Loin d’être désagréable (et sans mauvais jeu de mot), « Loin » constitue par excellence la lecture d’été idéale, mais est aussi une BD « feel-good » qu’on peut lire à tout moment, comme on se plaît souvent à le répéter dans une époque toujours plus anxiogène. Une senteur d’iode et de sable fin infuse le récit de façon câline, avec à la clé des questionnements sur un sujet sociétal pas anodin : qu’est-ce que le couple aujourd’hui et le schéma traditionnel « collé-serré » est-il encore viable aujourd’hui ? Alicia Jaraba, jeune autrice espagnole talentueuse, a choisi l’angle de la légèreté pour aborder la question, et elle a eu bien raison !
Le récit tout entier est traversé par les questionnements d’Aimée et Ulysse sur leur relation, leurs aspirations. Bien sûr, ils vivent ensemble depuis un bon paquet d’années (ils se sont connus au lycée !), mais cela prouve-t-il qu’ils soient vraiment faits l’un pour l’autre ? Quelques chamailleries liées à divers contretemps au début du voyage vont amener les deux jeunes gens à s’interroger. Aimée, elle, est en plein stress. En effet, elle attend une confirmation d’embauche dans un laboratoire suisse et doit rester connectée en permanence pour ne pas louper cette opportunité qu’elle juge essentielle pour sa carrière. Et puis d’une manière générale, elle déteste l’imprévu, toujours encline à imaginer le pire. Aimée adore faire des listes et reste très attachée à son petit confort. Ulysse, c’est un peu l’inverse. Epuisé par ses quatre années de thèse, il veut vivre avec un grand V, et l’inconnu ne l’effraie pas. Ces vacances, qui devaient lui permettre de faire un stage de plongée sous-marine, il les a désirées ardemment et tant pis si le programme est bousculé à cause de son van tombé en panne. Maintenant, il est prêt à camper dans la forêt, nager dans les lacs et chercher des « poissons-lunes ».
En contrepoint de cette histoire, un personnage va faire irruption, tel un bon samaritain aux intentions quelque peu équivoques. Prénommé Paco, ce sexagénaire, accablé par ailleurs par le départ précipité de sa femme, va proposer à Aimée et Ulysse de l’accompagner chez lui pour récupérer la voiture qu’il dit ne pas avoir le droit de conduire, et l’emmener ensuite à un congrès d’ornithologues exactement là où le couple doit se rendre. Si cela fait les affaires d’Ulysse, Aimée est beaucoup plus circonspecte… mais une fois tombées les barrières de la méfiance, ce personnage se révélera essentiel dans la relation des deux tourtereaux au bord de la rupture.
Le scénario, basé davantage sur l’exploration des sentiments humains, bénéficie d’une belle fluidité, sans surcharge émotionnelle inutile. Dans ce one-shot aux faux airs de comédie légère, Alicia Jaraba nous montre des personnages qui nous ressemblent, avec une bienveillance empreinte de tendresse. Si l’on pouvait craindre une conclusion convenue et un peu mièvre, il n’en est rien. Ce que l’on pourrait qualifier ici de parcours initiatique se termine sur une fin ouverte, en nous évitant le psychodrame de rigueur, les protagonistes ayant visiblement opté pour une approche concertée et rationnelle.
Le dessin semi-réaliste de Jarabia dégage une douceur « sous-marine » des plus plaisantes, nous livrant un bon aperçu de son talent. La poésie est très présente, avec un recours récurrent à la métaphore de la plongée dans les fonds marins en lien avec les états d’âme des personnages. Plutôt attachants avec leurs doutes et leurs fêlures, ceux-ci sont à la fois expressifs d’un point de vue graphique mais également bien campés.
« Loin » serait incontestablement le livre du moment à conseiller à celles et ceux qui rencontrent des problèmes de couple voire qui estiment qu’une vie à deux n’est possible qu’avec l’âme sœur, le prince ou la princesse charmante. Si ce modèle sociétal traditionnel implique de trouver des compromis, faut-il pour autant sacrifier ses propres envies ou tenter d’atteindre un équilibre ? Doit-on nécessairement être un couple fusionnel ? On ne trouvera bien sûr pas de réponse toute faite dans l’ouvrage d’Alicia Jarabia (pour cela, il y a des écrits publiés par d’éminents sociologues et psychologues), mais celui-ci reste tout à fait inspirant sans être trop dense, et pourra à coup sûr livrer quelques pistes aux âmes en peine.
Sympathique album sur un récit choral où se croisent des histoires d'amour à trois âges. C'est pétri de bon sentiment, clairement, parfois un peu trop à mon gout, et je trouve que l'ensemble reste malheureusement dans une zone sympathique mais sans grand plus.
Le récit mélange plusieurs choses, notamment des considérations sur la destruction des écosystèmes (qui font assez saugrenue, je dois bien dire même si je vois l'idée) et trois façons d'envisager les relations amoureuses. C'est aussi six personnes se posant différentes questions à différents âges avec ce que ça peut comporter de situations parfois drôles et souvent non. J'aime bien les récits de ce genre, mais je dois avouer que là ça m'a laissé pas mal sur ma faim. Déjà parce qu'il n'y a pas réellement de conclusion vis-à-vis de son récit. Enfin, si, mais au-delà de ce qu'on peut sentir arriver, rien ne vient réellement conclure le mélange entre le fantastique et les différentes histoires personnelles. Qui d'ailleurs se mélangent très peu, même si les personnages se croisent. Je trouve qu'il manque un peu de liant entre tout ça, qui ne soit pas juste des petits moment de passage. J'aurais bien aimé de réels échanges entre les générations (de mémoire il n'y a qu'une seule scène où deux générations différentes discutent réellement).
Pour le reste, le récit est lent avec son mélange des genres, le fantastique des bêtes apportant de bons mots mais aussi quelques réflexions sur le monde. C'est bien dessiné, plaisant à lire, mais pour le coup je pense que je ne garderais pas l'histoire en mémoire. Par rapport à un récit du même genre (je pense à Échecs) il n'y a pas de surprise dans la tournure du récit ou un bon mot final qui reste en mémoire. Même s'il y a bien une sentence finale, je ne la trouve pas inoubliable. Et c'est un peu l'avis que j'ai sur la BD.
J'ai laissé passer quelques jours avant d'aviser cette BD, parce que j'en suis sorti avec un sentiment de bof, que j'ai finalement mitigé après réflexion. J'aime énormément le duo des auteurs Radice/Turconi dont je suis assidument les sorties. Je commence à cerner leurs thèmes mais aussi la façon dont ils traitent leurs sujets et les codes narratifs qu'ils exploitent.
Et si je dis ça, c'est que j'ai senti dans cette BD une sorte de redondance de leur thématique mais aussi une exploitation plus facile et linéaire de l'histoire. En fait, même si la thématique des histoires qu'on se raconte mixée avec l'évolution vers l'âge adulte est franchement bien faite et assez développée, je trouve que le récit reste très linéaire. Il manque quelque chose dans l'histoire, notamment avec ces méchants assez monolithique qui les poursuivent et surgissent à des moments inopinés pour relancer la course-poursuite.
Je n'ai pas grand chose d'autre à en dire, en fin de compte. C'est juste qu'en découvrant le récit, j'ai eu assez vite une idée de l'endroit vers lequel on se dirigeait et que peu de surprises sont venues parsemer ce récit. Par rapport à d'autres BD du duo, j'ai été moins entrainé dans le récit par l'absence de réelles surprises. Maintenant, il est vrai que l'histoire est jolie et que les moments tendres le sont, la morale est louable et je suis très certain qu'elle touchera son public. C'est juste que je l'ai trouvé globalement moins bien que les autres récits du duo, que je recommanderais.
Une bonne série dans le genre blockbuster.
Ça n’atteint certes pas l’exigence d’un Murena, mais Enrico Marini nous offre tout de même une agréable plongée dans l’empire romain. L’idée de suivre deux frères d’arme que tout oppose est bien vue, amitié, rivalité et trahison au programme.
C’est relativement léger mais ça utilise plutôt bien le fond historique. Le trait et couleurs de l’auteur y font merveilles, l’époque lui sied bien et je n’ai tiqué sur aucunes scènes.
Bref de la bonne réalisation, pas vraiment surprenante de part ses ingrédients mais très sympa à suivre.
Par contre si j’ai bien aimé le 1er cycle, je n’ai pas trop accroché au 6eme tome qui en lance un nouveau, je l’ai trouvé un poil trop politique et verbeux. J’aurai peut être du réviser avant, je me suis senti un peu largué avec les nombreux personnages et enjeux. La faute à une parution que je trouve trop espacée.
MàJ tome 7 :
Je viens gommer ma remarque sur l’entame de ce nouveau cycle, un tome 6 verbeux mais quasi indispensable pour poser les enjeux.
Ce tome 7 renoue avec les scènes d’action et la campagne germanique. J’avoue que je l’ai bien apprécié et le côté historique m’a pour une fois bien plus sauté aux yeux que précédemment.
Bravo à M. Marini qui, sous couvert de faits et batailles réelles (perte des 3 aigles …), arrive à nous proposer de la chouette aventure romanesque et romancée.
Avis après tome 1 (emprunté à mon neveu)
Rien de nouveau mais une série qui plaira aux amateurs du genre, du bon manga made in France.
On retrouve à la barre un des auteurs de « Lastman ». Michaël Sanlaville vole ici en solo et propose un hommage au manga sportif. Il use ici du même graphisme que dans l’œuvre citée plus haut. Un style simple, fluide, efficace avec un petit côté franco belge discret. Bien appréciable pour ce type de format.
Ce n’est qu’un tome d’introduction mais une histoire bien plaisante malgré les poncifs du genre.
Je suis tout de suite rentré dedans, l’auteur démarre son récit en présentant une partie de Sioule, un sport imaginaire ultra dangereux, violent et médiatique (une sorte de Rollerball dans le genre), où chaque partie est déterminée par un tirage au sort (durée, terrain, armes …) ce qui laisse présager quelques surprises pour les prochaines rencontres. Ce sport servira donc de toile de fond à l’aventure.
Ensuite nous allons faire connaissance avec notre héroïne, une ado de caractère qui vie avec son père dans une ferme. Cette dernière ne sait pas vraiment où s’orienter par la suite jusqu’à sa découverte fortuite avec ce sport dans lequel elle se révèle plutôt douée …du coup direction la sélection pour intégrer la prestigieuse école de formation. Voilà pour la version condensée, à ça se greffe une bande de copains (ils font d’ailleurs carrément minot par rapport à notre héroïne), les 1ers coéquipiers amateurs par qui elle découvre ce sport, l’amoureux et le conflit avec le paternel (ex joueur au passage ?).
Bref rien de spécialement original mais ça reste bien fait, on sent que l’auteur se fait plaisir avec les références bien digérées de son enfance, pas une priorité mais je lirais volontiers la suite quand elle me tombera dans les mains.
MàJ après lecture tome 2 :
L’intrigue nous narre l’apprentissage de notre héroïne dans l’école spécialisée et dédiée à la Sioule, on en découvre plus sur ce sport (et ses dangers), la rencontre avec un nouveau partenaire/rival aussi doué … l’ensemble est toujours aussi sympa à suivre.
MàJ tome 3 :
Je ne sais pas si une suite est prévue, en tout cas ce 1er cycle se suffit bien.
Je reste d’ailleurs sur ma note, ma lecture fut plaisante mais j’ai vu venir les révélations finales.
Du bon boulot cependant, l’auteur arrive à bien équilibrer sa trilogie.
Ça plaira à un large public.
Quoi qu’il arrive, à partir de maintenant le pire est à venir.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2023. Il a été réalisé par Sylvain Runberg pour le scénario, et par Grun (Ludovic Dubois) pour le dessin et les couleurs. Il se termine par sept pages de recherches graphiques de l’artiste. Il compte cent pages de bande dessinée. Ces auteurs ont également réalisé la trilogie On Mars (2017-2019-2021).
Dans une galaxie très lointaine, dans un ancien vaisseau-temple akenaïd reconverti en bar, le patron Hegin dit à Xia, une cliente humaine, ce qu’il pense du groupe qui passe sur scène. Il les hait, ils sont infâmes, de la pollution sonore, de la torture auditive.et puis ce nom Angels of the moshpit, aussi moche que leur soit-disant musique. Il continue tout en essuyant un verre : Mais bon, les fans sont des poivrots finis, des ivrognes stellaires. Ils font tourner la boutique, remplissent les caisses et ne posent jamais de problèmes. Alors ses migraines, il les oublie en comptant les deniers gagnés chaque fois qu’ils jouent ici. Xia l’écoute distraitement tout en sirotant un cocktail extraterrestre : elle lui dit qu’elle n’est pas venue dans son astrobar pour les groupes qui y passent. Elle a entendu parler de sa collection de liqueurs kuruniennes rares. Elle lui demande s’il pourrait lui faire une visite privée de sa cave, lui faire goûter tous ses meilleurs crus, juste tous les deux ? Il répond que s’il commence à faire ça avec elle, tous les clients vont lui demander la même chose. Et puis, il n'a pas une tête à trouver les humaines séduisantes.
Parmi les clients dans l’immense salle, un petit monsieur avec un casque lui masquant le visage, se lève et s’emporte : c’est quoi cette bouillie sonore ? Le pire groupe de toute la galaxie ! Il les enjoint de se suicider, c’est le mieux à faire tellement ils sont mauvais. La chanteuse guitariste s’emporte et se jette sur lui depuis la scène, mais il esquive en bondissant haut en l’air. Le propriétaire Hegin intervient pour exiger qu’il n’y ait pas de bagarre dans son établissement. Xia en a profité pour descendre dans sa cave. Elle a tôt fait de trouver ce qu’elle cherche : elle sort un colifichet d’une de ses poches et avec ouvre une alcôve secrète. Elle y prend la relique qui s’y trouve : le cerveau de Péroïd, le plus honoré des saints akenaïdes. Elle est interrompue par Hegin qui se tient derrière elle, la visant avec un fusil de gros calibre. Pour répondre à sa question, elle lui explique que son astrobar est un ancien vaisseau-temple akenaïde, ce qu’il aurait peut-être compris quand ou lui a vendu s’il s’intéressait à autre chose que ses liqueurs pourries. Il la tient en joue et lui répond : elle n’est qu’une chasseuse de reliques, elle va remettre ça à sa place et se casser d’ici. Sinon, il contacte direct les légions divines et elle sera bonne pour le bagne, au mieux. Il est neutralisé par derrière, un coup porté par Little Mercur, le petit monsieur ayant mis le bazar en haut dans la grande salle. Il ne leur reste plus qu’à se frayer un chemin au travers de la rixe généralisée pour regagner leur vaisseau et s’enfuir avec la relique.
Le titre promet un récit de science-fiction, avec voyages interplanétaires, et des chasses à la relique, certainement moyennant rétribution. Cet horizon d’attente est respecté : le lecteur suit trois chasseurs de primes à la relique dans une mission secrète sur une planète hostile afin de récupérer une relique sur une planète du système solaire Retirri 17, hostile et habitée par des combattants renommés, les Arrachonovanes. L’artiste ne fait pas semblant et il régale le lecteur avec un monde de science-fiction bien conçu dans lequel il a investi du temps. Tout commence avec un dessin occupant la moitié de la première planche, permettant de voir le vaisseau-temple dans son entièreté, au milieu de petits astéroïdes, puis l’intérieur avec la grande salle dans laquelle se produit le groupe. Par la suite, le lecteur peut consacrer du temps pour détailler chaque vaisseau spatial : celui des chasseurs de reliques de l’espace, celui de Vitelliux Redinovan (ex-centurion du Panthéon), ceux de la légion divine, et l’Olympus des quatre dieux Charon, Aresia, Jupiter et Vénus. Il est visible que l’artiste a investi du temps pour concevoir ces formes originales de vaisseaux. Il a également donné une identité visuelle et une cohérence spécifique à chaque race, à chaque planète, conçus des uniformes pour les soldats de la légion divine. En amateur de science-fiction, le lecteur savoure la conception des armes, des vêtements, des drones, des armures, en particulier celles des Arrachonovanes.
L’intrigue s’attache principalement au groupe de chasseurs de reliques spatiales qui semblent pulluler dans la galaxie, puisqu’il y eu jusqu’à 1.863 religions avant un événement appelé La digne renaissance, consacrant l’avènement de quatre dieux Charon, Aresia, Jupiter, Vénus. Le récit commence avec la récupération d’une relique, le cerveau de Péroïd, que les deux chasseurs vont aller remettre à leurs commanditaires et ils vont être rémunérés pour ça. Puis vient le temps d’une nouvelle mission, la plus dangereuses qu’ils aient eu à effectuer, avec un chasseur supplémentaire qui leur est imposé et le commanditaire présent tout du long par drone interposé. Cette mission s’avère d’une ampleur insoupçonnée, ayant des ramifications directes avec La digne renaissance. Les personnages existent essentiellement par leurs actions, leurs convictions et, pour certains, par leur histoire passée. En parallèle de cette équipe de chasseurs de reliques spatiales, certaines scènes montrent les quatre dieux, leur générale Merti Ziscarod, ses seconds et parfois son armée, ainsi que la triarchie (Lys, Myr et Tyrosh) des Arrachonovanes (le peuple de la planète où se trouve la relique, un bio-grimoire) et leur hôte Aliyeh.
La narration utilise un certain nombre de conventions propres à la science-fiction et plus particulièrement au sous-genre de l’opéra de l’espace. Les auteurs mettent en scène des vaisseaux spatiaux capables de parcourir des distances intersidérales dans des temps très brefs, sans mentionner la technologie permettant de réaliser ces sauts, ni le besoin en énergie pour les réaliser. Dans le même ordre idée, les races extraterrestres sont majoritairement humanoïdes à l’exception d’une (les Arrachonovanes ayant huit pattes et faisant penser à des araignées). Tout le monde respire la même atmosphère qui apparaît identique quelle que soit la planète, et leurs régimes alimentaires semblent compatibles entre eux, laissant penser que les conditions de vie à travers l’univers ont abouti à des espèces très proches. Dans un ordre d’idée similaire, Xia arbore une tenue qui met en valeur sa poitrine et son ventre plat, qui semble peu adaptée au combat physique, ou même à supporter les conditions de vie sur des planètes inconnues. Little Mercur porte un masque, ou plutôt un casque intégral qui couvre toute sa tête, dissimulant son identité et sa tenue ne permettant pas d’identifier sa race, ce qui paraît difficile à maintenir dans l’intimité exigüe d’un vaisseau spatial. D’un autre côté, il s’agit simplement de conventions de genre qui font appel à la suspension consentie d’incrédulité, comme n’importe quelle convention de genre.
La narration visuelle emporte le lecteur dans ce monde futuriste, lui donnant à voir un monde consistant et cohérent, avec des moments spectaculaires et intenses : l’usage de la relique Cerveau de Péroïd par le peuple adorateur, la course-poursuite entre les vaisseaux du Panthéon d’un côté, et celui des chasseurs de reliques de l’autre, occasionnant des dégâts sur un ferry galactique pour touristes friqués, l’utilisation de l’holo-parchemin pour localiser la relique d’Eleusys, un Arrachonovane surveillant le vol du vaisseau des chasseurs au-dessus d’une zone naturelle, la flore s’attaquant audit vaisseau, puis un périple à travers un réseau de cavernes dans une montagne, la bataille sur la planète entre Arrachonovanes et armée du Panthéon, des scènes de foule, etc. L’artiste impressionne par le niveau de détails des descriptions, la mise en scène vivante et la mise en valeur du vide de l’espace, des paysages exotiques, avec une mise en couleurs riche et travaillée.
Le lecteur est pris par le rythme et la diversité des lieux et des actions. Il découvre également une intrigue consistante qui ne se limite pas à une suite d’épreuves dont il faut triompher pour pouvoir accéder à la relique, et déjouer une forme de traîtrise de la part de l’employeur. L’intrigue racontée par le scénariste développe l’Histoire de cette galaxie, le déroulement de La digne renaissance qui a permis à quatre dieux d’éliminer toutes les autres religions. Cela fait apparaître que les personnages ne sont pas interchangeables, en donnant un peu de profondeur à la religion de Xia, ce qui explique également son recours très régulier à la boisson alcoolisée, et le risque pour sa santé (cirrhose du foie, c’est un classique dans cette religion, dit-elle). Imposé dans le groupe de chasseurs par le commanditaire, Vitelliux Redinovan, ex-centurion du Panthéon, s’avère beaucoup moins compétent que prévu, sans pour autant être tourné en ridicule. Le lecteur finit aussi par découvrir l’histoire personnelle de Little Mercur dont la vie a également été impactée par les grands événements de l’histoire de cette galaxie. Ainsi, sous-jacents, plusieurs thèmes affleurent. Une théorie du complot dans laquelle tout ne se passe pas comme prévu, les plans les mieux préparés ne se déroulant jamais comme planifié. L’importance du spirituel avec les différentes formes de religion, chaque fois pétries d’idiosyncrasies propres à la planète où elles se sont développées, et les conséquences des rites à observer, du credo collectif, les sacrifices consentis par chacun qui peuvent apparaître ridicules aux yeux du non-croyant (la chasteté des centurions par exemple). L’incompétence du centurion ne relève pas que d’un manque d’intelligence de sa part, mais découle également pour partie du système de pensées imposé dans une armée, dictant un mode d’actions (plutôt que de demander pour récupérer une monture arrachonovane par exemple).
Une couverture et un titre qui promettent une aventure de science-fiction proche du jeu vidéo : se frayer un chemin parmi les créatures hostiles jusqu’à accomplir la mission : récupérer une relique spatiale. La narration visuelle tient les promesses d’un tel récit de genre : des vues à couper le souffle de l’espace, des vaisseaux spatiaux originaux, des planètes à la faune et la flore bizarres et extraterrestres, des scènes d’action rapide, et même des scènes de foule d’importance. Le scénariste met à profit les conventions propres à ce genre, sans les remettre en cause, et il raconte de manière linéaire cette chasse à la relique. Dans le même temps, il introduit des variations originales sur le caractère et les compétences des personnages, il donne de la profondeur à son intrigue en développant l’Histoire de l’arrivée des quatre dieux jusqu’à s’imposer en balayant le millier d’autres religions précédentes.
Un album intéressant, sur une longue page d’Histoire révélatrice de beaucoup de choses – dont certaines ont un peu été évacuées hélas.
Nous suivons en parallèle l’ascension d’Allende et de Pinochet, jusqu’à leur « rencontre » finale sous les yeux de l’Histoire, avec ce coup d’Etat qui mit fin à la vie du premier (et de beaucoup d’autres Chiliens d’ailleurs) et qui inaugura la dictature du second. Ce fil rouge est agréable à suivre, et globalement bien mené.
Quelques bémols toutefois, plus ou moins marqués.
D’abord l’histoire de ce Chilien issu d’une famille chilienne exilée (avant la dictature) et qui y retourne (après) n’apporte pas grand-chose à l’intrigue, qui aurait même pu s’en passer.
Ensuite, certains aspects – hautement importants – sont en partie ou en totalité escamotés.
D’abord, si Pinochet a pu s’emparer des rênes du pouvoir, c’est que l’agitation sociale qui l’a aidé et qui a affaibli Allende ne doit rien au hasard, mais plutôt à l’action forte des États-Unis et des multinationales américaines (ceci est montré de façon légère).
Ensuite c’est au Chili de Pinochet qu’ont été « testées » pour la première fois les théories ultralibérales. Et c’est bien ça qui réjouira Margaret Thatcher – en plus de son anticommunisme affiché (et non l’appui apporté par Pinochet au moment de la guerre dans Malouines comme expliqué dans l’album).
L’épisode de la temporaire mise en accusation de Pinochet au Royaume-Uni lorsqu’il est « inquiété » lors d’un passage en 1998 (bien après avoir « abandonné » le pouvoir) montre surtout le cynisme et l’hypocrisie des démocraties, qui ont moins de scrupules à défendre les droits de l’homme lorsqu’ils sont bafoués dans des pays qui nous sont hostiles.
Mais bon, ça reste une lecture agréable. Et le dessin de Gonzalez m’a convenu.
Situé dans l'univers de Black Hammer, cette mini-série ne nécessite absolument pas de connaitre la série. On comprend très vite qu'on est simplement dans un univers de super-héros à l'ancienne, avec des personnages très inspirés des grands classiques de Marvel et DC Comics. Et encore ceux-ci sont même ici de simples figurants, laissant la place au seul véritable personnage principal qu'est Doctor Starr dont on constate assez vite qu'il est lui-même inspiré de Green Lantern dans une version un peu plus rétro-futuriste puisqu'il s'agit avant tout d'un scientifique paranormal des années 40 qui a utilisé ses pouvoirs pour participer à la seconde guerre mondiale.
L'intrigue lui est très personnelle puisqu'il s'agit avant tout de relater les conséquences de son rôle de super-héros pour sa vie familiale, et plus particulièrement une très grosse erreur scientifique qui va briser son lien avec son épouse et son fils au point de gâcher leur vie à tous.
C'est une histoire de bonne qualité, dessinée avec un trait plutôt élégant, dans le style des super-héros à la Darwyn Cooke (The New Frontier). Le scénario est assez triste sans être plombant. Ce n'est pas une histoire emplie d'action, celle-ci n'est que secondaire : c'est avant tout une histoire d'émotions. Le héros n'est pas très attachant mais ce qu'il lui arrive est intéressant et on comprend la situation complexe et douloureuse dans laquelle il s'est engagé par erreur.
Une bonne histoire, intelligente sans être forcément passionnante, dans une ambiance rétro plutôt élégante mais sombre.
« Pour moi, l’art est comme une recherche continuelle, mais ce que je cherche n’est ni le réel, ni l’irréel, c’est l’inconscient… C’est comme si avec un œil je cherchais dans le monde extérieur, et qu’avec l’autre je regardais à l’intérieur des gens. » Cette citation de Modigliani résume parfaitement l’approche artistique du personnage, dont Ernesto Anderle a mis en image la biographie dans cet album homonyme à travers les yeux de la fille de « Modi » et du peintre Maurice Utrillo. L’artiste, qui avait quitté son Italie natale pour Paris, désirait vivre pleinement son art, et la ville des lumières était le seul endroit où il pensait pouvoir le faire. Mais Paris, ville des plaisirs et des excès, a également été le témoin de sa déchéance dans la misère et l’alcoolisme, déchéance accentuée par sa santé fragile et la guerre qui avait précipité l’Europe dans les ténèbres. Dans ce contexte difficile, le peintre connut heureusement l’amour, notamment avec Jeanne Hébuterne qui fut sa muse jusqu’à ses derniers jours. Leur amour était si fusionnel que la jeune femme se suicida deux jours après la mort de son compagnon.
Ernesto Anderle nous livre ici un bel hommage à un artiste dont on connaît surtout les œuvres centrées sur les nus féminins et les portraits. Il dresse lui-même le portrait passionnant d’un homme authentique qui ne vivait que pour son art, lequel constituait le moteur principal dans sa quête d'absolu, mais dont le talent ne fut reconnu qu’après sa mort. Jeanne fut en quelque sorte la « récompense », le « graal » de cette quête, qu’Anderle restitue ici avec poésie et émotion.
Ainsi, il apparaîtrait presque déplacé d’émettre des objections quant au dessin, car si celui-ci apparaît à première vue mal ficelé voire bâclé, il est parfaitement raccord avec le style de Modigliani. Proportions non respectées, mains à trois doigts, trait tremblotant au bord de l’esquisse, négligence des détails… Ernesto Anderle se contrefiche des codes du neuvième art. Réputé pour faire dialoguer la peinture et la bande dessinée (avec notamment « Caravage, l’ombre du peintre », publié également cette année chez l’éditeur Petit à petit), l’auteur multicasquette dessine d’abord comme un peintre (car en effet il est aussi sculpteur, vidéaste, et expose dans des galeries d’art), et quoiqu’on en pense, on ne peut pas le nier, il est plutôt stylé ! Sa mise en page est vivante, sa façon de cadrer parlante, les visages sont expressifs et il sait insuffler une belle poésie dans ses cases. Cas de figure typique où le fond est trop imposant pour se faire éclipser par la forme.
Ce « Modigliani » raconte avant tout une très belle histoire, celle d’un amour fusionnel et tragique qui avait vu Jeanne et « Modi » devenir « une seule et même chose », un amour si fort que même les parents de la jeune femme ne purent s’opposer à ce qu’ils soient réunis dans la mort. On ne tiendra pas rigueur à l’auteur du décalage chronologique (délibéré ?) concernant la date où la dépouille de Jeanne rejoignit celle de son amant au cimetière du Père Lachaise. Ernesto Anderle nous livre une biographie poignante via le regard de leur propre fille, prénommée Jeanne comme sa mère, qui donne envie d’approfondir sa connaissance de l’œuvre du peintre-sculpteur mais aussi de découvrir celle, moins connue, de « Noix de coco », le surnom de Jeanne Hébuterne, qu'elle tenait de son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtain aux reflets roux.
Une histoire qui se laisse lire sans problème, mais je reste quand même sur ma faim.
L’album mélange plusieurs thématiques, et plusieurs histoires, qui sont de qualités inégales. Disons que j’ai bien apprécié tous les passages en Belgique, où le vieil homme au crépuscule de sa vie entretient et décrit son vaste jardin. Pratiquant tout ce qu’il est possible de faire pour défendre la biodiversité, on a là un hymne à la nature et à complicité simple entre l’homme et animaux, végétaux qui l’entourent. Tout ceci est accompagné d’un dessin réaliste et précis, plutôt agréable à l’œil. Bref, du Servais « classique ».
Cette illustration et défense de la biodiversité se double d’un plaidoyer pour un autre défi contemporain et lié : Servais illustre une des conséquences du réchauffement climatique près des pôles, avec cette expédition qu’aurait mené le vieux héros quelques années auparavant – et qui s’est mal finie. Cette partie est moins convaincante et intéressante. D’abord parce que le dessin de Servais est plus réussi pour représenter des espaces lumineux et forestier, campagnards, et les sombres immensités glacières lui siéent moins.
Ensuite parce que la vague intrigue policière ou romancée autour du jeune homme qui serait mort durant l’expédition polaire en accompagnant notre héros est peu captivante. Surtout qu’on devine loin en amont le cœur du problème.
Note réelle 2,5/5.
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Loin
Loin d’être désagréable (et sans mauvais jeu de mot), « Loin » constitue par excellence la lecture d’été idéale, mais est aussi une BD « feel-good » qu’on peut lire à tout moment, comme on se plaît souvent à le répéter dans une époque toujours plus anxiogène. Une senteur d’iode et de sable fin infuse le récit de façon câline, avec à la clé des questionnements sur un sujet sociétal pas anodin : qu’est-ce que le couple aujourd’hui et le schéma traditionnel « collé-serré » est-il encore viable aujourd’hui ? Alicia Jaraba, jeune autrice espagnole talentueuse, a choisi l’angle de la légèreté pour aborder la question, et elle a eu bien raison ! Le récit tout entier est traversé par les questionnements d’Aimée et Ulysse sur leur relation, leurs aspirations. Bien sûr, ils vivent ensemble depuis un bon paquet d’années (ils se sont connus au lycée !), mais cela prouve-t-il qu’ils soient vraiment faits l’un pour l’autre ? Quelques chamailleries liées à divers contretemps au début du voyage vont amener les deux jeunes gens à s’interroger. Aimée, elle, est en plein stress. En effet, elle attend une confirmation d’embauche dans un laboratoire suisse et doit rester connectée en permanence pour ne pas louper cette opportunité qu’elle juge essentielle pour sa carrière. Et puis d’une manière générale, elle déteste l’imprévu, toujours encline à imaginer le pire. Aimée adore faire des listes et reste très attachée à son petit confort. Ulysse, c’est un peu l’inverse. Epuisé par ses quatre années de thèse, il veut vivre avec un grand V, et l’inconnu ne l’effraie pas. Ces vacances, qui devaient lui permettre de faire un stage de plongée sous-marine, il les a désirées ardemment et tant pis si le programme est bousculé à cause de son van tombé en panne. Maintenant, il est prêt à camper dans la forêt, nager dans les lacs et chercher des « poissons-lunes ». En contrepoint de cette histoire, un personnage va faire irruption, tel un bon samaritain aux intentions quelque peu équivoques. Prénommé Paco, ce sexagénaire, accablé par ailleurs par le départ précipité de sa femme, va proposer à Aimée et Ulysse de l’accompagner chez lui pour récupérer la voiture qu’il dit ne pas avoir le droit de conduire, et l’emmener ensuite à un congrès d’ornithologues exactement là où le couple doit se rendre. Si cela fait les affaires d’Ulysse, Aimée est beaucoup plus circonspecte… mais une fois tombées les barrières de la méfiance, ce personnage se révélera essentiel dans la relation des deux tourtereaux au bord de la rupture. Le scénario, basé davantage sur l’exploration des sentiments humains, bénéficie d’une belle fluidité, sans surcharge émotionnelle inutile. Dans ce one-shot aux faux airs de comédie légère, Alicia Jaraba nous montre des personnages qui nous ressemblent, avec une bienveillance empreinte de tendresse. Si l’on pouvait craindre une conclusion convenue et un peu mièvre, il n’en est rien. Ce que l’on pourrait qualifier ici de parcours initiatique se termine sur une fin ouverte, en nous évitant le psychodrame de rigueur, les protagonistes ayant visiblement opté pour une approche concertée et rationnelle. Le dessin semi-réaliste de Jarabia dégage une douceur « sous-marine » des plus plaisantes, nous livrant un bon aperçu de son talent. La poésie est très présente, avec un recours récurrent à la métaphore de la plongée dans les fonds marins en lien avec les états d’âme des personnages. Plutôt attachants avec leurs doutes et leurs fêlures, ceux-ci sont à la fois expressifs d’un point de vue graphique mais également bien campés. « Loin » serait incontestablement le livre du moment à conseiller à celles et ceux qui rencontrent des problèmes de couple voire qui estiment qu’une vie à deux n’est possible qu’avec l’âme sœur, le prince ou la princesse charmante. Si ce modèle sociétal traditionnel implique de trouver des compromis, faut-il pour autant sacrifier ses propres envies ou tenter d’atteindre un équilibre ? Doit-on nécessairement être un couple fusionnel ? On ne trouvera bien sûr pas de réponse toute faite dans l’ouvrage d’Alicia Jarabia (pour cela, il y a des écrits publiés par d’éminents sociologues et psychologues), mais celui-ci reste tout à fait inspirant sans être trop dense, et pourra à coup sûr livrer quelques pistes aux âmes en peine.
Nos rives partagées
Sympathique album sur un récit choral où se croisent des histoires d'amour à trois âges. C'est pétri de bon sentiment, clairement, parfois un peu trop à mon gout, et je trouve que l'ensemble reste malheureusement dans une zone sympathique mais sans grand plus. Le récit mélange plusieurs choses, notamment des considérations sur la destruction des écosystèmes (qui font assez saugrenue, je dois bien dire même si je vois l'idée) et trois façons d'envisager les relations amoureuses. C'est aussi six personnes se posant différentes questions à différents âges avec ce que ça peut comporter de situations parfois drôles et souvent non. J'aime bien les récits de ce genre, mais je dois avouer que là ça m'a laissé pas mal sur ma faim. Déjà parce qu'il n'y a pas réellement de conclusion vis-à-vis de son récit. Enfin, si, mais au-delà de ce qu'on peut sentir arriver, rien ne vient réellement conclure le mélange entre le fantastique et les différentes histoires personnelles. Qui d'ailleurs se mélangent très peu, même si les personnages se croisent. Je trouve qu'il manque un peu de liant entre tout ça, qui ne soit pas juste des petits moment de passage. J'aurais bien aimé de réels échanges entre les générations (de mémoire il n'y a qu'une seule scène où deux générations différentes discutent réellement). Pour le reste, le récit est lent avec son mélange des genres, le fantastique des bêtes apportant de bons mots mais aussi quelques réflexions sur le monde. C'est bien dessiné, plaisant à lire, mais pour le coup je pense que je ne garderais pas l'histoire en mémoire. Par rapport à un récit du même genre (je pense à Échecs) il n'y a pas de surprise dans la tournure du récit ou un bon mot final qui reste en mémoire. Même s'il y a bien une sentence finale, je ne la trouve pas inoubliable. Et c'est un peu l'avis que j'ai sur la BD.
Le Beau Parleur
J'ai laissé passer quelques jours avant d'aviser cette BD, parce que j'en suis sorti avec un sentiment de bof, que j'ai finalement mitigé après réflexion. J'aime énormément le duo des auteurs Radice/Turconi dont je suis assidument les sorties. Je commence à cerner leurs thèmes mais aussi la façon dont ils traitent leurs sujets et les codes narratifs qu'ils exploitent. Et si je dis ça, c'est que j'ai senti dans cette BD une sorte de redondance de leur thématique mais aussi une exploitation plus facile et linéaire de l'histoire. En fait, même si la thématique des histoires qu'on se raconte mixée avec l'évolution vers l'âge adulte est franchement bien faite et assez développée, je trouve que le récit reste très linéaire. Il manque quelque chose dans l'histoire, notamment avec ces méchants assez monolithique qui les poursuivent et surgissent à des moments inopinés pour relancer la course-poursuite. Je n'ai pas grand chose d'autre à en dire, en fin de compte. C'est juste qu'en découvrant le récit, j'ai eu assez vite une idée de l'endroit vers lequel on se dirigeait et que peu de surprises sont venues parsemer ce récit. Par rapport à d'autres BD du duo, j'ai été moins entrainé dans le récit par l'absence de réelles surprises. Maintenant, il est vrai que l'histoire est jolie et que les moments tendres le sont, la morale est louable et je suis très certain qu'elle touchera son public. C'est juste que je l'ai trouvé globalement moins bien que les autres récits du duo, que je recommanderais.
Les Aigles de Rome
Une bonne série dans le genre blockbuster. Ça n’atteint certes pas l’exigence d’un Murena, mais Enrico Marini nous offre tout de même une agréable plongée dans l’empire romain. L’idée de suivre deux frères d’arme que tout oppose est bien vue, amitié, rivalité et trahison au programme. C’est relativement léger mais ça utilise plutôt bien le fond historique. Le trait et couleurs de l’auteur y font merveilles, l’époque lui sied bien et je n’ai tiqué sur aucunes scènes. Bref de la bonne réalisation, pas vraiment surprenante de part ses ingrédients mais très sympa à suivre. Par contre si j’ai bien aimé le 1er cycle, je n’ai pas trop accroché au 6eme tome qui en lance un nouveau, je l’ai trouvé un poil trop politique et verbeux. J’aurai peut être du réviser avant, je me suis senti un peu largué avec les nombreux personnages et enjeux. La faute à une parution que je trouve trop espacée. MàJ tome 7 : Je viens gommer ma remarque sur l’entame de ce nouveau cycle, un tome 6 verbeux mais quasi indispensable pour poser les enjeux. Ce tome 7 renoue avec les scènes d’action et la campagne germanique. J’avoue que je l’ai bien apprécié et le côté historique m’a pour une fois bien plus sauté aux yeux que précédemment. Bravo à M. Marini qui, sous couvert de faits et batailles réelles (perte des 3 aigles …), arrive à nous proposer de la chouette aventure romanesque et romancée.
Banana sioule
Avis après tome 1 (emprunté à mon neveu) Rien de nouveau mais une série qui plaira aux amateurs du genre, du bon manga made in France. On retrouve à la barre un des auteurs de « Lastman ». Michaël Sanlaville vole ici en solo et propose un hommage au manga sportif. Il use ici du même graphisme que dans l’œuvre citée plus haut. Un style simple, fluide, efficace avec un petit côté franco belge discret. Bien appréciable pour ce type de format. Ce n’est qu’un tome d’introduction mais une histoire bien plaisante malgré les poncifs du genre. Je suis tout de suite rentré dedans, l’auteur démarre son récit en présentant une partie de Sioule, un sport imaginaire ultra dangereux, violent et médiatique (une sorte de Rollerball dans le genre), où chaque partie est déterminée par un tirage au sort (durée, terrain, armes …) ce qui laisse présager quelques surprises pour les prochaines rencontres. Ce sport servira donc de toile de fond à l’aventure. Ensuite nous allons faire connaissance avec notre héroïne, une ado de caractère qui vie avec son père dans une ferme. Cette dernière ne sait pas vraiment où s’orienter par la suite jusqu’à sa découverte fortuite avec ce sport dans lequel elle se révèle plutôt douée …du coup direction la sélection pour intégrer la prestigieuse école de formation. Voilà pour la version condensée, à ça se greffe une bande de copains (ils font d’ailleurs carrément minot par rapport à notre héroïne), les 1ers coéquipiers amateurs par qui elle découvre ce sport, l’amoureux et le conflit avec le paternel (ex joueur au passage ?). Bref rien de spécialement original mais ça reste bien fait, on sent que l’auteur se fait plaisir avec les références bien digérées de son enfance, pas une priorité mais je lirais volontiers la suite quand elle me tombera dans les mains. MàJ après lecture tome 2 : L’intrigue nous narre l’apprentissage de notre héroïne dans l’école spécialisée et dédiée à la Sioule, on en découvre plus sur ce sport (et ses dangers), la rencontre avec un nouveau partenaire/rival aussi doué … l’ensemble est toujours aussi sympa à suivre. MàJ tome 3 : Je ne sais pas si une suite est prévue, en tout cas ce 1er cycle se suffit bien. Je reste d’ailleurs sur ma note, ma lecture fut plaisante mais j’ai vu venir les révélations finales. Du bon boulot cependant, l’auteur arrive à bien équilibrer sa trilogie. Ça plaira à un large public.
Space Relic Hunters
Quoi qu’il arrive, à partir de maintenant le pire est à venir. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2023. Il a été réalisé par Sylvain Runberg pour le scénario, et par Grun (Ludovic Dubois) pour le dessin et les couleurs. Il se termine par sept pages de recherches graphiques de l’artiste. Il compte cent pages de bande dessinée. Ces auteurs ont également réalisé la trilogie On Mars (2017-2019-2021). Dans une galaxie très lointaine, dans un ancien vaisseau-temple akenaïd reconverti en bar, le patron Hegin dit à Xia, une cliente humaine, ce qu’il pense du groupe qui passe sur scène. Il les hait, ils sont infâmes, de la pollution sonore, de la torture auditive.et puis ce nom Angels of the moshpit, aussi moche que leur soit-disant musique. Il continue tout en essuyant un verre : Mais bon, les fans sont des poivrots finis, des ivrognes stellaires. Ils font tourner la boutique, remplissent les caisses et ne posent jamais de problèmes. Alors ses migraines, il les oublie en comptant les deniers gagnés chaque fois qu’ils jouent ici. Xia l’écoute distraitement tout en sirotant un cocktail extraterrestre : elle lui dit qu’elle n’est pas venue dans son astrobar pour les groupes qui y passent. Elle a entendu parler de sa collection de liqueurs kuruniennes rares. Elle lui demande s’il pourrait lui faire une visite privée de sa cave, lui faire goûter tous ses meilleurs crus, juste tous les deux ? Il répond que s’il commence à faire ça avec elle, tous les clients vont lui demander la même chose. Et puis, il n'a pas une tête à trouver les humaines séduisantes. Parmi les clients dans l’immense salle, un petit monsieur avec un casque lui masquant le visage, se lève et s’emporte : c’est quoi cette bouillie sonore ? Le pire groupe de toute la galaxie ! Il les enjoint de se suicider, c’est le mieux à faire tellement ils sont mauvais. La chanteuse guitariste s’emporte et se jette sur lui depuis la scène, mais il esquive en bondissant haut en l’air. Le propriétaire Hegin intervient pour exiger qu’il n’y ait pas de bagarre dans son établissement. Xia en a profité pour descendre dans sa cave. Elle a tôt fait de trouver ce qu’elle cherche : elle sort un colifichet d’une de ses poches et avec ouvre une alcôve secrète. Elle y prend la relique qui s’y trouve : le cerveau de Péroïd, le plus honoré des saints akenaïdes. Elle est interrompue par Hegin qui se tient derrière elle, la visant avec un fusil de gros calibre. Pour répondre à sa question, elle lui explique que son astrobar est un ancien vaisseau-temple akenaïde, ce qu’il aurait peut-être compris quand ou lui a vendu s’il s’intéressait à autre chose que ses liqueurs pourries. Il la tient en joue et lui répond : elle n’est qu’une chasseuse de reliques, elle va remettre ça à sa place et se casser d’ici. Sinon, il contacte direct les légions divines et elle sera bonne pour le bagne, au mieux. Il est neutralisé par derrière, un coup porté par Little Mercur, le petit monsieur ayant mis le bazar en haut dans la grande salle. Il ne leur reste plus qu’à se frayer un chemin au travers de la rixe généralisée pour regagner leur vaisseau et s’enfuir avec la relique. Le titre promet un récit de science-fiction, avec voyages interplanétaires, et des chasses à la relique, certainement moyennant rétribution. Cet horizon d’attente est respecté : le lecteur suit trois chasseurs de primes à la relique dans une mission secrète sur une planète hostile afin de récupérer une relique sur une planète du système solaire Retirri 17, hostile et habitée par des combattants renommés, les Arrachonovanes. L’artiste ne fait pas semblant et il régale le lecteur avec un monde de science-fiction bien conçu dans lequel il a investi du temps. Tout commence avec un dessin occupant la moitié de la première planche, permettant de voir le vaisseau-temple dans son entièreté, au milieu de petits astéroïdes, puis l’intérieur avec la grande salle dans laquelle se produit le groupe. Par la suite, le lecteur peut consacrer du temps pour détailler chaque vaisseau spatial : celui des chasseurs de reliques de l’espace, celui de Vitelliux Redinovan (ex-centurion du Panthéon), ceux de la légion divine, et l’Olympus des quatre dieux Charon, Aresia, Jupiter et Vénus. Il est visible que l’artiste a investi du temps pour concevoir ces formes originales de vaisseaux. Il a également donné une identité visuelle et une cohérence spécifique à chaque race, à chaque planète, conçus des uniformes pour les soldats de la légion divine. En amateur de science-fiction, le lecteur savoure la conception des armes, des vêtements, des drones, des armures, en particulier celles des Arrachonovanes. L’intrigue s’attache principalement au groupe de chasseurs de reliques spatiales qui semblent pulluler dans la galaxie, puisqu’il y eu jusqu’à 1.863 religions avant un événement appelé La digne renaissance, consacrant l’avènement de quatre dieux Charon, Aresia, Jupiter, Vénus. Le récit commence avec la récupération d’une relique, le cerveau de Péroïd, que les deux chasseurs vont aller remettre à leurs commanditaires et ils vont être rémunérés pour ça. Puis vient le temps d’une nouvelle mission, la plus dangereuses qu’ils aient eu à effectuer, avec un chasseur supplémentaire qui leur est imposé et le commanditaire présent tout du long par drone interposé. Cette mission s’avère d’une ampleur insoupçonnée, ayant des ramifications directes avec La digne renaissance. Les personnages existent essentiellement par leurs actions, leurs convictions et, pour certains, par leur histoire passée. En parallèle de cette équipe de chasseurs de reliques spatiales, certaines scènes montrent les quatre dieux, leur générale Merti Ziscarod, ses seconds et parfois son armée, ainsi que la triarchie (Lys, Myr et Tyrosh) des Arrachonovanes (le peuple de la planète où se trouve la relique, un bio-grimoire) et leur hôte Aliyeh. La narration utilise un certain nombre de conventions propres à la science-fiction et plus particulièrement au sous-genre de l’opéra de l’espace. Les auteurs mettent en scène des vaisseaux spatiaux capables de parcourir des distances intersidérales dans des temps très brefs, sans mentionner la technologie permettant de réaliser ces sauts, ni le besoin en énergie pour les réaliser. Dans le même ordre idée, les races extraterrestres sont majoritairement humanoïdes à l’exception d’une (les Arrachonovanes ayant huit pattes et faisant penser à des araignées). Tout le monde respire la même atmosphère qui apparaît identique quelle que soit la planète, et leurs régimes alimentaires semblent compatibles entre eux, laissant penser que les conditions de vie à travers l’univers ont abouti à des espèces très proches. Dans un ordre d’idée similaire, Xia arbore une tenue qui met en valeur sa poitrine et son ventre plat, qui semble peu adaptée au combat physique, ou même à supporter les conditions de vie sur des planètes inconnues. Little Mercur porte un masque, ou plutôt un casque intégral qui couvre toute sa tête, dissimulant son identité et sa tenue ne permettant pas d’identifier sa race, ce qui paraît difficile à maintenir dans l’intimité exigüe d’un vaisseau spatial. D’un autre côté, il s’agit simplement de conventions de genre qui font appel à la suspension consentie d’incrédulité, comme n’importe quelle convention de genre. La narration visuelle emporte le lecteur dans ce monde futuriste, lui donnant à voir un monde consistant et cohérent, avec des moments spectaculaires et intenses : l’usage de la relique Cerveau de Péroïd par le peuple adorateur, la course-poursuite entre les vaisseaux du Panthéon d’un côté, et celui des chasseurs de reliques de l’autre, occasionnant des dégâts sur un ferry galactique pour touristes friqués, l’utilisation de l’holo-parchemin pour localiser la relique d’Eleusys, un Arrachonovane surveillant le vol du vaisseau des chasseurs au-dessus d’une zone naturelle, la flore s’attaquant audit vaisseau, puis un périple à travers un réseau de cavernes dans une montagne, la bataille sur la planète entre Arrachonovanes et armée du Panthéon, des scènes de foule, etc. L’artiste impressionne par le niveau de détails des descriptions, la mise en scène vivante et la mise en valeur du vide de l’espace, des paysages exotiques, avec une mise en couleurs riche et travaillée. Le lecteur est pris par le rythme et la diversité des lieux et des actions. Il découvre également une intrigue consistante qui ne se limite pas à une suite d’épreuves dont il faut triompher pour pouvoir accéder à la relique, et déjouer une forme de traîtrise de la part de l’employeur. L’intrigue racontée par le scénariste développe l’Histoire de cette galaxie, le déroulement de La digne renaissance qui a permis à quatre dieux d’éliminer toutes les autres religions. Cela fait apparaître que les personnages ne sont pas interchangeables, en donnant un peu de profondeur à la religion de Xia, ce qui explique également son recours très régulier à la boisson alcoolisée, et le risque pour sa santé (cirrhose du foie, c’est un classique dans cette religion, dit-elle). Imposé dans le groupe de chasseurs par le commanditaire, Vitelliux Redinovan, ex-centurion du Panthéon, s’avère beaucoup moins compétent que prévu, sans pour autant être tourné en ridicule. Le lecteur finit aussi par découvrir l’histoire personnelle de Little Mercur dont la vie a également été impactée par les grands événements de l’histoire de cette galaxie. Ainsi, sous-jacents, plusieurs thèmes affleurent. Une théorie du complot dans laquelle tout ne se passe pas comme prévu, les plans les mieux préparés ne se déroulant jamais comme planifié. L’importance du spirituel avec les différentes formes de religion, chaque fois pétries d’idiosyncrasies propres à la planète où elles se sont développées, et les conséquences des rites à observer, du credo collectif, les sacrifices consentis par chacun qui peuvent apparaître ridicules aux yeux du non-croyant (la chasteté des centurions par exemple). L’incompétence du centurion ne relève pas que d’un manque d’intelligence de sa part, mais découle également pour partie du système de pensées imposé dans une armée, dictant un mode d’actions (plutôt que de demander pour récupérer une monture arrachonovane par exemple). Une couverture et un titre qui promettent une aventure de science-fiction proche du jeu vidéo : se frayer un chemin parmi les créatures hostiles jusqu’à accomplir la mission : récupérer une relique spatiale. La narration visuelle tient les promesses d’un tel récit de genre : des vues à couper le souffle de l’espace, des vaisseaux spatiaux originaux, des planètes à la faune et la flore bizarres et extraterrestres, des scènes d’action rapide, et même des scènes de foule d’importance. Le scénariste met à profit les conventions propres à ce genre, sans les remettre en cause, et il raconte de manière linéaire cette chasse à la relique. Dans le même temps, il introduit des variations originales sur le caractère et les compétences des personnages, il donne de la profondeur à son intrigue en développant l’Histoire de l’arrivée des quatre dieux jusqu’à s’imposer en balayant le millier d’autres religions précédentes.
Maudit Allende !
Un album intéressant, sur une longue page d’Histoire révélatrice de beaucoup de choses – dont certaines ont un peu été évacuées hélas. Nous suivons en parallèle l’ascension d’Allende et de Pinochet, jusqu’à leur « rencontre » finale sous les yeux de l’Histoire, avec ce coup d’Etat qui mit fin à la vie du premier (et de beaucoup d’autres Chiliens d’ailleurs) et qui inaugura la dictature du second. Ce fil rouge est agréable à suivre, et globalement bien mené. Quelques bémols toutefois, plus ou moins marqués. D’abord l’histoire de ce Chilien issu d’une famille chilienne exilée (avant la dictature) et qui y retourne (après) n’apporte pas grand-chose à l’intrigue, qui aurait même pu s’en passer. Ensuite, certains aspects – hautement importants – sont en partie ou en totalité escamotés. D’abord, si Pinochet a pu s’emparer des rênes du pouvoir, c’est que l’agitation sociale qui l’a aidé et qui a affaibli Allende ne doit rien au hasard, mais plutôt à l’action forte des États-Unis et des multinationales américaines (ceci est montré de façon légère). Ensuite c’est au Chili de Pinochet qu’ont été « testées » pour la première fois les théories ultralibérales. Et c’est bien ça qui réjouira Margaret Thatcher – en plus de son anticommunisme affiché (et non l’appui apporté par Pinochet au moment de la guerre dans Malouines comme expliqué dans l’album). L’épisode de la temporaire mise en accusation de Pinochet au Royaume-Uni lorsqu’il est « inquiété » lors d’un passage en 1998 (bien après avoir « abandonné » le pouvoir) montre surtout le cynisme et l’hypocrisie des démocraties, qui ont moins de scrupules à défendre les droits de l’homme lorsqu’ils sont bafoués dans des pays qui nous sont hostiles. Mais bon, ça reste une lecture agréable. Et le dessin de Gonzalez m’a convenu.
Black Hammer présente - Doctor Starr & le royaume des lendemains perdus
Situé dans l'univers de Black Hammer, cette mini-série ne nécessite absolument pas de connaitre la série. On comprend très vite qu'on est simplement dans un univers de super-héros à l'ancienne, avec des personnages très inspirés des grands classiques de Marvel et DC Comics. Et encore ceux-ci sont même ici de simples figurants, laissant la place au seul véritable personnage principal qu'est Doctor Starr dont on constate assez vite qu'il est lui-même inspiré de Green Lantern dans une version un peu plus rétro-futuriste puisqu'il s'agit avant tout d'un scientifique paranormal des années 40 qui a utilisé ses pouvoirs pour participer à la seconde guerre mondiale. L'intrigue lui est très personnelle puisqu'il s'agit avant tout de relater les conséquences de son rôle de super-héros pour sa vie familiale, et plus particulièrement une très grosse erreur scientifique qui va briser son lien avec son épouse et son fils au point de gâcher leur vie à tous. C'est une histoire de bonne qualité, dessinée avec un trait plutôt élégant, dans le style des super-héros à la Darwyn Cooke (The New Frontier). Le scénario est assez triste sans être plombant. Ce n'est pas une histoire emplie d'action, celle-ci n'est que secondaire : c'est avant tout une histoire d'émotions. Le héros n'est pas très attachant mais ce qu'il lui arrive est intéressant et on comprend la situation complexe et douloureuse dans laquelle il s'est engagé par erreur. Une bonne histoire, intelligente sans être forcément passionnante, dans une ambiance rétro plutôt élégante mais sombre.
Modigliani (Anderle)
« Pour moi, l’art est comme une recherche continuelle, mais ce que je cherche n’est ni le réel, ni l’irréel, c’est l’inconscient… C’est comme si avec un œil je cherchais dans le monde extérieur, et qu’avec l’autre je regardais à l’intérieur des gens. » Cette citation de Modigliani résume parfaitement l’approche artistique du personnage, dont Ernesto Anderle a mis en image la biographie dans cet album homonyme à travers les yeux de la fille de « Modi » et du peintre Maurice Utrillo. L’artiste, qui avait quitté son Italie natale pour Paris, désirait vivre pleinement son art, et la ville des lumières était le seul endroit où il pensait pouvoir le faire. Mais Paris, ville des plaisirs et des excès, a également été le témoin de sa déchéance dans la misère et l’alcoolisme, déchéance accentuée par sa santé fragile et la guerre qui avait précipité l’Europe dans les ténèbres. Dans ce contexte difficile, le peintre connut heureusement l’amour, notamment avec Jeanne Hébuterne qui fut sa muse jusqu’à ses derniers jours. Leur amour était si fusionnel que la jeune femme se suicida deux jours après la mort de son compagnon. Ernesto Anderle nous livre ici un bel hommage à un artiste dont on connaît surtout les œuvres centrées sur les nus féminins et les portraits. Il dresse lui-même le portrait passionnant d’un homme authentique qui ne vivait que pour son art, lequel constituait le moteur principal dans sa quête d'absolu, mais dont le talent ne fut reconnu qu’après sa mort. Jeanne fut en quelque sorte la « récompense », le « graal » de cette quête, qu’Anderle restitue ici avec poésie et émotion. Ainsi, il apparaîtrait presque déplacé d’émettre des objections quant au dessin, car si celui-ci apparaît à première vue mal ficelé voire bâclé, il est parfaitement raccord avec le style de Modigliani. Proportions non respectées, mains à trois doigts, trait tremblotant au bord de l’esquisse, négligence des détails… Ernesto Anderle se contrefiche des codes du neuvième art. Réputé pour faire dialoguer la peinture et la bande dessinée (avec notamment « Caravage, l’ombre du peintre », publié également cette année chez l’éditeur Petit à petit), l’auteur multicasquette dessine d’abord comme un peintre (car en effet il est aussi sculpteur, vidéaste, et expose dans des galeries d’art), et quoiqu’on en pense, on ne peut pas le nier, il est plutôt stylé ! Sa mise en page est vivante, sa façon de cadrer parlante, les visages sont expressifs et il sait insuffler une belle poésie dans ses cases. Cas de figure typique où le fond est trop imposant pour se faire éclipser par la forme. Ce « Modigliani » raconte avant tout une très belle histoire, celle d’un amour fusionnel et tragique qui avait vu Jeanne et « Modi » devenir « une seule et même chose », un amour si fort que même les parents de la jeune femme ne purent s’opposer à ce qu’ils soient réunis dans la mort. On ne tiendra pas rigueur à l’auteur du décalage chronologique (délibéré ?) concernant la date où la dépouille de Jeanne rejoignit celle de son amant au cimetière du Père Lachaise. Ernesto Anderle nous livre une biographie poignante via le regard de leur propre fille, prénommée Jeanne comme sa mère, qui donne envie d’approfondir sa connaissance de l’œuvre du peintre-sculpteur mais aussi de découvrir celle, moins connue, de « Noix de coco », le surnom de Jeanne Hébuterne, qu'elle tenait de son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtain aux reflets roux.
Le Jardin des glaces
Une histoire qui se laisse lire sans problème, mais je reste quand même sur ma faim. L’album mélange plusieurs thématiques, et plusieurs histoires, qui sont de qualités inégales. Disons que j’ai bien apprécié tous les passages en Belgique, où le vieil homme au crépuscule de sa vie entretient et décrit son vaste jardin. Pratiquant tout ce qu’il est possible de faire pour défendre la biodiversité, on a là un hymne à la nature et à complicité simple entre l’homme et animaux, végétaux qui l’entourent. Tout ceci est accompagné d’un dessin réaliste et précis, plutôt agréable à l’œil. Bref, du Servais « classique ». Cette illustration et défense de la biodiversité se double d’un plaidoyer pour un autre défi contemporain et lié : Servais illustre une des conséquences du réchauffement climatique près des pôles, avec cette expédition qu’aurait mené le vieux héros quelques années auparavant – et qui s’est mal finie. Cette partie est moins convaincante et intéressante. D’abord parce que le dessin de Servais est plus réussi pour représenter des espaces lumineux et forestier, campagnards, et les sombres immensités glacières lui siéent moins. Ensuite parce que la vague intrigue policière ou romancée autour du jeune homme qui serait mort durant l’expédition polaire en accompagnant notre héros est peu captivante. Surtout qu’on devine loin en amont le cœur du problème. Note réelle 2,5/5.