Les éditions iLatina m'ont permis de découvrir le grandiose La Grande Arnaque, ce dont je ne les remercierai jamais assez ! Avec "Comme une pierre", l'on découvre un Brésil ancestral, austère, silencieux. Pas exactement celui idéalisé, festif et coloré, chaleureux et exubérant, associé au carnaval de Rio, aux plages, à la samba, au football champagne... Mais pas non plus celui des favelas, jeune, violent, mais tout aussi exubérant et lumineux.
L'auteur nous dépeint le quotidien de pauvres fermiers, en proie à une sécheresse infernale. La survie de la famille est en jeu, la folie guette, la foi est interrogée jusqu'à l'impensable.
Cette BD est une véritable tragédie, les excès magnifiquement orchestrés : la pauvreté extrême qui fait tourner les têtes, le mutisme des personnages interdisant toute résolution raisonnable, le conservatisme glaçant le lecteur même, la foi désespérée sinon désespérante... ; et puis ce formalisme génial dans la mise en page : les contrastes poussés à l'extrême, le jeu grandiose avec les pleins et les vides, le développement quasiment muet de l'intrigue...
On ne sort pas indemne de cette lecture : on s'implique, on vit ce cauchemar et l'on craint l'infernale fatalité. Véritablement magnifique !
J'ai enfin lu Gung Ho, dont j'ai entendu tant de bien ici, en librairie, par des potes... bref ça allait forcément être très bien comme lecture. Le début confirmait plutôt bien l'attente et la promesse, mais au final je reste un peu sur ma faim, il y a quelques détails qui n'empêchent de basculer sur un 4/5.
Dans le positif, j'ai aimé le graphisme original et j'ai aimé l'univers mis en place. Que ce soit le background post apocalyptique, que ce soit la colonie de Fort Apache dans laquelle l'histoire prend place, que ce soit les personnages qu'on découvre progressivement, tout fonctionne dans ce premier tome. Il y a des éléments de l'intrigue prometteurs qui amènent un petit quelque chose. Je pense aux 2 personnages adultes qui gère la colonie en lien avec la ville qui permet de ravitailler le camp. On voit bien qu'ils ne sont pas tout blanc et qu'il y a de la magouille en toile de fond. La première attaque de rippers, fait aussi partie des points positivement marquants. La découverte de ces créatures qui menacent nos héros est un moment assez fort et, là aussi, prometteur pour la suite.
Malheureusement ça ne tient pas la longueur, ce qui amène plusieurs réserves. Je me retrouve dans l'avis de Brodeck.
A mes yeux, les ados perdent vite de leur charme, on ne sent pas du tout la tension qu'il est sensé régner dans cet univers. On dirait qu'ils sont en colo, ils ne pensent qu'à picoler et baiser. J'ai globalement eu du mal à adhérer à leurs comportements. J'ai aussi eu un peu de mal avec les gamines régulièrement dénudées qui portent le string plus haut que les hanches. Si on ajoute qu'à 16 ans ils sont tous expert en pilotage de motos et manient le fusil à lunettes à 100 mètres mieux qu'un militaire, ça fait beaucoup.
Cela aurait pu être des détails, mais le plus important pour moi c'est que l'histoire à du mal à se renouveler et que le scénario ne propose rien d'original au final. Les quelques éléments semés au début qui auraient pu amener une intrigue maline ou une surprise avec des rebondissements inattendus ne sont pas exploités. Au lieu de ça, le 5e tome c'est 80 pages de baston, ça flingue dans tous les sens. On compte les morts page après page, mais je reste clairement sur ma faim en ce qui concerne une intrigue de fond.
Au final plutôt une bonne lecture quand même, tout à fait recommandable. Mais j'ai du mal à me défaire de cette petite déception que ça aurait pu être mieux au vu du potentiel initial.
Ca m'amuse de voir un Ric Hochet au menton en galoche et à l'allure de gaillard comique.
Aldo Remy m’a agréablement surpris, essentiellement par son contraste avec les précédentes œuvres de Tibet. Il offre ici une série d'humour adulte et parfois un peu osé, ce qui change du trop grand sérieux d'un Ric Hochet, ou de l'humour plus enfantin d'un Chick Bill. On y trouve des scènes plutôt crues, et même une petite touche de sexe explicite, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Cela n'enlève rien à l'attrait de la lecture, car l'humour, bien que parfois un peu facile, fonctionne encore sans être hilarant toutefois. Tibet, sans son complice Duchâteau, réussit à offrir un personnage un peu désabusé mais attachant. L’histoire, bien que simple, gagne en profondeur au fil des pages t s'offre de luxe de conclusions assez surprenantes.
Le dessin, lui, est fidèle au style de Tibet même si certaines cases manquent de détails et la colorisation semble parfois négligée.
Ce n’est pas un chef-d'œuvre, mais Aldo Remy est une sympathique excursion en dehors des sentiers battus de cet auteur.
Suzie Wendel, dit "Zizi", est une petite fille vivant seule avec sa mère dans un petit village et qui se retrouve un beau jour à adopter une chauve-souris venue se réfugier dans ses cheveux.
Des histoires sur le quotidien d'une gamine fantasque avec un animal parlant rigolo lui donnant la réplique, une enfant qui réfléchit sur le monde des adultes et se montre souvent plus censée qu'elleux, des strips humoristiques reposant sur le sarcasme et l'humour con, ... tout ça n'est pas nouveau. Mais tout de même bien réalisé !
Déjà, Zizi se révèle un peu plus complexe qu'une simple "gamine à problème" Elle est sarcastique et calculatrice, mais contre toute attente elle ne se révèle pas être une petite peste en puissance car elle s'avère également être assez gentille, souhaitant notamment protéger les animaux vulnérables - sauf les araignées ! - et aimant sincèrement sa mère à qui elle fait pourtant vivre des misères. C'est juste une enfant très chaotique, un peu (trop) grande-gueule et qui vit dans un monde où l'impossible et l'imaginaire enfantin se révèlent bien souvent plus proche de la réalité que la vision des adultes.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'impossible et d'imaginaire enfantin ? Eh bien figurez-vous que les bois à côté de chez Zizi regorgent de créatures toutes plus dangereuses et invraisemblables les unes que les autres (comme les terribles fourmi-zombies !) et qu'elle se transforme chaque nuit de pleine lune en adulte (depuis sa blessure face à un terrible Grand-Garou).
J'aurais presque comparée Zizi à Calvin, de Calvin et Hobbes, mais la comparaison est en fait assez imparfaite, car bien que tous deux marquent par leur côté "enfant avec des réflexions très adultes et un grand amour pour les catastrophes et les sarcasmes", les aventures fantastiques de Zizi sont en fait bien réelles. Ici, pas de "doute" comme entre Calvin et Hobbes, les étranges créatures que voient Zizi, sa transformation en adulte chaque pleine lune ou encore sa voisine pratiquant un art martial surpuissant à base de cuillère en bois, ... tout ça est en fait bien réel et plusieurs personnes interagissent avec ces apparitions. Ici l'on n'est pas vraiment dans les fantasmes et les interprétations enfantines d'un-e enfant à l'esprit beaucoup trop adulte, plutôt les aventures quotidienne d'une fillette très chaotique vivant dans un monde où le fantasque s'avère en réalité être très banal.
Ce traitement presque normal des évènements fantastiques donnent un vrai cachet à la série
L'humour est drôle, en tout cas il m'a beaucoup fait rire. Je n'ai réalisé qu'après ma lecture que l'écriture était de Trondheim, j'aurais pu m'en douter, j'ai un faible pour son humour. Surtout qu'il sait écrire des personnages à la fois simples, loufoques et surtout attachant. C'est vraiment ça que je retire de ces petites histoires : c'était attachants. J'ai beaucoup aimé suivre les déboires et réflexions de Zizi, gamine pouvant paraître bizarre mais se révélant en réalité très maligne. En tout cas aussi maligne qu'un-e adulte. En tout cas pas plus bête. Après tout, elle nous le dit elle-même, "les enfants sont juste des adultes qui font un mètre de plus...".
Difficile pour moi de vraiment définir un ressenti après cette lecture.
Pourquoi ces difficultés ? Eh bien car j'adhère techniquement à l'idée derrière l'album mais que le message passé dans son exécution me semble être au mieux un message naïf et maladroit de la génération pré-portables à la génération post-portables, au pire la retranscription ampoulée des pensées pédante d'une génération à une autre.
Je m'explique : l'histoire est celle de Sonia, accro à son portable (comme tous-tes les jeunes !), qui va découvrir après s'être fait confisquer ledit appareil en classe qu'il existe un monde au delà du petit écran, un monde de lecture et d'écriture (et v'là t'y pas que Sonia nous pond un recueil de poésie après avoir lâché cet outil du démon, comme quoi l'appareil l'empêchait de révéler son vrai potentiel).
Je suis sarcastique dans ma retranscription, je sais, mais c'est parce que j'ai vraiment cru voir de la mauvaise foi dans l'album. Je suis moi-même contre la sur-utilisation des technologies dans notre quotidien et je ne peux qu'encourager toute personne de tout âge à s'essayer à l'écriture et/ou à la lecture. Seulement voilà, je vais peut-être briser des illusions en disant ça, mais la génération portable lit davantage que les générations précédentes. Alors, je sais que ma dernière phrase vient de faire lever moult sourcils mais j'insiste : les générations et populations ayant accès à des portables et/ou ordinateurs lisent beaucoup plus au quotidien que les autres. Comment ? Bah les SMS, les mails, les recherches internet, les forums, la programmation, l'écriture et la littérature-même, tout ça sont des écrits accessibles par portables et visionnés au quotidien. Bon sang, vous savez que vous-même qui êtes en train de lire cet avis... lisez ? Sur un écran (peut-être même un portable) ? Alors oui, c'est sûr, ça ne règle pas la question de la "qualité" de ce qui est lu, mais ça, je vais être honnête, ça a toujours été le cas. Dès l'instant où tout le monde peut s'exprimer (artistiquement, scientifiquement ou politiquement), il faut se préparer à ce que les écrits de qualités se noient dans les plus classiques voire les mauvais. Mais ça c'est le lot de la liberté d'expression, ce fut vrai de tout temps et la qualité des écrits peut elle-même être très subjective, alors bon les remarques préconstruites...
Autre détail de mauvaise fois ici : l'écriture SMS. Alors, je veux bien que lorsqu'on écrit un SMS on va souvent vite et on fait souvent des fautes (même moi qui me fais souvent chier quand j'écris mes SMS j'en fais régulièrement), mais il ne faut pas exagérer. Là on sent bien que le texte a été écrit par quelqu'un vraiment loin de la génération SMS, parce que qui (je dis bien "QUI") dans les générations récentes utilise encore des perles de langage comme "C tro port nawak" ?!
Tiens, justement, il est bien de rappeler que le langage évolue. Alors oui on observe une grosse chute de rigueur et de qualité orthographique en ligne, oui écrire en langage SMS (comprenez par-là "abréger au plus court") n'aide pas à apprendre ou consolider ses connaissances orthographiques, mais il faut quand-même aussi savoir raison garder. Le langage évolue, il l'a toujours fait et il le fera toujours, et ce sans l'aval d'un comité décisionnel ou d'un conseil des ancêtres. Aujourd'hui les jeunes utilisent des phrases qui peuvent paraître étranges aux oreilles des générations passées, mais devinez quoi : la totalité des mots, phrases et expressions que vous employez au quotidien (quel que soit votre milieu, vos origines ou votre langue) ont été inventés à un moment donné, ont remplacé d'anciens mots ou d'anciennes expressions désignant les même choses, ou que sais-je encore. Le langage évolue et personne n'y peut rien. Ou plutôt si, c'est un peu par tout le monde qu'il change, puisqu'il évolue avec les us et coutumes. Alors oui, moi aussi je ne comprendrai sans doute pas les expressions à venir, mais devinez quoi : tout langage n'a pas pour but d'être universel. Tant que la personne assemblant les mots et la personne les recevant se comprennent et comprennent les mêmes idées à travers ces mots, cela s'appelle un langage. Alors bon, les comparaisons à la mord-moi-le-nœud entre les écrits dits "téléphoniques" et les "vrais" écrits approuvés par les pairs et la langue de Molière, je trouve ça un peu de mauvaise foi.
Eh, je suis de la génération internet, et croyez-moi que de la lecture de fiction, d'essais ou d'études ça se fait aussi sur portable. In fine ce sont des outils, alors même si mauvaise utilisation il y a, ne diabolisons pas l'outil mais la main (ou les habitudes sociétales). Je suis à ça de vous sortir la vieille métaphore du couteau !
Après, c'est sûr, encore une fois, l'addiction aux écrans, le doom scrolling, l'apathie ou même l'anonymat publique restent des dangers liés aux écrans et à la sur-connection que nous vivons aujourd'hui. Mais tout de même, pas besoin de ressortir les vieilles comparaisons dignes de vieux memes facebook comparant les jeunes "abrutis facent à leurs écrans" face aux adultes et leur "vrai savoir littéraire". Entre un-e jeune qui lit des fanfictions et qui comprend par là-même le concepts de réappropriation d'univers de fiction et s'ouvre à tout un champs de possibilités narratives et un-e adulte qui ne lit que du Marc Levy, je ferais personnellement plus confiance en matière de connaissance littéraire à la première personne qu'à la deuxième (et pourtant, notez que tous-tes deux lisent).
L'album n'est pas non plus affligeant, il y a une tentative de prose et des dessins plutôt jolis, l'envie de traiter des problèmes causés par l'addiction au portable est plus que louable, mais le fond de l'histoire me laisse un goût amer (en tout cas un peu malhonnête).
"Les Sortilèges de Zora", c'est une énième série jeunesse reprenant la figure de la sorcière pour représenter les figures féminines paria (ici pour représenter la nouvelle de l'école un peu bizarre mise de côté par ses camarades) et promet en toile de fond une histoire qui se veut grande mais qui distribue ses révélations de manière assez mécanique et artificielle.
Suis-je trop dure avec cette série ? Sans doute.
En vrai, je reconnais que l'histoire, bien qu'extrêmement simple et à la narration parfois fainéante, n'est pas désagréable à lire. Les personnages ne cassent pas trois pattes à un canard mais la fougue et la petite bouille de Zora attendrissent et les jolis dessins d'Ariane Delrieu illustrent joliment les cases. J'aime également l'envie simple et sincère de raconter une histoire de différence et d'acceptation, mise en parallèle avec une situation de réfugié politique (oui oui), le tout dans une ambiance et un monde un peu décalé où l'on mange des cafards au miel. Je me plaindrais un peu plus loin de comment cette histoire nous est racontée, mais j'insiste sur le fait que j'aime beaucoup l'idée de base et que je ne trouve pas ça bête d'utiliser ce genre d'histoire pour communiquer le besoin de communauté et la nécessité de ne pas subir de harcèlement scolaire auprès des jeunes lecteur-ice-s.
En fait, justement, je crois que les qualités de cette série (son idée fantasque, son histoire profonde et intéressante, ses dessins adorables, ...) ne me font voir les défauts que plus gros.
Les défauts, du coup, quels sont-ils ?
Il y a tout d'abord la narration, qui nous balance des informations sur le passé de l'héroïne au compte goutte et de manière vraiment très ridicule. Visualisez donc : notre héroïne demande à sa grand-mère de lui en raconter plus sur son passé, sa grand-mère refuse d'abord, puis accepte et commence à lui raconter... puis s'arrête brusquement en lui disant qu'elle aura la suite plus tard. Comme ça, sans raison. Et ce n'est pas pour continuer le lendemain parce qu'elle est trop fatiguée ou parce qu'une quelconque raison scénaristique l'en empêche (tout du moins aucune révélée jusque là ou même suggérée), non, c'est vraiment juste parce que la scénariste ne voulait pas trop en révéler aux lecteur-ice-s. Mais l'astuce quand on écrit ce genre d'histoire avec de lourds secrets à cacher qui sont censés nous donner envie d'en savoir plus, c'est qu'il faut aussi créer une raison intra-diégétique expliquant pourquoi nous apprenons ces infos dans l'ordre qui nous est donné, mais surtout (encore plus important) que l'on donne une raison à pourquoi le personnage (protagoniste même) ne les apprend que maintenant. Parce que la phrase "je t'expliquerais plus tard" balancée à la volée à chaque album, ça ne dure qu'un temps. Et je ne vous parle même pas de la fumée bleue, personnage étrange qui réapparait aléatoirement pour dévoiler des morceaux de backstory, comme ça, à la volée.
Ensuite, il y a le fait que les histoires ne m'ont pas parus très palpitantes. Tout du long j'ai eu l'impression de lire (ou surtout relire) des histoires que j'avais déjà lues/vues/entendues. Je ne dis même pas ça d'un regard d'adulte, même enfant j'avais déjà lu plein d'histoires du genre, et le fait qu'ici rien (mis à part le dessin) ne fait vraiment sortir cette série du lot m'aurait sans doute frappée même enfant.
En fait, tout comme pour l'histoire de fond sur la situation des sorcières devant fuir et se cacher, les petites histoires de chaque album sont sympathiques et intéressantes sur le papier. Les histoires d'enfants désobéissantes, bravant les interdits des figures parentales et cherchant avant tout à être acceptée et à se faire des ami-e-s (avec en prime une petite amourette de cour d'école), c'est classique mais si bien fait peut sincèrement rester prenant à tout âge. Le problème ici c'est que cela ne m'a pas paru si prenant que ça. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est parce que c'est mal fait, je pense surtout que cela pêche au niveau du rythme. Ces petites histoires auraient méritée de prendre un peu plus leur temps, de laisser les personnages se poser, pourquoi pas une ou deux cases pour plus établir le cadre. En tout cas j'ai ressenti un manque d'un petit je ne sais quoi.
Encore une fois, je suis sans doute trop dure. La série n'est pas mauvaise, juste trop classique dans le fond (même pour un public jeunesse), mais elle parvient tout de même à créer un récit charmant et légèrement fantasque qui plaira sans doute à de jeunes enfants. Pour un public adulte ou adolescent, même amateur de récits jeunesse, sans doute moins d'attrait.
(Note réelle 2,5)
Adaptation très réussie du roman de Pierre Lemaitre : un polar amoral à l'humour pince sans rire, noir et délicieusement rétro.
En 2021, Pierre Lemaitre et son éditeur (Albin Michel) avaient eu la bonne idée de ressortir un fond de tiroir pour profiter de la renommée grandissante de l'auteur. C'était un thriller immoral et délicieusement divertissant, empreint d'un humour noir et pince-sans-rire, qui nous replongeait dans les années 80, à l'époque où l'on sillonnait les routes en Renault 5 (et pas le nouveau modèle électrique, hein !).
Pierre Lemaitre, Dominique Monféry et les éditions Rue de Sèvres nous remettent ça et adaptent Le serpent majuscule en bande dessinée.
Lemaitre n'en est bien sûr pas à son coup d'essai : il a déjà adapté plusieurs de ses romans en BD (Au revoir là-haut, la série Brigade Verhoeven, ...).
Quant à Dominique Monféry il est connu dans le monde du dessin animé.
C'est une BD avec une héroïne mais messieurs voyons, calmez-vous, ce n'est pas du côté de Superwoman que ça se passe, plutôt du côté de Carmen Cru : l'héroïne en question est une vieille dame très âgée, prénommée Mathilde.
Accessoirement, Mathilde Perrin est aussi tueuse à gages, oui, oui.
Ludo, son chien, est un dalmatien, facile à reconnaître car c'est lui qui fait la couverture du bouquin comme de la BD et que "généralement, les grands chiens blancs avec des tâches noires, c'est pas des saint-bernards".
Le flic c'est René, un vieux garçon plus ou moins amoureux de la dame de compagnie de son vieux père.
Et puis il y a Henri, le commanditaire de Mathilde, ils se sont connus pendant la guerre, dans la Résistance où la jeune et belle Mathilde s'était déjà forgé une solide réputation (savoureux flash back !) !
Jusque là tout allait bien et Mathilde enchaînait les petits boulots ou les missions, avec efficacité. Elle était réputée pour fournir des "prestations parfaites", elle était même "insoupçonnable, un agent exceptionnel".
Elle trouvait même que "c'est agréable comme métier, mais qu'est-ce que c'est salissant".
Mais avec l'âge, tout n'est peut-être plus aussi net, la vue baisse, on a vite fait de confondre un bout de papier avec un autre.
Et puis Mathilde se lâche un peu avec son gros revolver, ça ne se fait pas de tirer dans les ...
Au point d'éveiller l'intérêt des flics : "l'étonnant c'est cette balle de gros calibre dans les ... c'est pas fréquent".
Ça fait un peu mafia non ? "Les ritals, ils tirent dans les burnes ! Sont très connus pour ça !", en tout cas c'est l'avis du commissaire, le patron pas très futé de René.
[...] - Cette femme je ne la sens pas.
- Franchement, René ... Vous voyez une bonne femme de 60 ans armée d'un 'desert eagle' dézinguer trois personnes en une semaine ?
- Il faut bien que quelqu'un l'ait fait ...
- Un ancien légionnaire, faites-moi confiance !
Quelques bonnes raisons d'ouvrir cet album ?
Ah bien sûr le plaisir de se replonger dans cette histoire savoureuse de Pierre Lemaitre ! Le roman sans prétention [clic] était une simple histoire de tueur à gage, mais bien montée et bien racontée, où l'on passait un bon moment.
Avec l'auteur lui-même aux commandes de l'adaptation, il est naturel que le plaisir soit de nouveau au rendez-vous de cette histoire immorale où les cadavres s'accumulent rapidement. Mais une histoire plus subtile qu'il n'y parait et qui s'adapte parfaitement au format BD.
Et puis, bonne surprise, les dessins et couleurs de Dominique Monféry sont superbes. Des visages très expressifs, un style pastel ou aquarelle et des tons sépias qui rappellent les années passées, les années 80.
Ce n'est pas une simple réinterprétation marketing de Lemaitre, c'est véritablement un bel album.
Un polar noir (et jaune), une version "3ème âge" de la série Le Tueur de Matz et Jacamon.
Très bel album que ce Little Tulip, avec de superbes dessins de François Boucq sur un excellent scénario de l'américain Jerome Charyn.
Le script fait s'entrecroiser deux périodes : 1947, le jeune Paul se voit brutalement déporté avec ses parents au goulag de la Kolyma et se retrouve bien vite orphelin dans les pattes des malfrats qui font régner leur terreur sur le camp.
Son don pour le dessin (hérité de son américain et couillon de père, venu en URSS dessiner des décors pour Eisenstein avant de se faire dénoncer pour le goulag), son don pour le dessin va assurer sa promotion au rang de tatoueur des gangs de la Kolyma.
Seconde histoire, 1970, Paul a bien vieilli mais continue de dessiner et de tatouer à New-York (la ville fétiche de Charyn), tirant des portraits robots pour la police à la recherche d'un serial-killer déguisé en père noël.
Bien entendu les deux périodes, les deux intrigues vont s'entrecroiser et plutôt deux fois qu'une. Le scénario est plutôt bien monté qui enchaîne les événements d'une époque après l'autre comme s'ils se répétaient à 25 ans de distance.
Mais il n'y a pas que les péripéties qui s'imbriquent, c'est aussi le cas des dessins puisque les tatouages dessinés sur les corps forment presque une BD dans la BD et là encore, les effets de cadrage et de mise en scène sont plutôt bien vus.
Bref, voilà un album sacrément bien foutu, tout en échos et répons, une histoire de deux enfances sans innocence, une histoire dense et violente qui se lit trop rapidement mais que l'on va feuilleter plusieurs fois avant de refermer.
Les dessins fouillés de François Boucq rappellent un peu le Jean Giraud de Blueberry et, avec des visages et des corps très expressifs, sont au même niveau d'exigence que le scénario.
Les deux compères viennent de sortir un nouvel album, New York cannibals, une suite plutôt réussie.
Après le très beau Little Tulip qu'on vient juste de relire (l'album datait de 2014), le duo franco-américain remet cela avec François Boucq aux dessins et Jerome Charyn au récit.
C'est un peu une suite au précédent album : on retrouve à NY quelques uns des personnages et même quelques fantômes revenus des camps de la Kolyma.
Cette fois, c'est l'ancienne protégée du tatoueur, la japonaise Azami, qui a grandi et désormais tient le haut du pavé des rues de New York (et la une de couverture).
La recette est la même avec côté dessins, les corps, les visages et les tatouages où excelle François Boucq et côté scénario, une histoire plus 'américaine' mais toujours bien noire qui farfouille du côté obscur de l'âme humaine, forcément avec un titre pareil ...
[...] Des cannibales en plein New York, décidément le passé continue à me mordre au talon !
L'album apparait plus classique que le précédent, l'effet de découverte ne joue plus, et si cela reste tout de même une excellente BD, on a trouvé ce Little Paul un cran en-dessous de Little Tulip.
Mais les deux font la paire !
No Body : une BD du français Christian de Metter qui s'était fait connaître en adaptant des romans à succès (Shutter Island, Au revoir là-haut, ...).
Avec No Body, le dessinateur crée son propre récit : la saison 1 comporte 4 albums qui nous plongent dans une ambiance rappelant la série Mindhunter.
Une psy se rend en prison pour tenter de percer la personnalité d'un tueur en série qui se déclare lui-même coupable.
[...]- Je sais ce que j'ai fait. Je m'en souviens parfaitement. Je mérite la peine de mort. Point.
Chaque album est l'occasion de découvrir un pan de l'histoire du prisonnier, une vue de son passé.
Un passé de biker, un passé d'agent infiltré du FBI, ... des histoires qui font revivre les années troubles des US, sixties et seventies.
Peu de mots échangés mais un sens aigu de la mise en scène avec un découpage très 'série télé'.
Un dessin sombre et inquiétant, une aquarelle aux eaux glauques, qui ne montre que ce que De Metter veut bien nous dévoiler avant les révélations finales.
[...] Quand tu mens, sers-toi le plus possible de la vérité et transforme quelques éléments. Juste ce qu’il faut pour convaincre.
Une saison 2 est également sortie qui ira explorer l'Italie des années de plomb.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Comme une pierre
Les éditions iLatina m'ont permis de découvrir le grandiose La Grande Arnaque, ce dont je ne les remercierai jamais assez ! Avec "Comme une pierre", l'on découvre un Brésil ancestral, austère, silencieux. Pas exactement celui idéalisé, festif et coloré, chaleureux et exubérant, associé au carnaval de Rio, aux plages, à la samba, au football champagne... Mais pas non plus celui des favelas, jeune, violent, mais tout aussi exubérant et lumineux. L'auteur nous dépeint le quotidien de pauvres fermiers, en proie à une sécheresse infernale. La survie de la famille est en jeu, la folie guette, la foi est interrogée jusqu'à l'impensable. Cette BD est une véritable tragédie, les excès magnifiquement orchestrés : la pauvreté extrême qui fait tourner les têtes, le mutisme des personnages interdisant toute résolution raisonnable, le conservatisme glaçant le lecteur même, la foi désespérée sinon désespérante... ; et puis ce formalisme génial dans la mise en page : les contrastes poussés à l'extrême, le jeu grandiose avec les pleins et les vides, le développement quasiment muet de l'intrigue... On ne sort pas indemne de cette lecture : on s'implique, on vit ce cauchemar et l'on craint l'infernale fatalité. Véritablement magnifique !
Gung Ho
J'ai enfin lu Gung Ho, dont j'ai entendu tant de bien ici, en librairie, par des potes... bref ça allait forcément être très bien comme lecture. Le début confirmait plutôt bien l'attente et la promesse, mais au final je reste un peu sur ma faim, il y a quelques détails qui n'empêchent de basculer sur un 4/5. Dans le positif, j'ai aimé le graphisme original et j'ai aimé l'univers mis en place. Que ce soit le background post apocalyptique, que ce soit la colonie de Fort Apache dans laquelle l'histoire prend place, que ce soit les personnages qu'on découvre progressivement, tout fonctionne dans ce premier tome. Il y a des éléments de l'intrigue prometteurs qui amènent un petit quelque chose. Je pense aux 2 personnages adultes qui gère la colonie en lien avec la ville qui permet de ravitailler le camp. On voit bien qu'ils ne sont pas tout blanc et qu'il y a de la magouille en toile de fond. La première attaque de rippers, fait aussi partie des points positivement marquants. La découverte de ces créatures qui menacent nos héros est un moment assez fort et, là aussi, prometteur pour la suite. Malheureusement ça ne tient pas la longueur, ce qui amène plusieurs réserves. Je me retrouve dans l'avis de Brodeck. A mes yeux, les ados perdent vite de leur charme, on ne sent pas du tout la tension qu'il est sensé régner dans cet univers. On dirait qu'ils sont en colo, ils ne pensent qu'à picoler et baiser. J'ai globalement eu du mal à adhérer à leurs comportements. J'ai aussi eu un peu de mal avec les gamines régulièrement dénudées qui portent le string plus haut que les hanches. Si on ajoute qu'à 16 ans ils sont tous expert en pilotage de motos et manient le fusil à lunettes à 100 mètres mieux qu'un militaire, ça fait beaucoup. Cela aurait pu être des détails, mais le plus important pour moi c'est que l'histoire à du mal à se renouveler et que le scénario ne propose rien d'original au final. Les quelques éléments semés au début qui auraient pu amener une intrigue maline ou une surprise avec des rebondissements inattendus ne sont pas exploités. Au lieu de ça, le 5e tome c'est 80 pages de baston, ça flingue dans tous les sens. On compte les morts page après page, mais je reste clairement sur ma faim en ce qui concerne une intrigue de fond. Au final plutôt une bonne lecture quand même, tout à fait recommandable. Mais j'ai du mal à me défaire de cette petite déception que ça aurait pu être mieux au vu du potentiel initial.
Aldo Remy
Ca m'amuse de voir un Ric Hochet au menton en galoche et à l'allure de gaillard comique. Aldo Remy m’a agréablement surpris, essentiellement par son contraste avec les précédentes œuvres de Tibet. Il offre ici une série d'humour adulte et parfois un peu osé, ce qui change du trop grand sérieux d'un Ric Hochet, ou de l'humour plus enfantin d'un Chick Bill. On y trouve des scènes plutôt crues, et même une petite touche de sexe explicite, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Cela n'enlève rien à l'attrait de la lecture, car l'humour, bien que parfois un peu facile, fonctionne encore sans être hilarant toutefois. Tibet, sans son complice Duchâteau, réussit à offrir un personnage un peu désabusé mais attachant. L’histoire, bien que simple, gagne en profondeur au fil des pages t s'offre de luxe de conclusions assez surprenantes. Le dessin, lui, est fidèle au style de Tibet même si certaines cases manquent de détails et la colorisation semble parfois négligée. Ce n’est pas un chef-d'œuvre, mais Aldo Remy est une sympathique excursion en dehors des sentiers battus de cet auteur.
Zizi chauve-souris
Suzie Wendel, dit "Zizi", est une petite fille vivant seule avec sa mère dans un petit village et qui se retrouve un beau jour à adopter une chauve-souris venue se réfugier dans ses cheveux. Des histoires sur le quotidien d'une gamine fantasque avec un animal parlant rigolo lui donnant la réplique, une enfant qui réfléchit sur le monde des adultes et se montre souvent plus censée qu'elleux, des strips humoristiques reposant sur le sarcasme et l'humour con, ... tout ça n'est pas nouveau. Mais tout de même bien réalisé ! Déjà, Zizi se révèle un peu plus complexe qu'une simple "gamine à problème" Elle est sarcastique et calculatrice, mais contre toute attente elle ne se révèle pas être une petite peste en puissance car elle s'avère également être assez gentille, souhaitant notamment protéger les animaux vulnérables - sauf les araignées ! - et aimant sincèrement sa mère à qui elle fait pourtant vivre des misères. C'est juste une enfant très chaotique, un peu (trop) grande-gueule et qui vit dans un monde où l'impossible et l'imaginaire enfantin se révèlent bien souvent plus proche de la réalité que la vision des adultes. Qu'est-ce que c'est que cette histoire d'impossible et d'imaginaire enfantin ? Eh bien figurez-vous que les bois à côté de chez Zizi regorgent de créatures toutes plus dangereuses et invraisemblables les unes que les autres (comme les terribles fourmi-zombies !) et qu'elle se transforme chaque nuit de pleine lune en adulte (depuis sa blessure face à un terrible Grand-Garou). J'aurais presque comparée Zizi à Calvin, de Calvin et Hobbes, mais la comparaison est en fait assez imparfaite, car bien que tous deux marquent par leur côté "enfant avec des réflexions très adultes et un grand amour pour les catastrophes et les sarcasmes", les aventures fantastiques de Zizi sont en fait bien réelles. Ici, pas de "doute" comme entre Calvin et Hobbes, les étranges créatures que voient Zizi, sa transformation en adulte chaque pleine lune ou encore sa voisine pratiquant un art martial surpuissant à base de cuillère en bois, ... tout ça est en fait bien réel et plusieurs personnes interagissent avec ces apparitions. Ici l'on n'est pas vraiment dans les fantasmes et les interprétations enfantines d'un-e enfant à l'esprit beaucoup trop adulte, plutôt les aventures quotidienne d'une fillette très chaotique vivant dans un monde où le fantasque s'avère en réalité être très banal. Ce traitement presque normal des évènements fantastiques donnent un vrai cachet à la série L'humour est drôle, en tout cas il m'a beaucoup fait rire. Je n'ai réalisé qu'après ma lecture que l'écriture était de Trondheim, j'aurais pu m'en douter, j'ai un faible pour son humour. Surtout qu'il sait écrire des personnages à la fois simples, loufoques et surtout attachant. C'est vraiment ça que je retire de ces petites histoires : c'était attachants. J'ai beaucoup aimé suivre les déboires et réflexions de Zizi, gamine pouvant paraître bizarre mais se révélant en réalité très maligne. En tout cas aussi maligne qu'un-e adulte. En tout cas pas plus bête. Après tout, elle nous le dit elle-même, "les enfants sont juste des adultes qui font un mètre de plus...".
La Vie sans portable
Difficile pour moi de vraiment définir un ressenti après cette lecture. Pourquoi ces difficultés ? Eh bien car j'adhère techniquement à l'idée derrière l'album mais que le message passé dans son exécution me semble être au mieux un message naïf et maladroit de la génération pré-portables à la génération post-portables, au pire la retranscription ampoulée des pensées pédante d'une génération à une autre. Je m'explique : l'histoire est celle de Sonia, accro à son portable (comme tous-tes les jeunes !), qui va découvrir après s'être fait confisquer ledit appareil en classe qu'il existe un monde au delà du petit écran, un monde de lecture et d'écriture (et v'là t'y pas que Sonia nous pond un recueil de poésie après avoir lâché cet outil du démon, comme quoi l'appareil l'empêchait de révéler son vrai potentiel). Je suis sarcastique dans ma retranscription, je sais, mais c'est parce que j'ai vraiment cru voir de la mauvaise foi dans l'album. Je suis moi-même contre la sur-utilisation des technologies dans notre quotidien et je ne peux qu'encourager toute personne de tout âge à s'essayer à l'écriture et/ou à la lecture. Seulement voilà, je vais peut-être briser des illusions en disant ça, mais la génération portable lit davantage que les générations précédentes. Alors, je sais que ma dernière phrase vient de faire lever moult sourcils mais j'insiste : les générations et populations ayant accès à des portables et/ou ordinateurs lisent beaucoup plus au quotidien que les autres. Comment ? Bah les SMS, les mails, les recherches internet, les forums, la programmation, l'écriture et la littérature-même, tout ça sont des écrits accessibles par portables et visionnés au quotidien. Bon sang, vous savez que vous-même qui êtes en train de lire cet avis... lisez ? Sur un écran (peut-être même un portable) ? Alors oui, c'est sûr, ça ne règle pas la question de la "qualité" de ce qui est lu, mais ça, je vais être honnête, ça a toujours été le cas. Dès l'instant où tout le monde peut s'exprimer (artistiquement, scientifiquement ou politiquement), il faut se préparer à ce que les écrits de qualités se noient dans les plus classiques voire les mauvais. Mais ça c'est le lot de la liberté d'expression, ce fut vrai de tout temps et la qualité des écrits peut elle-même être très subjective, alors bon les remarques préconstruites... Autre détail de mauvaise fois ici : l'écriture SMS. Alors, je veux bien que lorsqu'on écrit un SMS on va souvent vite et on fait souvent des fautes (même moi qui me fais souvent chier quand j'écris mes SMS j'en fais régulièrement), mais il ne faut pas exagérer. Là on sent bien que le texte a été écrit par quelqu'un vraiment loin de la génération SMS, parce que qui (je dis bien "QUI") dans les générations récentes utilise encore des perles de langage comme "C tro port nawak" ?! Tiens, justement, il est bien de rappeler que le langage évolue. Alors oui on observe une grosse chute de rigueur et de qualité orthographique en ligne, oui écrire en langage SMS (comprenez par-là "abréger au plus court") n'aide pas à apprendre ou consolider ses connaissances orthographiques, mais il faut quand-même aussi savoir raison garder. Le langage évolue, il l'a toujours fait et il le fera toujours, et ce sans l'aval d'un comité décisionnel ou d'un conseil des ancêtres. Aujourd'hui les jeunes utilisent des phrases qui peuvent paraître étranges aux oreilles des générations passées, mais devinez quoi : la totalité des mots, phrases et expressions que vous employez au quotidien (quel que soit votre milieu, vos origines ou votre langue) ont été inventés à un moment donné, ont remplacé d'anciens mots ou d'anciennes expressions désignant les même choses, ou que sais-je encore. Le langage évolue et personne n'y peut rien. Ou plutôt si, c'est un peu par tout le monde qu'il change, puisqu'il évolue avec les us et coutumes. Alors oui, moi aussi je ne comprendrai sans doute pas les expressions à venir, mais devinez quoi : tout langage n'a pas pour but d'être universel. Tant que la personne assemblant les mots et la personne les recevant se comprennent et comprennent les mêmes idées à travers ces mots, cela s'appelle un langage. Alors bon, les comparaisons à la mord-moi-le-nœud entre les écrits dits "téléphoniques" et les "vrais" écrits approuvés par les pairs et la langue de Molière, je trouve ça un peu de mauvaise foi. Eh, je suis de la génération internet, et croyez-moi que de la lecture de fiction, d'essais ou d'études ça se fait aussi sur portable. In fine ce sont des outils, alors même si mauvaise utilisation il y a, ne diabolisons pas l'outil mais la main (ou les habitudes sociétales). Je suis à ça de vous sortir la vieille métaphore du couteau ! Après, c'est sûr, encore une fois, l'addiction aux écrans, le doom scrolling, l'apathie ou même l'anonymat publique restent des dangers liés aux écrans et à la sur-connection que nous vivons aujourd'hui. Mais tout de même, pas besoin de ressortir les vieilles comparaisons dignes de vieux memes facebook comparant les jeunes "abrutis facent à leurs écrans" face aux adultes et leur "vrai savoir littéraire". Entre un-e jeune qui lit des fanfictions et qui comprend par là-même le concepts de réappropriation d'univers de fiction et s'ouvre à tout un champs de possibilités narratives et un-e adulte qui ne lit que du Marc Levy, je ferais personnellement plus confiance en matière de connaissance littéraire à la première personne qu'à la deuxième (et pourtant, notez que tous-tes deux lisent). L'album n'est pas non plus affligeant, il y a une tentative de prose et des dessins plutôt jolis, l'envie de traiter des problèmes causés par l'addiction au portable est plus que louable, mais le fond de l'histoire me laisse un goût amer (en tout cas un peu malhonnête).
Les Sortilèges de Zora
"Les Sortilèges de Zora", c'est une énième série jeunesse reprenant la figure de la sorcière pour représenter les figures féminines paria (ici pour représenter la nouvelle de l'école un peu bizarre mise de côté par ses camarades) et promet en toile de fond une histoire qui se veut grande mais qui distribue ses révélations de manière assez mécanique et artificielle. Suis-je trop dure avec cette série ? Sans doute. En vrai, je reconnais que l'histoire, bien qu'extrêmement simple et à la narration parfois fainéante, n'est pas désagréable à lire. Les personnages ne cassent pas trois pattes à un canard mais la fougue et la petite bouille de Zora attendrissent et les jolis dessins d'Ariane Delrieu illustrent joliment les cases. J'aime également l'envie simple et sincère de raconter une histoire de différence et d'acceptation, mise en parallèle avec une situation de réfugié politique (oui oui), le tout dans une ambiance et un monde un peu décalé où l'on mange des cafards au miel. Je me plaindrais un peu plus loin de comment cette histoire nous est racontée, mais j'insiste sur le fait que j'aime beaucoup l'idée de base et que je ne trouve pas ça bête d'utiliser ce genre d'histoire pour communiquer le besoin de communauté et la nécessité de ne pas subir de harcèlement scolaire auprès des jeunes lecteur-ice-s. En fait, justement, je crois que les qualités de cette série (son idée fantasque, son histoire profonde et intéressante, ses dessins adorables, ...) ne me font voir les défauts que plus gros. Les défauts, du coup, quels sont-ils ? Il y a tout d'abord la narration, qui nous balance des informations sur le passé de l'héroïne au compte goutte et de manière vraiment très ridicule. Visualisez donc : notre héroïne demande à sa grand-mère de lui en raconter plus sur son passé, sa grand-mère refuse d'abord, puis accepte et commence à lui raconter... puis s'arrête brusquement en lui disant qu'elle aura la suite plus tard. Comme ça, sans raison. Et ce n'est pas pour continuer le lendemain parce qu'elle est trop fatiguée ou parce qu'une quelconque raison scénaristique l'en empêche (tout du moins aucune révélée jusque là ou même suggérée), non, c'est vraiment juste parce que la scénariste ne voulait pas trop en révéler aux lecteur-ice-s. Mais l'astuce quand on écrit ce genre d'histoire avec de lourds secrets à cacher qui sont censés nous donner envie d'en savoir plus, c'est qu'il faut aussi créer une raison intra-diégétique expliquant pourquoi nous apprenons ces infos dans l'ordre qui nous est donné, mais surtout (encore plus important) que l'on donne une raison à pourquoi le personnage (protagoniste même) ne les apprend que maintenant. Parce que la phrase "je t'expliquerais plus tard" balancée à la volée à chaque album, ça ne dure qu'un temps. Et je ne vous parle même pas de la fumée bleue, personnage étrange qui réapparait aléatoirement pour dévoiler des morceaux de backstory, comme ça, à la volée. Ensuite, il y a le fait que les histoires ne m'ont pas parus très palpitantes. Tout du long j'ai eu l'impression de lire (ou surtout relire) des histoires que j'avais déjà lues/vues/entendues. Je ne dis même pas ça d'un regard d'adulte, même enfant j'avais déjà lu plein d'histoires du genre, et le fait qu'ici rien (mis à part le dessin) ne fait vraiment sortir cette série du lot m'aurait sans doute frappée même enfant. En fait, tout comme pour l'histoire de fond sur la situation des sorcières devant fuir et se cacher, les petites histoires de chaque album sont sympathiques et intéressantes sur le papier. Les histoires d'enfants désobéissantes, bravant les interdits des figures parentales et cherchant avant tout à être acceptée et à se faire des ami-e-s (avec en prime une petite amourette de cour d'école), c'est classique mais si bien fait peut sincèrement rester prenant à tout âge. Le problème ici c'est que cela ne m'a pas paru si prenant que ça. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est parce que c'est mal fait, je pense surtout que cela pêche au niveau du rythme. Ces petites histoires auraient méritée de prendre un peu plus leur temps, de laisser les personnages se poser, pourquoi pas une ou deux cases pour plus établir le cadre. En tout cas j'ai ressenti un manque d'un petit je ne sais quoi. Encore une fois, je suis sans doute trop dure. La série n'est pas mauvaise, juste trop classique dans le fond (même pour un public jeunesse), mais elle parvient tout de même à créer un récit charmant et légèrement fantasque qui plaira sans doute à de jeunes enfants. Pour un public adulte ou adolescent, même amateur de récits jeunesse, sans doute moins d'attrait. (Note réelle 2,5)
Le Serpent majuscule
Adaptation très réussie du roman de Pierre Lemaitre : un polar amoral à l'humour pince sans rire, noir et délicieusement rétro. En 2021, Pierre Lemaitre et son éditeur (Albin Michel) avaient eu la bonne idée de ressortir un fond de tiroir pour profiter de la renommée grandissante de l'auteur. C'était un thriller immoral et délicieusement divertissant, empreint d'un humour noir et pince-sans-rire, qui nous replongeait dans les années 80, à l'époque où l'on sillonnait les routes en Renault 5 (et pas le nouveau modèle électrique, hein !). Pierre Lemaitre, Dominique Monféry et les éditions Rue de Sèvres nous remettent ça et adaptent Le serpent majuscule en bande dessinée. Lemaitre n'en est bien sûr pas à son coup d'essai : il a déjà adapté plusieurs de ses romans en BD (Au revoir là-haut, la série Brigade Verhoeven, ...). Quant à Dominique Monféry il est connu dans le monde du dessin animé. C'est une BD avec une héroïne mais messieurs voyons, calmez-vous, ce n'est pas du côté de Superwoman que ça se passe, plutôt du côté de Carmen Cru : l'héroïne en question est une vieille dame très âgée, prénommée Mathilde. Accessoirement, Mathilde Perrin est aussi tueuse à gages, oui, oui. Ludo, son chien, est un dalmatien, facile à reconnaître car c'est lui qui fait la couverture du bouquin comme de la BD et que "généralement, les grands chiens blancs avec des tâches noires, c'est pas des saint-bernards". Le flic c'est René, un vieux garçon plus ou moins amoureux de la dame de compagnie de son vieux père. Et puis il y a Henri, le commanditaire de Mathilde, ils se sont connus pendant la guerre, dans la Résistance où la jeune et belle Mathilde s'était déjà forgé une solide réputation (savoureux flash back !) ! Jusque là tout allait bien et Mathilde enchaînait les petits boulots ou les missions, avec efficacité. Elle était réputée pour fournir des "prestations parfaites", elle était même "insoupçonnable, un agent exceptionnel". Elle trouvait même que "c'est agréable comme métier, mais qu'est-ce que c'est salissant". Mais avec l'âge, tout n'est peut-être plus aussi net, la vue baisse, on a vite fait de confondre un bout de papier avec un autre. Et puis Mathilde se lâche un peu avec son gros revolver, ça ne se fait pas de tirer dans les ... Au point d'éveiller l'intérêt des flics : "l'étonnant c'est cette balle de gros calibre dans les ... c'est pas fréquent". Ça fait un peu mafia non ? "Les ritals, ils tirent dans les burnes ! Sont très connus pour ça !", en tout cas c'est l'avis du commissaire, le patron pas très futé de René. [...] - Cette femme je ne la sens pas. - Franchement, René ... Vous voyez une bonne femme de 60 ans armée d'un 'desert eagle' dézinguer trois personnes en une semaine ? - Il faut bien que quelqu'un l'ait fait ... - Un ancien légionnaire, faites-moi confiance ! Quelques bonnes raisons d'ouvrir cet album ? Ah bien sûr le plaisir de se replonger dans cette histoire savoureuse de Pierre Lemaitre ! Le roman sans prétention [clic] était une simple histoire de tueur à gage, mais bien montée et bien racontée, où l'on passait un bon moment. Avec l'auteur lui-même aux commandes de l'adaptation, il est naturel que le plaisir soit de nouveau au rendez-vous de cette histoire immorale où les cadavres s'accumulent rapidement. Mais une histoire plus subtile qu'il n'y parait et qui s'adapte parfaitement au format BD. Et puis, bonne surprise, les dessins et couleurs de Dominique Monféry sont superbes. Des visages très expressifs, un style pastel ou aquarelle et des tons sépias qui rappellent les années passées, les années 80. Ce n'est pas une simple réinterprétation marketing de Lemaitre, c'est véritablement un bel album. Un polar noir (et jaune), une version "3ème âge" de la série Le Tueur de Matz et Jacamon.
Little Tulip
Très bel album que ce Little Tulip, avec de superbes dessins de François Boucq sur un excellent scénario de l'américain Jerome Charyn. Le script fait s'entrecroiser deux périodes : 1947, le jeune Paul se voit brutalement déporté avec ses parents au goulag de la Kolyma et se retrouve bien vite orphelin dans les pattes des malfrats qui font régner leur terreur sur le camp. Son don pour le dessin (hérité de son américain et couillon de père, venu en URSS dessiner des décors pour Eisenstein avant de se faire dénoncer pour le goulag), son don pour le dessin va assurer sa promotion au rang de tatoueur des gangs de la Kolyma. Seconde histoire, 1970, Paul a bien vieilli mais continue de dessiner et de tatouer à New-York (la ville fétiche de Charyn), tirant des portraits robots pour la police à la recherche d'un serial-killer déguisé en père noël. Bien entendu les deux périodes, les deux intrigues vont s'entrecroiser et plutôt deux fois qu'une. Le scénario est plutôt bien monté qui enchaîne les événements d'une époque après l'autre comme s'ils se répétaient à 25 ans de distance. Mais il n'y a pas que les péripéties qui s'imbriquent, c'est aussi le cas des dessins puisque les tatouages dessinés sur les corps forment presque une BD dans la BD et là encore, les effets de cadrage et de mise en scène sont plutôt bien vus. Bref, voilà un album sacrément bien foutu, tout en échos et répons, une histoire de deux enfances sans innocence, une histoire dense et violente qui se lit trop rapidement mais que l'on va feuilleter plusieurs fois avant de refermer. Les dessins fouillés de François Boucq rappellent un peu le Jean Giraud de Blueberry et, avec des visages et des corps très expressifs, sont au même niveau d'exigence que le scénario. Les deux compères viennent de sortir un nouvel album, New York cannibals, une suite plutôt réussie.
New York cannibals
Après le très beau Little Tulip qu'on vient juste de relire (l'album datait de 2014), le duo franco-américain remet cela avec François Boucq aux dessins et Jerome Charyn au récit. C'est un peu une suite au précédent album : on retrouve à NY quelques uns des personnages et même quelques fantômes revenus des camps de la Kolyma. Cette fois, c'est l'ancienne protégée du tatoueur, la japonaise Azami, qui a grandi et désormais tient le haut du pavé des rues de New York (et la une de couverture). La recette est la même avec côté dessins, les corps, les visages et les tatouages où excelle François Boucq et côté scénario, une histoire plus 'américaine' mais toujours bien noire qui farfouille du côté obscur de l'âme humaine, forcément avec un titre pareil ... [...] Des cannibales en plein New York, décidément le passé continue à me mordre au talon ! L'album apparait plus classique que le précédent, l'effet de découverte ne joue plus, et si cela reste tout de même une excellente BD, on a trouvé ce Little Paul un cran en-dessous de Little Tulip. Mais les deux font la paire !
Nobody - saison 1
No Body : une BD du français Christian de Metter qui s'était fait connaître en adaptant des romans à succès (Shutter Island, Au revoir là-haut, ...). Avec No Body, le dessinateur crée son propre récit : la saison 1 comporte 4 albums qui nous plongent dans une ambiance rappelant la série Mindhunter. Une psy se rend en prison pour tenter de percer la personnalité d'un tueur en série qui se déclare lui-même coupable. [...]- Je sais ce que j'ai fait. Je m'en souviens parfaitement. Je mérite la peine de mort. Point. Chaque album est l'occasion de découvrir un pan de l'histoire du prisonnier, une vue de son passé. Un passé de biker, un passé d'agent infiltré du FBI, ... des histoires qui font revivre les années troubles des US, sixties et seventies. Peu de mots échangés mais un sens aigu de la mise en scène avec un découpage très 'série télé'. Un dessin sombre et inquiétant, une aquarelle aux eaux glauques, qui ne montre que ce que De Metter veut bien nous dévoiler avant les révélations finales. [...] Quand tu mens, sers-toi le plus possible de la vérité et transforme quelques éléments. Juste ce qu’il faut pour convaincre. Une saison 2 est également sortie qui ira explorer l'Italie des années de plomb.