non plus. C'est dire si j'ai été favorablement surpris par cette série de Zep. Premièrement j'ai trouvé le sujet très original. Le scénario est linéaire et on devine vite où l'auteur veut nous mener avec cette rencontre dans le train mais on est très loin des caricatures habituelles du monde monastique. De plus Zep utilise des dialogues pertinents qui font sens à l'engagement de William. L'utilisation des retours dans le passé est juste équilibré mais ce n'est pas ce qui donne le plus de matières à réflexions. Comme c'est un récit tourné vers le dialogue (un comble pour un Chartreux voué au silence) et l'intériorité, j'aurais pu craindre des longueurs et un manque de dynamisme. Perso je ne me suis pas du tout ennuyé et je remercie l'auteur d'avoir exploré cette thématique de façon aussi juste. Évidemment le final est un peu convenu et ferait bien plus plaisir au fisc qu'à Mery.
Le graphisme est composé principalement de visages de face sur un mode assez réaliste. Cela donne un côté interview documentaire qui s'adresse directement au lecteur.
Une lecture intéressante que j'ai bien appréciée.
Un album intéressant mais pas exempt de petits défauts, néanmoins le ressenti en sortie de lecture est plus que positif.
Comme mes camarades, je vais saluer le soin apportée sur la qualité éditoriale. L’objet est assez somptueux dans ses finitions : titre de couverture en relief doré, impression sur les tranches des pages, bonus en fin d’album … Il ne manque que le marque page en tissu pour que ce soit vraiment parfait.
En tout cas, tout est là pour nous rappeler les livres d’autrefois.
Mais c’est bien l’auteure qui m’a fait franchir le pas de l’acquisition, sa précédente œuvre Le Jardin - Paris m’avait très agréablement interpellé.
Gaëlle Geniller possède un style toute en finesse qui se révèle dès plus chatoyant pour l’œil. Ça m’a d’ailleurs bien amusé de découvrir qu’elle avait fait ses armes sur un album spin off des légendaires … bonjour le grand écart. Depuis elle assure seule un taf magnifique : une narration maîtrisée avec de chouettes trouvailles, des couleurs bien choisies qui installent parfaitement les ambiances et un trait d’une belle élégance.
Pour faire mon chieur, je reprocherais juste des visages masculins parfois un poil trop efféminés, ce coté est accentué par des talons un peu trop imposants à mon goût ; mais bon ça n’empêche pas la magie d’opérer.
Niveau récit, je ne vais pas trop en dire mais c’est bien construit, comme le souligne Pol ça tarde juste à se livrer (et il ne faut pas s’attendre à un truc de fou) mais la fin reste belle et sympathique.
En fait, le fond/l’ambiance m’a fait pensé à Ne touchez à rien, on sent que le lieu est un protagoniste à part entière du récit, qu’il instille le mystère et ce petit côté lourd/pesant. Cependant le traitement proposé est à l’opposé en terme d’ambiance, ici rien n’est vraiment oppressant ou malsain. Alors que j’attendais un peu de drame ou noirceur, l’auteure développe un style plus mélancolique teintée de poésie lumineuse.
Au final, bien plus une question d’ambiance qu’une histoire proprement dite. Un album bien réalisé, étonnant et chaleureux.
Ne craignez rien mesdemoiselles, nous ne sommes pas français !
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution originale date de 2024. Il a été réalisé par Jean-Luc Cornette pour le scénario, et par Jürg pour les dessins et les couleurs. Il compte soixante-seize pages de bande dessinée. Il se termine avec un dossier de cinq pages, rédigé par le scénariste, intitulé Le récit d’un film qui n’a jamais existé. Il est structuré en trois chapitres successivement intitulés : La fête avant l’apocalypse, Ça tourne et ça cause, une équipe technique de pointe, Un casting de rêve.
Paris, le sept juin 1929, le music-hall du Moulin Rouge accueille Adelaïde Hall dans la troupe des Black Birds of 1928. Elle interprète une chanson, accompagnée d’un orchestre de huit musiciens, avec quatre choristes et des danseuses en arrière. Dans la salle se trouvent Ira Gershwin et Kurt Weill en train d’admirer son talent. Elle finit sa chanson sous un tonnerre d’applaudissement, tandis que les deux hommes se lèvent et se dépêchent pour aller la féliciter dans sa loge, car Ira veut la présenter à son ami. Ils entrent sans frapper dans la loge, alors que les danseuses sont en train de se changer, et Gershwin les rassurent en leur disant qu’elles ne craignent rien, ils ne sont pas français. Juste en culotte, Adelaïde les accueille les bras grands ouverts. Ira lui présente Kurt, comme un très grand compositeur. Ce dernier présente ses hommages à la jeune femme, se disant meurtri de ne pas lui avoir apporté de fleurs. Peut-il lui offrir le champagne ? Elle préfère qu’ils l’emmènent au Sacré-Cœur pour contempler le ciel… une fois qu’elle aura passé une robe.
À Berlin le dix-sept juin, Georg Willhelm Pabst est en train de donner des consignes à l’éclairagiste pour placer un spot éclairant le décor de chambre sur le plateau de tournage, pendant que quatre autres techniciens s’affairent. Le béret très penché, Marlene Dietrich entre en faisant une scène au réalisateur, se déclarant fâchée contre lui, très fâchée. Elle lui reproche d’avoir tourné La boite de Pandore avec la petite américaine, alors qu’elle était disponible. Elle s’allume une cigarette et s’assoit sur un canapé, ce qui réveille Louise Brooks qui dormait dessus sous des draps. Il les présente l’une à l’autre, et enjoint Louise de regagner son hôtel et de ne pas sortir le soir, car ils tournent demain. Les deux actrices sortent ensemble à l’extérieur, et Marlene promet à Louise de l’emmener dans des endroits que la petite Américaine ne peut imaginer. Chemin faisant, elles passent devant deux filles faisant le trottoir dont l’une les aborde pour leur proposer de les fesser, de leur pincer les tétons ou de les mordre à pleines dents pour quelques marks. Et pour un petit supplément, elle les flagelle. Louise lui demande de ne pas le prendre mal, mais elle préfèrerait connaître le plaisir des souffrances avec un beau garçon plein de muscles. La professionnelle insiste en proposant des brûlures de cigarettes. Les deux actrices vont manger à l’Adlon. Pendant le repas, Marlene propose à Louise de lui faire rencontrer la plus grande actrice au monde : elle est allemande et elle sera ce soir à l’Eldorado.
Une petite fantaisie solidement ancrée dans la réalité : les auteurs s’amusent à développer l’éventualité d’un troisième film tourné par le réalisateur Georg Wilhelm Pabst (1885 1967), avec l’actrice Louise Brooks (1906-1985), une actrice américaine. Ensemble, ils avaient déjà travaillé pour deux films muets tournés en 1929 : Loulou (Die Büchse der Pandora), Le Journal d'une fille perdue (Das Tagebuch einer Verlorenen). Marlene Dietrich évoque sa carrière, mais aussi son époux Rudolf Sieber (1897-1976) et leur fille Maria Elisabeth. Enfin, la chanteuse de jazz américaine Adelaide Hall (1901-1993) n’a pas connu la même notoriété que les deux actrices, et les faits la concernant sont également exacts. L’acteur Charles Vanel (1892-1989) joue un rôle plutôt secondaire (dans la bande dessinée, moins dans le film fictif réalisé dans la bande dessinée). En revanche, Sepp Allgeier (1895-1968) y joue un rôle secondaire plus important, et le lecteur peut également apprécier la plausibilité de son comportement et de ses convictions, cohérents à la fois par les informations contenues dans le dossier en fin de tome, et par les informations disponibles dans les encyclopédies en ligne. La solidité historique de cette fantaisie se constate également dans les interventions d’Ira Gershwin (1896-1983) et de Kurt Weill (1900-1950). Le lecteur attentif peut même relever la mention d’une robe créée par le grand couturier et parfumeur Paul Poiret (1879-1944, voir Ne pas peindre , 2019, de Philippe Dupuy).
La couverture donne une bonne indication des caractéristiques graphiques des dessins : un degré de simplification dans les traits de visage, ce qui donne une apparence assez jeune à tout le monde, des traits de contour simples et assurés avec des arrondis pour les femmes, des traits moins lissés pour les hommes, une forme d’ombrage en grisé ajoutant du relief aux surfaces, et une tonalité semblant insouciante. Dans les pages intérieures, la représentation des personnages conserve ces caractéristiques, avec une direction d’acteurs de type naturaliste, et une expressivité des visages, pour une large gamme d’émotions et d’états d’esprit, tous adultes de nature. Le lecteur apprécie les visages ouverts de la majeure partie des personnages, souvent le sourire aux lèvres, semblant dire qu’il s’agit plutôt d’une comédie. En fonction de sa familiarité avec les personnages connus, le lecteur peut s’apercevoir que l’artiste accentue une ou deux de leurs caractéristiques. Marlene porte le béret tellement penché qu’on se demande comment il peut tenir ainsi positionné. Louise donne l’impression d’être une très jeune adolescente, ce qui la rend primesautière et pleine d’entrain, mutine et craquante, plus nature par comparaison avec la sophistication de Dietrich. Adélaïde dispose également de son caractère propre, plus dansante du fait de son métier, plus ouverte et chaleureuse, tout en étant plus sérieuse ou en tout cas moins fêtarde que les deux autres.
La bande dessinée s’ouvre avec un dessin en pleine page : la vision du Moulin Rouge et de la place se trouvant devant. Il y a une forme de naïveté dans le rendu, par la simplification du bâtiment, le grand espace ouvert devant le découpage entre chaussée et trottoir manquant de plausibilité. Dans le même temps, les informations visuelles présentent une bonne densité : le bâtiment avec le célèbre moulin et ses ailes, le rez-de-chaussée très éclairé pour la fête, la circulation des voitures, les immeubles alentours, les passants. L’artiste joue ainsi avec le degré de réalisme de la représentation : de très concret pour le plateau de tournage de Pabst ou pour l’alignement des gratte-ciels sur le front de l’océan lors de l’arrivée du paquebot S.S. Homeric le six août 1929, à une interprétation plus libre pour des éléments comme la tenue d’une prostituée de rue, ou la représentation des ponts du paquebot. L’artiste conçoit des prises de vue vivantes, y compris pour les scènes de dialogue, prenant soin de représenter régulièrement l’environnement dans lequel elles se déroulent, les mouvements des personnages, en changeant d’angle de vue en fonction de qui parle. Plusieurs moments donnent lieu à un visuel mémorable : Adélaïde Hall se produisant sur scène, le plateau de tournage à Berlin le dix-sept juin 1929, le jeu d’actrices quand Dietrich essaye de prendre le dessus sur Brooks, la superbe vue depuis la table en terrasse au restaurant Traube dans le Gourmenia-Palast à Berlin, la manière dont Charles Vanel réagit aux observations de Marlene Dietrich, les séquences du film en noir & blanc pour les distinguer de l’histoire principale avec la séquence du vol de la bague et le voleur qui saute par-dessus le bastingage, le terrible moment d’intimité entre Adélaïde et Sepp Allgeier, etc.
Le lecteur passe donc un moment plaisant en découvrant ce projet de film à bord d’un bateau. L’embarquement pour la traversée se fait en page trente-deux. Précédemment, les différents personnages ont fait connaissance entre eux. Au cours du voyage, les liens interpersonnels se développent, et le réalisateur tourne les séquences de son film. Le lecteur anticipe le fait que les auteurs vont respecter la réalité historique et que ce projet de film ne pourra pas aboutir. Pour autant l’intrigue entretient son attention pour découvrir les raisons de cet échec. Le récit développe plusieurs thèmes, soit de manière sous-jacente, soit de manière plus directe. Le comportement des trois amies se situe dans la première catégorie : trois femmes qui travaillent, qui sont indépendantes, trois femmes au comportement libéré avant l’heure, y compris dans leur amour de la fête et des relations sexuelles pour le plaisir. Tout aussi incidemment, le récit reflète la démarche de création du réalisateur, ainsi que ses critères pour un film intéressant, en particulier en ce qui concerne sa chute. De façon explicite, sont montrés un mode de vie avec de nombreuses occasions de fête, un art encore assez jeune qui se prépare à passer du muet au parlant, et un racisme conduisant un individu à nier ses émotions pour ne pas se remettre en question.
Le lecteur se laisse facilement embarquer à bord du paquebot S.S. Homeric pour le tournage d’un film fictif, avec des actrices devenues légendaires, Louise Brooks et Marlene Dietrich, un réalisateur passé à la postérité, Georg Wilhelm Pabst. Le ton s’avère léger, plus comédie que drame, avec un ancrage très solide dans la réalité de l’époque, en particulier pour les personnages mis en scène. Le lecteur s’inviterait bien aux sorties nocturnes des deux actrices. Il mesure à quel point un film tient à de nombreux paramètres, à des circonstances qui peuvent échapper à tout contrôle, à la personnalité de chaque créateur, et que chaque création prête le flanc à des critiques de tout genre.
Ouille ! Voilà une lecture bien doul. J’ai beau chercher, je ne vois rien qui puisse sauver cette BD, sinon le carnet pédagogique final. Mais bon, j’aurais pu/du acheter directement un livre sur le sujet.
Tiens ! C’est vrai ça, au fait ! Quel peut bien être le sujet de cette BD ? Je me pose la question, et me la suis posée tout au long de ma lecture, enfin jusqu’à ce que je finisse par couper court page 106, soit une trentaine de pages avant la fin. En effet, je n’en pouvais plus. Je ne comprenais rien de l’histoire, je peinais à trouver une direction, je mélangeais les personnages, je croisais des personnages fantasmés (le « werewolf » en chef, avc sa gueule de méchant ++), un dessin pas toujours finaud qui me faisais confondre certains personnages, un scénario décousu au possible… Bref ! Une bérézina !
J’ai eu le sentiment que les auteurs voulaient tout montrer et partaient dans toutes les directions. Je me suis ennuyé à cent sous de l’heure. Pour moi, rien n’est crédible, pas même cette mère rasée et cet enfant muet. Je n’y ai vu qu’une succession de clichés et c’est tout.
Remarquez bien, pour une BD qui s’intitule la 3e Kamera et qui parle (je crois) de propagande photographique, aligner une succession de clichés est plutôt bien vu…
Je tourne autour de cet album depuis sa sortie et ce n'est pas le bel avis de pol qui m'a rassuré, seulement 55,04% d'affinité. Mais étant faible, je n'ai écouté que mes yeux...
Je vais commencer par souligner la qualité éditoriale de cette BD au petit format.
Un conte fantastique où un étrange manoir et Guerlain, un jeune homme de bonne famille livré aux insomnies, en seront les pièces maîtresses.
Le récit se décompose en trois chapitres bien distincts, mais toujours dans ce mystérieux manoir. Le premier, "un pour non", se situe dans le présent, on y découvre Guerlain, son fils et trois étonnantes corneilles. Le second, "deux pour oui", se déroule à une période où Guerlain était un jeune enfant avec des difficultés à communiquer, les fleurs l'aideront à le faire avec ses trois sœurs. Mais est-ce si étonnant quand son nom de famille est Drosera (une plante insectivore). Et enfin le dernier, "trois pour...", avec un retour dans le présent pour conclure ce conte bienveillant.
Le manoir Drosera sera le décor de cette histoire, une ombre mystérieuse s'y promenera et vous y apprendrez le langage des fleurs.
Un récit poétique, un peu gothique sur fond de spiritisme. L'ambiance est sombre et inquiétante, mais rien d'oppresant. Gaëlle Geniller propose un récit centré sur l'enfance et ses mondes secrets, la relation fusionnelle entre le père et le fils est touchante et les trois sœurs sont des amours. Une narration maîtrisée sur les deux premiers chapitres, un peu moins sur le troisième, même si la conclusion convenue est réussie.
L'album se termine sur le point de départ de cet album avec les mots et des croquis de l'autrice, ainsi que sur un acte de vente du manoir qui n'attend que votre signature.
C'est incontestablement le dessin de Geniller qui attire le regard, un style singulier, envoûtant et chaleureux, les nombreux détails apportent un plus indéniable. Les couleurs lumineuses sont superbes et la mise en page est réussie.
Le gros atout de cette BD.
Un petit 4 étoiles pour une lecture presque tous publics.
Un titre qui résume très bien cette BD.
Tout de la narration au dessin donne un rendu léger et presque délicat, alors que le sujet – et la vie d’Odette, la jeune femme qui est au centre du récit – tendent à nous faire sombrer dans l’obscurité, dans une grande noirceur.
Car Odette est atteinte d’une sorte de maladie dégénérative ou je ne sais trop quoi, qui fait qu’elle perd peu à peu la vue, une « méduse » de plus en plus présente et de plus en plus grande occupant une partie croissante de son champ de vision.
L’évolution de la maladie – et donc du handicap dont souffre progressivement Odette – est habilement montrée, avec ces taches sombres qui la suivent, minuscules au départ, puis de plus en plus grandes, au point d’occuper toutes les cases vers la fin.
Odette peine à exprimer son problème, et la prise de conscience du côté irrémédiable de son handicap naissant. Jusqu’à craquer et tout envoyer balader. Mais elle est quand même bien entourée, avec son poteau, et sa nouvelle petite amie (et son lapin !). Et les dernières pages permettent de donner une touche finale pleine de lumière et d’optimisme, avec une Odette rassérénée, s’acceptant telle qu’elle est.
Une lecture plaisante.
J’aime bien les albums de Nicolas Wild, et j’étais habitué à le voir arpenter des pays en guerre, en se mettant en scène parfois avec un humour naïf. Ici c’est dans un autre cadre que je le retrouve, et les situations qu’ils nous montre ne l’ont jamais amené à faire de l’humour.
Il faut dire qu’on reste quand même dans une vision sordide de notre monde. En effet, invité – suite au hasard d’une rencontre lors d’un festival – à réaliser un reportage sur la Maison des femmes de Saint-Denis, Wild va pouvoir présenter toutes les personnes qui y interviennent (des intervenants très divers, allant de la médecine à l’aide sociale, en passant par la justice, la police, et.). Il va surtout être confronté – et nous avec lui – à un certain nombre de cas de violences subies par des femmes (mariage forcé, excision, harcèlement et violence physique extrême, etc.).
Cette expérience de la Maison des femmes ne devrait pas avoir lieu d’être. Mais la situation de nombreuses femmes la rend hélas nécessaire, et elle devrait être généralisé sur fonds publics dans tous les espaces. Car, si ici nous voyons surtout des femmes issues de catégories sociales défavorisées et/ou issues de l’immigration de pays pauvres, les femmes subissent les violences dans tous les milieux sociaux, mais certains milieux le rendent moins visibles (et les médias – proches de ces milieux favorisés – ne montre pas forcément cet aspect).
On a là un reportage très intéressant, Wild réussissant presque à se faire oublier, pour donner la parole aux victimes et à ceux qui tentent de les aider.
Une lecture recommandée, pour aller au-delà des déclarations publiques des dirigeants, et du silence ou des choix souvent discutables des médias.
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Les Indociles
J’ai lu la série dans l’intégrale. Ça m’a occupé plusieurs soirées, mais ça a été un réel plaisir de m’endormir avec dans la tête l’histoire de ces quelques individus, sur une cinquantaine d’années. L’un des rares bémols concerne le deuxième tome. J’ai vraiment eu du mal avec le saut temporel. C’était le premier de la série (chaque tome se déroule durant une décennie), surtout parce que beaucoup de personnages se sont joints à ceux que nous suivions déjà. Si par la suite j’ai réussi à les assimiler, j’ai trouvé cette transition un peu ardue. Mais pour le reste, c’est clairement une très belle, très chouette série. Avec un dessin à la fois simple et expressif, efficace et fluide : agréable. Comment réussit parfaitement à faire « vieillir » ses personnages, et à donner à chacun (et pourtant le casting est vraiment imposant) une personnalité physique reconnaissable. Mais c’est aussi que l’intrigue développée par Rebetez, elle aussi d’une grande simplicité dans le déroulé et les dialogues, se révèle aussi d’une grande richesse, et d’une grande justesse. Comme nous suivons l’évolution des personnages sur toute leur vie, on prend vraiment le temps de découvrir ces personnalités. Mais c’est aussi l’évolution de la société qui est mise en avant. Les « époques » successives, rythmées par l’évolution physiques des personnages, par les chansons qui accompagnent de nombreux passages, enrichissent le récit. Récit qui fait presque œuvre de sociologie, avec les utopies soixante-huitardes, peu à peu mises au rencard, jusqu’à la vente vers la fin de la ferme des Indociles. Au passage, quel joli titre, tellement évocateur de la personnalité de Lulu, dont la personnalité est au centre du récit. Tous les personnages exposent forces et fêlures (Lulu qui met plus de quarante ans à consommer avec Chiara un amour de jeunesse ; Jo qui n’a jamais pu assumer totalement avec tous son homosexualité, etc.). Au sortir de cette lecture, et face à la complexe simplicité du récit et des personnalités qui l’ont animé, on a clairement le sentiment d’avoir traversé une belle histoire. Triste, douloureuse. Mais belle. Et originale. Une lecture des plus recommandables en tout cas !
La Voix des bêtes, la faim des hommes
Après Les Filles de Salem qui ne m'avait absolument pas convaincu, j'ai été bien plus convaincu par cette BD. Même si je trouve que Thomas Gilbert brasse les mêmes sujets de façon pas toujours très fine. Cette BD propose un polar/enquête qui nous propose de suivre une jeune femme meneuse de loup, personnage folklorique du patrimoine français, dans une enquête aux allures de voyage dans la campagne française aux alentours de l'an mille. L'idée est séduisante et je trouve que la réalisation n'est pas mauvaise, l'histoire ayant préséance sur les thématiques cette fois-ci. C'est ce qui sauve la BD, puisque même si je trouve les thématiques abordées de façon maladroite, j'ai été intéressé par l'histoire et ce qu'elle raconte des peurs que certains pouvaient avoir face aux transformations sociétales ou aux temps nouveaux qui s'annonçaient. Quand je dis que ça sauve la BD, c'est parce qu'encore une fois je trouve les thématiques trop lourdes et appuyées, mais surtout complètement contemporaine pour un sujet médiéval. J'accepte bien plus cette utilisation lorsque le genre est celui de la fantasy (donc de l'imaginaire) et pas du proto-historique. Mais outre cette considération personnelle, je trouve très maladroit l'utilisation de certains thèmes : la religion est obscurantiste et pourvoyeuse de cinglé (ce qui semble bien plus un point de vue contemporain qui oublie que la religion promouvait la science ...), les femmes sont moins violentes que les hommes (point de vue que j'ai toujours trouvé sexiste personnellement), elles veulent être libre y compris sexuellement (dans un monde sans contraception et sans préservatif, faut-il le rappeler !), on pose des questionnements écologiques et de rapports avec la nature bien loin des réelles thématiques de cette époque ... En fait, je vois ce que l'auteur veut me dire, je suis globalement en accord avec ses messages, je le trouve amené très maladroitement. Ce qui me fait apprécier cette BD par rapport aux filles de Salem, c'est qu'ici une contradiction existe. Brunehilde se retrouve parfois face à des personnes en désaccord avec elle, et l'existence de cette contradiction me fait plaisir. Déjà parce qu'on peut choisir parmi les propositions, mais aussi et surtout parce que ça évite le manichéen de bien des situations. Et si je vois bien des écueils, comme la représentation du Moyen-Âge comme un temps d'obscurantisme, de pauvreté et de saleté, j'apprécie que l'auteur nuance un propos (je répète, avec lequel je suis d'accord !) pour proposer quelque chose de plus intéressant qu'un pamphlet détournant l'Histoire. Bref, j'ai apprécié ma lecture, sans pouvoir dire qu'elle sera indélébile dans ma mémoire, mais j'ai passé un bon moment. De mon point de vue, ce n'est pas bon, c'est mieux. Et ça me fait m'intéresser à l'auteur plutôt que m'en détourner !
Alim le tanneur
J'ai passé un formidable moment de lecture avec les quatre tomes de cette série. J'avais vu son bon classement sur le site mais je n'avais lu ni le résumé ni les avis. C'est donc entièrement vierge de toute influence que j'ai commencé ma lecture. J'ai immédiatement été séduit par l'ambiance et le rythme donné par le graphisme de Virginie Augustin. Un début de série qui rappelle étrangement Aladdin de Disney jusqu'à la découverte des reliques. Ensuite le ton change et la narration de Lupano prend le dessus . Dans une société théocratique et sacrificielle, le blasphème et l'hérésie ne sont jamais loin de la peine capitale. Le ton est donné et malgré un graphisme tout en rondeur , c'est un scénario d'une grande intensité dramatique que cisèle Lupano. On y retrouve une multitude de références à la sanglante histoire de l'humanité. Lupano ratisse large : "sauveur" "prophète" "grand timonier" et d'autres renvoient clairement aux religions modernes ou à des épisodes historiques athées sanglants. Le personnage d'Alim s'efface assez rapidement face au pragmatique Khélob ou au guerrier fondamentaliste habité Torq Djihid. Si tous les deux utilisent la violence sans état d'âme leur finalité est différente. Khélob rêve d'une pax romana (ou américana ou de n'importe quel grand empire) pour apporter la lumière (Tome 3 page 25) alors que Torq lui rêve d'apporter la Vérité. Ya t il une troisième voie possible ? Lupano ne répond pas clairement ce qui rend son récit très pessimiste. Le choix d'Alim de s'isoler à la façon d'un Voltaire pour "cultiver son jardin" a montré ses limites car même caché au fond d'une sirène tueuse pendant des dizaines d'années, l'Histoire et ses tourments rattraperont Alim. Lupano a beau introduire des personnages plus légers (Bul ou Soubyre) c'est une réflexion assez sombre sur le sens de l'histoire à laquelle nous invite le final de l'auteur. J'ai déjà dit que le graphisme était très décalé par rapport à la thématique centrale de la série. Cela rend la lecture bien plus légère et dynamique à mon sens. Perso cela m'a beaucoup séduit. Ce dessin très rond qui tend souvent vers l'humour équilibre par sa lumière un récit souvent très noir. Une lecture marquante produite et construite avec beaucoup d'intelligence.
Un bruit étrange et beau
Je ne suis pas un Titeuf's fan et mes enfants non plus. C'est dire si j'ai été favorablement surpris par cette série de Zep. Premièrement j'ai trouvé le sujet très original. Le scénario est linéaire et on devine vite où l'auteur veut nous mener avec cette rencontre dans le train mais on est très loin des caricatures habituelles du monde monastique. De plus Zep utilise des dialogues pertinents qui font sens à l'engagement de William. L'utilisation des retours dans le passé est juste équilibré mais ce n'est pas ce qui donne le plus de matières à réflexions. Comme c'est un récit tourné vers le dialogue (un comble pour un Chartreux voué au silence) et l'intériorité, j'aurais pu craindre des longueurs et un manque de dynamisme. Perso je ne me suis pas du tout ennuyé et je remercie l'auteur d'avoir exploré cette thématique de façon aussi juste. Évidemment le final est un peu convenu et ferait bien plus plaisir au fisc qu'à Mery. Le graphisme est composé principalement de visages de face sur un mode assez réaliste. Cela donne un côté interview documentaire qui s'adresse directement au lecteur. Une lecture intéressante que j'ai bien appréciée.
Minuit Passé
Un album intéressant mais pas exempt de petits défauts, néanmoins le ressenti en sortie de lecture est plus que positif. Comme mes camarades, je vais saluer le soin apportée sur la qualité éditoriale. L’objet est assez somptueux dans ses finitions : titre de couverture en relief doré, impression sur les tranches des pages, bonus en fin d’album … Il ne manque que le marque page en tissu pour que ce soit vraiment parfait. En tout cas, tout est là pour nous rappeler les livres d’autrefois. Mais c’est bien l’auteure qui m’a fait franchir le pas de l’acquisition, sa précédente œuvre Le Jardin - Paris m’avait très agréablement interpellé. Gaëlle Geniller possède un style toute en finesse qui se révèle dès plus chatoyant pour l’œil. Ça m’a d’ailleurs bien amusé de découvrir qu’elle avait fait ses armes sur un album spin off des légendaires … bonjour le grand écart. Depuis elle assure seule un taf magnifique : une narration maîtrisée avec de chouettes trouvailles, des couleurs bien choisies qui installent parfaitement les ambiances et un trait d’une belle élégance. Pour faire mon chieur, je reprocherais juste des visages masculins parfois un poil trop efféminés, ce coté est accentué par des talons un peu trop imposants à mon goût ; mais bon ça n’empêche pas la magie d’opérer. Niveau récit, je ne vais pas trop en dire mais c’est bien construit, comme le souligne Pol ça tarde juste à se livrer (et il ne faut pas s’attendre à un truc de fou) mais la fin reste belle et sympathique. En fait, le fond/l’ambiance m’a fait pensé à Ne touchez à rien, on sent que le lieu est un protagoniste à part entière du récit, qu’il instille le mystère et ce petit côté lourd/pesant. Cependant le traitement proposé est à l’opposé en terme d’ambiance, ici rien n’est vraiment oppressant ou malsain. Alors que j’attendais un peu de drame ou noirceur, l’auteure développe un style plus mélancolique teintée de poésie lumineuse. Au final, bien plus une question d’ambiance qu’une histoire proprement dite. Un album bien réalisé, étonnant et chaleureux.
Le Feu et la glace
Ne craignez rien mesdemoiselles, nous ne sommes pas français ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution originale date de 2024. Il a été réalisé par Jean-Luc Cornette pour le scénario, et par Jürg pour les dessins et les couleurs. Il compte soixante-seize pages de bande dessinée. Il se termine avec un dossier de cinq pages, rédigé par le scénariste, intitulé Le récit d’un film qui n’a jamais existé. Il est structuré en trois chapitres successivement intitulés : La fête avant l’apocalypse, Ça tourne et ça cause, une équipe technique de pointe, Un casting de rêve. Paris, le sept juin 1929, le music-hall du Moulin Rouge accueille Adelaïde Hall dans la troupe des Black Birds of 1928. Elle interprète une chanson, accompagnée d’un orchestre de huit musiciens, avec quatre choristes et des danseuses en arrière. Dans la salle se trouvent Ira Gershwin et Kurt Weill en train d’admirer son talent. Elle finit sa chanson sous un tonnerre d’applaudissement, tandis que les deux hommes se lèvent et se dépêchent pour aller la féliciter dans sa loge, car Ira veut la présenter à son ami. Ils entrent sans frapper dans la loge, alors que les danseuses sont en train de se changer, et Gershwin les rassurent en leur disant qu’elles ne craignent rien, ils ne sont pas français. Juste en culotte, Adelaïde les accueille les bras grands ouverts. Ira lui présente Kurt, comme un très grand compositeur. Ce dernier présente ses hommages à la jeune femme, se disant meurtri de ne pas lui avoir apporté de fleurs. Peut-il lui offrir le champagne ? Elle préfère qu’ils l’emmènent au Sacré-Cœur pour contempler le ciel… une fois qu’elle aura passé une robe. À Berlin le dix-sept juin, Georg Willhelm Pabst est en train de donner des consignes à l’éclairagiste pour placer un spot éclairant le décor de chambre sur le plateau de tournage, pendant que quatre autres techniciens s’affairent. Le béret très penché, Marlene Dietrich entre en faisant une scène au réalisateur, se déclarant fâchée contre lui, très fâchée. Elle lui reproche d’avoir tourné La boite de Pandore avec la petite américaine, alors qu’elle était disponible. Elle s’allume une cigarette et s’assoit sur un canapé, ce qui réveille Louise Brooks qui dormait dessus sous des draps. Il les présente l’une à l’autre, et enjoint Louise de regagner son hôtel et de ne pas sortir le soir, car ils tournent demain. Les deux actrices sortent ensemble à l’extérieur, et Marlene promet à Louise de l’emmener dans des endroits que la petite Américaine ne peut imaginer. Chemin faisant, elles passent devant deux filles faisant le trottoir dont l’une les aborde pour leur proposer de les fesser, de leur pincer les tétons ou de les mordre à pleines dents pour quelques marks. Et pour un petit supplément, elle les flagelle. Louise lui demande de ne pas le prendre mal, mais elle préfèrerait connaître le plaisir des souffrances avec un beau garçon plein de muscles. La professionnelle insiste en proposant des brûlures de cigarettes. Les deux actrices vont manger à l’Adlon. Pendant le repas, Marlene propose à Louise de lui faire rencontrer la plus grande actrice au monde : elle est allemande et elle sera ce soir à l’Eldorado. Une petite fantaisie solidement ancrée dans la réalité : les auteurs s’amusent à développer l’éventualité d’un troisième film tourné par le réalisateur Georg Wilhelm Pabst (1885 1967), avec l’actrice Louise Brooks (1906-1985), une actrice américaine. Ensemble, ils avaient déjà travaillé pour deux films muets tournés en 1929 : Loulou (Die Büchse der Pandora), Le Journal d'une fille perdue (Das Tagebuch einer Verlorenen). Marlene Dietrich évoque sa carrière, mais aussi son époux Rudolf Sieber (1897-1976) et leur fille Maria Elisabeth. Enfin, la chanteuse de jazz américaine Adelaide Hall (1901-1993) n’a pas connu la même notoriété que les deux actrices, et les faits la concernant sont également exacts. L’acteur Charles Vanel (1892-1989) joue un rôle plutôt secondaire (dans la bande dessinée, moins dans le film fictif réalisé dans la bande dessinée). En revanche, Sepp Allgeier (1895-1968) y joue un rôle secondaire plus important, et le lecteur peut également apprécier la plausibilité de son comportement et de ses convictions, cohérents à la fois par les informations contenues dans le dossier en fin de tome, et par les informations disponibles dans les encyclopédies en ligne. La solidité historique de cette fantaisie se constate également dans les interventions d’Ira Gershwin (1896-1983) et de Kurt Weill (1900-1950). Le lecteur attentif peut même relever la mention d’une robe créée par le grand couturier et parfumeur Paul Poiret (1879-1944, voir Ne pas peindre , 2019, de Philippe Dupuy). La couverture donne une bonne indication des caractéristiques graphiques des dessins : un degré de simplification dans les traits de visage, ce qui donne une apparence assez jeune à tout le monde, des traits de contour simples et assurés avec des arrondis pour les femmes, des traits moins lissés pour les hommes, une forme d’ombrage en grisé ajoutant du relief aux surfaces, et une tonalité semblant insouciante. Dans les pages intérieures, la représentation des personnages conserve ces caractéristiques, avec une direction d’acteurs de type naturaliste, et une expressivité des visages, pour une large gamme d’émotions et d’états d’esprit, tous adultes de nature. Le lecteur apprécie les visages ouverts de la majeure partie des personnages, souvent le sourire aux lèvres, semblant dire qu’il s’agit plutôt d’une comédie. En fonction de sa familiarité avec les personnages connus, le lecteur peut s’apercevoir que l’artiste accentue une ou deux de leurs caractéristiques. Marlene porte le béret tellement penché qu’on se demande comment il peut tenir ainsi positionné. Louise donne l’impression d’être une très jeune adolescente, ce qui la rend primesautière et pleine d’entrain, mutine et craquante, plus nature par comparaison avec la sophistication de Dietrich. Adélaïde dispose également de son caractère propre, plus dansante du fait de son métier, plus ouverte et chaleureuse, tout en étant plus sérieuse ou en tout cas moins fêtarde que les deux autres. La bande dessinée s’ouvre avec un dessin en pleine page : la vision du Moulin Rouge et de la place se trouvant devant. Il y a une forme de naïveté dans le rendu, par la simplification du bâtiment, le grand espace ouvert devant le découpage entre chaussée et trottoir manquant de plausibilité. Dans le même temps, les informations visuelles présentent une bonne densité : le bâtiment avec le célèbre moulin et ses ailes, le rez-de-chaussée très éclairé pour la fête, la circulation des voitures, les immeubles alentours, les passants. L’artiste joue ainsi avec le degré de réalisme de la représentation : de très concret pour le plateau de tournage de Pabst ou pour l’alignement des gratte-ciels sur le front de l’océan lors de l’arrivée du paquebot S.S. Homeric le six août 1929, à une interprétation plus libre pour des éléments comme la tenue d’une prostituée de rue, ou la représentation des ponts du paquebot. L’artiste conçoit des prises de vue vivantes, y compris pour les scènes de dialogue, prenant soin de représenter régulièrement l’environnement dans lequel elles se déroulent, les mouvements des personnages, en changeant d’angle de vue en fonction de qui parle. Plusieurs moments donnent lieu à un visuel mémorable : Adélaïde Hall se produisant sur scène, le plateau de tournage à Berlin le dix-sept juin 1929, le jeu d’actrices quand Dietrich essaye de prendre le dessus sur Brooks, la superbe vue depuis la table en terrasse au restaurant Traube dans le Gourmenia-Palast à Berlin, la manière dont Charles Vanel réagit aux observations de Marlene Dietrich, les séquences du film en noir & blanc pour les distinguer de l’histoire principale avec la séquence du vol de la bague et le voleur qui saute par-dessus le bastingage, le terrible moment d’intimité entre Adélaïde et Sepp Allgeier, etc. Le lecteur passe donc un moment plaisant en découvrant ce projet de film à bord d’un bateau. L’embarquement pour la traversée se fait en page trente-deux. Précédemment, les différents personnages ont fait connaissance entre eux. Au cours du voyage, les liens interpersonnels se développent, et le réalisateur tourne les séquences de son film. Le lecteur anticipe le fait que les auteurs vont respecter la réalité historique et que ce projet de film ne pourra pas aboutir. Pour autant l’intrigue entretient son attention pour découvrir les raisons de cet échec. Le récit développe plusieurs thèmes, soit de manière sous-jacente, soit de manière plus directe. Le comportement des trois amies se situe dans la première catégorie : trois femmes qui travaillent, qui sont indépendantes, trois femmes au comportement libéré avant l’heure, y compris dans leur amour de la fête et des relations sexuelles pour le plaisir. Tout aussi incidemment, le récit reflète la démarche de création du réalisateur, ainsi que ses critères pour un film intéressant, en particulier en ce qui concerne sa chute. De façon explicite, sont montrés un mode de vie avec de nombreuses occasions de fête, un art encore assez jeune qui se prépare à passer du muet au parlant, et un racisme conduisant un individu à nier ses émotions pour ne pas se remettre en question. Le lecteur se laisse facilement embarquer à bord du paquebot S.S. Homeric pour le tournage d’un film fictif, avec des actrices devenues légendaires, Louise Brooks et Marlene Dietrich, un réalisateur passé à la postérité, Georg Wilhelm Pabst. Le ton s’avère léger, plus comédie que drame, avec un ancrage très solide dans la réalité de l’époque, en particulier pour les personnages mis en scène. Le lecteur s’inviterait bien aux sorties nocturnes des deux actrices. Il mesure à quel point un film tient à de nombreux paramètres, à des circonstances qui peuvent échapper à tout contrôle, à la personnalité de chaque créateur, et que chaque création prête le flanc à des critiques de tout genre.
La 3e Kamera
Ouille ! Voilà une lecture bien doul. J’ai beau chercher, je ne vois rien qui puisse sauver cette BD, sinon le carnet pédagogique final. Mais bon, j’aurais pu/du acheter directement un livre sur le sujet. Tiens ! C’est vrai ça, au fait ! Quel peut bien être le sujet de cette BD ? Je me pose la question, et me la suis posée tout au long de ma lecture, enfin jusqu’à ce que je finisse par couper court page 106, soit une trentaine de pages avant la fin. En effet, je n’en pouvais plus. Je ne comprenais rien de l’histoire, je peinais à trouver une direction, je mélangeais les personnages, je croisais des personnages fantasmés (le « werewolf » en chef, avc sa gueule de méchant ++), un dessin pas toujours finaud qui me faisais confondre certains personnages, un scénario décousu au possible… Bref ! Une bérézina ! J’ai eu le sentiment que les auteurs voulaient tout montrer et partaient dans toutes les directions. Je me suis ennuyé à cent sous de l’heure. Pour moi, rien n’est crédible, pas même cette mère rasée et cet enfant muet. Je n’y ai vu qu’une succession de clichés et c’est tout. Remarquez bien, pour une BD qui s’intitule la 3e Kamera et qui parle (je crois) de propagande photographique, aligner une succession de clichés est plutôt bien vu…
Minuit Passé
Je tourne autour de cet album depuis sa sortie et ce n'est pas le bel avis de pol qui m'a rassuré, seulement 55,04% d'affinité. Mais étant faible, je n'ai écouté que mes yeux... Je vais commencer par souligner la qualité éditoriale de cette BD au petit format. Un conte fantastique où un étrange manoir et Guerlain, un jeune homme de bonne famille livré aux insomnies, en seront les pièces maîtresses. Le récit se décompose en trois chapitres bien distincts, mais toujours dans ce mystérieux manoir. Le premier, "un pour non", se situe dans le présent, on y découvre Guerlain, son fils et trois étonnantes corneilles. Le second, "deux pour oui", se déroule à une période où Guerlain était un jeune enfant avec des difficultés à communiquer, les fleurs l'aideront à le faire avec ses trois sœurs. Mais est-ce si étonnant quand son nom de famille est Drosera (une plante insectivore). Et enfin le dernier, "trois pour...", avec un retour dans le présent pour conclure ce conte bienveillant. Le manoir Drosera sera le décor de cette histoire, une ombre mystérieuse s'y promenera et vous y apprendrez le langage des fleurs. Un récit poétique, un peu gothique sur fond de spiritisme. L'ambiance est sombre et inquiétante, mais rien d'oppresant. Gaëlle Geniller propose un récit centré sur l'enfance et ses mondes secrets, la relation fusionnelle entre le père et le fils est touchante et les trois sœurs sont des amours. Une narration maîtrisée sur les deux premiers chapitres, un peu moins sur le troisième, même si la conclusion convenue est réussie. L'album se termine sur le point de départ de cet album avec les mots et des croquis de l'autrice, ainsi que sur un acte de vente du manoir qui n'attend que votre signature. C'est incontestablement le dessin de Geniller qui attire le regard, un style singulier, envoûtant et chaleureux, les nombreux détails apportent un plus indéniable. Les couleurs lumineuses sont superbes et la mise en page est réussie. Le gros atout de cette BD. Un petit 4 étoiles pour une lecture presque tous publics. Un titre qui résume très bien cette BD.
La Méduse
Tout de la narration au dessin donne un rendu léger et presque délicat, alors que le sujet – et la vie d’Odette, la jeune femme qui est au centre du récit – tendent à nous faire sombrer dans l’obscurité, dans une grande noirceur. Car Odette est atteinte d’une sorte de maladie dégénérative ou je ne sais trop quoi, qui fait qu’elle perd peu à peu la vue, une « méduse » de plus en plus présente et de plus en plus grande occupant une partie croissante de son champ de vision. L’évolution de la maladie – et donc du handicap dont souffre progressivement Odette – est habilement montrée, avec ces taches sombres qui la suivent, minuscules au départ, puis de plus en plus grandes, au point d’occuper toutes les cases vers la fin. Odette peine à exprimer son problème, et la prise de conscience du côté irrémédiable de son handicap naissant. Jusqu’à craquer et tout envoyer balader. Mais elle est quand même bien entourée, avec son poteau, et sa nouvelle petite amie (et son lapin !). Et les dernières pages permettent de donner une touche finale pleine de lumière et d’optimisme, avec une Odette rassérénée, s’acceptant telle qu’elle est. Une lecture plaisante.
À la Maison des femmes
J’aime bien les albums de Nicolas Wild, et j’étais habitué à le voir arpenter des pays en guerre, en se mettant en scène parfois avec un humour naïf. Ici c’est dans un autre cadre que je le retrouve, et les situations qu’ils nous montre ne l’ont jamais amené à faire de l’humour. Il faut dire qu’on reste quand même dans une vision sordide de notre monde. En effet, invité – suite au hasard d’une rencontre lors d’un festival – à réaliser un reportage sur la Maison des femmes de Saint-Denis, Wild va pouvoir présenter toutes les personnes qui y interviennent (des intervenants très divers, allant de la médecine à l’aide sociale, en passant par la justice, la police, et.). Il va surtout être confronté – et nous avec lui – à un certain nombre de cas de violences subies par des femmes (mariage forcé, excision, harcèlement et violence physique extrême, etc.). Cette expérience de la Maison des femmes ne devrait pas avoir lieu d’être. Mais la situation de nombreuses femmes la rend hélas nécessaire, et elle devrait être généralisé sur fonds publics dans tous les espaces. Car, si ici nous voyons surtout des femmes issues de catégories sociales défavorisées et/ou issues de l’immigration de pays pauvres, les femmes subissent les violences dans tous les milieux sociaux, mais certains milieux le rendent moins visibles (et les médias – proches de ces milieux favorisés – ne montre pas forcément cet aspect). On a là un reportage très intéressant, Wild réussissant presque à se faire oublier, pour donner la parole aux victimes et à ceux qui tentent de les aider. Une lecture recommandée, pour aller au-delà des déclarations publiques des dirigeants, et du silence ou des choix souvent discutables des médias.