Azur asphalte est une tranche de vie un peu particulière.
Les illustrations à l'aquarelle sont la vraie réussite de ce roman graphique, que l'auteur a eu la bonne idée de ne pas cloisonner dans des cases un peu trop strictement refermées. Elles donnent un sacré souffle, du détachement aussi car invitant à les lire tels des tableaux, ce que l'aspect quasi documentaire de l'intrigue accentuera.
Ce dernier point va constituer la petite réserve pointant malheureusement à mi-chemin. L'intrigue est parfaitement plantée, très ancrée dans un quotidien laborieux (celui de deux sœurs, des trentenaires prolos joignant péniblement les deux bouts financièrement, dans la belle ville de Nice), mais trop soucieuse de décrire un quotidien banal, de s'inscrire pleinement dans la chronique sociale, d'atteindre la justesse et la plus parfaite crédibilité, elle avance sans véritable enjeu ni moteur de l'intrigue. Il faut accepter ce postulat et dès lors vivre les situations présentées et les goûter simplement, apprécier ici l'humour des dialogues populaires et de quelques situations, être touché là par la mélancolie et de la tendresse à l'égard de ces vies simples ne se concevant que dans le combat pour une modeste dignité, et il est vrai, regretter que l'auteur ait délibérément refuser de s'aventurer sur le terrain social ou politique, à moins que cela ne soit justement son discours, que je ne partage pas, de n'envisager le social que sous l'angle purement individuel et d'ignorer la politique : le "struggle for life" des personnages est tristement égoïste dans sa relation au travail, le collectif ne se conçoit que dans le cadre familial ou des relations amicales/amoureuses, et les joies simples sont bassement mercantiles, assujetties aux acteurs majeurs de l'économie et de l'industrie culturelle.
Une très belle chronique sociale, aux magnifiques illustrations, qui tourne un peu à vide, sans révolte, malgré un quotidien pour le moins laborieux. Une parfaite introduction à un récit qui n'aura malheureusement pas lieu.
C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !
Alors qu'il s'agissait d'une BD plus ou moins subversive au moment de sa sortie, j'ai une certaine tendresse pour Lolo et Sucette même s'il ne s'agit pas de la meilleure oeuvre de ces deux auteurs. Yann et Marc Hardy avaient en effet déjà collaboré auparavant sur l'encore plus corrosif mais jouissif La Patrouille des Libellules. Mais avec Lolo et Sucette, je retiens surtout l'exploit d'avoir su faire publier chez Dupuis une série sur la prostitution qui n'y va pas par quatre chemins et ose des blagues bien salaces voire un peu glauques, tout en restant dans un esprit suffisamment léger pour s'adapter un peu à l'esprit Dupuis.
Le pari de faire rire avec des prostituées en héroïnes était audacieux, surtout dans le cadre d’un tel éditeur grand public. Il faut reconnaître que l’idée est originale et que certains gags font mouche, surtout quand l’humour se teinte d’ironie ou de noirceur. J’ai apprécié la galerie de clients, souvent caricaturaux mais bien croqués.
Mais c'est surtout le dessin de Hardy que j'aime, nerveux et expressif. Il donne une vraie sensualité à ses personnages féminins, un vrai humour à ses situations et en même temps ce trait un brin brouillon qui ajoute à l'ambiance subversive de l'œuvre. On notera qu'entre le premier et le dernier tome de la série, ce trait évolue, allant vers plus de maîtrise et plus d'épure. Je le trouve un peu moins charmant sur la fin, mais quand même toujours bon.
Cela dit, l’humour ne fonctionne pas toujours. Certains gags tombent à plat ou virent au glauque, et j’ai parfois eu l’impression que les auteurs voulaient choquer plus que faire rire. Il y a un vrai décalage entre le ton volontairement léger et les situations parfois un peu sordides. On s’attache tout de même à ces deux héroïnes, Lolo la grande gueule et Sucette la douce ingénue, mais l’ensemble manque un peu de finesse et de régularité.
Dans un royaume de fantasy où des héros combattent monstres et démons, il existe une académie chargée de former les futurs héros et combattants du bien contre le mal. Dans celles-ci, Earnest, héritière d'une des plus grandes familles et porteuse d'une puissante épée démon, est de loin la meilleure guerrière de l'école. Jusqu'au jour où débarque Blade, directement amené là par le roi, et qui se révèle aussi insouciant qu'ultra-puissant. Il s'agit en réalité du plus puissant des héros, ayant acquis ses pouvoirs dès l'âge de trois ans et ayant depuis vécu le Seigneur des Démons, et qui essaie maintenant de devenir un adolescent comme tous les autres, malgré sa puissance démesurée. Sa présence va attirer l'attention de tout le monde, en particulier de toutes les jolies filles.
Classroom for heroes est un shonen de fantasy, d'humour et de charme... ou plutôt de type Ecchi : le fan service saute rapidement aux yeux dès les premiers chapitres et les premières petites culottes montrées de manière totalement gratuite. Et ça continue tout du long, avec quelques accélérations sur certains épisodes, notamment à partir du moment où l'académie met en place des bains publics mixtes pour "briser les tabous qui entourent la nudité".
C'est aussi une forme de shonen harem si l'on en juge par la quantité de jolies filles qui entourent le personnage de Blade, toutes plus ou moins charmées par lui, même si le côté romantique insiste surtout sur la paire Earnest et Blade. Mais contrairement aux shonen harem typique, le héros ici s'en fiche quasiment complètement des filles qui l'entourent et les voit comme des amies et partenaires plus que comme des romances possibles.
Car Blade a un aspect particulièrement immature, ou du moins insouciant qui contraste avec son passé héroïque, l'expérience et les nombreux actes passés qu'on lui devine et qui viennent parfois ressurgir dans l'histoire au présent. Certes ce n'est qu'un ado et il a eu ses pouvoirs trop jeunes, mais son comportement sonne assez faux, trop caricatural. Et les autres personnages, très majoritairement féminins, ne paraissent pas tellement plus matures quand ils sont en présence de lui. Bref, la série semble s'adresser à un public relativement jeune, ce qui contraste avec l'abondance de ses clins d'oeil sexy et de son fan-service.
Malgré la grande quantité de tomes de la série, elle ne présente pas de véritable intrigue de fond. Il s'agit plutôt de courts arcs se déroulant tous au sein de l'école, s'étalant sur une poignée de chapitres chacun, parfois un seul, et s'orientant tantôt sur des entrainements au combat entre gentils, tantôt sur l'apparition d'un nouveau danger pas toujours très sérieux, et plus souvent sur des histoires internes à l'académie autour des relations entre personnages avec beaucoup de coquinerie et de tentatives maladroites de séduction. Le ton est résolument plus à l'humour, voire à la loufoquerie, qu'à des intrigues sérieuses et prenantes, que ce soit concernant les romances ou les combats. Et on peut presque lire les albums dans n'importe quel ordre, la seule différence majeure étant l'introduction régulière de nouveaux personnages à la galerie déjà présente.
Entre ce réel manque d'enjeu des intrigues, un humour qui ne me fait pas rire, et trop d'ecchi et d'exhibition gratuite des corps et sous-vêtements féminins, cette série m'a plutôt ennuyé. J'ai lu les premiers tomes, puis quelques-uns après, et enfin les tomes 18 et 19, derniers sortis à ce jour, dans l'espoir qu'il se mette en place quelque chose de plus prenant, mais hormis l'accumulation de personnages, je n'ai rien trouvé de plus attirant et je me passerai de lire la suite.
Je peux arrêter de lire des BD jusqu’à ma mort après cette plongée dans les bas-fonds du Pirée en compagnie de ces attachants Rébètes. David Prudhomme, en sortant une suite (et fin ?) à Rébétiko (je n’osais même pas en rêver), vient en effet d’accomplir un petit exploit : faire mieux que Rébétiko !
Que dire ? Par où commencer ? Rébétissa (l’antidote) m’a procuré un tel bonheur et a généré en moi des émotions si vigoureuses que je ne me sens pas du tout à la hauteur pour rédiger une critique. Peut-être par-là : j’étais l’un des musiciens, et tous à la fois. J’étais même les chanteuses, Béba ou Marika. J’ai ressenti leur colère, leur force intérieure inébranlable face à l’inéluctable. J’étais de leur combat et de toutes leurs petites combines. J’ai fumé le narguilé avec eux, j’ai voulu me battre, défendre moi aussi le café de Katina. J’ai voulu fuir, tout quitter. Et j’ai chialé comme un gosse dans les dernières pages.
L’essentiel passe par le dessin dément de David Prudhomme. Dans cette version en noir et blanc, bien meilleure selon moi que la version colorisée (qui est elle-même moins réussie que pour Rébétiko, voire carrément ratée), le lecteur en prend plein les mirettes. L'écrin est magnifique. Les fonds couleur crème font ressortir le trait. C'est magnifique. Prudhomme fait preuve d’une maitrise totale des jeux d’ombre et de lumière. Le dessin s’anime, on entend penser tout haut les personnages, on voit leurs idées flotter dans l’air et se mêler à la petite fumée du haschich. A la faveur d’un regard, l’émotion éclabousse la page. Tous dansent, chantent, fument, tentent de faire bonne figure face à l’adversité, et dignes. Oui, j’insiste : on peut même les entendre penser ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux ces personnages ! Perso, j’adore le fanfaronnant Stavros ou l’espiègle Batis, mais tous sans exception sont attachants jusque dans leurs travers. Et même les nouveaux que l’on découvre sont extrêmement soignés, à l'image de la savoureuse Katina.
Le scénario prend ici un relief qui en comparaison semble à peine esquissé dans Rébétiko. Dans ce volume, la situation devient réellement tragique car l’étau de la dictature se resserre. Les personnages sont amenés à faire des choix qui les engagent totalement tant ils se retrouvent acculés, et face à la répression, toutes et tous restent dignes jusqu'au bout. On ne pouvait rêver plus beau chant du cygne. Les dialogues ne gâchent rien, même si par-ci par-là, le lecteur pointilleux pourra relever quelques futilités qui auraient pu ne pas exister pour laisser d’avantage de place au dessin. Mais franchement, vue la qualité exceptionnelle de l’ensemble, on oublie… Rébétissa s’inscrit dans la grande lignée des tragédies grecques.
Mais au-delà de toutes ces considérations, ce récit saisit quelque chose du monde d’aujourd’hui. J’aimerais ne pas trop en dire afin de laisser le plaisir de la découverte, mais oui, nous sommes, Nous, collectivement, les Rébètes. Pour reprendre les paroles de l'un d'entre eux, "nous avons le malheur de n'être que ce que nous sommes, dans un monde qui ne veut plus de ce que nous sommes". J'avoue que ce sentiment de décalage s'accorde en tous points avec mon propre ressenti. A moins que ce ne soit Prudhomme lui-même qui nous exhorte à le devenir ? Fin d’un monde, fin d’une culture, mise en place d’une dictature… Mais c’est véritablement la toute fin qui saute à la gueule. Il y a dans cette dernière scène une métaphore subtile, à la fois touchante, mélancolique et effrayante... Juste pour dire comment j'ai transposé tellement le tableau est vivant...
Voilà dit dans un désordre abominable tout le bien que je pense de cette BD. Bien entendu, mes centres d’intérêt personnels y sont pour quelque chose. Ma passion pour la musique, et en particulier le Blues et le personnage d’Alan Lomax (qu’on retrouve d’ailleurs un peu sous les traits du personnage de Péristéris) n’a fait que décupler mon affection pour cette histoire. Mais y a pas à tortiller : Rébétissa (l’antidote) est l’œuvre d’un grand !
Cette série est un très bon divertissement. Sur un schéma ultra classique et très visité, El diablo joue avec les clichés pour fournir un récit haletant dont il est difficile de se détacher. L'auteur aime à jouer les contre pieds tout au long de son histoire Gus n'est pas le bon écolo dernier barrage contre la honteuse exploitation de la forêt et Jay est un personnage d'une grande faiblesse malgré les apparences. Le rythme est très vif avec une narration bien fluide qui s'ingénie à souvent nous dérouter. La pointe de fantastique n'est elle, d'ailleurs, pas celle que se construisent les personnages dans un monde où l'irrationnel à encore sa place. Le très bon final nous laisse d'ailleurs avec plusieurs interprétations possibles avec une dernière planche surprise qui rebat ce que l'on croyait acquis.
J'ai bien aimé le graphisme de Deroche qui exprime bien cette ambiance de conflit en huis clos entre la colline et la ville. Quelques doubles pages sympathiques nous rappelle que l'histoire s'inscrit dans les vastes étendues canadiennes de tout beauté.
Une lecture très plaisante avec un récit bien construit autour de thèmes très classiques mais revisités avec brio.
Je ne suis pas trop surpris que cette série soit morte née. En effet j'ai eu du mal à me situer dans cet univers fantasy. Cela commence classiquement d'une façon sage avec un prince exilé qui revient sauver ses amis rouges massacrés par les bleus. Ori est prince, magicien et combattant ce qui lui permet de régler son compte au super vilain comte Azur qui lui a piqué sa fiancée. La narration est peu fluide avec une voix off très présente et un texte compliqué qui fait références à des situations inconnues sans beaucoup de flash back pour éclaircir le contexte. On reste tout de même dans une littérature ado assez soft jusqu'à un final assez délirant d'un duel plein d'anachronismes surprises , de facilités et d'une princesse prise d'une folie meurtrière sans que j'ai bien compris pourquoi.
Comme le dessin est assez inconstant dans le traitement des personnages je ne regrette pas que ce T1 reste orphelin.
Matthias Bourdelier, ancien libraire, est aussi un ancien élève du Cesan, établissement spécialisé dans la BD. Son premier album connu est ce recueil de saynètes où il propose de vivre différentes relations toxiques. le plus souvent il s'agit de conversations entre amis ou amants sur une terrasse, au cours d'une soirée, sur l'oreiller. Les dialogues sont assez fins, même si pas toujours crédibles, mais on est bien sûr dans le registre de la caricature, avec de l'exagération et du raccourci pour appuyer les effets.
Et cela fait mouche la plupart du temps, on voit bien les red flags apparaître au fil des conversations, les silences coupables, les situations d'emprise, le côté passif-agressif de certain(e)s. Les situations sont assez diversifiées pour qu'on ait un éventail assez large.
Graphiquement et en termes de mise en scène il y a une parenté avec ce que fait Fabcaro dans ses BD absurdes, un style relativement réaliste avec des poses répétées tout le long du sketch, (mais avec des variations (un bras qui se lève, par exemple). Ce qui permet de se concentrer sur l'essentiel, les dialogues.
Seul petit regret, que les relations toxiques au boulot soient finalement peu ou pas traitées.
John Byrne, un gros nom des comics de superhéros s'amuse avec un concept simple: et si dans un univers parallèle on voyait Batman et Superman vieillir au lieu de rester éternellement jeune ? En grand connaisseur de comics, Byrne en profite aussi pour rendre hommage à DC Comics. Chaque chapitre se passant dans une décennie différente, il va essayer de copier le style de comics de l'époque et aussi de respecter la continuité DC. Par exemple, un personnage qui a été créé dans les années 70 va seulement apparaitre à partir du chapitre traitant de cette décennie.
Comme il faut des connaissances en comics pour bien apprécier les références et savoir qui est qui, c'est clairement le genre de récit pour les fans. Le lecteur qui veut juste lire un récit de deux super-héros qu'il a uniquement vu à la télé ou au cinéma risque de s'ennuyer. C'est donc le comics parfait pour moi et j'avoue que je ne sais pas trop quelle note donné. En effet, l'album contient trois mini-séries. J'ai bien aimé les deux premières et la troisième (qui fait quand même la moitié de l'album) m'a un peu ennuyé.
La première mini-série est pas mal et exploite bien l'idée que Batman et Superman vieillissent, se marient, ont des enfants....Comme c'est une histoire qui ne compte pas dans la continuité normale de DC, Byrne peut faire ce qu'il veut en en profite. La seconde mini-série peut paraitre un peu inutile, mais je l'ai bien aimé. Ici, Byrne ajoute d'autres super-héros DC et cela permet de varier les situations. J'aurais tout de même aimé voir plusieurs méchants de Batman, on ne voit que Joker et un autre méchant de la chauve-souris et s'est tout.
Puis vient la troisième mini-série qui est vraiment le genre de récit de superhéros que je n'aime pas trop. Il y a une gros méchant qui est une menace pour l'univers (Darkseid joue se rôle pour la millième fois), il y a donc pleins de superhéros qui vont le combattre et en prime il y a pleins de saut dans le temps et moi les voyages temporels avec des paradoxes ça me donne mal à la tête. C'est décousu et ça sert à rien hormis pour Byrne d'utiliser encore plus de personnages DC que dans les précédentes mini-séries. Je peux comprendre qu'il a envie de rendre hommage aux créations de Kirby, mais c'est ce qu'il fait c'est du déjà vu. En plus, son dessin se détériore un peu ou alors ce sont juste les couleurs fait à l'informatique qui ne vont pas avec son dessin comme ça été le cas avec d'autres dessinateurs ayant débuté dans les années 70-80.
En gros, je dirais que si on est fan de l'univers de DC Comics, c'est un album à emprunter et il faut lire uniquement la première moitié de l'album.
La vieillesse est si longue qu’il ne faut pas la commencer trop. Benoîte Groult
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Ce tome contient une histoire complète qui peut être lue indépendamment de toute autre. Il s’inscrit également dans une série thématique : Le Démon de midi ou Changement d'herbage réjouit les veaux (1996), Le Démon d'après Midi... (2005), et Le Démon du soir ou la ménopause héroïque (2013). Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Florence Cestac pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-neuf pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une préface d’une page, rédigée par Albert Algoud, louant la manière dont l’autrice possède le sens du burlesque, tout en réussissant à marier le réalisme à la caricature et l’ironie à la plus vive à la bienveillance amusée.
Dans un parc ou un jardin public, un groupe d’une demi-douzaine de femmes âgées papotent, alors que des enfants crient : Mamie ! Mamie ! Mamie ! Mamie ! Mamie ! Noémie se rend compte que ce sont ses petits-enfants qui l’appellent. Ces dames évoquent les différents noms qui leur ont été donnés : Mamie pour la plupart, mais aussi Mémé, Mamour, Mam, Bonne-Maman, Nona, Babou, Mamibolo (car elle est la reine des spaghettis bolognaise, et c’est tous les mercredis midi. Noémie explique que la voilà grand-mère, deux fois avec son fils. Sa fille, elle, a décidé de ne pas se reproduire : planète pourrie, trop de monde sur terre, climat qui… La demoiselle en question l’interrompt pour rappeler qu’elle préfère les filles. La grand-mère évoque alors le souvenir de la naissance du premier : la visite à la maternité, et c’est parti pour un tour du gâtisme postnatal. Les démonstrations d’affection de Noémie, et déjà les conseils des parents : ne jamais mettre le bébé sur le ventre dans son berceau (risque de morts inattendues du nourrisson), coussin pour éviter la plagiocéphalie, etc.
Noémie continue en expliquant la découverte du matos exponentiel pour le jeune enfant. Au moins deux couffins. Un pour la maison, et un autre pour la poussette et la voiture. La table à langer avec tout son équipement. Le porte-bébé devant. Le porte-bébé derrière. Et l’écharpe de portage. La baignoire pliable avec son thermomètre. Plusieurs kilos de vêtements. Coussin d’allaitement, sac à langer, tire-lait, cocon, nid, couches. Tapis d’éveil, le mobile, la petite veilleuse, le doudou, l’indémodable Sophie la girafe. La tétine lumineuse, le babyphone connecté avec sa caméra. Le siège auto, le siège vélo, le lit pliant évolutif. La poussette 3 en 1, la chaise haute, le parc en bois, le lit à barreaux. Le hamac, le transat, les biberons, le chauffe-biberon, le stérilisateur. Trois tonnes de jouets et jeux divers… Pour la page : le maillot et tee-shirt anti-UV, le bob, les lunettes, la crème solaire. Les brassards, les bouées, le seau, la pelle, le râteau, les méduses. La tente, la serviette, la trousse de secours, le goûter, la gourde. Le chariot de marche, le siège suspendu, le youpala. La balancelle berceuse électrique et programmable. Puis vient le soir où on vous demande de garder le petit…
Quatrième tome de cette série : après la quarantaine et le démon de midi, la cinquantaine et la ménopause, la soixantaine et l’arrivée de la retraite, voici la phase vers les soixante-dix ans, mise en scène par l’autrice. Comme dans les tomes précédents, elle opte pour une présentation en scènes courtes de trois ou quatre pages, pour aborder une situation après l’autre. Elle utilise une mise en scène qui entremêle Noémie (un avatar composite d’elle-même et de plusieurs autres femmes) en train de s’adresser aux lectrices face caméra, des suites de vignettes montrant différentes variations d’une situation donnée (par exemple les rencontres avec de nouveaux hommes) et le texte qui court de case en case, et enfin des séquences narratives plus classiques une même action se déroulant dans une succession de cases (comme la déambulation dans l’allée du parc ou le voyage en train avec deux enfants en bas âge). Le lecteur retrouve la personnalité graphique de l’autrice : des dessins descriptifs avec un degré de simplification, réaliste avec une touche d’exagération. Elle continue de rester fidèle aux gros nez pour les personnages, et aux mains à quatre doigts. Ce choix rend tous les personnages immédiatement sympathiques, et très expressifs. Impossible de résister à l’enthousiasme exubérant et sans retenue des enfants, aux réactions pas toujours mesurées qu’ils provoquent chez les adultes de tout poil, et aux marques de la vieillesse physique.
Le lecteur retrouve avec plaisir et sympathie Noémie / Florence. Le choix de parler à la quasi première personne induit que l’autrice parle d’elle-même, de son expérience personnelle, et en même temps son avatar évoque différentes configurations, indiquant implicitement que la bédéaste évoque également l’expérience d’autres femmes de cette tranche d’âge, car toutes ne sont pas compatibles entre elles (elle ne peut pas à la fois être célibataire et en couple, par exemple). Comme l’indique Algoud dans sa préface, Florence Cestac a l’art et la manière de concilier des points de vue différents dans une même narration, à la fois du vécu et des ressentis très personnels, à la fois un panorama d’autres possibilités, sans toutefois verser dans le catalogue. Par exemple, lorsqu’elle évoque le club Tamalou, c’est-à-dire, la propension des personnes âgées à aborder un sujet qui les préoccupe au quotidien, leur santé, le lecteur voit des personnages énoncer leurs soucis. Lombalgie, rhumatismes articulaires, acouphènes, crise de goutte, ulcère à l’estomac, trop de cholestérol, trop de glycémie, diabète, crise de colique néphrétique, polypes colorectaux, foie gras, apnées du sommeil, cataracte, descente d’organes. Le lecteur voit plus d’une douzaine de personnages, à raison de deux par case, dans une même page, chacun avec leur expression et leur posture propres, entre résignation et douleur de fond, tous criants de vérité, regardés avec gentillesse par l’artiste.
De la même manière, l’autrice passe en revue les différentes occupations possibles à cet âge de la vie : salle de gym, aquagym, marche aquatique côtière, randonnée pédestre genre les chemins de Compostelle, les sorties touristiques dites La ménopause en vadrouille, le jardinage sous l’œil amusé du paysan du coin, les jeux de société comme le scrabble, le bridge, faire de l’art comme la poterie ou la peinture, la visite d’une exposition en troupeau, la séance de cinéma en avant-première avec réu-débat après, etc. Chaque situation fait l’objet d’une à trois cases : une mise en scène qui apporte des éléments d’informations supplémentaires et souvent un regard amusé, entre réalité peu clémente, et éléments comiques. Ainsi la marche aquatique côtière (très en vogue) s’effectue sous la pluie en combinaison intégrale, et le lecteur peut remarquer un monsieur avec une pipe à la bouche évoquant Popeye. Il faut voir Noémie batailler avec ses aiguilles pour produire un tricot informe, ou encore la réaction du chef cuisinier à ce qu’elle lui présente à l’issue du cours.
Le lecteur se rend compte que le sourire né dès les premières pages ne le quitte plus tout du long. Il repense à l’introduction et partage le jugement de son auteur. Florence Cestac sait manier le burlesque avec élégance et dextérité, des touches de bouffonnerie outrée : la quantité de régurgitation d’un nouveau-né, ses cris inextinguibles et perçants, sa façon de recracher la nourriture en la projetant partout, la surexcitation de ces dames en évoquant bruyamment leurs frasques passées autour d’un verre au café (pour la plus grande exaspération des plus jeunes), la difficulté de l’effort physique pour monsieur en plein acte sexuel, Noémie en tenue paramilitaire arcboutée à sa porte blindée en pleine crise de délire de persécution, etc. Ces moments sont imparables car elle sait marier le réalisme à la caricature, ses idiosyncrasies de dessin gommant tout risque de hiatus entre ces deux registres. Et puis, elle fait preuve d’une grande empathie, pour les seniors encore plus âgés ayant perdu une partie de leurs moyens soit physiques, soit mentaux, et pour chaque individu devenu sénile. Le lecteur se retrouve à verser une larme alors qu’une dame étreint Noémie, par gratitude dans le cadre de la distribution de denrées alimentaires.
Au fil des situations et des facettes de la vieillesse mises en scène, le lecteur ressent l’honnêteté de cette présentation, les différentes facettes de cette réalité, les différentes circonstances en fonction de sa situation de famille, de santé. Il se sent réconforté par les différents personnages, comprenant que cette sensation qui le rassérène provient du regard avec lequel l’autrice les considère, avec bienveillance. Elle montre chaque individu sans fard, avec ses défauts, avec la distance qui s’installe avec l’âge, par exemple dans les relations amoureuses, aussi bien sentimentales que physiques. Il ressent également l’acceptation de l’autrice quant aux évolutions qui accompagnent cet âge. Cela produit un effet bien différent de la résignation. Il repense à cette notion de temps additionnel, selon la formule de Christian Boltanski (1944-2021), artiste plasticien français. La mort devenant une perspective de plus en plus tangible, les années se condensent, la forces des intentions aussi, le temps additionnel a une intensité bien différente.
La perspective de découvrir une bande dessinée parlant de la vieillesse peut doucher l’enthousiasme du lecteur, d’autant que la couverture annonce des aspects peu reluisants du grand âge. D’un autre côté, la verve de Florence Cestac fait des merveilles à chaque fois, aussi bien dans les observations, les situations et les dialogues, que dans les dessins avec un sens formidable du burlesque. Elle parle aussi bien des pertes successives de toute nature, que de la capacité de l’individu à s’y adapter, à parvenir à l’acceptation, et à profiter de ce temps additionnel. Ravigotant et rassénérant.
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Azur Asphalte
Azur asphalte est une tranche de vie un peu particulière. Les illustrations à l'aquarelle sont la vraie réussite de ce roman graphique, que l'auteur a eu la bonne idée de ne pas cloisonner dans des cases un peu trop strictement refermées. Elles donnent un sacré souffle, du détachement aussi car invitant à les lire tels des tableaux, ce que l'aspect quasi documentaire de l'intrigue accentuera. Ce dernier point va constituer la petite réserve pointant malheureusement à mi-chemin. L'intrigue est parfaitement plantée, très ancrée dans un quotidien laborieux (celui de deux sœurs, des trentenaires prolos joignant péniblement les deux bouts financièrement, dans la belle ville de Nice), mais trop soucieuse de décrire un quotidien banal, de s'inscrire pleinement dans la chronique sociale, d'atteindre la justesse et la plus parfaite crédibilité, elle avance sans véritable enjeu ni moteur de l'intrigue. Il faut accepter ce postulat et dès lors vivre les situations présentées et les goûter simplement, apprécier ici l'humour des dialogues populaires et de quelques situations, être touché là par la mélancolie et de la tendresse à l'égard de ces vies simples ne se concevant que dans le combat pour une modeste dignité, et il est vrai, regretter que l'auteur ait délibérément refuser de s'aventurer sur le terrain social ou politique, à moins que cela ne soit justement son discours, que je ne partage pas, de n'envisager le social que sous l'angle purement individuel et d'ignorer la politique : le "struggle for life" des personnages est tristement égoïste dans sa relation au travail, le collectif ne se conçoit que dans le cadre familial ou des relations amicales/amoureuses, et les joies simples sont bassement mercantiles, assujetties aux acteurs majeurs de l'économie et de l'industrie culturelle. Une très belle chronique sociale, aux magnifiques illustrations, qui tourne un peu à vide, sans révolte, malgré un quotidien pour le moins laborieux. Une parfaite introduction à un récit qui n'aura malheureusement pas lieu.
Simone
C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !
Lolo et Sucette
Alors qu'il s'agissait d'une BD plus ou moins subversive au moment de sa sortie, j'ai une certaine tendresse pour Lolo et Sucette même s'il ne s'agit pas de la meilleure oeuvre de ces deux auteurs. Yann et Marc Hardy avaient en effet déjà collaboré auparavant sur l'encore plus corrosif mais jouissif La Patrouille des Libellules. Mais avec Lolo et Sucette, je retiens surtout l'exploit d'avoir su faire publier chez Dupuis une série sur la prostitution qui n'y va pas par quatre chemins et ose des blagues bien salaces voire un peu glauques, tout en restant dans un esprit suffisamment léger pour s'adapter un peu à l'esprit Dupuis. Le pari de faire rire avec des prostituées en héroïnes était audacieux, surtout dans le cadre d’un tel éditeur grand public. Il faut reconnaître que l’idée est originale et que certains gags font mouche, surtout quand l’humour se teinte d’ironie ou de noirceur. J’ai apprécié la galerie de clients, souvent caricaturaux mais bien croqués. Mais c'est surtout le dessin de Hardy que j'aime, nerveux et expressif. Il donne une vraie sensualité à ses personnages féminins, un vrai humour à ses situations et en même temps ce trait un brin brouillon qui ajoute à l'ambiance subversive de l'œuvre. On notera qu'entre le premier et le dernier tome de la série, ce trait évolue, allant vers plus de maîtrise et plus d'épure. Je le trouve un peu moins charmant sur la fin, mais quand même toujours bon. Cela dit, l’humour ne fonctionne pas toujours. Certains gags tombent à plat ou virent au glauque, et j’ai parfois eu l’impression que les auteurs voulaient choquer plus que faire rire. Il y a un vrai décalage entre le ton volontairement léger et les situations parfois un peu sordides. On s’attache tout de même à ces deux héroïnes, Lolo la grande gueule et Sucette la douce ingénue, mais l’ensemble manque un peu de finesse et de régularité.
Classroom for heroes
Dans un royaume de fantasy où des héros combattent monstres et démons, il existe une académie chargée de former les futurs héros et combattants du bien contre le mal. Dans celles-ci, Earnest, héritière d'une des plus grandes familles et porteuse d'une puissante épée démon, est de loin la meilleure guerrière de l'école. Jusqu'au jour où débarque Blade, directement amené là par le roi, et qui se révèle aussi insouciant qu'ultra-puissant. Il s'agit en réalité du plus puissant des héros, ayant acquis ses pouvoirs dès l'âge de trois ans et ayant depuis vécu le Seigneur des Démons, et qui essaie maintenant de devenir un adolescent comme tous les autres, malgré sa puissance démesurée. Sa présence va attirer l'attention de tout le monde, en particulier de toutes les jolies filles. Classroom for heroes est un shonen de fantasy, d'humour et de charme... ou plutôt de type Ecchi : le fan service saute rapidement aux yeux dès les premiers chapitres et les premières petites culottes montrées de manière totalement gratuite. Et ça continue tout du long, avec quelques accélérations sur certains épisodes, notamment à partir du moment où l'académie met en place des bains publics mixtes pour "briser les tabous qui entourent la nudité". C'est aussi une forme de shonen harem si l'on en juge par la quantité de jolies filles qui entourent le personnage de Blade, toutes plus ou moins charmées par lui, même si le côté romantique insiste surtout sur la paire Earnest et Blade. Mais contrairement aux shonen harem typique, le héros ici s'en fiche quasiment complètement des filles qui l'entourent et les voit comme des amies et partenaires plus que comme des romances possibles. Car Blade a un aspect particulièrement immature, ou du moins insouciant qui contraste avec son passé héroïque, l'expérience et les nombreux actes passés qu'on lui devine et qui viennent parfois ressurgir dans l'histoire au présent. Certes ce n'est qu'un ado et il a eu ses pouvoirs trop jeunes, mais son comportement sonne assez faux, trop caricatural. Et les autres personnages, très majoritairement féminins, ne paraissent pas tellement plus matures quand ils sont en présence de lui. Bref, la série semble s'adresser à un public relativement jeune, ce qui contraste avec l'abondance de ses clins d'oeil sexy et de son fan-service. Malgré la grande quantité de tomes de la série, elle ne présente pas de véritable intrigue de fond. Il s'agit plutôt de courts arcs se déroulant tous au sein de l'école, s'étalant sur une poignée de chapitres chacun, parfois un seul, et s'orientant tantôt sur des entrainements au combat entre gentils, tantôt sur l'apparition d'un nouveau danger pas toujours très sérieux, et plus souvent sur des histoires internes à l'académie autour des relations entre personnages avec beaucoup de coquinerie et de tentatives maladroites de séduction. Le ton est résolument plus à l'humour, voire à la loufoquerie, qu'à des intrigues sérieuses et prenantes, que ce soit concernant les romances ou les combats. Et on peut presque lire les albums dans n'importe quel ordre, la seule différence majeure étant l'introduction régulière de nouveaux personnages à la galerie déjà présente. Entre ce réel manque d'enjeu des intrigues, un humour qui ne me fait pas rire, et trop d'ecchi et d'exhibition gratuite des corps et sous-vêtements féminins, cette série m'a plutôt ennuyé. J'ai lu les premiers tomes, puis quelques-uns après, et enfin les tomes 18 et 19, derniers sortis à ce jour, dans l'espoir qu'il se mette en place quelque chose de plus prenant, mais hormis l'accumulation de personnages, je n'ai rien trouvé de plus attirant et je me passerai de lire la suite.
Rébétissa (L'Antidote)
Je peux arrêter de lire des BD jusqu’à ma mort après cette plongée dans les bas-fonds du Pirée en compagnie de ces attachants Rébètes. David Prudhomme, en sortant une suite (et fin ?) à Rébétiko (je n’osais même pas en rêver), vient en effet d’accomplir un petit exploit : faire mieux que Rébétiko ! Que dire ? Par où commencer ? Rébétissa (l’antidote) m’a procuré un tel bonheur et a généré en moi des émotions si vigoureuses que je ne me sens pas du tout à la hauteur pour rédiger une critique. Peut-être par-là : j’étais l’un des musiciens, et tous à la fois. J’étais même les chanteuses, Béba ou Marika. J’ai ressenti leur colère, leur force intérieure inébranlable face à l’inéluctable. J’étais de leur combat et de toutes leurs petites combines. J’ai fumé le narguilé avec eux, j’ai voulu me battre, défendre moi aussi le café de Katina. J’ai voulu fuir, tout quitter. Et j’ai chialé comme un gosse dans les dernières pages. L’essentiel passe par le dessin dément de David Prudhomme. Dans cette version en noir et blanc, bien meilleure selon moi que la version colorisée (qui est elle-même moins réussie que pour Rébétiko, voire carrément ratée), le lecteur en prend plein les mirettes. L'écrin est magnifique. Les fonds couleur crème font ressortir le trait. C'est magnifique. Prudhomme fait preuve d’une maitrise totale des jeux d’ombre et de lumière. Le dessin s’anime, on entend penser tout haut les personnages, on voit leurs idées flotter dans l’air et se mêler à la petite fumée du haschich. A la faveur d’un regard, l’émotion éclabousse la page. Tous dansent, chantent, fument, tentent de faire bonne figure face à l’adversité, et dignes. Oui, j’insiste : on peut même les entendre penser ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux ces personnages ! Perso, j’adore le fanfaronnant Stavros ou l’espiègle Batis, mais tous sans exception sont attachants jusque dans leurs travers. Et même les nouveaux que l’on découvre sont extrêmement soignés, à l'image de la savoureuse Katina. Le scénario prend ici un relief qui en comparaison semble à peine esquissé dans Rébétiko. Dans ce volume, la situation devient réellement tragique car l’étau de la dictature se resserre. Les personnages sont amenés à faire des choix qui les engagent totalement tant ils se retrouvent acculés, et face à la répression, toutes et tous restent dignes jusqu'au bout. On ne pouvait rêver plus beau chant du cygne. Les dialogues ne gâchent rien, même si par-ci par-là, le lecteur pointilleux pourra relever quelques futilités qui auraient pu ne pas exister pour laisser d’avantage de place au dessin. Mais franchement, vue la qualité exceptionnelle de l’ensemble, on oublie… Rébétissa s’inscrit dans la grande lignée des tragédies grecques. Mais au-delà de toutes ces considérations, ce récit saisit quelque chose du monde d’aujourd’hui. J’aimerais ne pas trop en dire afin de laisser le plaisir de la découverte, mais oui, nous sommes, Nous, collectivement, les Rébètes. Pour reprendre les paroles de l'un d'entre eux, "nous avons le malheur de n'être que ce que nous sommes, dans un monde qui ne veut plus de ce que nous sommes". J'avoue que ce sentiment de décalage s'accorde en tous points avec mon propre ressenti. A moins que ce ne soit Prudhomme lui-même qui nous exhorte à le devenir ? Fin d’un monde, fin d’une culture, mise en place d’une dictature… Mais c’est véritablement la toute fin qui saute à la gueule. Il y a dans cette dernière scène une métaphore subtile, à la fois touchante, mélancolique et effrayante... Juste pour dire comment j'ai transposé tellement le tableau est vivant... Voilà dit dans un désordre abominable tout le bien que je pense de cette BD. Bien entendu, mes centres d’intérêt personnels y sont pour quelque chose. Ma passion pour la musique, et en particulier le Blues et le personnage d’Alan Lomax (qu’on retrouve d’ailleurs un peu sous les traits du personnage de Péristéris) n’a fait que décupler mon affection pour cette histoire. Mais y a pas à tortiller : Rébétissa (l’antidote) est l’œuvre d’un grand !
Carcajou
Cette série est un très bon divertissement. Sur un schéma ultra classique et très visité, El diablo joue avec les clichés pour fournir un récit haletant dont il est difficile de se détacher. L'auteur aime à jouer les contre pieds tout au long de son histoire Gus n'est pas le bon écolo dernier barrage contre la honteuse exploitation de la forêt et Jay est un personnage d'une grande faiblesse malgré les apparences. Le rythme est très vif avec une narration bien fluide qui s'ingénie à souvent nous dérouter. La pointe de fantastique n'est elle, d'ailleurs, pas celle que se construisent les personnages dans un monde où l'irrationnel à encore sa place. Le très bon final nous laisse d'ailleurs avec plusieurs interprétations possibles avec une dernière planche surprise qui rebat ce que l'on croyait acquis. J'ai bien aimé le graphisme de Deroche qui exprime bien cette ambiance de conflit en huis clos entre la colline et la ville. Quelques doubles pages sympathiques nous rappelle que l'histoire s'inscrit dans les vastes étendues canadiennes de tout beauté. Une lecture très plaisante avec un récit bien construit autour de thèmes très classiques mais revisités avec brio.
Les Chroniques du Roi vagabond
Je ne suis pas trop surpris que cette série soit morte née. En effet j'ai eu du mal à me situer dans cet univers fantasy. Cela commence classiquement d'une façon sage avec un prince exilé qui revient sauver ses amis rouges massacrés par les bleus. Ori est prince, magicien et combattant ce qui lui permet de régler son compte au super vilain comte Azur qui lui a piqué sa fiancée. La narration est peu fluide avec une voix off très présente et un texte compliqué qui fait références à des situations inconnues sans beaucoup de flash back pour éclaircir le contexte. On reste tout de même dans une littérature ado assez soft jusqu'à un final assez délirant d'un duel plein d'anachronismes surprises , de facilités et d'une princesse prise d'une folie meurtrière sans que j'ai bien compris pourquoi. Comme le dessin est assez inconstant dans le traitement des personnages je ne regrette pas que ce T1 reste orphelin.
Toxique
Matthias Bourdelier, ancien libraire, est aussi un ancien élève du Cesan, établissement spécialisé dans la BD. Son premier album connu est ce recueil de saynètes où il propose de vivre différentes relations toxiques. le plus souvent il s'agit de conversations entre amis ou amants sur une terrasse, au cours d'une soirée, sur l'oreiller. Les dialogues sont assez fins, même si pas toujours crédibles, mais on est bien sûr dans le registre de la caricature, avec de l'exagération et du raccourci pour appuyer les effets. Et cela fait mouche la plupart du temps, on voit bien les red flags apparaître au fil des conversations, les silences coupables, les situations d'emprise, le côté passif-agressif de certain(e)s. Les situations sont assez diversifiées pour qu'on ait un éventail assez large. Graphiquement et en termes de mise en scène il y a une parenté avec ce que fait Fabcaro dans ses BD absurdes, un style relativement réaliste avec des poses répétées tout le long du sketch, (mais avec des variations (un bras qui se lève, par exemple). Ce qui permet de se concentrer sur l'essentiel, les dialogues. Seul petit regret, que les relations toxiques au boulot soient finalement peu ou pas traitées.
Multiversity présente Terre-38
John Byrne, un gros nom des comics de superhéros s'amuse avec un concept simple: et si dans un univers parallèle on voyait Batman et Superman vieillir au lieu de rester éternellement jeune ? En grand connaisseur de comics, Byrne en profite aussi pour rendre hommage à DC Comics. Chaque chapitre se passant dans une décennie différente, il va essayer de copier le style de comics de l'époque et aussi de respecter la continuité DC. Par exemple, un personnage qui a été créé dans les années 70 va seulement apparaitre à partir du chapitre traitant de cette décennie. Comme il faut des connaissances en comics pour bien apprécier les références et savoir qui est qui, c'est clairement le genre de récit pour les fans. Le lecteur qui veut juste lire un récit de deux super-héros qu'il a uniquement vu à la télé ou au cinéma risque de s'ennuyer. C'est donc le comics parfait pour moi et j'avoue que je ne sais pas trop quelle note donné. En effet, l'album contient trois mini-séries. J'ai bien aimé les deux premières et la troisième (qui fait quand même la moitié de l'album) m'a un peu ennuyé. La première mini-série est pas mal et exploite bien l'idée que Batman et Superman vieillissent, se marient, ont des enfants....Comme c'est une histoire qui ne compte pas dans la continuité normale de DC, Byrne peut faire ce qu'il veut en en profite. La seconde mini-série peut paraitre un peu inutile, mais je l'ai bien aimé. Ici, Byrne ajoute d'autres super-héros DC et cela permet de varier les situations. J'aurais tout de même aimé voir plusieurs méchants de Batman, on ne voit que Joker et un autre méchant de la chauve-souris et s'est tout. Puis vient la troisième mini-série qui est vraiment le genre de récit de superhéros que je n'aime pas trop. Il y a une gros méchant qui est une menace pour l'univers (Darkseid joue se rôle pour la millième fois), il y a donc pleins de superhéros qui vont le combattre et en prime il y a pleins de saut dans le temps et moi les voyages temporels avec des paradoxes ça me donne mal à la tête. C'est décousu et ça sert à rien hormis pour Byrne d'utiliser encore plus de personnages DC que dans les précédentes mini-séries. Je peux comprendre qu'il a envie de rendre hommage aux créations de Kirby, mais c'est ce qu'il fait c'est du déjà vu. En plus, son dessin se détériore un peu ou alors ce sont juste les couleurs fait à l'informatique qui ne vont pas avec son dessin comme ça été le cas avec d'autres dessinateurs ayant débuté dans les années 70-80. En gros, je dirais que si on est fan de l'univers de DC Comics, c'est un album à emprunter et il faut lire uniquement la première moitié de l'album.
Le Démon de mamie ou la sénescence enchantée
La vieillesse est si longue qu’il ne faut pas la commencer trop. Benoîte Groult - Ce tome contient une histoire complète qui peut être lue indépendamment de toute autre. Il s’inscrit également dans une série thématique : Le Démon de midi ou Changement d'herbage réjouit les veaux (1996), Le Démon d'après Midi... (2005), et Le Démon du soir ou la ménopause héroïque (2013). Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Florence Cestac pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-neuf pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une préface d’une page, rédigée par Albert Algoud, louant la manière dont l’autrice possède le sens du burlesque, tout en réussissant à marier le réalisme à la caricature et l’ironie à la plus vive à la bienveillance amusée. Dans un parc ou un jardin public, un groupe d’une demi-douzaine de femmes âgées papotent, alors que des enfants crient : Mamie ! Mamie ! Mamie ! Mamie ! Mamie ! Noémie se rend compte que ce sont ses petits-enfants qui l’appellent. Ces dames évoquent les différents noms qui leur ont été donnés : Mamie pour la plupart, mais aussi Mémé, Mamour, Mam, Bonne-Maman, Nona, Babou, Mamibolo (car elle est la reine des spaghettis bolognaise, et c’est tous les mercredis midi. Noémie explique que la voilà grand-mère, deux fois avec son fils. Sa fille, elle, a décidé de ne pas se reproduire : planète pourrie, trop de monde sur terre, climat qui… La demoiselle en question l’interrompt pour rappeler qu’elle préfère les filles. La grand-mère évoque alors le souvenir de la naissance du premier : la visite à la maternité, et c’est parti pour un tour du gâtisme postnatal. Les démonstrations d’affection de Noémie, et déjà les conseils des parents : ne jamais mettre le bébé sur le ventre dans son berceau (risque de morts inattendues du nourrisson), coussin pour éviter la plagiocéphalie, etc. Noémie continue en expliquant la découverte du matos exponentiel pour le jeune enfant. Au moins deux couffins. Un pour la maison, et un autre pour la poussette et la voiture. La table à langer avec tout son équipement. Le porte-bébé devant. Le porte-bébé derrière. Et l’écharpe de portage. La baignoire pliable avec son thermomètre. Plusieurs kilos de vêtements. Coussin d’allaitement, sac à langer, tire-lait, cocon, nid, couches. Tapis d’éveil, le mobile, la petite veilleuse, le doudou, l’indémodable Sophie la girafe. La tétine lumineuse, le babyphone connecté avec sa caméra. Le siège auto, le siège vélo, le lit pliant évolutif. La poussette 3 en 1, la chaise haute, le parc en bois, le lit à barreaux. Le hamac, le transat, les biberons, le chauffe-biberon, le stérilisateur. Trois tonnes de jouets et jeux divers… Pour la page : le maillot et tee-shirt anti-UV, le bob, les lunettes, la crème solaire. Les brassards, les bouées, le seau, la pelle, le râteau, les méduses. La tente, la serviette, la trousse de secours, le goûter, la gourde. Le chariot de marche, le siège suspendu, le youpala. La balancelle berceuse électrique et programmable. Puis vient le soir où on vous demande de garder le petit… Quatrième tome de cette série : après la quarantaine et le démon de midi, la cinquantaine et la ménopause, la soixantaine et l’arrivée de la retraite, voici la phase vers les soixante-dix ans, mise en scène par l’autrice. Comme dans les tomes précédents, elle opte pour une présentation en scènes courtes de trois ou quatre pages, pour aborder une situation après l’autre. Elle utilise une mise en scène qui entremêle Noémie (un avatar composite d’elle-même et de plusieurs autres femmes) en train de s’adresser aux lectrices face caméra, des suites de vignettes montrant différentes variations d’une situation donnée (par exemple les rencontres avec de nouveaux hommes) et le texte qui court de case en case, et enfin des séquences narratives plus classiques une même action se déroulant dans une succession de cases (comme la déambulation dans l’allée du parc ou le voyage en train avec deux enfants en bas âge). Le lecteur retrouve la personnalité graphique de l’autrice : des dessins descriptifs avec un degré de simplification, réaliste avec une touche d’exagération. Elle continue de rester fidèle aux gros nez pour les personnages, et aux mains à quatre doigts. Ce choix rend tous les personnages immédiatement sympathiques, et très expressifs. Impossible de résister à l’enthousiasme exubérant et sans retenue des enfants, aux réactions pas toujours mesurées qu’ils provoquent chez les adultes de tout poil, et aux marques de la vieillesse physique. Le lecteur retrouve avec plaisir et sympathie Noémie / Florence. Le choix de parler à la quasi première personne induit que l’autrice parle d’elle-même, de son expérience personnelle, et en même temps son avatar évoque différentes configurations, indiquant implicitement que la bédéaste évoque également l’expérience d’autres femmes de cette tranche d’âge, car toutes ne sont pas compatibles entre elles (elle ne peut pas à la fois être célibataire et en couple, par exemple). Comme l’indique Algoud dans sa préface, Florence Cestac a l’art et la manière de concilier des points de vue différents dans une même narration, à la fois du vécu et des ressentis très personnels, à la fois un panorama d’autres possibilités, sans toutefois verser dans le catalogue. Par exemple, lorsqu’elle évoque le club Tamalou, c’est-à-dire, la propension des personnes âgées à aborder un sujet qui les préoccupe au quotidien, leur santé, le lecteur voit des personnages énoncer leurs soucis. Lombalgie, rhumatismes articulaires, acouphènes, crise de goutte, ulcère à l’estomac, trop de cholestérol, trop de glycémie, diabète, crise de colique néphrétique, polypes colorectaux, foie gras, apnées du sommeil, cataracte, descente d’organes. Le lecteur voit plus d’une douzaine de personnages, à raison de deux par case, dans une même page, chacun avec leur expression et leur posture propres, entre résignation et douleur de fond, tous criants de vérité, regardés avec gentillesse par l’artiste. De la même manière, l’autrice passe en revue les différentes occupations possibles à cet âge de la vie : salle de gym, aquagym, marche aquatique côtière, randonnée pédestre genre les chemins de Compostelle, les sorties touristiques dites La ménopause en vadrouille, le jardinage sous l’œil amusé du paysan du coin, les jeux de société comme le scrabble, le bridge, faire de l’art comme la poterie ou la peinture, la visite d’une exposition en troupeau, la séance de cinéma en avant-première avec réu-débat après, etc. Chaque situation fait l’objet d’une à trois cases : une mise en scène qui apporte des éléments d’informations supplémentaires et souvent un regard amusé, entre réalité peu clémente, et éléments comiques. Ainsi la marche aquatique côtière (très en vogue) s’effectue sous la pluie en combinaison intégrale, et le lecteur peut remarquer un monsieur avec une pipe à la bouche évoquant Popeye. Il faut voir Noémie batailler avec ses aiguilles pour produire un tricot informe, ou encore la réaction du chef cuisinier à ce qu’elle lui présente à l’issue du cours. Le lecteur se rend compte que le sourire né dès les premières pages ne le quitte plus tout du long. Il repense à l’introduction et partage le jugement de son auteur. Florence Cestac sait manier le burlesque avec élégance et dextérité, des touches de bouffonnerie outrée : la quantité de régurgitation d’un nouveau-né, ses cris inextinguibles et perçants, sa façon de recracher la nourriture en la projetant partout, la surexcitation de ces dames en évoquant bruyamment leurs frasques passées autour d’un verre au café (pour la plus grande exaspération des plus jeunes), la difficulté de l’effort physique pour monsieur en plein acte sexuel, Noémie en tenue paramilitaire arcboutée à sa porte blindée en pleine crise de délire de persécution, etc. Ces moments sont imparables car elle sait marier le réalisme à la caricature, ses idiosyncrasies de dessin gommant tout risque de hiatus entre ces deux registres. Et puis, elle fait preuve d’une grande empathie, pour les seniors encore plus âgés ayant perdu une partie de leurs moyens soit physiques, soit mentaux, et pour chaque individu devenu sénile. Le lecteur se retrouve à verser une larme alors qu’une dame étreint Noémie, par gratitude dans le cadre de la distribution de denrées alimentaires. Au fil des situations et des facettes de la vieillesse mises en scène, le lecteur ressent l’honnêteté de cette présentation, les différentes facettes de cette réalité, les différentes circonstances en fonction de sa situation de famille, de santé. Il se sent réconforté par les différents personnages, comprenant que cette sensation qui le rassérène provient du regard avec lequel l’autrice les considère, avec bienveillance. Elle montre chaque individu sans fard, avec ses défauts, avec la distance qui s’installe avec l’âge, par exemple dans les relations amoureuses, aussi bien sentimentales que physiques. Il ressent également l’acceptation de l’autrice quant aux évolutions qui accompagnent cet âge. Cela produit un effet bien différent de la résignation. Il repense à cette notion de temps additionnel, selon la formule de Christian Boltanski (1944-2021), artiste plasticien français. La mort devenant une perspective de plus en plus tangible, les années se condensent, la forces des intentions aussi, le temps additionnel a une intensité bien différente. La perspective de découvrir une bande dessinée parlant de la vieillesse peut doucher l’enthousiasme du lecteur, d’autant que la couverture annonce des aspects peu reluisants du grand âge. D’un autre côté, la verve de Florence Cestac fait des merveilles à chaque fois, aussi bien dans les observations, les situations et les dialogues, que dans les dessins avec un sens formidable du burlesque. Elle parle aussi bien des pertes successives de toute nature, que de la capacité de l’individu à s’y adapter, à parvenir à l’acceptation, et à profiter de ce temps additionnel. Ravigotant et rassénérant.