Bon ben moi j'aime beaucoup Fabcaro.
Cela faisait un moment que je n'avais pas lu un de ses albums, de ceux dans lesquels il se met en scène lui-même, qu'il soit son propre sujet, ou qu'il interfère, comme c'est le cas ici, dans une intrigue totalement étrangère.
Là nous avons droit à une nouvelle mise en abyme : lui-même écrivant sa nouvelle BD, contre l'avis de ses proches, qui la trouvent encore plus débile que les précédentes ; ensuite cette histoire de bite sur la joue, en effet totalement débile, qui déclenche une enquête policière sérieuse... ou pas. C'est cette faculté à faire surgir l'absurdité dès les premiers mots qui me plaît chez Fabcaro, et me fait lire avec délectation la plupart de ses albums. C'est du grand n'importe quoi de A à Z, et j'avoue que malgré le spoiler dès la page 13, absolument assumée, je me suis amusé à suivre cette enquête irrationnelle, où le coeur d'artichaut de l'auteur, et son faible pour les romances, transparaît à nouveau.
Le récit lui permet de faire des petits détours par un dessin un peu plus "réaliste", de dessiner une vieille bagnole américaine des années 60 ou 70, mais aussi, comme à son habitude, de jouer sur les cases semblables avec des dialogues différents. Cela n'a aucun sens, et je m'en réjouis à chaque fois. Il y a aussi, comme toujours, des fulgurances, des petites phrases qui font mouche.
Ceci dit, ce n'est tout de même pas son meilleur album, ce qui explique ma note plus modérée.
La mort de Franco et une certaine libéralisation de la parole ont permis à plusieurs auteurs espagnols de traiter de la guerre d’Espagne à partir de la fin des années 1970. C’est le cas de Palacios avec cette série.
Trois albums ont été publiés dans plusieurs collections des Humanos au début des années 1980, les deux premiers, « Eloy » et « Rio Manzanares » ayant été réédités par les éditions du Long Bec (leur disparition n’a hélas pas permis de rééditer le troisième, « 1936 »).
Les deux premiers albums sont centrés sur les combats autour de et dans Madrid, tandis que dans le troisième, Palacios revient « en arrière », pour traiter du début de la guerre civile au pays basque – autour d’Irun essentiellement (le récit ne tourne plus autour d’Eloy, mais autour de Gorka, jeune homme embarqué dans les rangs républicains par hasard).
Au vu de cet album et de sa conclusion, un peu brutale, je pense que Palacios avait sans doute imaginé d’autres albums (pour la Catalogne par exemple), mais qu’il s’est arrêté là avec cette série, probablement pris par d’autres projets.
Palacios s’est visiblement beaucoup documenté, et son récit est rempli de détails – certains passages sont même presque trop « appliqués ». Mais il nous donne une vision précise et vivante de la guerre civile. Surtout, on retrouve dans ces albums son dessin reconnaissable entre mille – et que j’aime vraiment beaucoup !
Un trait énergique, gras, totalement baroque, qui m’avait immédiatement séduit lorsque je l’avais découvert dans Mac Coy. Les combats, certaines scènes nocturnes et/ou sous la pluie sont saisissants.
Palacios ne s’embarrasse pas de longs développements sur le contexte politique, l’action prime. C’est sans doute la force et la faiblesse de cette narration souvent au style indirect, qui détaille par le menu quelques batailles importantes.
Une série qui m’a surtout convaincu par son graphisme.
Des histoires avec Catwoman comme anti-héroïne et c'est globalement sympathique à lire, mais cela ne m'a pas marqué plus que ça.
Il faut dire que je suis un grand fan de l'univers de Batman et de ce coté ci je suis un peu déçu. Il y a plusieurs histoires qui présentent peu d'élément de l'univers de la chauve-souris et du coup par moment j'avais l'impression que je lisais des histoires polar-action générique où Brubaker aurait juste ajouté Catwoman pour en faire des récits de super-héros. En plus, un des personnages de l'univers de Batman qu'on aperçoit dans ses récits est Black Mask, un méchant que je trouvais correcte avant, mais qui a été transformé par Brubaker et par d'autres scénaristes des années 2000 en gros sadique bien méchant tout droit sortit des films de style Saw et je n'aime pas cette version du personnage. Heureusement, les scènes entre Catwoman et Batman sont réussites.
Au niveau du dessin, je ne suis pas très fan des styles des différents dessinateurs, mais je pense parce que je suis tellement habitué à lire des scénarios de Brubaker dessiné par Sean Murphy que cela fait étrange de lire du polar par Brubaker avec un autre dessinateur, ce n'est pas la même atmosphère.
L'influence du cinéma social est indéniable sur cette BD. Que ce soit Ken Loach ou les frères Dardenne, il y a cette expérience d'un cinéma plus silencieux, proche de ses personnages et explorant les thématiques de l'individu face à la société.
Maintenant, l'aspect social d'une œuvre ne se contente pas d'être spectatrice d'un fait sociétal. Il s'agit également d'avoir un propos sur celui-ci, généralement sur la gestion de ce souci par la société ou l'origine par un système déshumanisant et aliénant. C'est la distinction que je fais entre l'art social (porteur d'une part importante de critique, de commentaire) et l'art pseudo-social, qui verse dans le voyeurisme sans jamais s'engager.
Ici, je trouve malheureusement qu'on verse plus dans le pseudo-social que dans le social. En effet, la BD développe une relation entre deux personnages très bien campés et qui sentent assez fortement la réalité, mais l'histoire en elle-même ne développe pas au-delà de leur amitié et de la vie de Dan (qui est central au récit).
Je ne sais pas exactement ce que l'autrice voulait développer, même si elle évoque à la fin quelques détails qu'elle voulait spécifiquement mettre. L'histoire est surtout celle de Dan, jeune homme asiatique et gay, sujet à certains soucis. Mais finalement, j'ai l'impression que Chris, tout aussi sympathique qu'est son personnage, ne sert pas réellement le récit. Elle accompagne mais n'a pas de réelle histoire. En dehors de Dan, rien d'important ne semble se passer et le final suggère juste que quelque chose pourrait changer ensuite. Du coup, je trouve l'ensemble plutôt léger, il manque ce fond de critique ou de réels questionnements. Et vu tout les sujets qui sont évoqués, il y aurait eu l'embarras du choix pour le développement !
Niveau dessin, ça fait parfaitement le travail et je dirais qu'il m'a évoqué un peu celui de Tom Tirabosco, dans son trait charbonneux et un peu gras. On sent l'ambiance de la vielle Angleterre qui se meurt dans son coin, mais aussi les petites gens, précaires et peu éduqués.
Une lecture sympathique mais qui manque clairement de consistance. Je pense que le gros défaut est l'absence claire de critique, de problématique soulevée dans le récit. Il m'aurait fallu d'avantage pour m'intéresser, là en l'état c'est juste sympathique mais je ne pense pas que je la relirais un jour.
Un comics qui aura attendu 25 ans avant sa traduction en français. On pourrait se poser la question de savoir si Delcourt ne veut pas surfer sur le succès de Monstres (du même auteur)...
Cet album aurait dû être la troisième et dernière partie de Lifedeath, les précédents épisodes étant publiés dans Uncanny X-MEN 186 et 198 (X-Men - La vie, la mort). Mais un différent avec Marvel fera que ce projet ne verra pas le jour. Bien plus tard, Barry Windsor-Smith ressortira de ses cartons son histoire. Par contre, il faut changer le personnage central, il n'est plus question d'Ororo Munroe (propriété de Marvel), place à la princesse Adastra de Young gods. Il y a bien une ressemblance physique, bien qu'Adastra fasse 2m40 de haut, mais lorsque l'on connaît les deux femmes, on sent bien qu'il y a un malaise : elles ont des caractères diamétralement opposés. Un subterfuge qui ne trompe personne, c'est bien une Ororo Monroe déguisée en Adastra qui sera l'héroïne de cette histoire.
Pour apprécier ce comics, il faut bien le prendre comme une fable. Une lecture rapide, seulement 39 planches, la narration est quelque peu alambiquée, même si je devine où veut en venir BWS, mais ça manque de consistance. Il n'est pas question pour BWS de suicide dans ce récit, mais bien de sacrifice. Chacun en fera son interprétation.
Un comics qui peut se lire indépendamment des deux épisodes précédents de Lifedeath.
Barry Windsor-Smith nous gratifie de superbes planches en noir et blanc, rien que pour ça l'album vaut une lecture. Je rejoins les avis ci-dessous, certaines pages sont trop chargées en détails et peuvent être un peu moins lisibles. Par contre, je ne suis pas convaincu qu'une mise en couleur made in BWS puisse plaire à une majorité de lecteurs. Sur BDtheque, je ne vois que Présence, Bruno :) et votre serviteur pour l'apprécier.
En fin d'album, un extra jouissif : des interviews d'Adastra où elle parle de ce comics. Et là, je retrouve la gouaille et l'humour politiquement incorrecte de la revue Storytellers dont j'avais pu profiter avec Young gods et Freebooters (c'est le moment de découvrir les couleurs made in BWS..... alors, j'avais pas raison ?). Jubilatoire.
Barry Windsor-Smith est une mine d'or, ce comics en est une petite pépite.
Mouais, pas fou cette BD. Je commence a avoir lu trop de choses différentes pour rester satisfait de cette histoire qui reste carrément en surface de tout son propos.
L'histoire se passe dans une Inde imprécise en terme de date, dans laquelle une reine perd son mari. L'histoire embraye ensuite sur ce qu'il advint et je dois dire que la résolution de l'ensemble est expédiée. C'est un récit dans lequel presque aucun des éléments présentés n'aura son payement, ou presque. L'idée de faire disparaitre les oiseaux aurait pu être largement mieux traité, notamment sur l'apparition d'insecte qui est à peine évoqué. L'histoire d'amour à la fin est amenée franchement maladroitement pour moi.
Mais pour le reste, l'ambiance fonctionne. Le mode de narration et le dessin se combinent pour donner une histoire qui fleure bon le conte, avec une touche de cette légèreté propre au genre. La lecture est très fluide, de fait, et l'ensemble a vraiment de la gueule visuellement. C'est ce que je retiens de l'ensemble : la beauté visuelle et la tonalité du conte. Malheureusement, l'histoire est trop rapide et sans but, ce qui la rend assez oubliable.
Album emprunté au hasard. Je pensais au vu du titre lire un documentaire sur l’exploitation pétrolière – ou quelque autre matière première. Il n’en est en fait rien.
Nous suivons en fait Troubs au Turkménistan, celui-ci participant à un projet local de livre illustré autour de poèmes de Prévert. Il en profite pour visiter un peu le pays – dans les limites permises par la dictature – et nous présenter quelques spécificités de la société turkmène.
C’est une sorte de carnet de voyage – l’aspect crayonné de certains crobars accentue l’effet « pris sur le vif ». Mais le dessin est parfois un peu plus élaboré (il a parfois dû reconstituer des scènes a posteriori, lorsqu’il lui était interdit de dessiner sur place).
Le récit se laisse lire, mais il est un peu trop léger. En ce qui concerne la dictature elle-même tout d’abord (abordée par la bande, autour des figures des deux dirigeants successifs depuis l’indépendance à la fin de l’URSS), ou de la présence de la France (des ministres font le déplacement pour soutenir les projets de Bouygues par exemple).
En fait, il manque les à-côtés, le ton primesautier et plus humoristique qui a fait la réussite de projets similaires réalisés par Delisle par exemple. Et du coup, si la lecture – très rapide au demeurant – n’est pas désagréable, elle n’est jamais captivante, et elle m’a laissé sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Deux petits albums intéressants. Le dessin minimaliste, et le ton léger et souvent humoristique employé, permettent une lecture fluide et agréable, sur un sujet pourtant difficile, voire pénible : le traitement de la « folie » en France dans la seconde moitié du XXème siècle.
Les deux albums se nourrissent d’anecdotes de « praticiens » et sont ancrés dans une réalité franchement pas toujours reluisante – c’est un euphémisme !
En particulier dans le premier album qui nous montre les méthodes employées dans les années 1960. Méthodes qui relèvent souvent de la torture, et a minima rapprochent les lieux évoqués ici de la prison (on se demande même parfois si certains patients ne sont pas moins bien traités que les prisonniers condamnés à de lourdes peines !). Et le comportement de certains « infirmiers » envers certains « fous » laisse pantois. La définition de « fou » est d’ailleurs à géométrie variable (le passage où l’on voit des consommateurs de drogues être mêlés aux aliénés « classiques » est édifiant).
Le deuxième album pointe un certain nombre d’améliorations à partir des années 1970, où la prise en charge devient plus « humaine », plus médicalisée et moins carcérale. Même si le manque de moyens, et surtout la lenteur pour que tout le monde s’adapte aux changements (les « anciens » cohabitent avec les « modernes ») freinent encore l’évolution.
On s’arrête à l’orée des années 1980, et Lisa Mandel comptait poursuivre sa série (un « à suivre » clôt le deuxième album), mais ça n’a visiblement pas été le cas. On ne saura donc pas – en tout cas via cette série – comment ont évolué prise en charge des malades, et formation des médecins/infirmiers.
Une lecture intéressante en tout cas, avec une narration plaisante et dynamique.
J’avais entendu parler du sujet par un ou deux reportages et, je crois, par quelques articles de presse. On est là dans quelque chose de « classique » pour les puissances coloniales (voir ce qu’ont subi Amérindiens, Aborigènes, etc.).
Le « déplacement forcé » (certains parlent de déportation) d’enfants réunionnais vers la métropole, avec changement/vol d’identité a produit des drames humains. Au déracinement s’est ajouté l’impossibilité pour ces enfants devenus adultes de découvrir leur vraie famille.
Tehem traite le sujet de plusieurs façons en parallèle. Une histoire « inventée », mais hélas terriblement crédible, entrecoupée de fausses pages de journaux, dans lesquelles des informations administratives et historiques, des témoignages sont insérés.
Le sujet est scandaleux et douloureux, mais Tehem le traite avec justesse, sans accentuer le pathos. La lecture est agréable (la narration est fluide, et son dessin simple et efficace). Quelques passages trainent en longueur peut-être, mais c’est une lecture instructive et plaisante, sur un sujet qui l’est moins.
L’histoire nous présente une gamine sourde, et nous la suivons l’espace d’une année, après qu’elle et ses parents aient déménagé dans un coin perdu à la campagne.
L’album est quasiment muet (quelques commentaires en début d’album, les paroles des parents étant constituées de bulles vides). Un album quasi muet pour parler de surdité, c’est plutôt une bonne idée, surtout qu’ici la narration est suffisamment claire pour que cela ne gêne pas la lecture.
La gamine est vive, espiègle, et finalement se comporte comme n’importe quelle gamine de son âge.
Si l’histoire est simple et relève du roman graphique, les dernières pages lui donnent une coloration différente. En effet, une sorte d’inondation survient, mais le récit bascule alors vers quelque chose d’un peu onirique ou fantastique (l’interprétation est en tout cas ouverte pour le lecteur) qui m’a laissé un peu perplexe, même si ça n’est finalement pas trop frustrant.
Comme The Patrick en tout cas, j’ai trouvé bizarre que cette gamine soit autant livrée à elle-même : sa « scolarisation » n’apparait pas, et sa « sécurité » peut être menacée. Ces zones d’ombre interpellent, mais l’album se lit quand même agréablement.
Un petit dossier historique sur la prise en compte de la surdité complète l’histoire.
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Moon River
Bon ben moi j'aime beaucoup Fabcaro. Cela faisait un moment que je n'avais pas lu un de ses albums, de ceux dans lesquels il se met en scène lui-même, qu'il soit son propre sujet, ou qu'il interfère, comme c'est le cas ici, dans une intrigue totalement étrangère. Là nous avons droit à une nouvelle mise en abyme : lui-même écrivant sa nouvelle BD, contre l'avis de ses proches, qui la trouvent encore plus débile que les précédentes ; ensuite cette histoire de bite sur la joue, en effet totalement débile, qui déclenche une enquête policière sérieuse... ou pas. C'est cette faculté à faire surgir l'absurdité dès les premiers mots qui me plaît chez Fabcaro, et me fait lire avec délectation la plupart de ses albums. C'est du grand n'importe quoi de A à Z, et j'avoue que malgré le spoiler dès la page 13, absolument assumée, je me suis amusé à suivre cette enquête irrationnelle, où le coeur d'artichaut de l'auteur, et son faible pour les romances, transparaît à nouveau. Le récit lui permet de faire des petits détours par un dessin un peu plus "réaliste", de dessiner une vieille bagnole américaine des années 60 ou 70, mais aussi, comme à son habitude, de jouer sur les cases semblables avec des dialogues différents. Cela n'a aucun sens, et je m'en réjouis à chaque fois. Il y a aussi, comme toujours, des fulgurances, des petites phrases qui font mouche. Ceci dit, ce n'est tout de même pas son meilleur album, ce qui explique ma note plus modérée.
Eloy
La mort de Franco et une certaine libéralisation de la parole ont permis à plusieurs auteurs espagnols de traiter de la guerre d’Espagne à partir de la fin des années 1970. C’est le cas de Palacios avec cette série. Trois albums ont été publiés dans plusieurs collections des Humanos au début des années 1980, les deux premiers, « Eloy » et « Rio Manzanares » ayant été réédités par les éditions du Long Bec (leur disparition n’a hélas pas permis de rééditer le troisième, « 1936 »). Les deux premiers albums sont centrés sur les combats autour de et dans Madrid, tandis que dans le troisième, Palacios revient « en arrière », pour traiter du début de la guerre civile au pays basque – autour d’Irun essentiellement (le récit ne tourne plus autour d’Eloy, mais autour de Gorka, jeune homme embarqué dans les rangs républicains par hasard). Au vu de cet album et de sa conclusion, un peu brutale, je pense que Palacios avait sans doute imaginé d’autres albums (pour la Catalogne par exemple), mais qu’il s’est arrêté là avec cette série, probablement pris par d’autres projets. Palacios s’est visiblement beaucoup documenté, et son récit est rempli de détails – certains passages sont même presque trop « appliqués ». Mais il nous donne une vision précise et vivante de la guerre civile. Surtout, on retrouve dans ces albums son dessin reconnaissable entre mille – et que j’aime vraiment beaucoup ! Un trait énergique, gras, totalement baroque, qui m’avait immédiatement séduit lorsque je l’avais découvert dans Mac Coy. Les combats, certaines scènes nocturnes et/ou sous la pluie sont saisissants. Palacios ne s’embarrasse pas de longs développements sur le contexte politique, l’action prime. C’est sans doute la force et la faiblesse de cette narration souvent au style indirect, qui détaille par le menu quelques batailles importantes. Une série qui m’a surtout convaincu par son graphisme.
Ed Brubaker présente Catwoman
Des histoires avec Catwoman comme anti-héroïne et c'est globalement sympathique à lire, mais cela ne m'a pas marqué plus que ça. Il faut dire que je suis un grand fan de l'univers de Batman et de ce coté ci je suis un peu déçu. Il y a plusieurs histoires qui présentent peu d'élément de l'univers de la chauve-souris et du coup par moment j'avais l'impression que je lisais des histoires polar-action générique où Brubaker aurait juste ajouté Catwoman pour en faire des récits de super-héros. En plus, un des personnages de l'univers de Batman qu'on aperçoit dans ses récits est Black Mask, un méchant que je trouvais correcte avant, mais qui a été transformé par Brubaker et par d'autres scénaristes des années 2000 en gros sadique bien méchant tout droit sortit des films de style Saw et je n'aime pas cette version du personnage. Heureusement, les scènes entre Catwoman et Batman sont réussites. Au niveau du dessin, je ne suis pas très fan des styles des différents dessinateurs, mais je pense parce que je suis tellement habitué à lire des scénarios de Brubaker dessiné par Sean Murphy que cela fait étrange de lire du polar par Brubaker avec un autre dessinateur, ce n'est pas la même atmosphère.
Breakwater
L'influence du cinéma social est indéniable sur cette BD. Que ce soit Ken Loach ou les frères Dardenne, il y a cette expérience d'un cinéma plus silencieux, proche de ses personnages et explorant les thématiques de l'individu face à la société. Maintenant, l'aspect social d'une œuvre ne se contente pas d'être spectatrice d'un fait sociétal. Il s'agit également d'avoir un propos sur celui-ci, généralement sur la gestion de ce souci par la société ou l'origine par un système déshumanisant et aliénant. C'est la distinction que je fais entre l'art social (porteur d'une part importante de critique, de commentaire) et l'art pseudo-social, qui verse dans le voyeurisme sans jamais s'engager. Ici, je trouve malheureusement qu'on verse plus dans le pseudo-social que dans le social. En effet, la BD développe une relation entre deux personnages très bien campés et qui sentent assez fortement la réalité, mais l'histoire en elle-même ne développe pas au-delà de leur amitié et de la vie de Dan (qui est central au récit). Je ne sais pas exactement ce que l'autrice voulait développer, même si elle évoque à la fin quelques détails qu'elle voulait spécifiquement mettre. L'histoire est surtout celle de Dan, jeune homme asiatique et gay, sujet à certains soucis. Mais finalement, j'ai l'impression que Chris, tout aussi sympathique qu'est son personnage, ne sert pas réellement le récit. Elle accompagne mais n'a pas de réelle histoire. En dehors de Dan, rien d'important ne semble se passer et le final suggère juste que quelque chose pourrait changer ensuite. Du coup, je trouve l'ensemble plutôt léger, il manque ce fond de critique ou de réels questionnements. Et vu tout les sujets qui sont évoqués, il y aurait eu l'embarras du choix pour le développement ! Niveau dessin, ça fait parfaitement le travail et je dirais qu'il m'a évoqué un peu celui de Tom Tirabosco, dans son trait charbonneux et un peu gras. On sent l'ambiance de la vielle Angleterre qui se meurt dans son coin, mais aussi les petites gens, précaires et peu éduqués. Une lecture sympathique mais qui manque clairement de consistance. Je pense que le gros défaut est l'absence claire de critique, de problématique soulevée dans le récit. Il m'aurait fallu d'avantage pour m'intéresser, là en l'état c'est juste sympathique mais je ne pense pas que je la relirais un jour.
Adastra in Africa
Un comics qui aura attendu 25 ans avant sa traduction en français. On pourrait se poser la question de savoir si Delcourt ne veut pas surfer sur le succès de Monstres (du même auteur)... Cet album aurait dû être la troisième et dernière partie de Lifedeath, les précédents épisodes étant publiés dans Uncanny X-MEN 186 et 198 (X-Men - La vie, la mort). Mais un différent avec Marvel fera que ce projet ne verra pas le jour. Bien plus tard, Barry Windsor-Smith ressortira de ses cartons son histoire. Par contre, il faut changer le personnage central, il n'est plus question d'Ororo Munroe (propriété de Marvel), place à la princesse Adastra de Young gods. Il y a bien une ressemblance physique, bien qu'Adastra fasse 2m40 de haut, mais lorsque l'on connaît les deux femmes, on sent bien qu'il y a un malaise : elles ont des caractères diamétralement opposés. Un subterfuge qui ne trompe personne, c'est bien une Ororo Monroe déguisée en Adastra qui sera l'héroïne de cette histoire. Pour apprécier ce comics, il faut bien le prendre comme une fable. Une lecture rapide, seulement 39 planches, la narration est quelque peu alambiquée, même si je devine où veut en venir BWS, mais ça manque de consistance. Il n'est pas question pour BWS de suicide dans ce récit, mais bien de sacrifice. Chacun en fera son interprétation. Un comics qui peut se lire indépendamment des deux épisodes précédents de Lifedeath. Barry Windsor-Smith nous gratifie de superbes planches en noir et blanc, rien que pour ça l'album vaut une lecture. Je rejoins les avis ci-dessous, certaines pages sont trop chargées en détails et peuvent être un peu moins lisibles. Par contre, je ne suis pas convaincu qu'une mise en couleur made in BWS puisse plaire à une majorité de lecteurs. Sur BDtheque, je ne vois que Présence, Bruno :) et votre serviteur pour l'apprécier. En fin d'album, un extra jouissif : des interviews d'Adastra où elle parle de ce comics. Et là, je retrouve la gouaille et l'humour politiquement incorrecte de la revue Storytellers dont j'avais pu profiter avec Young gods et Freebooters (c'est le moment de découvrir les couleurs made in BWS..... alors, j'avais pas raison ?). Jubilatoire. Barry Windsor-Smith est une mine d'or, ce comics en est une petite pépite.
Celle qui fit le bonheur des insectes
Mouais, pas fou cette BD. Je commence a avoir lu trop de choses différentes pour rester satisfait de cette histoire qui reste carrément en surface de tout son propos. L'histoire se passe dans une Inde imprécise en terme de date, dans laquelle une reine perd son mari. L'histoire embraye ensuite sur ce qu'il advint et je dois dire que la résolution de l'ensemble est expédiée. C'est un récit dans lequel presque aucun des éléments présentés n'aura son payement, ou presque. L'idée de faire disparaitre les oiseaux aurait pu être largement mieux traité, notamment sur l'apparition d'insecte qui est à peine évoqué. L'histoire d'amour à la fin est amenée franchement maladroitement pour moi. Mais pour le reste, l'ambiance fonctionne. Le mode de narration et le dessin se combinent pour donner une histoire qui fleure bon le conte, avec une touche de cette légèreté propre au genre. La lecture est très fluide, de fait, et l'ensemble a vraiment de la gueule visuellement. C'est ce que je retiens de l'ensemble : la beauté visuelle et la tonalité du conte. Malheureusement, l'histoire est trop rapide et sans but, ce qui la rend assez oubliable.
Sables noirs - 20 semaines au Turkménistan
Album emprunté au hasard. Je pensais au vu du titre lire un documentaire sur l’exploitation pétrolière – ou quelque autre matière première. Il n’en est en fait rien. Nous suivons en fait Troubs au Turkménistan, celui-ci participant à un projet local de livre illustré autour de poèmes de Prévert. Il en profite pour visiter un peu le pays – dans les limites permises par la dictature – et nous présenter quelques spécificités de la société turkmène. C’est une sorte de carnet de voyage – l’aspect crayonné de certains crobars accentue l’effet « pris sur le vif ». Mais le dessin est parfois un peu plus élaboré (il a parfois dû reconstituer des scènes a posteriori, lorsqu’il lui était interdit de dessiner sur place). Le récit se laisse lire, mais il est un peu trop léger. En ce qui concerne la dictature elle-même tout d’abord (abordée par la bande, autour des figures des deux dirigeants successifs depuis l’indépendance à la fin de l’URSS), ou de la présence de la France (des ministres font le déplacement pour soutenir les projets de Bouygues par exemple). En fait, il manque les à-côtés, le ton primesautier et plus humoristique qui a fait la réussite de projets similaires réalisés par Delisle par exemple. Et du coup, si la lecture – très rapide au demeurant – n’est pas désagréable, elle n’est jamais captivante, et elle m’a laissé sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
HP
Deux petits albums intéressants. Le dessin minimaliste, et le ton léger et souvent humoristique employé, permettent une lecture fluide et agréable, sur un sujet pourtant difficile, voire pénible : le traitement de la « folie » en France dans la seconde moitié du XXème siècle. Les deux albums se nourrissent d’anecdotes de « praticiens » et sont ancrés dans une réalité franchement pas toujours reluisante – c’est un euphémisme ! En particulier dans le premier album qui nous montre les méthodes employées dans les années 1960. Méthodes qui relèvent souvent de la torture, et a minima rapprochent les lieux évoqués ici de la prison (on se demande même parfois si certains patients ne sont pas moins bien traités que les prisonniers condamnés à de lourdes peines !). Et le comportement de certains « infirmiers » envers certains « fous » laisse pantois. La définition de « fou » est d’ailleurs à géométrie variable (le passage où l’on voit des consommateurs de drogues être mêlés aux aliénés « classiques » est édifiant). Le deuxième album pointe un certain nombre d’améliorations à partir des années 1970, où la prise en charge devient plus « humaine », plus médicalisée et moins carcérale. Même si le manque de moyens, et surtout la lenteur pour que tout le monde s’adapte aux changements (les « anciens » cohabitent avec les « modernes ») freinent encore l’évolution. On s’arrête à l’orée des années 1980, et Lisa Mandel comptait poursuivre sa série (un « à suivre » clôt le deuxième album), mais ça n’a visiblement pas été le cas. On ne saura donc pas – en tout cas via cette série – comment ont évolué prise en charge des malades, et formation des médecins/infirmiers. Une lecture intéressante en tout cas, avec une narration plaisante et dynamique.
Piments zoizos
J’avais entendu parler du sujet par un ou deux reportages et, je crois, par quelques articles de presse. On est là dans quelque chose de « classique » pour les puissances coloniales (voir ce qu’ont subi Amérindiens, Aborigènes, etc.). Le « déplacement forcé » (certains parlent de déportation) d’enfants réunionnais vers la métropole, avec changement/vol d’identité a produit des drames humains. Au déracinement s’est ajouté l’impossibilité pour ces enfants devenus adultes de découvrir leur vraie famille. Tehem traite le sujet de plusieurs façons en parallèle. Une histoire « inventée », mais hélas terriblement crédible, entrecoupée de fausses pages de journaux, dans lesquelles des informations administratives et historiques, des témoignages sont insérés. Le sujet est scandaleux et douloureux, mais Tehem le traite avec justesse, sans accentuer le pathos. La lecture est agréable (la narration est fluide, et son dessin simple et efficace). Quelques passages trainent en longueur peut-être, mais c’est une lecture instructive et plaisante, sur un sujet qui l’est moins.
L'Ecorce des choses
L’histoire nous présente une gamine sourde, et nous la suivons l’espace d’une année, après qu’elle et ses parents aient déménagé dans un coin perdu à la campagne. L’album est quasiment muet (quelques commentaires en début d’album, les paroles des parents étant constituées de bulles vides). Un album quasi muet pour parler de surdité, c’est plutôt une bonne idée, surtout qu’ici la narration est suffisamment claire pour que cela ne gêne pas la lecture. La gamine est vive, espiègle, et finalement se comporte comme n’importe quelle gamine de son âge. Si l’histoire est simple et relève du roman graphique, les dernières pages lui donnent une coloration différente. En effet, une sorte d’inondation survient, mais le récit bascule alors vers quelque chose d’un peu onirique ou fantastique (l’interprétation est en tout cas ouverte pour le lecteur) qui m’a laissé un peu perplexe, même si ça n’est finalement pas trop frustrant. Comme The Patrick en tout cas, j’ai trouvé bizarre que cette gamine soit autant livrée à elle-même : sa « scolarisation » n’apparait pas, et sa « sécurité » peut être menacée. Ces zones d’ombre interpellent, mais l’album se lit quand même agréablement. Un petit dossier historique sur la prise en compte de la surdité complète l’histoire.