Clairement pas le plus passionnant des hommages à Lucky Luke.
Pour commencer, je n'aime pas le dessin. Il n'y a que sur de rares cases paysagères que je l'ai apprécié, comme celles où est dessinée la locomotive du train. Le reste du temps, je trouve les personnages grossièrement dessinés et la mise en scène trop basique.
Il en est de même pour la narration : on dirait une histoire pour pré-adolescents, avec de l'action sans arrêt mais rien d'accrocheur. Le comportement des personnages y est mauvais, à commencer par Lucky Luke et son choix de faire une telle traversée à vélo plutôt que de récupérer Jolly Jumper ou de chercher à atteindre une voie de chemin de fer. Idem pour la crise de jalousie artificielle de Jolly Jumper ou pour l'acharnement des deux méchants.
Du coup, c'est toute l'intrigue de l'histoire qui ne tient pas debout, et comme l'humour n'y est pas drôle à mon goût, je me suis ennuyé durant cette lecture.
Un des genres qui fonctionnent le moins bien en bandes dessinées, selon moi, est le genre horrifique. C’est pourtant le genre choisi par Erik Kriek dans ce récit. Son inspiration semble principalement venir des films de la seconde moitié des années septante et de la première moitié des années quatre-vingt. On retrouve ainsi ce concept de la maison maudite marquée par la mort, et dans laquelle vont débarquer des personnages eux-mêmes perturbés par un drame personnel.
Il s’agit donc d’un récit sans réelle surprise et, pour qu’il marche, son ambiance se devait d’être marquante. Et de ce point de vue, le dessin d’Erik Kriek est un réel atout. Il s’en dégage une noirceur et une forme de difformité malaisante qui sont fort a propos. C’est, je pense, le principal atout de ce livre.
Malheureusement, l’écriture n’est pas à la hauteur du dessin. A commencer par la calligraphie choisie, que je trouve trop grosse par rapport au format du livre. J’ai ainsi constamment eu l’impression que les personnages criaient. Mais les dialogues eux-mêmes tombent souvent à plat. Comme aucun traducteur n’est mentionné dans l’album, je suppose que c’est Erik Kriek qui s’est lui-même chargé de cette version française, et je me demande s’il s’agissait d’une bonne idée. La traduction est correcte mais certaines tournures de phrases sont lourdes. J’avais ainsi à la fois l’impression de lire un résumé de ce que les personnages devaient dire dans la version originale tout en trouvant certaines informations données un peu inutiles ou redondantes.
Le principal demeure cependant le récit en lui-même. Et celui-ci manque clairement d’originalité. Par ailleurs, les personnages auraient pu être plus développés, histoire de leur donner plus de zones d’ombre et de justifier la noirceur du récit. Là, l’ensemble m’a semblé trop gentil, trop expéditif et trop prévisible.
Pour ma part, ce sera un bof, et cet album confirme à mes yeux qu’il est difficile d’effrayer au travers d’une bande dessinée.
Léo Ferré est un chanteur qui m'a intéressé un temps, en tout cas ce que je connaissais de lui (en tant que chanteur et en tant que personne, ses idées politiques) me l'avait rendu très sympathique et attachant.
C'est aujourd'hui un personnage qui tombe dans l'oubli. Et je dois dire que cet album ne garantit pas de l'en faire sortir. En effet, je l'ai trouvé globalement décevant.
J'ai eu du mal avec le dessin. Sans fioriture et plutôt lisible, je l'ai trouvé brouillon et très inégal. En particulier les très nombreux visages connus ne sont pas toujours réussis et reconnaissables.
Mais c'est surtout la narration que j'ai trouvée sans saveur. Elle finit par rendre presque insipide Léo Ferré, et cela dessert la volonté pourtant affirmée en préface de rendre hommage au bonhomme et à son oeuvre.
On a souvent l'impression de lire une chronologie illustrée. Un procédé classique qui manque de dynamisme et ronronne trop.
Ayant lu un certain nombre de choses concernant les échanges entre André Breton et Léo Ferré, j'attendais de voir comment c'était traité ici. Eh bien je dois dire que ce passage frôle le n'importe quoi. Outre que comme le reste il est traité sur le ton de l'anecdote illustrée, la cause de la rupture est ici ridicule et incompréhensible (Breton voudrait écrire une préface à "Poète vos papiers", est invité chez Ferré, tout se passe bien, il dort chez Ferré mais, visiblement réveillé aux aurores par un coq, et mal luné, Breton déclame en colère "Léo, en danger, ne faites jamais paraitre ce livre". Et puis c'est tout). Bien malin celui qui comprendra quelque chose (et Breton apparait ici comme un débile profond ?).
Bref, j'ai insisté sur cette anecdote car le surréalisme et Breton sont de mes passions, mais elle est éclairante: une suite d'anecdotes - fussent-elles pertinentes - ne forme pas une biographie intéressante, encore moins passionnante, ce qui est un comble pour un bonhomme qui a vécu ses passions (amoureuses, poétiques, politiques, musicales) sans transiger.
La volonté de bien faire ne suffit pas.
C'est une série tout public, mais le coeur de cible est assez jeune (une dizaine d'années je pense), et celui-ci peut éventuellement être plus réceptif que moi à ces gags, qui m'ont globalement laissé sur ma faim.
Le dessin de Dominique Hennebaut hésite entre le Dutreix de Martin l'apprenti pirate et le Parme de Famille Pirate, pour rester dans l'univers des pirates. Assez simple et moderne, c'est sans doute l'aspect le mieux réussi et efficace.
Car les strips gags d'Emeriau ne m'ont pas vraiment convaincu. Certains sont réellement amusants. Mais c'est très inégal (beaucoup m'ont laissé de marbre). Et, surtout, j'ai trouvé le procédé des gags très - trop - répétitif. Et cela casse l'effet. Grosso modo, les premières images nous montrent notre capitaine pirate faire la leçon à ses mousses, faire son fier, la grande gueule, avec dans la dernière case presque toujours le même type de chute, qui ridiculise notre hâbleur: les premières cases laissent à penser qu'on est au XVIIème ou XVIIIème siècle dans l'univers des pirates, tandis que dans celle de la chute, nous nous trouvons dans un décor et avec des personnages contemporains (au supermarché, dans la rue, etc). Ces anachronismes surprennent et amusent au départ, mais l'effet est vite émoussé, et les sourires s'estompent au bout d'un moment hélas.
A réserver à un jeune lectorat.
Note réelle 2,5/5.
Je poste mon avis après lecture des deux premiers tomes, qui forment un diptyque - et qui ne m'ont pas du tout convaincu de lire le suivant.
Je mets deux étoiles, parce que ça se laisse lire, mais franchement, si j'avais à résumer la série par une formule lapidaire, ce serait: du déjà-vu trop mollasson.
En effet, les amateurs de ce genre de polar (virant vaguement sur le thriller) peuvent éventuellement y trouver leur compte, s'ils sont en manque de lecture. Mais ça se consomme et s'oublie comme un téléfilm sans réelle saveur.
Nous suivons des employés d'une société spécialisée dans la protection 24 heures sur 24 de tous ceux qui ont les moyens de payer leurs émoluments - c'est à dire les très riches. C'est d'ailleurs un cliché du genre horripilant, se focaliser sur le monde de la grande finance, de la jet-set, des ultra riches. C'est un peu facile (on ne s'emmerde pas avec les contingences du quotidien pour le scénario), et surtout vu et revu. Donc forcément le "protégé" fréquente les boites de nuit et autres lieux branchés, séduit toutes les pépés, dépense sans compter, etc.
Au milieu de tout ça quelques dialogues tentent de glisser une petite - toute petite - critique du système et des inégalités en matière de sécurité, mais aussi des pratiques des grandes entreprises (ici des essais cliniques franchement peu éthiques et légaux réalisés par l'entreprise d'un magnat britannique, sur des prisonniers dans une prison pour "djihadistes"). Mais ça fait un peu hypocrite, ou plutôt "cosmétique".
Pour le reste, si la narration est claire, je trouve qu'il y a des longueurs - en particulier dans le premier tome, et que ça ramollit l'intrigue, qui pourtant mise tout sur l'action, au détriment de la psychologie des personnages. Les gardes du corps de luxe bénéficient aussi d'atouts scénaristiques peu crédibles (je pense en particulier au "dopage"). Et j'ai trouvé à la fois trop faciles et là aussi un peu hypocrites les révélations de la fin et la chute.
Enfin, si le dessin est lui aussi très lisible, je l'ai trouvé sans saveur et sans âme. La colorisation manque aussi de nuances.
Gros bof donc.
Adaptation trop sage et trop fidèle
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Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre, cinq histoires courtes en fait. Il constitue l'adaptation du film à sketch du même nom : Creepshow (1982) de George A. Romero (1940-2017), sur la base d'un scénario original de Stephen King. L'adaptation a été réalisée par Bernie Wrightson (1948-2017) pour les dessins et l'encrage, avec une mise en couleurs de Michelle Wrightson. La couverture a été réalisée par Jack Kamen, un des artistes réguliers des EC Comics.
La fête des pères, 11 pages : dans le grand salon de la demeure des Grantham, Sylvia Grantham, Cassandra Grantham, Nathan Grantham et Hank Blaine prennent le thé en dégustant des scones. La conversation débouche sur l'arrivée de tante Bedelia Grantham à quatre heures pétantes. Hank demande si c'est bien elle qui a tué Richard Grantham et Sylvia confirme qu'elle a éclaté le crâne de son père avec un cendrier en verre. D'ailleurs Bedelia arrive au volant de sa voiture dans la propriété ne conduisant pas d'une manière assurée, et pour cause, elle est en train de boire à même la bouteille, un alcool fort. Elle se gare à proximité des tombes. Pendant ce temps-là, les membres de la famille racontent à Hank que Richard Grantham était un invalide tyrannique et qu'il a fait assassiner son fiancé. La mort de Jordy Verrill, 11 pages : quelque part dans une région rurale des États-Unis, Jordy Verrill, un jeune homme, regarde une météorite passer dans le ciel. Il se rend à son point de chute et la touche avec l'extrémité des doigts, mais se brûle. Il se voit déjà en train de la vendre au département des sciences de l'université, marchandant sur son prix, avec un professeur qui refuse de payer ce qu'il demande. Toujours en réfléchissant à comment en tirer un bon prix, en le revendant à quelqu'un d'autre, il verse un sceau d'eau froide dessus pour abaisser sa température, et la sphère rocheuse se fend en deux.
La caisse, 20 pages : Mike Latimer, un homme de ménage, est en train de passer dans l'aile scientifique de l'université d'Horlicks. Il s'arrête pour tirer une pièce à pile ou face : la pièce retombe par terre et roule dans un réduit sous l'escalier. Il se penche pour essayer de la récupérer, éclaire avec sa lampe torche pour y voir quelque chose, et constate la présence d'une caisse avec une inscription évoquant une expédition arctique de 1834. Il décide d'appeler le professeur Dexter Stanley pour l'en informer. Celui-ci est à une réception dans un jardin, avec son collègue Henry Northup qui voit son épouse Wilma draguer sans vergogne un autre invité. Stanley décide de quitter la fête pour aller aider Latimer à récupérer la caisse et l'ouvrir. Un truc pour se marrer, 10 pages : Harry Wentworth n'a plus que la tête qui dépasse du sable, sur une belle plage, et la marée est en train de monter. Il entretient une relation extraconjugale avec Becky Vickers. Or Richard Vickers s'est aperçu de leur petit jeu et il a piégé sa femme, puis diffusé une bande enregistrée dans laquelle elle demande à Harry de lui venir en aide. C'est ainsi qu'il a pu également attirer Harry dans un piège. Ça grouille de partout, 10 pages : Upson Pratt est un homme richissime d'une soixantaine d'années qui vit seul dans un luxueux appartement tout blanc. Ce soir-là, il vient de se lever de son fauteuil pour pulvériser une grande quantité de produit anti-nuisible sur un cafard qui vient de passer par terre devant lui. Il appelle ses bureaux et tombe sur George Gendron à qui il demande d'envoyer une entreprise de désinfection séance tenante, alors que son employé souhaite lui parler d'une OPA hostile sur l'entreprise Pacific Aerodyne.
Voilà une adaptation qui a priori a tout pour plaire. Pour commencer, il s'agit d'une adaptation d'un film à sketch dont l'ambition affichée est de rendre hommage aux bandes dessinées EC Comics, maison d'édition américaine fondée en 1945 par Max Gaines, qui connut son heure de gloire durant la première partie des années 1950 avec des anthologies d'horreur comme The Crypt of Terror, The Vault of Horror et The Haunt of Fear. Ces récits suivaient une structure formatée : généralement 8 pages, avec une courte introduction par un personnage horrifique de type sorcière ou monstre, une histoire à chute, avec une forme de justice immanente ou de morale, et parfois des calembours macabres. le réalisateur utilise exactement le même format avec l'intervention de Creep, un vieillard encapuchonné avec des rides l'enlaidissant, des jeux de mots un peu faciles, et une morale assez tordue, pas vraiment conforme à celle judéo-chrétienne. Les intrigues ont donc été confiées au maître de l'horreur, Stephen King, alors âgé de 35 ans. Lui aussi se calque sur les conventions des comics EC. Le premier récit est donc une histoire de vengeance, avec un individu revenant d'outre-tombe. La seconde met en scène la transformation horrifique d'un être humain. La troisième repose sur une créature dévorant des êtres humains, la quatrième sur une vengeance en forme de meurtre, et la dernière sur une obsession qui tourne à la folie mortelle.
Ces cinq contes horrifiques se lisent facilement et sont sympathiques, mais avec une horreur qui ne se prend pas au sérieux. L'histoire de revenant joue sur le grotesque avec un vieillard acariâtre réclamant son gâteau, la seconde sur le fait que Jordy Verrill est un peu lent du cerveau, la troisième sur un grosse bébête pleine de dents, la quatrième sur une méthode de meurtre un peu trop spectaculaire, et la dernière sur une vraie phobie mais exagérée. le lecteur peut ressentir le fait que l'auteur intègre une saveur parodique à sa narration, ne cherchant pas à faire peur au premier degré. Ça peut être déstabilisant, parce que d'un côté certaines histoires auraient pu fonctionner au premier degré, et parce l'hommage tourne court. En outre, l'adaptateur (son nom n'est pas explicite, vraisemblablement Wrightson) essaye d'écrire à la manière des EC Comics, c'est-à-dire avec des phylactères et des cartouches souvent explicatifs pour essayer d'instaurer un ton. En plus il reprend l'idée d'hommage amusé, avec les commentaires mi-cyniques, mi-moqueurs de Creep, mais en fait assez plats. Du coup, la narration donne une sensation vieillotte, s'adressant à de jeunes lecteurs, désamorçant la dimension horrifique des histoires.
Un peu déçu par l'orientation donnée par George Romero à son hommage aux EC Comics, et par les intrigues de Stephen King, un peu trop linéaires, le lecteur se dit qu'il va se rabattre sur la prestation de l'artiste, un maître en matière d'horreur gothique, avec son adaptation du roman de Mary Shelley Bernie Wrightsons Frankenstein ou ses récits pour le magazine successeur spirituel d'EC Creepy Presents Bernie Wrightson. Effectivement le dessinateur est plutôt en forme et a eu le temps de soigner toutes ses pages. Il croque des visages plutôt sympathiques, jouant sur les expressions veules et les petites exagérations, en phase avec la tonalité sarcastique des commentaires, et le comportement méprisable de la plupart des personnages. Il prend le temps de représenter les décors très régulièrement avec un niveau de détails satisfaisant : les fauteuils confortables du salon, les fenêtres à croisillon, les pierres tombales, la maison à étage en bordure de champ, avec la pompe à essence devant, la décoration surannée et fanée de la pièce à vivre de la maison de Jordy Verrill, la maison confortable des Northup, les veines du bois de la caisse, les vagues et le courant, les pièces blanches aseptisées de l'appartement d'Upson Pratt.
Au fil de ces cinq sketchs, le lecteur apprécie quand Bernie Wrightson se départit d'une narration très naturaliste pour appuyer une ambiance avec un effet. Il retrouve par endroit la verve macabre de l'artiste : l'infirme frappant son fauteuil avec sa canne avec hargne, pour se faire obéir de sa fille, les expressions de visage de Jordy Verrill attestant qu'il est un peu simplet, l'aspect à la fois bucolique et angoissant de sa maison recouverte d'herbe, la dentition acérée du monstre dans la caisse, la chair en décomposition de Becky Vickers et d'Harry Wentworth. Dans ces moments-là, il retrouve son inspiration d'horreur gothique qui fit sa renommée. Il semble également être beaucoup plus à l'aise dans les deux derniers récits. Pour une partie du quatrième, les prises de vue se font à la hauteur de la tête d'Harry Wentworth, la seule partie de son corps qui dépasse de la surface du sable, pour un effet très réussi donnant la sensation au lecteur d'être lui aussi ensablé jusqu'au cou. Dans le dernier, sa direction d'acteur fait apparaître comment Upson Pratt perd peu à peu sa maîtrise de lui-même, sa phobie des cafards gagnant du terrain, pas forcément de la manière dont s'y attend le lecteur.
Difficile de résister à l'attrait de l'adaptation d'un film de Romero, avec un scénario de Stephen King, réalisée par Bernie Wrightson. À la lecture, il est compliqué de dire à qui s'adresse ces récits oscillant entre la parodie du récit d'horreur à chute, surtout du fait des textes un peu balourds, et entre le premier degré horrifique. Bernie Wrightson réalise des planches soignées mais où il semble qu'il est soit en mode fonctionnel, soit il s'est retenu pour ne pas trahir l'esprit du film, alors que des dessins plus dans son registre habituel macabre et gothique auraient apporté une saveur irrésistible a priori compatible avec l'esprit des auteurs.
Sentiment clairement mitigé après la lecture de cet imposant album. Si je reconnais les qualités techniques de l’objet, l’histoire qu’Olivier Grenson m’a racontée n’a pas réussi à me toucher.
Qualités techniques ? Bah le dessin, déjà, qui est très beau (malgré quelques personnages aux profils particuliers). Les planches sont soignées, la mise en couleur est pleinement réussie -jusque dans les passages les plus fantasques qui explosent littéralement de couleurs vives-, le découpage est bon, les personnages sont bien croqués, la narration est fluide. C’est le travail d’un professionnel talentueux.
L’histoire, elle, nous propose de suivre deux personnages réunis par le hasard de la guerre (et des bombardements allemands sur Londres en 1940) : un ‘grand-père’ qui vient de perdre son épouse et une ‘petite-fille’ égarée en quête de sa mère. Deux personnages assez classiques pour ce type de contexte et les liens d’amitié qui vont naître entre eux n’ont rien de surprenant. Très rapidement, j’ai ressenti une forme de monotonie avec ce quotidien rythmé par les alertes aériennes et la recherche de la mère de Mary. Un quotidien uniquement interrompu par des passages fantasmagoriques dans lesquels Isaac raconte une histoire de fantasy à Mary. Cet aspect, plus original, a pour but (je pense) de nous montrer l’importance de ne pas perdre notre capacité à rêver, même dans les pires circonstances. Malheureusement, j’ai trouvé ce conte assez obscur. Surtout, à plus d’une occasion, j’ai trouvé que le vocabulaire employé par Isaac n’était pas du tout adapté à une aussi jeune auditrice. Quant à la morale de ce conte, et bien, je serais bien en peine de vous la donner…
Donc voilà, j’ai lu le récit en me doutant beaucoup trop de sa conclusion et sans que ce qui en fait l’originalité ne parvienne à me convaincre. Reste le dessin de Grenson, qui est souvent très beau… mais je suis un lecteur bien plus en quête d’histoire que d’illustrations. Et là, l'histoire m'a clairement laissé indifférent.
Cet album est un recueil de gags en une planche, de strips et de dessins réalisés par Pierre Kroll pour la presse et ayant tous pour thème l'écologie et l'environnement. Leur création s'étale des années 90 (l'édito indique années 80 mais je n'ai pas su identifier ceux-là) jusqu'à la fin des années 2010. Ils abordent des sujets divers, allant de la crise de la vache folle au nucléaire en passant par la malbouffe et le gaspillage.
Pierre Kroll a un bon coup de crayon. Son style est certes celui de dessins de presse mais il a une patte bien reconnaissable et sous des aspects un peu lâchés, on sent le soin derrière ses planches. Et il inclut également régulièrement des couleurs directes assez jolies.
Par contre, je n'ai pas trouvé ça drôle. Beaucoup de ces petits dessins avaient l'air de travail de commande : "tiens, je viens d'écrire un article sur ce sujet, tu pourrais me faire un petit crobard pour l'illustrer ? Pas besoin que ce soit drôle, tu fais ce que tu veux, j'ai juste besoin que ça attire l'œil des lecteurs." Et de fait, je n'ai pas ri de tout l'album. Pourtant, certains gags ont l'air vraiment bâti pour ça mais non, je les ai trouvés poussifs et convenus. On notera aussi que beaucoup de sujets sont éculés et ne parlent plus au lecteur moderne, comme la crise de la vache folle, Georges W Bush ou d'autres sujets d'une actualité dépassée.
Vous me direz que la thématique globale de l'environnement et l'écologie ne sera jamais un sujet dépassé, certes mais ça n'interdit pas de s'allouer les services d'un scénariste si on sait bien dessiner mais pas vraiment faire rire ses lecteurs.
BD clairement à destination des ados, classée par les éditeurs et libraires en "young adult", qui reprend les codes commerciaux de cette littérature spécifique (assez proches de ceux des séries TV) : une intrigue se déroulant sur un rythme accéléré, des personnages très sommairement décrits répondant initialement à des stéréotypes (l'écorchée, la rejetée, la timide...), évocation du quotidien de cette tranche d'âge (relation aux parents, l'école et la vie sociale, vie sentimentale, etc.) souvent, comme ici, via le genre de la tranche de vie.
L'on découvrira le passé de chacune des cinq héroïnes progressivement, une par tome (là aussi, un grand classique de cette littérature avec cette gestion chorale des personnages et de l'intrigue), tout en conservant une trame générale qui avance logiquement et relie habilement l'ensemble. Les personnages prennent peu à peu de l'ampleur, s'enrichissent d'un passé assez chargé.
Les BéKa, fidèles à eux-mêmes, chargent lourdement la barque en "feel good". C'est très didactique, très bienveillant, émouvant aussi. Les invraisemblances initiales de l'intrigue s'expliquent peu à peu, et le côté "feel good" n'empêche pas l'intrigue d'aboutir à une fin ouverte dramatique.
La morale de l'ensemble est pour le moins discutable et met de côté tous les apports des sciences sociales : ici, bienveillance et volonté peuvent surmonter toutes les inégalités sociales et traumas de l'enfance. Et puis il y a cette vision expéditive et radicale de la justice, que ne renieraient pas les partis de droite les plus décomplexés sinon radicaux, si plébiscités actuellement dans nos contrées.
Couleurs et illustrations recherchent la délicatesse, conciliant la froideur sans âme du trait fin de l'ordinateur et le chaud de ses couleurs saturées.
Cela se lit le plus souvent agréablement, tantôt émeut puis agace. Cette grosse cavalerie a ses partisans, ses facilités et sa moralité ont aussi leurs détracteurs.
J'aime beaucoup Lewis Trondheim, j'ai lu beaucoup de ses albums. Il m'était difficile de faire l'impasse sur celui-ci.
Pour rappel Trondheim s'était lancé sur le sujet sans avoir de scénario pré-conçu et en se forçant à respecter le format gaufrier 4 cases par 3 durant ... 500 pages.
Ce n'est pas pour le dessin que j'aime Trondheim habituellement et cela se vérifie ici. On excusera le trait grossier du débutant qui s'affine au fur et à mesure, c'est intéressant de voir les choses sous cet angle là.
Là où je suis resté sur ma faim est le scénario, construit au fur et à mesure et cela se voit, trop. Il y a beaucoup d'apports de personnages secondaires Scanlan, Ghoran, Mister Weird, KuiKui, le Maire, le Macheur, Baker, l’archéologue… la liste est longue et il est facile de s’y perdre. Certes Trondheim ne manque pas d'imagination, c'est clair. Mais cela devient vraiment confus.
Cette approche improvisée aboutit à une conclusion précipitée, où en quelques pages, tout est bouclé de manière abrupte, laissant de nombreux personnages et intrigues secondaires en suspens. Cela ajoute une couche de frustration pour le lecteur, d’autant plus qu’il n’y a pas de véritable fin.
L’intrigue, si elle peut se montrer plaisante au début, s’étire sur 500 pages, ce qui finit par lasser et j'ai vraiment plus vécu la fin de la lecture comme une contrainte (je ne sais pas arrêter un livre en cours, où alors c'est que je n'accroche pas du tout, ce qui n'est pas le cas ici).
En conclusion, “Les Carottes de Patagonie” est une lecture intéressante pour les inconditionnels de Lewis Trondheim, offrant un aperçu de son processus créatif et de son imagination débordante. Cependant, la longueur excessive et le manque de cohésion narrative rendent l’expérience trop pénible pour moi.
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Lucky Luke - Lucky Luke se recycle
Clairement pas le plus passionnant des hommages à Lucky Luke. Pour commencer, je n'aime pas le dessin. Il n'y a que sur de rares cases paysagères que je l'ai apprécié, comme celles où est dessinée la locomotive du train. Le reste du temps, je trouve les personnages grossièrement dessinés et la mise en scène trop basique. Il en est de même pour la narration : on dirait une histoire pour pré-adolescents, avec de l'action sans arrêt mais rien d'accrocheur. Le comportement des personnages y est mauvais, à commencer par Lucky Luke et son choix de faire une telle traversée à vélo plutôt que de récupérer Jolly Jumper ou de chercher à atteindre une voie de chemin de fer. Idem pour la crise de jalousie artificielle de Jolly Jumper ou pour l'acharnement des deux méchants. Du coup, c'est toute l'intrigue de l'histoire qui ne tient pas debout, et comme l'humour n'y est pas drôle à mon goût, je me suis ennuyé durant cette lecture.
La Mare
Un des genres qui fonctionnent le moins bien en bandes dessinées, selon moi, est le genre horrifique. C’est pourtant le genre choisi par Erik Kriek dans ce récit. Son inspiration semble principalement venir des films de la seconde moitié des années septante et de la première moitié des années quatre-vingt. On retrouve ainsi ce concept de la maison maudite marquée par la mort, et dans laquelle vont débarquer des personnages eux-mêmes perturbés par un drame personnel. Il s’agit donc d’un récit sans réelle surprise et, pour qu’il marche, son ambiance se devait d’être marquante. Et de ce point de vue, le dessin d’Erik Kriek est un réel atout. Il s’en dégage une noirceur et une forme de difformité malaisante qui sont fort a propos. C’est, je pense, le principal atout de ce livre. Malheureusement, l’écriture n’est pas à la hauteur du dessin. A commencer par la calligraphie choisie, que je trouve trop grosse par rapport au format du livre. J’ai ainsi constamment eu l’impression que les personnages criaient. Mais les dialogues eux-mêmes tombent souvent à plat. Comme aucun traducteur n’est mentionné dans l’album, je suppose que c’est Erik Kriek qui s’est lui-même chargé de cette version française, et je me demande s’il s’agissait d’une bonne idée. La traduction est correcte mais certaines tournures de phrases sont lourdes. J’avais ainsi à la fois l’impression de lire un résumé de ce que les personnages devaient dire dans la version originale tout en trouvant certaines informations données un peu inutiles ou redondantes. Le principal demeure cependant le récit en lui-même. Et celui-ci manque clairement d’originalité. Par ailleurs, les personnages auraient pu être plus développés, histoire de leur donner plus de zones d’ombre et de justifier la noirceur du récit. Là, l’ensemble m’a semblé trop gentil, trop expéditif et trop prévisible. Pour ma part, ce sera un bof, et cet album confirme à mes yeux qu’il est difficile d’effrayer au travers d’une bande dessinée.
Léo Ferré - Ni Dieu, ni Maître
Léo Ferré est un chanteur qui m'a intéressé un temps, en tout cas ce que je connaissais de lui (en tant que chanteur et en tant que personne, ses idées politiques) me l'avait rendu très sympathique et attachant. C'est aujourd'hui un personnage qui tombe dans l'oubli. Et je dois dire que cet album ne garantit pas de l'en faire sortir. En effet, je l'ai trouvé globalement décevant. J'ai eu du mal avec le dessin. Sans fioriture et plutôt lisible, je l'ai trouvé brouillon et très inégal. En particulier les très nombreux visages connus ne sont pas toujours réussis et reconnaissables. Mais c'est surtout la narration que j'ai trouvée sans saveur. Elle finit par rendre presque insipide Léo Ferré, et cela dessert la volonté pourtant affirmée en préface de rendre hommage au bonhomme et à son oeuvre. On a souvent l'impression de lire une chronologie illustrée. Un procédé classique qui manque de dynamisme et ronronne trop. Ayant lu un certain nombre de choses concernant les échanges entre André Breton et Léo Ferré, j'attendais de voir comment c'était traité ici. Eh bien je dois dire que ce passage frôle le n'importe quoi. Outre que comme le reste il est traité sur le ton de l'anecdote illustrée, la cause de la rupture est ici ridicule et incompréhensible (Breton voudrait écrire une préface à "Poète vos papiers", est invité chez Ferré, tout se passe bien, il dort chez Ferré mais, visiblement réveillé aux aurores par un coq, et mal luné, Breton déclame en colère "Léo, en danger, ne faites jamais paraitre ce livre". Et puis c'est tout). Bien malin celui qui comprendra quelque chose (et Breton apparait ici comme un débile profond ?). Bref, j'ai insisté sur cette anecdote car le surréalisme et Breton sont de mes passions, mais elle est éclairante: une suite d'anecdotes - fussent-elles pertinentes - ne forme pas une biographie intéressante, encore moins passionnante, ce qui est un comble pour un bonhomme qui a vécu ses passions (amoureuses, poétiques, politiques, musicales) sans transiger. La volonté de bien faire ne suffit pas.
Bande de pirates !
C'est une série tout public, mais le coeur de cible est assez jeune (une dizaine d'années je pense), et celui-ci peut éventuellement être plus réceptif que moi à ces gags, qui m'ont globalement laissé sur ma faim. Le dessin de Dominique Hennebaut hésite entre le Dutreix de Martin l'apprenti pirate et le Parme de Famille Pirate, pour rester dans l'univers des pirates. Assez simple et moderne, c'est sans doute l'aspect le mieux réussi et efficace. Car les strips gags d'Emeriau ne m'ont pas vraiment convaincu. Certains sont réellement amusants. Mais c'est très inégal (beaucoup m'ont laissé de marbre). Et, surtout, j'ai trouvé le procédé des gags très - trop - répétitif. Et cela casse l'effet. Grosso modo, les premières images nous montrent notre capitaine pirate faire la leçon à ses mousses, faire son fier, la grande gueule, avec dans la dernière case presque toujours le même type de chute, qui ridiculise notre hâbleur: les premières cases laissent à penser qu'on est au XVIIème ou XVIIIème siècle dans l'univers des pirates, tandis que dans celle de la chute, nous nous trouvons dans un décor et avec des personnages contemporains (au supermarché, dans la rue, etc). Ces anachronismes surprennent et amusent au départ, mais l'effet est vite émoussé, et les sourires s'estompent au bout d'un moment hélas. A réserver à un jeune lectorat. Note réelle 2,5/5.
Damoclès
Je poste mon avis après lecture des deux premiers tomes, qui forment un diptyque - et qui ne m'ont pas du tout convaincu de lire le suivant. Je mets deux étoiles, parce que ça se laisse lire, mais franchement, si j'avais à résumer la série par une formule lapidaire, ce serait: du déjà-vu trop mollasson. En effet, les amateurs de ce genre de polar (virant vaguement sur le thriller) peuvent éventuellement y trouver leur compte, s'ils sont en manque de lecture. Mais ça se consomme et s'oublie comme un téléfilm sans réelle saveur. Nous suivons des employés d'une société spécialisée dans la protection 24 heures sur 24 de tous ceux qui ont les moyens de payer leurs émoluments - c'est à dire les très riches. C'est d'ailleurs un cliché du genre horripilant, se focaliser sur le monde de la grande finance, de la jet-set, des ultra riches. C'est un peu facile (on ne s'emmerde pas avec les contingences du quotidien pour le scénario), et surtout vu et revu. Donc forcément le "protégé" fréquente les boites de nuit et autres lieux branchés, séduit toutes les pépés, dépense sans compter, etc. Au milieu de tout ça quelques dialogues tentent de glisser une petite - toute petite - critique du système et des inégalités en matière de sécurité, mais aussi des pratiques des grandes entreprises (ici des essais cliniques franchement peu éthiques et légaux réalisés par l'entreprise d'un magnat britannique, sur des prisonniers dans une prison pour "djihadistes"). Mais ça fait un peu hypocrite, ou plutôt "cosmétique". Pour le reste, si la narration est claire, je trouve qu'il y a des longueurs - en particulier dans le premier tome, et que ça ramollit l'intrigue, qui pourtant mise tout sur l'action, au détriment de la psychologie des personnages. Les gardes du corps de luxe bénéficient aussi d'atouts scénaristiques peu crédibles (je pense en particulier au "dopage"). Et j'ai trouvé à la fois trop faciles et là aussi un peu hypocrites les révélations de la fin et la chute. Enfin, si le dessin est lui aussi très lisible, je l'ai trouvé sans saveur et sans âme. La colorisation manque aussi de nuances. Gros bof donc.
Creepshow
Adaptation trop sage et trop fidèle - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre, cinq histoires courtes en fait. Il constitue l'adaptation du film à sketch du même nom : Creepshow (1982) de George A. Romero (1940-2017), sur la base d'un scénario original de Stephen King. L'adaptation a été réalisée par Bernie Wrightson (1948-2017) pour les dessins et l'encrage, avec une mise en couleurs de Michelle Wrightson. La couverture a été réalisée par Jack Kamen, un des artistes réguliers des EC Comics. La fête des pères, 11 pages : dans le grand salon de la demeure des Grantham, Sylvia Grantham, Cassandra Grantham, Nathan Grantham et Hank Blaine prennent le thé en dégustant des scones. La conversation débouche sur l'arrivée de tante Bedelia Grantham à quatre heures pétantes. Hank demande si c'est bien elle qui a tué Richard Grantham et Sylvia confirme qu'elle a éclaté le crâne de son père avec un cendrier en verre. D'ailleurs Bedelia arrive au volant de sa voiture dans la propriété ne conduisant pas d'une manière assurée, et pour cause, elle est en train de boire à même la bouteille, un alcool fort. Elle se gare à proximité des tombes. Pendant ce temps-là, les membres de la famille racontent à Hank que Richard Grantham était un invalide tyrannique et qu'il a fait assassiner son fiancé. La mort de Jordy Verrill, 11 pages : quelque part dans une région rurale des États-Unis, Jordy Verrill, un jeune homme, regarde une météorite passer dans le ciel. Il se rend à son point de chute et la touche avec l'extrémité des doigts, mais se brûle. Il se voit déjà en train de la vendre au département des sciences de l'université, marchandant sur son prix, avec un professeur qui refuse de payer ce qu'il demande. Toujours en réfléchissant à comment en tirer un bon prix, en le revendant à quelqu'un d'autre, il verse un sceau d'eau froide dessus pour abaisser sa température, et la sphère rocheuse se fend en deux. La caisse, 20 pages : Mike Latimer, un homme de ménage, est en train de passer dans l'aile scientifique de l'université d'Horlicks. Il s'arrête pour tirer une pièce à pile ou face : la pièce retombe par terre et roule dans un réduit sous l'escalier. Il se penche pour essayer de la récupérer, éclaire avec sa lampe torche pour y voir quelque chose, et constate la présence d'une caisse avec une inscription évoquant une expédition arctique de 1834. Il décide d'appeler le professeur Dexter Stanley pour l'en informer. Celui-ci est à une réception dans un jardin, avec son collègue Henry Northup qui voit son épouse Wilma draguer sans vergogne un autre invité. Stanley décide de quitter la fête pour aller aider Latimer à récupérer la caisse et l'ouvrir. Un truc pour se marrer, 10 pages : Harry Wentworth n'a plus que la tête qui dépasse du sable, sur une belle plage, et la marée est en train de monter. Il entretient une relation extraconjugale avec Becky Vickers. Or Richard Vickers s'est aperçu de leur petit jeu et il a piégé sa femme, puis diffusé une bande enregistrée dans laquelle elle demande à Harry de lui venir en aide. C'est ainsi qu'il a pu également attirer Harry dans un piège. Ça grouille de partout, 10 pages : Upson Pratt est un homme richissime d'une soixantaine d'années qui vit seul dans un luxueux appartement tout blanc. Ce soir-là, il vient de se lever de son fauteuil pour pulvériser une grande quantité de produit anti-nuisible sur un cafard qui vient de passer par terre devant lui. Il appelle ses bureaux et tombe sur George Gendron à qui il demande d'envoyer une entreprise de désinfection séance tenante, alors que son employé souhaite lui parler d'une OPA hostile sur l'entreprise Pacific Aerodyne. Voilà une adaptation qui a priori a tout pour plaire. Pour commencer, il s'agit d'une adaptation d'un film à sketch dont l'ambition affichée est de rendre hommage aux bandes dessinées EC Comics, maison d'édition américaine fondée en 1945 par Max Gaines, qui connut son heure de gloire durant la première partie des années 1950 avec des anthologies d'horreur comme The Crypt of Terror, The Vault of Horror et The Haunt of Fear. Ces récits suivaient une structure formatée : généralement 8 pages, avec une courte introduction par un personnage horrifique de type sorcière ou monstre, une histoire à chute, avec une forme de justice immanente ou de morale, et parfois des calembours macabres. le réalisateur utilise exactement le même format avec l'intervention de Creep, un vieillard encapuchonné avec des rides l'enlaidissant, des jeux de mots un peu faciles, et une morale assez tordue, pas vraiment conforme à celle judéo-chrétienne. Les intrigues ont donc été confiées au maître de l'horreur, Stephen King, alors âgé de 35 ans. Lui aussi se calque sur les conventions des comics EC. Le premier récit est donc une histoire de vengeance, avec un individu revenant d'outre-tombe. La seconde met en scène la transformation horrifique d'un être humain. La troisième repose sur une créature dévorant des êtres humains, la quatrième sur une vengeance en forme de meurtre, et la dernière sur une obsession qui tourne à la folie mortelle. Ces cinq contes horrifiques se lisent facilement et sont sympathiques, mais avec une horreur qui ne se prend pas au sérieux. L'histoire de revenant joue sur le grotesque avec un vieillard acariâtre réclamant son gâteau, la seconde sur le fait que Jordy Verrill est un peu lent du cerveau, la troisième sur un grosse bébête pleine de dents, la quatrième sur une méthode de meurtre un peu trop spectaculaire, et la dernière sur une vraie phobie mais exagérée. le lecteur peut ressentir le fait que l'auteur intègre une saveur parodique à sa narration, ne cherchant pas à faire peur au premier degré. Ça peut être déstabilisant, parce que d'un côté certaines histoires auraient pu fonctionner au premier degré, et parce l'hommage tourne court. En outre, l'adaptateur (son nom n'est pas explicite, vraisemblablement Wrightson) essaye d'écrire à la manière des EC Comics, c'est-à-dire avec des phylactères et des cartouches souvent explicatifs pour essayer d'instaurer un ton. En plus il reprend l'idée d'hommage amusé, avec les commentaires mi-cyniques, mi-moqueurs de Creep, mais en fait assez plats. Du coup, la narration donne une sensation vieillotte, s'adressant à de jeunes lecteurs, désamorçant la dimension horrifique des histoires. Un peu déçu par l'orientation donnée par George Romero à son hommage aux EC Comics, et par les intrigues de Stephen King, un peu trop linéaires, le lecteur se dit qu'il va se rabattre sur la prestation de l'artiste, un maître en matière d'horreur gothique, avec son adaptation du roman de Mary Shelley Bernie Wrightsons Frankenstein ou ses récits pour le magazine successeur spirituel d'EC Creepy Presents Bernie Wrightson. Effectivement le dessinateur est plutôt en forme et a eu le temps de soigner toutes ses pages. Il croque des visages plutôt sympathiques, jouant sur les expressions veules et les petites exagérations, en phase avec la tonalité sarcastique des commentaires, et le comportement méprisable de la plupart des personnages. Il prend le temps de représenter les décors très régulièrement avec un niveau de détails satisfaisant : les fauteuils confortables du salon, les fenêtres à croisillon, les pierres tombales, la maison à étage en bordure de champ, avec la pompe à essence devant, la décoration surannée et fanée de la pièce à vivre de la maison de Jordy Verrill, la maison confortable des Northup, les veines du bois de la caisse, les vagues et le courant, les pièces blanches aseptisées de l'appartement d'Upson Pratt. Au fil de ces cinq sketchs, le lecteur apprécie quand Bernie Wrightson se départit d'une narration très naturaliste pour appuyer une ambiance avec un effet. Il retrouve par endroit la verve macabre de l'artiste : l'infirme frappant son fauteuil avec sa canne avec hargne, pour se faire obéir de sa fille, les expressions de visage de Jordy Verrill attestant qu'il est un peu simplet, l'aspect à la fois bucolique et angoissant de sa maison recouverte d'herbe, la dentition acérée du monstre dans la caisse, la chair en décomposition de Becky Vickers et d'Harry Wentworth. Dans ces moments-là, il retrouve son inspiration d'horreur gothique qui fit sa renommée. Il semble également être beaucoup plus à l'aise dans les deux derniers récits. Pour une partie du quatrième, les prises de vue se font à la hauteur de la tête d'Harry Wentworth, la seule partie de son corps qui dépasse de la surface du sable, pour un effet très réussi donnant la sensation au lecteur d'être lui aussi ensablé jusqu'au cou. Dans le dernier, sa direction d'acteur fait apparaître comment Upson Pratt perd peu à peu sa maîtrise de lui-même, sa phobie des cafards gagnant du terrain, pas forcément de la manière dont s'y attend le lecteur. Difficile de résister à l'attrait de l'adaptation d'un film de Romero, avec un scénario de Stephen King, réalisée par Bernie Wrightson. À la lecture, il est compliqué de dire à qui s'adresse ces récits oscillant entre la parodie du récit d'horreur à chute, surtout du fait des textes un peu balourds, et entre le premier degré horrifique. Bernie Wrightson réalise des planches soignées mais où il semble qu'il est soit en mode fonctionnel, soit il s'est retenu pour ne pas trahir l'esprit du film, alors que des dessins plus dans son registre habituel macabre et gothique auraient apporté une saveur irrésistible a priori compatible avec l'esprit des auteurs.
Le Partage des Mondes
Sentiment clairement mitigé après la lecture de cet imposant album. Si je reconnais les qualités techniques de l’objet, l’histoire qu’Olivier Grenson m’a racontée n’a pas réussi à me toucher. Qualités techniques ? Bah le dessin, déjà, qui est très beau (malgré quelques personnages aux profils particuliers). Les planches sont soignées, la mise en couleur est pleinement réussie -jusque dans les passages les plus fantasques qui explosent littéralement de couleurs vives-, le découpage est bon, les personnages sont bien croqués, la narration est fluide. C’est le travail d’un professionnel talentueux. L’histoire, elle, nous propose de suivre deux personnages réunis par le hasard de la guerre (et des bombardements allemands sur Londres en 1940) : un ‘grand-père’ qui vient de perdre son épouse et une ‘petite-fille’ égarée en quête de sa mère. Deux personnages assez classiques pour ce type de contexte et les liens d’amitié qui vont naître entre eux n’ont rien de surprenant. Très rapidement, j’ai ressenti une forme de monotonie avec ce quotidien rythmé par les alertes aériennes et la recherche de la mère de Mary. Un quotidien uniquement interrompu par des passages fantasmagoriques dans lesquels Isaac raconte une histoire de fantasy à Mary. Cet aspect, plus original, a pour but (je pense) de nous montrer l’importance de ne pas perdre notre capacité à rêver, même dans les pires circonstances. Malheureusement, j’ai trouvé ce conte assez obscur. Surtout, à plus d’une occasion, j’ai trouvé que le vocabulaire employé par Isaac n’était pas du tout adapté à une aussi jeune auditrice. Quant à la morale de ce conte, et bien, je serais bien en peine de vous la donner… Donc voilà, j’ai lu le récit en me doutant beaucoup trop de sa conclusion et sans que ce qui en fait l’originalité ne parvienne à me convaincre. Reste le dessin de Grenson, qui est souvent très beau… mais je suis un lecteur bien plus en quête d’histoire que d’illustrations. Et là, l'histoire m'a clairement laissé indifférent.
Des signes qui ne trompent pas
Cet album est un recueil de gags en une planche, de strips et de dessins réalisés par Pierre Kroll pour la presse et ayant tous pour thème l'écologie et l'environnement. Leur création s'étale des années 90 (l'édito indique années 80 mais je n'ai pas su identifier ceux-là) jusqu'à la fin des années 2010. Ils abordent des sujets divers, allant de la crise de la vache folle au nucléaire en passant par la malbouffe et le gaspillage. Pierre Kroll a un bon coup de crayon. Son style est certes celui de dessins de presse mais il a une patte bien reconnaissable et sous des aspects un peu lâchés, on sent le soin derrière ses planches. Et il inclut également régulièrement des couleurs directes assez jolies. Par contre, je n'ai pas trouvé ça drôle. Beaucoup de ces petits dessins avaient l'air de travail de commande : "tiens, je viens d'écrire un article sur ce sujet, tu pourrais me faire un petit crobard pour l'illustrer ? Pas besoin que ce soit drôle, tu fais ce que tu veux, j'ai juste besoin que ça attire l'œil des lecteurs." Et de fait, je n'ai pas ri de tout l'album. Pourtant, certains gags ont l'air vraiment bâti pour ça mais non, je les ai trouvés poussifs et convenus. On notera aussi que beaucoup de sujets sont éculés et ne parlent plus au lecteur moderne, comme la crise de la vache folle, Georges W Bush ou d'autres sujets d'une actualité dépassée. Vous me direz que la thématique globale de l'environnement et l'écologie ne sera jamais un sujet dépassé, certes mais ça n'interdit pas de s'allouer les services d'un scénariste si on sait bien dessiner mais pas vraiment faire rire ses lecteurs.
Filles uniques
BD clairement à destination des ados, classée par les éditeurs et libraires en "young adult", qui reprend les codes commerciaux de cette littérature spécifique (assez proches de ceux des séries TV) : une intrigue se déroulant sur un rythme accéléré, des personnages très sommairement décrits répondant initialement à des stéréotypes (l'écorchée, la rejetée, la timide...), évocation du quotidien de cette tranche d'âge (relation aux parents, l'école et la vie sociale, vie sentimentale, etc.) souvent, comme ici, via le genre de la tranche de vie. L'on découvrira le passé de chacune des cinq héroïnes progressivement, une par tome (là aussi, un grand classique de cette littérature avec cette gestion chorale des personnages et de l'intrigue), tout en conservant une trame générale qui avance logiquement et relie habilement l'ensemble. Les personnages prennent peu à peu de l'ampleur, s'enrichissent d'un passé assez chargé. Les BéKa, fidèles à eux-mêmes, chargent lourdement la barque en "feel good". C'est très didactique, très bienveillant, émouvant aussi. Les invraisemblances initiales de l'intrigue s'expliquent peu à peu, et le côté "feel good" n'empêche pas l'intrigue d'aboutir à une fin ouverte dramatique. La morale de l'ensemble est pour le moins discutable et met de côté tous les apports des sciences sociales : ici, bienveillance et volonté peuvent surmonter toutes les inégalités sociales et traumas de l'enfance. Et puis il y a cette vision expéditive et radicale de la justice, que ne renieraient pas les partis de droite les plus décomplexés sinon radicaux, si plébiscités actuellement dans nos contrées. Couleurs et illustrations recherchent la délicatesse, conciliant la froideur sans âme du trait fin de l'ordinateur et le chaud de ses couleurs saturées. Cela se lit le plus souvent agréablement, tantôt émeut puis agace. Cette grosse cavalerie a ses partisans, ses facilités et sa moralité ont aussi leurs détracteurs.
Lapinot et les Carottes de Patagonie
J'aime beaucoup Lewis Trondheim, j'ai lu beaucoup de ses albums. Il m'était difficile de faire l'impasse sur celui-ci. Pour rappel Trondheim s'était lancé sur le sujet sans avoir de scénario pré-conçu et en se forçant à respecter le format gaufrier 4 cases par 3 durant ... 500 pages. Ce n'est pas pour le dessin que j'aime Trondheim habituellement et cela se vérifie ici. On excusera le trait grossier du débutant qui s'affine au fur et à mesure, c'est intéressant de voir les choses sous cet angle là. Là où je suis resté sur ma faim est le scénario, construit au fur et à mesure et cela se voit, trop. Il y a beaucoup d'apports de personnages secondaires Scanlan, Ghoran, Mister Weird, KuiKui, le Maire, le Macheur, Baker, l’archéologue… la liste est longue et il est facile de s’y perdre. Certes Trondheim ne manque pas d'imagination, c'est clair. Mais cela devient vraiment confus. Cette approche improvisée aboutit à une conclusion précipitée, où en quelques pages, tout est bouclé de manière abrupte, laissant de nombreux personnages et intrigues secondaires en suspens. Cela ajoute une couche de frustration pour le lecteur, d’autant plus qu’il n’y a pas de véritable fin. L’intrigue, si elle peut se montrer plaisante au début, s’étire sur 500 pages, ce qui finit par lasser et j'ai vraiment plus vécu la fin de la lecture comme une contrainte (je ne sais pas arrêter un livre en cours, où alors c'est que je n'accroche pas du tout, ce qui n'est pas le cas ici). En conclusion, “Les Carottes de Patagonie” est une lecture intéressante pour les inconditionnels de Lewis Trondheim, offrant un aperçu de son processus créatif et de son imagination débordante. Cependant, la longueur excessive et le manque de cohésion narrative rendent l’expérience trop pénible pour moi. Pour ceux qui ne connaissent pas Lapinot, il peut être plus judicieux de commencer par Les Formidables Aventures de Lapinot avant de se plonger dans cette œuvre-ci.