Un documentaire qui présente Chamesddine Marzoug, bénévole au croissant rouge. Un pêcheur d'une cinquantaine d'années, il vit à Zarzis une ville au sud de la Tunisie, il offre de son temps et de son argent pour offrir une tombe aux migrants anonymes qui ont péri lors de la traversée de la mer méditerranée. Laurent Galandon a vécu quinze jours auprès de Chamesddine pour découvrir la réalité de son quotidien "d'ange gardien des migrants".
Je vais commencer par le titre de l'album, une phrase/expression que je ne connaissais pas et dont je ne comprenais pas la signification, jusqu'à ce qu'elle prenne tout son sens en refermant la BD. Et je ne peux qu'être en admiration devant autant d'altruisme et d'humanité.
La vie en Tunisie n'est pas facile, et la révolution du jasmin n'a pas amélioré les choses. De nombreux tunisiens ne rêvent que d'Europe, mais ils ne sont pas les seuls à vouloir immigrer, de nombreux migrants venus d'autres pays africains veulent faire de même. Laurent Galandon fait un parallèle tout en finesse avec l'Ukraine et le choix européen du "deux poids deux mesures".
Un album qui ne peut laisser insensible, il est facile de pouvoir s'identifier aux nombreux personnages au travers leurs vies personnelles, en particulier à Abdoulaye, un petit garçon échoué sur la plage, à la recherche de sa maman.
Un constat brutal et émouvant sur une triste réalité.
J'ai eu du mal à apprivoiser la partie graphique en début de lecture, un style qui ne me convient pas. Mais j'ai fini par l'adopter et la jolie mise en couleur y est pour beaucoup.
Un album qui se termine par une galerie de photos prises à Zarzis par Laurent Galandon.
Lecture recommandée.
Note réelle : 3,5.
"La misère de la France est un paradis pour nous".
J’ai le même ressenti que gruizzli après lecture de cet album (une lecture sympathique, et un travail graphique qui m’a parfois paru hésitant et en tout cas assez fluide).
C’est une histoire qui use de plusieurs thématiques, que ce soit en gros plan (le mal être d’un adolescent) et dans les plans plus éloignés (une famille problématique – avec surtout un père gros connard et lâche – les conséquences de la guerre du Vietnam et l’euphorie autour de la première mission habitée sur la lune comme arrière-plan général).
Il y a une bonne alternance entre épisodes où le mal-être domine (le héros mal dans sa peau, se cherchant, le frère rentrant mutilé du Vietnam, les relations familiales tendues, la maladie de la copine du héros, etc.) et ceux plus positifs (le héros trouvant des amis/alliés, se cultivant, exprimant son talent et cherchant à reconstituer le livre illustré d’Audubon, et le final en forme d’happy-end généralisé).
Mais, si l’histoire se laisse lire (le personnage de Doug, le héros, est bien « construit », la façon dont il se transforme et prend son destin en main est intéressante), je l’aurais sans doute davantage appréciée avec un dessin plus à mon goût. Je n’ai pas été séduit par le trait fragile, presque maladroit (très lisible quand même !).
Même si le scénario est quand même original, on retrouve quand même ici ce qui fait du Zidrou classique. A savoir une intrigue à la narration fluide et agréable, et une histoire assez sirupeuse (un chouia trop parfois, mais sans tomber dans la mièvrerie ou trop de facilités).
Disons que, malgré quelques vacheries échangées entre protagonistes, et quelques petits traits d’humour, on reste sur quelque chose de feel good, avec gros happy end et « bonheur pour tout le monde » (même pour ceux qui semblaient devoir rester sur le quai – avec un petit retournement ironique entre les deux collègues/colocataire, qui échangent leurs places entre la chambre et les toilettes !). Mais Zidrou sait faire passer tout ça et ça se laisse lire – sans pour autant me donner l’envie d’y revenir je pense.
Un petit moment de détente bien accompagné par le dessin de Salomone, que j’ai trouvé très chouette. Très bon techniquement, mais aussi et surtout joli à regarder, reconstituant très bien décor et ambiance des années 1960, dans sa version insouciante des Trente glorieuses. Et les deux copines sont plutôt sensuelles.
Une comédie romantique sympathique.
J'hésite entre 2.5 et 3. Le double thème est bien maîtrisé: montrer la réalité du métier de mangaka et y intégrer un élément un peu fantastique pour imager des "et si". Le charadesign est soigné, les sujets sont abordés sans détour et sans forcer sur la pagination, ce qui laisse présager une série qui ne s'étirera pas sur des dizaines de tomes en prenant le lecteur pour un pigeon. Pas de doute, l'auteur respecte son lecteur.
Contrairement à beaucoup de managa didactiques typiques du Japon (on en trouve sur tous les sujets: préparation aux typhons, techniques de pêche...), il y a une volonté de montrer que le personnage subit, c'est son pain quotidien mais qu'il pourra aussi abuser de sa position si l'occasion s'en présente et qu'il le souhaite. La version adulte de l'auteur est délicieusement mystérieuse: avertissement ou tentation de découragement? Il est à la fois le Jiminy Cricket et le diablotin qui murmurent à l'oreille de Pinocchio. Et il y a le développement du personnage qui semblait être un kleenex dans le premier tome et qui révèle sa personnalité dans le second.
Dommage que certains personnages soient trop caricaturaux, on devine leurs intentions à leurs tronches, un peu de nuance aurait apporté une couche de suspens. Et puis, sérieusement, ces cases de hentai sont-elles vraiment nécessaires? A cause de ces 3-4 pages, ce récit éxclut un paquet de lecteurs potentiels, de jeunes voulant en savoir plus sur le monde de l'édition et de la création. Comment pourrais-je montrer ça à mon fils de 12 ans?
Alors les Fabrice, ce sont 2 gars qui érigent la bétise en art de vivre, qui sévissent dans l'édito tordant du journal Spirou.
Les 2 auteurs ont déjà bossé ensemble, on connaît leur style basé sur la compilation de séquences comiques ou de récits courts. Ici c'est bien une histoire complète au format standard qui prend le temps d'installer les situations. Le délire des clichés mexicains à base de moustache fait mouche direct avec moi, je suis aux anges.
Pas de temps morts, les situations d'aventure et d'humour décalé s'enchaînent mais peut-être à un rythme qu'ils semblent s'imposer et du coup, on a l'impression que la crétinerie de nos 2 gugusses tournent en rond. Je me marre de la pauvre guide qui se retrouve diminuée à chaque imprévu mais on se doute de plus en plus rapidement combien de cases vont s'écouler avant qu'elle ne morfle à nouveau. Mais ça tourne un peu en rond donc c'est frustrant.
Pourtant les décors et les personnages sont variés, peut-être que le récit aurait dû être plus court pour être plus punchy.
Quelles belles aquarelles, quel souffle épique.
On est en territoire connu, cette histoire s'intégre parfaitement dans le monde de Nausicaä de la vallée du vent (créée d'ailleurs à la même époque) : costumes, bestiaire, expressions du visage, thème de l'écologie et du rapport à notre civilisation... Autant d'éléments qui sont la patte Ghibli que l'on retrouve tout au long de la carrière du maître.
Mais ici c'est la forme qui change: pas de gaufrier, pas de bulles de dialogue mais seulement 1 ou 2 cases par page avec quelques lignes discrètes de voix off. Ce n'est pas un manga mais bien un conte qui serait destiné à de grands enfants capables d'affronter quelques thèmes plus durs (la traite d'esclaves, ce n'est pas du Ungerer). Mais pas vraiment non plus car on a aussi l'impression de feuilleter une sorte de story-board compilant des (magnifiques) croquis préparatoires, une case pouvant résumer une séquence d'action complète.
Une note moyenne car le nom Miyazaki est si lourd à porter que l'on est forcément plus sévère. Si l'auteur avait été moins connu et l'œuvre clairement classée comme un conte, la note serait supérieure.
Joe Sacco a déjà publié plusieurs albums sur la situation en Palestine – et à Gaza même. Tous de qualité. Et qui le suit sait qu’il a depuis longtemps cherché à consolider ses connaissances du sujet.
Cet album pêche par sa concision, et son côté « coup de gueule » brut et sans réel travail de construction. Il n’y a pas ici le travail de terrain habituel – et pour cause, puisque tous ceux qui pourraient témoigner sont impitoyablement tués.
Mais ce sont aussi ces caractéristiques qui en font sa force.
En effet, Sacco en appelle en fin d’album à Dante, décrivant l’enfer vécu par les Gazaouis. Près d’un an après le début de publication de ces rubriques aux États-Unis, la réalité dépasse l’entendement et les images formulées par Sacco. Les massacres s’enchaînent, les déclarations génocidaires et racistes des dirigeants israéliens se suivent. Et ceux qui dénoncent ces crimes sont eux-mêmes « criminalisés », poursuivis, en Europe ou aux États-Unis (ne parlons pas d’Israël), la censure étouffe ceux qui veulent encore croire à une réaction face à la barbarie (et les crimes – réels – du Hamas ne justifient en rien ce qui se fait depuis des mois à Gaza). Face à cette censure, Sacco propose d’user de l’expression « auto-défense génocidaire », oxymore dérisoire, qui ferait presque trait d’humour – noir – si les morts de Gaza ne nous empêchaient d’avoir envie de rire.
C’est pourquoi malgré ses défauts et son aspect presque minimaliste, le cri du cœur/coup de gueule de Sacco est salutaire, pour que le silence ne donne pas raison à ceux qui en Israël se comportent en parole et en acte comme pouvaient le faire ceux qui exterminaient les Juifs il y a quelques décennies.
Ici Sacco s’en prend à l’hypocrisie de Biden, qui arme copieusement ceux qui tuent, pour « en même temps » (décidément cette expression éclaire beaucoup d’hypocrisie !) – le cynisme de Trump n’ayant pas encore pleinement sévi au moment où Sacco écrivait ces lignes.
Marceline a 13 ans et subit de plein fouet les premiers bouleversements de la puberté : poils, odeurs, peut-être bientôt les règles, mais surtout ce sentiment de ne plus être à sa place, ni dans son corps ni au collège... Passionnée de chats, elle s'imagine sans trop y croire que tout cela vient d'une transformation progressive en chat-garou. Cette idée lui sert de refuge pour traverser ces moments difficiles. Elle n'est pas seule pour autant : à côté de ses parents qui ne l'écoutent pas assez, elle a sa meilleure amie, désormais dans un autre collège, ainsi que plusieurs jeunes de son âge qu'elle rencontre. Parmi eux, une fille encore plus folle de chats qu'elle, avec qui le courant passe moyennement, et un garçon qui assume avec le sourire son propre rejet des normes scolaires. Malgré un certain manque de maturité, Marceline a une bonne répartie et ne se laisse pas abattre par ceux qui cherchent à la harceler.
Cette BD réussit joliment à aborder le passage à l'adolescence. L'album laisse penser qu'il faut aimer les chats pour l'apprécier, mais ceux-ci ne sont finalement qu'un prétexte à dépeindre des scènes d'adolescence ordinaire, traitées avec justesse et humour. L'héroïne n'est pas obsédée par ces animaux : ils lui servent surtout de soutien moral, alors qu'elle reste bien consciente de ce qu'elle traverse et gère la situation avec intelligence. Le ton est globalement sensible et sincère. L'humour n'est pas très marqué mais maintient le sourire du lecteur et apporte la légèreté nécessaire pour tourner les pages.
Le personnage de Marceline est bien rendu, avec cette touche d'immaturité qui rappelle qu'elle sort tout juste de l'enfance, mais aussi suffisamment d'intelligence pour montrer qu'elle n'est pas naïve et sait se débrouiller quand il le faut. Le récit évite le manichéisme, ce que j'ai particulièrement apprécié, notamment dans ce passage où elle croit avoir trouvé une super amie, mais choisit finalement de s'en éloigner faute de réelle connexion. L'ami garçon qu'elle se fait ensuite est lui aussi original et attachant.
Bref, une BD sensible et juste, avec un bon équilibre d'humour et d'idées amusantes pour divertir, s'attacher à l'héroïne et parler aux jeunes lecteurs qui vivent, vivront ou ont vécu cette période difficile.
La Marquise Casati était un personnage fantasque et richissime du début du XXe siècle. Très jeune, elle avait décidé de devenir une œuvre d'art vivante, et elle a consacré son immense héritage à incarner cette idée, côtoyant de nombreux artistes et figures mondaines qu'elle fascinait par son apparence, ses extravagances et ses fêtes somptueuses.
Je ne la connaissais pas du tout, et cette BD m'a permis de découvrir l'ensemble de sa vie. Il faut reconnaître qu'elle était vraiment singulière et a su faire preuve d'une créativité étonnante pour marquer les esprits, sans jamais sombrer dans la vulgarité. La BD rend bien cette personnalité hors norme, avec un ton juste et une élégance qui correspond parfaitement au sujet.
Mais il est difficile de ne pas être aussi frappé par le malaise que suscite une telle débauche de moyens. Obsédée par son image et sa volonté de choquer ou d’éblouir, elle dépensait sans retenue pour nourrir cette mise en scène permanente. Du point de vue sociétal, il y a quelque chose de profondément dérangeant à voir une fortune aussi colossale dilapidée ainsi. Artistiquement, son parcours intrigue, mais face au gaspillage humain, financier et même animal qu’il implique, difficile d’y voir un simple geste artistique désintéressé. Cela donne surtout un éclairage cru sur la décadence d’un monde de privilégiés.
Malgré tout, la Marquise Casati reste un personnage fascinant, jusqu’à la fin fidèle à sa démarche, continuant à incarner son mythe même ruinée. C’est une lecture intéressante, bien mise en scène, qui brille par son élégance formelle tout en laissant un arrière-goût d’inconfort face à cette époque et à ce qu’elle révèle.
Première biographie que je lis du tandem Catel et Bocquet.
C’est du beau travail, une bio qui semble assez exhaustive, certes linéaire mais qui donne un aperçu du cheminement de pensée de cette océanographe, qu’on connaît nettement moins que Cousteau.
Avec un beau dessin bien lisible, c’est plutôt agréable à suivre.
C’est vrai qu’on pourrait reprocher un côté hagiographique, mais il semble que les auteurs aient voulu nous faire comprendre la sincérité des engagements de Mme Conti.
On voit les motivations qui la poussent à s’engager sur des pêcheries au large des côtes lointaines, et on la voit commencer à douter de cette pêche intensive pour s’engager de plus en plus, et bien en amont de beaucoup, pour la préservation des ressources d’abord et du milieu marin ensuite.
On retiendra une femme sincère, pionnière de la protection des océans.
En cette semaine où s’ouvre le sommet sur les océans, il faut se souvenir d’elle et de ses derniers combats.
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Le Dernier Costume n'a pas de poche
Un documentaire qui présente Chamesddine Marzoug, bénévole au croissant rouge. Un pêcheur d'une cinquantaine d'années, il vit à Zarzis une ville au sud de la Tunisie, il offre de son temps et de son argent pour offrir une tombe aux migrants anonymes qui ont péri lors de la traversée de la mer méditerranée. Laurent Galandon a vécu quinze jours auprès de Chamesddine pour découvrir la réalité de son quotidien "d'ange gardien des migrants". Je vais commencer par le titre de l'album, une phrase/expression que je ne connaissais pas et dont je ne comprenais pas la signification, jusqu'à ce qu'elle prenne tout son sens en refermant la BD. Et je ne peux qu'être en admiration devant autant d'altruisme et d'humanité. La vie en Tunisie n'est pas facile, et la révolution du jasmin n'a pas amélioré les choses. De nombreux tunisiens ne rêvent que d'Europe, mais ils ne sont pas les seuls à vouloir immigrer, de nombreux migrants venus d'autres pays africains veulent faire de même. Laurent Galandon fait un parallèle tout en finesse avec l'Ukraine et le choix européen du "deux poids deux mesures". Un album qui ne peut laisser insensible, il est facile de pouvoir s'identifier aux nombreux personnages au travers leurs vies personnelles, en particulier à Abdoulaye, un petit garçon échoué sur la plage, à la recherche de sa maman. Un constat brutal et émouvant sur une triste réalité. J'ai eu du mal à apprivoiser la partie graphique en début de lecture, un style qui ne me convient pas. Mais j'ai fini par l'adopter et la jolie mise en couleur y est pour beaucoup. Un album qui se termine par une galerie de photos prises à Zarzis par Laurent Galandon. Lecture recommandée. Note réelle : 3,5. "La misère de la France est un paradis pour nous".
Jusqu'ici tout va bien (Pitz)
J’ai le même ressenti que gruizzli après lecture de cet album (une lecture sympathique, et un travail graphique qui m’a parfois paru hésitant et en tout cas assez fluide). C’est une histoire qui use de plusieurs thématiques, que ce soit en gros plan (le mal être d’un adolescent) et dans les plans plus éloignés (une famille problématique – avec surtout un père gros connard et lâche – les conséquences de la guerre du Vietnam et l’euphorie autour de la première mission habitée sur la lune comme arrière-plan général). Il y a une bonne alternance entre épisodes où le mal-être domine (le héros mal dans sa peau, se cherchant, le frère rentrant mutilé du Vietnam, les relations familiales tendues, la maladie de la copine du héros, etc.) et ceux plus positifs (le héros trouvant des amis/alliés, se cultivant, exprimant son talent et cherchant à reconstituer le livre illustré d’Audubon, et le final en forme d’happy-end généralisé). Mais, si l’histoire se laisse lire (le personnage de Doug, le héros, est bien « construit », la façon dont il se transforme et prend son destin en main est intéressante), je l’aurais sans doute davantage appréciée avec un dessin plus à mon goût. Je n’ai pas été séduit par le trait fragile, presque maladroit (très lisible quand même !).
La Crevette
Même si le scénario est quand même original, on retrouve quand même ici ce qui fait du Zidrou classique. A savoir une intrigue à la narration fluide et agréable, et une histoire assez sirupeuse (un chouia trop parfois, mais sans tomber dans la mièvrerie ou trop de facilités). Disons que, malgré quelques vacheries échangées entre protagonistes, et quelques petits traits d’humour, on reste sur quelque chose de feel good, avec gros happy end et « bonheur pour tout le monde » (même pour ceux qui semblaient devoir rester sur le quai – avec un petit retournement ironique entre les deux collègues/colocataire, qui échangent leurs places entre la chambre et les toilettes !). Mais Zidrou sait faire passer tout ça et ça se laisse lire – sans pour autant me donner l’envie d’y revenir je pense. Un petit moment de détente bien accompagné par le dessin de Salomone, que j’ai trouvé très chouette. Très bon techniquement, mais aussi et surtout joli à regarder, reconstituant très bien décor et ambiance des années 1960, dans sa version insouciante des Trente glorieuses. Et les deux copines sont plutôt sensuelles. Une comédie romantique sympathique.
Stand by me Kakuemon
J'hésite entre 2.5 et 3. Le double thème est bien maîtrisé: montrer la réalité du métier de mangaka et y intégrer un élément un peu fantastique pour imager des "et si". Le charadesign est soigné, les sujets sont abordés sans détour et sans forcer sur la pagination, ce qui laisse présager une série qui ne s'étirera pas sur des dizaines de tomes en prenant le lecteur pour un pigeon. Pas de doute, l'auteur respecte son lecteur. Contrairement à beaucoup de managa didactiques typiques du Japon (on en trouve sur tous les sujets: préparation aux typhons, techniques de pêche...), il y a une volonté de montrer que le personnage subit, c'est son pain quotidien mais qu'il pourra aussi abuser de sa position si l'occasion s'en présente et qu'il le souhaite. La version adulte de l'auteur est délicieusement mystérieuse: avertissement ou tentation de découragement? Il est à la fois le Jiminy Cricket et le diablotin qui murmurent à l'oreille de Pinocchio. Et il y a le développement du personnage qui semblait être un kleenex dans le premier tome et qui révèle sa personnalité dans le second. Dommage que certains personnages soient trop caricaturaux, on devine leurs intentions à leurs tronches, un peu de nuance aurait apporté une couche de suspens. Et puis, sérieusement, ces cases de hentai sont-elles vraiment nécessaires? A cause de ces 3-4 pages, ce récit éxclut un paquet de lecteurs potentiels, de jeunes voulant en savoir plus sur le monde de l'édition et de la création. Comment pourrais-je montrer ça à mon fils de 12 ans?
À la poursuite du trésor de Décalécatán
Alors les Fabrice, ce sont 2 gars qui érigent la bétise en art de vivre, qui sévissent dans l'édito tordant du journal Spirou. Les 2 auteurs ont déjà bossé ensemble, on connaît leur style basé sur la compilation de séquences comiques ou de récits courts. Ici c'est bien une histoire complète au format standard qui prend le temps d'installer les situations. Le délire des clichés mexicains à base de moustache fait mouche direct avec moi, je suis aux anges. Pas de temps morts, les situations d'aventure et d'humour décalé s'enchaînent mais peut-être à un rythme qu'ils semblent s'imposer et du coup, on a l'impression que la crétinerie de nos 2 gugusses tournent en rond. Je me marre de la pauvre guide qui se retrouve diminuée à chaque imprévu mais on se doute de plus en plus rapidement combien de cases vont s'écouler avant qu'elle ne morfle à nouveau. Mais ça tourne un peu en rond donc c'est frustrant. Pourtant les décors et les personnages sont variés, peut-être que le récit aurait dû être plus court pour être plus punchy.
Le Voyage de Shuna
Quelles belles aquarelles, quel souffle épique. On est en territoire connu, cette histoire s'intégre parfaitement dans le monde de Nausicaä de la vallée du vent (créée d'ailleurs à la même époque) : costumes, bestiaire, expressions du visage, thème de l'écologie et du rapport à notre civilisation... Autant d'éléments qui sont la patte Ghibli que l'on retrouve tout au long de la carrière du maître. Mais ici c'est la forme qui change: pas de gaufrier, pas de bulles de dialogue mais seulement 1 ou 2 cases par page avec quelques lignes discrètes de voix off. Ce n'est pas un manga mais bien un conte qui serait destiné à de grands enfants capables d'affronter quelques thèmes plus durs (la traite d'esclaves, ce n'est pas du Ungerer). Mais pas vraiment non plus car on a aussi l'impression de feuilleter une sorte de story-board compilant des (magnifiques) croquis préparatoires, une case pouvant résumer une séquence d'action complète. Une note moyenne car le nom Miyazaki est si lourd à porter que l'on est forcément plus sévère. Si l'auteur avait été moins connu et l'œuvre clairement classée comme un conte, la note serait supérieure.
Guerre à Gaza
Joe Sacco a déjà publié plusieurs albums sur la situation en Palestine – et à Gaza même. Tous de qualité. Et qui le suit sait qu’il a depuis longtemps cherché à consolider ses connaissances du sujet. Cet album pêche par sa concision, et son côté « coup de gueule » brut et sans réel travail de construction. Il n’y a pas ici le travail de terrain habituel – et pour cause, puisque tous ceux qui pourraient témoigner sont impitoyablement tués. Mais ce sont aussi ces caractéristiques qui en font sa force. En effet, Sacco en appelle en fin d’album à Dante, décrivant l’enfer vécu par les Gazaouis. Près d’un an après le début de publication de ces rubriques aux États-Unis, la réalité dépasse l’entendement et les images formulées par Sacco. Les massacres s’enchaînent, les déclarations génocidaires et racistes des dirigeants israéliens se suivent. Et ceux qui dénoncent ces crimes sont eux-mêmes « criminalisés », poursuivis, en Europe ou aux États-Unis (ne parlons pas d’Israël), la censure étouffe ceux qui veulent encore croire à une réaction face à la barbarie (et les crimes – réels – du Hamas ne justifient en rien ce qui se fait depuis des mois à Gaza). Face à cette censure, Sacco propose d’user de l’expression « auto-défense génocidaire », oxymore dérisoire, qui ferait presque trait d’humour – noir – si les morts de Gaza ne nous empêchaient d’avoir envie de rire. C’est pourquoi malgré ses défauts et son aspect presque minimaliste, le cri du cœur/coup de gueule de Sacco est salutaire, pour que le silence ne donne pas raison à ceux qui en Israël se comportent en parole et en acte comme pouvaient le faire ceux qui exterminaient les Juifs il y a quelques décennies. Ici Sacco s’en prend à l’hypocrisie de Biden, qui arme copieusement ceux qui tuent, pour « en même temps » (décidément cette expression éclaire beaucoup d’hypocrisie !) – le cynisme de Trump n’ayant pas encore pleinement sévi au moment où Sacco écrivait ces lignes.
Marceline
Marceline a 13 ans et subit de plein fouet les premiers bouleversements de la puberté : poils, odeurs, peut-être bientôt les règles, mais surtout ce sentiment de ne plus être à sa place, ni dans son corps ni au collège... Passionnée de chats, elle s'imagine sans trop y croire que tout cela vient d'une transformation progressive en chat-garou. Cette idée lui sert de refuge pour traverser ces moments difficiles. Elle n'est pas seule pour autant : à côté de ses parents qui ne l'écoutent pas assez, elle a sa meilleure amie, désormais dans un autre collège, ainsi que plusieurs jeunes de son âge qu'elle rencontre. Parmi eux, une fille encore plus folle de chats qu'elle, avec qui le courant passe moyennement, et un garçon qui assume avec le sourire son propre rejet des normes scolaires. Malgré un certain manque de maturité, Marceline a une bonne répartie et ne se laisse pas abattre par ceux qui cherchent à la harceler. Cette BD réussit joliment à aborder le passage à l'adolescence. L'album laisse penser qu'il faut aimer les chats pour l'apprécier, mais ceux-ci ne sont finalement qu'un prétexte à dépeindre des scènes d'adolescence ordinaire, traitées avec justesse et humour. L'héroïne n'est pas obsédée par ces animaux : ils lui servent surtout de soutien moral, alors qu'elle reste bien consciente de ce qu'elle traverse et gère la situation avec intelligence. Le ton est globalement sensible et sincère. L'humour n'est pas très marqué mais maintient le sourire du lecteur et apporte la légèreté nécessaire pour tourner les pages. Le personnage de Marceline est bien rendu, avec cette touche d'immaturité qui rappelle qu'elle sort tout juste de l'enfance, mais aussi suffisamment d'intelligence pour montrer qu'elle n'est pas naïve et sait se débrouiller quand il le faut. Le récit évite le manichéisme, ce que j'ai particulièrement apprécié, notamment dans ce passage où elle croit avoir trouvé une super amie, mais choisit finalement de s'en éloigner faute de réelle connexion. L'ami garçon qu'elle se fait ensuite est lui aussi original et attachant. Bref, une BD sensible et juste, avec un bon équilibre d'humour et d'idées amusantes pour divertir, s'attacher à l'héroïne et parler aux jeunes lecteurs qui vivent, vivront ou ont vécu cette période difficile.
La Casati - La Muse égoïste
La Marquise Casati était un personnage fantasque et richissime du début du XXe siècle. Très jeune, elle avait décidé de devenir une œuvre d'art vivante, et elle a consacré son immense héritage à incarner cette idée, côtoyant de nombreux artistes et figures mondaines qu'elle fascinait par son apparence, ses extravagances et ses fêtes somptueuses. Je ne la connaissais pas du tout, et cette BD m'a permis de découvrir l'ensemble de sa vie. Il faut reconnaître qu'elle était vraiment singulière et a su faire preuve d'une créativité étonnante pour marquer les esprits, sans jamais sombrer dans la vulgarité. La BD rend bien cette personnalité hors norme, avec un ton juste et une élégance qui correspond parfaitement au sujet. Mais il est difficile de ne pas être aussi frappé par le malaise que suscite une telle débauche de moyens. Obsédée par son image et sa volonté de choquer ou d’éblouir, elle dépensait sans retenue pour nourrir cette mise en scène permanente. Du point de vue sociétal, il y a quelque chose de profondément dérangeant à voir une fortune aussi colossale dilapidée ainsi. Artistiquement, son parcours intrigue, mais face au gaspillage humain, financier et même animal qu’il implique, difficile d’y voir un simple geste artistique désintéressé. Cela donne surtout un éclairage cru sur la décadence d’un monde de privilégiés. Malgré tout, la Marquise Casati reste un personnage fascinant, jusqu’à la fin fidèle à sa démarche, continuant à incarner son mythe même ruinée. C’est une lecture intéressante, bien mise en scène, qui brille par son élégance formelle tout en laissant un arrière-goût d’inconfort face à cette époque et à ce qu’elle révèle.
Anita Conti (Catel & Bocquet)
Première biographie que je lis du tandem Catel et Bocquet. C’est du beau travail, une bio qui semble assez exhaustive, certes linéaire mais qui donne un aperçu du cheminement de pensée de cette océanographe, qu’on connaît nettement moins que Cousteau. Avec un beau dessin bien lisible, c’est plutôt agréable à suivre. C’est vrai qu’on pourrait reprocher un côté hagiographique, mais il semble que les auteurs aient voulu nous faire comprendre la sincérité des engagements de Mme Conti. On voit les motivations qui la poussent à s’engager sur des pêcheries au large des côtes lointaines, et on la voit commencer à douter de cette pêche intensive pour s’engager de plus en plus, et bien en amont de beaucoup, pour la préservation des ressources d’abord et du milieu marin ensuite. On retiendra une femme sincère, pionnière de la protection des océans. En cette semaine où s’ouvre le sommet sur les océans, il faut se souvenir d’elle et de ses derniers combats.