Je reste un peu sur ma faim avec cet album d’Horacio Altuna que je me suis procuré chez un bouquiniste durant le festival BD d’Angers. Pourtant au premier abord, avec des dessins particulièrement admirables - qui font penser à ceux de Manara - tout était réuni pour que cette bande dessinée soit une petite pépite oubliée.
Il est vrai que visuellement c’est magnifique … surtout les personnages féminins. Vais-je me régaler ? Pour ça il faut que l’histoire tienne la route. Et c’est là où le bât blesse !
L’histoire se résume à suivre un cameraman payé pour filmer des scènes sensationnelles pour une chaîne de télévision. Oui je le répète les dessins collent parfaitement à l’ambiance sombre et décadente de cette société où la violence et le voyeurisme sont au cœur des médias mais très vite le scénario s’essouffle après pourtant un départ sur les chapeaux de roues. Le rythme baisse en intensité et au final je me suis rapidement ennuyé, pas au point de ne pas finir ma lecture mais plutôt en survolant les dernières planches.
Cet album sans doute avant-gardiste à l’époque qui anticipe les dérives de la télé-réalité moderne peut plaire à vos petits yeux ébahis mais ne vous attendez pas cependant à une BD cultissime.
dessins = 4 / Histoire = 2
Je découvre Gaëlle Geniller avec Minuit passé. De toute évidence, il y a du boulot. L’autrice a apporté un soin tout particulier aux décors, ce que la colorisation tout à fait plaisante ne fait que souligner davantage tout en conférant une réelle ambiance. Tout cela fonctionne très bien : on est dans l’époque, on est dans l’Art Nouveau. Ajoutons que l’objet en lui-même renforce cette impression, de part notamment la tranche qui représente un décor floral vert du plus bel effet.
J’aime assez le trait même si je ne goute guère ces visages taillés à la serpe façon manga. Et que dire de ces nez pointus ? Question de goût, certes.
Quant au scénario, j’avoue l’avoir trouvé assez poussif, et la conclusion faiblarde. Tout ça pour ça ?
Mais ce sont surtout les personnages en eux-mêmes qui m’ont dérangé. En effet, je ne suis pas parvenu à les sentir, et pas un seul instant je n’ai cru à leur psychologie romantique doucereuse. C’est trop ! Trop gentil, trop béni-oui-oui. A mon sens, ce n’est pas parce qu’on donne dans le fantastique qu’il faut s’affranchir de toute crédibilité dans la construction des personnages.
Je salue donc le travail, l’ambiance forte et la beauté graphique, avec toutefois les quelques réserves évoquées, mais je n’irai pas plus loin.
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs.
Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy.
Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie.
Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5
Je n'ai pas accroché à cette chronique intimiste d'une maison d'étudiant(e)s au Japon. Presque 400 pages pour les états d'âmes de trois jeunes femmes venues perfectionner leur japonais ( mais qui parlent toujours en américain) c'est long. Il y donc de nombreux endroits où je me suis désintéressé des aléas sentimentaux ou du job de l'une ou l'autre.
Il faut noter que les dialogues où les jeunes femmes parlent en japonais sont dans les deux langues. C'est un avantage pour bien comprendre la situation due au langage mais cela prend de la place et conduit à des dialogues assez basiques.
Par contre j'ai apprécié le graphisme de Harmony Becker qui est très souple et bien expressif. L'autrice utilise différents styles pour bien faire ressortir la situation . Cela peut être très détaillé en semi réaliste ou alors utilisé un style plus manga avec des visages déformés. C'est un graphisme moderne qui devrait plaire aux ados. D'ailleurs à mes yeux la narration est surtout visuelle ce qui conduit à ce volumineux ouvrage. Les extérieurs sont peu nombreux mais quand ils existent ils sont soignés( tenues traditionnelles, quartier, nature fleurie)
Un petit 3 pour une lecture en pointillé qui ne m'a pas apporté.
Ça s’appelle l’égrégore. C’est hautement magique.
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Ce tome est le second d’un diptyque : il fait suite à Tu n’as rien à craindre de moi (2016). Sa première édition date également de 2016. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins, et par Brigitte Findakly pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix pages de bande dessinée. Il commence par une page d’introduction rédigée par l’auteur sur l’importance de Salvador Dalí pour lui.
Deux individus sont en train de regarder et de commenter un tirage du tarot de Marseille. Ils échangent sur la fixation de l’un à propos des jumelles, sur les systèmes de pensée, sur le pouvoir des Américains, des Saoudiens ou des Qataris dans l’art contemporain, sur Romain Gary, sur les entretiens de Salvador Dalí avec Louis Pauwels, sur la façon dont Platon défendait le Logos par un recours paradoxal au mythe, etc. Sur une plage paradisiaque de sable blanc, Lior, une très belle femme, s’adresse à l’artiste pictural Seabearstein. Elle lui dit que ce qui le fait retourner en France n’a aucune logique. Lui-même entretient des doutes quant à sa décision de rentrer. Elle l’aide à faire son nœud de cravate. Il s’en va, et elle se rend compte qu’il lui manque… au bout de onze secondes. Elle croit qu’elle est vraiment amoureuse. Lui est arrivé à l’aéroport international de La Cucaracha, tirant sa valise à roulettes derrière lui, tout en fumant un cigare. Il prend place dans l’avion, et il sirote des cocktails. Il explique à l’hôtesse de l’air qu’aujourd’hui, pour une fois, un héros qui n’est pas américain va peut-être sauver la planète. Ce n’est pas lui, c’est Salvador Dalí. Derrière lui, deux autres voyageurs papotent en anglais, et évoquent des champignons hallucinogènes. L’artiste s’approche et ils lui en offrent un petit paquet.
Seabearstein sort de l’avion à Paris, sous la pluie. Il se parle à lui-même : ce truc qui le saisit lorsqu’on revient en France. Ce sentiment que son pays vit une sorte de malédiction depuis trente ans. L’imaginaire en panne, incapables d’aimer le monde actuel, ni d’être aimés par lui. Ne plus comprendre ni les échanges économiques ni les mouvements de population. Ne plus comprendre l’amour non plus. Comme si à force d’être coincés entre Nord et Sud, on était devenus complètement idiots. Voilà ce vide où est la France aujourd’hui. Par manque de génie. On manque de génie. Il évoque Jean Gabin dans le film Le président, avec l’agent de la douane, lui faisant observer qu’avec un tribun comme lui, le Front National n’aurait aucune chance, ce dont son interlocuteur n’a cure. Il prend un taxi-moto pour se rendre l’aéroport à Paris, et il discute religion avec le motard. Ce dernier estime que la religion donne des réponses à toutes les questions. L’artiste rétorque qu’il veut devenir chrétien apostolique et romain, épouser Gala une deuxième fois, selon le rite copte. Il décide de descendre de moto et de terminer le trajet à pied sous la pluie. Il rejoint le Centre Dalinien pour le Futur dont les bureaux se situent place Vendôme, abrités par la maison Schiaparelli. Il discute avec Farida Khela, et il écoute le projet qu’elle lui propose : ressusciter ou réveiller Dali qui est cryogénisé par une expérience consistant à passer quatre nuits dans un hôtel particulier avec quatre modèles nues.
Le lecteur retrouve Seabearstein, exilé dans une île paradisiaque à la fin du tom précédent, en compagnie de la magnifique Lior. Il rentre à Paris et il se voit confier une mission : réveiller Salvador Dalí (1904-1989) ou participer à sa résurrection en fonction du point de vue, en réalisant une session de dessins très particulière. L’enjeu est de sauver le monde, ou au moins la France d’un obscurantisme grandissant, par le retour de Dali en prophète non-religieux. Par contraste avec le tome précédent, celui-ci repose donc sur une intrigue, avec une mission dont l’objectif est défini, même si les modalités peuvent paraître floues. Le lecteur continue de voir en Seabearstein, un avatar de l’auteur dont le patronyme évoque une forme orthographique déformée de Cyber-stein. En effet les quatre modèles évoluent nues la plupart du temps, sauf Christel qui a choisi de porter un string avec l’accord de l’artiste. Il s’agit de quatre mannequins travaillant pour la haute couture, des maisons comme Yves Saint-Laurent ou Schiaparelli. En vis-à-vis de la page d’introduction de l’auteur, se trouve une photographie du peintre prise par Jean Gaumy, avec en arrière-plan quatre jeunes femmes nues. Alors que Seabearstein se trouve à assister à la préparation d’un défilé, il se fait la remarque qu’il n’y a aucune de ces modèles qu’il ait envie de voir nue. Il ne parvient pas à comprendre comment Farida Khelfa effectue ses castings : les filles trop sexy sont tout de suite éliminées. La haute couture, c’est l’anti-Pirelli. Il croit qu’elle garde les œuvres d’art sur pattes : des filles aux cartilages originaux, à la démarche inexplicable. Sfar les représente avec cette même vision : de grandes jeunes femmes, avec des os protubérants, parfois tout juste la peau sur les os, souples, conscientes de leur beauté, de très beaux yeux, des jambes interminables, des bras fins, de beaux cheveux. Le lecteur voit cette beauté plastique, sans pour autant qu’elle ne dégage d’érotisme.
Le lecteur fait connaissance avec les quatre mannequins dès la couverture, un moment qui se situe vers la fin du récit : la blonde Christel, les jumelles nommées uniquement par leur surnom Tweedle Dee & Tweedle Dum, et au centre Seabearstein avec Ylva derrière lui. L’auteur donne rapidement un soupçon de personnalité aux jumelles qui restent toutefois interchangeables, remplissant leur fonction d’incarnation vivante de la beauté. Ylva bénéficie d’une discussion en tête à tête avec Seabearstein le temps de deux pages (34 & 35), évoquant son habitude d’être en retard à elle, le songe de Jacob (épisode biblique du Livre de la Genèse). Ces éléments ne joueront pas de rôle significatif par la suite ; en revanche le dessinateur retranscrit avec justesse et amour les différents gestes et postures du mannequin, très sensuels. Le cas de Christel s’avère un peu différent : elle et lui ont été dans une relation amoureuse précédemment. Elle assure sa fonction de muse dénudée, avec un soupçon de résistance symbolique au processus en conservant son string, et en ayant un enjeu émotionnel vis-à-vis de l’artiste. Son rôle n’est pas cantonné à une fonction : elle porte un regard personnel sur l’artiste qui les représente.
Comme pour l’album précédent, le dessinateur fait preuve d’un degré élevé d’implication pour représenter les environnements, présents dans 95% des cases. Les caractéristiques de dessin restent les mêmes : des traits de contour très fins, un peu tremblés comme mal assurés, donnant une apparence parfois malhabile aux personnages et aux décors, voire froissée, tout en conservant un regard adulte dépourvu de naïveté. En dehors de l’hôtel particulier, l’artiste emmène le lecteur sur une plage paradisiaque, avec bungalow sur le sable, faire du surf sur les vagues, devant l’aéroport La Cucaracha, au guichet d’embarquement, dans les rangées de sièges de l’avion, dans un immeuble de la place Vendôme, dans ses sous-sols pour voir Dalí dans sa chambre de cryogénisation, dans les coulisses d’un défilé pour la maison Schiaparelli, dans les rues de Paris et dans le muséum d’Histoire naturelle. Il apporte également un grand soin à représenter les différentes pièces de l’hôtel particulier et leur décoration : la terrasse, le grand escalier avec ses tentures rouge et sa rambarde de bois, les parquets, les œuvres d’art, la chambre de Seabearstein, l’ascenseur, le jardin avec sa piscine, le salon avec ses canapés et ses fauteuils, la salle à manger. Sous des dehors griffonnés à la va-vite, Sfar représente cette habitation avec la même attention et la même affection qu’il porte aux modèles.
Dans son introduction, Joan Sfar explicite son intention. Il commence par indiquer que ce livre n’est que la retranscription d’une expérience réelle, vécue à Paris l’an dernier par quatre modèles et un dessinateur. Il n’indique pas si l’expérience menée était exactement identique à celle racontée. Le lecteur peut penser que la forme littéraire l’emporte sur la réalité : Seabearstein semble bien fonctionner comme un avatar de l’auteur, tout en n’étant pas exactement lui, puisqu’il est possible d’assimiler l’un des passagers de l’avion à un autre avatar plus proche physiquement de l’auteur. Dans le même temps, la référence à la pratique du dessin en tant qu’étudiant d’art lors de dissection de cadavres correspond bien à une expérience personnelle de Sfar. Ensuite, l’expérience qui doit participer au réveil de Dalí s’avère très compréhensible : reproduire ses tableaux par les poses des mannequins. Sfar indique que c’est par ce processus qu’il a pu saisir l’esprit de Dalí au-delà des simples images que constituent ses tableaux. L’objectif devient : ranimer l’esprit de Salvador Dalí chez l’artiste pour retrouver sa flamme, ses visions, son génie. Cette interprétation de la présente bande dessinée se trouve confortée par l’introduction de Sfar, et le tirage des cartes du tarot de Marseille, au début et à la fin de l’ouvrage. L’auteur écrit que : L’envie de sacré ne le prend pas tous les jours. Il a peu d’enthousiasme pour les rituels des religions consacrée ; il ressent le besoin de se barder de la mystique de grands artistes. Il s’agit pour lui de défendre les arts et la liberté qu’on attaque de plus en plus. Face au mur des Pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. Il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée. Dans la deuxième partie du tirage de cartes, l’un des deux personnages mentionne la Kabbale, une tradition ésotérique du judaïsme. L’enjeu pour l’auteur est bel et bien d’effectuer une expérience mystique lui permettant de faire l’expérience d’une révélation spirituelle sur l’ordre des choses, le sens de la vie. A-t-il réussi ?
Après lecture, il s’avère que le texte de quatrième de couverture synthétise bien la nature de cet ouvrage : Et si l’art était la seule alternative à la violence et à l’obscurantisme contemporain ? Et si seul Salvador Dalí, en prophète surréaliste pouvait en montrer le chemin ? Pour répondre à cette question, Joann Sfar raconte son étude des œuvres du peintre, par le biais d’une expérience entre réalité et fiction (dans une proportion impossible à déterminer) : un rituel entre spiritisme et reconstitution des œuvres du maître. Le lecteur ressort de cette bande dessinée avec l’envie irrépressible de découvrir l’œuvre de Salvador Dalí, avec ses propres moyens, un rituel d’acculturation à sa manière en fonction de ses moyens.
Avec cette série, Herik Hanna renoue avec ses héros entraperçus dans Sept détectives.
Nous les découvrirons cette fois, un à un le temps d’un album. Les récits se veulent indépendants mais mieux vaut les lire dans l’ordre et connaître leur précédente aventure commune.
La partie graphique est confiée à chaque fois à un dessinateur différent (exception toutefois pour S. Guinebaud qui assure également la conclusion). Les styles seront différents mais le tout fait force d’une certaine homogénéité. On aura ses préférences mais ceux sont surtout les intrigues qui feront le sel des tomes.
Je ne suis pas féru du genre polar détective privé mais le scénariste s’en sort dans l’ensemble plutôt habilement. Rien de vraiment marquant, cependant ça s’amuse assez avec les codes pour un moment pas déplaisant, ça manque juste d’un petit fil rouge.
Au programme :
Enquêtes campagnarde pour le 1er (plutôt fun), à Hollywood pour le 2 (le plus faible), huis clos dans un manoir pour le 3 (classique), Paris pour le 4 (sympa et pas que par chauvinisme), Londres pour le 5 (le meilleur à ce stade), le 6 approfondira le complexe John Eaton (surprenant) et enfin le dernier sur Else … ce n’est pas une conclusion en apothéose (quoique) mais ça boucle la boucle de façon honnête et satisfaisante.
Du boulot correct pour les amateurs, on peut papillonner en fonction de son attirance pour un personnage mais c’est bien plus sympa dans son ensemble. Sinon la version courte pour avoir le « dénouement » de Sept détectives, c’est de ne lire que les tomes 6 et 7.
Avec cette série, rien de franchement nouveau dans le monde des Isekai mais ça reste potable pour les amateurs. Notre héros ne sera juste pas le seul à être enlevé et téléporté pour participer à ce jeu de survie dans un monde fantasy.
Pour retourner sur la terre, le seul espoir des joueurs est de terminer l’ensemble des niveaux en complétant les donjons et en battant les boss … mission quasi impossible tant la difficulté est hardue et la survie problématique. La mort n’est jamais bien loin et seul les plus forts survivront. Précisons également que chaque joueur, à son arrivée, se verra confier un pouvoir/compétence où on distinguera 2 catégories : les fighters et les crafteurs ; que chaque niveau est supervisé par une sorte d’administrateur (un lapin, un babouin, un lion …) qui feront avancer un peu le pourquoi du comment des mystères de ce monde, et qu’à chaque victoire d’un boss, le donjon se réinitialise dans sa forme d’origine. Voilà pour le fond.
Nous y suivrons Dawoon, faible humain qui survivra à un piège lors de la réinitialisation du donjon. Cet événement étant inédit pour le jeu, notre héros vivra désormais en marge des règles du système et deviendra comme un bug dans la matrice. Nous irons désormais de deus ex machina en deus ex machina avec lui.
Il pourra refaire les donjons autant qu’il le souhaite et acquerra de nombreuses autres compétences en cours de route (le côté RPG est très présent) mais jamais vraiment combattantes, toujours autour du crafting. Ça ne l’empêchera pas d’avancer et d’affronter de nombreuses menaces seul. Il deviendra petit à petit comme un dieu.
C’est loin d’être exceptionnel mais ça reste sympatoche à lire pour peu que l’on ne soit pas allergique au genre. Il faut aimer le coté « petit nid douillet et bien manger », notre héros étant obnubilé par ces aspects (et étant le seul à pouvoir les réaliser), comme le côté méchante créature (à l’instant T) qui deviendra meilleure pote du héros par la suite …
Bref rien de fou et pas spécialement dès plus trépidant sur la longueur, une réalisation lambda … cependant quand même divertissant. Pas le pire mais pas le mieux lu.
Un petit 3*.
Nota : le format initial étant webtoon, malgré la bonne fluidité des planches je suis toujours un peu dérangé par leur composition .
Du travail bien fait, efficace, dynamique, hyper rythmé. Les amateurs de polars musclés misant avant tout – et quasi uniquement sur l’action – seront sans aucun doute satisfaits de découvrir cette série, qui ne s’embarrasse pas de psychologie, mais qui réussit son pari de tenir en haleine le lecteur.
Le principe est assez simple sur le papier. Et en y réfléchissant, pas toujours crédible. Mais là on oublie aisément ce détail. De riches personnes, parient des sommes énormes durant un jeu particulier. Chaque parieur/joueur dispose d’un pion, un homme/tueur, qui doit survivre à un duel, et éliminer le pion/tueur de son adversaire (si nécessaire en apportant un « marqueur », c’est-à-dire un doigt). Harry, le héros, ancien militaire devenu « pion » presque par hasard, va se révéler excellent, le meilleur de tous. Mais aussi sans pitié, ne se contentant pas de prélever un doigt, et tuant le plus souvent les « perdants ».
Lorsqu’il veut quitter le jeu, il doit alors faire face à la volonté des « joueurs » de l’éliminer, dans une partie où les enjeux financiers ont décuplé.
C’est violent, de l’action pure, avec un dernier tome qui m’a fait penser à certains passages de la chasse de Zaroff. C’est une série assez typée, qui manque certes de profondeur. Mais dans le genre thriller/polar cynique et violent, elle se situe dans le haut du panier, c’est très bien réalisé. Avec un dessin réaliste agréable (seule la colorisation m’est parfois apparu inégale). Une belle réussite du genre, critiquable, mais si c’est votre came, c’est du tout bon.
Je commence à découvrir les BD de Lax, qui m'intéresse décidément beaucoup. Avec "L'université des chèvres" il parle d'un thème déjà évoqué dans Un certain Cervantès, à savoir l'éducation et la culture.
Son récit est surprenant, tellement que j'ai longtemps cru que c'était une réelle histoire avant de découvrir que non, c'était un récit inventé sur un canevas réel. Et c'est franchement surprenant ! Le suivi est logique et permet d'établir la continuité du message, à savoir une lutte constante contre l'obscurantisme et pour le développement intellectuel des enfants. L'accès à la littérature et aux livres, l'apprentissage de la lecture et la transmission des savoirs dans des sociétés qui rejettent cette source d'émancipation. Que ce soit le curé, l'imam ou le chef du village, c'est une querelle de compromis, de vision du monde et de volonté religieuse qui s'organise.
Le trait de Lax est excellent, avec un sens de la couleur et de la lumière remarquable. Que les environnement soient le désert américain, les Alpes, les montagnes Afghanes, j'ai apprécié l'utilisation de la couleur pour faire ressortir la lumière. Le dessin transmet beaucoup et permet de s'immerger rapidement dans le récit, mais aussi de marquer la continuité entre les époques et les thématiques.
Ce qui m'a beaucoup plu, également, c'est que la BD passe par différents moments qu'il joint thématiquement même s'ils nous semblent éloignés dans les faits. Par exemple les pensionnats indiens, le trumpisme ou l'école coranique, qui participent pourtant au même débat. Et la question liée du racisme, du colonialisme, de la question éducative, des femmes ... Ces éternels sujets qu'il faut sans cesse ressasser en espérant qu'un jour, enfin, il n'y ai plus besoin de les défendre ...
Une BD éducative sur l'éducation, qui m'a personnellement beaucoup plu. Les personnages fictifs sont attachants et le récit porte des questionnements que je trouve très actuels. Une lecture plaisante et recommandée !
J'ai bien évidemment acheté la BD dès que je pouvais me précipiter chez le libraire qui le mettait en devanture, puisque Lou Lubie et Solen Guivre passaient en dédicace dans ma ville et que j'ai pu avoir un joli Pygmalion et Orphée sur la page de garde ! Mais j'ai mis du temps à la lire puisque ma copine avait préséance, étant donné que c'est elle qui avait fait la dédicace (on ne vole pas la première lecture aux autres !).
Bref, j'ai enfin pu le lire et oui, c'est du très bon ! Même si à titre personnel, j'ai un léger souci, pas bien méchant, mais qui m'a titillé en fermant la lecture : la sensation que la BD était trop courte. En tout cas, si les deux autrices veulent remettre le couvert pour d'autres mythes grecs c'est un grand OUI pour ma part !
Parce que la mythologie grec, j'en raffole, que je lis et dévore tout ce qui y traite et que, bien qu'appréciant les mythes d'origine, je suis carrément avec les relectures de mythes pour en faire une histoire adapté à notre temps et nos enjeux. Tirésias, Le Feu de Thésée, La Gloire d'Héra ou encore Médée, Le Dieu vagabond me semblent d'excellentes idées : la reprise de thèmes classiques souvent connus par le grand nombre pour en refaire sortir une morale, une idée, une clé de lecture du monde mais contemporain. Et c'est tout ce que j'apprécie dans les mythes : cette possibilité d'être repris et refait à toutes les sauces, pour nous parler encore et toujours de nous.
Je digresse mais c'est un point essentiel pour moi, puisque la BD est à la fois une adaptation du mythe d'Orphée, mais aussi une relecture de celui-ci intégrant divers sujets bien d'actualités. La question du mensonge religieux, la représentation des corps, la technologie (avec Galatée et Pygmalion), les travailleurs et les artistes ... Des questionnements bien contemporains que j'ai trouvé traités élégamment, chacun ayant droit à sa touche sans forcément de réponse claire, nous laissant avec les conclusions que l'on veut. Mais c'est assez pertinent sur bien des points, et le cahier graphique avec les sources d'inspirations à la fin est une excellente idée pour nous en révéler quelque unes qui peuvent passer inaperçu (je n'avais pas remarqué comment avait été dessiné Galatée par rapport aux autres femmes par exemple) mais aussi pour montrer les sources d'influences diverses, à la croisée de bien des civilisations !
L'histoire et le découpage sont précis, mais le dessin de Solène Guivre, que je découvre, est formidable ! Que ce soit dans les corps (et la danse), où l'on sent le poids de la chair, du mouvement, la sueur et l'effort, où le monde de papier et de pierre qui oscille entre un fantasme de beauté blanche et pure et une réalité dure et colorée, on sent le travail derrière. Et je dirais que niveau jeux de couleurs, c'est tout aussi prenant, que ce soit la représentation synesthésique de la musique où les contrastes du désert.
Une relecture mythologique qui flirte avec le féminisme, la lutte des classes et les luttes de pouvoir, forcément ça allait me parler. Assez limpide pour qu'on y rattache ce qu'on veut comme métaphore (j'y ai personnellement vu la question des IA), mais assez cryptique pour qu'on ne puisse pas limiter l'histoire à une seule vision. Le mythe d'Orphée est encore une fois repris, preuve de son intemporalité, pour s'inscrire dans notre temporalité, et je ne peux que vous encourager à le découvrir !
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Imaginaire
Je reste un peu sur ma faim avec cet album d’Horacio Altuna que je me suis procuré chez un bouquiniste durant le festival BD d’Angers. Pourtant au premier abord, avec des dessins particulièrement admirables - qui font penser à ceux de Manara - tout était réuni pour que cette bande dessinée soit une petite pépite oubliée. Il est vrai que visuellement c’est magnifique … surtout les personnages féminins. Vais-je me régaler ? Pour ça il faut que l’histoire tienne la route. Et c’est là où le bât blesse ! L’histoire se résume à suivre un cameraman payé pour filmer des scènes sensationnelles pour une chaîne de télévision. Oui je le répète les dessins collent parfaitement à l’ambiance sombre et décadente de cette société où la violence et le voyeurisme sont au cœur des médias mais très vite le scénario s’essouffle après pourtant un départ sur les chapeaux de roues. Le rythme baisse en intensité et au final je me suis rapidement ennuyé, pas au point de ne pas finir ma lecture mais plutôt en survolant les dernières planches. Cet album sans doute avant-gardiste à l’époque qui anticipe les dérives de la télé-réalité moderne peut plaire à vos petits yeux ébahis mais ne vous attendez pas cependant à une BD cultissime. dessins = 4 / Histoire = 2
Minuit Passé
Je découvre Gaëlle Geniller avec Minuit passé. De toute évidence, il y a du boulot. L’autrice a apporté un soin tout particulier aux décors, ce que la colorisation tout à fait plaisante ne fait que souligner davantage tout en conférant une réelle ambiance. Tout cela fonctionne très bien : on est dans l’époque, on est dans l’Art Nouveau. Ajoutons que l’objet en lui-même renforce cette impression, de part notamment la tranche qui représente un décor floral vert du plus bel effet. J’aime assez le trait même si je ne goute guère ces visages taillés à la serpe façon manga. Et que dire de ces nez pointus ? Question de goût, certes. Quant au scénario, j’avoue l’avoir trouvé assez poussif, et la conclusion faiblarde. Tout ça pour ça ? Mais ce sont surtout les personnages en eux-mêmes qui m’ont dérangé. En effet, je ne suis pas parvenu à les sentir, et pas un seul instant je n’ai cru à leur psychologie romantique doucereuse. C’est trop ! Trop gentil, trop béni-oui-oui. A mon sens, ce n’est pas parce qu’on donne dans le fantastique qu’il faut s’affranchir de toute crédibilité dans la construction des personnages. Je salue donc le travail, l’ambiance forte et la beauté graphique, avec toutefois les quelques réserves évoquées, mais je n’irai pas plus loin.
Idiss
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs. Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy. Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie. Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5
Himawari house
Je n'ai pas accroché à cette chronique intimiste d'une maison d'étudiant(e)s au Japon. Presque 400 pages pour les états d'âmes de trois jeunes femmes venues perfectionner leur japonais ( mais qui parlent toujours en américain) c'est long. Il y donc de nombreux endroits où je me suis désintéressé des aléas sentimentaux ou du job de l'une ou l'autre. Il faut noter que les dialogues où les jeunes femmes parlent en japonais sont dans les deux langues. C'est un avantage pour bien comprendre la situation due au langage mais cela prend de la place et conduit à des dialogues assez basiques. Par contre j'ai apprécié le graphisme de Harmony Becker qui est très souple et bien expressif. L'autrice utilise différents styles pour bien faire ressortir la situation . Cela peut être très détaillé en semi réaliste ou alors utilisé un style plus manga avec des visages déformés. C'est un graphisme moderne qui devrait plaire aux ados. D'ailleurs à mes yeux la narration est surtout visuelle ce qui conduit à ce volumineux ouvrage. Les extérieurs sont peu nombreux mais quand ils existent ils sont soignés( tenues traditionnelles, quartier, nature fleurie) Un petit 3 pour une lecture en pointillé qui ne m'a pas apporté.
Fin de la parenthèse
Ça s’appelle l’égrégore. C’est hautement magique. - Ce tome est le second d’un diptyque : il fait suite à Tu n’as rien à craindre de moi (2016). Sa première édition date également de 2016. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins, et par Brigitte Findakly pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix pages de bande dessinée. Il commence par une page d’introduction rédigée par l’auteur sur l’importance de Salvador Dalí pour lui. Deux individus sont en train de regarder et de commenter un tirage du tarot de Marseille. Ils échangent sur la fixation de l’un à propos des jumelles, sur les systèmes de pensée, sur le pouvoir des Américains, des Saoudiens ou des Qataris dans l’art contemporain, sur Romain Gary, sur les entretiens de Salvador Dalí avec Louis Pauwels, sur la façon dont Platon défendait le Logos par un recours paradoxal au mythe, etc. Sur une plage paradisiaque de sable blanc, Lior, une très belle femme, s’adresse à l’artiste pictural Seabearstein. Elle lui dit que ce qui le fait retourner en France n’a aucune logique. Lui-même entretient des doutes quant à sa décision de rentrer. Elle l’aide à faire son nœud de cravate. Il s’en va, et elle se rend compte qu’il lui manque… au bout de onze secondes. Elle croit qu’elle est vraiment amoureuse. Lui est arrivé à l’aéroport international de La Cucaracha, tirant sa valise à roulettes derrière lui, tout en fumant un cigare. Il prend place dans l’avion, et il sirote des cocktails. Il explique à l’hôtesse de l’air qu’aujourd’hui, pour une fois, un héros qui n’est pas américain va peut-être sauver la planète. Ce n’est pas lui, c’est Salvador Dalí. Derrière lui, deux autres voyageurs papotent en anglais, et évoquent des champignons hallucinogènes. L’artiste s’approche et ils lui en offrent un petit paquet. Seabearstein sort de l’avion à Paris, sous la pluie. Il se parle à lui-même : ce truc qui le saisit lorsqu’on revient en France. Ce sentiment que son pays vit une sorte de malédiction depuis trente ans. L’imaginaire en panne, incapables d’aimer le monde actuel, ni d’être aimés par lui. Ne plus comprendre ni les échanges économiques ni les mouvements de population. Ne plus comprendre l’amour non plus. Comme si à force d’être coincés entre Nord et Sud, on était devenus complètement idiots. Voilà ce vide où est la France aujourd’hui. Par manque de génie. On manque de génie. Il évoque Jean Gabin dans le film Le président, avec l’agent de la douane, lui faisant observer qu’avec un tribun comme lui, le Front National n’aurait aucune chance, ce dont son interlocuteur n’a cure. Il prend un taxi-moto pour se rendre l’aéroport à Paris, et il discute religion avec le motard. Ce dernier estime que la religion donne des réponses à toutes les questions. L’artiste rétorque qu’il veut devenir chrétien apostolique et romain, épouser Gala une deuxième fois, selon le rite copte. Il décide de descendre de moto et de terminer le trajet à pied sous la pluie. Il rejoint le Centre Dalinien pour le Futur dont les bureaux se situent place Vendôme, abrités par la maison Schiaparelli. Il discute avec Farida Khela, et il écoute le projet qu’elle lui propose : ressusciter ou réveiller Dali qui est cryogénisé par une expérience consistant à passer quatre nuits dans un hôtel particulier avec quatre modèles nues. Le lecteur retrouve Seabearstein, exilé dans une île paradisiaque à la fin du tom précédent, en compagnie de la magnifique Lior. Il rentre à Paris et il se voit confier une mission : réveiller Salvador Dalí (1904-1989) ou participer à sa résurrection en fonction du point de vue, en réalisant une session de dessins très particulière. L’enjeu est de sauver le monde, ou au moins la France d’un obscurantisme grandissant, par le retour de Dali en prophète non-religieux. Par contraste avec le tome précédent, celui-ci repose donc sur une intrigue, avec une mission dont l’objectif est défini, même si les modalités peuvent paraître floues. Le lecteur continue de voir en Seabearstein, un avatar de l’auteur dont le patronyme évoque une forme orthographique déformée de Cyber-stein. En effet les quatre modèles évoluent nues la plupart du temps, sauf Christel qui a choisi de porter un string avec l’accord de l’artiste. Il s’agit de quatre mannequins travaillant pour la haute couture, des maisons comme Yves Saint-Laurent ou Schiaparelli. En vis-à-vis de la page d’introduction de l’auteur, se trouve une photographie du peintre prise par Jean Gaumy, avec en arrière-plan quatre jeunes femmes nues. Alors que Seabearstein se trouve à assister à la préparation d’un défilé, il se fait la remarque qu’il n’y a aucune de ces modèles qu’il ait envie de voir nue. Il ne parvient pas à comprendre comment Farida Khelfa effectue ses castings : les filles trop sexy sont tout de suite éliminées. La haute couture, c’est l’anti-Pirelli. Il croit qu’elle garde les œuvres d’art sur pattes : des filles aux cartilages originaux, à la démarche inexplicable. Sfar les représente avec cette même vision : de grandes jeunes femmes, avec des os protubérants, parfois tout juste la peau sur les os, souples, conscientes de leur beauté, de très beaux yeux, des jambes interminables, des bras fins, de beaux cheveux. Le lecteur voit cette beauté plastique, sans pour autant qu’elle ne dégage d’érotisme. Le lecteur fait connaissance avec les quatre mannequins dès la couverture, un moment qui se situe vers la fin du récit : la blonde Christel, les jumelles nommées uniquement par leur surnom Tweedle Dee & Tweedle Dum, et au centre Seabearstein avec Ylva derrière lui. L’auteur donne rapidement un soupçon de personnalité aux jumelles qui restent toutefois interchangeables, remplissant leur fonction d’incarnation vivante de la beauté. Ylva bénéficie d’une discussion en tête à tête avec Seabearstein le temps de deux pages (34 & 35), évoquant son habitude d’être en retard à elle, le songe de Jacob (épisode biblique du Livre de la Genèse). Ces éléments ne joueront pas de rôle significatif par la suite ; en revanche le dessinateur retranscrit avec justesse et amour les différents gestes et postures du mannequin, très sensuels. Le cas de Christel s’avère un peu différent : elle et lui ont été dans une relation amoureuse précédemment. Elle assure sa fonction de muse dénudée, avec un soupçon de résistance symbolique au processus en conservant son string, et en ayant un enjeu émotionnel vis-à-vis de l’artiste. Son rôle n’est pas cantonné à une fonction : elle porte un regard personnel sur l’artiste qui les représente. Comme pour l’album précédent, le dessinateur fait preuve d’un degré élevé d’implication pour représenter les environnements, présents dans 95% des cases. Les caractéristiques de dessin restent les mêmes : des traits de contour très fins, un peu tremblés comme mal assurés, donnant une apparence parfois malhabile aux personnages et aux décors, voire froissée, tout en conservant un regard adulte dépourvu de naïveté. En dehors de l’hôtel particulier, l’artiste emmène le lecteur sur une plage paradisiaque, avec bungalow sur le sable, faire du surf sur les vagues, devant l’aéroport La Cucaracha, au guichet d’embarquement, dans les rangées de sièges de l’avion, dans un immeuble de la place Vendôme, dans ses sous-sols pour voir Dalí dans sa chambre de cryogénisation, dans les coulisses d’un défilé pour la maison Schiaparelli, dans les rues de Paris et dans le muséum d’Histoire naturelle. Il apporte également un grand soin à représenter les différentes pièces de l’hôtel particulier et leur décoration : la terrasse, le grand escalier avec ses tentures rouge et sa rambarde de bois, les parquets, les œuvres d’art, la chambre de Seabearstein, l’ascenseur, le jardin avec sa piscine, le salon avec ses canapés et ses fauteuils, la salle à manger. Sous des dehors griffonnés à la va-vite, Sfar représente cette habitation avec la même attention et la même affection qu’il porte aux modèles. Dans son introduction, Joan Sfar explicite son intention. Il commence par indiquer que ce livre n’est que la retranscription d’une expérience réelle, vécue à Paris l’an dernier par quatre modèles et un dessinateur. Il n’indique pas si l’expérience menée était exactement identique à celle racontée. Le lecteur peut penser que la forme littéraire l’emporte sur la réalité : Seabearstein semble bien fonctionner comme un avatar de l’auteur, tout en n’étant pas exactement lui, puisqu’il est possible d’assimiler l’un des passagers de l’avion à un autre avatar plus proche physiquement de l’auteur. Dans le même temps, la référence à la pratique du dessin en tant qu’étudiant d’art lors de dissection de cadavres correspond bien à une expérience personnelle de Sfar. Ensuite, l’expérience qui doit participer au réveil de Dalí s’avère très compréhensible : reproduire ses tableaux par les poses des mannequins. Sfar indique que c’est par ce processus qu’il a pu saisir l’esprit de Dalí au-delà des simples images que constituent ses tableaux. L’objectif devient : ranimer l’esprit de Salvador Dalí chez l’artiste pour retrouver sa flamme, ses visions, son génie. Cette interprétation de la présente bande dessinée se trouve confortée par l’introduction de Sfar, et le tirage des cartes du tarot de Marseille, au début et à la fin de l’ouvrage. L’auteur écrit que : L’envie de sacré ne le prend pas tous les jours. Il a peu d’enthousiasme pour les rituels des religions consacrée ; il ressent le besoin de se barder de la mystique de grands artistes. Il s’agit pour lui de défendre les arts et la liberté qu’on attaque de plus en plus. Face au mur des Pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. Il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée. Dans la deuxième partie du tirage de cartes, l’un des deux personnages mentionne la Kabbale, une tradition ésotérique du judaïsme. L’enjeu pour l’auteur est bel et bien d’effectuer une expérience mystique lui permettant de faire l’expérience d’une révélation spirituelle sur l’ordre des choses, le sens de la vie. A-t-il réussi ? Après lecture, il s’avère que le texte de quatrième de couverture synthétise bien la nature de cet ouvrage : Et si l’art était la seule alternative à la violence et à l’obscurantisme contemporain ? Et si seul Salvador Dalí, en prophète surréaliste pouvait en montrer le chemin ? Pour répondre à cette question, Joann Sfar raconte son étude des œuvres du peintre, par le biais d’une expérience entre réalité et fiction (dans une proportion impossible à déterminer) : un rituel entre spiritisme et reconstitution des œuvres du maître. Le lecteur ressort de cette bande dessinée avec l’envie irrépressible de découvrir l’œuvre de Salvador Dalí, avec ses propres moyens, un rituel d’acculturation à sa manière en fonction de ses moyens.
Détectives
Avec cette série, Herik Hanna renoue avec ses héros entraperçus dans Sept détectives. Nous les découvrirons cette fois, un à un le temps d’un album. Les récits se veulent indépendants mais mieux vaut les lire dans l’ordre et connaître leur précédente aventure commune. La partie graphique est confiée à chaque fois à un dessinateur différent (exception toutefois pour S. Guinebaud qui assure également la conclusion). Les styles seront différents mais le tout fait force d’une certaine homogénéité. On aura ses préférences mais ceux sont surtout les intrigues qui feront le sel des tomes. Je ne suis pas féru du genre polar détective privé mais le scénariste s’en sort dans l’ensemble plutôt habilement. Rien de vraiment marquant, cependant ça s’amuse assez avec les codes pour un moment pas déplaisant, ça manque juste d’un petit fil rouge. Au programme : Enquêtes campagnarde pour le 1er (plutôt fun), à Hollywood pour le 2 (le plus faible), huis clos dans un manoir pour le 3 (classique), Paris pour le 4 (sympa et pas que par chauvinisme), Londres pour le 5 (le meilleur à ce stade), le 6 approfondira le complexe John Eaton (surprenant) et enfin le dernier sur Else … ce n’est pas une conclusion en apothéose (quoique) mais ça boucle la boucle de façon honnête et satisfaisante. Du boulot correct pour les amateurs, on peut papillonner en fonction de son attirance pour un personnage mais c’est bien plus sympa dans son ensemble. Sinon la version courte pour avoir le « dénouement » de Sept détectives, c’est de ne lire que les tomes 6 et 7.
Dungeon reset
Avec cette série, rien de franchement nouveau dans le monde des Isekai mais ça reste potable pour les amateurs. Notre héros ne sera juste pas le seul à être enlevé et téléporté pour participer à ce jeu de survie dans un monde fantasy. Pour retourner sur la terre, le seul espoir des joueurs est de terminer l’ensemble des niveaux en complétant les donjons et en battant les boss … mission quasi impossible tant la difficulté est hardue et la survie problématique. La mort n’est jamais bien loin et seul les plus forts survivront. Précisons également que chaque joueur, à son arrivée, se verra confier un pouvoir/compétence où on distinguera 2 catégories : les fighters et les crafteurs ; que chaque niveau est supervisé par une sorte d’administrateur (un lapin, un babouin, un lion …) qui feront avancer un peu le pourquoi du comment des mystères de ce monde, et qu’à chaque victoire d’un boss, le donjon se réinitialise dans sa forme d’origine. Voilà pour le fond. Nous y suivrons Dawoon, faible humain qui survivra à un piège lors de la réinitialisation du donjon. Cet événement étant inédit pour le jeu, notre héros vivra désormais en marge des règles du système et deviendra comme un bug dans la matrice. Nous irons désormais de deus ex machina en deus ex machina avec lui. Il pourra refaire les donjons autant qu’il le souhaite et acquerra de nombreuses autres compétences en cours de route (le côté RPG est très présent) mais jamais vraiment combattantes, toujours autour du crafting. Ça ne l’empêchera pas d’avancer et d’affronter de nombreuses menaces seul. Il deviendra petit à petit comme un dieu. C’est loin d’être exceptionnel mais ça reste sympatoche à lire pour peu que l’on ne soit pas allergique au genre. Il faut aimer le coté « petit nid douillet et bien manger », notre héros étant obnubilé par ces aspects (et étant le seul à pouvoir les réaliser), comme le côté méchante créature (à l’instant T) qui deviendra meilleure pote du héros par la suite … Bref rien de fou et pas spécialement dès plus trépidant sur la longueur, une réalisation lambda … cependant quand même divertissant. Pas le pire mais pas le mieux lu. Un petit 3*. Nota : le format initial étant webtoon, malgré la bonne fluidité des planches je suis toujours un peu dérangé par leur composition .
L'Executeur
Du travail bien fait, efficace, dynamique, hyper rythmé. Les amateurs de polars musclés misant avant tout – et quasi uniquement sur l’action – seront sans aucun doute satisfaits de découvrir cette série, qui ne s’embarrasse pas de psychologie, mais qui réussit son pari de tenir en haleine le lecteur. Le principe est assez simple sur le papier. Et en y réfléchissant, pas toujours crédible. Mais là on oublie aisément ce détail. De riches personnes, parient des sommes énormes durant un jeu particulier. Chaque parieur/joueur dispose d’un pion, un homme/tueur, qui doit survivre à un duel, et éliminer le pion/tueur de son adversaire (si nécessaire en apportant un « marqueur », c’est-à-dire un doigt). Harry, le héros, ancien militaire devenu « pion » presque par hasard, va se révéler excellent, le meilleur de tous. Mais aussi sans pitié, ne se contentant pas de prélever un doigt, et tuant le plus souvent les « perdants ». Lorsqu’il veut quitter le jeu, il doit alors faire face à la volonté des « joueurs » de l’éliminer, dans une partie où les enjeux financiers ont décuplé. C’est violent, de l’action pure, avec un dernier tome qui m’a fait penser à certains passages de la chasse de Zaroff. C’est une série assez typée, qui manque certes de profondeur. Mais dans le genre thriller/polar cynique et violent, elle se situe dans le haut du panier, c’est très bien réalisé. Avec un dessin réaliste agréable (seule la colorisation m’est parfois apparu inégale). Une belle réussite du genre, critiquable, mais si c’est votre came, c’est du tout bon.
L'Université des Chèvres
Je commence à découvrir les BD de Lax, qui m'intéresse décidément beaucoup. Avec "L'université des chèvres" il parle d'un thème déjà évoqué dans Un certain Cervantès, à savoir l'éducation et la culture. Son récit est surprenant, tellement que j'ai longtemps cru que c'était une réelle histoire avant de découvrir que non, c'était un récit inventé sur un canevas réel. Et c'est franchement surprenant ! Le suivi est logique et permet d'établir la continuité du message, à savoir une lutte constante contre l'obscurantisme et pour le développement intellectuel des enfants. L'accès à la littérature et aux livres, l'apprentissage de la lecture et la transmission des savoirs dans des sociétés qui rejettent cette source d'émancipation. Que ce soit le curé, l'imam ou le chef du village, c'est une querelle de compromis, de vision du monde et de volonté religieuse qui s'organise. Le trait de Lax est excellent, avec un sens de la couleur et de la lumière remarquable. Que les environnement soient le désert américain, les Alpes, les montagnes Afghanes, j'ai apprécié l'utilisation de la couleur pour faire ressortir la lumière. Le dessin transmet beaucoup et permet de s'immerger rapidement dans le récit, mais aussi de marquer la continuité entre les époques et les thématiques. Ce qui m'a beaucoup plu, également, c'est que la BD passe par différents moments qu'il joint thématiquement même s'ils nous semblent éloignés dans les faits. Par exemple les pensionnats indiens, le trumpisme ou l'école coranique, qui participent pourtant au même débat. Et la question liée du racisme, du colonialisme, de la question éducative, des femmes ... Ces éternels sujets qu'il faut sans cesse ressasser en espérant qu'un jour, enfin, il n'y ai plus besoin de les défendre ... Une BD éducative sur l'éducation, qui m'a personnellement beaucoup plu. Les personnages fictifs sont attachants et le récit porte des questionnements que je trouve très actuels. Une lecture plaisante et recommandée !
Eurydice
J'ai bien évidemment acheté la BD dès que je pouvais me précipiter chez le libraire qui le mettait en devanture, puisque Lou Lubie et Solen Guivre passaient en dédicace dans ma ville et que j'ai pu avoir un joli Pygmalion et Orphée sur la page de garde ! Mais j'ai mis du temps à la lire puisque ma copine avait préséance, étant donné que c'est elle qui avait fait la dédicace (on ne vole pas la première lecture aux autres !). Bref, j'ai enfin pu le lire et oui, c'est du très bon ! Même si à titre personnel, j'ai un léger souci, pas bien méchant, mais qui m'a titillé en fermant la lecture : la sensation que la BD était trop courte. En tout cas, si les deux autrices veulent remettre le couvert pour d'autres mythes grecs c'est un grand OUI pour ma part ! Parce que la mythologie grec, j'en raffole, que je lis et dévore tout ce qui y traite et que, bien qu'appréciant les mythes d'origine, je suis carrément avec les relectures de mythes pour en faire une histoire adapté à notre temps et nos enjeux. Tirésias, Le Feu de Thésée, La Gloire d'Héra ou encore Médée, Le Dieu vagabond me semblent d'excellentes idées : la reprise de thèmes classiques souvent connus par le grand nombre pour en refaire sortir une morale, une idée, une clé de lecture du monde mais contemporain. Et c'est tout ce que j'apprécie dans les mythes : cette possibilité d'être repris et refait à toutes les sauces, pour nous parler encore et toujours de nous. Je digresse mais c'est un point essentiel pour moi, puisque la BD est à la fois une adaptation du mythe d'Orphée, mais aussi une relecture de celui-ci intégrant divers sujets bien d'actualités. La question du mensonge religieux, la représentation des corps, la technologie (avec Galatée et Pygmalion), les travailleurs et les artistes ... Des questionnements bien contemporains que j'ai trouvé traités élégamment, chacun ayant droit à sa touche sans forcément de réponse claire, nous laissant avec les conclusions que l'on veut. Mais c'est assez pertinent sur bien des points, et le cahier graphique avec les sources d'inspirations à la fin est une excellente idée pour nous en révéler quelque unes qui peuvent passer inaperçu (je n'avais pas remarqué comment avait été dessiné Galatée par rapport aux autres femmes par exemple) mais aussi pour montrer les sources d'influences diverses, à la croisée de bien des civilisations ! L'histoire et le découpage sont précis, mais le dessin de Solène Guivre, que je découvre, est formidable ! Que ce soit dans les corps (et la danse), où l'on sent le poids de la chair, du mouvement, la sueur et l'effort, où le monde de papier et de pierre qui oscille entre un fantasme de beauté blanche et pure et une réalité dure et colorée, on sent le travail derrière. Et je dirais que niveau jeux de couleurs, c'est tout aussi prenant, que ce soit la représentation synesthésique de la musique où les contrastes du désert. Une relecture mythologique qui flirte avec le féminisme, la lutte des classes et les luttes de pouvoir, forcément ça allait me parler. Assez limpide pour qu'on y rattache ce qu'on veut comme métaphore (j'y ai personnellement vu la question des IA), mais assez cryptique pour qu'on ne puisse pas limiter l'histoire à une seule vision. Le mythe d'Orphée est encore une fois repris, preuve de son intemporalité, pour s'inscrire dans notre temporalité, et je ne peux que vous encourager à le découvrir !