Beau travail pour adapter un récit important, toujours avec ce style beau, coloré et épuré en texte qui m'avait séduit dans Jours de sable, mêlant de manière inattendue le contemplatif et le rythme élevé, grâce à un découpage "cinématographique".
Pourtant, comme avec Jours de sable, sans trop m'expliquer pourquoi, l'enthousiasme est modéré. Le scénario est aussi fort que le roman, mais je pense que la charge est trop dénuée de responsabilités, telle une virulence n'attaquant finalement personne, une charge qui en fait satisferait tout le monde. Ma conclusion était similaire après lecture du 1984 de Coste : voilà de jolis récits à la dénonciation faisant tristement l'unanimité, car non revisités à l'aune du XXIe siècle. Sans compter que ces histoires plus que familières se découvrent en BD sans la moindre surprise.
Par ailleurs, la belle qualité des illustrations de De Jongh et cette manière de traverser les pages surdécoupées à grande vitesse, finissent par engendrer une lecture anodine ne laissant pas véritablement de trace.
Il s'agit donc d'une belle BD, mais...
Seuls quelques moments échappent à ce dérisoire : lorsque l'enfant à lunettes est confronté à l'émergence d'une violence et que la pire horreur, glaçante, devient soudainement envisageable. A cet instant alors, le temps s'arrête et la BD s'empare frontalement de son sujet en dépassant sa mise en scène jusqu'ici trop léchée.
Le don s’est transmis, le rêve s’est caché.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Le scénario est de Serge Lehman, les dessins et les nuances de gris de Stéphane de Caneva. Il comprend cent-quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. L’histoire est découpée en huit chapitres comprenant entre vingt et trente pages. Il se termine avec un post-scriptum de trois pages, écrit par le scénariste, avec deux illustrations d’Odilon Redon (L’œil ballon, Le polype cyclope), et une carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne, datant de 1869, dressée par Eugène Belgrand.
Paris, la Butte-aux-Caille au printemps 2020, un livreur arrive dans les locaux des éditions du Saule, un bouquet de fleurs à la main. Il se présente à la secrétaire à l’accueil et elle hèle Maxime Faubert qui sort d’un bureau avec le patron Sébastien Saule. La secrétaire taquine Maxime sur le fait qu’il ait une admiratrice. Il lit la carte qui accompagne le bouquet : elle est signée M. de M. Il explique : Maya de Montmorency, une poétesse assez marrante, il l’a interviewée pour la revue, elle quatre-vingt-deux ans. Maxime raccompagne Sébastien jusqu’à sa voiture. Ce dernier lui parle à nouveau, à propos de la revue : le marketing voudrait rediscuter d’un passage au tout-numérique. Sébastien sait que Maxime est contre. Mais il perd un tiers des lecteurs chaque année et ce n’est pas en publiant des poétesses octogénaires qu’il va inverser la tendance ? Il le quitte en indiquant qu’ils en reparleront la semaine prochaine. En se dirigeant vers la station de métro la plus proche, Maxime rappelle son ami Arthur Morgue qui avait tenté de le joindre. Ce dernier l’informe que Neige est revenue.
Maxime se souvient de sa rencontre avec ses deux amis, qu’il connaît depuis qu’il a onze ans. Avec ses parents et sa sœur, ils venaient de s’installer rue du Panorama, et il angoissait parce qu’il allait devoir faire sa rentrée au collège de Clamart, où il ne connaissait personne. Il aidait son père à jeter les cartons du déménagement quand il avait vu Arthur en train d’escalader une des grilles du square. Ils avaient fait connaissance, s’étaient présentés, et Arthur lui avait expliqué qu’il explorait la rue. Maxime avait remarqué que le garçon riait à chaque phrase et que son sac à dos était trois fois trop grand pour lui. La rencontre avec Sébastien avait été plus compliquée. Il portait encore le nom de sa mère à l’époque, il vivait avec elle dans une des plus belles maisons de la rue. Il avait presque un an de plus qu’eux et il s’habillait comme un adulte, ce qui les impressionnait. Maxime avait d’abord trouvé Sébastien snob. Mais un jour ce dernier leur avait montré sa collection de disques. Dans sa chambre, il avait mis le premier album de Van Halen et avait indiqué qu’Eddie est le meilleur guitariste depuis Hendrix. Maxime n’avait pas la moindre idée de qui était Jimi Hendrix, mais il avait dit oui. Ils sont instantanément devenus amis. À la rentrée, ils se sont retrouvé tous les trois dans la même classe et ils ne se sont plus quittés.
Une magnifique présentation : un ouvrage épais, avec un dos toilé, une couverture superbe avec une encre dorée, tout en ombres, un papier agréable au toucher. Le lecteur anticipe le plaisir de s’immerger dans un récit long. Il trouve rapidement ses marques : une forme de roman, l’amitié entre trois garçons à partir du tout début de l’adolescence, l’irruption d’une adolescente au milieu d’eux, et forcément une histoire d’amour, ainsi qu’un incident mystérieux dont les conséquences se font encore sentir à l’âge adulte alors que Neige revient à Clamart et qu’il se produit un phénomène surnaturel. Toutes les promesses implicites dans ces éléments sont tenues. Le scénariste prend bien soin d’apporter des éléments personnels à chaque personnage, que ce soient les relations de Maxime avec son ex-épouse Alice et leur fils Eliott, les circonstances dans lesquelles Arthur est devenu handicapé et sa relation avec ses tantes jumelles, ou encore la froideur de Sébastien découlant pour partie de la distance d’avec ses parents. Dans le même temps, le dessinateur accomplit un travail remarquable pour inscrire le récit dans une réalité palpable, au travers des villes de banlieues chacune avec leur architecture, de quelques quartiers de Paris, des pavillons et de quelques belles demeures, des autoroutes urbaines, les modèles de véhicules, etc. Ainsi ancré dans la banalité d’une réalité concrète et familière, le récit devient d’autant plus mystérieux que le contraste se trouve être saisissant avec le surnaturel.
Par ailleurs, les auteurs font montre d’un solide savoir-faire dans la pratique de leur métier. Le lecteur retrouve le scénariste enchanteur des séries La brigade chimérique et L’Œil de la nuit, très attaché à la France. Il sait réenchanter le quotidien de Paris et de sa banlieue. Il rend explicite la référence à l’une des sources de son inspiration : l’artiste Odilon Redon (Bertrand Redon, 1840-1916), peintre et graveur symboliste français, ayant participé à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886). Il s’inspire et rend hommage en particulier à sa période de gravures et dessins : des eau-forte, trois pointes sèches, ainsi que des lithographies et des dessins. S’il a déjà eu l’occasion de voir une partie de ces œuvres, le lecteur aura lui aussi été frappé par leur singularité, mêlant onirisme, mystères et inquiétude. En auteur aguerri, Lehman imagine un disciple de Redon, Pierre-Marie Ferdinand Krebs (1854-1910), son amie Jeanne Latour, et même une école de la Bièvre. Le dessinateur s’inspire des dessins de Redon pour les monstres surnaturels. En fonction de son inclination, le lecteur peut également apprécier comment le scénariste nourrit son intrigue avec d’autres références à un pan de la culture française en mentionnant les écrivains Jean Lorrain (1855-1906), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Pierre Mac Orlan (1882-1970), et Jean Cocteau (1889-1963). Ainsi l’intrigue s’inscrit dans cette culture, s’en nourrit et en est indissociable, une mythologie particulière, sans relation avec la culture hégémonique de divertissement américaine.
À l’unisson, la narration visuelle montre des paysages bien identifiés, à commencer par la Butte-aux-Cailles, le métro parisien avec ses stations reconnaissables, la porte de Chatillon, Clamart, etc. Les visuels inscrivent également le récit dans une zone géographique concrète, vierge de toute mythologie outre-Atlantique. L’artiste réalise des dessins en noir & blanc rehaussé de nuances de gris, dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours précis et souples. Il intègre des éléments d’informations purement visuels comme les noms sur les teeshirts de Maxime : Metallica, Radiohead, Magma, Rush (le connaisseur appréciera également l’écoute collective de la reprise de You really got me figurant sur le premier album de Van Halen sorti en 1978, et la mention du groupe Tin Machine fondé en 1987 par David Bowie et Reeves Gabrels). Ils participent ainsi à définir la personnalité de chaque protagoniste : jean et teeshirt pour Maxime, tenue plus randonnée pour Arthur, et chemise blanche impeccable avec veste pour Sébastien. Il s’agit de dessins qui montrent des endroits réels dans lesquels évoluent des individus normaux, tout en restituant leurs particularités, caractéristiques essentielles à l’intrigue qui évoquent des éléments historiques également très concrets.
Ainsi, ce récit d’amitié entre trois adolescents devenus adultes dégage sa propre personnalité dans un environnement parisien et de banlieue, avec des personnages plausibles et crédibles, ayant chacun leur histoire. Ils se retrouvent confrontés à une manifestation surnaturelle singulière, une autre dimension issue de l’histoire de la région, même si elle a été enfouie sous un urbanisme dense et bétonné. Le dessinateur marque la présence du surnaturel avec des fonds de page qui passent du blanc pour les gouttières, au noir, et par la disparition des nuances de gris, les personnages évoluant alors dans un monde littéralement noir & blanc. À nouveau, les caractéristiques du dessin et les éléments fantastiques restent dans un registre franco-belge et d’inspiration locale (avec une très belle page de forte pluie dans un dessin en pleine page p.191 à la Frank Miller période Sin City). Le développement de l’intrigue implique à la fois les travaux de l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878) et sa carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne datant de 1869, ainsi que la brigade fluviale de Paris, un service de la préfecture de police, créé en 1900 par arrêté du préfet de police, Louis Lépine (1846-1933).
Le lecteur suit essentiellement Maxime Faubert dans cette aventure, entre arrêt du développement et père divorcé, retour d’un amour de jeunesse, puis disparition lors d’une manifestation surnaturelle. Les auteurs mettent ainsi en scène trois adultes dont la vie porte la marque de leur adolescence, ainsi que la force de cette amitié adolescente qui perdure à l’âge adulte. La vie de chacun de ces trois hommes a continué, dans des directions différentes, des intérêts différents, les amenant dans une situation où les potentiels de la jeunesse se sont restreints au fur et à mesure de leurs choix de vie. Au fur et à mesure de leur enquête pour retrouver Neige Agopian, ils se heurtent à des degrés divers à certaines de ces aspirations qu’ils ont abandonnées, et aussi à un événement traumatique et banal vécu par l’un d’eux, et ressenti par les deux autres. Au travers de ces aventures, ils font face à une réalité qui leur était inaccessible, comme si les événements les contraignaient à progresser plus loin vers l’état adulte, à accepter des faits alors que le déni leur offrait une certaine forme de confort.
Une très belle couverture qui promet une aventure surnaturelle avec un imaginaire original. Ces promesses sont tenues dans un récit bien ancré dans le réel de quartiers parisiens et de banlieues, avec des éléments fantastiques trouvant leur source chez l’artiste Odilon Redon. Scénariste et dessinateur donnent une consistance peu commune à cet environnement français, nourrissant une mythologie propre, et racontant une aventure à la trame classique, rendue originale par des éléments historiques spécifiques à l’Île-de-France, et par des personnages possédant leur propre histoire. Déstabilisant.
Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen.
En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique.
Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses.
Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes.
Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral !
Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis . Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel
Cette lecture m'a laissé comme un goût de cendres une fois terminée. Denis Lapière propose ici un récit assez littéraire malgré le peu de texte qui accompagne cette histoire sociale et familiale. Le récit renvoie aux romans qui décrivent la déchéance d'une vieille France arque boutée à ses titres et châteaux dans un huis clos proche de la consanguinité. Le graphisme de Bailly fait beaucoup pour rendre cette ambiance de famille déchue prête à toutes les bassesses pour assurée sa continuité. L'ambiance est souvent lourde voire sordide et seule les incursions dans le marais poitevin permettent un espace de respiration. Cette partie m'a d'ailleurs fait penser au roman de marcel Aymé "La Vouivre" avec ici des anguilles au lieu de vipères. Cela confirme l'ambiance rude de roman paysan que Lapière donne à son scénario.
Le graphisme de Bailly accentue le contraste entre la douceur et la sérénité des paysage du marais vis à vis de la froideur cadavérique des personnages jusqu'au final émouvant où cela s'inverse.
Une lecture intéressante malgré une approche difficile. Un bon 3
Malgré ma bonne notation, je reste perplexe après ma lecture. Le récit est construit sur les genres journalistique et historique au sein d'une fiction qui donne du lien au différentes situations. Cela donne une narration très dynamique presque à suspens tant le rythme est élevé et l'enchaînement bien huilé. Toutefois la qualité de la narration peut être perçu comme un défaut tant la personne de Malik est assez peu présente alors qu'il est la pierre angulaire et la victime de cette absurde affaire qui n'aurait jamais du exister.
En 86 je revenais de ma coopé, diplômes en poche et je commençais ma vie pro dans une paisible ville des Ardennes. Comme j'avais suivi des filières sélectives je n'étais pas franchement dans le bain des évènements estudiantins de Paris. Toutefois on ne pouvait pas passer à côté des images très violentes du parvis des Invalides où les forces de l'ordre faisaient du "tir direct" sur les manifestants (parfois très jeunes avec leurs parents) au risque de blessures très graves. Bollée et Puchol n'abordent pas cette partie de grande tension depuis deux semaines qui explique ( sans la justifier) l'utilisation disproportionnée et criminelle de la violence au sein des VPN. Il vaut mieux connaître le contexte dans lequel s'inscrit cette triste nuit du 5 décembre pour comprendre l'attitude et la dureté des ordres du capitaine et du brigadier-chef. Car le paradoxe est que cette soirée du 5 fut assez calme, les étudiants obéissants sans trop de difficultés aux ordres d'évacuation et de dispersion.
Non nous n'étions pas en état de guerre civile malgré certaines prises de positions ahurissantes de responsables médiatiques. Car je trouve qu'il n'y a pas une grande différence entre nommer ses compatriotes "des zombies" atteints "de sida mental" que "les cafards" de la radio des mille collines huit ans plus tard. C'est la cohésion nationale qui est en jeu.
Le pauvre Malik se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec sa Bible et sa carte de la très sage et sélective Paris-Dauphine dans la poche, il n'avait rien d'un casseur armé jusqu'aux dents, lui le solitaire qui sortait d'une boîte pour écouter du jazz. Oui cette situation est emblématique des dérives d'un Etat qui outrepasse illégalement ses prérogatives. Aucun couvre feu n'était décrété, aucun juge n'avait interdit de se promener la nuit dans Paris, et même un simple contrôle ne peut s'accompagner d'une telle violence.
Ce sont toutes ces questions fondamentales qui ressurgissent de temps à autres que soulève la série de Puchol et Bollée.
J'aurais bien noté avec un beau 5 mais je trouve que l'ajout de situations diverses ( l'amourette des étudiants, la stigmatisation des séropositifs dans ces années, la prise de conscience du petit voyou) diluent un peu le propos même si cela lui donne de la densité en l'ancrant dans le réel de l'époque.
Un mot sur le très beau N&B de Jeanne Puchol qui participe au dynamisme et à la dramatisation de ces quelques heures qui sont entrées dans l'Histoire de la cohabitation.
Une lecture qui m'a passionné et un très beau devoir de mémoire pour la famille de Malik bien injustement meurtrie .
Une chasse au papillon pas comme les autres.
En effet, l'entomologiste Camille Simon reçoit un colis d'Amérique du Sud et il y trouve un spécimen de papillon disparu, le Parides Ascanius. Il part aussitôt avec sa cousine Géraldine pour le Brésil, il veut confirmer son existence, celle-ci pourrait changer la vision scientifique sur la résilience de la nature. Mais sa recherche en pleine forêt amazonienne va se compliquer, des multinationales ne voient pas d'un bon œil le possible futur classement d'une partie de la forêt en parc national.
Évidemment la partie de cache-cache ne sera pas de tout repos, ce mystérieux papillon va se faire désirer.
Un récit instructif qui nous dévoile une face cachée peu reluisante du Brésil et des multinationales qui bafouent les lois en toute impunité : déforestation illégale et orpaillallage sauvage. Une face sombre où le déplacement forcé des peuples autochtones est monnaie courante et si cela ne suffit pas, il reste le meurtre. Ils sont prêts à tout pour faire échouer cette expédition scientifique. Il est effarant qu'à notre époque ces actes mafieux existent encore. Ce n'est pas nouveau, mais ce récit nous prouve encore une fois que notre monde ne tourne pas rond et que la biodiversité reste la cinquième roue du carrosse.
Un bon moment de lecture, j'ai aimé les personnages, la petite pointe d'humour, les informations sur les papillons et le côté documentaire, mais je ne suis pas comblé pour autant, j'aurais aimé en savoir plus sur ces multinationales et leurs ramifications.
Une histoire construite à partir d'un fait divers, je ne sais pas jusqu'où elle est proche de la vérité, mais Matz a passé de nombreuses heures chez Camille Le Piouff, un entomologiste, à Paris (Nature et Passion).
Si je suis reparti avec cet album sous le bras, c'est pour Frédéric Bézian, j'adore son style torturé reconnaissable au premier coup d'œil. Il nous propose un magnifique dégradé de gris où juste des touches de couleurs habilleront les différents papillons. La forêt n'a jamais été aussi belle et sauvage.
Superbe !
Note réelle : 3,5.
J'ai emprunté les tomes de la Perfect Edition pour parfaire ma culture et je n'ai pas réussi à finir le tome 2 tellement c'est rempli de défauts.
J'avais déjà lu que le scénariste Kazuo Koike était moins bon lorsque ses récits n'étaient pas des récits de samouraïs et je vois ça ici. Il se passe des trucs improbables dans le scénario qui ne m'auraient surement rien fait si l'action se passait dans le passé, mais là ça se passe dans les années 80 et les énormités sautent aux yeux. Franchement, ça ne se voit même pas que le scénariste était un vétéran qui avait presque 50 ans lorsqu'on lit la série tellement le résultat est pitoyable.
Ce qui m'a surtout marqué est qu'on a encore droit au fantasme masculin du héros viril, mais avec un coté tendre qui se tape des femmes bien soumises et c'est tellement caricatural qu'on dirait le travail d'un jeune auteur voire même carrément le fantasme d'un ado. Le seul point positif est que la narration est fluide et comme il y a plusieurs scènes sans ou avec peu de textes, la lecture du premier tome a quand même était facile et même un peu rapide pour une édition qui compte bien plus de pages que dans un manga ordinaire.
Le dessin est franchement moyen.
Deuxième BD de Joe Matt que je lis après Peepshow (Le Pauvre Type), je ressors de la lecture d’Épuisé avec un sentiment mêlé de malaise et de lassitude. Comme dans Peepshow où il se présentait comme un loser frustré et assez crade, l’auteur pousse l’autobiographie dans ses retranchements les plus sordides : masturbation obsessionnelle, radinerie maladive, inertie sociale totale… Le tout étalé sans filtre, ni recul. Certes, il y a une forme de sincérité brutale, un courage même, à s’exposer ainsi sans chercher à attendrir. Mais cela suffit-il à faire une bonne bande dessinée ? Pour moi, non.
Le récit tourne vite en rond, les dialogues interminables finissent par étouffer, et le personnage principal, aussi pathétique qu’il soit, ne m’a pas touché. Graphiquement, c’est propre, mais froid et aussi répétitif que le quotidien qu’il décrit. J’aurais peut-être adhéré à un traitement plus second degré, mais ici l’humour ne dépasse jamais la gêne.
Au final, je n’ai pas trouvé grand-chose à retenir, si ce n’est une démonstration de névroses qui, plutôt que de me faire réfléchir, m’a juste rebuté.
Poétique, tragique et brillamment construit
Look Back est un one-shot intense et émouvant qui montre toute la maîtrise narrative de Fujimoto. En quelques dizaines de pages, il explore l’amitié, la création artistique, le deuil et la culpabilité avec une finesse rare. Le dessin, sobre mais expressif, sert parfaitement le propos. La fin, ouverte à l’interprétation, bouleverse et invite à la réflexion. Une œuvre courte, mais marquante, que je recommande vivement.
Un récit sincère mais qui manque parfois de profondeur
Love Me de Naomi Reboul aborde des sujets sensibles avec une certaine justesse et une touche personnelle qui se ressent dans chaque planche. Le style graphique, épuré, accompagne bien le propos, même s’il peut paraître parfois un peu trop minimaliste. Si l’intention est belle et le ton sincère, l’ensemble manque parfois de rythme ou de développement pour vraiment marquer sur la durée. Une lecture intéressante, mais qui laisse un léger goût d’inachevé.
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Beau travail pour adapter un récit important, toujours avec ce style beau, coloré et épuré en texte qui m'avait séduit dans Jours de sable, mêlant de manière inattendue le contemplatif et le rythme élevé, grâce à un découpage "cinématographique". Pourtant, comme avec Jours de sable, sans trop m'expliquer pourquoi, l'enthousiasme est modéré. Le scénario est aussi fort que le roman, mais je pense que la charge est trop dénuée de responsabilités, telle une virulence n'attaquant finalement personne, une charge qui en fait satisferait tout le monde. Ma conclusion était similaire après lecture du 1984 de Coste : voilà de jolis récits à la dénonciation faisant tristement l'unanimité, car non revisités à l'aune du XXIe siècle. Sans compter que ces histoires plus que familières se découvrent en BD sans la moindre surprise. Par ailleurs, la belle qualité des illustrations de De Jongh et cette manière de traverser les pages surdécoupées à grande vitesse, finissent par engendrer une lecture anodine ne laissant pas véritablement de trace. Il s'agit donc d'une belle BD, mais... Seuls quelques moments échappent à ce dérisoire : lorsque l'enfant à lunettes est confronté à l'émergence d'une violence et que la pire horreur, glaçante, devient soudainement envisageable. A cet instant alors, le temps s'arrête et la BD s'empare frontalement de son sujet en dépassant sa mise en scène jusqu'ici trop léchée.
Les Navigateurs
Le don s’est transmis, le rêve s’est caché. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Le scénario est de Serge Lehman, les dessins et les nuances de gris de Stéphane de Caneva. Il comprend cent-quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. L’histoire est découpée en huit chapitres comprenant entre vingt et trente pages. Il se termine avec un post-scriptum de trois pages, écrit par le scénariste, avec deux illustrations d’Odilon Redon (L’œil ballon, Le polype cyclope), et une carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne, datant de 1869, dressée par Eugène Belgrand. Paris, la Butte-aux-Caille au printemps 2020, un livreur arrive dans les locaux des éditions du Saule, un bouquet de fleurs à la main. Il se présente à la secrétaire à l’accueil et elle hèle Maxime Faubert qui sort d’un bureau avec le patron Sébastien Saule. La secrétaire taquine Maxime sur le fait qu’il ait une admiratrice. Il lit la carte qui accompagne le bouquet : elle est signée M. de M. Il explique : Maya de Montmorency, une poétesse assez marrante, il l’a interviewée pour la revue, elle quatre-vingt-deux ans. Maxime raccompagne Sébastien jusqu’à sa voiture. Ce dernier lui parle à nouveau, à propos de la revue : le marketing voudrait rediscuter d’un passage au tout-numérique. Sébastien sait que Maxime est contre. Mais il perd un tiers des lecteurs chaque année et ce n’est pas en publiant des poétesses octogénaires qu’il va inverser la tendance ? Il le quitte en indiquant qu’ils en reparleront la semaine prochaine. En se dirigeant vers la station de métro la plus proche, Maxime rappelle son ami Arthur Morgue qui avait tenté de le joindre. Ce dernier l’informe que Neige est revenue. Maxime se souvient de sa rencontre avec ses deux amis, qu’il connaît depuis qu’il a onze ans. Avec ses parents et sa sœur, ils venaient de s’installer rue du Panorama, et il angoissait parce qu’il allait devoir faire sa rentrée au collège de Clamart, où il ne connaissait personne. Il aidait son père à jeter les cartons du déménagement quand il avait vu Arthur en train d’escalader une des grilles du square. Ils avaient fait connaissance, s’étaient présentés, et Arthur lui avait expliqué qu’il explorait la rue. Maxime avait remarqué que le garçon riait à chaque phrase et que son sac à dos était trois fois trop grand pour lui. La rencontre avec Sébastien avait été plus compliquée. Il portait encore le nom de sa mère à l’époque, il vivait avec elle dans une des plus belles maisons de la rue. Il avait presque un an de plus qu’eux et il s’habillait comme un adulte, ce qui les impressionnait. Maxime avait d’abord trouvé Sébastien snob. Mais un jour ce dernier leur avait montré sa collection de disques. Dans sa chambre, il avait mis le premier album de Van Halen et avait indiqué qu’Eddie est le meilleur guitariste depuis Hendrix. Maxime n’avait pas la moindre idée de qui était Jimi Hendrix, mais il avait dit oui. Ils sont instantanément devenus amis. À la rentrée, ils se sont retrouvé tous les trois dans la même classe et ils ne se sont plus quittés. Une magnifique présentation : un ouvrage épais, avec un dos toilé, une couverture superbe avec une encre dorée, tout en ombres, un papier agréable au toucher. Le lecteur anticipe le plaisir de s’immerger dans un récit long. Il trouve rapidement ses marques : une forme de roman, l’amitié entre trois garçons à partir du tout début de l’adolescence, l’irruption d’une adolescente au milieu d’eux, et forcément une histoire d’amour, ainsi qu’un incident mystérieux dont les conséquences se font encore sentir à l’âge adulte alors que Neige revient à Clamart et qu’il se produit un phénomène surnaturel. Toutes les promesses implicites dans ces éléments sont tenues. Le scénariste prend bien soin d’apporter des éléments personnels à chaque personnage, que ce soient les relations de Maxime avec son ex-épouse Alice et leur fils Eliott, les circonstances dans lesquelles Arthur est devenu handicapé et sa relation avec ses tantes jumelles, ou encore la froideur de Sébastien découlant pour partie de la distance d’avec ses parents. Dans le même temps, le dessinateur accomplit un travail remarquable pour inscrire le récit dans une réalité palpable, au travers des villes de banlieues chacune avec leur architecture, de quelques quartiers de Paris, des pavillons et de quelques belles demeures, des autoroutes urbaines, les modèles de véhicules, etc. Ainsi ancré dans la banalité d’une réalité concrète et familière, le récit devient d’autant plus mystérieux que le contraste se trouve être saisissant avec le surnaturel. Par ailleurs, les auteurs font montre d’un solide savoir-faire dans la pratique de leur métier. Le lecteur retrouve le scénariste enchanteur des séries La brigade chimérique et L’Œil de la nuit, très attaché à la France. Il sait réenchanter le quotidien de Paris et de sa banlieue. Il rend explicite la référence à l’une des sources de son inspiration : l’artiste Odilon Redon (Bertrand Redon, 1840-1916), peintre et graveur symboliste français, ayant participé à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886). Il s’inspire et rend hommage en particulier à sa période de gravures et dessins : des eau-forte, trois pointes sèches, ainsi que des lithographies et des dessins. S’il a déjà eu l’occasion de voir une partie de ces œuvres, le lecteur aura lui aussi été frappé par leur singularité, mêlant onirisme, mystères et inquiétude. En auteur aguerri, Lehman imagine un disciple de Redon, Pierre-Marie Ferdinand Krebs (1854-1910), son amie Jeanne Latour, et même une école de la Bièvre. Le dessinateur s’inspire des dessins de Redon pour les monstres surnaturels. En fonction de son inclination, le lecteur peut également apprécier comment le scénariste nourrit son intrigue avec d’autres références à un pan de la culture française en mentionnant les écrivains Jean Lorrain (1855-1906), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Pierre Mac Orlan (1882-1970), et Jean Cocteau (1889-1963). Ainsi l’intrigue s’inscrit dans cette culture, s’en nourrit et en est indissociable, une mythologie particulière, sans relation avec la culture hégémonique de divertissement américaine. À l’unisson, la narration visuelle montre des paysages bien identifiés, à commencer par la Butte-aux-Cailles, le métro parisien avec ses stations reconnaissables, la porte de Chatillon, Clamart, etc. Les visuels inscrivent également le récit dans une zone géographique concrète, vierge de toute mythologie outre-Atlantique. L’artiste réalise des dessins en noir & blanc rehaussé de nuances de gris, dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours précis et souples. Il intègre des éléments d’informations purement visuels comme les noms sur les teeshirts de Maxime : Metallica, Radiohead, Magma, Rush (le connaisseur appréciera également l’écoute collective de la reprise de You really got me figurant sur le premier album de Van Halen sorti en 1978, et la mention du groupe Tin Machine fondé en 1987 par David Bowie et Reeves Gabrels). Ils participent ainsi à définir la personnalité de chaque protagoniste : jean et teeshirt pour Maxime, tenue plus randonnée pour Arthur, et chemise blanche impeccable avec veste pour Sébastien. Il s’agit de dessins qui montrent des endroits réels dans lesquels évoluent des individus normaux, tout en restituant leurs particularités, caractéristiques essentielles à l’intrigue qui évoquent des éléments historiques également très concrets. Ainsi, ce récit d’amitié entre trois adolescents devenus adultes dégage sa propre personnalité dans un environnement parisien et de banlieue, avec des personnages plausibles et crédibles, ayant chacun leur histoire. Ils se retrouvent confrontés à une manifestation surnaturelle singulière, une autre dimension issue de l’histoire de la région, même si elle a été enfouie sous un urbanisme dense et bétonné. Le dessinateur marque la présence du surnaturel avec des fonds de page qui passent du blanc pour les gouttières, au noir, et par la disparition des nuances de gris, les personnages évoluant alors dans un monde littéralement noir & blanc. À nouveau, les caractéristiques du dessin et les éléments fantastiques restent dans un registre franco-belge et d’inspiration locale (avec une très belle page de forte pluie dans un dessin en pleine page p.191 à la Frank Miller période Sin City). Le développement de l’intrigue implique à la fois les travaux de l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878) et sa carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne datant de 1869, ainsi que la brigade fluviale de Paris, un service de la préfecture de police, créé en 1900 par arrêté du préfet de police, Louis Lépine (1846-1933). Le lecteur suit essentiellement Maxime Faubert dans cette aventure, entre arrêt du développement et père divorcé, retour d’un amour de jeunesse, puis disparition lors d’une manifestation surnaturelle. Les auteurs mettent ainsi en scène trois adultes dont la vie porte la marque de leur adolescence, ainsi que la force de cette amitié adolescente qui perdure à l’âge adulte. La vie de chacun de ces trois hommes a continué, dans des directions différentes, des intérêts différents, les amenant dans une situation où les potentiels de la jeunesse se sont restreints au fur et à mesure de leurs choix de vie. Au fur et à mesure de leur enquête pour retrouver Neige Agopian, ils se heurtent à des degrés divers à certaines de ces aspirations qu’ils ont abandonnées, et aussi à un événement traumatique et banal vécu par l’un d’eux, et ressenti par les deux autres. Au travers de ces aventures, ils font face à une réalité qui leur était inaccessible, comme si les événements les contraignaient à progresser plus loin vers l’état adulte, à accepter des faits alors que le déni leur offrait une certaine forme de confort. Une très belle couverture qui promet une aventure surnaturelle avec un imaginaire original. Ces promesses sont tenues dans un récit bien ancré dans le réel de quartiers parisiens et de banlieues, avec des éléments fantastiques trouvant leur source chez l’artiste Odilon Redon. Scénariste et dessinateur donnent une consistance peu commune à cet environnement français, nourrissant une mythologie propre, et racontant une aventure à la trame classique, rendue originale par des éléments historiques spécifiques à l’Île-de-France, et par des personnages possédant leur propre histoire. Déstabilisant.
Idéal
Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen. En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique. Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses. Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes. Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral ! Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis
. Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel
La Saison des anguilles
Cette lecture m'a laissé comme un goût de cendres une fois terminée. Denis Lapière propose ici un récit assez littéraire malgré le peu de texte qui accompagne cette histoire sociale et familiale. Le récit renvoie aux romans qui décrivent la déchéance d'une vieille France arque boutée à ses titres et châteaux dans un huis clos proche de la consanguinité. Le graphisme de Bailly fait beaucoup pour rendre cette ambiance de famille déchue prête à toutes les bassesses pour assurée sa continuité. L'ambiance est souvent lourde voire sordide et seule les incursions dans le marais poitevin permettent un espace de respiration. Cette partie m'a d'ailleurs fait penser au roman de marcel Aymé "La Vouivre" avec ici des anguilles au lieu de vipères. Cela confirme l'ambiance rude de roman paysan que Lapière donne à son scénario. Le graphisme de Bailly accentue le contraste entre la douceur et la sérénité des paysage du marais vis à vis de la froideur cadavérique des personnages jusqu'au final émouvant où cela s'inverse. Une lecture intéressante malgré une approche difficile. Un bon 3
Contrecoups
Malgré ma bonne notation, je reste perplexe après ma lecture. Le récit est construit sur les genres journalistique et historique au sein d'une fiction qui donne du lien au différentes situations. Cela donne une narration très dynamique presque à suspens tant le rythme est élevé et l'enchaînement bien huilé. Toutefois la qualité de la narration peut être perçu comme un défaut tant la personne de Malik est assez peu présente alors qu'il est la pierre angulaire et la victime de cette absurde affaire qui n'aurait jamais du exister. En 86 je revenais de ma coopé, diplômes en poche et je commençais ma vie pro dans une paisible ville des Ardennes. Comme j'avais suivi des filières sélectives je n'étais pas franchement dans le bain des évènements estudiantins de Paris. Toutefois on ne pouvait pas passer à côté des images très violentes du parvis des Invalides où les forces de l'ordre faisaient du "tir direct" sur les manifestants (parfois très jeunes avec leurs parents) au risque de blessures très graves. Bollée et Puchol n'abordent pas cette partie de grande tension depuis deux semaines qui explique ( sans la justifier) l'utilisation disproportionnée et criminelle de la violence au sein des VPN. Il vaut mieux connaître le contexte dans lequel s'inscrit cette triste nuit du 5 décembre pour comprendre l'attitude et la dureté des ordres du capitaine et du brigadier-chef. Car le paradoxe est que cette soirée du 5 fut assez calme, les étudiants obéissants sans trop de difficultés aux ordres d'évacuation et de dispersion. Non nous n'étions pas en état de guerre civile malgré certaines prises de positions ahurissantes de responsables médiatiques. Car je trouve qu'il n'y a pas une grande différence entre nommer ses compatriotes "des zombies" atteints "de sida mental" que "les cafards" de la radio des mille collines huit ans plus tard. C'est la cohésion nationale qui est en jeu. Le pauvre Malik se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec sa Bible et sa carte de la très sage et sélective Paris-Dauphine dans la poche, il n'avait rien d'un casseur armé jusqu'aux dents, lui le solitaire qui sortait d'une boîte pour écouter du jazz. Oui cette situation est emblématique des dérives d'un Etat qui outrepasse illégalement ses prérogatives. Aucun couvre feu n'était décrété, aucun juge n'avait interdit de se promener la nuit dans Paris, et même un simple contrôle ne peut s'accompagner d'une telle violence. Ce sont toutes ces questions fondamentales qui ressurgissent de temps à autres que soulève la série de Puchol et Bollée. J'aurais bien noté avec un beau 5 mais je trouve que l'ajout de situations diverses ( l'amourette des étudiants, la stigmatisation des séropositifs dans ces années, la prise de conscience du petit voyou) diluent un peu le propos même si cela lui donne de la densité en l'ancrant dans le réel de l'époque. Un mot sur le très beau N&B de Jeanne Puchol qui participe au dynamisme et à la dramatisation de ces quelques heures qui sont entrées dans l'Histoire de la cohabitation. Une lecture qui m'a passionné et un très beau devoir de mémoire pour la famille de Malik bien injustement meurtrie .
Les Papillons ne meurent pas de vieillesse
Une chasse au papillon pas comme les autres. En effet, l'entomologiste Camille Simon reçoit un colis d'Amérique du Sud et il y trouve un spécimen de papillon disparu, le Parides Ascanius. Il part aussitôt avec sa cousine Géraldine pour le Brésil, il veut confirmer son existence, celle-ci pourrait changer la vision scientifique sur la résilience de la nature. Mais sa recherche en pleine forêt amazonienne va se compliquer, des multinationales ne voient pas d'un bon œil le possible futur classement d'une partie de la forêt en parc national. Évidemment la partie de cache-cache ne sera pas de tout repos, ce mystérieux papillon va se faire désirer. Un récit instructif qui nous dévoile une face cachée peu reluisante du Brésil et des multinationales qui bafouent les lois en toute impunité : déforestation illégale et orpaillallage sauvage. Une face sombre où le déplacement forcé des peuples autochtones est monnaie courante et si cela ne suffit pas, il reste le meurtre. Ils sont prêts à tout pour faire échouer cette expédition scientifique. Il est effarant qu'à notre époque ces actes mafieux existent encore. Ce n'est pas nouveau, mais ce récit nous prouve encore une fois que notre monde ne tourne pas rond et que la biodiversité reste la cinquième roue du carrosse. Un bon moment de lecture, j'ai aimé les personnages, la petite pointe d'humour, les informations sur les papillons et le côté documentaire, mais je ne suis pas comblé pour autant, j'aurais aimé en savoir plus sur ces multinationales et leurs ramifications. Une histoire construite à partir d'un fait divers, je ne sais pas jusqu'où elle est proche de la vérité, mais Matz a passé de nombreuses heures chez Camille Le Piouff, un entomologiste, à Paris (Nature et Passion). Si je suis reparti avec cet album sous le bras, c'est pour Frédéric Bézian, j'adore son style torturé reconnaissable au premier coup d'œil. Il nous propose un magnifique dégradé de gris où juste des touches de couleurs habilleront les différents papillons. La forêt n'a jamais été aussi belle et sauvage. Superbe ! Note réelle : 3,5.
Crying freeman
J'ai emprunté les tomes de la Perfect Edition pour parfaire ma culture et je n'ai pas réussi à finir le tome 2 tellement c'est rempli de défauts. J'avais déjà lu que le scénariste Kazuo Koike était moins bon lorsque ses récits n'étaient pas des récits de samouraïs et je vois ça ici. Il se passe des trucs improbables dans le scénario qui ne m'auraient surement rien fait si l'action se passait dans le passé, mais là ça se passe dans les années 80 et les énormités sautent aux yeux. Franchement, ça ne se voit même pas que le scénariste était un vétéran qui avait presque 50 ans lorsqu'on lit la série tellement le résultat est pitoyable. Ce qui m'a surtout marqué est qu'on a encore droit au fantasme masculin du héros viril, mais avec un coté tendre qui se tape des femmes bien soumises et c'est tellement caricatural qu'on dirait le travail d'un jeune auteur voire même carrément le fantasme d'un ado. Le seul point positif est que la narration est fluide et comme il y a plusieurs scènes sans ou avec peu de textes, la lecture du premier tome a quand même était facile et même un peu rapide pour une édition qui compte bien plus de pages que dans un manga ordinaire. Le dessin est franchement moyen.
Epuisé
Deuxième BD de Joe Matt que je lis après Peepshow (Le Pauvre Type), je ressors de la lecture d’Épuisé avec un sentiment mêlé de malaise et de lassitude. Comme dans Peepshow où il se présentait comme un loser frustré et assez crade, l’auteur pousse l’autobiographie dans ses retranchements les plus sordides : masturbation obsessionnelle, radinerie maladive, inertie sociale totale… Le tout étalé sans filtre, ni recul. Certes, il y a une forme de sincérité brutale, un courage même, à s’exposer ainsi sans chercher à attendrir. Mais cela suffit-il à faire une bonne bande dessinée ? Pour moi, non. Le récit tourne vite en rond, les dialogues interminables finissent par étouffer, et le personnage principal, aussi pathétique qu’il soit, ne m’a pas touché. Graphiquement, c’est propre, mais froid et aussi répétitif que le quotidien qu’il décrit. J’aurais peut-être adhéré à un traitement plus second degré, mais ici l’humour ne dépasse jamais la gêne. Au final, je n’ai pas trouvé grand-chose à retenir, si ce n’est une démonstration de névroses qui, plutôt que de me faire réfléchir, m’a juste rebuté.
Look Back
Poétique, tragique et brillamment construit Look Back est un one-shot intense et émouvant qui montre toute la maîtrise narrative de Fujimoto. En quelques dizaines de pages, il explore l’amitié, la création artistique, le deuil et la culpabilité avec une finesse rare. Le dessin, sobre mais expressif, sert parfaitement le propos. La fin, ouverte à l’interprétation, bouleverse et invite à la réflexion. Une œuvre courte, mais marquante, que je recommande vivement.
Love Me
Un récit sincère mais qui manque parfois de profondeur Love Me de Naomi Reboul aborde des sujets sensibles avec une certaine justesse et une touche personnelle qui se ressent dans chaque planche. Le style graphique, épuré, accompagne bien le propos, même s’il peut paraître parfois un peu trop minimaliste. Si l’intention est belle et le ton sincère, l’ensemble manque parfois de rythme ou de développement pour vraiment marquer sur la durée. Une lecture intéressante, mais qui laisse un léger goût d’inachevé.