Le Chant d'Excalibur, c'est une énième série d'aventure fantasy avec de l'action et de l'humour.
Sur le papier rien d'anormal, quand c'est bien fait ça a toujours son petit charme, mais ici ce n'est pas n'importe qui qui scénarise, c'est Arleston. Et le problème d'Arleston, c'est qu'il a la fâcheuse tendance à écrire encore et toujours le même type de récits de fantasy : les récits de fantasy pour beaufs.
Voilà, je sors le mot tout de suite, ça va faire gagner du temps : Arleston écrit des récits de fantasy pour beaufs. Les personnages féminins ont toutes des morphologies de pin-ups, elles sont régulièrement montrées nues, quand elles sont vêtues c'est bien souvent dans des tenues légères et/ou moulantes, les scénarios prennent toujours le temps de nous faire des "apartés fesse", ça picole et ça jure à tout va, … Bref, ses récits, même lorsqu'il y a une idée de base intéressante, virent bien plus souvent à la chanson paillarde qu'à celle de geste.
Mais alors là…
Le Chant d'Excalibur est facilement la pire œuvre du bonhomme qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent.
On y suis Gwyned, descendante du chevalier Galahad, pucelle, nouvelle détentrice d'Excalibur, pucelle, chargée de rétablir la magie au Royaume de Bretagne aujourd'hui occupé par la chrétienté, et accessoirement pucelle. Si vous n'avez pas encore retenu qu'elle était pucelle, pas de soucis, le scénario prendra gentiment soin de vous le rappeler toutes les trois pages (c'est quand-même bien sympa de sa part). Pour accomplir sa mission, notre pucelle de Gwyned est accompagnée par Merlin, ici bien plus proche du pilier de bar et du violeur multi-récidiviste que du grand magicien légendaire.
Chacun des albums sera une petite aventure indépendante où notre fougueuse pucelle et son vieux libidineux de soutien tenteront de régler des problèmes locaux.
Si vous ne l'aviez pas encore compris à mon ton sarcastique, ça parle un peu (beaucoup) de fesse. Je ne suis pas prude (loin de là), mais je ne supporte pas le graveleux. Pas de problème avec les blagues phalliques et vulvaires mais je ne pense pas que qui que ce soit apprécie d'être pris pour un con.
Mais rassurons-nous, l'œuvre n'est pas seulement graveleuse, elle est aussi source d'ennui.
J'attaque donc le deuxième gros défaut de cette série : je m'ennuie. J'ai pris beaucoup plus de plaisir à vous résumer l'histoire dans le paragraphe du dessus que je n'ai eu à lire les six albums. Je n'ai vraiment continué jusqu'au bout que par envie de laisser sa chance à cette œuvre. J'ai regretté la lui avoir donner...
Bon, j'ai déjà accordé trop de temps et de mots pour cette série donc je vais tenter d'aller directement vers la conclusion.
L'histoire, au delà d'être mauvaise, m'a paru profondément insultante et nocive, et je vais l'illustrer par une petite scène issue du cinquième album. Dans cette scène, Merlin et Gwyned ont été capturés et s'apprêtent à se faire torturer. L'un de leur tortionnaire dénude Gwyned et s'apprête à la violer quand, miracle, les secours arrivent. Sauf que Merlin n'est pas heureux de se faire secourir maintenant, non, car selon lui "cela allait devenir intéressant". Voilà, sa compagne de route, avec qui on tente maladroitement de nous faire croire qu'iels se sont attachés l'un à l'autre au début de ce même album, échappe de peu à un viol et tout ce qu'il trouve à dire c'est qu'il est déçu de ne pas avoir pu voir ça. Et je suis censée me sentir attachée à cette ordure ?
Non merci.
Croyez-moi que si je pouvais noter plus bas que 1 étoile, je le ferais.
2.5
Le titre va très bien pour ce one-shot parce où je ne pense pas avoir réussi à totalement rentrer dans l'histoire.
Heureusement que j'ai bien aimé le dessin et que la narration est fluide parce que je ne pense pas que j'aurais réussi à finir l'album. Il faut dire qu'il y a plusieurs pages muettes ou avec peu de textes alors ça se lit tout de même plutôt vite pour une BD avec autant de pages. Quant au scénario, ça se laisse lire, mais sans plus. Le personnage principal m'a un peu énervé par moment et je n'ai pas trop compris exactement où l'auteur voulait en venir.
En fait, j'ai eu la sensation que je regardais un film un peu intello qui, sans être chiant, était un peu incompréhensible dans ce qu'il veut montrer parce qu'il me manque des informations. Je peux comprendre que d'autres lecteurs soient plus touchés par cet album que moi. On va dire que c'était pas une lecture pour moi.
Mon avis rejoint celui d'Alix.
Il y a des qualités dans cet album, notamment le dessin que j'ai bien aimé, mais je n'ai pas trouvé que ce long one-shot était une lecture passionnante. Il faut savoir que c'est l'adaptation d'un roman américain paru au 19ème siècle. Si à l'époque montrer les horreurs de la guerre était sans doute innovateur, cela l'est moins aujourd'hui. J'ai eu l'impression d'avoir déjà lu déroulement de l'intrigue dans d'autres œuvres de fictions. Certes, c'était surtout dans des histoires ou des témoignages se passant durant les deux premières guerres mondiales ou encore celle du Vietnam, mais si l'esthétique de ses récits changent, les messages sont souvent les mêmes et rien ne m'a étonné durant ma lecture et tout était convenu.
Ajoutons qu'en plus le personnage principal ne m'a pas semblé attachant et je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions durant ma lecture. Cela une BD à emprunter, mais ce n'est pas une lecture qui m'a marqué.
Mouais, ben là, gros ratage je pense ! En tout cas je n'ai jamais ri, et je n'ai esquissé un sourire qu'une seule fois. Alors, certes, l'album est très vite lu (une quarantaine de pages, une image par page, et parfois que du texte), mais il sonne singulièrement creux.
Les gags sont censés tourner autour de l'écologie, des conséquences du réchauffement climatique, et de la façon dont on réagit ou pas face à ces problématiques. Un thème d'actualité, et pas mal traité déjà. Ici, rien de nouveau, et grosse panne d'inspiration. En fait j'ai eu l'impression de lire quelques vagues idées d'un bobo s'adressant à des bobos, mais sans que l'humour ne soit surprenant ou percutant.
Quant au dessin, il aurait pu passer avec des choses plus drôles. Mais là, ne reste qu'un dessin qui n'est pas mon truc, avec une colorisation informatique dont le rendu ne m'attire pas. J'avais déjà lu Trip & Trash glandeurs acharnés du même Bouzon et là le dessin passait, parce que c'était quand même plus amusant.
Bref, un album publié chez un petit éditeur (je ne connaissais ni l'auteur ni l'éditeur). Je défends généralement les petites structures, mais là je ne peux que passer mon tour, tant tout l'album m'a laissé froid (c'est déjà ça de pris contre le réchauffement climatique, vous me direz).
Bon, autant le dire d’emblée, c’est une lecture très dense, aride sur le fond et sur la forme. Pas une lecture détente empruntée au hasard en tout cas.
Sous couvert d’un dialogue entre Murat et Benasayag, c’est en fait l’adaptation par le premier d’un ouvrage du second. Et la partie proprement BD est un peu minimaliste dans la mise en scène, l’action et le dessin. Mais elle est très raccord avec le propos, et la symbiose est parfaite. Mais ça accentue le côté froid et aride évoqué plus haut.
Il s’agit de montrer comment le développement de l’informatique, des intelligences plus ou moins artificielles, l’utilisation des écrans, des réseaux sociaux, ont pu modifier l’activité, la réflexion de l’Homme, ont pu agir sur ce qui en est le cœur, leur cerveau.
La réflexion de Benasayag s’appuie sur des sociologues, des spécialistes en sciences diverses, des philosophes. C’est intéressant mais, même s’il n’y a finalement pas énormément de texte – en tout cas si les pages sont relativement aérées – c’est un album qui ne se lit pas en cinq minutes !
C’est aussi un album qui nous pousse à réfléchir, à l’heure où des chaines de télé proposent aux annonceurs « du temps de cerveau disponible », et où notre cerveau (ce qu’il contient et sa machinerie) est peu à peu colonisé par des idées et des machines qui peuvent nous faire perdre notre « libre arbitre ». Un éclairage intéressant donc, sur des évolutions pas franchement plaisantes.
Note réelle 3,5/5.
Comme Alix je n’ai pas forcément tout saisi. Mais avec ce genre d’œuvre j’accepte aisément de laisser des questions sans réponse. Ne pas comprendre n’empêche en effet pas d’être « pris » par une œuvre, qu’elle nous transporte – jusqu’où ?
Inspiré de la personne et des œuvres de Paul Nash, cet album permet surtout à McKean de laisser libre cours à son imagination.
On est ici embarqué dans un univers très poétique (textes et images), auquel j’ai été sensible. Il faut dire que le travail de McKean est ici mis en valeur par un format très très grand. Cela permet d’apprécier toutes les techniques qu’il utilise. En effet, on a droit à des dessins – avec des styles différents, une colorisation très changeante aussi –, de la peinture, des collages, le tout se mariant très bien. Surréalisme, expressionnisme et cubisme se succèdent, et donnent une vision de la guerre où parfois seule la folie permet de sortir de l’horreur quotidienne.
Un album parfois plus livre illustré que BD, que j’ai davantage regardé que lu. Mais c’est une agréable découverte.
Note réelle 3,5/5.
Malgré cette couverture assez quelconque, difficile de ne pas ouvrir cette BD. Turing est une légende, et il y a deux ans, il se trouve que j'étais à Manchester, devant le monument célébrant sa mémoire. Bien m'en a pris puisque j'ai été enthousiasmé par le dessin d'Aleksi Cavaillez. Si ses lignes noires ne font pas dans l'épat', qu'est-ce que c'est soigné ! Réduit à la simple expression d'un trait crayeux, il donne une assise forte à cette histoire, et à un personnage qui ne l'est pas moins. On pourra toujours ergoter sur les visages tous assez peu dissemblables (ce n'est cependant pas très gênant au cours de la lecture), mais Cavaillez a de l'or dans les doigts, c'est indéniable. Au passage, je réalise que c'est lui qui avait déjà illustré la BD sur Célestin Freinet que je m'étais promis de lire (sans en avoir eu l'opportunité jusqu'à présent - un truc de plus à mettre sur la To Do List). Bref !
Pour le reste, même si j'émettrais quelques réserves sur le scénario, c'est une bonne BD qui se lit d'une traite (même si parfois on s'attarde un peu trop dans l'anecdotique). Je m'attendais néanmoins à quelque chose de moins poétique. Notez que je n'ai absolument rien contre la poésie, bien au contraire, mais connaissant un peu l'homme (Alan Turing) et son œuvre, j'aurais aimé quelque chose de plus historique, et de plus scientifique. Or, les scénaristes passent relativement brièvement sur son invention (la fameuse machine qui a permis le décryptage d'Enigma) et le titre de sauveur du monde qu'il est en droit de recevoir. En tout, c'est à peine une trentaine de pages sur 250 que comporte cette BD qui lui est consacrée. Cela aurait à mon sens mérité qu'on y consacrât d'avantage de temps, car sans lui encore une fois, l'Europe serait probablement tombée aux mains des nazis, et ce n'est pas moi qui le dis.
(au passage, le film Imitation Game s'étend quant à lui un peu trop sur l'aspect technique et néglige certains éléments biographiques qui auraient pour le coup mérités d'être mis en perspective. Rhooooo, il est jamais content celui-là, hein ?)
Turing était gay, et il a à ce titre été traité comme un chien et ne reçut pour toute reconnaissance de son travail qu'un traitement médical immonde censé le détourner de ses penchants "contre nature", et il était difficile de passer toute cette affaire sous silence. Au contraire, il était nécessaire de le faire. Mais je trouve dommage de réduire le personnage à une "simple" histoire de sexualité qui aurait tout aussi bien pu être celle d'un quidam lambda. Son homosexualité prend un peu trop de place. Non pas que ça me pose problème, loin de là, mais cela relève à mon sens de la sphère intime, et j'aurais probablement écrit exactement la même chose s'il se fut agit de sexualité hétérosexuelle (purée ! je ne sais pas ce que j'ai avec la concordance des temps aujourd'hui !). Par exemple, j'ai adoré Anora, le dernier film de Sean Baker, mais les scènes de cul du début prennent beaucoup trop de place, et il s'agit bien là d'hétérosexualité... Bref ! Nulle homophobie de ma part, mais faut être un peu prudent en ce moment avec ce sujet. Revenons à nos moutons : Turing est tout sauf un quidam lambda, il est encore une fois THE sauveur du monde, en même temps que le père de l'informatique !
Et puis pas un mot non plus (ou alors cela m'a échappé) sur son affection pour Blanche Neige et la fameuse pomme...
Mais à part ça, il y a de bonnes choses, voire de très bonnes choses, telles les dernières pages où on voit notre homme sombrer dans les hallucinations sans aucun doute dues à la "thérapie de conversion" que le tribunal lui a infligée. Ce Alan Turing est une excellente alternative à une biographie écrite en offrant à la fois un panorama assez complet de qui il fut, mais également de quoi se rincer l'œil graphiquement parlant.
Comment imaginait-il son rédempteur ?
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Ce tome contient une évocation biographique de l’écrivain Jorge Luis Borges (1899-1986). L’édition originale en langue espagnole date de 2017 en Colombie. Il a été réalisé par Õscar Pantoja pour le scénario, par Nicolás Castell pour les dessins et les couleurs. La traduction a été effectuée par Benjamine des Courtils, et l’adaptation française par Emmanuel Proust. Il compte cent-trente-cinq pages.
1926, la maison de la rue Tronador : Anglaise, innombrable et un ange. Jorge Luis Borges et sa petite sœur Norah Lange arrivent à pied de nuit vers une grande demeure. Elle fait observer que les lumières sont éteintes, il en déduit qu’ils sont sûrement sortis. Elle propose de passer par la porte de derrière. La porte du sous-sol est béante : ils y descendent, bien que Jorge ait des problèmes de vue. Ils remontent à l’intérieur par l’escalier. Il n’y a personne, Norah se demande ce qu’elle va pouvoir se mettre. Elle rétorque à son frère que c’est la réception la plus élégante du mois, elle doit porter quelque chose de spécial. Il ne l’écoute que distraitement, il admire la maison, elle est devenue son refuge. Elle va se préparer et elle choisit une belle robe de soirée verte. Pendant ce temps-là, il observe les livres dans la bibliothèque, puis il prend une photographie de de sa sœur dans un cadre, posée sur une étagère. Elle revient dans la pièce, magnifique dans sa tenue de soirée. Elle lui demande comment il la trouve, il répond qu’elle est un ange. Il lui propose d’aller à pied à la soirée. Il aime bien se promener dans Buenos Aires, ses rues ressemblent à de vieux patios, mais c’est elle qui l’inspire. Il pense que tout écrivain a une muse, un univers dont il s’inspire. Elle rétorque que ce n’est pas elle, elle écrit aussi, et elle ne veut inspirer personne. Ils reprennent leur marche.
Jorge et Norah arrivent à l’adresse où se tient la soirée. Ils rentrent dans la demeure. Dans la grande salle, le poète Girondo se tient debout devant l’assemblée attablée et il fanfaronne : La littérature est un prétexte ! Une imposture ! Ce qui compte, c’est vivre, jouir, bomber le torse. Il continue : il est un ivrogne, et aussi un génie, mais un génie avant tout. Norah demande à son frère de lui présenter le poète, ce qu’il fait. Elle est sous le charme. Après quelques verres et de la musique, Girondo et Norah sortent et prennent la voiture du poète. Jorge les voit partir et il reste en arrière. 1900, la bibliothèque du père. Le tout jeune Jorge est sur les genoux de sa mère, qui tient un livre. Son père indique à Jorge que voilà où est sa place dans cette maison, il sera écrivain, dans le meilleur des cas ils le seront tous les deux. Quelques années plus tard, le jeune Jorge va prendre un tome dans la bibliothèque : Les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain. Il lit le livre posé sur une table, avec à côté une assiette de gâteaux et une boisson chaude. Sa petite sœur vient lui demander ce qu’il est en train de faire. Il répond qu’il veut traduire un conte, l’histoire d’un prince et d’une hirondelle, écrit par Oscar Wilde. Elle aime bien cet auteur. Un peu plus tard, elle revient lui demander d’arrêter de lire, pour aller jouer avec Quilos et Moulin-à-vent, leurs deux amis imaginaires.
Découvrir un écrivain par une bande dessinée biographique : une proposition aguichante, surtout si les auteurs s’aventurent un peu au-delà d’un déroulé chronologique factuel, et mettent en lumière le lien entre la vie et l’œuvre de l’auteur. Les titres des dix chapitres montrent en effet une chronologie légèrement réarrangée : 1926 La maison de la rue Tronador, 1900 La bibliothèque du père, 1954 Un coucher de soleil singulier, 1927 La blessure infinie, 1934 L’hôtel à Adrogué, 1934 Le rêve, 1939 La divine comédie, 1944 L’univers infini, 1960 Les grands-mères, 1960 La bibliothèque. Les auteurs font en sorte que Jorge Luis Borges soit immédiatement identifiable du début à la fin, quel que soit son âge. D’un autre côté, le lecteur ressent rapidement que la narration s’appuie sur une connaissance préalable de l’écrivain. Les auteurs n’évoquent pas son œuvre, ni par ses titres d’ouvrage, ni par leurs thèmes. Il vaut mieux disposer d’une connaissance superficielle de son recueil Fictions (1944, et des nouvelles Tlön Uqbar Orbis Tertius, Les ruines circulaires, La Bibliothèque de Babel), et le recueil L’Aleph (1967, en particulier les nouvelles La demeure d’Asterion, L’Aleph), pour saisir certains passages comme celui sur le Minotaure, l’obsession pour les bibliothèques, ou encore le concept de possibilités infinies.
Pour autant, le lecteur ne se sent pas trop intimidé pour débuter sa lecture. Les auteurs ont choisi de mettre en exergue une citation très explicite sur leur approche de la vie de l’auteur, en s’appuyant sur ses propres mots : En définitive, toute littérature est autobiographique, tout est poétique lorsqu’il est question de destin et qu’il se laisse entrevoir. D’un certain point de vue, ils montrent des moments clé de la vie de Jorge Luis Borges : sa relation possessive avec sa sœur Norah et l’abandon qu’il ressent quand elle vit sa vie à elle. Les différentes bibliothèques qui ont laissé une marque indélébile dans son esprit, influençant son imaginaire à jamais, à commencer par celle de son père. La liberté de son imagination en inventant deux amis imaginaires avec sa sœur, et en inventant des aventures avec eux. Les vacances familiales dans la pampa. Le jouet Kaléidoscope. La cécité qui s’installe progressivement. En revanche, il faut être familier de sa biographie pour reconnaître une bibliothèque municipale quand il y travaille en 1938, puis la bibliothèque nationale quand il en devient le directeur en 1955.
Toujours de ce premier point de vue, la narration visuelle facilite l’accès au récit. L’artiste réalise des dessins descriptifs et réalistes. Il utilise un trait de contour assez fin, et assuré pour détourer chaque forme. Il s’investit dans la représentation des environnements pour leur donner une réelle consistance : les différentes habitations, aussi bien vues de l’extérieur que les pièces en intérieur. Le lecteur regarde aussi bien cette grande maison avec un étage que l’ameublement de son salon, une vue du ciel du quartier de Buenos Aires traversé à pied que la décoration de la grande salle ou se tient la réception donnée en l’honneur de Girondo, les automobiles garées dans la rue, le tigre dans sa cage, une grande gare avec une ligne de tramway devant, le paysage ouvert et désertique de la pampa, les quais bondés d’une gare, une armurerie où Borges va acheter un revolver, l’intérieur d’une voiture de tramway, l’immense salle de lecture de la bibliothèque nationale, etc. Les personnes sont également représentées de manière réaliste, sans exagération anatomiques, si ce n’est des silhouettes parfois un peu allongées. La mise en couleurs montre un monde un peu terne, ou plutôt un peu assombri, à l’exception de belles journées ensoleillées comme à la campagne pour les vacances, ou en pleine rue.
D’un autre point de vue, le récit de cette vie porte la marque des thèmes principaux de l’écrivain, y compris des éléments fantastiques. Le mode de représentation du dessinateur se prête très bien à ces éléments : l’imagination des enfants alors qu’ils accompagnent leurs deux amis imaginaires, la révélation de la nuée infinie des anges alors que Jorges s’apprête à se suicider, le cadavre du Minotaure dans son labyrinthe, la découverte de la cité des immortels et d’Argos, l’apparition de Norah en plein désert, la vision de l’Aleph, la perception de l’immensité de l’univers par Jorge Luis encore enfant. Ainsi les auteurs réussissent à faire apparaître le lien organique entre la vie de l’auteur et son œuvre, la nature autobiographique de celle-ci. D’une certaine manière, ils mettent en lumière quelques-unes de ses sources d’inspiration, illustrant le fait que personne ne crée à partir de rien, tout en faisant également ressortir le caractère unique de ce que l’écrivain a fait de ces matériaux.
D’une autre manière, il est possible de considérer que les auteurs sont partis à rebours : en ayant connaissance de l’œuvre de Jorge Luis Borges, ils interprètent les éléments biographiques connus pour leur faire porter un sens prédéterminé. Par ce truchement, ils font ressortir les circonstances de la vie qui leur semblent avoir le plus de poids sur l’individu qu’est Borges. Cela amène le lecteur à considérer ces circonstances à s’interroger sur leurs conséquences, sur l’impact qu’elles auraient pu avoir sur sa propre vie. Le lien très fort qui unit Jorge Luis à sa petite sœur, jusqu’à la voir comme sa muse, et à devenir possessif. La valeur que son père donne aux livres au travers de la taille imposante des meubles de sa bibliothèque aux étagères chargées de livres, empreinte psychique et émotionnelle renforcée par les propos de sa mère. La perception que la vie ne tient qu’à des détails, qu’elle pourrait être différente, partir dans de nombreuses autres directions si les circonstances étaient différentes. Dans le même temps, cela implique que le déroulement de la vie vécue écarte toutes ces autres potentialités, qu’il convient de découvrir ce cheminement unique comme au travers d’un labyrinthe. Les auteurs parviennent même à faire ressentir le trouble généré par la répétition des caractères MCV : chaque lettre pouvait influencer la suivante, et la valeur de MCV sur la troisième ligne de la page 23 n’était pas la même que si elle se trouvait sur la première ligne de la page 71…
Pour évoquer la vie de Jorge Luis Borges, les auteurs prennent le parti de partir des éléments contenus dans son œuvre, pour interpréter sa biographie à travers ses thèmes de prédilection. S’il n’est pas familier de l’œuvre de l’écrivain, le lecteur pourra rester dubitatif devant des scènes dont certains éléments semblent parachutés, avec une narration visuelle parfois planplan. S’il connaît quelques-uns des thèmes de l’écrivain, le lecteur ressent immédiatement une familiarité avec cet éclairage qui fait sens, et la cohérence de la narration visuelle lui apparaît, tout à fait adaptée pour mettre sur le même plan les faits concrets et la vie intérieure de l’écrivain.
En tant que scénariste de cette BD, je conseille cet ouvrage aux adeptes d'histoires d'aventure avec une pointe de fantastique. Le personnage principal est Eryn, une jeune femme à la recherche de son frère disparu. L'intrigue est sous forme d'enquête, où vous accompagnerez Eryn dans son périple à travers un mystérieux village et son inquiétante mine de sel. C'est en explorant les profondeurs de cette mine qu'Eryn découvrira l'étrange minerais de Sombre Sel !
Cette BD a été développée sur le thème des ombres qui existent tout autour de nous. Que ce soient les ombres imaginaires, celles tapies dans les recoins les plus obscurs, ou encore les ombres enfouies en chacun de nous… Ce qui nous nuit le plus est parfois en nous-même, et le plus effrayant est souvent ce que l'on ne peut voir... Le récit de la BD permet d’explorer différentes facettes de ce thème grâce au mystère qui plane autour du Sombre Sel...
Les planches sont réalisées par Nicolas en technique traditionnelle, c'est-à-dire que tout est fait sur papier, avec les dessins au crayon et la couleur à l'aquarelle. Le premier tiers des planches de la BD est en couleurs, et le reste est en noir et blanc (toujours à l'aquarelle). C'est un choix graphique pour mettre en valeur certains aspects de la narration de la BD.
Bonne lecture !
Alexandre
Voila une histoire originale, je dois bien dire ! Sur un récit autobiographique, la BD est une petite bouffée de paix, de sérénité qui invite à arrêter la course contre le temps et de se poser, attendre et observer. Vivre, surtout.
L'histoire semble classique de prime abord : un paysan ruiné par un système agricole dont la stupidité au dernier degré semble toujours aller plus loin, qui se retrouve tout à coup face à lui-même et proche du suicide, et qui décide de monter dans un arbre plutôt que se descendre. Et pourtant, la BD est plus proche d'un récit comme L'Oasis qui propose justement de s'arrêter, regarder les merveilles de la nature qui nous entourent et se poser des questions sur notre mode de vie.
Le récit est donc lent, puisque l'action est inexistante et consiste surtout à observer tout comme lui ce qui l'entoure, avec des petits retours-arrière sur son parcours de vie. Le dessin contribue à cette lenteur contemplative, avec force de représentations arboricole et botanique. C'est le genre de BD qu'il faut lire lorsqu'on aime l'introspection, le temps qui s'écoule lentement et l'observation minutieuse de ce qui nous entoure.
J'ai beaucoup aimé ce récit, qui raconte comment un homme, juste avant le confinement, à senti le besoin de se couper des hommes et repenser sa vie. Je comprends tout à fait cet homme, ses doutes et ses questions (même si nos vies sont très différentes). C'est une BD qui incite à lever le pied dans sa vie, a se rendre compte de notre impact sur la nature qui nous environne et surtout à repenser notre mode de vie. Le genre de BD dont la lecture fait du bien, que je ne peux que vous recommander.
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Le Chant d'Excalibur
Le Chant d'Excalibur, c'est une énième série d'aventure fantasy avec de l'action et de l'humour. Sur le papier rien d'anormal, quand c'est bien fait ça a toujours son petit charme, mais ici ce n'est pas n'importe qui qui scénarise, c'est Arleston. Et le problème d'Arleston, c'est qu'il a la fâcheuse tendance à écrire encore et toujours le même type de récits de fantasy : les récits de fantasy pour beaufs. Voilà, je sors le mot tout de suite, ça va faire gagner du temps : Arleston écrit des récits de fantasy pour beaufs. Les personnages féminins ont toutes des morphologies de pin-ups, elles sont régulièrement montrées nues, quand elles sont vêtues c'est bien souvent dans des tenues légères et/ou moulantes, les scénarios prennent toujours le temps de nous faire des "apartés fesse", ça picole et ça jure à tout va, … Bref, ses récits, même lorsqu'il y a une idée de base intéressante, virent bien plus souvent à la chanson paillarde qu'à celle de geste. Mais alors là… Le Chant d'Excalibur est facilement la pire œuvre du bonhomme qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent. On y suis Gwyned, descendante du chevalier Galahad, pucelle, nouvelle détentrice d'Excalibur, pucelle, chargée de rétablir la magie au Royaume de Bretagne aujourd'hui occupé par la chrétienté, et accessoirement pucelle. Si vous n'avez pas encore retenu qu'elle était pucelle, pas de soucis, le scénario prendra gentiment soin de vous le rappeler toutes les trois pages (c'est quand-même bien sympa de sa part). Pour accomplir sa mission, notre pucelle de Gwyned est accompagnée par Merlin, ici bien plus proche du pilier de bar et du violeur multi-récidiviste que du grand magicien légendaire. Chacun des albums sera une petite aventure indépendante où notre fougueuse pucelle et son vieux libidineux de soutien tenteront de régler des problèmes locaux. Si vous ne l'aviez pas encore compris à mon ton sarcastique, ça parle un peu (beaucoup) de fesse. Je ne suis pas prude (loin de là), mais je ne supporte pas le graveleux. Pas de problème avec les blagues phalliques et vulvaires mais je ne pense pas que qui que ce soit apprécie d'être pris pour un con. Mais rassurons-nous, l'œuvre n'est pas seulement graveleuse, elle est aussi source d'ennui. J'attaque donc le deuxième gros défaut de cette série : je m'ennuie. J'ai pris beaucoup plus de plaisir à vous résumer l'histoire dans le paragraphe du dessus que je n'ai eu à lire les six albums. Je n'ai vraiment continué jusqu'au bout que par envie de laisser sa chance à cette œuvre. J'ai regretté la lui avoir donner... Bon, j'ai déjà accordé trop de temps et de mots pour cette série donc je vais tenter d'aller directement vers la conclusion. L'histoire, au delà d'être mauvaise, m'a paru profondément insultante et nocive, et je vais l'illustrer par une petite scène issue du cinquième album. Dans cette scène, Merlin et Gwyned ont été capturés et s'apprêtent à se faire torturer. L'un de leur tortionnaire dénude Gwyned et s'apprête à la violer quand, miracle, les secours arrivent. Sauf que Merlin n'est pas heureux de se faire secourir maintenant, non, car selon lui "cela allait devenir intéressant". Voilà, sa compagne de route, avec qui on tente maladroitement de nous faire croire qu'iels se sont attachés l'un à l'autre au début de ce même album, échappe de peu à un viol et tout ce qu'il trouve à dire c'est qu'il est déçu de ne pas avoir pu voir ça. Et je suis censée me sentir attachée à cette ordure ? Non merci. Croyez-moi que si je pouvais noter plus bas que 1 étoile, je le ferais.
Au-Dedans.
2.5 Le titre va très bien pour ce one-shot parce où je ne pense pas avoir réussi à totalement rentrer dans l'histoire. Heureusement que j'ai bien aimé le dessin et que la narration est fluide parce que je ne pense pas que j'aurais réussi à finir l'album. Il faut dire qu'il y a plusieurs pages muettes ou avec peu de textes alors ça se lit tout de même plutôt vite pour une BD avec autant de pages. Quant au scénario, ça se laisse lire, mais sans plus. Le personnage principal m'a un peu énervé par moment et je n'ai pas trop compris exactement où l'auteur voulait en venir. En fait, j'ai eu la sensation que je regardais un film un peu intello qui, sans être chiant, était un peu incompréhensible dans ce qu'il veut montrer parce qu'il me manque des informations. Je peux comprendre que d'autres lecteurs soient plus touchés par cet album que moi. On va dire que c'était pas une lecture pour moi.
Le Combat d'Henry Fleming
Mon avis rejoint celui d'Alix. Il y a des qualités dans cet album, notamment le dessin que j'ai bien aimé, mais je n'ai pas trouvé que ce long one-shot était une lecture passionnante. Il faut savoir que c'est l'adaptation d'un roman américain paru au 19ème siècle. Si à l'époque montrer les horreurs de la guerre était sans doute innovateur, cela l'est moins aujourd'hui. J'ai eu l'impression d'avoir déjà lu déroulement de l'intrigue dans d'autres œuvres de fictions. Certes, c'était surtout dans des histoires ou des témoignages se passant durant les deux premières guerres mondiales ou encore celle du Vietnam, mais si l'esthétique de ses récits changent, les messages sont souvent les mêmes et rien ne m'a étonné durant ma lecture et tout était convenu. Ajoutons qu'en plus le personnage principal ne m'a pas semblé attachant et je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions durant ma lecture. Cela une BD à emprunter, mais ce n'est pas une lecture qui m'a marqué.
La Part du pigeon
Mouais, ben là, gros ratage je pense ! En tout cas je n'ai jamais ri, et je n'ai esquissé un sourire qu'une seule fois. Alors, certes, l'album est très vite lu (une quarantaine de pages, une image par page, et parfois que du texte), mais il sonne singulièrement creux. Les gags sont censés tourner autour de l'écologie, des conséquences du réchauffement climatique, et de la façon dont on réagit ou pas face à ces problématiques. Un thème d'actualité, et pas mal traité déjà. Ici, rien de nouveau, et grosse panne d'inspiration. En fait j'ai eu l'impression de lire quelques vagues idées d'un bobo s'adressant à des bobos, mais sans que l'humour ne soit surprenant ou percutant. Quant au dessin, il aurait pu passer avec des choses plus drôles. Mais là, ne reste qu'un dessin qui n'est pas mon truc, avec une colorisation informatique dont le rendu ne m'attire pas. J'avais déjà lu Trip & Trash glandeurs acharnés du même Bouzon et là le dessin passait, parce que c'était quand même plus amusant. Bref, un album publié chez un petit éditeur (je ne connaissais ni l'auteur ni l'éditeur). Je défends généralement les petites structures, mais là je ne peux que passer mon tour, tant tout l'album m'a laissé froid (c'est déjà ça de pris contre le réchauffement climatique, vous me direz).
Cerveaux augmentés (Humanité diminuée ?)
Bon, autant le dire d’emblée, c’est une lecture très dense, aride sur le fond et sur la forme. Pas une lecture détente empruntée au hasard en tout cas. Sous couvert d’un dialogue entre Murat et Benasayag, c’est en fait l’adaptation par le premier d’un ouvrage du second. Et la partie proprement BD est un peu minimaliste dans la mise en scène, l’action et le dessin. Mais elle est très raccord avec le propos, et la symbiose est parfaite. Mais ça accentue le côté froid et aride évoqué plus haut. Il s’agit de montrer comment le développement de l’informatique, des intelligences plus ou moins artificielles, l’utilisation des écrans, des réseaux sociaux, ont pu modifier l’activité, la réflexion de l’Homme, ont pu agir sur ce qui en est le cœur, leur cerveau. La réflexion de Benasayag s’appuie sur des sociologues, des spécialistes en sciences diverses, des philosophes. C’est intéressant mais, même s’il n’y a finalement pas énormément de texte – en tout cas si les pages sont relativement aérées – c’est un album qui ne se lit pas en cinq minutes ! C’est aussi un album qui nous pousse à réfléchir, à l’heure où des chaines de télé proposent aux annonceurs « du temps de cerveau disponible », et où notre cerveau (ce qu’il contient et sa machinerie) est peu à peu colonisé par des idées et des machines qui peuvent nous faire perdre notre « libre arbitre ». Un éclairage intéressant donc, sur des évolutions pas franchement plaisantes. Note réelle 3,5/5.
Black Dog - Les Rêves de Paul Nash
Comme Alix je n’ai pas forcément tout saisi. Mais avec ce genre d’œuvre j’accepte aisément de laisser des questions sans réponse. Ne pas comprendre n’empêche en effet pas d’être « pris » par une œuvre, qu’elle nous transporte – jusqu’où ? Inspiré de la personne et des œuvres de Paul Nash, cet album permet surtout à McKean de laisser libre cours à son imagination. On est ici embarqué dans un univers très poétique (textes et images), auquel j’ai été sensible. Il faut dire que le travail de McKean est ici mis en valeur par un format très très grand. Cela permet d’apprécier toutes les techniques qu’il utilise. En effet, on a droit à des dessins – avec des styles différents, une colorisation très changeante aussi –, de la peinture, des collages, le tout se mariant très bien. Surréalisme, expressionnisme et cubisme se succèdent, et donnent une vision de la guerre où parfois seule la folie permet de sortir de l’horreur quotidienne. Un album parfois plus livre illustré que BD, que j’ai davantage regardé que lu. Mais c’est une agréable découverte. Note réelle 3,5/5.
Alan Turing
Malgré cette couverture assez quelconque, difficile de ne pas ouvrir cette BD. Turing est une légende, et il y a deux ans, il se trouve que j'étais à Manchester, devant le monument célébrant sa mémoire. Bien m'en a pris puisque j'ai été enthousiasmé par le dessin d'Aleksi Cavaillez. Si ses lignes noires ne font pas dans l'épat', qu'est-ce que c'est soigné ! Réduit à la simple expression d'un trait crayeux, il donne une assise forte à cette histoire, et à un personnage qui ne l'est pas moins. On pourra toujours ergoter sur les visages tous assez peu dissemblables (ce n'est cependant pas très gênant au cours de la lecture), mais Cavaillez a de l'or dans les doigts, c'est indéniable. Au passage, je réalise que c'est lui qui avait déjà illustré la BD sur Célestin Freinet que je m'étais promis de lire (sans en avoir eu l'opportunité jusqu'à présent - un truc de plus à mettre sur la To Do List). Bref ! Pour le reste, même si j'émettrais quelques réserves sur le scénario, c'est une bonne BD qui se lit d'une traite (même si parfois on s'attarde un peu trop dans l'anecdotique). Je m'attendais néanmoins à quelque chose de moins poétique. Notez que je n'ai absolument rien contre la poésie, bien au contraire, mais connaissant un peu l'homme (Alan Turing) et son œuvre, j'aurais aimé quelque chose de plus historique, et de plus scientifique. Or, les scénaristes passent relativement brièvement sur son invention (la fameuse machine qui a permis le décryptage d'Enigma) et le titre de sauveur du monde qu'il est en droit de recevoir. En tout, c'est à peine une trentaine de pages sur 250 que comporte cette BD qui lui est consacrée. Cela aurait à mon sens mérité qu'on y consacrât d'avantage de temps, car sans lui encore une fois, l'Europe serait probablement tombée aux mains des nazis, et ce n'est pas moi qui le dis. (au passage, le film Imitation Game s'étend quant à lui un peu trop sur l'aspect technique et néglige certains éléments biographiques qui auraient pour le coup mérités d'être mis en perspective. Rhooooo, il est jamais content celui-là, hein ?) Turing était gay, et il a à ce titre été traité comme un chien et ne reçut pour toute reconnaissance de son travail qu'un traitement médical immonde censé le détourner de ses penchants "contre nature", et il était difficile de passer toute cette affaire sous silence. Au contraire, il était nécessaire de le faire. Mais je trouve dommage de réduire le personnage à une "simple" histoire de sexualité qui aurait tout aussi bien pu être celle d'un quidam lambda. Son homosexualité prend un peu trop de place. Non pas que ça me pose problème, loin de là, mais cela relève à mon sens de la sphère intime, et j'aurais probablement écrit exactement la même chose s'il se fut agit de sexualité hétérosexuelle (purée ! je ne sais pas ce que j'ai avec la concordance des temps aujourd'hui !). Par exemple, j'ai adoré Anora, le dernier film de Sean Baker, mais les scènes de cul du début prennent beaucoup trop de place, et il s'agit bien là d'hétérosexualité... Bref ! Nulle homophobie de ma part, mais faut être un peu prudent en ce moment avec ce sujet. Revenons à nos moutons : Turing est tout sauf un quidam lambda, il est encore une fois THE sauveur du monde, en même temps que le père de l'informatique ! Et puis pas un mot non plus (ou alors cela m'a échappé) sur son affection pour Blanche Neige et la fameuse pomme... Mais à part ça, il y a de bonnes choses, voire de très bonnes choses, telles les dernières pages où on voit notre homme sombrer dans les hallucinations sans aucun doute dues à la "thérapie de conversion" que le tribunal lui a infligée. Ce Alan Turing est une excellente alternative à une biographie écrite en offrant à la fois un panorama assez complet de qui il fut, mais également de quoi se rincer l'œil graphiquement parlant.
Borges - Le Labyrinthe de l'infini
Comment imaginait-il son rédempteur ? - Ce tome contient une évocation biographique de l’écrivain Jorge Luis Borges (1899-1986). L’édition originale en langue espagnole date de 2017 en Colombie. Il a été réalisé par Õscar Pantoja pour le scénario, par Nicolás Castell pour les dessins et les couleurs. La traduction a été effectuée par Benjamine des Courtils, et l’adaptation française par Emmanuel Proust. Il compte cent-trente-cinq pages. 1926, la maison de la rue Tronador : Anglaise, innombrable et un ange. Jorge Luis Borges et sa petite sœur Norah Lange arrivent à pied de nuit vers une grande demeure. Elle fait observer que les lumières sont éteintes, il en déduit qu’ils sont sûrement sortis. Elle propose de passer par la porte de derrière. La porte du sous-sol est béante : ils y descendent, bien que Jorge ait des problèmes de vue. Ils remontent à l’intérieur par l’escalier. Il n’y a personne, Norah se demande ce qu’elle va pouvoir se mettre. Elle rétorque à son frère que c’est la réception la plus élégante du mois, elle doit porter quelque chose de spécial. Il ne l’écoute que distraitement, il admire la maison, elle est devenue son refuge. Elle va se préparer et elle choisit une belle robe de soirée verte. Pendant ce temps-là, il observe les livres dans la bibliothèque, puis il prend une photographie de de sa sœur dans un cadre, posée sur une étagère. Elle revient dans la pièce, magnifique dans sa tenue de soirée. Elle lui demande comment il la trouve, il répond qu’elle est un ange. Il lui propose d’aller à pied à la soirée. Il aime bien se promener dans Buenos Aires, ses rues ressemblent à de vieux patios, mais c’est elle qui l’inspire. Il pense que tout écrivain a une muse, un univers dont il s’inspire. Elle rétorque que ce n’est pas elle, elle écrit aussi, et elle ne veut inspirer personne. Ils reprennent leur marche. Jorge et Norah arrivent à l’adresse où se tient la soirée. Ils rentrent dans la demeure. Dans la grande salle, le poète Girondo se tient debout devant l’assemblée attablée et il fanfaronne : La littérature est un prétexte ! Une imposture ! Ce qui compte, c’est vivre, jouir, bomber le torse. Il continue : il est un ivrogne, et aussi un génie, mais un génie avant tout. Norah demande à son frère de lui présenter le poète, ce qu’il fait. Elle est sous le charme. Après quelques verres et de la musique, Girondo et Norah sortent et prennent la voiture du poète. Jorge les voit partir et il reste en arrière. 1900, la bibliothèque du père. Le tout jeune Jorge est sur les genoux de sa mère, qui tient un livre. Son père indique à Jorge que voilà où est sa place dans cette maison, il sera écrivain, dans le meilleur des cas ils le seront tous les deux. Quelques années plus tard, le jeune Jorge va prendre un tome dans la bibliothèque : Les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain. Il lit le livre posé sur une table, avec à côté une assiette de gâteaux et une boisson chaude. Sa petite sœur vient lui demander ce qu’il est en train de faire. Il répond qu’il veut traduire un conte, l’histoire d’un prince et d’une hirondelle, écrit par Oscar Wilde. Elle aime bien cet auteur. Un peu plus tard, elle revient lui demander d’arrêter de lire, pour aller jouer avec Quilos et Moulin-à-vent, leurs deux amis imaginaires. Découvrir un écrivain par une bande dessinée biographique : une proposition aguichante, surtout si les auteurs s’aventurent un peu au-delà d’un déroulé chronologique factuel, et mettent en lumière le lien entre la vie et l’œuvre de l’auteur. Les titres des dix chapitres montrent en effet une chronologie légèrement réarrangée : 1926 La maison de la rue Tronador, 1900 La bibliothèque du père, 1954 Un coucher de soleil singulier, 1927 La blessure infinie, 1934 L’hôtel à Adrogué, 1934 Le rêve, 1939 La divine comédie, 1944 L’univers infini, 1960 Les grands-mères, 1960 La bibliothèque. Les auteurs font en sorte que Jorge Luis Borges soit immédiatement identifiable du début à la fin, quel que soit son âge. D’un autre côté, le lecteur ressent rapidement que la narration s’appuie sur une connaissance préalable de l’écrivain. Les auteurs n’évoquent pas son œuvre, ni par ses titres d’ouvrage, ni par leurs thèmes. Il vaut mieux disposer d’une connaissance superficielle de son recueil Fictions (1944, et des nouvelles Tlön Uqbar Orbis Tertius, Les ruines circulaires, La Bibliothèque de Babel), et le recueil L’Aleph (1967, en particulier les nouvelles La demeure d’Asterion, L’Aleph), pour saisir certains passages comme celui sur le Minotaure, l’obsession pour les bibliothèques, ou encore le concept de possibilités infinies. Pour autant, le lecteur ne se sent pas trop intimidé pour débuter sa lecture. Les auteurs ont choisi de mettre en exergue une citation très explicite sur leur approche de la vie de l’auteur, en s’appuyant sur ses propres mots : En définitive, toute littérature est autobiographique, tout est poétique lorsqu’il est question de destin et qu’il se laisse entrevoir. D’un certain point de vue, ils montrent des moments clé de la vie de Jorge Luis Borges : sa relation possessive avec sa sœur Norah et l’abandon qu’il ressent quand elle vit sa vie à elle. Les différentes bibliothèques qui ont laissé une marque indélébile dans son esprit, influençant son imaginaire à jamais, à commencer par celle de son père. La liberté de son imagination en inventant deux amis imaginaires avec sa sœur, et en inventant des aventures avec eux. Les vacances familiales dans la pampa. Le jouet Kaléidoscope. La cécité qui s’installe progressivement. En revanche, il faut être familier de sa biographie pour reconnaître une bibliothèque municipale quand il y travaille en 1938, puis la bibliothèque nationale quand il en devient le directeur en 1955. Toujours de ce premier point de vue, la narration visuelle facilite l’accès au récit. L’artiste réalise des dessins descriptifs et réalistes. Il utilise un trait de contour assez fin, et assuré pour détourer chaque forme. Il s’investit dans la représentation des environnements pour leur donner une réelle consistance : les différentes habitations, aussi bien vues de l’extérieur que les pièces en intérieur. Le lecteur regarde aussi bien cette grande maison avec un étage que l’ameublement de son salon, une vue du ciel du quartier de Buenos Aires traversé à pied que la décoration de la grande salle ou se tient la réception donnée en l’honneur de Girondo, les automobiles garées dans la rue, le tigre dans sa cage, une grande gare avec une ligne de tramway devant, le paysage ouvert et désertique de la pampa, les quais bondés d’une gare, une armurerie où Borges va acheter un revolver, l’intérieur d’une voiture de tramway, l’immense salle de lecture de la bibliothèque nationale, etc. Les personnes sont également représentées de manière réaliste, sans exagération anatomiques, si ce n’est des silhouettes parfois un peu allongées. La mise en couleurs montre un monde un peu terne, ou plutôt un peu assombri, à l’exception de belles journées ensoleillées comme à la campagne pour les vacances, ou en pleine rue. D’un autre point de vue, le récit de cette vie porte la marque des thèmes principaux de l’écrivain, y compris des éléments fantastiques. Le mode de représentation du dessinateur se prête très bien à ces éléments : l’imagination des enfants alors qu’ils accompagnent leurs deux amis imaginaires, la révélation de la nuée infinie des anges alors que Jorges s’apprête à se suicider, le cadavre du Minotaure dans son labyrinthe, la découverte de la cité des immortels et d’Argos, l’apparition de Norah en plein désert, la vision de l’Aleph, la perception de l’immensité de l’univers par Jorge Luis encore enfant. Ainsi les auteurs réussissent à faire apparaître le lien organique entre la vie de l’auteur et son œuvre, la nature autobiographique de celle-ci. D’une certaine manière, ils mettent en lumière quelques-unes de ses sources d’inspiration, illustrant le fait que personne ne crée à partir de rien, tout en faisant également ressortir le caractère unique de ce que l’écrivain a fait de ces matériaux. D’une autre manière, il est possible de considérer que les auteurs sont partis à rebours : en ayant connaissance de l’œuvre de Jorge Luis Borges, ils interprètent les éléments biographiques connus pour leur faire porter un sens prédéterminé. Par ce truchement, ils font ressortir les circonstances de la vie qui leur semblent avoir le plus de poids sur l’individu qu’est Borges. Cela amène le lecteur à considérer ces circonstances à s’interroger sur leurs conséquences, sur l’impact qu’elles auraient pu avoir sur sa propre vie. Le lien très fort qui unit Jorge Luis à sa petite sœur, jusqu’à la voir comme sa muse, et à devenir possessif. La valeur que son père donne aux livres au travers de la taille imposante des meubles de sa bibliothèque aux étagères chargées de livres, empreinte psychique et émotionnelle renforcée par les propos de sa mère. La perception que la vie ne tient qu’à des détails, qu’elle pourrait être différente, partir dans de nombreuses autres directions si les circonstances étaient différentes. Dans le même temps, cela implique que le déroulement de la vie vécue écarte toutes ces autres potentialités, qu’il convient de découvrir ce cheminement unique comme au travers d’un labyrinthe. Les auteurs parviennent même à faire ressentir le trouble généré par la répétition des caractères MCV : chaque lettre pouvait influencer la suivante, et la valeur de MCV sur la troisième ligne de la page 23 n’était pas la même que si elle se trouvait sur la première ligne de la page 71… Pour évoquer la vie de Jorge Luis Borges, les auteurs prennent le parti de partir des éléments contenus dans son œuvre, pour interpréter sa biographie à travers ses thèmes de prédilection. S’il n’est pas familier de l’œuvre de l’écrivain, le lecteur pourra rester dubitatif devant des scènes dont certains éléments semblent parachutés, avec une narration visuelle parfois planplan. S’il connaît quelques-uns des thèmes de l’écrivain, le lecteur ressent immédiatement une familiarité avec cet éclairage qui fait sens, et la cohérence de la narration visuelle lui apparaît, tout à fait adaptée pour mettre sur le même plan les faits concrets et la vie intérieure de l’écrivain.
Sombre Sel
En tant que scénariste de cette BD, je conseille cet ouvrage aux adeptes d'histoires d'aventure avec une pointe de fantastique. Le personnage principal est Eryn, une jeune femme à la recherche de son frère disparu. L'intrigue est sous forme d'enquête, où vous accompagnerez Eryn dans son périple à travers un mystérieux village et son inquiétante mine de sel. C'est en explorant les profondeurs de cette mine qu'Eryn découvrira l'étrange minerais de Sombre Sel ! Cette BD a été développée sur le thème des ombres qui existent tout autour de nous. Que ce soient les ombres imaginaires, celles tapies dans les recoins les plus obscurs, ou encore les ombres enfouies en chacun de nous… Ce qui nous nuit le plus est parfois en nous-même, et le plus effrayant est souvent ce que l'on ne peut voir... Le récit de la BD permet d’explorer différentes facettes de ce thème grâce au mystère qui plane autour du Sombre Sel... Les planches sont réalisées par Nicolas en technique traditionnelle, c'est-à-dire que tout est fait sur papier, avec les dessins au crayon et la couleur à l'aquarelle. Le premier tiers des planches de la BD est en couleurs, et le reste est en noir et blanc (toujours à l'aquarelle). C'est un choix graphique pour mettre en valeur certains aspects de la narration de la BD. Bonne lecture ! Alexandre
Par la force des arbres
Voila une histoire originale, je dois bien dire ! Sur un récit autobiographique, la BD est une petite bouffée de paix, de sérénité qui invite à arrêter la course contre le temps et de se poser, attendre et observer. Vivre, surtout. L'histoire semble classique de prime abord : un paysan ruiné par un système agricole dont la stupidité au dernier degré semble toujours aller plus loin, qui se retrouve tout à coup face à lui-même et proche du suicide, et qui décide de monter dans un arbre plutôt que se descendre. Et pourtant, la BD est plus proche d'un récit comme L'Oasis qui propose justement de s'arrêter, regarder les merveilles de la nature qui nous entourent et se poser des questions sur notre mode de vie. Le récit est donc lent, puisque l'action est inexistante et consiste surtout à observer tout comme lui ce qui l'entoure, avec des petits retours-arrière sur son parcours de vie. Le dessin contribue à cette lenteur contemplative, avec force de représentations arboricole et botanique. C'est le genre de BD qu'il faut lire lorsqu'on aime l'introspection, le temps qui s'écoule lentement et l'observation minutieuse de ce qui nous entoure. J'ai beaucoup aimé ce récit, qui raconte comment un homme, juste avant le confinement, à senti le besoin de se couper des hommes et repenser sa vie. Je comprends tout à fait cet homme, ses doutes et ses questions (même si nos vies sont très différentes). C'est une BD qui incite à lever le pied dans sa vie, a se rendre compte de notre impact sur la nature qui nous environne et surtout à repenser notre mode de vie. Le genre de BD dont la lecture fait du bien, que je ne peux que vous recommander.