Les derniers avis (198 avis)

Couverture de la série Mortel Imprévu
Mortel Imprévu

Un western qui se laisse lire, mais qui m’a un peu déçu dans sa seconde moitié. Toute la première partie est intéressante et un peu originale, avec la constitution de ce couple, puis de ce groupe de chercheurs d'or, jusqu’au coup de folie de l’un d’eux, et cette forte montée de tension entre le couple survivant, enfermé dans l’immensité hivernale, enfermé dans un dilemme qui va briser peu à peu les liens qui les avaient auparavant soudés. Ce huis-clos presque étouffant est ensuite rompu par leur fuite. Mais hélas, ce qui jusque là maintenait l’ambiance électrique, se transforme peu à peu en longueurs, avec une fuite devant une meute de loups qui aurait dû être écourtée – surtout que l’attitude stratégique quasi humaine de la louve cheffe de meute manque de crédibilité. La dernière partie est plus convenue, et j’ai presque eu l’impression que la conclusion avait été expédiée. Bon, cela dit, ça se laisse quand même lire agréablement (la première moitié surtout), et le dessin et la colorisation sont plutôt réussis.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Droit du sol
Le Droit du sol

Etienne Davodeau est un peu notre dessinateur fétiche et l'on ne pouvait manquer son dernier album : Le droit du sol, un journal de voyage où il raconte et dessine son périple (à pied) depuis la grotte préhistorique de Pech Merle dans le Lot jusqu'au site d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure dans la Meuse. On aime l'humilité de l'auteur, dans ses dessins comme dans ses textes, sa modestie, son autodérision, tout ce qui cache son humanité, sa généreuse culture et son engagement. Son talent de scénariste et dessinateur. Le voyage de Davodeau est le prétexte à quelques rencontres et à de nombreuses réflexions sur l'espèce Homo Sapiens. Une sorte de chemin de Compostelle à rebours ... [...] Les pèlerins qui descendent vers Saint-Jacques-de-Compostelle. [...] Que cherchent-ils sur ce chemin ? Pourquoi marche-t-on ? Sans doute est-il important de ne pas tenter de répondre à ces questions. Les Sapiens du Paléolithique (dessinateurs eux aussi) ont laissé dans la grotte un magnifique héritage rupestre à leurs descendants. Au fond du site de Bure, que vont léguer les Sapiens du XXI° siècle à leur descendance ? Les curieux d'images animées pourront jeter un œil sur le premier épisode (le reste de la série n'est guère intéressant) de la série suédoise White Wall (le vrai site se trouve à Forsmark au nord de Stockholm) ; cela donne un aperçu de ces fameux sites d'enfouissement (et de leurs enjeux économiques). Quelle idée saugrenue de dessiner un album à partir d'une marche depuis une grotte préhistorique jusqu'à la ZAD de Bure !! ?? [...] Et je me dis surtout que tout ça est peut-être une idée à la con. Mais c'est compter sans les talents de dessinateur et de scénariste de l'auteur qui réussit là un de ses meilleurs albums et une histoire passionnante, oui. L'astuce de Davodeau consiste à "convoquer" dans ses dessins, tout au long de sa randonnée, des professeurs, des chercheurs, qu'il a réellement rencontrés mais avant ou après son voyage : ces accompagnateurs virtuels sont l'occasion d'éclairer le chemin, un peu sur les Sapiens du Paléolithique mais surtout sur ce qui se prépare à Bure sous haute tension policière. On remarquera entre autres le personnage édifiant de Bernard Laponche, ancien syndicaliste CFDT (vous avez dit syndicat ?) du CEA. [...] Ce récit , au fond, c'est une tentative d'évoquer notre absolue dépendance à cette planète et à son sol.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Monde sans fin
Le Monde sans fin

Il nous aura donc fallu du temps pour céder aux sirènes et lire enfin Le monde sans fin, un des livres les plus lus en France, véritable phénomène de librairie, avec Christophe Blain aux dessins et Jean-Marc Jancovici à la vulgarisation scientifique. Le travail soigné de vulgarisation : un véritable régal pour les yeux et l'esprit, un peu dans l'esprit de Davodeau, même si le style est bien différent. Le courage de s'attaquer de manière simple et accessible à un sujet épineux, difficile et polémique : un sujet dérangeant que l'on se garde généralement bien de regarder en face. Que l'on soit d'accord ou pas avec les différentes thèses présentées, on est bien obligé de reconnaître que cet album a au moins le mérite de toucher le plus grand nombre. L'album peut se découper en plusieurs grands chapitres. Le premier est absolument passionnant et nous emmène revisiter quelques décennies de croissance outrancière et de surconsommation énergétique hyperbolique : les graphiques simplifiés de Blain, les explications vulgarisées de Jancovici sont autant de lumières allumées dans nos petites têtes. C'est bluffant, souvent surprenant et donc bigrement intéressant. Le chapitre sur le réchauffement climatique fait froid dans le dos : les chiffres sont effarants et l'on voit mal, on ne veut pas voir, ce qui nous attend. Un sujet inquiétant, alors on tourne les pages un peu plus vite. Le chapitre sur le nucléaire est bien sûr, plus douteux : c'est lui qui a suscité autant de polémiques depuis la sortie du bouquin. Sans aller jusqu'à soupçonner les auteurs d'être à la solde du puissant lobby nucléaire français, on se doute bien que le plaidoyer de Jancovici ne prend pas en compte tous les paramètres, dans sa hâte bienveillante de nous sortir de son chapeau une solution pour amortir la décroissance énergétique qui nous attend. Et puis voilà c'est tout : on vient de réaliser un peu mieux que le monde n'est pas sans fin, que les citoyens de nos sociétés de croissance sont dans le déni le plus complet, bref, que c'est mal barré. Et ce ne sont pas les dernières pages sur les "solutions" à envisager qui vont nous rassurer : on voit trop bien le temps qu'il faudrait pour changer les mentalités de terriens qui n'ont aucune envie de changer de mentalités et qui ne peuvent évidemment pas s'en remettre à leurs dirigeants élus pour les y aider. C'est bien sûr le chapitre le moins convaincant et donc ce n'est finalement pas très rassurant. Alors on referme bien vite le gros album en regrettant finalement que Blain et Jancovici ne se soient pas contentés du premier chapitre : c'était quand même bien plus cool d'analyser le passé de notre Histoire énergétique plutôt que de chercher à ouvrir les yeux sur un avenir bien sombre.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Serpent et le Coyote
Le Serpent et le Coyote

Philippe Xavier est un dessinateur formé sur le continent américain à la publicité et au graphisme. Matz (Alexis Nolent) est un scénariste que l'on connait bien : c'est celui de la série Le Tueur, dont on retrouve ici quelques caractéristiques (monologues en voix off, ...) et de quelques autres albums remarquables, souvent des coups de cœur. Tous deux sont régulièrement aux commandes d'une série d'albums : Tango, dont on reparlera certainement. Voici donc Le serpent et le coyote, tout un programme ! Les BD "à texte" de Matz qui sait jouer les "écrivains" et qui s'y entend pour nous faire partager la route d'un coyote solitaire comme on les aime : on ne se lasse pas de ces monologues ou de ces dialogues, de ce ton sec et nerveux qui claque et qui est celui des meilleurs romans noirs US. Les cadrages "home cinema" de Xavier et la mise en couleurs soignée : les paysages US de l'Arizona ou du Colorado y sont fort bien exploités et les effets de zoom dynamisent les images tout comme l'histoire. Même si, je cite : [le moment est mal venu pour faire le malin avec des références cinématographiques à la con]. Les auteurs se sont emparés d'un thème cher au polar noir : le programme US de protection des témoins, le WITSEC (le Witness Security Program) qui offre, aux frais de l'État, une seconde vie aux truands qui acceptent de témoigner contre de pires truands. Un dispositif qui a connu des débuts difficiles quand il a été mis en place à la fin des années 60 mais qui a permis quelques victoires contre le crime organisé : c'est tout cela qui est évoqué dans cet album. Dans son camping-car, "Joe" (c'est son nom aujourd'hui, comme celui de tous les témoins protégés du Witsec), parcourt le désert US entre Arizona et Utah. Il aura bientôt la compagnie d'un coyote à qui il peut raconter sa vie mouvementée. [...] - J'ai l'impression qu'on est un peu pareils, tous les deux ... T'as plus de famille et plus d'amis, on dirait, non ? - Wiif - Tout seuls dans le vaste monde ... Mais tu sais, je me dis que parfois c'est pas plus mal ... Je suppose que c'est comme ça qu'il faut voir les choses, quand on n'a pas trop le choix. Qu'est ce qu'en te dis, Crash ? - Wouif Wiff - Ouais, nous sommes d'accord. Un homme doit faire ce qu'il doit faire avec ce qu'il a. Ça doit marcher pareil pour les clébards. [...] - Et puis je suis content d'avoir quelqu'un à qui parler, même si c'est un clébard. Les clébards, ça sait écouter. Les chats, ça se fout pas mal de nos problèmes d'humains de merde. Sur les traces de "Joe", on trouve bien sûr ses anciens amis qui ne lui veulent pas que du bien mais aussi les marshalls qui veulent le rappeler à la barre des témoins d'un nouveau procès ... Tous comprendront un peu tard qu'il faut se méfier du serpent qui semble dormir caché dans le sable du désert.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Université des Chèvres
L'Université des Chèvres

Christian Lacroix dit Lax est un auteur de bandes dessinées qui signe ses scénarios comme ses dessins. L'université des chèvres est un très bel album mais aussi un beau plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement, dans une tonalité socio-naturaliste qui rappelle un peu le style Davodeau. Avant de vous plonger dans l'album, on vous invite à lire la courte postface de Pascal Ory (historien de la culture, membre de l'Académie Française) qui donne tout la perspective nécessaire à la compréhension des histoires qui seront contées. On aime les magnifiques dessins aux tons pastels qui n'hésitent pas à s'étaler sur quelques doubles pages. Les paysages de montagnes, du Dauphiné à l'Hindu Kush, sont superbes. On aime le scénario très astucieux, façon "la boucle est bouclée", qui réussit à croiser les destins, les géographies et les époques sans que cela paraisse artificiel : de 1883 à 2019, [c'est une longue histoire] portée par un propos parfaitement maîtrisé. Cet album est un élégant plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement. Un discret mais efficace réquisitoire contre tous ceux qui s'y opposèrent et s'y opposent encore : les curés, les conservateurs rétrogrades, les intégristes mais aussi les états qui préfèrent garder la mainmise sur l'accès à la culture ou en exclure certain(e)s. Avec l'évocation des tueries US, c'est aussi un autre regard sur la présence d'armes à feu dans ces écoles qui devraient rester des sanctuaires, à l'écart des violences de la NRA comme de celles des talibans. En 1833, Fortuné Chabert est "colporteur en écriture" dans les montagnes du Dauphiné. Son chapeau arbore "les 3 plumes" : la lecture, l'écriture et "la chiffre", celle du calcul, ce qui lui permet de faire l'école dans les villages des hauteurs, c'est l'université des chèvres. Cette année-là, les lois Guizot vont instaurer un système d'enseignement public (sur lequel le clergé gardera une forte influence, l'école publique devra attendre 1882 et Ferry pour devenir laïque) : c'en est fini des colporteurs en écriture comme Fortuné Chabert. Il part pour la Californie. Il reprendra l'école, cette fois pour les enfants des tribus Hopis, et finira par s'opposer de nouveau à l'état et aux pensionnats et internats qui visaient à "acculturer" les enfants indiens. Plus tard, alors qu'aux US triomphent la NRA et le trumpisme, son arrière-petite-fille journaliste, est envoyée pour un reportage en Afghanistan. Son "fixeur" est Sanjar, un instituteur itinérant (un colporteur local donc) chassé des villages à coups de pierres par les talibans : la boucle semble ainsi presque bouclée.

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Couverture de la série Léna (Le Long Voyage de Léna)
Léna (Le Long Voyage de Léna)

Le scénariste Pierre Christin (celui de Valerian) et le dessinateur André Juillard sont aux commandes de cette petite série de 3 albums qui relatent Le long voyage de Léna. Les deux premiers sont parus en 2006 et 2009 mais il a fallu attendre 2019 pour le troisième épisode. ?? On aime le talent de Juillard pour retracer en quelques images l'ambiance d'une ville : ceux qui sont allés à Berlin ou Budapest retrouveront en deux ou trois images les clichés typiques de ces villes. On aime le personnage de Léna, femme mystérieuse au passé douloureux, vêtue de sa petite robe noire. Heureusement pour les lecteurs, il fait chaud et Léna aime bien la baignade. On aime charme tranquille de cette BD qui aborde pourtant des sujets sous haute tension : le personnage de Léna est bien loin des cow-boys qui hantent habituellement les coulisses des services de renseignement. L'après communisme, le terrorisme islamique, la poudrière du Moyen Orient. La géopolitique de notre monde moderne. Même s'il s'agit globalement d'une histoire d'espionnage, c'est surtout un beau portrait de femme : celui de la mystérieuse Léna qui parcourt le monde en délivrant des messages pour le moins ambigus et des cadeaux pour le moins piégés. Qui est-elle, pour qui travaille-t-elle et quel est son lourd passé mystérieux ? Il faudra attendre la fin du premier album pour en savoir un peu plus. [...] - Quel dommage que vous n'ayez pas le temps de visiter notre ville. - Mon départ s'annonce-t-il aussi lent et compliqué que mon arrivée ? - Lent oui, puisqu'il va se faire par voie maritime, mais c'est justement le prix à payer pour qu'il ne soit pas compliqué et que nul ne garde trace de vos mouvements. L'épisode suivant entraînera Léna au cœur de la préparation d'un attentat islamiste, peut-être l'histoire la moins réussie car il est bien difficile de sortir des clichés habituels. Le dernier épisode remet Léna au centre d'une conférence diplomatique sous haute surveillance et une surprise attendra finalement le lecteur ...

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Etranger
L'Etranger

Jacques Fernandez est né à Alger quelques temps avant le décès d'Albert Camus. Son album est paru en 2013 pour le centenaire de la naissance de Camus. L'étranger est une fidèle adaptation du bouquin éponyme. On aime les dessins gorgés de soleil de l'auteur et son adaptation fidèle du roman qui permet de ressentir l'ennui, l'indifférence du jeune Meursault (qui emprunte quelques traits à Camus lui-même !) face à un destin absurde où le hasard a peu de place, où seuls s'enchaînent les actes, ses actes, comme s'il avait pu, par son crime, enfin pu choisir sa destinée et sa fin programmée donner un sens à sa vie. Tout comme le roman, l'album est divisé en deux parties : d'abord les jours ensoleillés que passe le jeune Meursault auprès de sa fiancée mais où déjà pointent son indifférence et son insensibilité. [...] - Tu voudrais te marier avec moi ? - Ça m'est égal, mais on pourrait, si tu veux ... - Tu m'aimes ? - Ça ne signifie rien, mais je ne t'aime sans doute pas. - Pourquoi m'épouser alors ? - Cela n'a aucune importance, mais si tu le désires nous pouvons nous marier. D'ailleurs, c'est toi qui le demandes. Cette première partie se termine sur la plage lorsque Meursault sort un revolver et abat un "arabe" (nous sommes en 1942) au cours d'une vaine querelle sans grande importance. Le second temps sera celui du procès bâclé et de la condamnation à mort de Meursault avec le célèbre : le condamné à mort aura la tête tranchée. La personnalité de Meursault ne lui laisse aucune chance. [...] - On vous dépeint comme étant d'un caractère taciturne et renfermé. Qu'en pensez-vous ? - C'est que je n'ai jamais grand chose à dire, alors je me tais. [...] - Plutôt que du regret véritable, j'éprouve un certain ennui. Il n'était pas facile de mettre en images le texte de Camus, de donner corps au jeune Meursault indifférent au monde qui l'entoure mais cet album est une excellente occasion de se replonger dans la philosophie de Camus et d'approcher un peu l'absurdité de la condition humaine.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Brancusi contre États-Unis
Brancusi contre États-Unis

C'est le bouquin de Sophie Brocas (Le baiser) qui nous avait mis sur la piste de cette histoire incroyable : le procès du sculpteur Constantin Brancusi contre les États-Unis au sujet de droits de douane sur une de ses sculptures ... Et c'est Arnaud Nebbache (illustrateur et professeur d'art) qui s'y colle pour retracer en images ce procès historique ... On se passionne pour le débat ouvert par ce procès : qu'est-ce qui fait une œuvre d'art ? Son caractère unique (oui, mais il y a les moulages successifs), la main de l'artiste (oui, mais il y a un atelier de fonderie), le jugement des pairs (oui, mais il y a des réfractaires à un nouveau style), la beauté contemplée, le plaisir ressenti (oui, mais tout cela prête à interprétation) ... Et puis c'est aussi une époque où art, artisanat et industrie se télescopent : outre Brancusi, c'est l'époque de Fernand Léger et d'Alexandre Calder par exemple. On apprécie les croquis supposés de Marcel Duchamp que l'artiste dessine pendant le procès pour tenir informé son ami Brancusi resté à Paris : voilà un moyen astucieux pour retracer de façon vivante les débats de la justice. Dans les années 1920, Marcel Duchamp organise à NY une exposition des sculptures de Brancusi. À leur arrivée par bateau, les "objets" sont taxés par les douanes US comme "produits manufacturés". L'une des sculptures, L'oiseau un moulage de bronze poli quasi abstrait, est prise comme pièce à conviction et s'ouvre alors en 1927 ce fameux procès pour lui faire reconnaître le statut d'œuvre d'art ... Le dessin de Nebbache pourra dérouter au premier abord mais on reconnaîtra qu'il s'accorde plutôt bien avec son sujet : l'espace des œuvres d'art et le mouvement du sculpteur, ... En bon professeur d'art, l'auteur prend d'ailleurs tout son temps pour imaginer et dessiner tout le long processus de création qui aura conduit l'artiste (le plus abstrait des sculpteurs figuratifs) à cette forme aboutie, qui ne ressemblait plus vraiment à un oiseau mais qui voulait saisir l'esprit du mouvement, l'envol de l'oiseau. C'est un choix de scénario judicieux qui permet de mettre le lecteur dans les meilleures conditions pour apprécier tout le sens du procès qui va se dérouler. Laissons finalement le dernier mot au juge Waite avec une sentence qui fera date dans l'histoire de l'art : [...] Une école d’art dite moderne s'est développée dont les tenants tentent de représenter des idées abstraites plutôt que d’imiter des objets naturels. Que nous soyons ou non en sympathie avec ces idées d’avant-garde et les écoles qui les incarnent, nous estimons que leur existence comme leur influence sur le monde de l’art sont des faits que les tribunaux reconnaissent et doivent prendre en compte. Le lendemain du 26 novembre 1928, la presse US ironise : It's a bird !

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Old Pa Anderson
Old Pa Anderson

Les belges Hermann Huppen et Yves H. travaillent en famille : papa est au dessin et le fiston au scénario pour nous raconter la triste et sombre histoire d'Old Pa Anderson. Nous voici plongés, en 1952, dans l'état du Mississipi. L'esclavage a été officiellement aboli mais remplacé dans les États du Sud par la ségrégation. Ce n'est plus le Ku Klux Klan qui fait la loi comme autrefois mais pour autant, les noirs ne sont toujours pas chez eux et le racisme continue d'irriguer profondément la société étasunienne. ?? Dans la famille Huppen, je voudrais le père dont on aime le dessin sombre et poisseux qui convient particulièrement à ce roman noir, une sale histoire dans les états racistes du sud. ?? Dans la famille Huppen, je voudrais le fils dont on aime le scénario qui sait rester concentré sur l'essentiel : un drame sordide du passé et une vengeance tardive, tout cela ne peut que très mal se terminer, on est dans le Mississipi et ce sont encore les années 50. Ce sont les années de la génération de nos parents, comment imaginer qu'aujourd'hui ce pays soit dégagé d'un passé si terrible et si récent ? Le grand-père Old Pa Anderson est toujours rongé par la disparition de sa petite-fille, huit ans plus tôt et plus grand chose ne retient le vieux noir à la vie : sa chère Old Ma vient de s'éteindre dans leur lit, minée par le chagrin. - Si j'avais fait quelque chose pour la p'tite, peut-être que l'Bon Dieu me l'aurait laissée encore un peu. - Faire quoi ? ... Tu te serais surtout fait lyncher avant d'avoir parcouru la largeur d'un trottoir. Et Old Ma avec. On n'est juste que des nègres du Mississipi. Une révélation bien tardive va lancer Old Pa Anderson sur le sombre chemin de la vengeance. Et si [le Mississippi règle ses affaires à sa façon], le vieux noir veut lui aussi régler ses comptes avec le passé.

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Couverture de la série La Route
La Route

Manu Larcenet met en bulles et en images La route, le roman culte de Cormac McCarthy qui avait obtenu le prix Pulitzer en 2007. Un pari osé mais un album réussi et très fidèle à ce monument littéraire. Manu Larcenet avait déjà lâché en 2009 une petite bombe dans le petit monde la BD avec Blast : exit les couleurs acryliques et rutilantes, Manu nous proposait quatre gros albums au noir & blanc éclatant, expressif et même lumineux. Déjà, c'était une histoire de SDF errant sur les routes. Après avoir adapté Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel, il était somme toute assez logique que Manu Larcenet s'attaque au roman culte de Cormac McCarthy, qui avait déjà été porté sur écran en 2009 par John Hillcoat avec Viggo Mortensen. De toute évidence, la noirceur du dessin de Larcenet était faite pour illustrer ce sombre récit post-apocalyptique. La fin du monde a eu lieu. On ne sait pas trop comment et cela commence même déjà à dater, d'une bonne dizaine d'années. Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant. Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes sorties de Mad Max. Un récit dans lequel il n'y a plus de noms, presque plus de mots, il n'y a que l'homme et le petit, une solitude insondable, plus personne à qui parler et le roman de McCarthy était avare de dialogues, rempli de silences et de non-dits. Voilà qui laisse toute la place à Larcenet pour déployer son talent de metteur en scène et faire en sorte que le dessin devienne lui-même le récit - un beau challenge pour un bédéaste. Sans cartouches de texte "off", sans bulles explicatives, c'est uniquement grâce à l'enchaînement des cases et à la force suggestive des dessins que le récit est retranscrit dans un noir et blanc sale et charbonneux à l'image de ce monde de cendres apocalyptiques, parfois teinté de sépia ou de teintes orangées. Les rares phylactères jaillissent de cet univers pour mieux souligner les non-dits des rares dialogues entre l'homme et son petit. Le génie de McCarthy c'est d'avoir écrit son bouquin avec une seule image, celle de cet homme et son petit sur la route avec leur caddie, une image qu'il nous repassait sans cesse, encore et encore. Mais quelle image puissante ! Une image qui lui a valu un Pulitzer, une image si pleine de sens désespéré, si lourde de terribles sous-entendus, qu'elle imprégnait durablement le lecteur et même tout le monde littéraire. Une image dont s'est emparé avec brio Manu Larcenet dont les planches arrivent à nous faire partager le quotidien de ces deux êtres en perdition et ressentir les souffrances (et les trop rares joies) de ces corps amaigris. En un peu plus de 150 pages, l'auteur prend tout le temps de développer fidèlement le roman avec ses scènes les plus notables : le coca, le revolver, le bunker... tout y est. Le pari était osé, voire risqué, mais avec la réussite et la reconnaissance des lecteurs, le succès est au rendez-vous : l'album a déjà été réimprimé et cela dans plusieurs langues. Larcenet avoue tout de même un regret : « Ne pas avoir pu remettre cet album à Cormac McCarthy lui-même. » puisque l'auteur américain est décédé en juin dernier. À noter : les éditions Points (avec l'arrivée de Thomas Ragon transfuge de chez Dargaud) ont eu la bonne idée de ré-éditer le roman de McCarthy en version "collector" avec quelques planches illustrées tirées de la BD, histoire de doubler le plaisir avec la (re-)lecture du roman ! • On voit tout de suite ce qui a pu séduire Larcenet dans ce texte rapidement devenu mythique. Le sombre récit de McCarthy laissait les rares et pauvres dialogues se dissoudre dans une prose puissante. Les planches en noir et blanc de la BD sont à la hauteur de la puissance du récit et les bulles y retranscrivent les rares dialogues presque mot pour mot. • Un complément essentiel au livre où l'enfant prend toute sa place. La fin du monde a eu lieu. Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant. Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes à la Mad Max. [...] Il sera de quelle couleur l'océan ? Et quelques planches plus loin : [...] Je te demande pardon ... L'océan n'est pas bleu.

05/03/2025 (modifier)