L’album nous présente quelques mois de la vie de Basile, que j’imagine être une sorte d’alter ego de l’auteur. En effet, Basile est un auteur de BD qui recherche inspiration et moyens financiers pour vivre, galère avec sa copine pour payer la bouffe, les sorties, etc. Par obligation, il s’inscrit dans une agence d’intérim, et se trouve envoyé en mission dans l’entrepôt d’une grande chaîne de supermarché. Il va y découvrir – et nous présenter par la même occasion – le fonctionnement de ce « travail de l’ombre ».
Son organisation, les multiples dangers, et surtout l’exploitation éhonté de la main d’œuvre par les agences d’intérim et la chaine de supermarchés. Les intérimaires étant les plus précaires. Les diverses formes d’adaptation de ce sous prolétariat aux exigences souvent délirantes sont bien montrées. Certains passages frôlent l’absurde, on comprend bien que les règlements ne sont que façade, et que s’y conformer est impossible – en matière de sécurité par exemple, pour ne pas écorner la rentabilité. Quant aux rapports humains, ils sont réduits au minimum entre la hiérarchie et les travailleurs comme Basile (mais aussi, turnover aidant, entre les travailleurs de bases eux-mêmes).
Ça n’est pas un reportage ou un documentaire, mais on sent que l’auteur s’inspire d’une réalité sans doute vécue (j’ai moi aussi tâté de l’intérim il y a longtemps, pour du travail à la chaine par exemple, et j’y ai retrouvé quelques similitudes).
J’ai bien aimé le dessin. Les personnages animaliers sont expressifs, et le rendu de ce Noir et Blanc assez gras est proche d’un certain underground américain, tout en gardant une fraicheur, une lisibilité – et une qualité du trait – supérieur à la moyenne de ce genre.
Une lecture intéressante, agréable, illustrant la façon dont certains individus essayent de survivre dans un milieu déshumanisant. Pour Basile, c’est passé par quitter ce boulot débile et trouver quelque chose de plus gratifiant. Mais tout le monde n’a pas cette chance hélas.
Mouais.
L’album se laisse lire, mais j’en suis sorti sur ma faim.
Disons que l’ambiance nauséabonde est bien construite, autour d’une communauté un peu en vase clôt, les relations exécrables qu’entretiennent certains protagonistes entre eux. Et le dessin de Léonie Bischoff est plutôt chouette. Ce qui fait que la lecture n’a pas été déplaisante.
Mais elle n’a hélas jamais été passionnante non plus. D’abord parce que le suspens est tout relatif, on devine quand même bien en amont le « coupable », ce qui gâche un peu le plaisir dans ce type de récit policier.
Ensuite parce que l’intrigue elle-même n’est quand même pas palpitante, et aucun personnage n’est attachant, ni trop développé d’ailleurs (à part dans la première partie la femme jouant un rôle infect).
J’avais lu une autre adaptation de Läckberg par les mêmes auteurs, « Le prédicateur », et ça m’avait davantage plu. Je ne sais pas si c’est le roman d’origine qui est moins bon, mais ici, ça ne m’a pas convaincu.
Note réelle 2,5/5.
Je ne suis a priori pas forcément le cœur de cible de ce type d’album, mais je dois dire que la lecture s’est révélée plus agréable que prévu/craint.
D’abord, le dessin de Mademoiselle Caroline n’est pas le style girly qui souvent m’horripile. Avec un trait épuré (décors escamotés, personnages quasi esquissés), elle arrive à l’essentiel, et c’est très lisible.
Quant au récit, il ne sort pas de l’ordinaire, mais c’est quand même une lecture plaisante. On y retrouve les grands classiques des crises d’adolescence, des petites guéguerres entre l’ado et ses parents. C’est souvent bien vu.
Alors, certes, rien de révolutionnaire, ça n’est jamais hilarant, mais c’est une lecture qui parlera sans doute à pas mal de parents (et à d’anciens ados n’ayant pas perdu la mémoire).
Sophie Guerrive aime s’inspirer du moyen-âge pour ses histoires (chez le même éditeur avec Capitaine Mulet, ou chez Ion). Ça l’inspire et elle ajoute sa patte à une imagerie bien maîtrisée.
Ici c’est un univers entièrement religieux, autour de moines, avec prêches, recherche du paradis et du jardin d’Eden. Un peu de fantastique, des personnages anthropomorphes, tout passe très bien.
Je me pose juste la question du public visé. Pas mal de choses sont tout public, voire visent un jeune lectorat (le dessin simple et certaines situations « mignonnes »), alors que d’autres, qui laissent entrevoir l’imaginaire médiéval, toucheront sans doute davantage des lecteurs adolescents et surtout adultes.
Sinon, comme d’habitude avec 2024, on a droit à une super maquette, un papier épais.
Une lecture agréable en tout cas.
Malsain !… Sain !… Ce sont des notions subjectives !…
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 1985. L'histoire a fait l'objet d'une prépublication dans les numéros 72 à 78 du magazine (À suivre) en 1984. Elle a été réalisée par Didier Comès (1942-2013) pour le scénario et les dessins. Elle se développe sur soixante-dix-neuf pages en noir & blanc. La réédition de 2023 par Casterman comprend une introduction de trois pages, intitulée Éva ou l'éloge de la rupture, rédigée par Thierry Bellefroid, auteur d'une monographie sur ce bédéiste.
À l'étage d'une belle demeure à l'écart de tout, une belle femme, Éva est assise immobile dans sa chaise roulante, dans une belle robe noire avec un profond décolleté qui laisse voir le début de ses auréoles, des bas résille, des chaussures à talon, un beau collier, une longue boucle d'oreille à gauche. Elle observe son frère Yves silencieusement. Celui-ci est train de lire assis dans fauteuil confortable. À l'extérieur, une jeune femme approche à pied. Elle monte les quelques marches du perron et pousse la porte d'entrée : celle-ci est ouverte. Elle pénètre dans le hall, avec son grand escalier qui mène à l'étage. Elle appelle : Y a-t-il quelqu'un ? À l'étage, Éva indique à son frère qu'il s'agit d'une voix de fille et elle le traite d'imbécile, l'accusant d'avoir encore oublié de fermer la porte d'entrée. Il se lève lui disant de ne pas s'inquiéter : il va voir. Il sort de la bibliothèque et se penche par-dessus la rambarde. Voyant la silhouette de Neige, il lui demande ce qu'elle veut. Neige s'excuse, sa voiture vient de tomber en panne : pourrait-elle téléphoner à un garagiste ? Yves descend les marches et répond qu'elle ne trouvera pas de garagiste qui acceptera de se déplacer à cette heure. Il veut bien l'aider en l'hébergeant jusqu'à demain, mais il doit auparavant en référer à sa sœur jumelle. Il remonte les marches en ajoutant qu'elle vit avec lui, et elle est gravement handicapée, elle ne sait plus marcher.
De retour dans la bibliothèque, Yves suppose qu'Éva a entendu. Elle lui demande si Neige lui plaît. Il répond qu'il ne l'a pas bien vue, il fait sombre dans le hall, et puis cela ne l'intéresse pas. Il ajoute qu'ils ne peuvent pas laisser cette jeune femme toute seule dans la nuit. Elle répond qu'il fasse ce qu'il veut, mais s'il arrive quelque chose, il en sera responsable. Yves redescend au rez-de-chaussée et indique à Neige que sa sœur est d'accord. Il va lui montrer sa chambre. Une fois dans la chambre, il la prévient : l'appartement d'Éva se trouve à l'autre bout du couloir, elle doit éviter d'y aller car sa sœur déteste les intrus. Son caractère s'est aigri depuis son accident, aussi vaut-il mieux respecter son besoin de solitude. Un dernier conseil : elle se déplace en chaise roulante, si Neige la rencontre, elle doit se méfier car l'attitude d'Éva est parfois bizarre. Il sort, Neige referme la porte, se déshabille et se glisse nue dans les draps, pendant qu'à l'étage Yves déshabille sa sœur puis la serre dans ses bras.
L’œuvre de ce bédéiste est passé à la postérité pour Silence (1980), Belette (1983) et Éva. Dans l'introduction, Bellefroid indique que cette BD se démarque des précédentes dans la mesure où elle ne met pas en scène le milieu rural des Ardennes en particulier. L'intrigue s'avère linéaire et simple : un huis-clos dans une grande demeure dotée d'un grand terrain, entre trois individus Éva et Yves qui sont jumeaux, et Neige, une jolie jeune femme dont la voiture est tombée en panne. le récit s'ouvre avec une planche muette dont la moitié supérieure se compose de deux bandes de quatre cases chacune, une suite de gros plans partant de la roue arrière de la chaise roulante pour remonter jusqu'au visage d'Éva. Le lecteur apprécie le noir et blanc, les contrastes afférents, le sens du cadrage et du plan de prise de vue. L'étrangère entre dans la maison dès la deuxième planche, et la tension est déjà palpable du fait des remarques décalées aux sous-entendus critiques de la femme handicapée, des réponses conciliantes de son frère, et de l'indépendance qui se devine chez Neige. L'artiste se focalise sur la représentation de quelques éléments structurants par case, avec une proportion significative de cases composées d'un gros plan sur le visage de l'interlocuteur en train de s'exprimer, et une représentation à la fois simplifiée et interprétative du visage, plutôt que réaliste.
Le lecteur observe ce huis-clos, pas trop étouffant : les personnages passent d'une pièce à une autre, Neige sort dans le parc dès le lendemain matin pour se promener, puis ressort avec le garagiste Monsieur Linou pour aller voir sa voiture, pour un jeu de séduction entre elle et Yves, dans des pages et des cases plus aérées, ou les zones blanches prédominent sur les noires. Pour autant, le lecteur ressent bien la sensation d'oppression de ce genre de récit. La superbe couverture de l'édition de 2023 met en avant la chaise roulante, les bas résille, le vernis des chaussures, tout en dissimulant le visage d'Éva. Les huit cases de la moitié supérieure de la première page s'attardent sur des détails en gros plan, d'un côté comme une forme de fétichisme, de l'autre laissant la charge au lecteur de se faire une image complète en prenant du recul. Neige perçoit la forme de la demeure en ombre chinoise de nuit, avec une contre-plongée qui la rend très imposante. Les aplats de noir occupent une surface plus importante que les blancs dans la majorité des cases, soit avec des zones franches, soit avec des contours biscornus, introduisant une sensation à la fois pesante, à la fois déstabilisante en fonction des contours plutôt ronds ou plutôt anguleux. En effet en tant directeur de la photographie, l'artiste pousse la composition des cases parfois jusqu'à occulter les éléments de décors en arrière-plan au profit d'aplats de noir géométriques, venant encadrer les personnes, ou occupant tout le fond de case pour une tête ressortant alors avec un effet sinistre, ou partageant le fond en deux zones la silhouette ou le visage des personnages étant alors comme présent pour partie dans l'obscurité pour partie dans la lumière.
En fonction de la séquence, du moment, l'artiste ajuste son niveau de représentation entre de nombreux détails ou une approche minimaliste. Par exemple lorsqu'Yves ouvre la porte de la chambre de Neige, le lecteur peut voir le lit, la fenêtre, un fauteuil, une commode avec un vase, deux tableaux, la lampe de chevet avec son abat-jour, une plante verte, tout ça dans une seule case. Lorsqu'elle ouvre la porte de la cuisine, il peut voir Yves debout avec la cafetière à la main, le carrelage sur le mur du plan de travail, les placards au mur, la cuisinière, des ustensiles de cuisine accrochés au mur, une corbeille de fruits, des pots, la table, des chaises, des verres, le beurrier, etc., tout ça également dans une seule case. Par opposition, quand Yves fait visiter son atelier à Neige, la première bande de quatre cases appartient au registre conceptuel, presqu'abstrait, avec uniquement des rectangles noirs, et des contours blancs. Durant cette séquence de huit pages, l'arrière-plan de chaque case ne comprend aucun élément représenté ou dessiné, uniquement des jeux de formes noires en rectangles, en trapèze, et de compléments en blancs. Cette mise en scène a pour effet de focaliser le regard du lecteur sur les visages, et de le faire s'interroger sur ce contient cet atelier, sur ce qu'il peut recéler, peut-être de dangereux. En tout cas, c'est préoccupant, voire inquiétant.
Le dispositif narratif s'avère simple : un homme, deux femmes, une tension palpable, pour partie sexuelle. La situation d'Éva peut évoquer celle de l'handicapé qui dépend d'un proche, en l'occurrence son frère, pour les gestes de tous les jours, limité en mobilité et ayant développé une capacité d'observation importante. Il peut aussi faire penser à Fenêtre sur cour (1963) d'Alfred Hitchcock (1899-1980), ou encore à Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (1962, What Ever Happened to Baby Jane?) de Robert Aldrich (1918-1983), avec Bette Davis (1908-1989) & Joan Crawford (1904-1977). En fonction de sa culture, le lecteur peut également identifier le visage caractéristique de Klaus Nomi (1944-1983), Marlene Dietrich (1901-1992) dans L'ange bleu (1930), de Josef von Sternberg (1894-1969). À un moment, Neige regarde la télévision et elle reconnaît Harpie (1979), court métrage réalisé par Raoul Servais (1928-2023). Une case utilise la vue depuis l'intérieur du canon d'un pistolet, typique du générique des films de James Bond. Comme l'écrit le préfacier : Il n'est pas nécessaire de connaître ces références pour apprécier la lecture. Il continue : Comès narre son récit à l'aide d'une grammaire très cinématographique, ce qui lui permet de rendre au cinéma tout ce que celui-ci lui a donné.
Selon sa sensibilité, le lecteur peut anticiper une partie des révélations du récit, l'auteur donnant assez d'indices pour comprendre ce qui se joue réellement entre Éva et Yves, ainsi que le déséquilibre introduit par Neige dans leur relation. Il relève la fluctuation des rapports de force, qui domine la situation quand, et il apprécie que Neige dispose d'un solide caractère qui évite qu'elle n'endosse le rôle de victime sans défense. Il comprend que les compétences d'Yves en matière d'automates servent l'intrigue, et il ressent qu'elles introduisent aussi une métaphore sur son rapport aux êtres humains, ainsi que sur les relations entre individus, certains en manipulant d'autres. En plus des thèmes cités dans l'introduction (gémellité, bisexualité, identité sexuelle, érotisme), les interactions saines ou malsaines (des notions subjectives comme le fait remarquer Yves à Neige) entre ces trois personnes jouent sur le déni de réalité, sur le désir de possession et de contrôle de l'autre, sur l'emprise.
Une jeune femme forcée par une panne de voiture, de passer la nuit sous le toit de jumeaux, dont une personne à mobilité réduite en fauteuil roulant. Une narration visuelle sophistiquée, avec des plans de prise de vue et de cadrages savamment composés, mettant à profit des classiques du cinéma. Une tension engendrée par un suspense psychologique. Une intrigue vénéneuse qui n'a rien perdu de sa toxicité.
Encombrant et familier. Martin Veyron continue sa veine de contes édifiants que j'avais déjà apprécié dans l'adaptation de la nouvelle de Tolstoï Ce qu'il faut de terre à l'homme . Il essaye de formaliser les défauts de notre époque en montrant l'ubris avec Tolstoï et ici le désir de gloire.
Mais dans un cas on a un conte court, tragique et bien ourlé et dans l'autre c'est une mosaïque de petites histoires gigognes, tirées de la mythologie grecque et de l'histoire antique, emballée dans une longue comédie ironique.
Martin Veyron aime et sait nous mener par le bout du nez par ses dialogues et ses situations rocambolesques. Il prend son temps (213 pages) et toute la place nécessaire (24/32cm) pour reconstituer un monde antique coloré de l'imaginaire des années 80 mais peut-être aussi du cinéma muet.
Beaucoup trop lourd pour lire au lit, très dense donc il faut prévoir plusieurs soirs devant soi. Si on aime Martin Veyron on aura plaisir à retrouver son trait décidé et élégant et son humour appuyé.
Sinon passez votre chemin.
Passons sur ce titre provocateur et racoleur qui ne ressemble ni à l'esprit de la série ni à la maison Milan. L'histoire qui lui correspond est en outre bien drôle mais un tel titre ne serait probablement pas accepté dans la majorité des pays africains.
Pour le reste Vehlmann et Duchazeau proposent quelques histoires courtes de 4 planches bien dans l'esprit du continent. C'est tonique et diversifié alternant l'humour, la sagesse ou la poésie. Le vocabulaire et l'humour qu'utilisent Vehlmann a une musique très européenne ce qui nuit à la l'authenticité mais ouvre à un plus large public.
Le graphisme très moderne de Duchazeau s'adresse plus à un public adulte à mon avis. Cela produit une narration visuelle très dynamique et bien élaborée assez formatrice pour un public assez jeune. Enfin , je veux souligner une mise en couleur très réussie qui apporte beaucoup à l'ambiance de ces contes.
Une lecture sympathique accessible à un large public.
Je l'ai déjà écrit et je le répète, j'ai vraiment beaucoup de mal avec les récits ados de Max de Radiguès. Ici encore je n'ai pas du tout accroché à cette série. Eddie, Noé, Nassim et Sarah sont quatre ados +/- 13 ans inscrits dans un collège du centre de Bruxelles. Leur conscience politique d'agitateurs précoces leur a valu une exclusion en fin d'un tome 1 centré sur la thématique du climat et des sentiments. Pas très original et bien dans l'air du temps. Le tome 2 préfère mettre en avant les personnages de Nassim (Maghrébin) et Sarah (Subsaharienne) sur la lourde thématique du racisme. Une thématique qui résonne fortement chez moi avec des enfants dans cette situation. Je dois dire que j'ai été très déçu du traitement employé par les auteurs. Après une pirouette burlesque pour expliquer la réintégration des quatre perturbateurs et qui met à mal l'intégrité éthique des établissements scolaires, les auteurs nous proposent un combat entre une directrice raciste et stupide contre Nassim et Sarah. Où veulent nous conduire les auteurs quand on connait les difficultés des enseignants dans beaucoup d'établissements. C'est tellement caricatural et tellement peu crédible dans les situations que je me suis vite désintéressé de ma lecture. Le racisme à l'école est un sujet important qui mérite mieux que cette superficialité caricaturale et stigmatisante. Personnellement je n'ai jamais rencontré de situation raciste prof/élève.
Pour compléter son récit ,Radiguès saupoudre son texte de clichés sur la détermination sexuelle avec des passage très convenus.
Je passe sur le graphisme minimaliste aux physiques imprécis et aux extérieurs simplistes et peu détaillés.
Pas du tout à mon goût.
C’est devenu une habitude depuis quelques années … une anthologie western à glisser sous le sapin pour les amoureux du genre.
Aujourd’hui Lawmen of the West, la 4eme exploration de Tiburce Oger du grand ouest, consacré comme son nom l’indique aux hommes de lois.
La formule est éprouvée maintenant. Autour de notre scénariste, on retrouve toujours un beau casting de dessinateurs (j'en ai même découvert 3 au passage). Hormis pour deux (dont je tairais les noms), j’ai trouvé l’ensemble appliqué.
Le liant entre les différents récits marche bien, cette fois un carnet retraçant quelques destinés (shérif, juge …).
Pas indispensable, le filon s’épuise un peu mais du boulot honnête, je l’ai même trouvé plus réussi que le précédent GunMen.
Rdv l’année prochaine avec un album consacré, cette fois, aux femmes dans l’Ouest.
Oh, c'est dommage, j'aurais sincèrement voulu aimer davantage ce récit.
C'est du très bon, hein, pas de panique, mais c'est typiquement le genre de récit que j'adore et je me retrouve donc déçue de ne trouver qu'un résultat très bon alors que cela aurait pu être excellent.
L'histoire est celle de Charlie employé modèle au sein d'une gigantesque entreprise chargée de "recycler les morts". Tout va pour le mieux dans sa vie jusqu'au jours ou un enfant l'appel pour savoir ce qu'il était advenu de l'âme de sa mère. Ne sachant quoi lui répondre, Charlie va partir en quête de réponse sur ce qu'il advient des âmes après la mort.
Ce n'est pas forcément nouveau, mais j'ai beaucoup apprécié ce contraste entre l'univers très carré et froid d'une entreprise et les questionnements spirituels et plus joyeux autour de la question de l'âme. L'œuvre, comme beaucoup d'œuvres traitant le sujet de la mort, parle en réalité beaucoup de la vie et de ce qui en fait le sel.
Les choix visuel de représenter le monde des vivants en noir et blanc et celui des morts et des âmes par des couleurs vives (et presque chaleureuses) n'est, là encore, pas nouveau mais très bon.
Les dessins de Guarino sont très jolis, d'ailleurs.
Vraiment, ignorez volontiers mon petit ronchonnement de début d'avis, j'ai vraiment bien aimé cet album, j'ai simplement été déçue sur la forme et le changement de ton de la résolution qui aurait pu être étoffée.
Cela reste une œuvre très sympathique.
(Note réelle 3,5)
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L’album nous présente quelques mois de la vie de Basile, que j’imagine être une sorte d’alter ego de l’auteur. En effet, Basile est un auteur de BD qui recherche inspiration et moyens financiers pour vivre, galère avec sa copine pour payer la bouffe, les sorties, etc. Par obligation, il s’inscrit dans une agence d’intérim, et se trouve envoyé en mission dans l’entrepôt d’une grande chaîne de supermarché. Il va y découvrir – et nous présenter par la même occasion – le fonctionnement de ce « travail de l’ombre ». Son organisation, les multiples dangers, et surtout l’exploitation éhonté de la main d’œuvre par les agences d’intérim et la chaine de supermarchés. Les intérimaires étant les plus précaires. Les diverses formes d’adaptation de ce sous prolétariat aux exigences souvent délirantes sont bien montrées. Certains passages frôlent l’absurde, on comprend bien que les règlements ne sont que façade, et que s’y conformer est impossible – en matière de sécurité par exemple, pour ne pas écorner la rentabilité. Quant aux rapports humains, ils sont réduits au minimum entre la hiérarchie et les travailleurs comme Basile (mais aussi, turnover aidant, entre les travailleurs de bases eux-mêmes). Ça n’est pas un reportage ou un documentaire, mais on sent que l’auteur s’inspire d’une réalité sans doute vécue (j’ai moi aussi tâté de l’intérim il y a longtemps, pour du travail à la chaine par exemple, et j’y ai retrouvé quelques similitudes). J’ai bien aimé le dessin. Les personnages animaliers sont expressifs, et le rendu de ce Noir et Blanc assez gras est proche d’un certain underground américain, tout en gardant une fraicheur, une lisibilité – et une qualité du trait – supérieur à la moyenne de ce genre. Une lecture intéressante, agréable, illustrant la façon dont certains individus essayent de survivre dans un milieu déshumanisant. Pour Basile, c’est passé par quitter ce boulot débile et trouver quelque chose de plus gratifiant. Mais tout le monde n’a pas cette chance hélas.
Le Tailleur de pierre
Mouais. L’album se laisse lire, mais j’en suis sorti sur ma faim. Disons que l’ambiance nauséabonde est bien construite, autour d’une communauté un peu en vase clôt, les relations exécrables qu’entretiennent certains protagonistes entre eux. Et le dessin de Léonie Bischoff est plutôt chouette. Ce qui fait que la lecture n’a pas été déplaisante. Mais elle n’a hélas jamais été passionnante non plus. D’abord parce que le suspens est tout relatif, on devine quand même bien en amont le « coupable », ce qui gâche un peu le plaisir dans ce type de récit policier. Ensuite parce que l’intrigue elle-même n’est quand même pas palpitante, et aucun personnage n’est attachant, ni trop développé d’ailleurs (à part dans la première partie la femme jouant un rôle infect). J’avais lu une autre adaptation de Läckberg par les mêmes auteurs, « Le prédicateur », et ça m’avait davantage plu. Je ne sais pas si c’est le roman d’origine qui est moins bon, mais ici, ça ne m’a pas convaincu. Note réelle 2,5/5.
Adoleschiante
Je ne suis a priori pas forcément le cœur de cible de ce type d’album, mais je dois dire que la lecture s’est révélée plus agréable que prévu/craint. D’abord, le dessin de Mademoiselle Caroline n’est pas le style girly qui souvent m’horripile. Avec un trait épuré (décors escamotés, personnages quasi esquissés), elle arrive à l’essentiel, et c’est très lisible. Quant au récit, il ne sort pas de l’ordinaire, mais c’est quand même une lecture plaisante. On y retrouve les grands classiques des crises d’adolescence, des petites guéguerres entre l’ado et ses parents. C’est souvent bien vu. Alors, certes, rien de révolutionnaire, ça n’est jamais hilarant, mais c’est une lecture qui parlera sans doute à pas mal de parents (et à d’anciens ados n’ayant pas perdu la mémoire).
Eden (2024)
Sophie Guerrive aime s’inspirer du moyen-âge pour ses histoires (chez le même éditeur avec Capitaine Mulet, ou chez Ion). Ça l’inspire et elle ajoute sa patte à une imagerie bien maîtrisée. Ici c’est un univers entièrement religieux, autour de moines, avec prêches, recherche du paradis et du jardin d’Eden. Un peu de fantastique, des personnages anthropomorphes, tout passe très bien. Je me pose juste la question du public visé. Pas mal de choses sont tout public, voire visent un jeune lectorat (le dessin simple et certaines situations « mignonnes »), alors que d’autres, qui laissent entrevoir l’imaginaire médiéval, toucheront sans doute davantage des lecteurs adolescents et surtout adultes. Sinon, comme d’habitude avec 2024, on a droit à une super maquette, un papier épais. Une lecture agréable en tout cas.
Eva
Malsain !… Sain !… Ce sont des notions subjectives !… - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 1985. L'histoire a fait l'objet d'une prépublication dans les numéros 72 à 78 du magazine (À suivre) en 1984. Elle a été réalisée par Didier Comès (1942-2013) pour le scénario et les dessins. Elle se développe sur soixante-dix-neuf pages en noir & blanc. La réédition de 2023 par Casterman comprend une introduction de trois pages, intitulée Éva ou l'éloge de la rupture, rédigée par Thierry Bellefroid, auteur d'une monographie sur ce bédéiste. À l'étage d'une belle demeure à l'écart de tout, une belle femme, Éva est assise immobile dans sa chaise roulante, dans une belle robe noire avec un profond décolleté qui laisse voir le début de ses auréoles, des bas résille, des chaussures à talon, un beau collier, une longue boucle d'oreille à gauche. Elle observe son frère Yves silencieusement. Celui-ci est train de lire assis dans fauteuil confortable. À l'extérieur, une jeune femme approche à pied. Elle monte les quelques marches du perron et pousse la porte d'entrée : celle-ci est ouverte. Elle pénètre dans le hall, avec son grand escalier qui mène à l'étage. Elle appelle : Y a-t-il quelqu'un ? À l'étage, Éva indique à son frère qu'il s'agit d'une voix de fille et elle le traite d'imbécile, l'accusant d'avoir encore oublié de fermer la porte d'entrée. Il se lève lui disant de ne pas s'inquiéter : il va voir. Il sort de la bibliothèque et se penche par-dessus la rambarde. Voyant la silhouette de Neige, il lui demande ce qu'elle veut. Neige s'excuse, sa voiture vient de tomber en panne : pourrait-elle téléphoner à un garagiste ? Yves descend les marches et répond qu'elle ne trouvera pas de garagiste qui acceptera de se déplacer à cette heure. Il veut bien l'aider en l'hébergeant jusqu'à demain, mais il doit auparavant en référer à sa sœur jumelle. Il remonte les marches en ajoutant qu'elle vit avec lui, et elle est gravement handicapée, elle ne sait plus marcher. De retour dans la bibliothèque, Yves suppose qu'Éva a entendu. Elle lui demande si Neige lui plaît. Il répond qu'il ne l'a pas bien vue, il fait sombre dans le hall, et puis cela ne l'intéresse pas. Il ajoute qu'ils ne peuvent pas laisser cette jeune femme toute seule dans la nuit. Elle répond qu'il fasse ce qu'il veut, mais s'il arrive quelque chose, il en sera responsable. Yves redescend au rez-de-chaussée et indique à Neige que sa sœur est d'accord. Il va lui montrer sa chambre. Une fois dans la chambre, il la prévient : l'appartement d'Éva se trouve à l'autre bout du couloir, elle doit éviter d'y aller car sa sœur déteste les intrus. Son caractère s'est aigri depuis son accident, aussi vaut-il mieux respecter son besoin de solitude. Un dernier conseil : elle se déplace en chaise roulante, si Neige la rencontre, elle doit se méfier car l'attitude d'Éva est parfois bizarre. Il sort, Neige referme la porte, se déshabille et se glisse nue dans les draps, pendant qu'à l'étage Yves déshabille sa sœur puis la serre dans ses bras. L’œuvre de ce bédéiste est passé à la postérité pour Silence (1980), Belette (1983) et Éva. Dans l'introduction, Bellefroid indique que cette BD se démarque des précédentes dans la mesure où elle ne met pas en scène le milieu rural des Ardennes en particulier. L'intrigue s'avère linéaire et simple : un huis-clos dans une grande demeure dotée d'un grand terrain, entre trois individus Éva et Yves qui sont jumeaux, et Neige, une jolie jeune femme dont la voiture est tombée en panne. le récit s'ouvre avec une planche muette dont la moitié supérieure se compose de deux bandes de quatre cases chacune, une suite de gros plans partant de la roue arrière de la chaise roulante pour remonter jusqu'au visage d'Éva. Le lecteur apprécie le noir et blanc, les contrastes afférents, le sens du cadrage et du plan de prise de vue. L'étrangère entre dans la maison dès la deuxième planche, et la tension est déjà palpable du fait des remarques décalées aux sous-entendus critiques de la femme handicapée, des réponses conciliantes de son frère, et de l'indépendance qui se devine chez Neige. L'artiste se focalise sur la représentation de quelques éléments structurants par case, avec une proportion significative de cases composées d'un gros plan sur le visage de l'interlocuteur en train de s'exprimer, et une représentation à la fois simplifiée et interprétative du visage, plutôt que réaliste. Le lecteur observe ce huis-clos, pas trop étouffant : les personnages passent d'une pièce à une autre, Neige sort dans le parc dès le lendemain matin pour se promener, puis ressort avec le garagiste Monsieur Linou pour aller voir sa voiture, pour un jeu de séduction entre elle et Yves, dans des pages et des cases plus aérées, ou les zones blanches prédominent sur les noires. Pour autant, le lecteur ressent bien la sensation d'oppression de ce genre de récit. La superbe couverture de l'édition de 2023 met en avant la chaise roulante, les bas résille, le vernis des chaussures, tout en dissimulant le visage d'Éva. Les huit cases de la moitié supérieure de la première page s'attardent sur des détails en gros plan, d'un côté comme une forme de fétichisme, de l'autre laissant la charge au lecteur de se faire une image complète en prenant du recul. Neige perçoit la forme de la demeure en ombre chinoise de nuit, avec une contre-plongée qui la rend très imposante. Les aplats de noir occupent une surface plus importante que les blancs dans la majorité des cases, soit avec des zones franches, soit avec des contours biscornus, introduisant une sensation à la fois pesante, à la fois déstabilisante en fonction des contours plutôt ronds ou plutôt anguleux. En effet en tant directeur de la photographie, l'artiste pousse la composition des cases parfois jusqu'à occulter les éléments de décors en arrière-plan au profit d'aplats de noir géométriques, venant encadrer les personnes, ou occupant tout le fond de case pour une tête ressortant alors avec un effet sinistre, ou partageant le fond en deux zones la silhouette ou le visage des personnages étant alors comme présent pour partie dans l'obscurité pour partie dans la lumière. En fonction de la séquence, du moment, l'artiste ajuste son niveau de représentation entre de nombreux détails ou une approche minimaliste. Par exemple lorsqu'Yves ouvre la porte de la chambre de Neige, le lecteur peut voir le lit, la fenêtre, un fauteuil, une commode avec un vase, deux tableaux, la lampe de chevet avec son abat-jour, une plante verte, tout ça dans une seule case. Lorsqu'elle ouvre la porte de la cuisine, il peut voir Yves debout avec la cafetière à la main, le carrelage sur le mur du plan de travail, les placards au mur, la cuisinière, des ustensiles de cuisine accrochés au mur, une corbeille de fruits, des pots, la table, des chaises, des verres, le beurrier, etc., tout ça également dans une seule case. Par opposition, quand Yves fait visiter son atelier à Neige, la première bande de quatre cases appartient au registre conceptuel, presqu'abstrait, avec uniquement des rectangles noirs, et des contours blancs. Durant cette séquence de huit pages, l'arrière-plan de chaque case ne comprend aucun élément représenté ou dessiné, uniquement des jeux de formes noires en rectangles, en trapèze, et de compléments en blancs. Cette mise en scène a pour effet de focaliser le regard du lecteur sur les visages, et de le faire s'interroger sur ce contient cet atelier, sur ce qu'il peut recéler, peut-être de dangereux. En tout cas, c'est préoccupant, voire inquiétant. Le dispositif narratif s'avère simple : un homme, deux femmes, une tension palpable, pour partie sexuelle. La situation d'Éva peut évoquer celle de l'handicapé qui dépend d'un proche, en l'occurrence son frère, pour les gestes de tous les jours, limité en mobilité et ayant développé une capacité d'observation importante. Il peut aussi faire penser à Fenêtre sur cour (1963) d'Alfred Hitchcock (1899-1980), ou encore à Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (1962, What Ever Happened to Baby Jane?) de Robert Aldrich (1918-1983), avec Bette Davis (1908-1989) & Joan Crawford (1904-1977). En fonction de sa culture, le lecteur peut également identifier le visage caractéristique de Klaus Nomi (1944-1983), Marlene Dietrich (1901-1992) dans L'ange bleu (1930), de Josef von Sternberg (1894-1969). À un moment, Neige regarde la télévision et elle reconnaît Harpie (1979), court métrage réalisé par Raoul Servais (1928-2023). Une case utilise la vue depuis l'intérieur du canon d'un pistolet, typique du générique des films de James Bond. Comme l'écrit le préfacier : Il n'est pas nécessaire de connaître ces références pour apprécier la lecture. Il continue : Comès narre son récit à l'aide d'une grammaire très cinématographique, ce qui lui permet de rendre au cinéma tout ce que celui-ci lui a donné. Selon sa sensibilité, le lecteur peut anticiper une partie des révélations du récit, l'auteur donnant assez d'indices pour comprendre ce qui se joue réellement entre Éva et Yves, ainsi que le déséquilibre introduit par Neige dans leur relation. Il relève la fluctuation des rapports de force, qui domine la situation quand, et il apprécie que Neige dispose d'un solide caractère qui évite qu'elle n'endosse le rôle de victime sans défense. Il comprend que les compétences d'Yves en matière d'automates servent l'intrigue, et il ressent qu'elles introduisent aussi une métaphore sur son rapport aux êtres humains, ainsi que sur les relations entre individus, certains en manipulant d'autres. En plus des thèmes cités dans l'introduction (gémellité, bisexualité, identité sexuelle, érotisme), les interactions saines ou malsaines (des notions subjectives comme le fait remarquer Yves à Neige) entre ces trois personnes jouent sur le déni de réalité, sur le désir de possession et de contrôle de l'autre, sur l'emprise. Une jeune femme forcée par une panne de voiture, de passer la nuit sous le toit de jumeaux, dont une personne à mobilité réduite en fauteuil roulant. Une narration visuelle sophistiquée, avec des plans de prise de vue et de cadrages savamment composés, mettant à profit des classiques du cinéma. Une tension engendrée par un suspense psychologique. Une intrigue vénéneuse qui n'a rien perdu de sa toxicité.
Erostrate
Encombrant et familier. Martin Veyron continue sa veine de contes édifiants que j'avais déjà apprécié dans l'adaptation de la nouvelle de Tolstoï Ce qu'il faut de terre à l'homme . Il essaye de formaliser les défauts de notre époque en montrant l'ubris avec Tolstoï et ici le désir de gloire. Mais dans un cas on a un conte court, tragique et bien ourlé et dans l'autre c'est une mosaïque de petites histoires gigognes, tirées de la mythologie grecque et de l'histoire antique, emballée dans une longue comédie ironique. Martin Veyron aime et sait nous mener par le bout du nez par ses dialogues et ses situations rocambolesques. Il prend son temps (213 pages) et toute la place nécessaire (24/32cm) pour reconstituer un monde antique coloré de l'imaginaire des années 80 mais peut-être aussi du cinéma muet. Beaucoup trop lourd pour lire au lit, très dense donc il faut prévoir plusieurs soirs devant soi. Si on aime Martin Veyron on aura plaisir à retrouver son trait décidé et élégant et son humour appuyé. Sinon passez votre chemin.
Dieu qui pue, Dieu qui pète
Passons sur ce titre provocateur et racoleur qui ne ressemble ni à l'esprit de la série ni à la maison Milan. L'histoire qui lui correspond est en outre bien drôle mais un tel titre ne serait probablement pas accepté dans la majorité des pays africains. Pour le reste Vehlmann et Duchazeau proposent quelques histoires courtes de 4 planches bien dans l'esprit du continent. C'est tonique et diversifié alternant l'humour, la sagesse ou la poésie. Le vocabulaire et l'humour qu'utilisent Vehlmann a une musique très européenne ce qui nuit à la l'authenticité mais ouvre à un plus large public. Le graphisme très moderne de Duchazeau s'adresse plus à un public adulte à mon avis. Cela produit une narration visuelle très dynamique et bien élaborée assez formatrice pour un public assez jeune. Enfin , je veux souligner une mise en couleur très réussie qui apporte beaucoup à l'ambiance de ces contes. Une lecture sympathique accessible à un large public.
Eddie & Noé
Je l'ai déjà écrit et je le répète, j'ai vraiment beaucoup de mal avec les récits ados de Max de Radiguès. Ici encore je n'ai pas du tout accroché à cette série. Eddie, Noé, Nassim et Sarah sont quatre ados +/- 13 ans inscrits dans un collège du centre de Bruxelles. Leur conscience politique d'agitateurs précoces leur a valu une exclusion en fin d'un tome 1 centré sur la thématique du climat et des sentiments. Pas très original et bien dans l'air du temps. Le tome 2 préfère mettre en avant les personnages de Nassim (Maghrébin) et Sarah (Subsaharienne) sur la lourde thématique du racisme. Une thématique qui résonne fortement chez moi avec des enfants dans cette situation. Je dois dire que j'ai été très déçu du traitement employé par les auteurs. Après une pirouette burlesque pour expliquer la réintégration des quatre perturbateurs et qui met à mal l'intégrité éthique des établissements scolaires, les auteurs nous proposent un combat entre une directrice raciste et stupide contre Nassim et Sarah. Où veulent nous conduire les auteurs quand on connait les difficultés des enseignants dans beaucoup d'établissements. C'est tellement caricatural et tellement peu crédible dans les situations que je me suis vite désintéressé de ma lecture. Le racisme à l'école est un sujet important qui mérite mieux que cette superficialité caricaturale et stigmatisante. Personnellement je n'ai jamais rencontré de situation raciste prof/élève. Pour compléter son récit ,Radiguès saupoudre son texte de clichés sur la détermination sexuelle avec des passage très convenus. Je passe sur le graphisme minimaliste aux physiques imprécis et aux extérieurs simplistes et peu détaillés. Pas du tout à mon goût.
Lawmen of the West
C’est devenu une habitude depuis quelques années … une anthologie western à glisser sous le sapin pour les amoureux du genre. Aujourd’hui Lawmen of the West, la 4eme exploration de Tiburce Oger du grand ouest, consacré comme son nom l’indique aux hommes de lois. La formule est éprouvée maintenant. Autour de notre scénariste, on retrouve toujours un beau casting de dessinateurs (j'en ai même découvert 3 au passage). Hormis pour deux (dont je tairais les noms), j’ai trouvé l’ensemble appliqué. Le liant entre les différents récits marche bien, cette fois un carnet retraçant quelques destinés (shérif, juge …). Pas indispensable, le filon s’épuise un peu mais du boulot honnête, je l’ai même trouvé plus réussi que le précédent GunMen. Rdv l’année prochaine avec un album consacré, cette fois, aux femmes dans l’Ouest.
Les Vies de Charlie
Oh, c'est dommage, j'aurais sincèrement voulu aimer davantage ce récit. C'est du très bon, hein, pas de panique, mais c'est typiquement le genre de récit que j'adore et je me retrouve donc déçue de ne trouver qu'un résultat très bon alors que cela aurait pu être excellent. L'histoire est celle de Charlie employé modèle au sein d'une gigantesque entreprise chargée de "recycler les morts". Tout va pour le mieux dans sa vie jusqu'au jours ou un enfant l'appel pour savoir ce qu'il était advenu de l'âme de sa mère. Ne sachant quoi lui répondre, Charlie va partir en quête de réponse sur ce qu'il advient des âmes après la mort. Ce n'est pas forcément nouveau, mais j'ai beaucoup apprécié ce contraste entre l'univers très carré et froid d'une entreprise et les questionnements spirituels et plus joyeux autour de la question de l'âme. L'œuvre, comme beaucoup d'œuvres traitant le sujet de la mort, parle en réalité beaucoup de la vie et de ce qui en fait le sel. Les choix visuel de représenter le monde des vivants en noir et blanc et celui des morts et des âmes par des couleurs vives (et presque chaleureuses) n'est, là encore, pas nouveau mais très bon. Les dessins de Guarino sont très jolis, d'ailleurs. Vraiment, ignorez volontiers mon petit ronchonnement de début d'avis, j'ai vraiment bien aimé cet album, j'ai simplement été déçue sur la forme et le changement de ton de la résolution qui aurait pu être étoffée. Cela reste une œuvre très sympathique. (Note réelle 3,5)