Un bel album avec une couverture qui vous fait de l'oeil (ah non, ces derniers manquent à l'appel...), une brochette d'auteurs reconnus , tout cela ne pouvait que me motiver pour plonger dans ce recueils de courts récits illustrés par chacun quatre auteurs qui se mettent en scène pour revisiter les contes de la crypte !
Mais malheureusement, la magie n'a pas opéré. Si la mise en scène pour faire le lien entre ce quatre récits est plutôt sympathique (nos auteurs se mettent en scène pour présenter leur récit avec une fin assez truculente) tout ça est très inégal, vite expédié et manque cruellement de consistance pour certaines.
Le premier récit illustré par James Harren est assez ennuyeux et, personnellement, je ne suis pas fan de son dessin ; le 2e, "Le Kelpie" de Becky Cloonan est plutôt sympa (j'aime beaucoup son graphisme) mais trop court à mon goût ; le 3e, "La nuit du Jabberwock" de Mike Mignola est plus que décevant (on graphisme est toujours au rendez-vous, mais l'histoire inspirée d'une créature de Lewis Caroll est inintéressante au possible) ; enfin, Eric Powell nous propose "Le Cadeau du Major Courtenay", la plus intéressante et réussie de ces 4 nouvelles.
Bref, malgré une mise en scène originale, l'exercice des petits récits à plusieurs main laisse ce petit goût d'inégalité qui prévaut malheureusement trop souvent dans ce genre d'exercice. Le tout a franchement peiné à me convaincre. Dommage, car avec de telles signatures on aurait pu attendre plus convaincant.
Après l’épisode de la collection sept (Sept Dragons), je m’enquille une deuxième série fantasy avec des dragons. Une série plus ambitieuse, en tout cas plus « rallongée ». Chaque tome pouvant se lire séparément, j’ai emprunté les quatre premiers pour me faire une idée. Et j’en resterai là, car ça ne m’a pas captivé outre mesure.
D’abord, je n’aime pas lorsque les dessinateurs changent d’un album à l’autre (idem, à un degré moindre, pour la colorisation). Et en plus leurs styles diffèrent quelque peu, sont inégaux (je ne suis par exemple pas fan de celui de Briones, aux manettes dans les tomes 2 et 4).
Le premier tome était à l’évidence conçu comme un one-shot. Mais quelques temps plus tard, et après changement d’éditeur, Soleil, adepte de ce type de séries (voir les Arleston et consorts) a sans doute poussé à la reprise et à l’empilement de one-shots. Pourquoi pas ? Mais avec un dessinateur unique ça aurait été mieux (mais j’imagine que les changements peuvent permettre un rythme de sorties plus rapide !). Et il faut aussi que les scénaristes (le duo Ange) aient matière à suivre ce rythme.
Sur l’échantillon de la série que j’ai lu, j’ai trouvé l’ensemble inégal. Des bonnes idées de départ. Comme les différentes écoles de chevaliers dragons, les soeurs de la vengeance aux méthodes énigmatiques et destructrices pour les dragons, mais aussi pour toute la région « traitée ». Et ces dragons donc, différents, dont la présence dans une région y provoque des mutations (les hommes se transforment en bêtes féroces et s’entretuent), des destructions et des ravages de plus en plus importants, conséquence du « Veill ». Pour lutter contre ces dragons, une seule solution, envoyer les chevaliers dragons, qui ne peuvent être que des femmes vierges.
C’est là que j’ai commencé à tiquer. En effet, ça sent quand même le prétexte à multiplier les femmes dénudées, attifées de quelques lanières de cuir. Si le premier tome (one-shot au départ) évite de trop tomber dans ces clichés, le suivant par contre s’y complait, avec quelques scènes récurrentes et inutiles (dans les deux premiers tomes, deux chevaliers vont dans une taverne mal famée, sont assaillie par des mâles en rut, refusent de se faire peloter et tabassent tout le monde, quittant ensuite cette taverne sans que le lecteur ait compris ce qu’elles étaient venues y faire).
Et même après certaines scènes sont inutiles à part exhiber le corps (poitrine surtout, cuisses aussi) des chevaliers (voir dans le tome 3 Mara déchirant ses vêtements avant un combat – et elle n’en avait déjà pas trop !).
Les histoires sont inégales, avec certains passages étirant trop les bastons (voir tome 4), des scènes inutiles (voir remarques précédentes). Peut-être certains albums ultérieurs sont-ils de meilleure qualité. Mais je vais m’arrêter là. La série me semble rejoindre une foultitude de séries dont je ne suis pas le cœur de cible (chez Soleil ou ailleurs).
Tome 1 : 3/5
Tome 2 : 2/5
Tome 3 : 2,5/5
Tome 4 : 2/5 (vraiment pas aimé le dessin, qui se dégrade même vers la fin de l’album)
Voilà un bel album tout en sensibilité et en mélancolie. Le dessin est accompagné d'une colorisation aux tons peu variés, globalement assez sombre : noir, gris clair, gris foncé et quelques teintes de rouge... Triste ? comme cette histoire de frère et soeur, orphelins, séparés pendant la guerre. Mais malgré cette palette de couleurs monotone au premier abord, le dessin illumine bel et bien l'histoire.
La jeune fille va grandir, sans jamais cessé de penser à son frère. L'espoir de le retrouver l'anime sincèrement. Elle lui écrit de nombreuse lettres. Ce sont d'ailleurs ces correspondances qui racontent le récit, car, par ailleurs celui-ci est assez peu bavard. Au gré des lettres et des flashbacks on découvre la vie de ces deux jeunes enfants frappés par l'horreur de la guerre.
C'est poétique et mélancolique, et parfois le rythme est un peu lent, voire même assez mou. Mais si on aimerait que l'histoire avance un peu plus vite, c'est aussi parce qu'on est pressé d'en connaitre la fin... qu'est devenu le petit garçon ? Se retrouveront-il ? Et si on est pressé c'est bien qu'on s'est attaché aux personnages, que leur destinée ne laisse pas indifférent.
Un album qui se lit tout seul, le ton est juste, sensible, et le dessin sert de belle manière l'histoire.
Malgré ses prix, malgré sa note stratosphérique et malgré l'estime que j'ai pour le travail d'Emmanuel Lepage je me suis bien ennuyé à la lecture de son voyage en Terre Adélie. Comme Gaston je n'ai pas d'intérêt particulier pour les aventures en terres australes mais ce n'est pas ma réticence la plus importante sur la série.
Si j'en crois la page 7 la feuille de route qui justifie le voyage des frères est "de passer quelques jours à la base polaire de Dumont d'Urville" pour "partager la vie de la base, évoquer les programmes scientifiques qui y sont menés, les différents corps de métiers, la vie quotidienne…". J'ai du rater des pages car je n'ai rien vu de tout cela sauf quelques entretiens sur la mission d'un(e) ou deux scientifiques. En lieu et place de cet alléchant programme j'ai découvert un scénario qui se focalise sur la fratrie Lepage à travers ses états d'âmes avant le départ, puis un long passage sur le mal de mer et comment s'occuper sur "l'Astrolabe" ( avec les seuls entretiens intéressants) pour finir dans un road trip façon salaire de la peur encore centrée sur les deux frères novices. Pour rattraper le coup , la série propose un dossier (intéressant) sur Concordia qui ne justifie peut être pas à mes yeux cette mission.
La partie graphique est remarquable surtout quand Lepage se retrouve dans sa zone de prédilection remplie de navires, de houles, de tempêtes.
La partie portrait est un peu plus figée et la partie Raid et "tracteurs" bien construite sans que j'éprouve de tension comme pourrait m'en apporter un musher.
Pour finir, le vieil ex abonné de Géo n'a pas trouvé les photos exceptionnelles pour ce voyage lui exceptionnel.
Personnellement une déception car j'attendais un documentaire assez détaillé et j'ai surtout lu une chronique intimiste qui ne m'a pas séduit.
Mouais. Rares ont été les albums de cette collection à me satisfaire réellement. Et celui-ci n’y est pas parvenu non plus hélas.
Ça se laisse globalement lire, mais ça ne m’a jamais vraiment captivé. Le début est un peu poussif, l’ensemble est assez dense, mais le concept même empêche un réel développement des diverses personnalités. J’ai aussi trouvé que les parties « baston » contre les dragons occupaient trop de place.
Quant au dessin, il est inégal, pas toujours très précis. Mais les dragons sont réussis, diffèrent les uns des autres – les amateurs y trouveront leur compte sans doute.
Note réelle 2,5/5.
Cette série est toute de douceur. Je ne suis pas animal de compagnie mais j'ai apprécié la gentillesse de cette histoire. C'est assez loin du Guillaume Bianco au ton décalé et acerbe que j'ai lu par ailleurs. Je suis sur la même ligne que les deux avis précédents; pas trop d'innovation sur la thématique mais plutôt un travail sur l'imaginaire de Zoé dans sa relation avec Nunuche. Le T2 introduit une (légère) charge contre les animaleries proposant un parallèle avec les prisons du XVIIIème siècle via une Zoé baronne éprise de liberté. Cette idée enrichit bien le scénario et le graphisme puisqu'il implique une mise en couleur différente.
Le graphisme de Marie Kerascoët est très rafraichissant. Son trait fin, souple et joliment expressif apporte beaucoup à l'ambiance paisible et dynamique du récit. Les gags se lisent vite, ne cherchent pas spécialement l'humour mais plutôt une observation un peu nostalgique d'une vérité et d'une justice enfantine.
Une lecture agréable pour tous les âges qui touchera sûrement les possesseurs d'animaux.
Le dessin, c'est la vie.
-Ce tome est de nature autobiographique et peut être lu sans rien connaître de l’auteur. Thématiquement, il constitue un second volet après La synagogue paru en 2022. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins. La mise en couleurs a été réalisée par Brigitte Findakly.
La station s’appelle Auron. L’immeuble que le père de Joann a fait construire a pour nom L’étoile polaire. La mère de l’auteur est morte au chalet Le Megève. Joann apprend la mort de Serge Gainsbourg le 2 mars 1991, dans un téléphérique. Il est à Auron, la station de sports d’hiver où sa mère est morte dix-sept ans plus tôt. Il n’a pas su la mort de sa mère donc il pleure pour Serge Gainsbourg. De la même façon qu’on découvrira ses larmes pour Claude François. De l’un et l’autre il ne connaissait que des images filmées ou photographiées. C’est ça l’idolâtrie ? Il les dessine. Cap de Nice, allée Maeterlick, la famille Sfar vit au deuxième étage de cet immeuble, au-dessus de la mer, construit par son père. Joann croit que c’est sa mère qui a baptisé cette maison Le Chante Soleil. Le tout jeune Joann fait l’apprentissage de la propreté : il se trouve nu sur un pot sur le balcon, avec sa mère et une jeune fille au pair. Sa première œuvre ne fut ni un dessin ni une peinture mais plutôt une installation. Au sens où l’entend l’art moderne. L’artiste est nu sur un pot en train de pousser. Il tient à la main une coquillette crue. L’artiste, c’est lui. Maman le félicite, ainsi que la jeune fille au pair qui s’occupe de lui. On l’applaudit au sujet de cette capacité nouvelle à faire ses besoins sur commandes. Il se rappelle durant ce moment n’avoir d’intérêt que pour la pâte crue, ses courbes et son orifice. On s’en fout du caca. Ce qui est essentiel, c’est la coquillette.
À quarante ans, Joann Sfar se rend à des consultations dans le cabinet d’une pédopsychiatre. Il s’épanche au milieu de jouets sur un fauteuil d’enfant. Il évoque le souvenir du pot et de la coquillette : Ce fut la première où il éprouvait une joie semblable à celle qu’il ressent dans le dessin. C’est également, son premier souvenir conscient. Sa mère est morte quand il avait trois ans et demi. On lui a beaucoup répété que selon la science, il ne pouvait pas avoir de vrais souvenirs d’elle. Témoigner de l’événement de la coquillette, c’est affirmer que la science a tort et qu’il se rappelle très bien. Qu’il ne dessine pas, comme on lui a dit un jour, pour remplir des cases vides. Le manque et le vide, ce n’est pas pareil. Par association d’idées, il poursuit : Quand il mange, c’est sans fin, il n’est jamais rempli. Comme s’il ne s’apercevait pas qu’il existe un autre trou au bout de la coquillette. Le remplissage de cases blanches, il effectue parfois même les à-plats noirs à la plume fine. C’est satisfaisant. Mais c’est sans fin. Les images du monde provoquent sa fascination sidérée. Celles dont il est créateur sont un mouvement d’âme. Une tapisserie jamais finie par laquelle parfois il atteint l’épuisement qui l’apaise momentanément.
S’il a lu La synagogue, le lecteur sait qu’il va plonger dans un ouvrage dense, très personnel, pouvant donner la sensation d’éparpillement par moment, ou d’improvisation. Dans La synagogue, l’auteur expliquait qu’il compose et structure ses ouvrages, que le résultat final est bâti sur un plan détaillé, par opposition à une suite de réflexions se succédant par une association d’idées momentanée. En page cent-huit, il explicite la thématique du récit : Je dois m’en tenir à mon projet de récit thématique, par opposition aux autobiographies chronologiques. Il continue : Le premier album s’appelait La synagogue, et parlait de combat, de justice impossible et du modèle paternel. Si celui-là s’intitule Les idolâtres, Sfar doit rester sur l’image, la mère et l’absence. En gros, le dessin, son chemin, les mirages. S’il part sur Michel Gaudo, il faudrait faire un autre volume sur la magie, les sciences occultes et le jeu. S’il continue avec Clément Rosset, il dévoile ce qui pourrait constituer un album sur les philosophes. Le scénariste a conçu une structure narrative très sophistiquée : en fil directeur sa vocation de bédéiste racontée de manière chronologique jusqu’à la rencontre avec les camarades de son atelier. Dans ce tome, il reprend également les caractéristiques graphiques du précédent : en particulier l’attention portée aux décors, une réelle implication pour les représenter, pour ancrer son récit dans la réalité physique des différents environnements évoqués, à Nice, à Paris, à Auron en ouverture.
En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut nourrir différents a priori sur un tel ouvrage, et mêmes certains contradictoires entre eux. Trop nombriliste car l’auteur ne parle que de lui, trop intellectuel parce qu’il évoque la notion d’idolâtrie d’un point de vue religieux et philosophique. Trop éclaté dans sa structure et en même temps trop interconnecté entre les différents fils et les différentes anecdotes. Trop spontané dans ses dessins, et en même temps trop d’informations visuelles. Pour autant, dès les premières pages, la lecture s’avère facile, totalement personnelle et en même temps universelle. La forme du récit construit en réseaux de fils narratifs, avec des bourgeons d’anecdote s’avère savoureuse et très vivante, générant une sensation similaire à celles des dessins : une conversation à bâton rompu et en même temps une exploration thématique qui se ressent comme une discussion. Le lecteur pourrait trouver que l’auteur se montre parfois impudique, tout en ayant pleinement conscience qu’il s’agit d’une œuvre littéraire dont le créateur maîtrise parfaitement son mode d’expression qu’est la bande dessinée, pour produire les effets d’un discours vivant et articulé, sans se restreindre à un reportage factuel et véridique. D’ailleurs en page cent-quarante-quatre, le jeune Joann déclare que c’est important de mentir (en disant qu’il travaille pour Casterman, alors qu’il n’a aucun contrat avec eux, juste des rendez-vous avec un des éditeurs). En prenant du recul, le lecteur se dit qu’il peut appliquer cette déclaration à ce qui est raconté, et que comme le dit l’auteur cinq pages plus loin : il y a une vérité dans cette mise en scène.
À la lecture, l’architecture du récit se comprend aisément : la colonne vertébrale constituée par les différentes étapes de l’apprentissage du dessin, des études, et de la recherche d’un éditeur, avec une prise de recul par le biais des séances chez une pédopsychiatre, et des rapprochements thématiques avec d’autres moments ultérieurs de sa vie, ou des rencontres avec des amis, des relations professionnelles, d’autres dessinateurs, d’autres créations comme le film Gainsbourg (vie héroïque) sorti en 2010. Au bout de quelques dizaines de pages, le lecteur se dit que l’auteur a déjà vécu plusieurs vies au vu de tout ce qu’il a pu accomplir, de toutes les personnes qu’il a rencontrées. Sfar a travaillé ou établit des liens avec Guillermo del Toro, Laetitia Casta (qui joue le rôle de Brigitte Bardot dans le film sur Gainsbourg), Mylène Jampanoï (qui incarne Bambou dans le même film), Farrid Boudjellal (à qui il rend hommage pour lui avoir cédé sa chambre lors d’un festival BD à Toulon), Jean-Jacques Sempé (1932-2022), Jacques Rouxel (1931-2004, créateur des Shadoks), Edmond Baudoin et son fils Hughes, Pierre Dubois (scénariste, écrivain, conteur, et elficologue), Doug Headline, etc. Pour autant, le récit reste accessible, même sans connaitre toutes ces personnes. L’auteur évoque également plusieurs créateurs comme Serge Gainsbourg (1928-1991), Claude François (1939-1978), John Boorman et son film Excalibur (1981), Marc Chagall (1887-1937), ainsi que trois dessinateurs de comics John Buscema (1927-2002), Kevin Nowlan et le maître Alex Raymond (1909-1956), sans oublier les frères Cresli et leurs pizzas, et aussi des héros comme Rahan et Conan. De temps à autre, le lecteur peut identifier une de ses propres créations comme le chat du rabbin, ou son adaptation du Roman (chanson) de Renart.
Dans le même temps, le lecteur ressent bien que l’auteur garde le cap tout du long de sa biographique thématique. La narration visuelle conserve cette apparence qui n’appartient qu’à lui : une impression de dessins réalisés rapidement, sous l’inspiration du moment, ou dans le flux de la création, sans correction ni reprise, et sans finition pour rendre les traits plus assurés, leur donner une apparence finalisée. Outre les explications données par l’auteur lui-même, le lecteur voit bien que ces planches exigent plus de travail qu’elles n’en donnent l’air. La direction des acteurs permet de faire passer des émotions et des états d’esprit adultes et nuancés. Les tenues vestimentaires correspondent à l’époque, à l’âge des différents individus et à leur statut social. La représentation des environnements a nécessité un important travail de recherche pour correspondre à la réalité des lieux représentés, situés de manière précise, de Nice à Paris, en passant par Toulon, Auron, le musée Message biblique de Nice à Cimiez, sur la plage, dans une église, dans un cinéma, dans un train, dans le cabinet d’une pédopsychiatre, etc. L’artiste semble porté par son entrain, faisant usage des possibilités de la bande dessinée de passer en mode historique ou métaphorique d’une case à l’autre. Ainsi le lecteur se retrouve aussi bien au moyen-âge avec des moines copistes ou en Europe Centrale aux côtés d’un golem, que voir apparaître des animaux comme un éléphant (visualisation littérale de l’expression : l’éléphant dans la pièce) ou un loup (expression : il y a un loup), etc. Sans oublier la métaphore de la coquillette crue.
L’idolâtrie : cette notion est abordée sous bien des angles, au travers des trois composants que sont l’image, la mère et l’absence, comme indiqué par l’auteur. La religion juive condamne l’idolâtrie, l’adoration des idoles, ou plutôt ici le report de l’amour ou de l’intérêt de la personne aimée ou d’un être humain, vers sa représentation. Joann Sfar met en scène le fait que sa vocation va à l’encontre de cet interdit religieux et culturel de son milieu, qu’il peut consacrer une quinzaine d’heures par jour à la pratique du dessin (cette représentation de l’individu ou de l’objet), que cette pratique l’apaise sans qu’il ne puisse être réellement rassasié. Il s’interroge sur la genèse de cette envie, en particulier le lien qu’il peut y avoir avec le fait d’avoir perdu sa mère alors qu’il était encore un jeune enfant. À plusieurs reprises, un personnage établit le danger de l’idolâtrie : Si on aime davantage une image que le réel, on est fichu, on ne se prosternera pas devant les idoles. Et aussi : Ce qui n’est pas permis, c’est de tomber en adoration face à une image. Ou encore un rabbin qui dit : Ils applaudissent tous Johnny Halliday, pendant ce temps-là, leur vie, elle file.
Deuxième tome d’une autobiographie thématique : l’auteur continue d’enchanter le lecteur. Son investissement dans la narration visuelle est remarquable de bout en bout, à la fois pour cette sensation de spontanéité, à la fois pour la richesse visuelle et la qualité des reconstitutions. Comme la forme, le fond n’appartient qu’à l’auteur, sa vie personnelle dans toute sa richesse, ses expériences, ses amis et ses relations, sa culture et sa famille, tout ce qui en fait un être humain unique, avec une dimension universelle comme une évidence. Une belle humanité.
Ce one-shot m'a moins enthousiasmé que les autres posteurs.
Le dessin est pas mal, mais je trouve qu'il est gâché par des couleurs qui le rendent fade. Quant au scénario, il n'est pas mauvais, mais j'ai eu l'impression de ne voir que des choses que j'avais déjà vues dans d'autres récits du moyen-âge avec ces obscurantistes qui veulent détruire des femmes libres en les traitant de sorcières et il n'y a rien de nouveau dans le récit. L'histoire d'amour entre les deux personnages principaux qui en grandissant se retrouvent dans des camps ennemis ne m'a pas touché.
L'héroïne est un peu attachante, mais parfois la manière dont elle parle fait plutôt penser à une féministe moderne qui explique le fonctionnement du système patriarcal oppresseur. Comme la BD a un coté militant, je pense que l'appréciation du lecteur va se baser en partie s'il adhère aux idées des autrices ou non.
Je connais bien cet épisode, pour l’avoir étudié il y a bien longtemps à la fac, autour des revendications ouvrières et de la structuration des luttes autour de certains leaders (Guesde par exemple).
L’auteur, visiblement originaire de la région, et issu d’une famille ouvrière, est familier de ces luttes et de leur écho. Il retranscrit bien ici l’ambiance à la fois électrique (grèves, revendications du premier mai pour la journée de 8 heures) et euphorique (une journée de fête, les solidarités fortes du monde ouvrier), en particulier en faisant parler ses personnages avec l’argot local.
Il retranscrit bien aussi la stupeur et la brutale répression qui s’est abattue sur les manifestants, lorsque l’armée (appelée à la rescousse par le patronat local) a ouvert le feu sur la foule, en testant pour la première fois le fusil Lebel (qui sera utilisée par la suite durant la première guerre mondiale).
Ce « massacre » est représentatif de la violence subie par le monde ouvrier au XIXème siècle, avec une collusion entre patronat et État, même s’il est presque anachronique, tant des lois sociales et le renforcement de partis de gauche (SFIO) puis de syndicats (CGT) vont permettre d’obtenir de réelles avancées (la journée de 8 heures ne sera obtenue qu’en 1919).
Par contre, j’ai été frustré par une autre brutalité, scénaristique celle-ci, puisque l’album se termine immédiatement après la fusillade, sans nous proposer la « suite ». C’est un choix de l’auteur, mais j’aurais personnellement préféré un petit développement de « l’après ». De la même façon, j’ai trouvé que l’auteur n’arrivait pas à faire passer l’émotion et le drame (cette fin brutale accentue ce manque selon moi).
Le dessin, un trait gras, avec un Noir et Blanc dans lequel le rouge s’invite, m’a bien plu. Ce rouge illustrant le drapeau que les ouvriers voulaient brandir, et le sang qui a coulé.
Un épisode qui rappelle en tout cas que des luttes et des morts ont été nécessaires pour obtenir une amélioration du sort des salariés. Et que la bourgeoisie s’est souvent parée du droit pour utiliser l’État comme un bras armé. Le « droit du travail » que certains voudraient alléger sert avant tout à protéger les plus faibles…
C’est l’avis récent de Tomdelapampa qui m’a donné envie de lire cette série. Essentiellement parce que je suis grand amateur du dessin de Lepage. Sur ce point, j’ai été un peu déçu. Non pas que son dessin soit ici mauvais – il en serait bien incapable je pense. Mais c’est plutôt que ça n’est pas ce que je préfère de son travail. Je suis davantage amateur de ses travaux plus récents, avec un trait fin très réaliste et excellent. Mais bon, c’est quand même du bon boulot agréable et fluide.
Et puis, cette appréciation vient sans doute aussi du fait que l’intrigue m’a laissé sur ma faim. Du coup j’ai exactement le même ressenti que Tomdelapampa. Ça se laisse lire, mais c’est un peu creux et vain, les personnages, certaines situations manquent un peu de nuances. Comme si chaque personnage devait représenter – de façon un peu caricaturale – un certain type.
En tout cas je n’ai pas été captivé par les péripéties censées dynamiser les vies de ces trois gamines/ados/jeunes femmes. L’impression d’avoir déjà vu ça plusieurs fois, je ne sais pas. Sophie Michel n’a pas su ajouter le petit truc qui fait sortir ce type d’histoire (un peu à la « Diabolo menthe » - du moins dans les vagues et vieux souvenirs que j’en ai).
Note réelle 2,5/5.
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Petits Contes Macabres
Un bel album avec une couverture qui vous fait de l'oeil (ah non, ces derniers manquent à l'appel...), une brochette d'auteurs reconnus , tout cela ne pouvait que me motiver pour plonger dans ce recueils de courts récits illustrés par chacun quatre auteurs qui se mettent en scène pour revisiter les contes de la crypte ! Mais malheureusement, la magie n'a pas opéré. Si la mise en scène pour faire le lien entre ce quatre récits est plutôt sympathique (nos auteurs se mettent en scène pour présenter leur récit avec une fin assez truculente) tout ça est très inégal, vite expédié et manque cruellement de consistance pour certaines. Le premier récit illustré par James Harren est assez ennuyeux et, personnellement, je ne suis pas fan de son dessin ; le 2e, "Le Kelpie" de Becky Cloonan est plutôt sympa (j'aime beaucoup son graphisme) mais trop court à mon goût ; le 3e, "La nuit du Jabberwock" de Mike Mignola est plus que décevant (on graphisme est toujours au rendez-vous, mais l'histoire inspirée d'une créature de Lewis Caroll est inintéressante au possible) ; enfin, Eric Powell nous propose "Le Cadeau du Major Courtenay", la plus intéressante et réussie de ces 4 nouvelles. Bref, malgré une mise en scène originale, l'exercice des petits récits à plusieurs main laisse ce petit goût d'inégalité qui prévaut malheureusement trop souvent dans ce genre d'exercice. Le tout a franchement peiné à me convaincre. Dommage, car avec de telles signatures on aurait pu attendre plus convaincant.
La Geste des Chevaliers Dragons
Après l’épisode de la collection sept (Sept Dragons), je m’enquille une deuxième série fantasy avec des dragons. Une série plus ambitieuse, en tout cas plus « rallongée ». Chaque tome pouvant se lire séparément, j’ai emprunté les quatre premiers pour me faire une idée. Et j’en resterai là, car ça ne m’a pas captivé outre mesure. D’abord, je n’aime pas lorsque les dessinateurs changent d’un album à l’autre (idem, à un degré moindre, pour la colorisation). Et en plus leurs styles diffèrent quelque peu, sont inégaux (je ne suis par exemple pas fan de celui de Briones, aux manettes dans les tomes 2 et 4). Le premier tome était à l’évidence conçu comme un one-shot. Mais quelques temps plus tard, et après changement d’éditeur, Soleil, adepte de ce type de séries (voir les Arleston et consorts) a sans doute poussé à la reprise et à l’empilement de one-shots. Pourquoi pas ? Mais avec un dessinateur unique ça aurait été mieux (mais j’imagine que les changements peuvent permettre un rythme de sorties plus rapide !). Et il faut aussi que les scénaristes (le duo Ange) aient matière à suivre ce rythme. Sur l’échantillon de la série que j’ai lu, j’ai trouvé l’ensemble inégal. Des bonnes idées de départ. Comme les différentes écoles de chevaliers dragons, les soeurs de la vengeance aux méthodes énigmatiques et destructrices pour les dragons, mais aussi pour toute la région « traitée ». Et ces dragons donc, différents, dont la présence dans une région y provoque des mutations (les hommes se transforment en bêtes féroces et s’entretuent), des destructions et des ravages de plus en plus importants, conséquence du « Veill ». Pour lutter contre ces dragons, une seule solution, envoyer les chevaliers dragons, qui ne peuvent être que des femmes vierges. C’est là que j’ai commencé à tiquer. En effet, ça sent quand même le prétexte à multiplier les femmes dénudées, attifées de quelques lanières de cuir. Si le premier tome (one-shot au départ) évite de trop tomber dans ces clichés, le suivant par contre s’y complait, avec quelques scènes récurrentes et inutiles (dans les deux premiers tomes, deux chevaliers vont dans une taverne mal famée, sont assaillie par des mâles en rut, refusent de se faire peloter et tabassent tout le monde, quittant ensuite cette taverne sans que le lecteur ait compris ce qu’elles étaient venues y faire). Et même après certaines scènes sont inutiles à part exhiber le corps (poitrine surtout, cuisses aussi) des chevaliers (voir dans le tome 3 Mara déchirant ses vêtements avant un combat – et elle n’en avait déjà pas trop !). Les histoires sont inégales, avec certains passages étirant trop les bastons (voir tome 4), des scènes inutiles (voir remarques précédentes). Peut-être certains albums ultérieurs sont-ils de meilleure qualité. Mais je vais m’arrêter là. La série me semble rejoindre une foultitude de séries dont je ne suis pas le cœur de cible (chez Soleil ou ailleurs). Tome 1 : 3/5 Tome 2 : 2/5 Tome 3 : 2,5/5 Tome 4 : 2/5 (vraiment pas aimé le dessin, qui se dégrade même vers la fin de l’album)
Les Notes rouges
Voilà un bel album tout en sensibilité et en mélancolie. Le dessin est accompagné d'une colorisation aux tons peu variés, globalement assez sombre : noir, gris clair, gris foncé et quelques teintes de rouge... Triste ? comme cette histoire de frère et soeur, orphelins, séparés pendant la guerre. Mais malgré cette palette de couleurs monotone au premier abord, le dessin illumine bel et bien l'histoire. La jeune fille va grandir, sans jamais cessé de penser à son frère. L'espoir de le retrouver l'anime sincèrement. Elle lui écrit de nombreuse lettres. Ce sont d'ailleurs ces correspondances qui racontent le récit, car, par ailleurs celui-ci est assez peu bavard. Au gré des lettres et des flashbacks on découvre la vie de ces deux jeunes enfants frappés par l'horreur de la guerre. C'est poétique et mélancolique, et parfois le rythme est un peu lent, voire même assez mou. Mais si on aimerait que l'histoire avance un peu plus vite, c'est aussi parce qu'on est pressé d'en connaitre la fin... qu'est devenu le petit garçon ? Se retrouveront-il ? Et si on est pressé c'est bien qu'on s'est attaché aux personnages, que leur destinée ne laisse pas indifférent. Un album qui se lit tout seul, le ton est juste, sensible, et le dessin sert de belle manière l'histoire.
La Lune est blanche
Malgré ses prix, malgré sa note stratosphérique et malgré l'estime que j'ai pour le travail d'Emmanuel Lepage je me suis bien ennuyé à la lecture de son voyage en Terre Adélie. Comme Gaston je n'ai pas d'intérêt particulier pour les aventures en terres australes mais ce n'est pas ma réticence la plus importante sur la série. Si j'en crois la page 7 la feuille de route qui justifie le voyage des frères est "de passer quelques jours à la base polaire de Dumont d'Urville" pour "partager la vie de la base, évoquer les programmes scientifiques qui y sont menés, les différents corps de métiers, la vie quotidienne…". J'ai du rater des pages car je n'ai rien vu de tout cela sauf quelques entretiens sur la mission d'un(e) ou deux scientifiques. En lieu et place de cet alléchant programme j'ai découvert un scénario qui se focalise sur la fratrie Lepage à travers ses états d'âmes avant le départ, puis un long passage sur le mal de mer et comment s'occuper sur "l'Astrolabe" ( avec les seuls entretiens intéressants) pour finir dans un road trip façon salaire de la peur encore centrée sur les deux frères novices. Pour rattraper le coup , la série propose un dossier (intéressant) sur Concordia qui ne justifie peut être pas à mes yeux cette mission. La partie graphique est remarquable surtout quand Lepage se retrouve dans sa zone de prédilection remplie de navires, de houles, de tempêtes. La partie portrait est un peu plus figée et la partie Raid et "tracteurs" bien construite sans que j'éprouve de tension comme pourrait m'en apporter un musher. Pour finir, le vieil ex abonné de Géo n'a pas trouvé les photos exceptionnelles pour ce voyage lui exceptionnel. Personnellement une déception car j'attendais un documentaire assez détaillé et j'ai surtout lu une chronique intimiste qui ne m'a pas séduit.
Sept Dragons
Mouais. Rares ont été les albums de cette collection à me satisfaire réellement. Et celui-ci n’y est pas parvenu non plus hélas. Ça se laisse globalement lire, mais ça ne m’a jamais vraiment captivé. Le début est un peu poussif, l’ensemble est assez dense, mais le concept même empêche un réel développement des diverses personnalités. J’ai aussi trouvé que les parties « baston » contre les dragons occupaient trop de place. Quant au dessin, il est inégal, pas toujours très précis. Mais les dragons sont réussis, diffèrent les uns des autres – les amateurs y trouveront leur compte sans doute. Note réelle 2,5/5.
Nunuche
Cette série est toute de douceur. Je ne suis pas animal de compagnie mais j'ai apprécié la gentillesse de cette histoire. C'est assez loin du Guillaume Bianco au ton décalé et acerbe que j'ai lu par ailleurs. Je suis sur la même ligne que les deux avis précédents; pas trop d'innovation sur la thématique mais plutôt un travail sur l'imaginaire de Zoé dans sa relation avec Nunuche. Le T2 introduit une (légère) charge contre les animaleries proposant un parallèle avec les prisons du XVIIIème siècle via une Zoé baronne éprise de liberté. Cette idée enrichit bien le scénario et le graphisme puisqu'il implique une mise en couleur différente. Le graphisme de Marie Kerascoët est très rafraichissant. Son trait fin, souple et joliment expressif apporte beaucoup à l'ambiance paisible et dynamique du récit. Les gags se lisent vite, ne cherchent pas spécialement l'humour mais plutôt une observation un peu nostalgique d'une vérité et d'une justice enfantine. Une lecture agréable pour tous les âges qui touchera sûrement les possesseurs d'animaux.
Les Idolâtres
Le dessin, c'est la vie. -Ce tome est de nature autobiographique et peut être lu sans rien connaître de l’auteur. Thématiquement, il constitue un second volet après La synagogue paru en 2022. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins. La mise en couleurs a été réalisée par Brigitte Findakly. La station s’appelle Auron. L’immeuble que le père de Joann a fait construire a pour nom L’étoile polaire. La mère de l’auteur est morte au chalet Le Megève. Joann apprend la mort de Serge Gainsbourg le 2 mars 1991, dans un téléphérique. Il est à Auron, la station de sports d’hiver où sa mère est morte dix-sept ans plus tôt. Il n’a pas su la mort de sa mère donc il pleure pour Serge Gainsbourg. De la même façon qu’on découvrira ses larmes pour Claude François. De l’un et l’autre il ne connaissait que des images filmées ou photographiées. C’est ça l’idolâtrie ? Il les dessine. Cap de Nice, allée Maeterlick, la famille Sfar vit au deuxième étage de cet immeuble, au-dessus de la mer, construit par son père. Joann croit que c’est sa mère qui a baptisé cette maison Le Chante Soleil. Le tout jeune Joann fait l’apprentissage de la propreté : il se trouve nu sur un pot sur le balcon, avec sa mère et une jeune fille au pair. Sa première œuvre ne fut ni un dessin ni une peinture mais plutôt une installation. Au sens où l’entend l’art moderne. L’artiste est nu sur un pot en train de pousser. Il tient à la main une coquillette crue. L’artiste, c’est lui. Maman le félicite, ainsi que la jeune fille au pair qui s’occupe de lui. On l’applaudit au sujet de cette capacité nouvelle à faire ses besoins sur commandes. Il se rappelle durant ce moment n’avoir d’intérêt que pour la pâte crue, ses courbes et son orifice. On s’en fout du caca. Ce qui est essentiel, c’est la coquillette. À quarante ans, Joann Sfar se rend à des consultations dans le cabinet d’une pédopsychiatre. Il s’épanche au milieu de jouets sur un fauteuil d’enfant. Il évoque le souvenir du pot et de la coquillette : Ce fut la première où il éprouvait une joie semblable à celle qu’il ressent dans le dessin. C’est également, son premier souvenir conscient. Sa mère est morte quand il avait trois ans et demi. On lui a beaucoup répété que selon la science, il ne pouvait pas avoir de vrais souvenirs d’elle. Témoigner de l’événement de la coquillette, c’est affirmer que la science a tort et qu’il se rappelle très bien. Qu’il ne dessine pas, comme on lui a dit un jour, pour remplir des cases vides. Le manque et le vide, ce n’est pas pareil. Par association d’idées, il poursuit : Quand il mange, c’est sans fin, il n’est jamais rempli. Comme s’il ne s’apercevait pas qu’il existe un autre trou au bout de la coquillette. Le remplissage de cases blanches, il effectue parfois même les à-plats noirs à la plume fine. C’est satisfaisant. Mais c’est sans fin. Les images du monde provoquent sa fascination sidérée. Celles dont il est créateur sont un mouvement d’âme. Une tapisserie jamais finie par laquelle parfois il atteint l’épuisement qui l’apaise momentanément. S’il a lu La synagogue, le lecteur sait qu’il va plonger dans un ouvrage dense, très personnel, pouvant donner la sensation d’éparpillement par moment, ou d’improvisation. Dans La synagogue, l’auteur expliquait qu’il compose et structure ses ouvrages, que le résultat final est bâti sur un plan détaillé, par opposition à une suite de réflexions se succédant par une association d’idées momentanée. En page cent-huit, il explicite la thématique du récit : Je dois m’en tenir à mon projet de récit thématique, par opposition aux autobiographies chronologiques. Il continue : Le premier album s’appelait La synagogue, et parlait de combat, de justice impossible et du modèle paternel. Si celui-là s’intitule Les idolâtres, Sfar doit rester sur l’image, la mère et l’absence. En gros, le dessin, son chemin, les mirages. S’il part sur Michel Gaudo, il faudrait faire un autre volume sur la magie, les sciences occultes et le jeu. S’il continue avec Clément Rosset, il dévoile ce qui pourrait constituer un album sur les philosophes. Le scénariste a conçu une structure narrative très sophistiquée : en fil directeur sa vocation de bédéiste racontée de manière chronologique jusqu’à la rencontre avec les camarades de son atelier. Dans ce tome, il reprend également les caractéristiques graphiques du précédent : en particulier l’attention portée aux décors, une réelle implication pour les représenter, pour ancrer son récit dans la réalité physique des différents environnements évoqués, à Nice, à Paris, à Auron en ouverture. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut nourrir différents a priori sur un tel ouvrage, et mêmes certains contradictoires entre eux. Trop nombriliste car l’auteur ne parle que de lui, trop intellectuel parce qu’il évoque la notion d’idolâtrie d’un point de vue religieux et philosophique. Trop éclaté dans sa structure et en même temps trop interconnecté entre les différents fils et les différentes anecdotes. Trop spontané dans ses dessins, et en même temps trop d’informations visuelles. Pour autant, dès les premières pages, la lecture s’avère facile, totalement personnelle et en même temps universelle. La forme du récit construit en réseaux de fils narratifs, avec des bourgeons d’anecdote s’avère savoureuse et très vivante, générant une sensation similaire à celles des dessins : une conversation à bâton rompu et en même temps une exploration thématique qui se ressent comme une discussion. Le lecteur pourrait trouver que l’auteur se montre parfois impudique, tout en ayant pleinement conscience qu’il s’agit d’une œuvre littéraire dont le créateur maîtrise parfaitement son mode d’expression qu’est la bande dessinée, pour produire les effets d’un discours vivant et articulé, sans se restreindre à un reportage factuel et véridique. D’ailleurs en page cent-quarante-quatre, le jeune Joann déclare que c’est important de mentir (en disant qu’il travaille pour Casterman, alors qu’il n’a aucun contrat avec eux, juste des rendez-vous avec un des éditeurs). En prenant du recul, le lecteur se dit qu’il peut appliquer cette déclaration à ce qui est raconté, et que comme le dit l’auteur cinq pages plus loin : il y a une vérité dans cette mise en scène. À la lecture, l’architecture du récit se comprend aisément : la colonne vertébrale constituée par les différentes étapes de l’apprentissage du dessin, des études, et de la recherche d’un éditeur, avec une prise de recul par le biais des séances chez une pédopsychiatre, et des rapprochements thématiques avec d’autres moments ultérieurs de sa vie, ou des rencontres avec des amis, des relations professionnelles, d’autres dessinateurs, d’autres créations comme le film Gainsbourg (vie héroïque) sorti en 2010. Au bout de quelques dizaines de pages, le lecteur se dit que l’auteur a déjà vécu plusieurs vies au vu de tout ce qu’il a pu accomplir, de toutes les personnes qu’il a rencontrées. Sfar a travaillé ou établit des liens avec Guillermo del Toro, Laetitia Casta (qui joue le rôle de Brigitte Bardot dans le film sur Gainsbourg), Mylène Jampanoï (qui incarne Bambou dans le même film), Farrid Boudjellal (à qui il rend hommage pour lui avoir cédé sa chambre lors d’un festival BD à Toulon), Jean-Jacques Sempé (1932-2022), Jacques Rouxel (1931-2004, créateur des Shadoks), Edmond Baudoin et son fils Hughes, Pierre Dubois (scénariste, écrivain, conteur, et elficologue), Doug Headline, etc. Pour autant, le récit reste accessible, même sans connaitre toutes ces personnes. L’auteur évoque également plusieurs créateurs comme Serge Gainsbourg (1928-1991), Claude François (1939-1978), John Boorman et son film Excalibur (1981), Marc Chagall (1887-1937), ainsi que trois dessinateurs de comics John Buscema (1927-2002), Kevin Nowlan et le maître Alex Raymond (1909-1956), sans oublier les frères Cresli et leurs pizzas, et aussi des héros comme Rahan et Conan. De temps à autre, le lecteur peut identifier une de ses propres créations comme le chat du rabbin, ou son adaptation du Roman (chanson) de Renart. Dans le même temps, le lecteur ressent bien que l’auteur garde le cap tout du long de sa biographique thématique. La narration visuelle conserve cette apparence qui n’appartient qu’à lui : une impression de dessins réalisés rapidement, sous l’inspiration du moment, ou dans le flux de la création, sans correction ni reprise, et sans finition pour rendre les traits plus assurés, leur donner une apparence finalisée. Outre les explications données par l’auteur lui-même, le lecteur voit bien que ces planches exigent plus de travail qu’elles n’en donnent l’air. La direction des acteurs permet de faire passer des émotions et des états d’esprit adultes et nuancés. Les tenues vestimentaires correspondent à l’époque, à l’âge des différents individus et à leur statut social. La représentation des environnements a nécessité un important travail de recherche pour correspondre à la réalité des lieux représentés, situés de manière précise, de Nice à Paris, en passant par Toulon, Auron, le musée Message biblique de Nice à Cimiez, sur la plage, dans une église, dans un cinéma, dans un train, dans le cabinet d’une pédopsychiatre, etc. L’artiste semble porté par son entrain, faisant usage des possibilités de la bande dessinée de passer en mode historique ou métaphorique d’une case à l’autre. Ainsi le lecteur se retrouve aussi bien au moyen-âge avec des moines copistes ou en Europe Centrale aux côtés d’un golem, que voir apparaître des animaux comme un éléphant (visualisation littérale de l’expression : l’éléphant dans la pièce) ou un loup (expression : il y a un loup), etc. Sans oublier la métaphore de la coquillette crue. L’idolâtrie : cette notion est abordée sous bien des angles, au travers des trois composants que sont l’image, la mère et l’absence, comme indiqué par l’auteur. La religion juive condamne l’idolâtrie, l’adoration des idoles, ou plutôt ici le report de l’amour ou de l’intérêt de la personne aimée ou d’un être humain, vers sa représentation. Joann Sfar met en scène le fait que sa vocation va à l’encontre de cet interdit religieux et culturel de son milieu, qu’il peut consacrer une quinzaine d’heures par jour à la pratique du dessin (cette représentation de l’individu ou de l’objet), que cette pratique l’apaise sans qu’il ne puisse être réellement rassasié. Il s’interroge sur la genèse de cette envie, en particulier le lien qu’il peut y avoir avec le fait d’avoir perdu sa mère alors qu’il était encore un jeune enfant. À plusieurs reprises, un personnage établit le danger de l’idolâtrie : Si on aime davantage une image que le réel, on est fichu, on ne se prosternera pas devant les idoles. Et aussi : Ce qui n’est pas permis, c’est de tomber en adoration face à une image. Ou encore un rabbin qui dit : Ils applaudissent tous Johnny Halliday, pendant ce temps-là, leur vie, elle file. Deuxième tome d’une autobiographie thématique : l’auteur continue d’enchanter le lecteur. Son investissement dans la narration visuelle est remarquable de bout en bout, à la fois pour cette sensation de spontanéité, à la fois pour la richesse visuelle et la qualité des reconstitutions. Comme la forme, le fond n’appartient qu’à l’auteur, sa vie personnelle dans toute sa richesse, ses expériences, ses amis et ses relations, sa culture et sa famille, tout ce qui en fait un être humain unique, avec une dimension universelle comme une évidence. Une belle humanité.
L'Imprimerie du diable
Ce one-shot m'a moins enthousiasmé que les autres posteurs. Le dessin est pas mal, mais je trouve qu'il est gâché par des couleurs qui le rendent fade. Quant au scénario, il n'est pas mauvais, mais j'ai eu l'impression de ne voir que des choses que j'avais déjà vues dans d'autres récits du moyen-âge avec ces obscurantistes qui veulent détruire des femmes libres en les traitant de sorcières et il n'y a rien de nouveau dans le récit. L'histoire d'amour entre les deux personnages principaux qui en grandissant se retrouvent dans des camps ennemis ne m'a pas touché. L'héroïne est un peu attachante, mais parfois la manière dont elle parle fait plutôt penser à une féministe moderne qui explique le fonctionnement du système patriarcal oppresseur. Comme la BD a un coté militant, je pense que l'appréciation du lecteur va se baser en partie s'il adhère aux idées des autrices ou non.
Fourmies la Rouge
Je connais bien cet épisode, pour l’avoir étudié il y a bien longtemps à la fac, autour des revendications ouvrières et de la structuration des luttes autour de certains leaders (Guesde par exemple). L’auteur, visiblement originaire de la région, et issu d’une famille ouvrière, est familier de ces luttes et de leur écho. Il retranscrit bien ici l’ambiance à la fois électrique (grèves, revendications du premier mai pour la journée de 8 heures) et euphorique (une journée de fête, les solidarités fortes du monde ouvrier), en particulier en faisant parler ses personnages avec l’argot local. Il retranscrit bien aussi la stupeur et la brutale répression qui s’est abattue sur les manifestants, lorsque l’armée (appelée à la rescousse par le patronat local) a ouvert le feu sur la foule, en testant pour la première fois le fusil Lebel (qui sera utilisée par la suite durant la première guerre mondiale). Ce « massacre » est représentatif de la violence subie par le monde ouvrier au XIXème siècle, avec une collusion entre patronat et État, même s’il est presque anachronique, tant des lois sociales et le renforcement de partis de gauche (SFIO) puis de syndicats (CGT) vont permettre d’obtenir de réelles avancées (la journée de 8 heures ne sera obtenue qu’en 1919). Par contre, j’ai été frustré par une autre brutalité, scénaristique celle-ci, puisque l’album se termine immédiatement après la fusillade, sans nous proposer la « suite ». C’est un choix de l’auteur, mais j’aurais personnellement préféré un petit développement de « l’après ». De la même façon, j’ai trouvé que l’auteur n’arrivait pas à faire passer l’émotion et le drame (cette fin brutale accentue ce manque selon moi). Le dessin, un trait gras, avec un Noir et Blanc dans lequel le rouge s’invite, m’a bien plu. Ce rouge illustrant le drapeau que les ouvriers voulaient brandir, et le sang qui a coulé. Un épisode qui rappelle en tout cas que des luttes et des morts ont été nécessaires pour obtenir une amélioration du sort des salariés. Et que la bourgeoisie s’est souvent parée du droit pour utiliser l’État comme un bras armé. Le « droit du travail » que certains voudraient alléger sert avant tout à protéger les plus faibles…
Oh les filles !
C’est l’avis récent de Tomdelapampa qui m’a donné envie de lire cette série. Essentiellement parce que je suis grand amateur du dessin de Lepage. Sur ce point, j’ai été un peu déçu. Non pas que son dessin soit ici mauvais – il en serait bien incapable je pense. Mais c’est plutôt que ça n’est pas ce que je préfère de son travail. Je suis davantage amateur de ses travaux plus récents, avec un trait fin très réaliste et excellent. Mais bon, c’est quand même du bon boulot agréable et fluide. Et puis, cette appréciation vient sans doute aussi du fait que l’intrigue m’a laissé sur ma faim. Du coup j’ai exactement le même ressenti que Tomdelapampa. Ça se laisse lire, mais c’est un peu creux et vain, les personnages, certaines situations manquent un peu de nuances. Comme si chaque personnage devait représenter – de façon un peu caricaturale – un certain type. En tout cas je n’ai pas été captivé par les péripéties censées dynamiser les vies de ces trois gamines/ados/jeunes femmes. L’impression d’avoir déjà vu ça plusieurs fois, je ne sais pas. Sophie Michel n’a pas su ajouter le petit truc qui fait sortir ce type d’histoire (un peu à la « Diabolo menthe » - du moins dans les vagues et vieux souvenirs que j’en ai). Note réelle 2,5/5.