Encore un album qui me déçoit. Et pas de bol cette fois, ça tombe sur Bouzard. Pas que ces Vacances chez pépé-mémé soit mauvais, c'est même assez bien vu. J'ai retrouvé pas mal de choses que j'ai connues étant gamin, notamment les traumatisantes mises à mort d'animaux (poules, lapins, cochons...) ou les "personnalités" parfois étonnantes des villages reculés. Sympathique donc.
Mais voilà, c'est juste sympathique alors que j'espérais quelque chose de drôle. Bouzard est moins productif ces dernières années, alors nous, les fans, on est inquiets. On se demande s'il n'a pas perdu le mojo. Quelques publications éparses semblaient suggérer que non, comme la BD à poster La sacoche à Rimbaud (certes très très courte) ou la BD collective T'inquiète dont il a quand même signé les meilleures pages.
Les vacances chez pépé-mémé nous offrent une série de gags amusants ayant pour cadre la vie à la ferme. Comme je le disais, c'est assez bien vu (et finalement pas cliché), mais cette vie existe-t-elle encore aujourd'hui ? La question est légitime au rythme où vont les choses, et je me demande si la nostalgie qui plane sur ces pages ne résulte pas de ce sentiment de vivre la fin d'un monde. Mais bref ! Qu'importe ! Le résultat n'arrache pas les zygomatiques. Il m'aura fallu attendre la page 50 pour enfin rire franchement. On retiendra également le gag final, avec son chouette hommage à Astérix.
Allez ! C'est tout pour cette fois ! Moi, je retourne attendre le prochain Bouzard...
Cela faisait longtemps que je voulais lire cet album. La récente réédition des éditions Tanibis m’a permis d’enfin le découvrir (si la plupart du temps je salue les choix de Tanibis, je trouve que l’ancienne couverture était plus fidèle au contenu que celle choisie ici). Eh bien, malgré quelques longueurs, et un texte parfois trop abondant (mais aussi des vignettes un peu petites), c’est une lecture plaisante.
Le dessin est simple et tout mignon, la colorisation est volontairement vieillotte. Pas désagréable. D’autant plus que ça participe de l’ambiance créée par Briggs.
Si le début est un peu poussif, ça devient rapidement amusant. Pour les dialogues hors-sol du couple bien sûr. Mais aussi pour le délire survivaliste du pauvre de Monsieur.
Au travers de cette histoire loufoque, Briggs s’en prend à l’atmosphère d’hystérie qui a pu, à plusieurs reprises, faire perdre toute raison à pas mal de monde durant la guerre froide.
J’ai préféré la première partie du récit, où l’humour domine. Aux délires de monsieur, aux échanges entre monsieur et madame, s’ajoute un vocabulaire mal maîtrisé, qui accentue le ridicule de l’ensemble.
La suite escamoté l’humour au profit d’une noirceur omniprésente. J’ai moins aimé cette partie.
Note réelle 3,5/5.
Je suis sorti de cet album avec un ressenti mitigé. Plusieurs choses m’ont plu, mais j’ai aussi trouvé cette lecture un peu indigeste, n’arrivant pas toujours à tout saisir, en tout cas le plaisir de lecture n’était pas toujours au rendez-vous.
Commençons par le travail graphique. J’ai bien aimé le rendu, j’apprécie ce genre de Noir et Blanc, et ce type de dessin comics. Par contre, un grand nombre de planches sont surchargées, et le petit format de l’album accentue cet aspect « fouillis », qui n’aide pas à la fluidité de la lecture.
Quant à l’intrigue elle-même, j’ai plutôt aimé le thème au cœur du récit. Deitch nous plonge en effet au cœur de l’âge d’or des studios d’animation. Il le fait en usant d’un ton s’éloignant du politiquement correct, en mettant à nu les dessous de cet univers, sans occulter les pires magouilles. Le personnage de Waldo – sorte de clone de Félix le Chat – servant de fil rouge (on le voit assommer un cochon dans une vignette lenticulaire contrecollée sur la couverture).
Mais, à l’instar de l’aspect graphique, l’intrigue est un peu trop brouillonne à mon goût.
Note réelle 2,5/5.
« Je suis leur silence » bénéficie de trois gros atouts qui ont rendu ma lecture plutôt agréable.
Le premier, c’est le dessin de Jordi Lafebre, avec ces visages expressifs, ce trait dynamique, ces poses naturelles, ces couleurs agréables à l’œil. Seul petit bémol à mes yeux, le visage d’Eva qui m’a semblé trop simpliste et caricatural.
Les personnages constituent le deuxième atout de l’album : le psychiatre d’Eva, l’inspectrice, et bien évidemment Eva, qui crève l’écran avec son assurance, son humour et son franc-parler. J’ai également beaucoup aimé les trois femmes du passé d’Eva qui l’accompagnent tout au long de l’album.
La narration, enfin, est réussie. L’histoire racontée par Eva à son psychiatre est ponctuée des interactions entre eux deux, ainsi que de quelques flashbacks de son passé, ce qui rend la lecture dynamique et maintient l’intérêt. On peut noter aussi l’écriture des dialogues particulièrement soignée.
Malgré tous ces atouts, mon intérêt a décliné vers les deux tiers de l’album. La personnalité d’Eva a fini par me lasser ; sa répartie et son assurance finissent par agacer, il manque quelques failles dans son personnage pour la rendre plus attachante. Quant au récit, son rythme trop soutenu à mon goût a fini par m’essouffler ; quelques respirations auraient été bienvenues.
Mais c’est surtout l’intrigue policière en elle-même qui a fini par me sortir de ma lecture. J’ai trouvé l’histoire de la famille Monturós peu passionnante, davantage axée sur l’histoire de l’entreprise familiale que sur les relations humaines. Le dénouement m’a d’ailleurs laissée un peu dubitative, je l’ai trouvé peu crédible, tout comme certains détails rocambolesques dans le déroulement de l’enquête menée par Eva.
En conclusion, c’est un polar sympathique, dont j’attendais plus et qui ne m’a pas complètement convaincue.
Une BD à mi-chemin entre le post-apocalyptique et le conte.
Deux récits vont se succéder régulièrement au fil des pages.
On va suivre un petit groupe d'humains, ils vivent dans les profondeurs de la terre, ils y ont construit une ville sur plusieurs niveaux. C'est là qu'ils se protègent du froid glacial qui sévit en surface. La dure vie dans le monde d'après.
On va découvrir le monde d'avant au travers une ancienne légende, celle d'une noctale, Ombrane, un être surnaturel, fille de la nuit. La partie onirique et poétique de l'album.
Pas innovant, l'ensemble fonctionne bien (il faut néanmoins quelques planches pour comprendre le "lien" entre les deux histoire) et le rythme est bien dosé malgré quelques raccourcis dans la construction. Je n'ai pas eu toutes les réponses à mes questions et il ne faut pas chercher un message de fond, cela ne m'a pas frustré.
Par contre, je ne sais pas pourquoi (peut-être la couverture et le graphisme), je pensais lire un récit jeunesse, ça n'est pas le cas, certains passages sont violents.
C'est avant tout une BD d'ambiances et celles-ci sont superbes et cela grâce au dessin de Julien Hanoteaux. Je ne suis pas toujours fan de la présence du numérique, mais ici le rendu m'a vraiment séduit. Les planches avec la fantomatique et silencieuse Ombrane sont particulièrement envoûtantes.
Les couleurs varient suivant les lieux et les protagonistes.
Très beau.
Un bon 3 étoiles.
Si ça vous intéresse, 3€ chez NOZ. ;-)
Les trois premiers albums se laissent lire. Chacun est centré sur l’un des trois protagonistes principaux. Tous cachent aux autres leur vraie vie, secrets qu’ils sont peu à peu obligés de se révéler, tant leur activité réelle principale ne peut être indéfiniment cachée (j’ai même eu du mal à croire que les deux amis d’enfance aient aussi longtemps ignoré ce que l’autre lui cachait).
Trois menteurs donc, dont les vies se croisent et finissent par se rejoindre. Le personnage de Ciseaux (mais aussi un peu les deux autres) fait basculer l’intrigue sur du polar classique (même si, là aussi, il faut accepter pas mal de facilités pour les missions de Ciseaux, tueuse à gages franchement douée – et chanceuse !).
Après le triptyque originel, les auteurs ont remis le couvert avec un prequel/one-shot, autour du couple Ciseaux/Louviers (un personnage que l’on a pas mal croisé dans le triptyque). Je n’ai pas été convaincu par l’utilité de cet ajout.
Le dessin est très lisible, mais le rendu, surtout avec une colorisation informatique lissant tout, n’est pas vraiment à mon goût.
Note réelle 2,5/5.
Décidément Jim Bishop propose des séries originales qui invitent à une belle réflexion pour poursuivre la lecture. J'ai toutefois été un peu moins séduit que par ses Lettres perdues qui résonnaient bien plus avec mon propre vécu. Je ne connais pas Le Château ambulant ni "le Château de Hurle" dont se serait inspiré Bishop. Pour autant j'ai cru y lire d'autres pistes qui m'ont beaucoup intéressé.
Certain-es aviseur-es y lisent classiquement une histoire d'amour multiforme. Mais où se trouve cet amour puisque les relations Cléa/Pierrot ou Cléa/Berthier sont bâties sur des mensonges. De même où est la liberté de Pierrot ou de Cléa réduits à la surveillance d'un être hybride, superposé pourrait dire Schrödinger. Si l'amour est vérité alors seul l'amour de la fée pour Berthier éclaire le récit.
Par contre j'ai aimé le côté Faustien du récit même si Bishop fait l'impasse sur les origines du Pacte. Comme dans l'œuvre de Goethe, c'est la confrontation entre la pensée( Pierrot) et l'action (Berthier) qui domine. Le personnage de Cléa qui navigue de l'un à l'autre est ainsi très ambigu jusque dans un final qui ne nous dit pas si elle vole de ses propres ailes ou assujettie à un autre pacte que le pacte social souscrit avec Berthier. Le personnage de Schrödinger n'est pas superflu puisqu'il renvoie à la célèbre expérience de pensée avec son chat mort et vivant (voir Quantix).
Je trouve là un scénario d'une grande intelligence qui propose au lecteur un voyage dans une superposition d'états parfois inconciliables.
Le graphisme est très plaisant. Bishop emprunte à différents styles manga et franco-belge pour fournir un trait original et très expressif. Ses couleurs pastels et lumineuses créent un fort décalage entre cette idée de rêve de conte de fée avec un contenu d'une réalité agissante bien plus angoissante.
Une très belle lecture qui a ravi ma pensée plus que mes émotions.
C'est avec un sentiment mitigé que j'ai refermé mon album de la série de Marion Montaigne. J'ai été attiré par cette autrice à la suite de son très bon album sur Thomas Pesquet où elle avait su équilibrer le scientifique avec l'humain sans oublier une belle pointe d'humour. Ici je trouve l'équilibre rompu. L'humour domine à la fois dans le propos et dans le dessin, le scientifique ressemble a une compilation d'anecdotes de valeurs inégales qui font catalogues de statistiques ou d'énumérations de thèses ou d'expériences parfois farfelues. Je reconnais que certains chapitres m'ont fait sourire alors que d'autres m'ont laissé indifférents. Il y a deux difficultés fortes sur ce type de série: un côté redondant sur certains thèmes ( le cinéma, les bébés, l'espace…) et le côté lassant quand on enchaîne plusieurs chapitres à la suite.
Le dessin choisi en style crade satirique accentue la volonté d'humour un peu loufoque. Cela frôle parfois le vulgaire sans jamais y entrer de pleins pieds. J'avais préféré son style plus soigné de la série sur Pesquet.
Une lecture parfois drôle mais dont je ne ferai pas mon quotidien. Je l'emprunterais à l'occasion
Bastien Vives ! Un nom qui sonne la polémique dans le milieu des bdphiles...
Je ne connaissais pas cet auteur, et vu le nombre d'avis très divers je voulais faire ma propre opinion.
Bon allons droit au but en commençant par la chose positive : le dessin.
A la fois simple et minimaliste, il fait le taf. Les plans sont biens cadrés, les scènes également, c'est pas mal.
Bon allons droit au but en continuant par la chose négative : le scénario.
Il est tout à fait prétexte à étaler les scènes soit disantes "incestes" qui font toute la polémique de cet album et fait grimper les prix des spéculateurs sur internet.
On en arrive à la question clés : est-ce que cette bande dessinée est drôle ? (Puisqu'elle est censée l'être).
Personnellement je n'ai pas accroché à cet humour (pourtant le trash, le cynisme, l'humour noir et gras j'aime ça).
Lu au 1er, au 2eme et au 3eme degré, je m'attendais à des choses bien plus drôles plutôt qu'à un enchaînement de scènes X.
Est ce que cette BD fait l'étalage de la pedopornographie ? Honnêtement il me semble que la surenchère du propos est aussi grotesque que cette polémique qu'on adore et qui fait vivre des réseaux.
Un 2/5 pour le graphisme, la fluidité et le temps que je n'ai pas perdu car ça se lit en 10min.
Personne ne peut survivre aux tableaux. Eux, sont éternels.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, focalisée sur le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2016. Il a été réalisé par Manuele Fior, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de quatre pages recensant les onze principales œuvres mises en scène dans l’ouvrage : le Métropolitain (1901) par Hector Guimard, Banquette de fumoir (1897) par Guimard, La gare Saint-Lazare (1877) par Claude Monet, la gare d’Orsay (construite entre 1901 et 1925), La charmeuse de serpents (1907) par Henri Rousseau, Repasseuses (entre 1884 et 1886) par Edgar Degas, Sémiramis construisant Babylone (1861) par Degas, Portrait de l’artiste au Christ jaune (1890-91) par Paul Gauguin, Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture, La Source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, Une moderne Olympia (1873-74) par Paul Cézanne.
En 1900, Gisèle sort en courant de la station de métro appelée Le Début, avec son habillage de Hector Guimard, en appelant son amie Odile. Elle pénètre dans la gare d’Orsay, en continuant à se demander où son trouve son amie. Enfin elle la repère : Odile et Gisèle tombent dans les bras l’une de l’autre, la première souhaitant un bon anniversaire à la seconde. Cette dernière fait le constat qu’il aura fallu attendre l’exposition universelle de 1900 pour faire quitter sa campagne à la première. Elles sortent, prêtes à visiter Paris, tout en estimant que la gare qu’elles quittent est la plus belle de France.
Au temps présent, les visiteurs déambulent dans le musée d’Orsay, écoutant leur audioguide. L’un évoque l’architecte italienne Gae Aulenti qui a été désigné en 1980 pour transformer le musée. Un autre présente Rousseau, peintre autodidacte et naïf qui n’a que très peu voyagé. Le commentaire continue : La plupart de ses jungles ont été réalisées au muséum national d’histoire naturelle et dans la grande serre du jardin des Plantes. Pourtant, dans cette Charmeuse de serpents, tout est nouveau. Le sujet d’abord. Une Ève noire, dans éden inquiétant… La gardienne assise à côté du tableau interpelle le visiteur, en lui rappelant de ne pas se tenir trop près du tableau. Elle explique qu’il s’agit d’une œuvre très fragile. Devant la grimace du visiteur, elle ajoute que ce n’est pas elle qui fait les règles. Il s’en va agacé. La gardienne lit la notice : Une asymétrie novatrice figée dans un étrange silence, La charmeuse de serpents annonce les rêves surréalistes à venir. En son for intérieur, elle se dit que ce tableau est trop moche, qu’on dirait la peinture d’un gamin de quatre ans. Elle ferme les yeux, et dans son esprit, une cigogne s’envole au-dessus d’une large étendue d’eau calme. Après avoir volé à l’horizontal, elle s’élève dans les airs. Assise sur un fauteuil devant le lac paisible, une femme noire se parle à elle-même. Elle est la gardienne de ce musée. Et elle connaît ce lieu depuis longtemps. Les œuvres, les coulisses, les passages interdits au public. Les codes de sécurité. Surtout, elle connait les artistes. Ils l’aiment tous. Ils sont tous à ses pieds. Henri. Claude. Auguste. Paul. Edmond. Edgar.
Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, publiée par Futuropolis, dans le cadre d’un partenariat avec cet établissement qui comprend également L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. L’horizon d’attente du lecteur comprend donc une déclaration d’amour à ce musée. L’auteur tient cette promesse. Il cite et incorpore les œuvres citées ci-dessus. Il met en scène des artistes, essentiellement du courant impressionniste : Edgar Degas (1834-1917), Auguste Renoir (1841-1919), Camille Pissarro (1830-1903), Berthe Morisot (1841-1895), Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Il met également en scène Paul Valéry (1871-1945). Il montre quelques aspects du bâtiment du musée, évoquant sa fonction de gare, et le représentant dans sa fonction de musée. Lors d’une séquence de quatre pages, le lecteur accompagne un personnage qui descend à la chaufferie, située dans le sous-sol, puis dans les réserves qui contiennent de nombreux dessins. Les images appartiennent à un registre descriptif et réaliste, avec un degré significatif de simplification, la mise en couleurs venant donner de la consistance aux éléments représentés.
En découvrant le début, le lecteur n’est pas trop sûr du mode d’hommage dans lequel l’auteur va se situer. Indéniablement, le bédéiste connaît le musée et il affiche une préférence pour certaines œuvres. En particulier pendant plusieurs pages, son personnage central est Edgar Degas (1834-1917). La narration visuelle se révèle être assez sophistiquée, s’adaptant à la nature de chaque scène, capable de restituer l’apparence de personnages connus, de tableaux de maître et de l’architecture du musée. En fonction de sa familiarité avec eux, le lecteur peut apprécier la ressemblance d’artistes tels que Degas, Ingres, ou encore Pissarro, Renoir et Berthe Morisot, dans dessins dépourvus de trais de contour, évoquant une technique ressemblant à du crayon gras. En fonction du moment et de leurs occupations, le dessinateur peut se focaliser sur le visage des personnages en plan poitrine ou en gros plan s’ils sont en train de discuter assis ou attablés, ou bien en train de vaquer à leurs occupations. Le lecteur apprécie leur expressivité et leur naturel, sans exagération de leurs expressions. Il se rend compte que l’air de rien l’artiste sait capturer des moments fugaces ou faire ressortir un geste particulier : un homme avec l’audioguide à l’oreille, la légère lassitude de la gardienne toujours confrontée aux mêmes comportements et effectuant les mêmes rappels, un personnage jouant du pipeau, un homme paressant au lit, une jeune femme morte dans son lit après une intoxication avec un mélange d’opium et de térébenthine, le regard condescendant d’un bourgeois raillant le manque de talent d’un artiste impressionniste, un vif direct du droit, un homme mordant une femme à la cheville, Gauguin montrant ses plaies aux pieds, ou encore une jeune femme allongée vêtue uniquement de bas serrant une panthère noire contre elle, etc.
Dans un premier temps, il est possible que le lecteur ne discerne pas le fil directeur du récit. D’une séquence à l’autre, l’auteur passe des visiteurs du musée au temps présent, au tableau de la Charmeuse de serpents, au personnage central de ce tableau qui soliloque au profit du lecteur, à Degas rendant visite à Ingres, au tableau Sémiramis construisant Babylone, à la femme de ménage d’Ingres qui lui présente sa fille qui va servir de modèle à La Source, à une discussion dans un café entre Degas, Renoir, Pissarro et Morisot, puis au premier salon des Impressionnistes, pour déambuler ensuite dans les sous-sols du musée. Le lecteur détecte deux personnages principaux : Edgar Degas et la Charmeuse de serpents. Il constate que l’auteur accorde une importance primordiale aux Impressionnistes, avec une poignée de cases s’inspirant de leurs toiles : par exemple Impression, soleil levant, (1872) de Claude Monet (1840-1926), ou encore le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872) d’Édouard Manet. Il consacre une séquence également à la Première exposition des peintres impressionnistes (1874), avec une bagarre entre des visiteurs et des artistes. Il revient sur l’appellation même de ce mouvement : Impressionnistes pour les dénigrer, Indépendants pour Degas, Intransigeants pour les autres peintres. Il rappelle les propos insultants proférés à l’encontre de leurs œuvres par les visiteurs, ainsi que l’hétérogénéité des différentes toiles produites sous cette appellation, montrant aussi la sculpture La petite danseuse de 14 ans, de Degas.
L’autre personnage principal surprend : il s’agit de la Charmeuse de serpents, du tableau du même nom du douanier Rousseau (Henri Rousseau, 1844-1910), représentant majeur de l’art naïf. Celle-ci annonce être la gardienne du musée. Elle assure la transition en indiquant qu’il est temps pour Edgar (Degas) de se lever. Elle revient à plusieurs reprises dans le récit. Tout d’abord pour des considérations sur la postérité de ces tableaux, contrastant avec le caractère mortel des artistes : Ces pauvres embobinés, célébrés, ridiculisés, ou bien ignorés de leur vivant, à présent empaillés dans les salles, ils sont devenus une attraction mondiale. Plus loin, elle se promène dans les sous-sols du musée pour mettre en évidence la fragilité des œuvres (obligation de la régulation de la température avec une variation inférieure à trois degrés), en la rapprochant aux souffrances physiques endurées par les artistes. Enfin, elle évoque la fin des maîtres et de l’art, des œuvres, des expositions et des salons, la fin des catalogues, des souvenirs et des audioguides. Elle établit que personne ne peut survivre aux tableaux, et que, eux, sont éternels. Insupportable n’est-ce pas ? Visuellement, un visiteur contemple un tableau de Degas : Sémiramis construisant Babylone, induisant un parallèle entre cette œuvre et la construction du musée d’Orsay, ainsi que sa fonction.
Chanter les louanges d’un musée et mettre en scène l’importance que ce lieu et les œuvres qu’il abrite ont pu avoir sur sa propre vocation artistique et sa propre pratique : Manuele Fior se prête au jeu, avec une vraie personnalité. Ces images rendent hommage aux œuvres et à l’ambiance du musée, avec sensibilité, sur la base de choix clairs, les Impressionnistes et le Douanier Rousseau. La narration semble papillonner d’une scène à une autre, agréables pouvant sembler arbitraires dans un premier temps. Progressivement il apparaît que l’ouvrage est construit pour développer deux thèmes : l’impressionnisme, et la pérennité des œuvres d’art. Enchanteur et troublant.
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Les Vacances chez pépé-mémé
Encore un album qui me déçoit. Et pas de bol cette fois, ça tombe sur Bouzard. Pas que ces Vacances chez pépé-mémé soit mauvais, c'est même assez bien vu. J'ai retrouvé pas mal de choses que j'ai connues étant gamin, notamment les traumatisantes mises à mort d'animaux (poules, lapins, cochons...) ou les "personnalités" parfois étonnantes des villages reculés. Sympathique donc. Mais voilà, c'est juste sympathique alors que j'espérais quelque chose de drôle. Bouzard est moins productif ces dernières années, alors nous, les fans, on est inquiets. On se demande s'il n'a pas perdu le mojo. Quelques publications éparses semblaient suggérer que non, comme la BD à poster La sacoche à Rimbaud (certes très très courte) ou la BD collective T'inquiète dont il a quand même signé les meilleures pages. Les vacances chez pépé-mémé nous offrent une série de gags amusants ayant pour cadre la vie à la ferme. Comme je le disais, c'est assez bien vu (et finalement pas cliché), mais cette vie existe-t-elle encore aujourd'hui ? La question est légitime au rythme où vont les choses, et je me demande si la nostalgie qui plane sur ces pages ne résulte pas de ce sentiment de vivre la fin d'un monde. Mais bref ! Qu'importe ! Le résultat n'arrache pas les zygomatiques. Il m'aura fallu attendre la page 50 pour enfin rire franchement. On retiendra également le gag final, avec son chouette hommage à Astérix. Allez ! C'est tout pour cette fois ! Moi, je retourne attendre le prochain Bouzard...
Quand souffle le vent (Briggs)
Cela faisait longtemps que je voulais lire cet album. La récente réédition des éditions Tanibis m’a permis d’enfin le découvrir (si la plupart du temps je salue les choix de Tanibis, je trouve que l’ancienne couverture était plus fidèle au contenu que celle choisie ici). Eh bien, malgré quelques longueurs, et un texte parfois trop abondant (mais aussi des vignettes un peu petites), c’est une lecture plaisante. Le dessin est simple et tout mignon, la colorisation est volontairement vieillotte. Pas désagréable. D’autant plus que ça participe de l’ambiance créée par Briggs. Si le début est un peu poussif, ça devient rapidement amusant. Pour les dialogues hors-sol du couple bien sûr. Mais aussi pour le délire survivaliste du pauvre de Monsieur. Au travers de cette histoire loufoque, Briggs s’en prend à l’atmosphère d’hystérie qui a pu, à plusieurs reprises, faire perdre toute raison à pas mal de monde durant la guerre froide. J’ai préféré la première partie du récit, où l’humour domine. Aux délires de monsieur, aux échanges entre monsieur et madame, s’ajoute un vocabulaire mal maîtrisé, qui accentue le ridicule de l’ensemble. La suite escamoté l’humour au profit d’une noirceur omniprésente. J’ai moins aimé cette partie. Note réelle 3,5/5.
Une tragédie américaine
Je suis sorti de cet album avec un ressenti mitigé. Plusieurs choses m’ont plu, mais j’ai aussi trouvé cette lecture un peu indigeste, n’arrivant pas toujours à tout saisir, en tout cas le plaisir de lecture n’était pas toujours au rendez-vous. Commençons par le travail graphique. J’ai bien aimé le rendu, j’apprécie ce genre de Noir et Blanc, et ce type de dessin comics. Par contre, un grand nombre de planches sont surchargées, et le petit format de l’album accentue cet aspect « fouillis », qui n’aide pas à la fluidité de la lecture. Quant à l’intrigue elle-même, j’ai plutôt aimé le thème au cœur du récit. Deitch nous plonge en effet au cœur de l’âge d’or des studios d’animation. Il le fait en usant d’un ton s’éloignant du politiquement correct, en mettant à nu les dessous de cet univers, sans occulter les pires magouilles. Le personnage de Waldo – sorte de clone de Félix le Chat – servant de fil rouge (on le voit assommer un cochon dans une vignette lenticulaire contrecollée sur la couverture). Mais, à l’instar de l’aspect graphique, l’intrigue est un peu trop brouillonne à mon goût. Note réelle 2,5/5.
Je suis leur silence
« Je suis leur silence » bénéficie de trois gros atouts qui ont rendu ma lecture plutôt agréable. Le premier, c’est le dessin de Jordi Lafebre, avec ces visages expressifs, ce trait dynamique, ces poses naturelles, ces couleurs agréables à l’œil. Seul petit bémol à mes yeux, le visage d’Eva qui m’a semblé trop simpliste et caricatural. Les personnages constituent le deuxième atout de l’album : le psychiatre d’Eva, l’inspectrice, et bien évidemment Eva, qui crève l’écran avec son assurance, son humour et son franc-parler. J’ai également beaucoup aimé les trois femmes du passé d’Eva qui l’accompagnent tout au long de l’album. La narration, enfin, est réussie. L’histoire racontée par Eva à son psychiatre est ponctuée des interactions entre eux deux, ainsi que de quelques flashbacks de son passé, ce qui rend la lecture dynamique et maintient l’intérêt. On peut noter aussi l’écriture des dialogues particulièrement soignée. Malgré tous ces atouts, mon intérêt a décliné vers les deux tiers de l’album. La personnalité d’Eva a fini par me lasser ; sa répartie et son assurance finissent par agacer, il manque quelques failles dans son personnage pour la rendre plus attachante. Quant au récit, son rythme trop soutenu à mon goût a fini par m’essouffler ; quelques respirations auraient été bienvenues. Mais c’est surtout l’intrigue policière en elle-même qui a fini par me sortir de ma lecture. J’ai trouvé l’histoire de la famille Monturós peu passionnante, davantage axée sur l’histoire de l’entreprise familiale que sur les relations humaines. Le dénouement m’a d’ailleurs laissée un peu dubitative, je l’ai trouvé peu crédible, tout comme certains détails rocambolesques dans le déroulement de l’enquête menée par Eva. En conclusion, c’est un polar sympathique, dont j’attendais plus et qui ne m’a pas complètement convaincue.
Ombrane
Une BD à mi-chemin entre le post-apocalyptique et le conte. Deux récits vont se succéder régulièrement au fil des pages. On va suivre un petit groupe d'humains, ils vivent dans les profondeurs de la terre, ils y ont construit une ville sur plusieurs niveaux. C'est là qu'ils se protègent du froid glacial qui sévit en surface. La dure vie dans le monde d'après. On va découvrir le monde d'avant au travers une ancienne légende, celle d'une noctale, Ombrane, un être surnaturel, fille de la nuit. La partie onirique et poétique de l'album. Pas innovant, l'ensemble fonctionne bien (il faut néanmoins quelques planches pour comprendre le "lien" entre les deux histoire) et le rythme est bien dosé malgré quelques raccourcis dans la construction. Je n'ai pas eu toutes les réponses à mes questions et il ne faut pas chercher un message de fond, cela ne m'a pas frustré. Par contre, je ne sais pas pourquoi (peut-être la couverture et le graphisme), je pensais lire un récit jeunesse, ça n'est pas le cas, certains passages sont violents. C'est avant tout une BD d'ambiances et celles-ci sont superbes et cela grâce au dessin de Julien Hanoteaux. Je ne suis pas toujours fan de la présence du numérique, mais ici le rendu m'a vraiment séduit. Les planches avec la fantomatique et silencieuse Ombrane sont particulièrement envoûtantes. Les couleurs varient suivant les lieux et les protagonistes. Très beau. Un bon 3 étoiles. Si ça vous intéresse, 3€ chez NOZ. ;-)
Ken Games
Les trois premiers albums se laissent lire. Chacun est centré sur l’un des trois protagonistes principaux. Tous cachent aux autres leur vraie vie, secrets qu’ils sont peu à peu obligés de se révéler, tant leur activité réelle principale ne peut être indéfiniment cachée (j’ai même eu du mal à croire que les deux amis d’enfance aient aussi longtemps ignoré ce que l’autre lui cachait). Trois menteurs donc, dont les vies se croisent et finissent par se rejoindre. Le personnage de Ciseaux (mais aussi un peu les deux autres) fait basculer l’intrigue sur du polar classique (même si, là aussi, il faut accepter pas mal de facilités pour les missions de Ciseaux, tueuse à gages franchement douée – et chanceuse !). Après le triptyque originel, les auteurs ont remis le couvert avec un prequel/one-shot, autour du couple Ciseaux/Louviers (un personnage que l’on a pas mal croisé dans le triptyque). Je n’ai pas été convaincu par l’utilité de cet ajout. Le dessin est très lisible, mais le rendu, surtout avec une colorisation informatique lissant tout, n’est pas vraiment à mon goût. Note réelle 2,5/5.
Mon ami Pierrot
Décidément Jim Bishop propose des séries originales qui invitent à une belle réflexion pour poursuivre la lecture. J'ai toutefois été un peu moins séduit que par ses Lettres perdues qui résonnaient bien plus avec mon propre vécu. Je ne connais pas Le Château ambulant ni "le Château de Hurle" dont se serait inspiré Bishop. Pour autant j'ai cru y lire d'autres pistes qui m'ont beaucoup intéressé. Certain-es aviseur-es y lisent classiquement une histoire d'amour multiforme. Mais où se trouve cet amour puisque les relations Cléa/Pierrot ou Cléa/Berthier sont bâties sur des mensonges. De même où est la liberté de Pierrot ou de Cléa réduits à la surveillance d'un être hybride, superposé pourrait dire Schrödinger. Si l'amour est vérité alors seul l'amour de la fée pour Berthier éclaire le récit. Par contre j'ai aimé le côté Faustien du récit même si Bishop fait l'impasse sur les origines du Pacte. Comme dans l'œuvre de Goethe, c'est la confrontation entre la pensée( Pierrot) et l'action (Berthier) qui domine. Le personnage de Cléa qui navigue de l'un à l'autre est ainsi très ambigu jusque dans un final qui ne nous dit pas si elle vole de ses propres ailes ou assujettie à un autre pacte que le pacte social souscrit avec Berthier. Le personnage de Schrödinger n'est pas superflu puisqu'il renvoie à la célèbre expérience de pensée avec son chat mort et vivant (voir Quantix). Je trouve là un scénario d'une grande intelligence qui propose au lecteur un voyage dans une superposition d'états parfois inconciliables. Le graphisme est très plaisant. Bishop emprunte à différents styles manga et franco-belge pour fournir un trait original et très expressif. Ses couleurs pastels et lumineuses créent un fort décalage entre cette idée de rêve de conte de fée avec un contenu d'une réalité agissante bien plus angoissante. Une très belle lecture qui a ravi ma pensée plus que mes émotions.
Tu mourras moins bête
C'est avec un sentiment mitigé que j'ai refermé mon album de la série de Marion Montaigne. J'ai été attiré par cette autrice à la suite de son très bon album sur Thomas Pesquet où elle avait su équilibrer le scientifique avec l'humain sans oublier une belle pointe d'humour. Ici je trouve l'équilibre rompu. L'humour domine à la fois dans le propos et dans le dessin, le scientifique ressemble a une compilation d'anecdotes de valeurs inégales qui font catalogues de statistiques ou d'énumérations de thèses ou d'expériences parfois farfelues. Je reconnais que certains chapitres m'ont fait sourire alors que d'autres m'ont laissé indifférents. Il y a deux difficultés fortes sur ce type de série: un côté redondant sur certains thèmes ( le cinéma, les bébés, l'espace…) et le côté lassant quand on enchaîne plusieurs chapitres à la suite. Le dessin choisi en style crade satirique accentue la volonté d'humour un peu loufoque. Cela frôle parfois le vulgaire sans jamais y entrer de pleins pieds. J'avais préféré son style plus soigné de la série sur Pesquet. Une lecture parfois drôle mais dont je ne ferai pas mon quotidien. Je l'emprunterais à l'occasion
La Décharge mentale
Bastien Vives ! Un nom qui sonne la polémique dans le milieu des bdphiles... Je ne connaissais pas cet auteur, et vu le nombre d'avis très divers je voulais faire ma propre opinion. Bon allons droit au but en commençant par la chose positive : le dessin. A la fois simple et minimaliste, il fait le taf. Les plans sont biens cadrés, les scènes également, c'est pas mal. Bon allons droit au but en continuant par la chose négative : le scénario. Il est tout à fait prétexte à étaler les scènes soit disantes "incestes" qui font toute la polémique de cet album et fait grimper les prix des spéculateurs sur internet. On en arrive à la question clés : est-ce que cette bande dessinée est drôle ? (Puisqu'elle est censée l'être). Personnellement je n'ai pas accroché à cet humour (pourtant le trash, le cynisme, l'humour noir et gras j'aime ça). Lu au 1er, au 2eme et au 3eme degré, je m'attendais à des choses bien plus drôles plutôt qu'à un enchaînement de scènes X. Est ce que cette BD fait l'étalage de la pedopornographie ? Honnêtement il me semble que la surenchère du propos est aussi grotesque que cette polémique qu'on adore et qui fait vivre des réseaux. Un 2/5 pour le graphisme, la fluidité et le temps que je n'ai pas perdu car ça se lit en 10min.
Les Variations d'Orsay
Personne ne peut survivre aux tableaux. Eux, sont éternels. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, focalisée sur le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2016. Il a été réalisé par Manuele Fior, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de quatre pages recensant les onze principales œuvres mises en scène dans l’ouvrage : le Métropolitain (1901) par Hector Guimard, Banquette de fumoir (1897) par Guimard, La gare Saint-Lazare (1877) par Claude Monet, la gare d’Orsay (construite entre 1901 et 1925), La charmeuse de serpents (1907) par Henri Rousseau, Repasseuses (entre 1884 et 1886) par Edgar Degas, Sémiramis construisant Babylone (1861) par Degas, Portrait de l’artiste au Christ jaune (1890-91) par Paul Gauguin, Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture, La Source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, Une moderne Olympia (1873-74) par Paul Cézanne. En 1900, Gisèle sort en courant de la station de métro appelée Le Début, avec son habillage de Hector Guimard, en appelant son amie Odile. Elle pénètre dans la gare d’Orsay, en continuant à se demander où son trouve son amie. Enfin elle la repère : Odile et Gisèle tombent dans les bras l’une de l’autre, la première souhaitant un bon anniversaire à la seconde. Cette dernière fait le constat qu’il aura fallu attendre l’exposition universelle de 1900 pour faire quitter sa campagne à la première. Elles sortent, prêtes à visiter Paris, tout en estimant que la gare qu’elles quittent est la plus belle de France. Au temps présent, les visiteurs déambulent dans le musée d’Orsay, écoutant leur audioguide. L’un évoque l’architecte italienne Gae Aulenti qui a été désigné en 1980 pour transformer le musée. Un autre présente Rousseau, peintre autodidacte et naïf qui n’a que très peu voyagé. Le commentaire continue : La plupart de ses jungles ont été réalisées au muséum national d’histoire naturelle et dans la grande serre du jardin des Plantes. Pourtant, dans cette Charmeuse de serpents, tout est nouveau. Le sujet d’abord. Une Ève noire, dans éden inquiétant… La gardienne assise à côté du tableau interpelle le visiteur, en lui rappelant de ne pas se tenir trop près du tableau. Elle explique qu’il s’agit d’une œuvre très fragile. Devant la grimace du visiteur, elle ajoute que ce n’est pas elle qui fait les règles. Il s’en va agacé. La gardienne lit la notice : Une asymétrie novatrice figée dans un étrange silence, La charmeuse de serpents annonce les rêves surréalistes à venir. En son for intérieur, elle se dit que ce tableau est trop moche, qu’on dirait la peinture d’un gamin de quatre ans. Elle ferme les yeux, et dans son esprit, une cigogne s’envole au-dessus d’une large étendue d’eau calme. Après avoir volé à l’horizontal, elle s’élève dans les airs. Assise sur un fauteuil devant le lac paisible, une femme noire se parle à elle-même. Elle est la gardienne de ce musée. Et elle connaît ce lieu depuis longtemps. Les œuvres, les coulisses, les passages interdits au public. Les codes de sécurité. Surtout, elle connait les artistes. Ils l’aiment tous. Ils sont tous à ses pieds. Henri. Claude. Auguste. Paul. Edmond. Edgar. Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, publiée par Futuropolis, dans le cadre d’un partenariat avec cet établissement qui comprend également L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. L’horizon d’attente du lecteur comprend donc une déclaration d’amour à ce musée. L’auteur tient cette promesse. Il cite et incorpore les œuvres citées ci-dessus. Il met en scène des artistes, essentiellement du courant impressionniste : Edgar Degas (1834-1917), Auguste Renoir (1841-1919), Camille Pissarro (1830-1903), Berthe Morisot (1841-1895), Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Il met également en scène Paul Valéry (1871-1945). Il montre quelques aspects du bâtiment du musée, évoquant sa fonction de gare, et le représentant dans sa fonction de musée. Lors d’une séquence de quatre pages, le lecteur accompagne un personnage qui descend à la chaufferie, située dans le sous-sol, puis dans les réserves qui contiennent de nombreux dessins. Les images appartiennent à un registre descriptif et réaliste, avec un degré significatif de simplification, la mise en couleurs venant donner de la consistance aux éléments représentés. En découvrant le début, le lecteur n’est pas trop sûr du mode d’hommage dans lequel l’auteur va se situer. Indéniablement, le bédéiste connaît le musée et il affiche une préférence pour certaines œuvres. En particulier pendant plusieurs pages, son personnage central est Edgar Degas (1834-1917). La narration visuelle se révèle être assez sophistiquée, s’adaptant à la nature de chaque scène, capable de restituer l’apparence de personnages connus, de tableaux de maître et de l’architecture du musée. En fonction de sa familiarité avec eux, le lecteur peut apprécier la ressemblance d’artistes tels que Degas, Ingres, ou encore Pissarro, Renoir et Berthe Morisot, dans dessins dépourvus de trais de contour, évoquant une technique ressemblant à du crayon gras. En fonction du moment et de leurs occupations, le dessinateur peut se focaliser sur le visage des personnages en plan poitrine ou en gros plan s’ils sont en train de discuter assis ou attablés, ou bien en train de vaquer à leurs occupations. Le lecteur apprécie leur expressivité et leur naturel, sans exagération de leurs expressions. Il se rend compte que l’air de rien l’artiste sait capturer des moments fugaces ou faire ressortir un geste particulier : un homme avec l’audioguide à l’oreille, la légère lassitude de la gardienne toujours confrontée aux mêmes comportements et effectuant les mêmes rappels, un personnage jouant du pipeau, un homme paressant au lit, une jeune femme morte dans son lit après une intoxication avec un mélange d’opium et de térébenthine, le regard condescendant d’un bourgeois raillant le manque de talent d’un artiste impressionniste, un vif direct du droit, un homme mordant une femme à la cheville, Gauguin montrant ses plaies aux pieds, ou encore une jeune femme allongée vêtue uniquement de bas serrant une panthère noire contre elle, etc. Dans un premier temps, il est possible que le lecteur ne discerne pas le fil directeur du récit. D’une séquence à l’autre, l’auteur passe des visiteurs du musée au temps présent, au tableau de la Charmeuse de serpents, au personnage central de ce tableau qui soliloque au profit du lecteur, à Degas rendant visite à Ingres, au tableau Sémiramis construisant Babylone, à la femme de ménage d’Ingres qui lui présente sa fille qui va servir de modèle à La Source, à une discussion dans un café entre Degas, Renoir, Pissarro et Morisot, puis au premier salon des Impressionnistes, pour déambuler ensuite dans les sous-sols du musée. Le lecteur détecte deux personnages principaux : Edgar Degas et la Charmeuse de serpents. Il constate que l’auteur accorde une importance primordiale aux Impressionnistes, avec une poignée de cases s’inspirant de leurs toiles : par exemple Impression, soleil levant, (1872) de Claude Monet (1840-1926), ou encore le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872) d’Édouard Manet. Il consacre une séquence également à la Première exposition des peintres impressionnistes (1874), avec une bagarre entre des visiteurs et des artistes. Il revient sur l’appellation même de ce mouvement : Impressionnistes pour les dénigrer, Indépendants pour Degas, Intransigeants pour les autres peintres. Il rappelle les propos insultants proférés à l’encontre de leurs œuvres par les visiteurs, ainsi que l’hétérogénéité des différentes toiles produites sous cette appellation, montrant aussi la sculpture La petite danseuse de 14 ans, de Degas. L’autre personnage principal surprend : il s’agit de la Charmeuse de serpents, du tableau du même nom du douanier Rousseau (Henri Rousseau, 1844-1910), représentant majeur de l’art naïf. Celle-ci annonce être la gardienne du musée. Elle assure la transition en indiquant qu’il est temps pour Edgar (Degas) de se lever. Elle revient à plusieurs reprises dans le récit. Tout d’abord pour des considérations sur la postérité de ces tableaux, contrastant avec le caractère mortel des artistes : Ces pauvres embobinés, célébrés, ridiculisés, ou bien ignorés de leur vivant, à présent empaillés dans les salles, ils sont devenus une attraction mondiale. Plus loin, elle se promène dans les sous-sols du musée pour mettre en évidence la fragilité des œuvres (obligation de la régulation de la température avec une variation inférieure à trois degrés), en la rapprochant aux souffrances physiques endurées par les artistes. Enfin, elle évoque la fin des maîtres et de l’art, des œuvres, des expositions et des salons, la fin des catalogues, des souvenirs et des audioguides. Elle établit que personne ne peut survivre aux tableaux, et que, eux, sont éternels. Insupportable n’est-ce pas ? Visuellement, un visiteur contemple un tableau de Degas : Sémiramis construisant Babylone, induisant un parallèle entre cette œuvre et la construction du musée d’Orsay, ainsi que sa fonction. Chanter les louanges d’un musée et mettre en scène l’importance que ce lieu et les œuvres qu’il abrite ont pu avoir sur sa propre vocation artistique et sa propre pratique : Manuele Fior se prête au jeu, avec une vraie personnalité. Ces images rendent hommage aux œuvres et à l’ambiance du musée, avec sensibilité, sur la base de choix clairs, les Impressionnistes et le Douanier Rousseau. La narration semble papillonner d’une scène à une autre, agréables pouvant sembler arbitraires dans un premier temps. Progressivement il apparaît que l’ouvrage est construit pour développer deux thèmes : l’impressionnisme, et la pérennité des œuvres d’art. Enchanteur et troublant.