Voilà un album difficile à noter...
Ce serait mentir de dire que je ne me suis pas ennuyée en le lisant. J’ai dû m’y reprendre à 3 ou 4 fois étalées sur une bonne semaine pour venir à bout de ma lecture. Il faut dire qu’il ne se passe pas grand-chose dans cette BD, il s’agit essentiellement de suivre les déambulations du personnage principal qui cherche à cartographier le quartier d’Edo. C’est lent, très lent. C’est très contemplatif. Il est donc très facile de tomber dans l’ennui, et de se désintéresser de cet album.
Mais malgré cela, Taniguchi a un immense talent pour poser les décors, faire ressentir les atmosphères, initier des rencontres poétiques. La magie n’est jamais bien loin, et à de nombreux moments le charme opère. En fin de compte, de fut une lecture plutôt plaisante, agréable, comme une promenade printanière.
C’est clairement un album qu’il faut aborder en ayant à l’esprit qu’il ne s’y passe pas grand-chose, juste avec l’envie de se promener aux côtés du cartographe, et découvrir cette atmosphère du Japon du XIXe siècle.
Tome 2 : Les Fleurs du mal
Dans la ligne du tome 1, cette suite ne faiblit pas et reste totalement conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Baudelaire et ses frasques de dandy mal léché, racontés avec brio par Jean Teulé, ont décidément été une source d’inspiration pour Dominique Gelli, et cela se ressent dans la qualité narrative et visuelle de cette adaptation.
Tout comme Teulé, l’auteur parvient à nous immerger dans ce Paris du XIXe siècle, un Paris qui basculait rapidement vers la modernité, avec les travaux spectaculaires du baron Haussmann qui allaient donner à la capitale un nouveau visage, se rapprochant de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. Gelli décrit très bien ce contexte qui suscitait la grogne parmi la population, en particulier celle des classes laborieuses et des sans-grades, qui se voyaient contraints de s’exiler vers les faubourgs, ou bien celle des artistes qui assistaient impuissants à la disparition du Paris populo et gouailleur qu’ils chérissaient. Bien qu’issu d’un milieu aisé, Baudelaire en était, un peu contre son gré, lui dont la principale préoccupation en tant que poète hédoniste consistait à vivre sans contrainte tout en rejetant les codes hypocrites de la haute société.
D’un point de vue graphique, on peut dire que Dominique Gelli s’est surpassé, nous offrant des scènes superbes de la vie parisienne qui évoquent les peintures de Renoir, Pissaro, Monet et j’en passe, avec des tonalités obscures faisant ressortir les vêtements colorés du poète dandy. Tino Gelli, dans sa démarche picturale plus abstraite, vient enrichir la narration en illustrant les vers de ce dernier avec des pleines pages comme autant de respirations.
Tout en restant fidèle au roman de Jean Teulé, notamment par l’humour qui le traverse, Dominique Gelli est parvenu à se l’approprier totalement. Sa représentation de Baudelaire peut toutefois apparaître éloignée des photographies que l’on connaît du poète. Si son accoutrement reflète bien l’extravagance de l’homme, dont le narcissisme n’avait d’égal que la folie, son visage, ordinaire et peu séduisant sous le pinceau du dessinateur, ne joue guère à son avantage. Certes, Baudelaire était loin d’être aimable, on pouvait même légitimement le qualifier de connard arrogant et fantasque, mais indiscutablement il était conscient de la fascination qu’il pouvait exercer sur son entourage, et il en jouait. Sa force était sans doute de ne pas faire cas de ce que l’on pensait de lui et d’aller jusqu’au bout de ses désirs.
En résumé, ce tome 2 est une réussite et laisse à penser que la trilogie, une fois terminée, fera partie des biographies en BD les plus marquantes dans le domaine de l’art et de la littérature.
Tome 1 : Jeanne
Quelques mois après la mort de Jean Teulé, la sortie de cet ouvrage prend une dimension tout à fait particulière. Cet auteur, qui avait débuté dans la bande dessinée au tournant des années 80, s’était par la suite converti au roman où il évoquait comme personne la vie de personnages illustres de l’Histoire. Et pourtant, le lien avec le neuvième art n’a jamais été véritablement rompu, beaucoup de ses romans ayant fait l’objet d’une adaptation en BD, la plus emblématique étant sans doute Charly 9, de Richard Guérineau, une fresque grandiose consacrée au roi Charles IX. Il y eut également Je, François Villon, de Luigi Critone, et Ô Verlaine, de Philippe Thirault et Olivier Deloye.
« Crénom, Baudelaire ! », le roman, n’était paru qu’en 2020. Après plusieurs années d’absence, Dominique Gelli, dont c’est ici la deuxième adaptation d’un ouvrage de ce conteur hors pair qu’était Jean Teulé, après Mangez-le si vous voulez, récit incroyable d’un fait divers effrayant pendant la guerre franco-prussienne de 1870, aura eu avec cette BD l’opportunité de se remettre sur les rails tout en révélant le talent graphique dont il était capable. Et lorsqu’on découvre ce nouvel opus, on se dit que le précédent n’était en fait qu’une mise en bouche…
Pour ce faire, Dominique s’est adjoint les services de son fils Tino (on est artiste dans la famille !), davantage tourné vers la peinture, « inspiré par le mysticisme et l’ésotérisme », peignant et composant « sa propre musique qui devient la bande originale de son œuvre picturale », selon les termes de l’éditeur. Ainsi, ce portrait composé à quatre mains est le fruit d’une alchimie père-fils qui semble avoir fonctionné à plein. La partition narrative au trait légèrement charbonneux, assuré par Dominique, est entrecoupée de planches le plus souvent en pleine page, dévoilant le travail du fiston, entre abstraction et symbolisme. Gelli père quant à lui, a visiblement été très inspiré par ce portrait, et sa maîtrise sur la couleur que l’on avait constatée dans Mangez-le si vous voulez donne ici sa pleine mesure. Les scènes en clair-obscur sont splendides, avec ces touches de vert fluorescent ou de rouge qui explosent sous la grisaille parisienne, sans parler des délicats effets de drapés (la robe démesurée et voluptueuse de Madame Baudelaire !). Jeanne Duval, le « soleil noir » de Baudelaire, apparaît tel une reine africaine antique, d’une flamboyance presque terrifiante à faire pâlir — et c’est le cas — tous ceux gravitant autour d’elle, d’autant qu’à l’époque les Noirs étaient extrêmement rares à Paris. Les quelques scènes sexuelles un peu crues ne contiennent aucune once de vulgarité, et en ce sens reflètent parfaitement le propos baudelairien.
Si le roman a ici été très bien synthétisé dans sa narration, évitant même de reproduire les tics un brin agaçants de Teulé de recourir à des expressions modernes, surtout dans la première partie de son livre, il a été littéralement magnifié d’un point de vue graphique. On ne pourra être que subjugué par ce qui s’avère un des joyaux éditoriaux de l’année. Cette BD, premier volet d’une trilogie pour laquelle l’écrivain a dispensé ses conseils, constitue donc désormais un double hommage, dédié d’une part à un immense poète (malgré son caractère invivable) et d’autre part un talentueux conteur des temps modernes. Il va sans dire qu’on est impatient de découvrir la suite.
A priori, un reportage sur la recherche de poissons rares de rivière n'avait rien pour me passionner, mais l'idée de suivre de l'intérieur une telle expédition au coeur de Madagascar m'intéressait. C'est une île superbe à la faune et à la flore originales, aux décors de toute beauté et même si je ne connais sa population que par les rares Malgaches que j'ai cotoyés en France et ailleurs, sur cette base je l'imagine accueillante et intéressante. Bref, j'étais à la fois curieux et avide d'un voyage dépaysant comme un Emmanuel Lepage avait pu nous en offrir dans les Terres Australes.
Mais tout le monde n'est pas Emmanuel Lepage.
Graphiquement, le dessin de Singeon est correct mais il fait largement plus dans l'efficacité et l'expressivité que dans la beauté et l'exotisme. On comprend donc bien ce qu'il se passe, mais on n'est peu transporté et surtout pas charmé même par les quelques paysages auxquels on a droit ici et là, même si là encore ils m'ont donné envie de visiter le pays pour découvrir ce qu'ils valent en vrai.
Ceci étant dit, le principal souci vient de la narration : elle est beaucoup trop hachée. On dirait que l'auteur a noté dans un carnet une succession de notes, d'anecdotes superflues de ce qu'il s'est passé chaque jour, style là j'ai pris une douche, là j'ai transpiré, là j'avais mal au ventre, puis c'est presque comme s'il faisait une case par anecdote. Le résultat est décousu, on passe d'un sujet à l'autre de manière un peu incohérente, les dialogues sont hachés et donnent l'impression d'être des extraits de conversations dont on a manqué le début et la fin.
Un autre point de déception : dans ce type de reportage, on s'attend généralement soit à de l'autodérision de l'auteur, soit à des réflexions sur ce qu'il observe. Ici, j'ai eu l'impression qu'il ne proposait ni l'un ni l'autre. Singeon semble se contenter de décrire ce qu'il fait et ce qu'il voit, sans vraiment s'impliquer ou montrer un réel intérêt.
Bref, malgré la promesse d'un beau voyage et d'une découverte d'un sujet scientifique méconnu, je n'ai pas été emporté du tout et je me suis retrouvé à me demander quel était réellement l'objectif de cette mission scientifique.
Contrairement à la plupart des lecteurs ci-dessous, je ne connaissais pas la série originale. J'ai donc lu ce titre avec la seule attente d'un bon moment de lecture, au vu de la réputation de ce western croisé polar.
Même si je suis maintenant curieuse d'en savoir plus sur le passé de Red Dust, ne pas connaître le personnage ne m'a pas gênée dans ma lecture, ce tome se suffit à lui-même en une vraie histoire complète.
Le mélange des genres fonctionne très bien, que l'on soit amateur de western, de polar, ou des deux. On se laisse porter par le road-trip des personnages, avec des informations distillées tout doucement, jusqu'au final. Les héros sont attachants, intéressants, et l'histoire bien amenée, mais un peu prévisible, comme déjà dit par d'autres lecteurs. Les évocations du passé sont émouvantes, et c'est là que j'aurais voulu en savoir plus (je n'ai plus qu'à lire la série !).
Graphiquement, c'est sublime. Le noir et blanc sert parfaitement l'ambiance du récit, certaines cases ont l'air de vieilles photos, on s'arrête dessus pour les admirer avant de reprendre sa lecture.
En bref, une très belle BD, que je pourrais relire avec plaisir, mais sans surprise.
Ça doit faire 2 ans que je connais cette série, je l’ai découverte en achetant les tomes dans le désordre dans une boutique de BD d’occasion dans la ville de mes études.
J’ai décidé d’écrire un avis pour la polémique idiote : non la BD n’est pas raciste, au contraire, notre héroïne est musulmane et algérienne, beaucoup de personnes d’origines diverses sont dans la BD et traitées avec justesse. Certaines représentations sont datées certes, mais les auteurs sont contre le racisme, il suffit de lire le premier tome pour le comprendre, à croire que les gens à l’origine de cette polémique n’ont même pas lu un album entier.
Il s’agit d’une série humoristique et touchante mais aussi juste et bienveillante sur le quotidien de plusieurs enfants malades à l’hôpital, ainsi que leur évolution. Un sujet touchant et dans lequel de nombreux enfants pourront s’identifier. Notre héroïne Zita est attachante, tout comme sa bande d’amis.
Je recommande fortement.
C’est du feel good parfois un peu trop sirupeux (affaire de goûts certainement pour cette remarque), mais qui se laisse quand même lire très agréablement.
Si l’histoire commence par le suicide d’un vieil homme – mort qui alimente une très légère tension à propos de ces éventuelles causes – le reste de l’histoire transpire de la positive attitude, de belles relations entre tous les habitants de l’immeuble dans lequel se déroule la quasi-totalité de l’intrigue. Les rares sources de tensions sont désamorcées (comme lorsqu’il est question de détruire l’immeuble pour une « réhabilitation » du quartier).
Saint-Dizier explique dans un dossier final s’être inspiré du quartier, de l’immeuble de son enfance – et de pas mal de ses anciens voisins de l’époque pour les personnages. En tout cas tout est crédible et vivant, même si on se doute que toutes les cages d’escaliers ne bénéficient pas des mêmes relations apaisées et bienveillantes.
La narration est agréable, aérée, avec un certain nombre de pages muettes. Le dessin de Crosa aide à la fluidité. J’ai bien aimé ce trait plaisant, et cette colorisation elle aussi sympathique. Les pages présentant les différents appartements en coupe sont intéressantes.
Bref, un album vite lu, peut-être trop rempli de bons sentiments ? Je ne sais pas, mais par les temps qui courent, ça ne fait pas de mal.
Le début est intrigant. Une sorte de mélange de La Horde du contrevent et La Route, avec cet homme et ses deux filles, errant, patinant sur la glace d’une longue piste entre deux falaises de glace, dans un univers dangereux, hostile et froid (dans tous les sens du terme !).
Avec une économie de moyens, Lemire – qui décidément a l’imagination fertile ! – réussit à nous faire entrer dans cet univers et cette histoire en partie désespérante. La narration est minimaliste, mais elle nous embarque bien. J’ai juste un peu moins accroché au dernier tiers, qui nous ramène vers quelque chose de trop « commun » en SF (même si Lemire laisse volontairement certaines questions sans réponse). Le relatif happy end est un peu surprenant, il vient un peu à contre-courant d’un récit où le désespoir semblait prendre toute la place.
Le dessin de Jock (dont je découvre ici le travail) accompagne très bien l’histoire de Lemire. Lui aussi montre peu et suggère beaucoup. La noirceur du récit, les étendues neigeuses et glacées des décors, tout ceci est bien rendu.
Une lecture plaisante en tout cas.
Voilà une lecture qui n’est pas vraiment désagréable, mais celle-ci m’a quand même laissé sur ma faim.
Disons que ça se laisse lire. Nous suivons l’évolution des relations – parfois entremêlées – de trois couples (qui chacun représente une génération). C’est du roman graphique classique, qui manque de profondeur et/ou de péripéties.
Pour dynamiser un peu l’intrigue, interviennent au milieu de cette ronde amoureuse les animaux des alentours, qui parlent entre eux, philosophent, commentent ce que font les humains que nous suivons. Ça m’a un peu surpris, et au final je n’ai pas été convaincu par ce mélange des genres. Ça faisait artificiel je trouve.
Une petite déception.
Note réelle 2,5/5.
En bon scénariste amateur de mythologie, de fantastique et de fantasy, Nicolas Jarry nous propose une nouvelle histoire pour la jeunesse qui va aller chercher du côté du fantastique et de la sorcellerie. C'est avec François Gomes au dessin que s'ouvre cette série et que je découvre l'auteur.
Malo, la douzaine, aime trainer en solitaire dans les friches urbaines et la forêt. Fils du flic de service de la ville, pas toujours facile de se faire de vrais amis. Et quand d'autres enfants commencent à être retrouvés plongés dans le comas sans explication, plus question de se balader dehors ! Mais si les adultes ne semblent pas comprendre le pourquoi du comment de ces mystérieux comas, la petite bande que va finir par rejoindre Malo en connait la véritable cause et va devoir lutter pour sauver l'équilibre du monde...
Si les personnages de notre petite troupe sont un brin convenus et la trame principale du récit pas plus révolutionnaire non plus, cette série fourmille de bonnes idées. Cette petite ville, pivot pour des créatures oniriques ou cauchemardesque, semble avoir un lourd passé où le fantastique a pu prendre racine. C'est par touches successives que commence à se dessiner cet univers, porté par le graphisme efficace de François Gomes. J'ai beaucoup aimé la représentation des "familiers" de nos jeunes protagonistes ; entre leur aspect physique et leurs pouvoirs, le lecteur est vite embarqué par cette petite troupe originale. Le premier tome pose donc les bases de cet petit monde en pleine effervescence et se termine en ouvrant sur de nouvelles possibilités et de nouveaux dangers...
Je suis curieux de découvrir la suite de cette histoire
*** Tomes 2 & 3 ***
Après un premier tome très prometteur, la suite et fin de cette série jeunesse tient toutes ses promesses.
C'est même en allant chercher du côté de Lovecraft que nos auteurs nous proposent au final une saga qui gagne en originalité au fil des tomes. Si cet aspect lovecraftien passera sans doute au dessus de la tête des jeunes lecteurs, des graines seront certainement plantées pour leur culture générale, et les adultes amateurs du genre gouteront ces références.
Graphiquement, François Gomes assure un travail efficace qui donne et garde toute son efficacité ; ses créatures sont originales et les décors ne sont pas en reste, surtout la ville. Il assure une parfaite mise en image du scénario de Nicolas Jarry. C'est frais, intriguant, l'aventure omniprésente et les rebondissements bien amenés.
Bref, une série, qui loin de démériter, gagne en bonnes idées et en efficacité au fil de ses trois tomes.
Des superpouvoirs pour quoi faire ?
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Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, initialement paru sous la forme d'une minisérie en 6 épisodes en 2013, écrite par Brian Wood, dessinée et encrée par Ming Doyle et mise en couleurs par Jordie Bellaire.
Dans un futur relativement lointain, Mara Prince est une jeune femme de 17 ans championne de volleyball. Dans ce futur aux réalités économiques peu reluisantes, le sport a pris une importance capitale dans les relations entre les nations, les sommes en jeu sont colossales et les sportifs de haut niveau sont des stars, bénéficiant de contrats mirifiques avec des sponsors, de leur propre chaîne de télévision à leur gloire, etc. Mara Prince est une star parmi les stars, richissime à million, inégalée dans ses capacités. Mais un jour lors d'un match hors tournoi, elle éprouve une étrange sensation lui permettant de se déplacer à une vitesse surhumaine et de passer de l'autre côté du filet pour faire dévier la balle venant juste de quitter les mains de la joueuse au service. Les caméras ont tout enregistré et la notoriété de Mara augmente encore. Par contre son avenir de sportive est compromis. Cette société maudit les tricheurs et les déchoit. Bien vite l'armée s'intéresse à Mara. Il lui reste à décider quoi faire de sa vie avec ses superpouvoirs d'une ampleur incommensurable.
Brian Wood est un scénariste prolifique à la biographie impressionnante. On y trouve aussi bien des histoires pour des franchises comme X-Men (Alpha & Omega ou Primer), Star Wars (In the shadow of Yavin), ou encore Conan (Queen of the black coast). Il a déjà à son actif un grand nombre de séries originales ou d'histoires complètes : The New York Four, la série DMZ, la série de vikings Northlanders ou encore la série The massive (à commencer par Black Pacific). Il propose ici une histoire complète en 1 tome.
Ce récit se décompose en 3 actes distincts : (1) la présentation de Mara en championne exceptionnelle et la société dans laquelle elle évolue, (2) la réaction de cette société à la découverte des pouvoirs de Mara, et (3) le choix de vie de Mara. La première partie laisse une impression mitigée entre reprise d'éléments déjà existants dans notre société (à commencer par le vedettariat sans borne des athlètes de haut niveau, au hasard dans le football), et immersion totale aux côtés de cette jeune femme compétente, motivée et très sympathique, un pur produit de la société dans laquelle elle a grandi et de l'éducation qu'elle a reçu. Brian Wood réussit à faire exister cette Mara et la société qui l'entoure en quelques pages, en montrant à quel point Mara est d'une efficacité exemplaire, et en illustrant la maxime qui veut que l'on se sent seul quand on est au sommet. Il sait montrer en quelques cases l'attachement qui unit Mara à Ingrid Seven, sa seconde dans l'équipe, mais aussi sa meilleure amie et confidente. Il n'y a à aucun moment une trace d'infantilisme ou de mièvrerie dans la manière dont elles se comportent. Ingrid apprécie Mara, elles partagent entre elles leurs expériences (en particulier sur l'art et la manière de maximiser les profits dans leurs contrats avec les sponsors), et il n'y a aucun doute qu'Ingrid a intégré que tant que Mara sera présente, elle sera à jamais la seconde meilleure. Brian Wood sait à partir de quelques dialogues et de quelques pensées intérieures, appuyées par quelques nouvelles brèves donner l'impression au lecteur de connaître les personnages et l'environnement dans lequel ils évoluent.
Brian Wood n'est pas le premier scénariste à imaginer l'apparition de superpouvoirs dans un monde réel ou dans un futur proche (Warren Ellis avec sa trilogie Black Summer/ No hero / Supergod, ou encore John Arcudi avec A God somewhere). Il réussit à rendre la personnalité de Mara Prince très palpable et cohérente, et ses actions imprévisibles. Par contre la relative brièveté de l'histoire ne lui permet pas de développer pleinement les réactions de la société autour d'elle, ces dernières restent à l'état de ressort de l'intrigue, sans réelle épaisseur, sans servir de révélateur de cette société.
Ming Doyle avait déjà adapté 2 livres de Cynthia Leitich Smith : Tantalize: Kieren's Story et Eternal: Zachary's Story. Il approche les dessins avec une optique naturaliste qui donne une apparence très prosaïque à ce qu'il dessine, malgré la composante de science-fiction. D'un certain côté cette façon de dessiner peut décevoir les lecteurs avides de spectaculaire ou de sensationnel, de l'autre elle ancre bien le ton du récit dans une forme de normalité. En particulier il a pris soin de donner une physiologie d'athlète à Mara (pas de poitrine surdimensionnée), ce qui participe pour beaucoup à conférer de la crédibilité au personnage. Les éléments visuels de science fiction restent très discrets : un stade à l'architecture inattendue, un modèle de voiture inhabituel, des tenues vestimentaires sortant de l'ordinaire (en particulier l'uniforme militaire). Doyle s'attache surtout à créer une mise en scène vivante et plausible, transcrivant clairement les actions de chaque personnage. De temps à autre, le lecteur pourra regretter qu'un personnage sur deux ait la bouche entrouverte dans une expression du visage peu parlante et peu naturelle. Quelques scènes souffrent également de décors trop sommaires. Au fil des pages, il devient surprenant que les noms des sponsors n'apparaissent pas de manière plus proéminente dans les images, par exemple sur les tenues des joueuses ou sur les parois des stades.
Brian Wood et Ming Doyle proposent leur version de l'avènement d'un individu avec des superpouvoirs dans une société finalement proche de la nôtre. Ils réussissent à faire en sorte que Mara Prince s'incarne devant les yeux du lecteur ce qui génère son empathie et maintient son intérêt tout au long du récit. Le nombre de pages et les limites de Doyle ne permettent pas à l'environnement d'exister pleinement, ni de développer une approche plus étoffée de l'impact de Mara sur la société. L'histoire se termine de manière claire avec la décision de Mara quant à son avenir, il est possible d'y voir une allégorie sur le jeune adulte affirmant sa propre personnalité, achevant d'entrer dans l'âge adulte.
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Furari
Voilà un album difficile à noter... Ce serait mentir de dire que je ne me suis pas ennuyée en le lisant. J’ai dû m’y reprendre à 3 ou 4 fois étalées sur une bonne semaine pour venir à bout de ma lecture. Il faut dire qu’il ne se passe pas grand-chose dans cette BD, il s’agit essentiellement de suivre les déambulations du personnage principal qui cherche à cartographier le quartier d’Edo. C’est lent, très lent. C’est très contemplatif. Il est donc très facile de tomber dans l’ennui, et de se désintéresser de cet album. Mais malgré cela, Taniguchi a un immense talent pour poser les décors, faire ressentir les atmosphères, initier des rencontres poétiques. La magie n’est jamais bien loin, et à de nombreux moments le charme opère. En fin de compte, de fut une lecture plutôt plaisante, agréable, comme une promenade printanière. C’est clairement un album qu’il faut aborder en ayant à l’esprit qu’il ne s’y passe pas grand-chose, juste avec l’envie de se promener aux côtés du cartographe, et découvrir cette atmosphère du Japon du XIXe siècle.
Crénom, Baudelaire !
Tome 2 : Les Fleurs du mal Dans la ligne du tome 1, cette suite ne faiblit pas et reste totalement conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Baudelaire et ses frasques de dandy mal léché, racontés avec brio par Jean Teulé, ont décidément été une source d’inspiration pour Dominique Gelli, et cela se ressent dans la qualité narrative et visuelle de cette adaptation. Tout comme Teulé, l’auteur parvient à nous immerger dans ce Paris du XIXe siècle, un Paris qui basculait rapidement vers la modernité, avec les travaux spectaculaires du baron Haussmann qui allaient donner à la capitale un nouveau visage, se rapprochant de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. Gelli décrit très bien ce contexte qui suscitait la grogne parmi la population, en particulier celle des classes laborieuses et des sans-grades, qui se voyaient contraints de s’exiler vers les faubourgs, ou bien celle des artistes qui assistaient impuissants à la disparition du Paris populo et gouailleur qu’ils chérissaient. Bien qu’issu d’un milieu aisé, Baudelaire en était, un peu contre son gré, lui dont la principale préoccupation en tant que poète hédoniste consistait à vivre sans contrainte tout en rejetant les codes hypocrites de la haute société. D’un point de vue graphique, on peut dire que Dominique Gelli s’est surpassé, nous offrant des scènes superbes de la vie parisienne qui évoquent les peintures de Renoir, Pissaro, Monet et j’en passe, avec des tonalités obscures faisant ressortir les vêtements colorés du poète dandy. Tino Gelli, dans sa démarche picturale plus abstraite, vient enrichir la narration en illustrant les vers de ce dernier avec des pleines pages comme autant de respirations. Tout en restant fidèle au roman de Jean Teulé, notamment par l’humour qui le traverse, Dominique Gelli est parvenu à se l’approprier totalement. Sa représentation de Baudelaire peut toutefois apparaître éloignée des photographies que l’on connaît du poète. Si son accoutrement reflète bien l’extravagance de l’homme, dont le narcissisme n’avait d’égal que la folie, son visage, ordinaire et peu séduisant sous le pinceau du dessinateur, ne joue guère à son avantage. Certes, Baudelaire était loin d’être aimable, on pouvait même légitimement le qualifier de connard arrogant et fantasque, mais indiscutablement il était conscient de la fascination qu’il pouvait exercer sur son entourage, et il en jouait. Sa force était sans doute de ne pas faire cas de ce que l’on pensait de lui et d’aller jusqu’au bout de ses désirs. En résumé, ce tome 2 est une réussite et laisse à penser que la trilogie, une fois terminée, fera partie des biographies en BD les plus marquantes dans le domaine de l’art et de la littérature. Tome 1 : Jeanne Quelques mois après la mort de Jean Teulé, la sortie de cet ouvrage prend une dimension tout à fait particulière. Cet auteur, qui avait débuté dans la bande dessinée au tournant des années 80, s’était par la suite converti au roman où il évoquait comme personne la vie de personnages illustres de l’Histoire. Et pourtant, le lien avec le neuvième art n’a jamais été véritablement rompu, beaucoup de ses romans ayant fait l’objet d’une adaptation en BD, la plus emblématique étant sans doute Charly 9, de Richard Guérineau, une fresque grandiose consacrée au roi Charles IX. Il y eut également Je, François Villon, de Luigi Critone, et Ô Verlaine, de Philippe Thirault et Olivier Deloye. « Crénom, Baudelaire ! », le roman, n’était paru qu’en 2020. Après plusieurs années d’absence, Dominique Gelli, dont c’est ici la deuxième adaptation d’un ouvrage de ce conteur hors pair qu’était Jean Teulé, après Mangez-le si vous voulez, récit incroyable d’un fait divers effrayant pendant la guerre franco-prussienne de 1870, aura eu avec cette BD l’opportunité de se remettre sur les rails tout en révélant le talent graphique dont il était capable. Et lorsqu’on découvre ce nouvel opus, on se dit que le précédent n’était en fait qu’une mise en bouche… Pour ce faire, Dominique s’est adjoint les services de son fils Tino (on est artiste dans la famille !), davantage tourné vers la peinture, « inspiré par le mysticisme et l’ésotérisme », peignant et composant « sa propre musique qui devient la bande originale de son œuvre picturale », selon les termes de l’éditeur. Ainsi, ce portrait composé à quatre mains est le fruit d’une alchimie père-fils qui semble avoir fonctionné à plein. La partition narrative au trait légèrement charbonneux, assuré par Dominique, est entrecoupée de planches le plus souvent en pleine page, dévoilant le travail du fiston, entre abstraction et symbolisme. Gelli père quant à lui, a visiblement été très inspiré par ce portrait, et sa maîtrise sur la couleur que l’on avait constatée dans Mangez-le si vous voulez donne ici sa pleine mesure. Les scènes en clair-obscur sont splendides, avec ces touches de vert fluorescent ou de rouge qui explosent sous la grisaille parisienne, sans parler des délicats effets de drapés (la robe démesurée et voluptueuse de Madame Baudelaire !). Jeanne Duval, le « soleil noir » de Baudelaire, apparaît tel une reine africaine antique, d’une flamboyance presque terrifiante à faire pâlir — et c’est le cas — tous ceux gravitant autour d’elle, d’autant qu’à l’époque les Noirs étaient extrêmement rares à Paris. Les quelques scènes sexuelles un peu crues ne contiennent aucune once de vulgarité, et en ce sens reflètent parfaitement le propos baudelairien. Si le roman a ici été très bien synthétisé dans sa narration, évitant même de reproduire les tics un brin agaçants de Teulé de recourir à des expressions modernes, surtout dans la première partie de son livre, il a été littéralement magnifié d’un point de vue graphique. On ne pourra être que subjugué par ce qui s’avère un des joyaux éditoriaux de l’année. Cette BD, premier volet d’une trilogie pour laquelle l’écrivain a dispensé ses conseils, constitue donc désormais un double hommage, dédié d’une part à un immense poète (malgré son caractère invivable) et d’autre part un talentueux conteur des temps modernes. Il va sans dire qu’on est impatient de découvrir la suite.
Comme un poisson hors de l'eau
A priori, un reportage sur la recherche de poissons rares de rivière n'avait rien pour me passionner, mais l'idée de suivre de l'intérieur une telle expédition au coeur de Madagascar m'intéressait. C'est une île superbe à la faune et à la flore originales, aux décors de toute beauté et même si je ne connais sa population que par les rares Malgaches que j'ai cotoyés en France et ailleurs, sur cette base je l'imagine accueillante et intéressante. Bref, j'étais à la fois curieux et avide d'un voyage dépaysant comme un Emmanuel Lepage avait pu nous en offrir dans les Terres Australes. Mais tout le monde n'est pas Emmanuel Lepage. Graphiquement, le dessin de Singeon est correct mais il fait largement plus dans l'efficacité et l'expressivité que dans la beauté et l'exotisme. On comprend donc bien ce qu'il se passe, mais on n'est peu transporté et surtout pas charmé même par les quelques paysages auxquels on a droit ici et là, même si là encore ils m'ont donné envie de visiter le pays pour découvrir ce qu'ils valent en vrai. Ceci étant dit, le principal souci vient de la narration : elle est beaucoup trop hachée. On dirait que l'auteur a noté dans un carnet une succession de notes, d'anecdotes superflues de ce qu'il s'est passé chaque jour, style là j'ai pris une douche, là j'ai transpiré, là j'avais mal au ventre, puis c'est presque comme s'il faisait une case par anecdote. Le résultat est décousu, on passe d'un sujet à l'autre de manière un peu incohérente, les dialogues sont hachés et donnent l'impression d'être des extraits de conversations dont on a manqué le début et la fin. Un autre point de déception : dans ce type de reportage, on s'attend généralement soit à de l'autodérision de l'auteur, soit à des réflexions sur ce qu'il observe. Ici, j'ai eu l'impression qu'il ne proposait ni l'un ni l'autre. Singeon semble se contenter de décrire ce qu'il fait et ce qu'il voit, sans vraiment s'impliquer ou montrer un réel intérêt. Bref, malgré la promesse d'un beau voyage et d'une découverte d'un sujet scientifique méconnu, je n'ai pas été emporté du tout et je me suis retrouvé à me demander quel était réellement l'objectif de cette mission scientifique.
Revoir Comanche
Contrairement à la plupart des lecteurs ci-dessous, je ne connaissais pas la série originale. J'ai donc lu ce titre avec la seule attente d'un bon moment de lecture, au vu de la réputation de ce western croisé polar. Même si je suis maintenant curieuse d'en savoir plus sur le passé de Red Dust, ne pas connaître le personnage ne m'a pas gênée dans ma lecture, ce tome se suffit à lui-même en une vraie histoire complète. Le mélange des genres fonctionne très bien, que l'on soit amateur de western, de polar, ou des deux. On se laisse porter par le road-trip des personnages, avec des informations distillées tout doucement, jusqu'au final. Les héros sont attachants, intéressants, et l'histoire bien amenée, mais un peu prévisible, comme déjà dit par d'autres lecteurs. Les évocations du passé sont émouvantes, et c'est là que j'aurais voulu en savoir plus (je n'ai plus qu'à lire la série !). Graphiquement, c'est sublime. Le noir et blanc sert parfaitement l'ambiance du récit, certaines cases ont l'air de vieilles photos, on s'arrête dessus pour les admirer avant de reprendre sa lecture. En bref, une très belle BD, que je pourrais relire avec plaisir, mais sans surprise.
Boule à zéro
Ça doit faire 2 ans que je connais cette série, je l’ai découverte en achetant les tomes dans le désordre dans une boutique de BD d’occasion dans la ville de mes études. J’ai décidé d’écrire un avis pour la polémique idiote : non la BD n’est pas raciste, au contraire, notre héroïne est musulmane et algérienne, beaucoup de personnes d’origines diverses sont dans la BD et traitées avec justesse. Certaines représentations sont datées certes, mais les auteurs sont contre le racisme, il suffit de lire le premier tome pour le comprendre, à croire que les gens à l’origine de cette polémique n’ont même pas lu un album entier. Il s’agit d’une série humoristique et touchante mais aussi juste et bienveillante sur le quotidien de plusieurs enfants malades à l’hôpital, ainsi que leur évolution. Un sujet touchant et dans lequel de nombreux enfants pourront s’identifier. Notre héroïne Zita est attachante, tout comme sa bande d’amis. Je recommande fortement.
Plein ciel
C’est du feel good parfois un peu trop sirupeux (affaire de goûts certainement pour cette remarque), mais qui se laisse quand même lire très agréablement. Si l’histoire commence par le suicide d’un vieil homme – mort qui alimente une très légère tension à propos de ces éventuelles causes – le reste de l’histoire transpire de la positive attitude, de belles relations entre tous les habitants de l’immeuble dans lequel se déroule la quasi-totalité de l’intrigue. Les rares sources de tensions sont désamorcées (comme lorsqu’il est question de détruire l’immeuble pour une « réhabilitation » du quartier). Saint-Dizier explique dans un dossier final s’être inspiré du quartier, de l’immeuble de son enfance – et de pas mal de ses anciens voisins de l’époque pour les personnages. En tout cas tout est crédible et vivant, même si on se doute que toutes les cages d’escaliers ne bénéficient pas des mêmes relations apaisées et bienveillantes. La narration est agréable, aérée, avec un certain nombre de pages muettes. Le dessin de Crosa aide à la fluidité. J’ai bien aimé ce trait plaisant, et cette colorisation elle aussi sympathique. Les pages présentant les différents appartements en coupe sont intéressantes. Bref, un album vite lu, peut-être trop rempli de bons sentiments ? Je ne sais pas, mais par les temps qui courent, ça ne fait pas de mal.
Snow angels
Le début est intrigant. Une sorte de mélange de La Horde du contrevent et La Route, avec cet homme et ses deux filles, errant, patinant sur la glace d’une longue piste entre deux falaises de glace, dans un univers dangereux, hostile et froid (dans tous les sens du terme !). Avec une économie de moyens, Lemire – qui décidément a l’imagination fertile ! – réussit à nous faire entrer dans cet univers et cette histoire en partie désespérante. La narration est minimaliste, mais elle nous embarque bien. J’ai juste un peu moins accroché au dernier tiers, qui nous ramène vers quelque chose de trop « commun » en SF (même si Lemire laisse volontairement certaines questions sans réponse). Le relatif happy end est un peu surprenant, il vient un peu à contre-courant d’un récit où le désespoir semblait prendre toute la place. Le dessin de Jock (dont je découvre ici le travail) accompagne très bien l’histoire de Lemire. Lui aussi montre peu et suggère beaucoup. La noirceur du récit, les étendues neigeuses et glacées des décors, tout ceci est bien rendu. Une lecture plaisante en tout cas.
Nos rives partagées
Voilà une lecture qui n’est pas vraiment désagréable, mais celle-ci m’a quand même laissé sur ma faim. Disons que ça se laisse lire. Nous suivons l’évolution des relations – parfois entremêlées – de trois couples (qui chacun représente une génération). C’est du roman graphique classique, qui manque de profondeur et/ou de péripéties. Pour dynamiser un peu l’intrigue, interviennent au milieu de cette ronde amoureuse les animaux des alentours, qui parlent entre eux, philosophent, commentent ce que font les humains que nous suivons. Ça m’a un peu surpris, et au final je n’ai pas été convaincu par ce mélange des genres. Ça faisait artificiel je trouve. Une petite déception. Note réelle 2,5/5.
Castlewitch
En bon scénariste amateur de mythologie, de fantastique et de fantasy, Nicolas Jarry nous propose une nouvelle histoire pour la jeunesse qui va aller chercher du côté du fantastique et de la sorcellerie. C'est avec François Gomes au dessin que s'ouvre cette série et que je découvre l'auteur. Malo, la douzaine, aime trainer en solitaire dans les friches urbaines et la forêt. Fils du flic de service de la ville, pas toujours facile de se faire de vrais amis. Et quand d'autres enfants commencent à être retrouvés plongés dans le comas sans explication, plus question de se balader dehors ! Mais si les adultes ne semblent pas comprendre le pourquoi du comment de ces mystérieux comas, la petite bande que va finir par rejoindre Malo en connait la véritable cause et va devoir lutter pour sauver l'équilibre du monde... Si les personnages de notre petite troupe sont un brin convenus et la trame principale du récit pas plus révolutionnaire non plus, cette série fourmille de bonnes idées. Cette petite ville, pivot pour des créatures oniriques ou cauchemardesque, semble avoir un lourd passé où le fantastique a pu prendre racine. C'est par touches successives que commence à se dessiner cet univers, porté par le graphisme efficace de François Gomes. J'ai beaucoup aimé la représentation des "familiers" de nos jeunes protagonistes ; entre leur aspect physique et leurs pouvoirs, le lecteur est vite embarqué par cette petite troupe originale. Le premier tome pose donc les bases de cet petit monde en pleine effervescence et se termine en ouvrant sur de nouvelles possibilités et de nouveaux dangers... Je suis curieux de découvrir la suite de cette histoire *** Tomes 2 & 3 *** Après un premier tome très prometteur, la suite et fin de cette série jeunesse tient toutes ses promesses. C'est même en allant chercher du côté de Lovecraft que nos auteurs nous proposent au final une saga qui gagne en originalité au fil des tomes. Si cet aspect lovecraftien passera sans doute au dessus de la tête des jeunes lecteurs, des graines seront certainement plantées pour leur culture générale, et les adultes amateurs du genre gouteront ces références. Graphiquement, François Gomes assure un travail efficace qui donne et garde toute son efficacité ; ses créatures sont originales et les décors ne sont pas en reste, surtout la ville. Il assure une parfaite mise en image du scénario de Nicolas Jarry. C'est frais, intriguant, l'aventure omniprésente et les rebondissements bien amenés. Bref, une série, qui loin de démériter, gagne en bonnes idées et en efficacité au fil de ses trois tomes.
Mara - Plus qu'humaine
Des superpouvoirs pour quoi faire ? - Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, initialement paru sous la forme d'une minisérie en 6 épisodes en 2013, écrite par Brian Wood, dessinée et encrée par Ming Doyle et mise en couleurs par Jordie Bellaire. Dans un futur relativement lointain, Mara Prince est une jeune femme de 17 ans championne de volleyball. Dans ce futur aux réalités économiques peu reluisantes, le sport a pris une importance capitale dans les relations entre les nations, les sommes en jeu sont colossales et les sportifs de haut niveau sont des stars, bénéficiant de contrats mirifiques avec des sponsors, de leur propre chaîne de télévision à leur gloire, etc. Mara Prince est une star parmi les stars, richissime à million, inégalée dans ses capacités. Mais un jour lors d'un match hors tournoi, elle éprouve une étrange sensation lui permettant de se déplacer à une vitesse surhumaine et de passer de l'autre côté du filet pour faire dévier la balle venant juste de quitter les mains de la joueuse au service. Les caméras ont tout enregistré et la notoriété de Mara augmente encore. Par contre son avenir de sportive est compromis. Cette société maudit les tricheurs et les déchoit. Bien vite l'armée s'intéresse à Mara. Il lui reste à décider quoi faire de sa vie avec ses superpouvoirs d'une ampleur incommensurable. Brian Wood est un scénariste prolifique à la biographie impressionnante. On y trouve aussi bien des histoires pour des franchises comme X-Men (Alpha & Omega ou Primer), Star Wars (In the shadow of Yavin), ou encore Conan (Queen of the black coast). Il a déjà à son actif un grand nombre de séries originales ou d'histoires complètes : The New York Four, la série DMZ, la série de vikings Northlanders ou encore la série The massive (à commencer par Black Pacific). Il propose ici une histoire complète en 1 tome. Ce récit se décompose en 3 actes distincts : (1) la présentation de Mara en championne exceptionnelle et la société dans laquelle elle évolue, (2) la réaction de cette société à la découverte des pouvoirs de Mara, et (3) le choix de vie de Mara. La première partie laisse une impression mitigée entre reprise d'éléments déjà existants dans notre société (à commencer par le vedettariat sans borne des athlètes de haut niveau, au hasard dans le football), et immersion totale aux côtés de cette jeune femme compétente, motivée et très sympathique, un pur produit de la société dans laquelle elle a grandi et de l'éducation qu'elle a reçu. Brian Wood réussit à faire exister cette Mara et la société qui l'entoure en quelques pages, en montrant à quel point Mara est d'une efficacité exemplaire, et en illustrant la maxime qui veut que l'on se sent seul quand on est au sommet. Il sait montrer en quelques cases l'attachement qui unit Mara à Ingrid Seven, sa seconde dans l'équipe, mais aussi sa meilleure amie et confidente. Il n'y a à aucun moment une trace d'infantilisme ou de mièvrerie dans la manière dont elles se comportent. Ingrid apprécie Mara, elles partagent entre elles leurs expériences (en particulier sur l'art et la manière de maximiser les profits dans leurs contrats avec les sponsors), et il n'y a aucun doute qu'Ingrid a intégré que tant que Mara sera présente, elle sera à jamais la seconde meilleure. Brian Wood sait à partir de quelques dialogues et de quelques pensées intérieures, appuyées par quelques nouvelles brèves donner l'impression au lecteur de connaître les personnages et l'environnement dans lequel ils évoluent. Brian Wood n'est pas le premier scénariste à imaginer l'apparition de superpouvoirs dans un monde réel ou dans un futur proche (Warren Ellis avec sa trilogie Black Summer/ No hero / Supergod, ou encore John Arcudi avec A God somewhere). Il réussit à rendre la personnalité de Mara Prince très palpable et cohérente, et ses actions imprévisibles. Par contre la relative brièveté de l'histoire ne lui permet pas de développer pleinement les réactions de la société autour d'elle, ces dernières restent à l'état de ressort de l'intrigue, sans réelle épaisseur, sans servir de révélateur de cette société. Ming Doyle avait déjà adapté 2 livres de Cynthia Leitich Smith : Tantalize: Kieren's Story et Eternal: Zachary's Story. Il approche les dessins avec une optique naturaliste qui donne une apparence très prosaïque à ce qu'il dessine, malgré la composante de science-fiction. D'un certain côté cette façon de dessiner peut décevoir les lecteurs avides de spectaculaire ou de sensationnel, de l'autre elle ancre bien le ton du récit dans une forme de normalité. En particulier il a pris soin de donner une physiologie d'athlète à Mara (pas de poitrine surdimensionnée), ce qui participe pour beaucoup à conférer de la crédibilité au personnage. Les éléments visuels de science fiction restent très discrets : un stade à l'architecture inattendue, un modèle de voiture inhabituel, des tenues vestimentaires sortant de l'ordinaire (en particulier l'uniforme militaire). Doyle s'attache surtout à créer une mise en scène vivante et plausible, transcrivant clairement les actions de chaque personnage. De temps à autre, le lecteur pourra regretter qu'un personnage sur deux ait la bouche entrouverte dans une expression du visage peu parlante et peu naturelle. Quelques scènes souffrent également de décors trop sommaires. Au fil des pages, il devient surprenant que les noms des sponsors n'apparaissent pas de manière plus proéminente dans les images, par exemple sur les tenues des joueuses ou sur les parois des stades. Brian Wood et Ming Doyle proposent leur version de l'avènement d'un individu avec des superpouvoirs dans une société finalement proche de la nôtre. Ils réussissent à faire en sorte que Mara Prince s'incarne devant les yeux du lecteur ce qui génère son empathie et maintient son intérêt tout au long du récit. Le nombre de pages et les limites de Doyle ne permettent pas à l'environnement d'exister pleinement, ni de développer une approche plus étoffée de l'impact de Mara sur la société. L'histoire se termine de manière claire avec la décision de Mara quant à son avenir, il est possible d'y voir une allégorie sur le jeune adulte affirmant sa propre personnalité, achevant d'entrer dans l'âge adulte.