Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire.
Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes.
Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !
Personnellement j'ai bien apprécié cette petite série qui m'a souvent fait sourire. Un sourire crispé par moment tellement Duchazeau charge le portrait de ces jumeaux plus rednecks que nature. J'y ai lu comme un négatif des "Blues Brothers" avec certaines scènes où les amateurs de Country ne sont pas à leur avantage. Perso j'aime assez ce mélange de violon et de banjo qui procure une sonorité séduisante.
Duchazeau en grand amateur de musique US ne peut pas faire le procès de ce genre mais plutôt de la farce cruelle qui s'est jouée sur les bords de la mythique route 66 dans certains endroits où la justice était à géométrie variable. Woody et Jerry m'ont souvent fait penser à des doubles bêtes, méchants et cruels à l'extrême de nos sympathiques Dupondts. Duchazeau s'en donne à cœur joie pour faire le pamphlet cette Amérique inculte et violente. La caricature est extrême et partiale mais elle m'a souvent fait sourire. On lit certaines répliques aux second degré de bêtise crasse des personnages.
Duchazeau propose son crayonné en N&B qui rend particulièrement bien cette ambiance isolée et poussiéreuse de l'Oklahoma. Le dessin est faussement simple car il fourmille de petits détails qui donnent une ambiance parfaitement réussie. Que ce soit pour Conoco ou pour Nashville j'ai admiré la finesse des détails des bâtiments et des extérieurs.
Une lecture qui nous plonge dans une bouffonnerie cruelle qui n'est pas sans parenté avec Ubu. 3.5
Désolé mais je n'ai pas du tout accroché à cette série. Pourtant l'introduction de la poésie dans la BD est quelque chose qui me convient bien. De plus la thématique d'une mémoire dispersée qui se remet en ordre grâce à ses fantômes est bien exploitée mais je me suis ennuyé presque tout le temps. J'ai trouvé bien rébarbatif ces pages pseudo scientifiques sur la mémoire et j'ai vite arrêté la lecture de celles ci. Cela a coupé la fluidité de ma lecture qui n' était déjà pas très dynamique. L'auteur introduit une dramatisation sur l'héritage de Fidel qui n'apporte pas à la cohérence du récit.
Enfin je n'ai pas été séduit par le graphisme des personnages ( laids et caricaturaux) ainsi que par une mise en couleur triste.
Pas à mon goût.
Les amateurs de l’auteur ne seront pas déçus avec cette nouvelle déclinaison de son héros : Prétorius.
Le personnage reste le même, c’est l’environnement où il évolue qui diffère dans ce nouveau spin off de l’univers.
Si je ne dis pas de bêtises, nous nous situons quelques décennies après les événements vus dans Freaks’Squeele. Les super-héros ne sont plus et le monde a tourné post apocalypse avec l’apparition du clovd, une brume malfaisante accompagnée de son lot de monstres. L’espèce humaine survit tant bien que mal à travers différentes communautés aux styles de vie bien différents.
Voilà pour le background, rien de foncièrement original, un peu de The Mist, New York 1997, La route … mais bien digérés et toujours plaisant à suivre grâce aux talents de l’auteur et le ton qu’il y insuffle.
La mise en page et couleurs sont toujours aussi soignées, c’est ponctué de nombreuses références au monde actuel, ça peut paraître un peu too much mais j’ai bien aimé (la magie des miroirs sombres, le côté jeu de rôles …), il ne faut pas trop se poser de questions.
Petite précision, la connaissance du héros est un plus mais la série peut tout à fait se lire sans pour un nouveau lecteur. Bien curieux de voir où ça va nous mener, un premier tome dense qui place l’univers et différentes factions.
MàJ tome 2 :
Un petit oui ce tome. C’est rare mais cette fois Florent Maudoux ne m’a pas totalement convaincu.
Rien à dire sur le dessin (toujours aussi bon), c’est le récit qui m’a peu parlé. J’aurais peut être du relire le 1er avant (je pensais pourtant l’avoir bien en tête) mais j’ai été un peu largué avec les événements présentés (le battle royal dans l’espace, le messie tendance attila …) et l’intrigue central autour du rassemblement ne m’a pas semblé faire avancer notre compréhension de ce monde.
Je n’ai pas retrouvé la magie de l’auteur, enfin surtout son équilibre dans sa tambouille. Ici ça m’a semblé vraiment trop appuyé niveaux références, l’histoire peut le justifier mais avec ce tome on n’en croise 3 par pages. Trop lourd pour moi, le coup d’Optimus Prime m’a achevé.
La première BD de Gao Yan, une jeune taïwanaise qui s'est inspirée de son amour de l'écriture, de la musique et d'un voyage au Japon (pour acheter l'album Kasemachi Roman), pour se lancer dans ce projet graphique.
Elle avait déjà réalisé, en auto-édition, une première version de 32 pages de cette histoire. Mais c'est après avoir illustrée une couverture d'un roman de Haruki Murakami qu'elle l'étoffe pour atteindre plus de 500 pages.
J'ai dévoré ces 2 tomes en un après-midi, une lecture cocooning pour un instant suspendu.
C'est l'histoire de Lu, une jeune fille d'une vingtaine d'années qui étudie à Taipei. Une jeune fille timide et introvertie qui a un rapport viscérale avec la musique et l'écriture. Elle va faire la connaissance d'un jeune homme, Nanjun, et ils vont se découvrir des goûts communs (il est musicien dans un groupe) qui vont les rapprocher. Le début d'une belle amitié, mais Lu, doucement, va ressentir bien plus que cela.
Je vais mettre en garde de suite, si vous cherchez de l'action, passez votre chemin. Nous avons ici un récit intimiste sur les premiers émois de Lu, avec en caisse de résonance la pop culture japonaise. Un récit duveteux, tendre et amer. Lu est touchante et attachante. Mais c'est surtout l'ambiance musicale qui m'a marqué, avec la découverte de nombreux artistes de la scène japonaise (il y a plein de bonnes surprises).
Une narration globalement maîtrisée, un bémol sur certains passages un peu trop long à mon goût et sur l'apparition de l'amie providentielle. Mais rien de bien gênant.
Je lis peu de manga, la faute à un graphisme qui ne me convient pas d'ordinaire. Ce n'est pas le cas sur ces deux albums. Le trait de Gao Yan est délicat et d'une finesse extrême. Les personnages sont beaux, les décors magnifiques (en particulier ceux des concerts) et les longs moments de silence font passer les émotions.
Superbe.
Un 4 étoiles pour le dépaysement, pour la découverte de la pop culture japonaise et pour la sincérité qui émane de Lu.
Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se brise à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits.
De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits.
Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture.
L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit.
J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent.
C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !
Malgré une lecture sympathique et légère je sors avec un soupçon de déception de cet ouvrage. Il faut dire que je suis totalement ignorant dans le domaine de la haute gastronomie bien que je fasse la cuisine à la maison. Personnellement il en va de la haute cuisine comme de la haute couture, un monde duquel je me suis exclu même si j'en avais les moyens. Ainsi les plats qui illustrent les anecdotes de Peeters n'ont provoqué en moi aucune émotion et aucune envie de faire plusieurs centaines de kilomètres pour y goûter. Toutefois je reconnais que la narration est fluide avec une partie estudiantine qui m'a plu.
La partie graphique d'Aurélia Aurita propose un N&B clair, simple et facilement lisible sans beaucoup d'effet de contrastes ou d'ombres.
La couleur est réservée aux plats mis en valeur par le récit de Peeters. Je pense que pour un tel sujet cela aurait pu être un peu plus recherché.
Une lecture agréable mais qui ne m'a pas marqué et que j'oublierai comme toute ces émissions de TV qui m'ont très vite lassé. Un 3 sans entrain.
Personnellement j'ai apprécié ce thriller classique mais bien construit autour du personnage de Betty Page. La narration est fluide et l'enquête pas à pas des deux lieutenants n'est pas expédiée en trois planches grâce à une découverte inespérée.
La série hésite souvent entre le thriller et l'érotique avec la profusion de scènes de nues. Cela est compréhensible puisque Betty anime un spectacle de striptease. Comme au Crazy horse les canons pour participer au spectacle sont assez restrictifs et correspondent à un fantasme sexué de l'imaginaire masculin. Toutefois j'entends la réserve de certains avis car les auteurs insistent sur le sujet avec des scènes superflues de la vie familiale et intime des lieutenants de police. De même Rodolphe propose un récit soft malgré l'horreur des crimes mais ce parti pris donne une ambiance légère et pas sordide qui me convient bien.
Le graphisme de Bignon donne un travail précis sur l'ambiance du NY des années 50 avec un beau rendu des costumes, des ruelles ou des bars de l'époque. Les cadrages sont bons et cela donne un visuel dynamique, seule la mise en couleur n'est pas séduisante.
Une note un peu généreuse pour un récit récréatif à mon goût.
Le cinéma est une allégorie, mon cher Léonce. L’allégorie de la condition humaine !
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario et les dialogues, épaulé par Gaël Séjouné, par ce dernier pour la mise en cases, en images et en couleurs, soutenu par le premier. Il comprend cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée.
Prologue : à Trougnac. Au volant de sa Renault 4CV, Conrad Knapp traverse une région boisée de la campagne française. Il s’arrête devant le panneau d’entrée de la ville de Trougnac, et il interpelle Fernand et Ginette, un vieux couple de paysans, leur demandant s’il y aurait par le plus grand des hasards, une salle de cinéma dans leur village. L’homme lui répond que Trougnac est un peu plus qu’un village, presque trois mille habitants, une équipe de foot et même une pharmacie. Presque, parce que tant qu’ils n’ont pas les trois mille, ils peuvent faire une croix sur la pharmacie. À la suite de l’intervention de son épouse, il explique au conducteur que Poil est le village d’à côté, qu’ils ne s’appellent pas des Poilus, qu’ils préfèrent être appelés des Pictiens, mais ça n’empêche pas les autres de les taquiner un peu, surtout aux matchs de football. Comprenant qu’il n’obtiendra pas de réponse à sa question, Knapp les plante là, et il entre dans le village. Chapitre un : Au café. Ayant avancé un peu dans la grande rue, Conrad Knapp hèle une jeune femme dans une jolie robe à pois blancs, avec un généreux décolleté. Il lui pose la même question : y aurait-il une salle de cinéma dans son village ? Elle répond avec le sourire que oui, c’est l’Éden, à l’Est. Elle ajoute : On ne peut pas le rater, il est juste à côté de l’église, ce n’est pas une grande salle, mais on peut y voir tous les films récents. Elle cite : Le beau serge, En cas de malheur, Maigret tend un piège. Il propose : Et ta sœur ? Et il dissipe le malentendu : il parle du film avec Pierre Fresnay. Elle ajoute que l’Éden c’est le duc qui l’a fait construire. Knapp se dit que ce trou a un duc.
Conrad Knapp pénètre dans le café des Sports, et se rend au comptoir, alors que les habitués continuent leurs discussions : sur le scandale du bikini, sur le fait qu’il n’y a plus que des films avec des femmes à moitié nues, et que la télévision est plus accessible, même s’il n’y a peut-être qu’une vingtaine de postes ici. Madame Garnier estime que les films ont une influence néfaste, en particulier quand on voit cette diablesse blonde se trémousser sur la table là, cette dévergondée, cette… Knapp intervient dans la conversation pour en énoncer le nom : Brigitte Bardot. Toutes les conversations s’interrompent d’un coup. Il continue : Avec également Jean-Louis Trintignant et Curd Jürgens, tourné à Nice et à Saint Tropez, interdit aux moins de seize ans à sa sortie une heure et trente-deux minutes de plaisir. Répondant à une question, il précise qu’il était sur le tournage. Il enchaîne en commandant une autre Suze. Simone indique à son mari Maurice Garnier qu’il est temps qu’ils s’en aillent, et ils sortent accompagnés par le curé.
Quand bien même il n’aurait pas identifié la pose dans la couverture (une évocation de l’affiche de En cas de malheur), le lecteur comprend rapidement que les auteurs rendent hommage au cinéma français des années 1950. La bande dessinée se compose de douze chapitres et d’un prologue, chacun comprenant une page de titre avec un extrait de dialogue, issu d’un film de cette époque. Il est ainsi fait mention de Les Vieux de la vieille (1960) de Gilles Grangier (1911-1996), La traversée de Paris (1956) de Claude Autant-Lara (1901-2000), Série noire (1955) de Pierre Foucaud (1908-1976), Roman d’un tricheur (1936) de Sacha Guitry (1885-1957), Un singe en hiver (1962) d’Henri Verneuil (1920-2002), Les grandes familles (1958) de Denys de la Patellière (1921-2013), Le petit monde de Don Camillo (1952) de Julien Duvivier (1896-1967), Et Dieu… créa la femme (1956) de Roger Vadim (1928-2000), L’auberge rouge (1951) de Claude Autant-Lara (1901-2000), En cas de malheur (1958) de Claude Autant-Lara (1901-2000), Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle (1932-1995). Si Brigitte Bardot n’apparaît pas dans le récit, Jean Gabin (1904-1976) y joue un rôle le temps d’un des chapitres. Le lecteur se rend compte que les auteurs intègrent d’autres hommages, par exemple les bons mots (Knapp faisant observer que : Alors comme ça ce trou a un duc…), ou une affiche du film Ni vu ni connu (1958) d’Yves Robert (1920-2002). Petite entorse aux références françaises, un homme à la scène de la populace criant vengeance dans le film Frankenstein (1931), de James Whale (1889-1957).
En fonction de sa culture dans ce domaine, le lecteur peut relever d’autres références au cinéma de ces années-là, par exemple le nom de l’auteur du scénario du film fictif Tout est bon à prendre : Pierre Bost (1901- 1975), scénariste entre autres de Le Diable au corps (1947), La Traversée de Paris (1956), La Jument verte (1959). Ou à d’autres éléments culturels (il finit par associer le prénom de la dame stricte, Simone, au nom de famille de son époux, prononcé un peu après, Garnier). Il peut aussi considérer ce récit seulement comme une comédie romantique dans la France de la fin des années 1950, ce qui lui enlève un peu de saveur. L’intrigue repose sur l’arrivée de ce jeune homme appartenant au milieu du cinéma et expliquant qu’il vient en repérage dans le village pour un projet de film dans lequel devraient tourner Brigitte Bardot et Jean Gabin. Forcément, ça éveille l’intérêt de la plupart des notables, des commerçants et des habitants. Dans le déroulé du récit, le jeune homme rencontre une douzaine d’habitants, tous emblématiques comme le maire, le curé, le patron du café, le responsable du cinéma et sa fille magnifique, le duc, l’aubergiste et sa fille, le boulanger, et quelques personnes très alléchées par la perspective d’avoir un petit rôle dans le film à venir. Chaque chapitre porte le nom d’un endroit différent et met en scène Conrad Knapp dans ses relations avec les habitants : Au café, Au cinéma, À la mairie, Au village, Au château, au téléphone, Au stade, Au bal, Au comité, À l’église, et enfin deux titres plus révélateurs de l’intrigue.
Le lecteur s’attache donc aux pas et aux démarches du sympathique jeune homme, bien fait de sa personne et bien mis. La politesse verbale est de rigueur, avec des phrases simples, dépourvues de toute vulgarité. Même les remarques sur les qualités du postérieure de l’actrice restent très respectueuses, simplement admiratives de son anatomie, sans que ledit cliché ne soit donné à voir au lecteur (ce n’est pas ce genre de bande dessinée). Les dessins relèvent d’un registre descriptif et réaliste. L’artiste sait croquer les visages, et reproduire les ressemblances avec de acteurs célèbres de cette époque. Il donne un air sympathique à chaque personnage, des expressions de visage parfois un peu appuyées, sans aller jusqu’à la caricature, relevant plus d’un registre naturaliste. Il effectue une reconstitution historique impeccable de la France de ces années-là, depuis le célèbre modèle de voiture de la 4CV, jusqu’aux tenues vestimentaires. Chaque page se lit avec facilité, dégageant une sensation agréable de bienveillance entre les différentes personnes, même quand elles professent des idées opposées sur un sujet, par exemple sur le cinéma.
D’une certaine manière, le lecteur se laisse porter par la gentillesse de la narration visuelle, sans y prêter forcément beaucoup d’attention. De temps à autre, il sent son regard ralentir pour prendre le temps de profiter d’un décor, ou d’une mise en scène. Julie resplendissante dans sa robe, le café des Sports plus vrai que nature avec son juke-box, sa table de billard et son zinc, les habitants marchant à la suite du maire dans la rue principale de Trougnac pour se rendre au bâtiment abritant le cinéma, les motifs du papier peint au mur de la salle de réunion de la mairie, le modèle du projecteur dans la salle technique du cinéma, le superbe château et sa décoration intérieure, le match de foot opposant Trougnac à Poil, la décoration apparaissant comme vieillotte de la chambre d’hôtel, la foule vengeresse se dirigeant vers le château de monsieur le duc, etc. Tout apparaît naturel, plausible et évident.
Cette narration fluide et sympathique finit par être victime de ses propres qualités : le lecteur sent bien que l’intrigue restera inoffensive, que les comportements intéressés des habitants sont montrés comme des réactions plutôt naturelles aux opportunités que le tournage d’un film dans leur ville fait miroiter, et même à la possibilité de voir en vrai Jean Gabin, et Brigitte Bardot. Le scénariste glisse quelques indices discrets (et faciles à repérer) pour attirer l’attention du lecteur sur un questionnement légitime. Et voilà. Pas tout à fait, le récit va plus loin qu’un simple hommage élégant et fidèle à l’esprit des films de cette époque. Quelques rares voix s’élèvent pour s’opposer au tournage du film à Trougnac. Ce qui conduit Monsieur le Duc à exprimer son avis sur le cinéma, en tant que forme d’expression artistique. Il s’exprime ainsi : Mais, le cinéma ! ça, c’est stimulant ! Oui, il est universel ! Parce qu’il permet à chacun, peu importe sa condition, de s’identifier à ses héros, et de rêver d’être quelqu’un d’autre. Le cinéma possède cette intelligence de pouvoir refléter la conscience des hommes, puis de la dépasser pour s’approcher du mythe, d’arrêter le cours du temps, de le remonter, voire de le deviner, et de procurer au plus vieux des spectateurs, la douce sensation d’être redevenu un enfant, de sonder la cruauté de la création, d’indigner, d’interroger, de s’évader, de faire rire, rêver, pleurer, réfléchir. Le lecteur est alors amené à reconsidérer cette histoire en intégrant cette façon de voir les choses, ce credo.
Un hommage enamouré au cinéma français des années 1950. Les auteurs réalisent un récit dont leur admiration pour ce cinéma imprègne chaque page, avec une réelle reconnaissance, une réelle compréhension de ses spécificités. Le lecteur se retrouve transporté comme par enchantement dans une petite ville de province, aux côtés de Conrad Knapp effectuant un repérage pour le prochain film de Bardot & Gabin. Il se trouve rasséréné par l’accueil bienveillant et généreux des habitants, par les étoiles dans leurs yeux à l’idée que le cinéma vienne à leur commune. Il s’immerge dans cette évocation intelligente, qui en restitue l’esprit. Une autre époque, plus insouciante.
Mary Céleste fait partie de ces innombrables séries mortes nées qui font aujourd'hui le remplissage des bacs en brocantes. Pourtant les deux auteurs sont expérimentés mais l'histoire n'arrive pas à accrocher. Rodolphe nous entraine dans un récit du XIXème siècle, misérabiliste où les enfants sont les proies d'adultes cupides et sans scrupule. C'est une thématique très visitée. La pauvre Mary de douze ans devient orpheline et se voit offrir un parcours du combattant dans ces malheureuses rencontres en pleine Forêt Noire bien glaciale. C'est la totale (faim, froid, brimades) mais Rodolphe donne un rythme trop élevé à son récit. Ainsi le tome présente trois situations qui auraient mérité un meilleur développement (surtout pour la première avec l'oncle). L'auteur fait aussi appel à du fantastique pour guider les pas de Mary et palier l'approfondissement des personnages qui entourent la jeune fille. Cela produit un scénario hybride qui hésite entre fantastique, aventure historique et social.
Le dessin de Marc-Renier est techniquement très abouti mais je trouve qu'il fait vieillot. De plus Mary qui a douze ans en paraît seize. Enfin si la mise en couleur par de belles aquarelles est artistiquement recherchée, je ne la trouve par raccord avec le récit qui multiplie les scènes de nuit. Par exemple quand les enfants combattent la gendarmerie en pleine nuit, cela donne l'impression d'avoir des lunettes de visions nocturnes tellement les tirs sont précis et la coordinations des gendarmes facile.
Rodolphe a fait bien mieux.
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Gloutons & Dragons
Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire. Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes. Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !
Les Jumeaux de Conoco Station
Personnellement j'ai bien apprécié cette petite série qui m'a souvent fait sourire. Un sourire crispé par moment tellement Duchazeau charge le portrait de ces jumeaux plus rednecks que nature. J'y ai lu comme un négatif des "Blues Brothers" avec certaines scènes où les amateurs de Country ne sont pas à leur avantage. Perso j'aime assez ce mélange de violon et de banjo qui procure une sonorité séduisante. Duchazeau en grand amateur de musique US ne peut pas faire le procès de ce genre mais plutôt de la farce cruelle qui s'est jouée sur les bords de la mythique route 66 dans certains endroits où la justice était à géométrie variable. Woody et Jerry m'ont souvent fait penser à des doubles bêtes, méchants et cruels à l'extrême de nos sympathiques Dupondts. Duchazeau s'en donne à cœur joie pour faire le pamphlet cette Amérique inculte et violente. La caricature est extrême et partiale mais elle m'a souvent fait sourire. On lit certaines répliques aux second degré de bêtise crasse des personnages. Duchazeau propose son crayonné en N&B qui rend particulièrement bien cette ambiance isolée et poussiéreuse de l'Oklahoma. Le dessin est faussement simple car il fourmille de petits détails qui donnent une ambiance parfaitement réussie. Que ce soit pour Conoco ou pour Nashville j'ai admiré la finesse des détails des bâtiments et des extérieurs. Une lecture qui nous plonge dans une bouffonnerie cruelle qui n'est pas sans parenté avec Ubu. 3.5
Ardalén - Vent de mémoires
Désolé mais je n'ai pas du tout accroché à cette série. Pourtant l'introduction de la poésie dans la BD est quelque chose qui me convient bien. De plus la thématique d'une mémoire dispersée qui se remet en ordre grâce à ses fantômes est bien exploitée mais je me suis ennuyé presque tout le temps. J'ai trouvé bien rébarbatif ces pages pseudo scientifiques sur la mémoire et j'ai vite arrêté la lecture de celles ci. Cela a coupé la fluidité de ma lecture qui n' était déjà pas très dynamique. L'auteur introduit une dramatisation sur l'héritage de Fidel qui n'apporte pas à la cohérence du récit. Enfin je n'ai pas été séduit par le graphisme des personnages ( laids et caricaturaux) ainsi que par une mise en couleur triste. Pas à mon goût.
Freaks' Squeele - Clovd
Les amateurs de l’auteur ne seront pas déçus avec cette nouvelle déclinaison de son héros : Prétorius. Le personnage reste le même, c’est l’environnement où il évolue qui diffère dans ce nouveau spin off de l’univers. Si je ne dis pas de bêtises, nous nous situons quelques décennies après les événements vus dans Freaks’Squeele. Les super-héros ne sont plus et le monde a tourné post apocalypse avec l’apparition du clovd, une brume malfaisante accompagnée de son lot de monstres. L’espèce humaine survit tant bien que mal à travers différentes communautés aux styles de vie bien différents. Voilà pour le background, rien de foncièrement original, un peu de The Mist, New York 1997, La route … mais bien digérés et toujours plaisant à suivre grâce aux talents de l’auteur et le ton qu’il y insuffle. La mise en page et couleurs sont toujours aussi soignées, c’est ponctué de nombreuses références au monde actuel, ça peut paraître un peu too much mais j’ai bien aimé (la magie des miroirs sombres, le côté jeu de rôles …), il ne faut pas trop se poser de questions. Petite précision, la connaissance du héros est un plus mais la série peut tout à fait se lire sans pour un nouveau lecteur. Bien curieux de voir où ça va nous mener, un premier tome dense qui place l’univers et différentes factions. MàJ tome 2 : Un petit oui ce tome. C’est rare mais cette fois Florent Maudoux ne m’a pas totalement convaincu. Rien à dire sur le dessin (toujours aussi bon), c’est le récit qui m’a peu parlé. J’aurais peut être du relire le 1er avant (je pensais pourtant l’avoir bien en tête) mais j’ai été un peu largué avec les événements présentés (le battle royal dans l’espace, le messie tendance attila …) et l’intrigue central autour du rassemblement ne m’a pas semblé faire avancer notre compréhension de ce monde. Je n’ai pas retrouvé la magie de l’auteur, enfin surtout son équilibre dans sa tambouille. Ici ça m’a semblé vraiment trop appuyé niveaux références, l’histoire peut le justifier mais avec ce tome on n’en croise 3 par pages. Trop lourd pour moi, le coup d’Optimus Prime m’a achevé.
The Song about Green
La première BD de Gao Yan, une jeune taïwanaise qui s'est inspirée de son amour de l'écriture, de la musique et d'un voyage au Japon (pour acheter l'album Kasemachi Roman), pour se lancer dans ce projet graphique. Elle avait déjà réalisé, en auto-édition, une première version de 32 pages de cette histoire. Mais c'est après avoir illustrée une couverture d'un roman de Haruki Murakami qu'elle l'étoffe pour atteindre plus de 500 pages. J'ai dévoré ces 2 tomes en un après-midi, une lecture cocooning pour un instant suspendu. C'est l'histoire de Lu, une jeune fille d'une vingtaine d'années qui étudie à Taipei. Une jeune fille timide et introvertie qui a un rapport viscérale avec la musique et l'écriture. Elle va faire la connaissance d'un jeune homme, Nanjun, et ils vont se découvrir des goûts communs (il est musicien dans un groupe) qui vont les rapprocher. Le début d'une belle amitié, mais Lu, doucement, va ressentir bien plus que cela. Je vais mettre en garde de suite, si vous cherchez de l'action, passez votre chemin. Nous avons ici un récit intimiste sur les premiers émois de Lu, avec en caisse de résonance la pop culture japonaise. Un récit duveteux, tendre et amer. Lu est touchante et attachante. Mais c'est surtout l'ambiance musicale qui m'a marqué, avec la découverte de nombreux artistes de la scène japonaise (il y a plein de bonnes surprises). Une narration globalement maîtrisée, un bémol sur certains passages un peu trop long à mon goût et sur l'apparition de l'amie providentielle. Mais rien de bien gênant. Je lis peu de manga, la faute à un graphisme qui ne me convient pas d'ordinaire. Ce n'est pas le cas sur ces deux albums. Le trait de Gao Yan est délicat et d'une finesse extrême. Les personnages sont beaux, les décors magnifiques (en particulier ceux des concerts) et les longs moments de silence font passer les émotions. Superbe. Un 4 étoiles pour le dépaysement, pour la découverte de la pop culture japonaise et pour la sincérité qui émane de Lu.
De pierre et d'os
Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se brise à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits. De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits. Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture. L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit. J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent. C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !
Comme un chef
Malgré une lecture sympathique et légère je sors avec un soupçon de déception de cet ouvrage. Il faut dire que je suis totalement ignorant dans le domaine de la haute gastronomie bien que je fasse la cuisine à la maison. Personnellement il en va de la haute cuisine comme de la haute couture, un monde duquel je me suis exclu même si j'en avais les moyens. Ainsi les plats qui illustrent les anecdotes de Peeters n'ont provoqué en moi aucune émotion et aucune envie de faire plusieurs centaines de kilomètres pour y goûter. Toutefois je reconnais que la narration est fluide avec une partie estudiantine qui m'a plu. La partie graphique d'Aurélia Aurita propose un N&B clair, simple et facilement lisible sans beaucoup d'effet de contrastes ou d'ombres. La couleur est réservée aux plats mis en valeur par le récit de Peeters. Je pense que pour un tel sujet cela aurait pu être un peu plus recherché. Une lecture agréable mais qui ne m'a pas marqué et que j'oublierai comme toute ces émissions de TV qui m'ont très vite lassé. Un 3 sans entrain.
Les 4 morts de Betty Page
Personnellement j'ai apprécié ce thriller classique mais bien construit autour du personnage de Betty Page. La narration est fluide et l'enquête pas à pas des deux lieutenants n'est pas expédiée en trois planches grâce à une découverte inespérée. La série hésite souvent entre le thriller et l'érotique avec la profusion de scènes de nues. Cela est compréhensible puisque Betty anime un spectacle de striptease. Comme au Crazy horse les canons pour participer au spectacle sont assez restrictifs et correspondent à un fantasme sexué de l'imaginaire masculin. Toutefois j'entends la réserve de certains avis car les auteurs insistent sur le sujet avec des scènes superflues de la vie familiale et intime des lieutenants de police. De même Rodolphe propose un récit soft malgré l'horreur des crimes mais ce parti pris donne une ambiance légère et pas sordide qui me convient bien. Le graphisme de Bignon donne un travail précis sur l'ambiance du NY des années 50 avec un beau rendu des costumes, des ruelles ou des bars de l'époque. Les cadrages sont bons et cela donne un visuel dynamique, seule la mise en couleur n'est pas séduisante. Une note un peu généreuse pour un récit récréatif à mon goût.
Les Fesses à Bardot
Le cinéma est une allégorie, mon cher Léonce. L’allégorie de la condition humaine ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario et les dialogues, épaulé par Gaël Séjouné, par ce dernier pour la mise en cases, en images et en couleurs, soutenu par le premier. Il comprend cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée. Prologue : à Trougnac. Au volant de sa Renault 4CV, Conrad Knapp traverse une région boisée de la campagne française. Il s’arrête devant le panneau d’entrée de la ville de Trougnac, et il interpelle Fernand et Ginette, un vieux couple de paysans, leur demandant s’il y aurait par le plus grand des hasards, une salle de cinéma dans leur village. L’homme lui répond que Trougnac est un peu plus qu’un village, presque trois mille habitants, une équipe de foot et même une pharmacie. Presque, parce que tant qu’ils n’ont pas les trois mille, ils peuvent faire une croix sur la pharmacie. À la suite de l’intervention de son épouse, il explique au conducteur que Poil est le village d’à côté, qu’ils ne s’appellent pas des Poilus, qu’ils préfèrent être appelés des Pictiens, mais ça n’empêche pas les autres de les taquiner un peu, surtout aux matchs de football. Comprenant qu’il n’obtiendra pas de réponse à sa question, Knapp les plante là, et il entre dans le village. Chapitre un : Au café. Ayant avancé un peu dans la grande rue, Conrad Knapp hèle une jeune femme dans une jolie robe à pois blancs, avec un généreux décolleté. Il lui pose la même question : y aurait-il une salle de cinéma dans son village ? Elle répond avec le sourire que oui, c’est l’Éden, à l’Est. Elle ajoute : On ne peut pas le rater, il est juste à côté de l’église, ce n’est pas une grande salle, mais on peut y voir tous les films récents. Elle cite : Le beau serge, En cas de malheur, Maigret tend un piège. Il propose : Et ta sœur ? Et il dissipe le malentendu : il parle du film avec Pierre Fresnay. Elle ajoute que l’Éden c’est le duc qui l’a fait construire. Knapp se dit que ce trou a un duc. Conrad Knapp pénètre dans le café des Sports, et se rend au comptoir, alors que les habitués continuent leurs discussions : sur le scandale du bikini, sur le fait qu’il n’y a plus que des films avec des femmes à moitié nues, et que la télévision est plus accessible, même s’il n’y a peut-être qu’une vingtaine de postes ici. Madame Garnier estime que les films ont une influence néfaste, en particulier quand on voit cette diablesse blonde se trémousser sur la table là, cette dévergondée, cette… Knapp intervient dans la conversation pour en énoncer le nom : Brigitte Bardot. Toutes les conversations s’interrompent d’un coup. Il continue : Avec également Jean-Louis Trintignant et Curd Jürgens, tourné à Nice et à Saint Tropez, interdit aux moins de seize ans à sa sortie une heure et trente-deux minutes de plaisir. Répondant à une question, il précise qu’il était sur le tournage. Il enchaîne en commandant une autre Suze. Simone indique à son mari Maurice Garnier qu’il est temps qu’ils s’en aillent, et ils sortent accompagnés par le curé. Quand bien même il n’aurait pas identifié la pose dans la couverture (une évocation de l’affiche de En cas de malheur), le lecteur comprend rapidement que les auteurs rendent hommage au cinéma français des années 1950. La bande dessinée se compose de douze chapitres et d’un prologue, chacun comprenant une page de titre avec un extrait de dialogue, issu d’un film de cette époque. Il est ainsi fait mention de Les Vieux de la vieille (1960) de Gilles Grangier (1911-1996), La traversée de Paris (1956) de Claude Autant-Lara (1901-2000), Série noire (1955) de Pierre Foucaud (1908-1976), Roman d’un tricheur (1936) de Sacha Guitry (1885-1957), Un singe en hiver (1962) d’Henri Verneuil (1920-2002), Les grandes familles (1958) de Denys de la Patellière (1921-2013), Le petit monde de Don Camillo (1952) de Julien Duvivier (1896-1967), Et Dieu… créa la femme (1956) de Roger Vadim (1928-2000), L’auberge rouge (1951) de Claude Autant-Lara (1901-2000), En cas de malheur (1958) de Claude Autant-Lara (1901-2000), Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle (1932-1995). Si Brigitte Bardot n’apparaît pas dans le récit, Jean Gabin (1904-1976) y joue un rôle le temps d’un des chapitres. Le lecteur se rend compte que les auteurs intègrent d’autres hommages, par exemple les bons mots (Knapp faisant observer que : Alors comme ça ce trou a un duc…), ou une affiche du film Ni vu ni connu (1958) d’Yves Robert (1920-2002). Petite entorse aux références françaises, un homme à la scène de la populace criant vengeance dans le film Frankenstein (1931), de James Whale (1889-1957). En fonction de sa culture dans ce domaine, le lecteur peut relever d’autres références au cinéma de ces années-là, par exemple le nom de l’auteur du scénario du film fictif Tout est bon à prendre : Pierre Bost (1901- 1975), scénariste entre autres de Le Diable au corps (1947), La Traversée de Paris (1956), La Jument verte (1959). Ou à d’autres éléments culturels (il finit par associer le prénom de la dame stricte, Simone, au nom de famille de son époux, prononcé un peu après, Garnier). Il peut aussi considérer ce récit seulement comme une comédie romantique dans la France de la fin des années 1950, ce qui lui enlève un peu de saveur. L’intrigue repose sur l’arrivée de ce jeune homme appartenant au milieu du cinéma et expliquant qu’il vient en repérage dans le village pour un projet de film dans lequel devraient tourner Brigitte Bardot et Jean Gabin. Forcément, ça éveille l’intérêt de la plupart des notables, des commerçants et des habitants. Dans le déroulé du récit, le jeune homme rencontre une douzaine d’habitants, tous emblématiques comme le maire, le curé, le patron du café, le responsable du cinéma et sa fille magnifique, le duc, l’aubergiste et sa fille, le boulanger, et quelques personnes très alléchées par la perspective d’avoir un petit rôle dans le film à venir. Chaque chapitre porte le nom d’un endroit différent et met en scène Conrad Knapp dans ses relations avec les habitants : Au café, Au cinéma, À la mairie, Au village, Au château, au téléphone, Au stade, Au bal, Au comité, À l’église, et enfin deux titres plus révélateurs de l’intrigue. Le lecteur s’attache donc aux pas et aux démarches du sympathique jeune homme, bien fait de sa personne et bien mis. La politesse verbale est de rigueur, avec des phrases simples, dépourvues de toute vulgarité. Même les remarques sur les qualités du postérieure de l’actrice restent très respectueuses, simplement admiratives de son anatomie, sans que ledit cliché ne soit donné à voir au lecteur (ce n’est pas ce genre de bande dessinée). Les dessins relèvent d’un registre descriptif et réaliste. L’artiste sait croquer les visages, et reproduire les ressemblances avec de acteurs célèbres de cette époque. Il donne un air sympathique à chaque personnage, des expressions de visage parfois un peu appuyées, sans aller jusqu’à la caricature, relevant plus d’un registre naturaliste. Il effectue une reconstitution historique impeccable de la France de ces années-là, depuis le célèbre modèle de voiture de la 4CV, jusqu’aux tenues vestimentaires. Chaque page se lit avec facilité, dégageant une sensation agréable de bienveillance entre les différentes personnes, même quand elles professent des idées opposées sur un sujet, par exemple sur le cinéma. D’une certaine manière, le lecteur se laisse porter par la gentillesse de la narration visuelle, sans y prêter forcément beaucoup d’attention. De temps à autre, il sent son regard ralentir pour prendre le temps de profiter d’un décor, ou d’une mise en scène. Julie resplendissante dans sa robe, le café des Sports plus vrai que nature avec son juke-box, sa table de billard et son zinc, les habitants marchant à la suite du maire dans la rue principale de Trougnac pour se rendre au bâtiment abritant le cinéma, les motifs du papier peint au mur de la salle de réunion de la mairie, le modèle du projecteur dans la salle technique du cinéma, le superbe château et sa décoration intérieure, le match de foot opposant Trougnac à Poil, la décoration apparaissant comme vieillotte de la chambre d’hôtel, la foule vengeresse se dirigeant vers le château de monsieur le duc, etc. Tout apparaît naturel, plausible et évident. Cette narration fluide et sympathique finit par être victime de ses propres qualités : le lecteur sent bien que l’intrigue restera inoffensive, que les comportements intéressés des habitants sont montrés comme des réactions plutôt naturelles aux opportunités que le tournage d’un film dans leur ville fait miroiter, et même à la possibilité de voir en vrai Jean Gabin, et Brigitte Bardot. Le scénariste glisse quelques indices discrets (et faciles à repérer) pour attirer l’attention du lecteur sur un questionnement légitime. Et voilà. Pas tout à fait, le récit va plus loin qu’un simple hommage élégant et fidèle à l’esprit des films de cette époque. Quelques rares voix s’élèvent pour s’opposer au tournage du film à Trougnac. Ce qui conduit Monsieur le Duc à exprimer son avis sur le cinéma, en tant que forme d’expression artistique. Il s’exprime ainsi : Mais, le cinéma ! ça, c’est stimulant ! Oui, il est universel ! Parce qu’il permet à chacun, peu importe sa condition, de s’identifier à ses héros, et de rêver d’être quelqu’un d’autre. Le cinéma possède cette intelligence de pouvoir refléter la conscience des hommes, puis de la dépasser pour s’approcher du mythe, d’arrêter le cours du temps, de le remonter, voire de le deviner, et de procurer au plus vieux des spectateurs, la douce sensation d’être redevenu un enfant, de sonder la cruauté de la création, d’indigner, d’interroger, de s’évader, de faire rire, rêver, pleurer, réfléchir. Le lecteur est alors amené à reconsidérer cette histoire en intégrant cette façon de voir les choses, ce credo. Un hommage enamouré au cinéma français des années 1950. Les auteurs réalisent un récit dont leur admiration pour ce cinéma imprègne chaque page, avec une réelle reconnaissance, une réelle compréhension de ses spécificités. Le lecteur se retrouve transporté comme par enchantement dans une petite ville de province, aux côtés de Conrad Knapp effectuant un repérage pour le prochain film de Bardot & Gabin. Il se trouve rasséréné par l’accueil bienveillant et généreux des habitants, par les étoiles dans leurs yeux à l’idée que le cinéma vienne à leur commune. Il s’immerge dans cette évocation intelligente, qui en restitue l’esprit. Une autre époque, plus insouciante.
Mary Céleste
Mary Céleste fait partie de ces innombrables séries mortes nées qui font aujourd'hui le remplissage des bacs en brocantes. Pourtant les deux auteurs sont expérimentés mais l'histoire n'arrive pas à accrocher. Rodolphe nous entraine dans un récit du XIXème siècle, misérabiliste où les enfants sont les proies d'adultes cupides et sans scrupule. C'est une thématique très visitée. La pauvre Mary de douze ans devient orpheline et se voit offrir un parcours du combattant dans ces malheureuses rencontres en pleine Forêt Noire bien glaciale. C'est la totale (faim, froid, brimades) mais Rodolphe donne un rythme trop élevé à son récit. Ainsi le tome présente trois situations qui auraient mérité un meilleur développement (surtout pour la première avec l'oncle). L'auteur fait aussi appel à du fantastique pour guider les pas de Mary et palier l'approfondissement des personnages qui entourent la jeune fille. Cela produit un scénario hybride qui hésite entre fantastique, aventure historique et social. Le dessin de Marc-Renier est techniquement très abouti mais je trouve qu'il fait vieillot. De plus Mary qui a douze ans en paraît seize. Enfin si la mise en couleur par de belles aquarelles est artistiquement recherchée, je ne la trouve par raccord avec le récit qui multiplie les scènes de nuit. Par exemple quand les enfants combattent la gendarmerie en pleine nuit, cela donne l'impression d'avoir des lunettes de visions nocturnes tellement les tirs sont précis et la coordinations des gendarmes facile. Rodolphe a fait bien mieux.