Voilà un album primé cette année aux Eisner Awards (catégorie "Best new serie", étrange pour un oneshot...) qui me donnait bien envie.
"Somna" nous propose une petit détour par l'Amérique puritaine du 17e siècle où la chasse aux sorcières était un sport national. Pas de chance pour Ingrid, la femme du bailli (l'inquisiteur local pourrait-on dire), car le peu d’égard de son mari à son encontre couplé à ses absences, la plonge dans des rêveries sulfureuses. En effet, Morphée a la fâcheuse tendance a venir accompagné... Une sorte de démon/entité tentatrice lui apparait l'enjoignant à laisser cours à ses désirs et plaisirs personnels. Ajoutez à cela un meurtre au sein de leur petite communauté de villageois et vous avez là une parfaite petite marmite prête à entrer en ébullition...
C'est plutôt bien mené, avec cette particularité que nos deux autrices sont aussi bien partie prenante au scénario qu'au dessin. Chacune conserve son style graphique propre, alternant avec justesse entre les délires oniriques et sulfureux d'Ingrid et son quotidien. C'est aussi surprenant qu'efficace, et moi qui ne suis pas spécialement fan de ce genre de procédé, j'avoue que ça fonctionne ici très bien.
Pour autant, malgré cette double intrigue, point de surprise au final, même si l'histoire est cohérente et met en lumière cette tragique période pour les femmes qui ne rentraient pas dans le moule.
(3.5/5)
Régis, j’ai passé une super journée avec toi !
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de tout autre. Son édition originale date de 2017. Il a été réalisé par Didier Tronchet pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il comprend quatre-vingts pages de bande dessinée.
Quelque part en Ardèche, les époux Lemaire sont montés en voiture, en partance pour leurs vacances. Régis Lemaire conduit et il est en train de répondre au téléphone à un client. Il explique à son prospect que leurs tarifs incluent toutes les taxes. Il continue tout en conduisant : Ce qui n’exclut pas une remise clientèle en cas de commande groupée de matériel forestier ou travaux publics. Il précise qu’il sera à l’heure pour la démonstration, il est en route, il sera là dans dix minutes sur le chantier à la sortie de Mont-Regard. Pendant ce temps-là, son épouseValérie regarde par la fenêtre mi lassée, mi résignée. Son mari raccroche et lui assure qu’après, ils seront en vacances ! Il continue : il va quitter sa cravate et sa veste de croque-mort. Et hop, il enfilera sa chemise de vacances, avec les palmiers, car les palmiers ça fait vacances, c’est la femme de ménage qui la lui a rapportée de Gambie. Et ensuite, il la rassure : tout est bien organisé, elle le connaît. Il a les réservations de tous les hôtels pour chaque nuit, avec les adresses et les téléphones, il a tout mis dans la pochette jaune. Il doit y avoir aussi tous les papiers d’identité, assurances et permis de conduire. Il lui demande si elle a bien pris la pochette jaune. Elle réfléchit et lui répond que non. Il s’en trouve tout dépité : il a passé des heures à tout préparer, elle ne respecte pas son travail. Elle le reprend : son travail, mais elle croyait qu’ils étaient en vacances.
Valérie change de conversation et demande à s’arrêter car elle a soif. Il répond que non : ils roulent, ils roulent. Toutefois il a prévu quelques rafraîchissements dans la glacière, où est-elle d’ailleurs la glacière ? Son épouse répond qu’elle doit être avec la pochette jaune. Qu’importe, on ne le prend pas au dépourvu : il a un plan B. Là, dans la boîte à gants : il y a une bouteille avec une paille. Il lui indique que c’est de la grenadine. Elle lui répond qu’elle sait ce que c’est que de la grenadine, il ne faut pas la prendre pour une idiote. Il se reprend : d’accord, mais elle n’en a pas bu depuis combien de temps ? Depuis l’enfance, non ? Pour lui, la grenadine, c’est comme la madeleine de Proust, un parfum d’hier. Il a l’impression que quand on boit de la grenadine, on retourne immédiatement à l’enfance. Il s’interrompt brusquement et regarde à côté de lui sur le siège passager. Il fait un écart de route vers la gauche, redresse trop brutalement vers la droite, et va légèrement heurter le talus sur le côté. Il s’arrête. Il descend de voiture, et il fait quelques pas devant. Il revient et va ouvrir la portière côté passager. Il demande à la passagère qui elle est. Une jeune demoiselle, d’une dizaine d’années, lui répond que c’est elle, Valérie. Régis Lemaire éprouve toutes les peines du monde à comprendre.
L’auteur a commencé sa carrière dans le début des années 1980, époque à laquelle il a lancé des séries comme Raymond Calbuth, Les damnés de la terre, puis Jean-Claude Tergal. Le lecteur appréciant son œuvre s’intéresse tout naturellement à un nouvel album, la couverture intrigante (un homme sous l’influence d’une femme), avec des caractéristiques graphiques, comme une mise en couleurs expressionnistes, une utilisation narquoise d’un plan en contreplongée pour accentuer la dramatisation, et une façon très particulière de représenter les visages pour l’homme. Pas de doute, c’est du Tronchet. Malgré l’exagération et la simplification des formes propre à ce bédéiste, le lecteur constate rapidement qu’il plonge dans une narration à la veine réaliste, racontant une histoire, un événement après l’autre, dans un enchaînement basique et très C’est comme ça. L’histoire repose uniquement sur deux personnages principaux, les époux Lemaire, avec très peu de seconds rôles, le patron monsieur Bolivar et l’ami Alain qui n’apparaît jamais dans une case, qui brille surtout par le fait qu’il ne réponde pas au téléphone. La mise en couleurs se situe dans un registre plutôt agréable et coloré : des jaunes clairs pour la belle luminosité du soleil, associés avec les verts de la végétation, et le bleu de l’ombre. Deux passages dérogent à cette palette : du rose pour des courses dans un supermarché, et une teinte ocre pour la visite chez le docteur Patrick Perrin. Enfin, l’auteur situe clairement son récit : dans la région de Saint-Agrève, une commune française de l’Ardèche, d’une population d’environ deux mille trois cents habitants.
Le lecteur accepte bien volontiers de faire le voyage avec Valérie et Régis : deux époux pas désagréables, ayant bien réussi leur vie. Lui est chef de vente dans les machines-outils, avec une proposition de promotion par son patron, littéralement en cours de route, pour prendre la tête du service prospection ; elle est responsable de communication dans un grand groupe pharmaceutique. Ils n’ont pas d’enfant et donc pas les responsabilités qui accompagnent cet état : ils peuvent jouir de la vie comme bon leur semble. Elle donne l’impression d’être une belle femme, simple avec son teeshirt à rayures bleues horizontales, une belle chevelure noire, un visage fin et doux, malgré son air discrètement résigné, regrettant on ne sait quoi. La silhouette de monsieur est plus solidement charpentée, un beau gaillard. Son visage présente des particularités graphiques fortes : un nez épaté, une bouche qui va d’un côté du visage à l’autre, avec des dents apparentes entre les lèvres, des yeux très écartés du nez, un menton aussi large que le front, une coiffure improbable avec une mèche d’un volume tout aussi peu probable. Le lecteur retrouve également la propension de l’artiste à donner des gros doigts boudinés à ses personnages, voire des bouts de doigt carrés. Des yeux qui ne tiennent pas tout à fait dans l’ovale du visage, des tout petits pieds, des nez trop allongés pour les hommes (le père de Valérie, le docteur Patrick Perrin, les deux policiers). Et pourtant ces libertés prises avec l’anatomie s’amalgament pour former un tout harmonieux, ou en tout cas cohérent et expressif.
L’artiste aborde les décors et les accessoires avec la même approche personnelle : hétéroclite si le lecteur s’essaye à considérer chaque élément d’une case un par un, très cohérente s’il absorbe l’ensemble de chaque case. Dans le dessin en pleine page d’ouverture, la voiture semble représentée de manière naïve, les maisons pas tout à fait assez détaillées, les arbres tracées à gros traits ; pour autant le lecteur ressent bien cette atmosphère particulière de route de campagne, la douce chaleur, une zone boisée. Dans les pages suivantes, la voiture ressemble encore plus à une petite voiture jouet pour enfant d’un modèle un peu grossier. Il n’y a pas de marquage au sol sur la chaussée. Pour autant, le lecteur éprouve bien l’impression d’être sur la route avec les clôtures de fil de fer barbelé et leurs piquets, les grandes étendues d’herbe, les arbres en bordure de route ou dans le lointain, le paysage vallonné, etc., puis les vaches. Il ne pense même pas à s’étonner de l’absence de fossé sur les bas-côtés. Lors des passages en zone urbaine, il identifie aussi bien les fermes en campagne, que les maisons en ville. Les rayonnages du supermarché présentent des formes grossières, et en même temps il se dit qu’il pourrait pousser son caddie dans ces allées pour choisir ses produits. Il en va de même pour la pharmacie. Le chapiteau de la fête américaine apparaît tout aussi plausible, avec les dizaines de voitures stationnées sur les pelouses. Le bord du lac comprend aussi bien des piqueniqueurs que des plagistes, ou encore des canoës à louer et des pédalos. L’artiste fait tout aussi fort quand Valérie et Régis s’arrêtent au bord de la route pour piqueniquer, avec des arbres représentés à l’aquarelle en fond, uniquement la forme globale l’arbre et des coups de pinceau en vert plus foncé pour le tronc et les branches principales.
Le lecteur suit donc ce couple dans une succession de scènes s’enchaînant de manière quasi enfantine, une situation chassant la précédente, au cours d’une unique journée. Valérie se désaltère avec la grenadine, ce qui provoque un événement fantastique, et toute la journée bien programmée de Régis déraille. Le voilà obligé de gérer une enfant, ce dont il n’a aucune expérience. Il ne sait comment faire face à ses envies, à ses facéties, à ses caprices. Ses obligations professionnelles s’en trouvent malmenées et impossibles à honorer. Les autres adultes le soupçonnent du pire en constatant qu’il ne sait pas s’occuper de cette enfant, qui ne doit donc pas être la sienne. Il ne parvient pas à établir une communication constructive avec elle, totalement à la merci de ses sautes d’humeur et de ses revirements. Par la force des choses, il ne peut que céder et essayer de la contenter de son mieux, en renonçant au déroulement de ce qu’il avait prévu avec des préparatifs rigoureux. Le lecteur peut prendre le récit au premier degré, comme un adulte se confrontant à l’entrain et à la fougue d’un enfant, ce qui l’oblige à se remettre en question, à renoncer à la voie toute tracée qu’il a lui-même bâtie. Il peut aussi envisager cette histoire comme un conte : voilà que Régis Lemaire est devenu un parent d’un instant à l’autre, et qu’il doit faire l’apprentissage express de la responsabilité d’une fillette, et dans le même temps renoncer à une vie planifiée, une route tracée d’avance, pour s’adapter à l’imprévu et l’apprécier.
D’un côté, la magie de la narration visuelle fonctionne à plein, les différentes idiosyncrasies et libertés avec une représentation académique formant un tout harmonieux, et générant des ressentis authentiques chez le lecteur. En outre, le déroulement linéaire du récit permet d’obtenir de plein gré, le surplus de suspension d’incrédulité consentie du lecteur. D’un autre côté, la linéarité et la tonalité prosaïque et premier degré peuvent déstabiliser le lecteur s’apparentant à de la fadeur ou du simplisme. L’intention apparaît progressivement, peut-être un peu trop simple, avec un potentiel de développement pas entièrement réalisé.
Magique !
Comment être ensorcelé par un récit, des images ? Tout simplement en lisant cette aventure. Au début ça parait un peu minimaliste. Décors taillés à la serpe, travail qui parait bâclé mais en fait l'auteur installe une ambiance de conte. Alors oui il faut une âme d'enfant pour lire cette histoire. Mais tout est bien mené, on s'ennuie pas et ce côté féministe ! Des gentilles sorcières je vous dis ! J'attends la suite...
Un recueil sympathique, qui s’adresse avant tout à un jeune lectorat, mais ça passe quand même bien la barrière de l’âge, j’ai apprécié ma lecture.
Le titre laisse croire à un recueil humoristique tendance prout prout, du graveleux un peu lourdingue, mais en fait pas du tout. Certes, il y a bien de l’humour, uniquement d’ailleurs dans la dernière case le plus souvent, dans une chute amusante et/ou ironique. Mais la majeure partie de ces histoires courtes ne joue pas sur ça.
Les auteurs se sont bien appropriés l’univers africain (en tout cas c’est ce que je ressens, n’étant pas non plus très calé dans ce domaine). Des petits contes vaguement édifiants, très plaisants à lire. Et qui plus est bien illustrés par Duchazeau, dont j’aime bien le travail de toute façon, ici dans un style moderne épuré très agréable.
Un album que j’ai trouvé très bon, autant du point de vue de la forme que du fond.
Pour illustrer la question migratoire, les auteurs nous présentent – en courtes séquences correspondant chacune à une « étape » de leur parcours – deux exemples : une jeune femme et sa fille fuyant la guerre civile et DAESH en Syrie (ils tentent de rejoindre le mari, déjà réfugié en France), et deux amis fuyant la misère de Guinée pour aller en France. Ces deux exemples illustrent plusieurs « causes » de départ, mais aussi plusieurs « routes » de transit, et tous les dangers et obstacles divers qui se trouvent en travers de leur périple (nombreux sont les morts qui le jalonnent d’ailleurs).
Il y a un très bon équilibre entre les différents chapitres « découpant » les parcours chaotiques des migrants, et tous les dossiers (deux pages le plus souvent) donnant une foule d’informations sur les lois et leur évolution, les actions des acteurs (États, ONG, passeurs, Union européenne, etc.).
Cela donne une lecture à la fois intéressante et fluide, mais aussi instructive, synthétique, les parties où nous suivons les migrants « humanisant » un traitement administratif et politique de la question migratoire qui lui au contraire se révèle de moins en moins « humain ».
Une lecture fortement recommandée pour qui souhaiterait faire le point sur un sujet d’actualité, mais souvent mal traité (voire maltraité) par médias et dirigeants politiques. Comme le souligne Spooky avant moi, il est intéressant de savoir que les Français revenant dans le pays après une absence (peu importe la raison) de plus d’un an sont inclus dans les statistiques des migrants (ce que se gardent bien de préciser – le savent-ils ? – ceux qui agitent régulièrement le chiffon rouge de « l’invasion » ou du « grand remplacement » avec des chiffres prétendument inquiétants).
J'ajoute que les deux dessinateurs - au style très proche - usent d'un trait classique et réaliste très agréable (comme la colorisation en bichromie d'ailleurs).
Et bien moi il m'a bien fait kiffer cet album !
Ça part effectivement comme une petite enquête "bien tranquille" pour virer au fantastico/SF/psychédélique, et c'est pas pour me déplaire ! J'aime quand une BD arrive à nous surprendre tout en retombant sur ses pattes. Et là on a du beau monde pour conduire ce récit surprenant, tant dans son scénario que dans le dessin !
Jeff Lemire et Matt Kindt ne sont en effet pas tombés de la dernière pluie, il y a juste David Rubin que je découvre avec cet album. Et ça me donne fichtrement envie d'aller lire ses autres productions ! La composition de ses planches quand ça part en live restent sacrément lisibles tout en restant harmonieuses.
Alors oui, certains pourront ne pas apprécier ce côté "barré", mais moi je dis que quand c'est aussi bien mené, on aurait tort de bouder notre plaisir !
Comme j'avais la version "Simon et Louise" qui regroupe les deux histoires mises en miroir, je me suis résolu à lire les "trépidantes" aventures de la JF. Je dois reconnaître que c'est une bonne idée d'avoir regroupé les deux récits. Cela donne une perspective bien plus piquante au récit. Ensuite j'ai bien plus accroché au récit de Louise en terme de crédibilité et de richesse du personnage. Simon était un personnage infantile qui agit sous le coup de l'émotion en se mettant en danger sans qu'aucun adulte ne lui explique la réalité de la situation. Louise est bien plus mûre dans son comportement. Légitimement influencée par sa cousine et l'ambiance festive, elle sait faire valoir son authenticité loin d'un schéma sexuel imposé par d'autres. Si Simon reste dans un schéma infantile fantasmé de héros de littérature , Louise est dans un schéma bien plus adulte. Elle sait refaire ses propres choix et garder sa cohérence psychologique alors que Simon est toujours un enfant qui est balloté au gré des rencontres plus ou moins bienveillantes.
C'est dommage de séparer les deux lectures qui prennent du volume dans leur complémentarité. Je dirais qu'ici 1+1 n'est pas égal à deux mais à plus par un effet de synergie.
Au global j'ai été déçu par le passage Simon seul mais je trouve l'ensemble de la série un bon pas mal même si le graphisme n'est pas mon truc.
Encore une fois je suis passé à côté. Je n'ai vraiment pas beaucoup d'appétence pour la production de Max de Radiguès sauf la rapidité de lecture de ses récits . Dans ces 520 km la faiblesse du scénario tient en quatre mots: Simon a quatorze ans. En effet l'auteur doit savoir qu'il est interdit de faire du stop
quand on est mineur en France. Un gamin seul sur une route nationale en France voit débarquer la gendarmerie illico. De plus prendre en charge un tel voyageur est un délit grave( voire un crime assimilé à du kidnapping) situation de plus prohibée par les assurances. Ce long développement pour expliquer pourquoi je ne peux accrocher à un récit qui se veut moderne collant à la réalité (de fiction) adolescente (Facebook, smartphone, sentimentalité précoce, familles recomposées ou monoparentales…) mais qui place son personnage dans une bulle irréelle et dangereuse. Même quand le récit devient intéressant avec cette prise en charge ambiguë avec une possibilité de malveillance l'auteur abrège la situation d'une façon brutale pour retomber dans un récit très guimauve.
Comme j'ai toujours les mêmes réserves sur un graphisme très linéaire soutenu par une mise en couleur plus jeunesse qu'adolescence à mes yeux, je me suis demandé si j'allais lire la version miroir...
Oui et j'ai bien fait
Nouvelle version de l’histoire de Calamity Jane, celle-ci se démarque par l’emploi de passages semblant directement issus de feuilletons illustrés de l’époque. Cet emploi est une très bonne idée à mes yeux puisqu’il permet à Calamity Jane d’évoquer sa propre légende. Nous, lecteurs, naviguons ainsi entre la réalité historique et les actes héroïques tels que Martha Jane Cannary les avaient elle-même racontés (ou aurait pu les raconter).
Pour le reste, il n’y a pas grand-chose à en dire. Tout est propre, bien écrit, bien dessiné dans le style réaliste classique très grand public cher à l’éditeur, et peut s’appuyer sur une solide documentation. Calamity Jane y est décrite avec ses faiblesses, ses forces, mais surtout avec beaucoup d’humanité. Le personnage est attachant car les auteures parviennent à montrer la vulnérabilité et les doutes qu’elle camouflait derrière sa grande gueule.
Une lecture pas déplaisante du tout. Un peu courte pour une biographie vraiment exhaustive et immersive mais l’astuce scénaristique décrite ci-dessus permet aux auteures de sauter d’un fait à un autre sans que le récit ne deviennent trop syncopé pour la cause. Pas mal, quoi.
El Diablo m’a fait l’effet d’un moteur de R5 dans une Bentley. Il était chouette, le moteur de la R5, plutôt vif, sympa, dynamique. Elles sont magnifiques, les Bentley, raffinées jusque dans les moindres détails, confortables. Mais les deux ensemble, ça risque de marcher moyen moyen…
Et bien, c’est exactement mon ressenti à la lecture. Le dessin est splendide, chaque case est un tableau et on est littéralement plongés dans un superbe recueil d’illustrations. La représentation du marsupilami est aussi étonnante que réussie. Les décors de jungle, les navires, les pyramides inca, tout accroche l’œil.
Le scénario est assez basique mais fourmille de rebondissements, n’est pas dénué de références tant historiques que directement liées à l’univers du marsupilami et convient parfaitement à un jeune public. L’histoire se lit d’ailleurs très vite si on ne s’attarde pas sur le dessin car les dialogues sont peu nombreux et la mise en page est très aérée. Le scénario, par sa naïveté, se destine plutôt aux enfants. Un adulte, lui, s'étonnera par exemple qu'un jeune mousse, naturellement habitué à monter aux mâts de sa frégate, panique quelque peu à l'idée de grimper à un arbre qui semble ne pas dépasser les 4 mètres de haut. Exemple parmi d'autres de la naïveté du scénario concocté par Trondheim, une naïveté qui ravira le jeune lecteur qui pourra plus facilement s'identifier au jeune héros et rire de quelques facéties faciles (comme ces membres d'équipages maltraités par le marsupilami).
Associés, ces deux éléments mettent bien plus en avant les lacunes de l’un et de l’autre que leurs qualités. Le dessin devient statique, le scénario devient enfantin. C’est gentil, c’est pas mal… mais c’est quand même décevant devant le potentiel des auteurs (même si je demeure peu sensible à Trondheim).
Pour moi, c’est juste un petit pas mal, sans plus.
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Voilà un album primé cette année aux Eisner Awards (catégorie "Best new serie", étrange pour un oneshot...) qui me donnait bien envie. "Somna" nous propose une petit détour par l'Amérique puritaine du 17e siècle où la chasse aux sorcières était un sport national. Pas de chance pour Ingrid, la femme du bailli (l'inquisiteur local pourrait-on dire), car le peu d’égard de son mari à son encontre couplé à ses absences, la plonge dans des rêveries sulfureuses. En effet, Morphée a la fâcheuse tendance a venir accompagné... Une sorte de démon/entité tentatrice lui apparait l'enjoignant à laisser cours à ses désirs et plaisirs personnels. Ajoutez à cela un meurtre au sein de leur petite communauté de villageois et vous avez là une parfaite petite marmite prête à entrer en ébullition... C'est plutôt bien mené, avec cette particularité que nos deux autrices sont aussi bien partie prenante au scénario qu'au dessin. Chacune conserve son style graphique propre, alternant avec justesse entre les délires oniriques et sulfureux d'Ingrid et son quotidien. C'est aussi surprenant qu'efficace, et moi qui ne suis pas spécialement fan de ce genre de procédé, j'avoue que ça fonctionne ici très bien. Pour autant, malgré cette double intrigue, point de surprise au final, même si l'histoire est cohérente et met en lumière cette tragique période pour les femmes qui ne rentraient pas dans le moule. (3.5/5)
Sortie de Route (Tronchet)
Régis, j’ai passé une super journée avec toi ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de tout autre. Son édition originale date de 2017. Il a été réalisé par Didier Tronchet pour le scénario, les dessins et la mise en couleurs. Il comprend quatre-vingts pages de bande dessinée. Quelque part en Ardèche, les époux Lemaire sont montés en voiture, en partance pour leurs vacances. Régis Lemaire conduit et il est en train de répondre au téléphone à un client. Il explique à son prospect que leurs tarifs incluent toutes les taxes. Il continue tout en conduisant : Ce qui n’exclut pas une remise clientèle en cas de commande groupée de matériel forestier ou travaux publics. Il précise qu’il sera à l’heure pour la démonstration, il est en route, il sera là dans dix minutes sur le chantier à la sortie de Mont-Regard. Pendant ce temps-là, son épouseValérie regarde par la fenêtre mi lassée, mi résignée. Son mari raccroche et lui assure qu’après, ils seront en vacances ! Il continue : il va quitter sa cravate et sa veste de croque-mort. Et hop, il enfilera sa chemise de vacances, avec les palmiers, car les palmiers ça fait vacances, c’est la femme de ménage qui la lui a rapportée de Gambie. Et ensuite, il la rassure : tout est bien organisé, elle le connaît. Il a les réservations de tous les hôtels pour chaque nuit, avec les adresses et les téléphones, il a tout mis dans la pochette jaune. Il doit y avoir aussi tous les papiers d’identité, assurances et permis de conduire. Il lui demande si elle a bien pris la pochette jaune. Elle réfléchit et lui répond que non. Il s’en trouve tout dépité : il a passé des heures à tout préparer, elle ne respecte pas son travail. Elle le reprend : son travail, mais elle croyait qu’ils étaient en vacances. Valérie change de conversation et demande à s’arrêter car elle a soif. Il répond que non : ils roulent, ils roulent. Toutefois il a prévu quelques rafraîchissements dans la glacière, où est-elle d’ailleurs la glacière ? Son épouse répond qu’elle doit être avec la pochette jaune. Qu’importe, on ne le prend pas au dépourvu : il a un plan B. Là, dans la boîte à gants : il y a une bouteille avec une paille. Il lui indique que c’est de la grenadine. Elle lui répond qu’elle sait ce que c’est que de la grenadine, il ne faut pas la prendre pour une idiote. Il se reprend : d’accord, mais elle n’en a pas bu depuis combien de temps ? Depuis l’enfance, non ? Pour lui, la grenadine, c’est comme la madeleine de Proust, un parfum d’hier. Il a l’impression que quand on boit de la grenadine, on retourne immédiatement à l’enfance. Il s’interrompt brusquement et regarde à côté de lui sur le siège passager. Il fait un écart de route vers la gauche, redresse trop brutalement vers la droite, et va légèrement heurter le talus sur le côté. Il s’arrête. Il descend de voiture, et il fait quelques pas devant. Il revient et va ouvrir la portière côté passager. Il demande à la passagère qui elle est. Une jeune demoiselle, d’une dizaine d’années, lui répond que c’est elle, Valérie. Régis Lemaire éprouve toutes les peines du monde à comprendre. L’auteur a commencé sa carrière dans le début des années 1980, époque à laquelle il a lancé des séries comme Raymond Calbuth, Les damnés de la terre, puis Jean-Claude Tergal. Le lecteur appréciant son œuvre s’intéresse tout naturellement à un nouvel album, la couverture intrigante (un homme sous l’influence d’une femme), avec des caractéristiques graphiques, comme une mise en couleurs expressionnistes, une utilisation narquoise d’un plan en contreplongée pour accentuer la dramatisation, et une façon très particulière de représenter les visages pour l’homme. Pas de doute, c’est du Tronchet. Malgré l’exagération et la simplification des formes propre à ce bédéiste, le lecteur constate rapidement qu’il plonge dans une narration à la veine réaliste, racontant une histoire, un événement après l’autre, dans un enchaînement basique et très C’est comme ça. L’histoire repose uniquement sur deux personnages principaux, les époux Lemaire, avec très peu de seconds rôles, le patron monsieur Bolivar et l’ami Alain qui n’apparaît jamais dans une case, qui brille surtout par le fait qu’il ne réponde pas au téléphone. La mise en couleurs se situe dans un registre plutôt agréable et coloré : des jaunes clairs pour la belle luminosité du soleil, associés avec les verts de la végétation, et le bleu de l’ombre. Deux passages dérogent à cette palette : du rose pour des courses dans un supermarché, et une teinte ocre pour la visite chez le docteur Patrick Perrin. Enfin, l’auteur situe clairement son récit : dans la région de Saint-Agrève, une commune française de l’Ardèche, d’une population d’environ deux mille trois cents habitants. Le lecteur accepte bien volontiers de faire le voyage avec Valérie et Régis : deux époux pas désagréables, ayant bien réussi leur vie. Lui est chef de vente dans les machines-outils, avec une proposition de promotion par son patron, littéralement en cours de route, pour prendre la tête du service prospection ; elle est responsable de communication dans un grand groupe pharmaceutique. Ils n’ont pas d’enfant et donc pas les responsabilités qui accompagnent cet état : ils peuvent jouir de la vie comme bon leur semble. Elle donne l’impression d’être une belle femme, simple avec son teeshirt à rayures bleues horizontales, une belle chevelure noire, un visage fin et doux, malgré son air discrètement résigné, regrettant on ne sait quoi. La silhouette de monsieur est plus solidement charpentée, un beau gaillard. Son visage présente des particularités graphiques fortes : un nez épaté, une bouche qui va d’un côté du visage à l’autre, avec des dents apparentes entre les lèvres, des yeux très écartés du nez, un menton aussi large que le front, une coiffure improbable avec une mèche d’un volume tout aussi peu probable. Le lecteur retrouve également la propension de l’artiste à donner des gros doigts boudinés à ses personnages, voire des bouts de doigt carrés. Des yeux qui ne tiennent pas tout à fait dans l’ovale du visage, des tout petits pieds, des nez trop allongés pour les hommes (le père de Valérie, le docteur Patrick Perrin, les deux policiers). Et pourtant ces libertés prises avec l’anatomie s’amalgament pour former un tout harmonieux, ou en tout cas cohérent et expressif. L’artiste aborde les décors et les accessoires avec la même approche personnelle : hétéroclite si le lecteur s’essaye à considérer chaque élément d’une case un par un, très cohérente s’il absorbe l’ensemble de chaque case. Dans le dessin en pleine page d’ouverture, la voiture semble représentée de manière naïve, les maisons pas tout à fait assez détaillées, les arbres tracées à gros traits ; pour autant le lecteur ressent bien cette atmosphère particulière de route de campagne, la douce chaleur, une zone boisée. Dans les pages suivantes, la voiture ressemble encore plus à une petite voiture jouet pour enfant d’un modèle un peu grossier. Il n’y a pas de marquage au sol sur la chaussée. Pour autant, le lecteur éprouve bien l’impression d’être sur la route avec les clôtures de fil de fer barbelé et leurs piquets, les grandes étendues d’herbe, les arbres en bordure de route ou dans le lointain, le paysage vallonné, etc., puis les vaches. Il ne pense même pas à s’étonner de l’absence de fossé sur les bas-côtés. Lors des passages en zone urbaine, il identifie aussi bien les fermes en campagne, que les maisons en ville. Les rayonnages du supermarché présentent des formes grossières, et en même temps il se dit qu’il pourrait pousser son caddie dans ces allées pour choisir ses produits. Il en va de même pour la pharmacie. Le chapiteau de la fête américaine apparaît tout aussi plausible, avec les dizaines de voitures stationnées sur les pelouses. Le bord du lac comprend aussi bien des piqueniqueurs que des plagistes, ou encore des canoës à louer et des pédalos. L’artiste fait tout aussi fort quand Valérie et Régis s’arrêtent au bord de la route pour piqueniquer, avec des arbres représentés à l’aquarelle en fond, uniquement la forme globale l’arbre et des coups de pinceau en vert plus foncé pour le tronc et les branches principales. Le lecteur suit donc ce couple dans une succession de scènes s’enchaînant de manière quasi enfantine, une situation chassant la précédente, au cours d’une unique journée. Valérie se désaltère avec la grenadine, ce qui provoque un événement fantastique, et toute la journée bien programmée de Régis déraille. Le voilà obligé de gérer une enfant, ce dont il n’a aucune expérience. Il ne sait comment faire face à ses envies, à ses facéties, à ses caprices. Ses obligations professionnelles s’en trouvent malmenées et impossibles à honorer. Les autres adultes le soupçonnent du pire en constatant qu’il ne sait pas s’occuper de cette enfant, qui ne doit donc pas être la sienne. Il ne parvient pas à établir une communication constructive avec elle, totalement à la merci de ses sautes d’humeur et de ses revirements. Par la force des choses, il ne peut que céder et essayer de la contenter de son mieux, en renonçant au déroulement de ce qu’il avait prévu avec des préparatifs rigoureux. Le lecteur peut prendre le récit au premier degré, comme un adulte se confrontant à l’entrain et à la fougue d’un enfant, ce qui l’oblige à se remettre en question, à renoncer à la voie toute tracée qu’il a lui-même bâtie. Il peut aussi envisager cette histoire comme un conte : voilà que Régis Lemaire est devenu un parent d’un instant à l’autre, et qu’il doit faire l’apprentissage express de la responsabilité d’une fillette, et dans le même temps renoncer à une vie planifiée, une route tracée d’avance, pour s’adapter à l’imprévu et l’apprécier. D’un côté, la magie de la narration visuelle fonctionne à plein, les différentes idiosyncrasies et libertés avec une représentation académique formant un tout harmonieux, et générant des ressentis authentiques chez le lecteur. En outre, le déroulement linéaire du récit permet d’obtenir de plein gré, le surplus de suspension d’incrédulité consentie du lecteur. D’un autre côté, la linéarité et la tonalité prosaïque et premier degré peuvent déstabiliser le lecteur s’apparentant à de la fadeur ou du simplisme. L’intention apparaît progressivement, peut-être un peu trop simple, avec un potentiel de développement pas entièrement réalisé.
La Marche Brume
Magique ! Comment être ensorcelé par un récit, des images ? Tout simplement en lisant cette aventure. Au début ça parait un peu minimaliste. Décors taillés à la serpe, travail qui parait bâclé mais en fait l'auteur installe une ambiance de conte. Alors oui il faut une âme d'enfant pour lire cette histoire. Mais tout est bien mené, on s'ennuie pas et ce côté féministe ! Des gentilles sorcières je vous dis ! J'attends la suite...
Dieu qui pue, Dieu qui pète
Un recueil sympathique, qui s’adresse avant tout à un jeune lectorat, mais ça passe quand même bien la barrière de l’âge, j’ai apprécié ma lecture. Le titre laisse croire à un recueil humoristique tendance prout prout, du graveleux un peu lourdingue, mais en fait pas du tout. Certes, il y a bien de l’humour, uniquement d’ailleurs dans la dernière case le plus souvent, dans une chute amusante et/ou ironique. Mais la majeure partie de ces histoires courtes ne joue pas sur ça. Les auteurs se sont bien appropriés l’univers africain (en tout cas c’est ce que je ressens, n’étant pas non plus très calé dans ce domaine). Des petits contes vaguement édifiants, très plaisants à lire. Et qui plus est bien illustrés par Duchazeau, dont j’aime bien le travail de toute façon, ici dans un style moderne épuré très agréable.
Terres d'accueil
Un album que j’ai trouvé très bon, autant du point de vue de la forme que du fond. Pour illustrer la question migratoire, les auteurs nous présentent – en courtes séquences correspondant chacune à une « étape » de leur parcours – deux exemples : une jeune femme et sa fille fuyant la guerre civile et DAESH en Syrie (ils tentent de rejoindre le mari, déjà réfugié en France), et deux amis fuyant la misère de Guinée pour aller en France. Ces deux exemples illustrent plusieurs « causes » de départ, mais aussi plusieurs « routes » de transit, et tous les dangers et obstacles divers qui se trouvent en travers de leur périple (nombreux sont les morts qui le jalonnent d’ailleurs). Il y a un très bon équilibre entre les différents chapitres « découpant » les parcours chaotiques des migrants, et tous les dossiers (deux pages le plus souvent) donnant une foule d’informations sur les lois et leur évolution, les actions des acteurs (États, ONG, passeurs, Union européenne, etc.). Cela donne une lecture à la fois intéressante et fluide, mais aussi instructive, synthétique, les parties où nous suivons les migrants « humanisant » un traitement administratif et politique de la question migratoire qui lui au contraire se révèle de moins en moins « humain ». Une lecture fortement recommandée pour qui souhaiterait faire le point sur un sujet d’actualité, mais souvent mal traité (voire maltraité) par médias et dirigeants politiques. Comme le souligne Spooky avant moi, il est intéressant de savoir que les Français revenant dans le pays après une absence (peu importe la raison) de plus d’un an sont inclus dans les statistiques des migrants (ce que se gardent bien de préciser – le savent-ils ? – ceux qui agitent régulièrement le chiffon rouge de « l’invasion » ou du « grand remplacement » avec des chiffres prétendument inquiétants). J'ajoute que les deux dessinateurs - au style très proche - usent d'un trait classique et réaliste très agréable (comme la colorisation en bichromie d'ailleurs).
Cosmic detective
Et bien moi il m'a bien fait kiffer cet album ! Ça part effectivement comme une petite enquête "bien tranquille" pour virer au fantastico/SF/psychédélique, et c'est pas pour me déplaire ! J'aime quand une BD arrive à nous surprendre tout en retombant sur ses pattes. Et là on a du beau monde pour conduire ce récit surprenant, tant dans son scénario que dans le dessin ! Jeff Lemire et Matt Kindt ne sont en effet pas tombés de la dernière pluie, il y a juste David Rubin que je découvre avec cet album. Et ça me donne fichtrement envie d'aller lire ses autres productions ! La composition de ses planches quand ça part en live restent sacrément lisibles tout en restant harmonieuses. Alors oui, certains pourront ne pas apprécier ce côté "barré", mais moi je dis que quand c'est aussi bien mené, on aurait tort de bouder notre plaisir !
Un Eté en apnée (Simon & Louise)
Comme j'avais la version "Simon et Louise" qui regroupe les deux histoires mises en miroir, je me suis résolu à lire les "trépidantes" aventures de la JF. Je dois reconnaître que c'est une bonne idée d'avoir regroupé les deux récits. Cela donne une perspective bien plus piquante au récit. Ensuite j'ai bien plus accroché au récit de Louise en terme de crédibilité et de richesse du personnage. Simon était un personnage infantile qui agit sous le coup de l'émotion en se mettant en danger sans qu'aucun adulte ne lui explique la réalité de la situation. Louise est bien plus mûre dans son comportement. Légitimement influencée par sa cousine et l'ambiance festive, elle sait faire valoir son authenticité loin d'un schéma sexuel imposé par d'autres. Si Simon reste dans un schéma infantile fantasmé de héros de littérature , Louise est dans un schéma bien plus adulte. Elle sait refaire ses propres choix et garder sa cohérence psychologique alors que Simon est toujours un enfant qui est balloté au gré des rencontres plus ou moins bienveillantes. C'est dommage de séparer les deux lectures qui prennent du volume dans leur complémentarité. Je dirais qu'ici 1+1 n'est pas égal à deux mais à plus par un effet de synergie. Au global j'ai été déçu par le passage Simon seul mais je trouve l'ensemble de la série un bon pas mal même si le graphisme n'est pas mon truc.
520 km (Simon & Louise)
Encore une fois je suis passé à côté. Je n'ai vraiment pas beaucoup d'appétence pour la production de Max de Radiguès sauf la rapidité de lecture de ses récits . Dans ces 520 km la faiblesse du scénario tient en quatre mots: Simon a quatorze ans. En effet l'auteur doit savoir qu'il est interdit de faire du stop quand on est mineur en France. Un gamin seul sur une route nationale en France voit débarquer la gendarmerie illico. De plus prendre en charge un tel voyageur est un délit grave( voire un crime assimilé à du kidnapping) situation de plus prohibée par les assurances. Ce long développement pour expliquer pourquoi je ne peux accrocher à un récit qui se veut moderne collant à la réalité (de fiction) adolescente (Facebook, smartphone, sentimentalité précoce, familles recomposées ou monoparentales…) mais qui place son personnage dans une bulle irréelle et dangereuse. Même quand le récit devient intéressant avec cette prise en charge ambiguë avec une possibilité de malveillance l'auteur abrège la situation d'une façon brutale pour retomber dans un récit très guimauve. Comme j'ai toujours les mêmes réserves sur un graphisme très linéaire soutenu par une mise en couleur plus jeunesse qu'adolescence à mes yeux, je me suis demandé si j'allais lire la version miroir... Oui et j'ai bien fait
Calamity Jane (Bardiaux-Vaïente)
Nouvelle version de l’histoire de Calamity Jane, celle-ci se démarque par l’emploi de passages semblant directement issus de feuilletons illustrés de l’époque. Cet emploi est une très bonne idée à mes yeux puisqu’il permet à Calamity Jane d’évoquer sa propre légende. Nous, lecteurs, naviguons ainsi entre la réalité historique et les actes héroïques tels que Martha Jane Cannary les avaient elle-même racontés (ou aurait pu les raconter). Pour le reste, il n’y a pas grand-chose à en dire. Tout est propre, bien écrit, bien dessiné dans le style réaliste classique très grand public cher à l’éditeur, et peut s’appuyer sur une solide documentation. Calamity Jane y est décrite avec ses faiblesses, ses forces, mais surtout avec beaucoup d’humanité. Le personnage est attachant car les auteures parviennent à montrer la vulnérabilité et les doutes qu’elle camouflait derrière sa grande gueule. Une lecture pas déplaisante du tout. Un peu courte pour une biographie vraiment exhaustive et immersive mais l’astuce scénaristique décrite ci-dessus permet aux auteures de sauter d’un fait à un autre sans que le récit ne deviennent trop syncopé pour la cause. Pas mal, quoi.
El Diablo
El Diablo m’a fait l’effet d’un moteur de R5 dans une Bentley. Il était chouette, le moteur de la R5, plutôt vif, sympa, dynamique. Elles sont magnifiques, les Bentley, raffinées jusque dans les moindres détails, confortables. Mais les deux ensemble, ça risque de marcher moyen moyen… Et bien, c’est exactement mon ressenti à la lecture. Le dessin est splendide, chaque case est un tableau et on est littéralement plongés dans un superbe recueil d’illustrations. La représentation du marsupilami est aussi étonnante que réussie. Les décors de jungle, les navires, les pyramides inca, tout accroche l’œil. Le scénario est assez basique mais fourmille de rebondissements, n’est pas dénué de références tant historiques que directement liées à l’univers du marsupilami et convient parfaitement à un jeune public. L’histoire se lit d’ailleurs très vite si on ne s’attarde pas sur le dessin car les dialogues sont peu nombreux et la mise en page est très aérée. Le scénario, par sa naïveté, se destine plutôt aux enfants. Un adulte, lui, s'étonnera par exemple qu'un jeune mousse, naturellement habitué à monter aux mâts de sa frégate, panique quelque peu à l'idée de grimper à un arbre qui semble ne pas dépasser les 4 mètres de haut. Exemple parmi d'autres de la naïveté du scénario concocté par Trondheim, une naïveté qui ravira le jeune lecteur qui pourra plus facilement s'identifier au jeune héros et rire de quelques facéties faciles (comme ces membres d'équipages maltraités par le marsupilami). Associés, ces deux éléments mettent bien plus en avant les lacunes de l’un et de l’autre que leurs qualités. Le dessin devient statique, le scénario devient enfantin. C’est gentil, c’est pas mal… mais c’est quand même décevant devant le potentiel des auteurs (même si je demeure peu sensible à Trondheim). Pour moi, c’est juste un petit pas mal, sans plus.