La série m’avait été vendue comme « un genre de shojo mais destiné à un public plus adulte ». En fait, c’est un shojo dans lequel l’idée de relations sexuelles est évoquée. Et donc, en gros, ça ne diffère pas d’un autre shojo. On retrouve donc tous les principes du genre avec beaucoup de bons sentiments des beaux mâles ténébreux, une héroïne toute mimi dans ses hésitations, des phrases étirées sur trois pages, un dessin centré sur les personnages et une fin que l’on voit venir de loin (voire de très très très très très très très très loin).
L'histoire ? Une jeune veuve hérite d'un café un peu particulier puisqu'il n'emploie que des jeunes hommes et vise une clientèle féminine. Bien entendu, une idylle va se former entre elle et un de ses employés (dans lequel elle a reconnu une ancienne étoile montante du tennis international, qui avait mystérieusement fui les courts). Le fil du récit bascule ainsi entre cette histoire d'amour et la découverte du passé des différents personnages. Le ton est léger avec quelques petites pointes d'humour mais surtout romantique avec les tergiversations de l'héroïne, tiraillée entre son envie de rester fidèle à son défunt mari et son attirance pour ce beau et ténébreux serveur.
Ce n’est pas déplaisant à lire. Ce n’est juste pas novateur ni spécialement ma tasse de thé. Le seul point que j’en retiens est ce concept de cafés destinés à une clientèle féminine dont le personnel est composé de beaux jeunes hommes, un concept qui semble réellement exister au Japon, pays dans lequel existe aussi sa version « pour homme » avec un personnel uniquement composé de jeunes et jolie femmes.
Sinon, bein bof, quoi.
Voilà un travail que j’ai trouvé excellent sur le fond et sur la forme. Certes, c’est parfois un peu ardu, c’est très dense et il faut s’enfiler un certain nombre de termes techniques, de connaissances économiques et d’organisation des marchés financiers et bancaires. Mais la narration est très fluide et claire.
C’est d’abord dû au dessin de Jérémy Van Houtte, qui aère la démonstration tout en la rendant agréable et lire.
C’est aussi dû bien sûr au très gros travail en amont (c’est du blindé en matière de connaissances exposées, et l’imposante bibliographie de fin de volume confirme ce travail préparatoire, et surtout confirme que les auteurs souhaitent que leurs lecteurs aillent plus loin).
Les rouages du système financier libéral – et plus largement du capitalisme financier actuel – sont bien mis en avant, avec les mécanismes qui font transiter l’argent – y compris public – jusqu’au actionnaires, dans un « ruissellement » inversé, mais aussi bien plus réel que celui annoncé par nos dirigeants depuis des décennies.
C’est à la fois limpide et écœurant. Mais on ne se contente pas de constater, puisque les dernières pages énumèrent un certain nombre de pistes pour remédier à ce creusement des inégalités au profit d’une minorité (qui plus est responsable d’autres maux, comme la pollution, le réchauffement climatique et quelques conflits). Avec une présentation intéressante de la convergence des luttes.
L’action des lobbies, des institutions européennes, le fonctionnement des banques, l’hypocrisie des « décideurs » (voir « mon ennemi c’est la finance » de Hollande !), tout ceci n’est certes pas réjouissant. Et les auteurs montrent bien comment toutes les luttes tendant à remettre en cause cet ordre établi par et pour un petit nombre sont dénigrées dans les médias, et sévèrement réprimées (voir les dernières années en France, avec les Gilets jaunes en particulier). Mais il se dégage à la fin un sentiment qu’il est possible de faire changer la donne.
Une lecture exigeante, mais instructive, jamais rébarbative ni sentencieuse, avec un ton léger. Bref, un documentaire à lire, pour nourrir réflexion, et éventuellement action.
BD sur la sexualité féminine, écrite par une jeune femme, sans le voyeurisme hypersexualisé qu'aurait pu ajouter bien des auteurs masculins et dont sont coutumiers des pans entiers de l'édition contemporaine. Ce bon point noté, le chaleureux style rond des illustrations (à la Larcenet) goûté, demeure une BD excessivement ethnocentrée (revers des récits autobiographiques) décrivant une tranche de vie d'une grande banalité hormis sur cet aspect du vaginisme.
Pour qu'une tranche de vie plaise, plus encore que l'originalité des situations, il importe que les personnages soient sympathiques au lecteur ; ce qui ne fut dans mon cas pas constaté : l'égoïsme de la plupart des protagonistes et la laideur sentimentale de quelques situations racontées, m'ont empêché d'apprécier ce récit à la sincérité incarnée mais non touchante.
La froideur s'est propagée au lecteur.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec cette BD-ci, si l'accent était mis sur les romances ou sur la religion et le conflit. En fait, il s'agit d'un documentaire choisissant une approche sentimentale pour évoquer le poids des religions dans des familles et sociétés très conservatrices, questionner l'acceptation de l'hypothèse des couples mixtes (dans le cas présent entre israéliens et palestiniens) pour évoquer l'impact du conflit sur le rapport à l'étranger, voire sur l'antisémitisme et l'islamophobie.
La BD n'hésite pas à présenter le travail de l'enquêtrice en lui-même : la prise de rendez-vous avec les interviewés, le trajet d'une ville à l'autre, la construction de l'ensemble, etc. Cela permet d'évoquer la vie à Gaza ou dans certains quartiers favorisés d’Israël, de se rendre compte de la militarisation de la frontière, etc.
L'ensemble fourmille de petites anecdotes qui permettent de réellement intégrer le poids de la religion et du conflit sur la vie des uns et des autres, de nous familiariser avec ces sociétés fort éloignées de la nôtre, avec le revers de parfois tomber dans l'anecdotique ou le fastidieux, la pertinence de certains faits racontés et l'intérêt qu'ils suscitent n'étant pas toujours au diapason des enjeux.
Une bonne idée donc, qui vire ici ou là à la fausse bonne idée. Cette BD demeure un contre-point original, mais est loin de suffire au lecteur désireux par ce biais d'appréhender le conflit.
Cette BD ayant été conçue juste avant les attaques du 7 octobre 23 (mais avec une parution postérieure), la question de sa péremption se pose immédiatement. L'originalité de l'approche lui permet de l'éviter en partie, en partie seulement.
Moi aussi, j'ai trouvé ça très bien.
Brièvement, je me suis intéressé à cette BD parce qu'il y a une dizaine d'années, je me suis retrouvé dans une situation assez similaire à celle de l'autrice (et puis aussi elle est comme moi native de Besançon. Bezak represent !). Moi aussi, une fois tiré d'affaire, c'est à dire tiré des griffes de la manipulatrice, j'ai épluché toute la littérature sur le sujet, dont Paul-Claude Racamier (que Sophie Lambda cite), le premier à avoir identifié et théorisé le syndrome de la perversion narcissique, lui aussi natif de Besançon (yeah !). Et moi aussi, je me suis retrouvé dans le même état de sidération une fois découvert le pot-aux-roses. C'est comme un puzzle qui s'assemble d'un coup et fait soudain pleinement sens !
Donc oui, je peux en attester : tout ce que raconte Sophie est juste et bien vu. De plus, elle fait preuve d'un recul admirable, d'un certain sens de l'autodérision, ainsi que d'un humour remarquable (mais surtout drôle, tout ce qu'on demande à l'humour). En outre, elle accompagne tout cela d'un langage assez fleuri.
Bon, le dessin est cool, même si ce n'est pas le gros gros kif, et ça traine parfois en longueur avec quelques redites (dans les vingt dernières pages essentiellement - mais elle l'avoue elle-même : son éditeur l'a payé pour faire 300 pages...)), mais cette BD contient tout ce qu'il faut pour dresser un panorama complet, donc pour "aider" les Victimes potentielles, même si à mon sens, elle n'insiste pas assez sur certains aspects de ce qu'il faut bien appeler une maladie mentale. Mais je pinaille, sans doute parce que j'ai été concerné au premier chef.
Tant pis pour l'amour (j'adore la couverture, très marrante) constitue donc une très bonne base pour aller plus loin car tout ce qui est dit est attesté par les spécialistes du sujet. Je pense qu'il est important de le souligner.
Il y a eu un avant, et avant cela, un autre encore. Qu’importe désormais.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2023. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, les dessins, et la nouvelle, et par Sébastien Gérard pour la mise en couleurs. Il comprend environ cent-cinquante pages de récit, la majeure partie en bande dessinée, le chapitre quatre étant une nouvelle illustrée. Il débute avec une introduction d’une page de Bec, et une préface de deux pages, rédigée par Numa Sadoul.
Les frontières irréelles. Quelque part sur un plateau enneigé dans une haute chaîne de montagne. Personne aujourd’hui ne se souvient si le pire s’était produit une ou plusieurs fois. Combien d’apocalypse au juste ? Les souvenirs de cette époque ancienne se sont dissipés dans les brumes du temps. On sait seulement que de grands cataclysmes ont soumis la planète à de terribles et interminables hivers auxquels l’humanité n’a survécu qu’in extremis. Cela fait combien de temps ? Cent ans, mille ans peut-être…. Que les survivants naviguent à vue, qu’ils errent dans la solitude infinie de ce crépuscule, de ce monde mort… Vestige tumoral du suicide auxquels leurs ancêtres les ont condamnés. Ils ne font que surnager dans ces étendues vierges où il n’y a rien à relever, à contempler, à cartographier… sinon ces sites abandonnés, figés, pris dans les glaces. Ici dans ces montagnes perdues, tout n’est que désolation. Une petite troupe d’hommes chaudement habillés progresse précautionneusement dans la neige. Deux drones les survolent : ils continuent d’avancer. À la nuit tombante, l’un d’eux arrive devant la masse imposante d’un complexe militaire à l’abandon dans la haute montagne.
Hors zone. Mille ongles tailladent leurs chairs… Ils errent tels des carcasses vides, des morts en mouvement qui naviguent à vue dans ce long hiver d’apocalypse. L’odeur de mort flotte dans un air glacial. Ils arpentent cette Terre à la recherche de vestige de cette histoire oubliée. De cette ignorance, qui est comme un ongle incarné dans la chair, sont nés les fantasmes les plus absurdes. Ils abordent de nouvelles ruines, à flanc de montagne. Leur taille est cyclopéenne, leur structure insensée, entités tutélaires du monde d’avant. Les décombres de ces édifices ne forment que le reflet des désirs de grandeur et domination des peuples. Ont-ils été punis ? Maudits jusqu’à la millième génération ? La vérité, c’est qu’un vestige n’est que le rebut fragmentaire d’une civilisation, le fantôme d’un lieu aberrant et malsain, érigé et scellé sur des montagnes de cadavres. À cette hauteur, cette altitude qui fait suffoquer et donne la nausée, ils ressentent plus fortement encore dans leurs chairs le vide, prélude à leur inéluctable fin. Il y a eu un avant, et avant cela, un autre encore. Qu’importe désormais. Ils contemplent l’horizon au seuil de la nuit. Ils comprennent qu’ils ne seront l’avant de personne. D’autres silhouettes, d’autres pantins hallucinés croisent leur route, d’autres carcasses épuisées, suffocantes, en mal d’errance. Certains s’égarent, d’autres luttent… mais la vérité est qu’ils font tous naufrage.
Indubitablement une bande dessinée qui sort de l’ordinaire. Par son format déjà : 25,6 centimètres par 34 centimètres, une belle taille. Ensuite par son mode narratif. Trois illustrations en quadruple page, c’est-à-dire qu’il faut déplier la plage de gauche, puis déplier la page de droite qui forment alors un unique dessin sur quatre pages en vis-à-vis. Dans le même ordre d’idée, le lecteur découvre douze illustrations en pleine page, et deux illustrations en double page. Ainsi qu’une dizaine de compositions en double page, composées de plusieurs scènes entremêlées sans bordure. Dans le dernier chapitre, il découvre une séquence de dix-huit pages, chacune construite sur la base de trois cases de la largeur de la page, une ode aux paysages et la vie sauvage de la Terre. Le bédéiste privilégie donc les grandes cases et les pages aérées, relevant parfois du texte illustré. Le récit se compose de cinq chapitres : Les frontières irréelles, Hors zone, L’enfant bleu, Métal hurlant, Terra. En entamant le quatrième chapitre, le lecteur constate qu’il prend la forme d’une courte nouvelle, un texte illustré de plusieurs images, certaines de petites tailles, d’autres occupant plus des deux tiers de la page, certaines en couleurs, certaines en noir & blanc. À l’évidence, l’auteur a joui d’une grande liberté dans la construction et la forme de son récit, et il a mis cette liberté à profit pour raconter son histoire comme il l’entend, de la manière la plus adaptée.
À la lecture, l’histoire s’avère simple et facile d’accès, avec une dimension spectaculaire très impressionnante. La fin du monde s’est produite, et peut-être même à plusieurs reprises. L’humanité continue de s’entretuer dans la défiance, avec peut-être la chimère d’un enfant bleu qui détiendrait un savoir salvateur. Et voilà. Le premier chapitre s’apparente à un constat qui se conclut par la certitude que tout n’est que désolation. Au travers de ce ces treize pages, le lecteur voit des hommes burinés et usés par un climat rude, progresser péniblement dans des montagnes inhospitalières, les écrasant par leur gigantisme et leur immuabilité. Dans le deuxième chapitre, les prises de vue alternent les minuscules silhouettes d’êtres humains dominées par les montagnes, et des plans plus rapprochés qui confirment que tous les individus portent la marque des épreuves qu’ils ont affrontées, des coups du sort qu’ils ont subis. Ce passage se termine par quatre pages de bande dessinée traditionnelle : des cases alignées, avec de brefs cartouches de texte, sans phylactère, sans dialogues ou paroles échangées, insistant encore sur l’isolement de chacun, voire l’inutilité de chercher à communiquer. Le texte développe la coupure irrémédiable de l’humanité avec son passé : une civilisation détruite qu’elle se retrouve incapable de déchiffrer de comprendre.
Le troisième chapitre est intitulé L’enfant bleu : un homme a entrepris une marche en solitaire pour trouver cet enfant bleu et apprendre ce qu’il a à enseigner ou à révéler. Au cours de sa lente progression, il pense à l’organisation sociale de sa petite communauté ; la narration visuelle conserve la forme de cases alignées en bande, rapprochant le lecteur de cet homme. Une fois devant l’enfant, il reçoit des images de l’évolution de l’humanité depuis son berceau jusqu’au temps présent, une dizaine de pages, des images accolées dans une construction en double page, sans bordure de case, une forme d’inéluctabilité, chaque fait, chaque événement s’interpénétrant avec les autres. Changement de forme pour le chapitre quatre : une nouvelle en texte, avec des illustrations, pour raconter la guerre du clan de Nevé contre le clan des Drones, une forme narrative moins incarnée, déshumanisée comme cet affrontement meurtrier. Dernière chapitre, Terra, la séquence principale est composée de dix-huit pages comportant chacune trois cases de la largeur de la page pour célébrer la richesse de la biodiversité, ce trésor du passé.
A priori, le lecteur peut être un peu intimidé, voire réticent, à se lancer dans ces grandes pages, craignant d’affronter des textes déconnectés des images ou intellectuels, d’avoir du mal à suivre le lien logique d’une page à l’autre, et pire encore pour un lecteur de bande dessinée devoir lire du texte (la nouvelle du chapitre quatre intitulé Métal Hurlant), même si elle est agrémentée d’illustrations. Dans les faits, l’expérience de lecture s’avère d’une grande facilité, d’une simplicité évidente. Il peut même éprouver la sensation d’un récit trop simple, d’images qui se contentent d’esquisser des flancs de montagne en alternance avec des ruines de complexes militaires, et quelques silhouettes humaines sans personnalité. Il sourit alors en repensant à l’introduction de l’auteur. Celui-ci explique que : Ce livre est né d’une double volonté, d’une part celle de renouer avec une bande dessinée qui tend sans doute à disparaître aujourd’hui, caractérisée par une certaine idée de la démesure graphique, d’autre part, celle de se confronter aux œuvres de ces immenses auteurs que sont Philippe Druillet, Enki Bilal, Mœbius ou autres Philippe Caza, cela bien évidemment à l’échelle de ses possibilités, de ses limites, en gardant ces sommets inatteignables comme autant de phares qui guident dans la nuit. Le lecteur se dit en son for intérieur qu’en effet la démesure graphique est bien présente, et que ces sommets sont inatteignables.
En même temps, la narration révèle une véritable honnêteté de la part de l’auteur. Nulle trace de prétention, tout en mettant à profit la liberté éditoriale dont il jouit. Chaque case, chaque page, chaque illustration a été peaufinée : les éléments représentés dans le menu détail, les parties de décors plus esquissées pour être évocateurs, la présence incontournable de la montagne, la sensation de fin d’humanité au travers des constats. Le tout fait preuve d’une cohérence parfaite, et se trouve enrichi ou consolidé par les différents modes narratifs. Derrière les phrases simples et les dessins premier degré, le lecteur perçoit une démarche littéraire, un travail sur la forme. Il accepte bien volontiers de consentir la suspension d’incrédulité nécessaire aux conventions propres à cette branche de l’anticipation : ne pas trop s’interroger sur les sources de nourriture, sur l’absence de soins médicaux, sur le choix de vivre dans un milieu inhospitalier, sur les outils technologiques qui fonctionnent encore parfaitement malgré l’absence de maintenance ou de source d’énergie, etc. Dans les chapitres trois et quatre, il ressent que l’auteur se livre à une profession de foi sur ses convictions intimes quant à l’humanité et son comportement, au travers de son histoire condensée et extrapolée, puis le contraste avec la richesse des paysages terrestres et de leur faune. Le thème de la tendance aggravée à l’autodestruction par la race humaine n’est pas neuf, et ce constat est effectuée par un auteur adulte, sans illusion, et s’étant débarrassé de la tentation facile de noircir le tableau. Son point de vue a dépassé les stades du déni, de la colère, de la négociation, de la dépression, avec un état d’esprit dans l'acceptation, ce qui peut être encore plus difficile de vivre avec, que la simple résignation.
Un très grand format de bande dessinée, une narration protéiforme qui peut faire craindre une approche intellectuelle dans le mauvais sens du terme. Une expérience de lecture qui permet de savourer l’implication totale de l’auteur, son humilité et son savoir-faire. Le lecteur éprouve les sensations de ces hommes coupés du passé de la civilisation humaine, vivant tant bien que mal dans un environnement peu propice à la vie humaine, sans passé et privé d’avenir. Un terrible constat : même si l’individu est combatif et constructif, il ne peut pas échapper aux conséquences de son appartenance à l’humanité si destructive, à l’ego hors de contrôle jusqu’à l’aveuglement total.
Un roman graphique sympathique, mais qui ne m'a pas trop marqué.
On suit trois couples d'âges différents ainsi que des animaux qui observent les humains et commentent les situations. Je pense que ce sont surtout les scènes avec les animaux que j'aime parce qu'ils ont des dialogues savoureux et leurs visions des humains est intéressante. Les tranches de vies avec les humains ne m'ont pas vraiment touché. Ça se laisse lire sans problème, mais comme je l'ai déjà écrit c'est une lecture qui ne m'a pas trop marqué. C'est le genre de BD que je lis une fois sans problème et il y a rien qui me donne envie de le relire un jour.
Encore une fois, le trait de Nicoby est agréable et c'est le style de dessin humoristique qui va très bien pour ce type de récit.
Voila une BD qui m'a pris par surprise. C'est encore une fois une histoire bien écrite, un commentaire pertinent et une BD bien menée d'un bout à l'autre. Le genre qui m'intéresse, surtout quand on tombe dessus sans trop s'attendre à grand chose.
Je ne connais pas le festival de Altamont, même si j'avais déjà entendu parler des répliques que le séisme de Woodstock a provoqué (dont celui de 99 qui semble avoir été le même genre de festival problématique ...). Les festivals de musique en période hippie font bien rêver aujourd'hui, pourtant ça semble bien différent de l'intérieur. Les auteurs utilisent un artifice classique pour le faire découvrir, mais je le trouve toujours aussi efficace : un groupe d'amis qu'on découvre au fur et à mesure, chacun représentant une tendance de la jeunesse de cette époque.
C'est assez clair que les auteurs n'ont pas le mouvement hippie en odeur de sainteté, mais font clairement le distinguo entre les hippies et le mouvement. Les hippies, c'est des individus pris dans des problématiques réelles entre la guerre au Vietnam, l'envie de liberté, les droits civiques, la nécessité de se construire dans un monde qui ne plait plus. Le mouvement c'est sex, drugs et rock'n roll, parodié en festival devenu pharmacie à ciel ouvert, musique protégé par des Hell's Angels et sexualité libre pas toujours très clean. Pas étonnant que des gens de ce mouvement soit finalement tombés dans bien des travers ...
La BD réussit à nous faire cette opposition entre les personnages et leurs idéaux en montrant comment Altamont est devenu symbole d'un échec, celui d'un espoir déçu, alors que nos protagonistes sont attachants et même touchants. Leur bêtise va de pair avec leur soif de liberté, de vie nouvelle, la peur de la guerre (et du nucléaire), la volonté d'un monde meilleur. L'individu et la société, encore une fois !
Ce que j'ai apprécié, c'est que la BD reste tendue comme un arc dès son ouverture. Un groupe se rend en festival, on le découvre en chemin. Et en chemin ils rencontrent ... l'ancien monde, les parents, les amis, les hippies. Chaque rencontre est une possibilité de comprendre les personnages et les enjeux, mais progressivement se noue aussi la tension. Que va-t-il se passer ? Quelque chose d'énorme semble se préparer, le chemin est lent, la progression est mesurée ... Et lorsque le festival arrive enfin sur une quadruple page, on sent que ça bascule. Mais pas là où l'on pensait arriver.
La BD joue sur cette tension jusqu'à la fin, l'épilogue restant violent et noir, mais apportant aussi une question finale qui donne une dimension dramatique nouvelle à l'ensemble. Comme un point d'orgue, elle permet de repenser ce festival au-delà de ce qu'il fut. Et je trouve que cette dernière question est une des meilleures fins possibles pour ce genre de BD.
Clairement, j'ai apprécié. Le dessin de Adlard passe très bien, il est maitrisé et on ne peux que constater les idées visuelles qui parsèment l'ouvrage. C'est lourd, sombre, ça interroge et ça laisse songeur. Le genre de BD qui parle de nombreux sujets tout en faisant réfléchir à une époque, et par là-même à notre monde. Franchement, une vraie réussite.
Un Winshluss que je qualifierai de très mineur, je lui mets même la moyenne un peu à l’arrache.
Je n’ai lu que le 1er tome mais pas plus emballé que ça pour découvrir la suite. Les aventures de Wizz et Buzz, à quelque exceptions toutefois, m’ont globalement laissé de marbre.
Je suis sans doute devenu trop exigeant avec cet auteur, l’ayant découvert avec ses pépites.
Je le préfère dans d’autres exercices, ici le résultat, sans être mauvais, m’a paru trop fanzine et sans grande portée.
Lauffray s’était déjà essayé aux pirates avec Long John Silver, il récidive dans le genre mais seul à la barre cette fois.
Il propose du divertissement bien fait mais il manque la petite étincelle pour emporter pleinement. A mes yeux, c’est moins réussi que sa précédente incursion, le ton est un peu plus fun ici.
Le graphisme suit toujours, l’auteur possède une patte, un style et une mise en scène un peu grandiloquent mais appréciable.
Niveau histoire, c’est plus classique et sans réelle surprise, ce qui modère mon enthousiasme. Le héros est sympa mais ne me touche pas.
Du blockbuster bien réalisé, vous passerez un bon moment mais pas très marquant.
———————————————————
Petite mise à jour après découverte du dernier tome :
Je reste globalement sur le même ressenti mais ça n’enlève en rien la bonne exécution de l’ouvrage.
J’ai trouvé cette dernière ligne droite appliquée et la fin m’a satisfait.
Lauffray envoie du lourd sur certaines planches (les doubles généralement ;) et ne sacrifie pas son récit, le tome possède une juste pagination pour clore en beauté. De la bonne aventure !
Si 2eme cycle il y a, je lirais de bon cœur. On s’attache finalement bien à ce petit monde.
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Night Café - My sweet knights
La série m’avait été vendue comme « un genre de shojo mais destiné à un public plus adulte ». En fait, c’est un shojo dans lequel l’idée de relations sexuelles est évoquée. Et donc, en gros, ça ne diffère pas d’un autre shojo. On retrouve donc tous les principes du genre avec beaucoup de bons sentiments des beaux mâles ténébreux, une héroïne toute mimi dans ses hésitations, des phrases étirées sur trois pages, un dessin centré sur les personnages et une fin que l’on voit venir de loin (voire de très très très très très très très très loin). L'histoire ? Une jeune veuve hérite d'un café un peu particulier puisqu'il n'emploie que des jeunes hommes et vise une clientèle féminine. Bien entendu, une idylle va se former entre elle et un de ses employés (dans lequel elle a reconnu une ancienne étoile montante du tennis international, qui avait mystérieusement fui les courts). Le fil du récit bascule ainsi entre cette histoire d'amour et la découverte du passé des différents personnages. Le ton est léger avec quelques petites pointes d'humour mais surtout romantique avec les tergiversations de l'héroïne, tiraillée entre son envie de rester fidèle à son défunt mari et son attirance pour ce beau et ténébreux serveur. Ce n’est pas déplaisant à lire. Ce n’est juste pas novateur ni spécialement ma tasse de thé. Le seul point que j’en retiens est ce concept de cafés destinés à une clientèle féminine dont le personnel est composé de beaux jeunes hommes, un concept qui semble réellement exister au Japon, pays dans lequel existe aussi sa version « pour homme » avec un personnel uniquement composé de jeunes et jolie femmes. Sinon, bein bof, quoi.
La Machine à détruire - Pourquoi il faut en finir avec la finance
Voilà un travail que j’ai trouvé excellent sur le fond et sur la forme. Certes, c’est parfois un peu ardu, c’est très dense et il faut s’enfiler un certain nombre de termes techniques, de connaissances économiques et d’organisation des marchés financiers et bancaires. Mais la narration est très fluide et claire. C’est d’abord dû au dessin de Jérémy Van Houtte, qui aère la démonstration tout en la rendant agréable et lire. C’est aussi dû bien sûr au très gros travail en amont (c’est du blindé en matière de connaissances exposées, et l’imposante bibliographie de fin de volume confirme ce travail préparatoire, et surtout confirme que les auteurs souhaitent que leurs lecteurs aillent plus loin). Les rouages du système financier libéral – et plus largement du capitalisme financier actuel – sont bien mis en avant, avec les mécanismes qui font transiter l’argent – y compris public – jusqu’au actionnaires, dans un « ruissellement » inversé, mais aussi bien plus réel que celui annoncé par nos dirigeants depuis des décennies. C’est à la fois limpide et écœurant. Mais on ne se contente pas de constater, puisque les dernières pages énumèrent un certain nombre de pistes pour remédier à ce creusement des inégalités au profit d’une minorité (qui plus est responsable d’autres maux, comme la pollution, le réchauffement climatique et quelques conflits). Avec une présentation intéressante de la convergence des luttes. L’action des lobbies, des institutions européennes, le fonctionnement des banques, l’hypocrisie des « décideurs » (voir « mon ennemi c’est la finance » de Hollande !), tout ceci n’est certes pas réjouissant. Et les auteurs montrent bien comment toutes les luttes tendant à remettre en cause cet ordre établi par et pour un petit nombre sont dénigrées dans les médias, et sévèrement réprimées (voir les dernières années en France, avec les Gilets jaunes en particulier). Mais il se dégage à la fin un sentiment qu’il est possible de faire changer la donne. Une lecture exigeante, mais instructive, jamais rébarbative ni sentencieuse, avec un ton léger. Bref, un documentaire à lire, pour nourrir réflexion, et éventuellement action.
Impénétrable
BD sur la sexualité féminine, écrite par une jeune femme, sans le voyeurisme hypersexualisé qu'aurait pu ajouter bien des auteurs masculins et dont sont coutumiers des pans entiers de l'édition contemporaine. Ce bon point noté, le chaleureux style rond des illustrations (à la Larcenet) goûté, demeure une BD excessivement ethnocentrée (revers des récits autobiographiques) décrivant une tranche de vie d'une grande banalité hormis sur cet aspect du vaginisme. Pour qu'une tranche de vie plaise, plus encore que l'originalité des situations, il importe que les personnages soient sympathiques au lecteur ; ce qui ne fut dans mon cas pas constaté : l'égoïsme de la plupart des protagonistes et la laideur sentimentale de quelques situations racontées, m'ont empêché d'apprécier ce récit à la sincérité incarnée mais non touchante. La froideur s'est propagée au lecteur.
Amour, sexe et Terre Promise - Reportage en Israël et Palestine
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec cette BD-ci, si l'accent était mis sur les romances ou sur la religion et le conflit. En fait, il s'agit d'un documentaire choisissant une approche sentimentale pour évoquer le poids des religions dans des familles et sociétés très conservatrices, questionner l'acceptation de l'hypothèse des couples mixtes (dans le cas présent entre israéliens et palestiniens) pour évoquer l'impact du conflit sur le rapport à l'étranger, voire sur l'antisémitisme et l'islamophobie. La BD n'hésite pas à présenter le travail de l'enquêtrice en lui-même : la prise de rendez-vous avec les interviewés, le trajet d'une ville à l'autre, la construction de l'ensemble, etc. Cela permet d'évoquer la vie à Gaza ou dans certains quartiers favorisés d’Israël, de se rendre compte de la militarisation de la frontière, etc. L'ensemble fourmille de petites anecdotes qui permettent de réellement intégrer le poids de la religion et du conflit sur la vie des uns et des autres, de nous familiariser avec ces sociétés fort éloignées de la nôtre, avec le revers de parfois tomber dans l'anecdotique ou le fastidieux, la pertinence de certains faits racontés et l'intérêt qu'ils suscitent n'étant pas toujours au diapason des enjeux. Une bonne idée donc, qui vire ici ou là à la fausse bonne idée. Cette BD demeure un contre-point original, mais est loin de suffire au lecteur désireux par ce biais d'appréhender le conflit. Cette BD ayant été conçue juste avant les attaques du 7 octobre 23 (mais avec une parution postérieure), la question de sa péremption se pose immédiatement. L'originalité de l'approche lui permet de l'éviter en partie, en partie seulement.
Tant pis pour l'amour, ou comment j'ai survécu à un manipulateur
Moi aussi, j'ai trouvé ça très bien. Brièvement, je me suis intéressé à cette BD parce qu'il y a une dizaine d'années, je me suis retrouvé dans une situation assez similaire à celle de l'autrice (et puis aussi elle est comme moi native de Besançon. Bezak represent !). Moi aussi, une fois tiré d'affaire, c'est à dire tiré des griffes de la manipulatrice, j'ai épluché toute la littérature sur le sujet, dont Paul-Claude Racamier (que Sophie Lambda cite), le premier à avoir identifié et théorisé le syndrome de la perversion narcissique, lui aussi natif de Besançon (yeah !). Et moi aussi, je me suis retrouvé dans le même état de sidération une fois découvert le pot-aux-roses. C'est comme un puzzle qui s'assemble d'un coup et fait soudain pleinement sens ! Donc oui, je peux en attester : tout ce que raconte Sophie est juste et bien vu. De plus, elle fait preuve d'un recul admirable, d'un certain sens de l'autodérision, ainsi que d'un humour remarquable (mais surtout drôle, tout ce qu'on demande à l'humour). En outre, elle accompagne tout cela d'un langage assez fleuri. Bon, le dessin est cool, même si ce n'est pas le gros gros kif, et ça traine parfois en longueur avec quelques redites (dans les vingt dernières pages essentiellement - mais elle l'avoue elle-même : son éditeur l'a payé pour faire 300 pages...)), mais cette BD contient tout ce qu'il faut pour dresser un panorama complet, donc pour "aider" les Victimes potentielles, même si à mon sens, elle n'insiste pas assez sur certains aspects de ce qu'il faut bien appeler une maladie mentale. Mais je pinaille, sans doute parce que j'ai été concerné au premier chef. Tant pis pour l'amour (j'adore la couverture, très marrante) constitue donc une très bonne base pour aller plus loin car tout ce qui est dit est attesté par les spécialistes du sujet. Je pense qu'il est important de le souligner.
Inexistences
Il y a eu un avant, et avant cela, un autre encore. Qu’importe désormais. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2023. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, les dessins, et la nouvelle, et par Sébastien Gérard pour la mise en couleurs. Il comprend environ cent-cinquante pages de récit, la majeure partie en bande dessinée, le chapitre quatre étant une nouvelle illustrée. Il débute avec une introduction d’une page de Bec, et une préface de deux pages, rédigée par Numa Sadoul. Les frontières irréelles. Quelque part sur un plateau enneigé dans une haute chaîne de montagne. Personne aujourd’hui ne se souvient si le pire s’était produit une ou plusieurs fois. Combien d’apocalypse au juste ? Les souvenirs de cette époque ancienne se sont dissipés dans les brumes du temps. On sait seulement que de grands cataclysmes ont soumis la planète à de terribles et interminables hivers auxquels l’humanité n’a survécu qu’in extremis. Cela fait combien de temps ? Cent ans, mille ans peut-être…. Que les survivants naviguent à vue, qu’ils errent dans la solitude infinie de ce crépuscule, de ce monde mort… Vestige tumoral du suicide auxquels leurs ancêtres les ont condamnés. Ils ne font que surnager dans ces étendues vierges où il n’y a rien à relever, à contempler, à cartographier… sinon ces sites abandonnés, figés, pris dans les glaces. Ici dans ces montagnes perdues, tout n’est que désolation. Une petite troupe d’hommes chaudement habillés progresse précautionneusement dans la neige. Deux drones les survolent : ils continuent d’avancer. À la nuit tombante, l’un d’eux arrive devant la masse imposante d’un complexe militaire à l’abandon dans la haute montagne. Hors zone. Mille ongles tailladent leurs chairs… Ils errent tels des carcasses vides, des morts en mouvement qui naviguent à vue dans ce long hiver d’apocalypse. L’odeur de mort flotte dans un air glacial. Ils arpentent cette Terre à la recherche de vestige de cette histoire oubliée. De cette ignorance, qui est comme un ongle incarné dans la chair, sont nés les fantasmes les plus absurdes. Ils abordent de nouvelles ruines, à flanc de montagne. Leur taille est cyclopéenne, leur structure insensée, entités tutélaires du monde d’avant. Les décombres de ces édifices ne forment que le reflet des désirs de grandeur et domination des peuples. Ont-ils été punis ? Maudits jusqu’à la millième génération ? La vérité, c’est qu’un vestige n’est que le rebut fragmentaire d’une civilisation, le fantôme d’un lieu aberrant et malsain, érigé et scellé sur des montagnes de cadavres. À cette hauteur, cette altitude qui fait suffoquer et donne la nausée, ils ressentent plus fortement encore dans leurs chairs le vide, prélude à leur inéluctable fin. Il y a eu un avant, et avant cela, un autre encore. Qu’importe désormais. Ils contemplent l’horizon au seuil de la nuit. Ils comprennent qu’ils ne seront l’avant de personne. D’autres silhouettes, d’autres pantins hallucinés croisent leur route, d’autres carcasses épuisées, suffocantes, en mal d’errance. Certains s’égarent, d’autres luttent… mais la vérité est qu’ils font tous naufrage. Indubitablement une bande dessinée qui sort de l’ordinaire. Par son format déjà : 25,6 centimètres par 34 centimètres, une belle taille. Ensuite par son mode narratif. Trois illustrations en quadruple page, c’est-à-dire qu’il faut déplier la plage de gauche, puis déplier la page de droite qui forment alors un unique dessin sur quatre pages en vis-à-vis. Dans le même ordre d’idée, le lecteur découvre douze illustrations en pleine page, et deux illustrations en double page. Ainsi qu’une dizaine de compositions en double page, composées de plusieurs scènes entremêlées sans bordure. Dans le dernier chapitre, il découvre une séquence de dix-huit pages, chacune construite sur la base de trois cases de la largeur de la page, une ode aux paysages et la vie sauvage de la Terre. Le bédéiste privilégie donc les grandes cases et les pages aérées, relevant parfois du texte illustré. Le récit se compose de cinq chapitres : Les frontières irréelles, Hors zone, L’enfant bleu, Métal hurlant, Terra. En entamant le quatrième chapitre, le lecteur constate qu’il prend la forme d’une courte nouvelle, un texte illustré de plusieurs images, certaines de petites tailles, d’autres occupant plus des deux tiers de la page, certaines en couleurs, certaines en noir & blanc. À l’évidence, l’auteur a joui d’une grande liberté dans la construction et la forme de son récit, et il a mis cette liberté à profit pour raconter son histoire comme il l’entend, de la manière la plus adaptée. À la lecture, l’histoire s’avère simple et facile d’accès, avec une dimension spectaculaire très impressionnante. La fin du monde s’est produite, et peut-être même à plusieurs reprises. L’humanité continue de s’entretuer dans la défiance, avec peut-être la chimère d’un enfant bleu qui détiendrait un savoir salvateur. Et voilà. Le premier chapitre s’apparente à un constat qui se conclut par la certitude que tout n’est que désolation. Au travers de ce ces treize pages, le lecteur voit des hommes burinés et usés par un climat rude, progresser péniblement dans des montagnes inhospitalières, les écrasant par leur gigantisme et leur immuabilité. Dans le deuxième chapitre, les prises de vue alternent les minuscules silhouettes d’êtres humains dominées par les montagnes, et des plans plus rapprochés qui confirment que tous les individus portent la marque des épreuves qu’ils ont affrontées, des coups du sort qu’ils ont subis. Ce passage se termine par quatre pages de bande dessinée traditionnelle : des cases alignées, avec de brefs cartouches de texte, sans phylactère, sans dialogues ou paroles échangées, insistant encore sur l’isolement de chacun, voire l’inutilité de chercher à communiquer. Le texte développe la coupure irrémédiable de l’humanité avec son passé : une civilisation détruite qu’elle se retrouve incapable de déchiffrer de comprendre. Le troisième chapitre est intitulé L’enfant bleu : un homme a entrepris une marche en solitaire pour trouver cet enfant bleu et apprendre ce qu’il a à enseigner ou à révéler. Au cours de sa lente progression, il pense à l’organisation sociale de sa petite communauté ; la narration visuelle conserve la forme de cases alignées en bande, rapprochant le lecteur de cet homme. Une fois devant l’enfant, il reçoit des images de l’évolution de l’humanité depuis son berceau jusqu’au temps présent, une dizaine de pages, des images accolées dans une construction en double page, sans bordure de case, une forme d’inéluctabilité, chaque fait, chaque événement s’interpénétrant avec les autres. Changement de forme pour le chapitre quatre : une nouvelle en texte, avec des illustrations, pour raconter la guerre du clan de Nevé contre le clan des Drones, une forme narrative moins incarnée, déshumanisée comme cet affrontement meurtrier. Dernière chapitre, Terra, la séquence principale est composée de dix-huit pages comportant chacune trois cases de la largeur de la page pour célébrer la richesse de la biodiversité, ce trésor du passé. A priori, le lecteur peut être un peu intimidé, voire réticent, à se lancer dans ces grandes pages, craignant d’affronter des textes déconnectés des images ou intellectuels, d’avoir du mal à suivre le lien logique d’une page à l’autre, et pire encore pour un lecteur de bande dessinée devoir lire du texte (la nouvelle du chapitre quatre intitulé Métal Hurlant), même si elle est agrémentée d’illustrations. Dans les faits, l’expérience de lecture s’avère d’une grande facilité, d’une simplicité évidente. Il peut même éprouver la sensation d’un récit trop simple, d’images qui se contentent d’esquisser des flancs de montagne en alternance avec des ruines de complexes militaires, et quelques silhouettes humaines sans personnalité. Il sourit alors en repensant à l’introduction de l’auteur. Celui-ci explique que : Ce livre est né d’une double volonté, d’une part celle de renouer avec une bande dessinée qui tend sans doute à disparaître aujourd’hui, caractérisée par une certaine idée de la démesure graphique, d’autre part, celle de se confronter aux œuvres de ces immenses auteurs que sont Philippe Druillet, Enki Bilal, Mœbius ou autres Philippe Caza, cela bien évidemment à l’échelle de ses possibilités, de ses limites, en gardant ces sommets inatteignables comme autant de phares qui guident dans la nuit. Le lecteur se dit en son for intérieur qu’en effet la démesure graphique est bien présente, et que ces sommets sont inatteignables. En même temps, la narration révèle une véritable honnêteté de la part de l’auteur. Nulle trace de prétention, tout en mettant à profit la liberté éditoriale dont il jouit. Chaque case, chaque page, chaque illustration a été peaufinée : les éléments représentés dans le menu détail, les parties de décors plus esquissées pour être évocateurs, la présence incontournable de la montagne, la sensation de fin d’humanité au travers des constats. Le tout fait preuve d’une cohérence parfaite, et se trouve enrichi ou consolidé par les différents modes narratifs. Derrière les phrases simples et les dessins premier degré, le lecteur perçoit une démarche littéraire, un travail sur la forme. Il accepte bien volontiers de consentir la suspension d’incrédulité nécessaire aux conventions propres à cette branche de l’anticipation : ne pas trop s’interroger sur les sources de nourriture, sur l’absence de soins médicaux, sur le choix de vivre dans un milieu inhospitalier, sur les outils technologiques qui fonctionnent encore parfaitement malgré l’absence de maintenance ou de source d’énergie, etc. Dans les chapitres trois et quatre, il ressent que l’auteur se livre à une profession de foi sur ses convictions intimes quant à l’humanité et son comportement, au travers de son histoire condensée et extrapolée, puis le contraste avec la richesse des paysages terrestres et de leur faune. Le thème de la tendance aggravée à l’autodestruction par la race humaine n’est pas neuf, et ce constat est effectuée par un auteur adulte, sans illusion, et s’étant débarrassé de la tentation facile de noircir le tableau. Son point de vue a dépassé les stades du déni, de la colère, de la négociation, de la dépression, avec un état d’esprit dans l'acceptation, ce qui peut être encore plus difficile de vivre avec, que la simple résignation. Un très grand format de bande dessinée, une narration protéiforme qui peut faire craindre une approche intellectuelle dans le mauvais sens du terme. Une expérience de lecture qui permet de savourer l’implication totale de l’auteur, son humilité et son savoir-faire. Le lecteur éprouve les sensations de ces hommes coupés du passé de la civilisation humaine, vivant tant bien que mal dans un environnement peu propice à la vie humaine, sans passé et privé d’avenir. Un terrible constat : même si l’individu est combatif et constructif, il ne peut pas échapper aux conséquences de son appartenance à l’humanité si destructive, à l’ego hors de contrôle jusqu’à l’aveuglement total.
Nos rives partagées
Un roman graphique sympathique, mais qui ne m'a pas trop marqué. On suit trois couples d'âges différents ainsi que des animaux qui observent les humains et commentent les situations. Je pense que ce sont surtout les scènes avec les animaux que j'aime parce qu'ils ont des dialogues savoureux et leurs visions des humains est intéressante. Les tranches de vies avec les humains ne m'ont pas vraiment touché. Ça se laisse lire sans problème, mais comme je l'ai déjà écrit c'est une lecture qui ne m'a pas trop marqué. C'est le genre de BD que je lis une fois sans problème et il y a rien qui me donne envie de le relire un jour. Encore une fois, le trait de Nicoby est agréable et c'est le style de dessin humoristique qui va très bien pour ce type de récit.
Altamont
Voila une BD qui m'a pris par surprise. C'est encore une fois une histoire bien écrite, un commentaire pertinent et une BD bien menée d'un bout à l'autre. Le genre qui m'intéresse, surtout quand on tombe dessus sans trop s'attendre à grand chose. Je ne connais pas le festival de Altamont, même si j'avais déjà entendu parler des répliques que le séisme de Woodstock a provoqué (dont celui de 99 qui semble avoir été le même genre de festival problématique ...). Les festivals de musique en période hippie font bien rêver aujourd'hui, pourtant ça semble bien différent de l'intérieur. Les auteurs utilisent un artifice classique pour le faire découvrir, mais je le trouve toujours aussi efficace : un groupe d'amis qu'on découvre au fur et à mesure, chacun représentant une tendance de la jeunesse de cette époque. C'est assez clair que les auteurs n'ont pas le mouvement hippie en odeur de sainteté, mais font clairement le distinguo entre les hippies et le mouvement. Les hippies, c'est des individus pris dans des problématiques réelles entre la guerre au Vietnam, l'envie de liberté, les droits civiques, la nécessité de se construire dans un monde qui ne plait plus. Le mouvement c'est sex, drugs et rock'n roll, parodié en festival devenu pharmacie à ciel ouvert, musique protégé par des Hell's Angels et sexualité libre pas toujours très clean. Pas étonnant que des gens de ce mouvement soit finalement tombés dans bien des travers ... La BD réussit à nous faire cette opposition entre les personnages et leurs idéaux en montrant comment Altamont est devenu symbole d'un échec, celui d'un espoir déçu, alors que nos protagonistes sont attachants et même touchants. Leur bêtise va de pair avec leur soif de liberté, de vie nouvelle, la peur de la guerre (et du nucléaire), la volonté d'un monde meilleur. L'individu et la société, encore une fois ! Ce que j'ai apprécié, c'est que la BD reste tendue comme un arc dès son ouverture. Un groupe se rend en festival, on le découvre en chemin. Et en chemin ils rencontrent ... l'ancien monde, les parents, les amis, les hippies. Chaque rencontre est une possibilité de comprendre les personnages et les enjeux, mais progressivement se noue aussi la tension. Que va-t-il se passer ? Quelque chose d'énorme semble se préparer, le chemin est lent, la progression est mesurée ... Et lorsque le festival arrive enfin sur une quadruple page, on sent que ça bascule. Mais pas là où l'on pensait arriver. La BD joue sur cette tension jusqu'à la fin, l'épilogue restant violent et noir, mais apportant aussi une question finale qui donne une dimension dramatique nouvelle à l'ensemble. Comme un point d'orgue, elle permet de repenser ce festival au-delà de ce qu'il fut. Et je trouve que cette dernière question est une des meilleures fins possibles pour ce genre de BD. Clairement, j'ai apprécié. Le dessin de Adlard passe très bien, il est maitrisé et on ne peux que constater les idées visuelles qui parsèment l'ouvrage. C'est lourd, sombre, ça interroge et ça laisse songeur. Le genre de BD qui parle de nombreux sujets tout en faisant réfléchir à une époque, et par là-même à notre monde. Franchement, une vraie réussite.
Wizz et Buzz
Un Winshluss que je qualifierai de très mineur, je lui mets même la moyenne un peu à l’arrache. Je n’ai lu que le 1er tome mais pas plus emballé que ça pour découvrir la suite. Les aventures de Wizz et Buzz, à quelque exceptions toutefois, m’ont globalement laissé de marbre. Je suis sans doute devenu trop exigeant avec cet auteur, l’ayant découvert avec ses pépites. Je le préfère dans d’autres exercices, ici le résultat, sans être mauvais, m’a paru trop fanzine et sans grande portée.
Raven
Lauffray s’était déjà essayé aux pirates avec Long John Silver, il récidive dans le genre mais seul à la barre cette fois. Il propose du divertissement bien fait mais il manque la petite étincelle pour emporter pleinement. A mes yeux, c’est moins réussi que sa précédente incursion, le ton est un peu plus fun ici. Le graphisme suit toujours, l’auteur possède une patte, un style et une mise en scène un peu grandiloquent mais appréciable. Niveau histoire, c’est plus classique et sans réelle surprise, ce qui modère mon enthousiasme. Le héros est sympa mais ne me touche pas. Du blockbuster bien réalisé, vous passerez un bon moment mais pas très marquant. ——————————————————— Petite mise à jour après découverte du dernier tome : Je reste globalement sur le même ressenti mais ça n’enlève en rien la bonne exécution de l’ouvrage. J’ai trouvé cette dernière ligne droite appliquée et la fin m’a satisfait. Lauffray envoie du lourd sur certaines planches (les doubles généralement ;) et ne sacrifie pas son récit, le tome possède une juste pagination pour clore en beauté. De la bonne aventure ! Si 2eme cycle il y a, je lirais de bon cœur. On s’attache finalement bien à ce petit monde.