Je pensais avoir lu plus de trucs d'Hervé Bourhis mais je ne retiens que Comix Remix et Piscine Molitor. Ce dernier parle de Boris Vian mort d'un infarctus à seulement 39 ans d'ailleurs. C'est ce qui survient à l'auteur à 48 ans et il nous le raconte sans trop rentrer dans les détails médicaux ni le larmoyant ni l'apitoiement. Il se félicite des progrès médicaux où on survit à cette épreuve et la pose d'un stent se fait par un simple trou dans le poignet là où il fallait auparavant une opération à coeur ouvert.
En réalité après quelques pages il nous parle rapidement de sa vraie passion de DJ, de ses copains du milieu, de concerts dans des bars et de chasse aux vinyles. J'avoue que je suis bien béotien par rapport à tous les groupes underground qu'il peut citer et encore moins averti sur l'art du Mix. Une lecture qui reste fluide même si ça saute parfois du coq à l'âne. Le dessin est également plaisant à regarder.
A un moment l'auteur se moque gentiment des blogs ou bande dessinée nombrilistes sur les maladies, réelles ou imaginaires, et un extrait sur un névrosé m'a fortement rappelé L'homme le plus flippé du monde y compris sur l'imitation du style de dessin.
Échanger des regards
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2020. Il a été réalisé par Joe Pinelli (pseudonyme de Bertrand DeHuy). Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc, comportant vingt-cinq pages, entièrement dépourvue de dialogue. Il s’agit d’un format imposé dans cette collection des éditions Martin de Halleux, inspiré de l’ouvrage 25 images de la passion d'un homme (1918), réalisé par Frans Masereel (1889-1972). Dans cet ouvrage, l’histoire est racontée en 25 gravures sur bois, chacune imprimée comme un dessin en pleine page, sans aucun dialogue non plus. Le premier tome de cette collection est La forêt (2020) de Thomas Ott. L’auteur belge respecte cette contrainte à la lettre, à raison d’une image par page. Une petite entorse à la règle : la première et la quatrième de couverture forment une image supplémentaire. Le texte de la quatrième de couverture indique que l’action se situe le lundi 12 février 1934, à la suite des émeutes des ligues du 6 février, alors qu’une gauche unie manifeste contre le danger fasciste.
Marguerite est une jeune femme qui travaille dans un magasin de primeurs à Paris. Ce jour-là, sourire aux lèvres, elle porte son tablier de travail prête à répondre à la demande du premier client qui se manifestera. Elle tourne le dos à un jeune peintre qui passe derrière elle la tête baissée, son carton à dessin sous le bras. Une autre femme est en train de discuter avec le maraîcher. Le jeune homme s’assoit à une table en terrasse. Il a posé son carton à terre et il a sorti son crayon pour dessiner ce qu’il voit autour de lui. Un autre homme et une femme se trouvent à la même table que lui. Derrière eux, toutes les tables sont prises, et la terrasse est assez agitée. Par cette belle journée, Marguerite porte une robe à manche courte et des escarpins à talon. Elle a fini sa journée de travail et elle rentre chez elle, avec un sac contenant des légumes. Elle passe devant la terrasse du café et un léger sourire flotte toujours sur ses lèvres. Sur le trottoir, un autre jeune homme l’observe tranquillement, visiblement appréciateur de la silhouette de la jeune femme. Les clients en terrasse ne lui prêtent aucune attention. L’intérieur du café est également bondé, avec mêmes des clients debout.
Sur le quai de la station de métro, les Parisiens attendent la rame qui est train d’arriver. Le jeune homme tient toujours une feuille dans une main, et un crayon de l’autre. Il ne semble pas regarder quelque chose en particulier. Il est concentré sur sa tâche. Il est l’un des rares hommes à ne pas porter de chapeau. La plupart des femmes portent un manteau. Marguerite poursuit son chemin, avec son visage toujours détendu. Elle continue de porter son sac de commissions avec le bras droit. Derrière elle, les usagers du métro se divisent en deux groupes : ceux qui vont prendre l’escalier pour sortir, ceux qui attendent. Une fois dehors, le jeune homme se dirige vers un groupe de policier en faction, surveillant une manifestation.
Vingt-cinq images, des dessins facilement lisibles au premier coup d’œil, une intrigue linéaire et très simple d’attraction entre un homme et une femme, voire des dessins qui donnent l’impression de s’étaler sur les deux pages en vis-à-vis. Un album qui se lit en dix minutes en prenant le temps, et c’est fini : il y a eu rencontre entre Marguerite et ce jeune homme qui n’est pas nommé. L’absence de texte participe à la rapidité de la lecture, tout autant que cette trame de simple promenade dans Paris. Le lecteur voit bien que l’histoire se déroule dans Paris : le métro et les uniformes de police. Il n’y a pas d’indication de l’année, mais les modèles d’automobiles laissent supposer que ça se passe avant la seconde guerre mondiale. Il n’y a pas d’autres personnages récurrents à part Marguerite, vendeuse dans un magasin de fruits et légumes, et le jeune dessinateur qui croque différentes scènes qu’il a successivement sous les yeux. Le lecteur est bien content pour eux parce qu’il s’est produit une connexion entre les deux jeunes gens. Le récit s’est déroulé exclusivement en extérieur constituant une sympathique balade. Et voilà. Rien de plus qu’une tranche de vie quotidienne rendue une peu plus savoureuse par ce que le lecteur suppose être le commencement d’une potentielle histoire d’amour. Et encore ce n’est même pas une certitude, et il n’en saura rien puisque l’histoire est complète en vingt-cinq images (en réalité vingt-six car la couverture constitue bien la première et apporte un élément significatif dans le récit) et il n’y aura pas de suite.
Le lecteur en déduit que c’est à lui d’apporter quelque chose pour enrichir la lecture, sauf si dépité il se dit qu’il s’est fait avoir par cet exercice de style artificiel et superficiel. Le premier élément surprenant réside dans le texte de la quatrième de couverture, qui précise le contexte historique : Le lundi 12 février 1934, à la suite des émeutes des ligues du huit février une gauche unie manifeste contre le danger fasciste, un jour annonciateur du Front Populaire. Certes, mais quand même il y a de la triche car la simple lecture des illustrations en pleine page ne permet pas d’en apprendre autant. Page six, le lecteur voit bien des hirondelles, c’est-à-dire des policiers à vélo, avec cette cape qui leur a valu ce surnom. En vis-à-vis, page sept, le dessin montre effectivement des hommes en train de défiler avec des pancartes portant des slogans : La liberté ou la mort, Unité, Il faut choisir socialisme ou fascisme. Puis dans les deux pages suivantes, une banderole avec l’inscription : des libertés démocratiques pour assurer la paix. Toutefois, le lecteur a beau revenir en arrière pour chercher d’autres indices relatifs à la date, il ne trouve pas d’autres éléments visuels pour la confirmer, pas même une manchette de journal lu par un figurant. Il prend la précision de la quatrième de couverture comme un élément à mettre en rapport avec l’amour naissant entre Marguerite et le peintre, un contrepoint.
À la fin de l‘ouvrage se trouve une simple phrase venant expliciter les spécifications de cet exercice de style : Il s’agit pour les auteurs de créer un format court en vingt-cinq images – une par page, en noir et blanc, sans textes, tel qu’il a été défini en 1918 par Frans Masereel pour son livre 25 images de la passion d’un homme, premier roman sans paroles moderne. En effet, Joe Pinelli respecte, à la couverture près, le format : vingt-cinq illustrations indépendantes, en pleine page. Ces dessins s’inscrivent dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours présentant quelques irrégularités par endroit, des aplats de noir pour donner de la consistance aux formes ainsi détourées, une absence de bordure de case. L’artiste a choisi un savant dosage entre précision et évocation. Par exemple les traits des visages apparaissent plutôt appartenir au registre de l’esquisse que du photoréalisme. Les décors semblent représentés avec des traits jetés rapidement, sans être repris pour une apparence plus rigoureuse. Dans le même temps, ces représentations des rues de Paris comportent de nombreux détails : le store du magasin de primeurs, les modèles de table et de chaise de la terrasse, les poutrelles métalliques de la station de métro, les rails et les traverses de la voie de métro, les arbres d’alignement dans les rues, les voitures et autobus, la rue Mouffetard, la place de la République, la gare de l’Est, le quartier de Ménilmontant, etc. Ces caractéristiques de dessins donnent une certaine vitalité aux personnages, qu’ils soient au premier plan, ou bien des figurants dans la foule des gens qui attendent le métro, dans celle de manifestants.
Une fois qu’il a commencé à prêter plus d’attention aux dessins, peut-être en relisant l’histoire pour en avoir pour son argent, le lecteur se rend compte qu’il devient plus attentif à d’autres aspects. Marguerite et l’artiste sont réunis dans la première planche, elle au premier plan, lui au second plan. Par la suite, ils ne se trouvent plus jamais dans une même illustration ; en revanche ils sont toujours en vis-à-vis, lui dans la page de gauche, elle dans celle de droite. Le lecteur en vient même à éprouver l’impression que les deux images en vis-à-vis n’en forment qu’une : mais non, elles ne peuvent pas être collées l’une à l’autre car il y manque une partie entre les deux. Toutefois la situation de l’artiste correspond bien à celle de Marguerite : devant le café, dans la station de métro, dans la rue alors que passent les manifestants, sur des trottoirs de part et d’autre de la chaussée, dans la gare de l’Est. Ils vivent dans un espace-temps presque identique, ce qui les rapprochent, ce qui constitue le socle d’une expérience commune, ou plutôt d’un environnement commun, en s’étant trouvé au même moment où se produisent certains événements. D’une certaine manière il s’agit d’une forme de complicité implicite et inconsciente, le partage d’un même instant à quelques mètres de distance. La même situation de détachement par rapport à la manifestation et à son objet, lui en spectateur simplement curieux, elle en passante allant son chemin. Ils finissent par prendre conscience de cette simultanéité, et peut-être à y voir une forme de synchronicité, de lien qui les rapproche, une expérience différente des mêmes choses qui conduit tout naturellement à un échange, représenté dans les deux derniers dessins après une ellipse temporelle qui laisse le lecteur libre d’user de son imagination pour la remplir.
Il est peu probable que le lecteur soit arrivé par hasard à cette bande dessinée : soit il éprouvait déjà un intérêt pour son auteur, soit il a conscience de la nature de l’exercice de style à la manière des 25 images de la passion d’un homme, de Frans Masereel. Vingt-cinq images pour une bande dessinée, c’est très court et ça se lit très vite. Celan ne prend du sens qu’à la condition de l’implication active du lecteur, soit pour considérer la force narrative de chaque dessin, soit pour projeter sa sensibilité sur ce qui se joue sur le non-dit, sur ce qui se passe entre les cases, ou plutôt entre chaque dessin, et le phénomène qui se déroule sous ses yeux. Sous réserve qu’il se prête à ce jeu, qu’il apprécie cette dimension ludique, il y trouve son content et se rend compte que lui aussi peut prendre plaisir à la lecture, sans se soucier des revendications des grévistes du douze février 1934, ou du limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky.
Je ne me suis pas ennuyé durant cette lecture, mais je trouve cette série un peu décevante, et je ne comprends pas forcément toutes les très bonnes notes.
Le point de départ (une sorte d’ange/magicien invisible peut exaucer les vœux du héros, lui donner de super pouvoirs temporaires, en échange de plus ou moins menues contreparties) est riche de potentiel, et aurait pu donner quelque chose de plus amusant et réussi que ce triptyque.
Il y a bien des passages et dialogues amusants – ce qui fait que j’ai fini sans réel problème les trois albums. Mais le soufflé retombe, et le potentiel n’a pas été suffisamment exploité. De plus, j’ai trouvé que le scénario s’effilochait trop, on ressentait une sorte d’improvisation, comme si Makyo, après l’idée d’origine, n’avait pas su comment en tirer parti, et qu’il tentait d’assembler des bouts d’idées. Un bricolage qui donne une histoire décousue, dans laquelle les bons mots, les situations drôles sont un peu noyées.
Et les quelques clins d’œil – à Jeanne d’Arc dans le dernier tome par exemple – peinent à dynamiser l’intrigue. Un dernier tome que j’ai trouvé vraiment faible, ça se traine, pour finir par une conclusion brutale, au point que je pensais qu’un tome manquait et que la série avait été abandonnée.
Note réelle 2,5/5.
Un album un peu étonnant, et un pari assez risqué : dire ce que fut la résistance, son engagement et les risques encourus, le tout sans mot. Le résultat est plutôt convainquant.
Déjà parce que le dessin de Quarello est bon et beau. Avare de détails pour les décors, pas forcément exempt de défauts, je l’ai trouvé très agréable dans sa globalité. Et la colorisation donne un rendu presque apaisé, qui accompagne bien le silence de la lecture.
Le côté « apaisé » vient aussi du fait que le partisan en question – et ses proches ou compagnons de lutte – s’en sortent plutôt bien – ce qui ne fut évidemment pas le cas de tous dans leur lutte contre l’occupant nazi (l’intrigue se déroule dans l’Italie de l’après Mussolini, entre 1944 et 1945. Nous voyons ainsi les chassés devant chasseur, avec l’épuration et les luttes finales pour libérer le territoire des derniers soldats allemands.
La lecture et agréable, même si la volonté de tracer de façon muette une relativement longue période, allant de l’entrée dans la résistance jusqu’à la fin de la guerre donne parfois l’impression de « survoler » la période et l’histoire de ce partisan (histoire par ailleurs inspirée de faits et de personnages réels).
Ce comics aurait pu être excellent.
Sans qu'ils comprennent pourquoi, Spider-Man et Wolverine se sont retrouvés projetés des millions d'années dans le passé. Leur dernier souvenir sur Terre était lors de leur intervention contre des braqueurs de banque, jusqu'à la chute d'étranges diamants qu'ils venaient de dérober. Et depuis ils se retrouvent à vivre parmi les races humanoïdes vivant alors, alors que la météorite qui va causer la disparition des dinosaures s'apprêtent à frapper la Terre. Et ce n'est là que le début de leurs pérégrinations à travers le temps.
En fait, j'ai vraiment aimé cette lecture jusqu'à la fin de son quatrième chapitre, soit sur plus des deux tiers de l'intrigue complète.
Elle commence très sérieusement avec une atmosphère de fatalité et d'incompréhension de la part de nos héros, un véritable sentiment de fin du monde. Puis alors que les voyages temporels s'enchainent, elle commence à prendre une tournure plus légère tournant même au loufoque tout en gardant en permanence ce voile de mystère et l'envie pour le lecteur de comprendre le fin mot de l'histoire et de voir comment les choses vont s'arranger. La relation conflictuelle entre Peter Parker et Logan est bien utilisée, avec forcément l'un réfléchi mais trop bavard, et l'autre brutal et instinctif. Et toutes ces aventures sont l'occasion de pas mal de situations amusantes et de dialogues très drôles de la part essentiellement de Spider-Man. C'est aussi l'occasion de convoquer pas mal de personnages célèbres de l'univers Marvel dans des circonstances parfois épiques. Le tout sans noyer le lecteur sous l'action et en gardant une part de réflexion et de dialogues. Et pour ne rien gâcher, le dessin est excellent, tant pour les personnages que les décors.
Bref, quatre premiers chapitres vraiment très bons.
Seulement voilà, une histoire aussi complexe, il faut savoir la clore et visiblement le scénariste ne savait pas bien comment. A partir du cinquième chapitre, le loufoque prend le dessus sur la cohérence de l'intrigue. La logique perd pied en même temps que le sentiment d'être immergé dans l'histoire. Jusqu'alors, les choses se tenaient bien mais à partir de ce stade on commence à se dire que rien n'a vraiment de sens et que tout peut arriver. Et du coup, mon plaisir a décroché sans que rien jusqu'à la fin ne vienne me permettre de retrouver ce qui m'avait vraiment plu dans les chapitres précédents. Il y a juste une légère dose d'émotion à la toute fin mais comme les passages précédents avaient un peu tout détruit en chemin, elle n'a pas réussi à me toucher convenablement.
Bref, une centaine de pages de vrai plaisir de lecture aux côtés de Spider-Man et Wolverine mêlant action, mystère et humour, malheureusement gâchés par la soixantaine de pages suivantes qui se révèle sans consistance. Je reste quand même sur une bonne opinion globale et j'ai passé un bon moment.
Ces 4 tomes de l'Adoption (un 5ème est annoncé pour 2024) alternent le très sympathique et le légèrement décevant. Comme souvent, les tomes 1 des différents cycles me sont apparus plus agréables. Parce qu'il est naturellement plus simple d'ouvrir sur une nouvelle thématique intéressante, que de relier puis conclure efficacement une intrigue. Mais même dans leurs temps faibles, ces récits en apparence légers diffusent de plaisants sentiments doux-amers, une belle mélancolie pointe et les émotions affleurent à la lecture de ces tranches de vie.
De par les couleurs chaleureuses, le trait rond sympathique, des récits certes simples mais à la thématique originale, ces BD ne peuvent qu'être recommandées : peu s'y ennuieront. Et peu s'agaceront de ce "feel good" copieux, mais non dégoulinant.
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Le tome 5 est une évolution importante et modifie les équilibres décrits précédemment.
L'histoire se développe cette fois-ci en un unique tome ; elle est moins centrée sur la thématique de l'adoption (aussi parce qu'idyllique donc moins mouvementée, avec des enjeux narratifs moins intenses dramatiquement) et davantage sur les liens familiaux en découlant. Le dosage en ingrédient "feel good" est cette fois-ci particulièrement corsé : double deuil, chaleureuses évocations des êtres aimés en scénettes souvenirs. L'intrigue est ainsi mieux construite, mais flirte avec l'indigeste tant le surdosage "guimauve-mélo" est important. Une agréable lecture et une belle occasion de clore définitivement cette série globalement réussie : il serait sage de ne pas reprendre du dessert.
Sixième comics de l'univers Cyberpunk 2077 que je lis, celui-ci n'est pas mauvais mais il est un peu court et un peu vain.
Il raconte deux histoires en parallèle. Il y a d'un côté celle de Tasha et Mirek, un couple de punks qui vivent à 100 à l'heure dans Night City, enchainant les petits boulots criminels et les vols d'implants. Et à travers les danses sensorielles qui ont été tirées de leur vie, Mirek suit la vie aussi tranquille que possible d'un fermier et de sa petite famille au milieu de leurs champs de maïs. Alors que Tasha veut voir plus grand et plus dangereux, Mirek aimerait lui aussi vivre cette vie paisible qui devient son fantasme... fantasme forcément mis à mal par la cruelle réalité de la vie dans un monde cyberpunk.
Ce comics a la particularité d'être réalisé par deux dessinateurs.
Filipe Andrade, qui dessine les phases de danses sensorielles et donc les passages campagnards, a un style charmant, avec un trait organique et sensuel. Ses planches sont très agréables, régulièrement belles.
A l'inverse, Alessio Fioriniello qui dessine les scènes à Night City a un style bien moins attirant. Certes il dégage une énergie et une violence qui se marie bien à l'univers punk de ses deux héros mais il est aussi souvent très laid, notamment pour le visage, en particulier celui de l'héroïne, ou pour les décors tracés à la règle. Ce graphisme là m'a rebuté et empêché d'apprécier ma lecture.
L'intrigue quant à elle n'est pas mauvaise mais un peu convenue pour du Cyberpunk. Certes les passages campagnards sortent des habitudes du genre mais pas leur conclusion. Et la partie citadine, elle, est sans grande surprise, avec des protagonistes peu attachants.
Bref, ça se lit bien, c'est bien dans l'esprit Cyberpunk, mais le scénario ne sort pas tellement du lot et la moitié des planches est trop laide à mon goût, gâchant la qualité de l'autre moitié.
Note : 2,5/5
BD séduisante visuellement, notamment du fait de couleurs à l'aquarelle à la tonalité impressionniste et d'un trait fin à la linéarité délicatement mal assurée.
Les personnages sont bien plantés, intéressants a priori avec des aspérités excessives et caricaturales à souhait, donnant à l'ensemble une inattendue tonalité semi-parodique intrigante et fort agréable.
Mais les choses se gâtent peu à peu : l'intrigue policière est trop lâche, légère sinon bâclée, enchaînant les rebondissements menés par les seuls dialogues, les explications maladroites données a posteriori. Les auteurs actuels n'ont plus l'habitude de mener une intrigue complexe en un tome, ne savent plus mener une narration avec le rythme et les ellipses adéquats. Relisez "Le Schtroumpfissime" que diable !
Et puis il y a ces habituels souhaits, irréprochables au demeurant, d'ouvrir aux thématiques contemporaines (féministes ici), mais dont le traitement policier est incompatible avec la morale et les traits de caractère jusqu'alors présentés par l'album.
Voilà donc une BD qui séduit a priori, déçoit peu à peu et s'achève en laissant un goût amer. La note 2 serait sévère, un 3 délié de l'impression finale bien froide.
S’il se base sur une anecdote assez édifiante, Alcante s’offre des libertés avec la réalité historique pour nous relater cette extravagante histoire d’un pongiste américain à l’origine du rapprochement de la Chine et des USA au début des années ’70. Et franchement, franchement, franchement, je ne comprends pas pourquoi.
L’histoire de Glenn Cowan était à mes yeux suffisamment pittoresque pour qu’une simple mais fidèle évocation des faits historiques se suffise à elle-même. Or, ici, je n’ai pu m’empêcher d’être déçu de découvrir que certains passages sont purement fantaisistes. C’est vraiment le gros bémol que j’ai à émettre au sujet de cet album.
Un deuxième bémol, bien plus petit celui-là, vient de la personnalité de Glenn Cowan, personnage peu attachant dont l’évolution (de parfait connard à personne presque responsable) est d’ailleurs faussée par l’insertion de ces passages historiquement faux. A la réflexion, c’est d’ailleurs sans doute pour parvenir à rendre Cowan plus intéressant qu’Alcante a modifié certaines réalités… mais bon, je n’aime pas ce genre de procédé.
A côté de ça, il y a plusieurs aspects que j’ai vraiment beaucoup aimés et qui font que je ne regrette pas mon achat. Tout d’abord, l’anecdote est tellement lunaire qu’elle mérite un livre. Ensuite, la reconstitution de l’époque et de son contexte est pleinement réussie. Enfin la lecture est agréable dans son ensemble avec une narration instructive mais pas étouffante, un découpage bien pensé et un dessin agréable à l’œil.
Je reste sur un simple « pas mal » mais rien que pour l’anecdote, ce récit mérite d’être lu.
Buck Danny : tome 1et 2
Lorsque j'ai eu vent de ce nouvel univers autour de Buck Danny, j'ai été assez intrigué. Achetant tout ce qui touche au plus célèbre des pilotes, je n'ai pas attendu longtemps pour me précipiter dans la lecture de cet album.
Il débute pour autant par une surprise car, tout comme la série assez réussieLes Aventures de Buck Danny (classic), cette aventure fait immédiatement suite à l'album "Les mystères de Midway". C'est donc un capitaine Buck Danny, sans Tumbler et Tuckson, qui évolue ici.
Mais, Yann, grâce à des flash-back, nous plonge tout de même dans la jeunesse de Buck Danny, notamment dans les rapports difficiles que celui -ci entretenait avec son père dans les années 30, tout en nous entrainant dans un récit plus militaire avec un Buck Danny prisonnier de Japs.
J'ai retrouvé le style des premiers albums de Charlier et d'Hubinon, à la fois dans des expressions dépassées comme "faces de lune", "bloody bastard", "gros singe", "brouteurs de riz" et j'en passe; mais aussi dans le dessin.
En effet, Guiseppe de Luca, que je découvre ici, nous offre des planches qui lorgnent vers les premiers albums signés Hubinon.
Il y a en effet, un côté retro au dessin et au scénario qui sied parfaitement à cette histoire.
Une bonne surprise en tout cas, que les amateurs de Buck Danny doivent découvrir
Sonny Tuckson: tome 1
J'ai été assez agréablement surpris à la lecture de ce hors série consacré à Sonny Tuckson, qui joue un rôle beaucoup moins gaffeur que celui qu'on lui prêtera plus tard. En effet, nous suivons un récit beaucoup plus dramatique qu'autre chose. Certes les premiers exploits de Sonny n'apportent pas grand chose à la série mère, mais nous le découvrons sous un autre jour. D'ailleurs, l'intrigue n'est pas signée Yann, habitué depuis pas mal de temps aux bd sur l'aviation, mais repose sur le duo Buenda et Zumbiehl, à qui, pour ce dernier on doit déjà quelques scénarii de Buck Danny et Les Aventures de Buck Danny (classic).
Et je suis toujours sous le charme du style vintage de Guiseppe de Luca, qui sait parfaitement retranscrire l'atmosphère d'une certaine Amérique des années 30.
Je n'attendais pas grand chose de cet album, et finalement, je suis sorti de ma lecture ravi, et impatient de connaître la suite.
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Je pensais avoir lu plus de trucs d'Hervé Bourhis mais je ne retiens que Comix Remix et Piscine Molitor. Ce dernier parle de Boris Vian mort d'un infarctus à seulement 39 ans d'ailleurs. C'est ce qui survient à l'auteur à 48 ans et il nous le raconte sans trop rentrer dans les détails médicaux ni le larmoyant ni l'apitoiement. Il se félicite des progrès médicaux où on survit à cette épreuve et la pose d'un stent se fait par un simple trou dans le poignet là où il fallait auparavant une opération à coeur ouvert. En réalité après quelques pages il nous parle rapidement de sa vraie passion de DJ, de ses copains du milieu, de concerts dans des bars et de chasse aux vinyles. J'avoue que je suis bien béotien par rapport à tous les groupes underground qu'il peut citer et encore moins averti sur l'art du Mix. Une lecture qui reste fluide même si ça saute parfois du coq à l'âne. Le dessin est également plaisant à regarder. A un moment l'auteur se moque gentiment des blogs ou bande dessinée nombrilistes sur les maladies, réelles ou imaginaires, et un extrait sur un névrosé m'a fortement rappelé L'homme le plus flippé du monde y compris sur l'imitation du style de dessin.
Marguerite
Échanger des regards - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2020. Il a été réalisé par Joe Pinelli (pseudonyme de Bertrand DeHuy). Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc, comportant vingt-cinq pages, entièrement dépourvue de dialogue. Il s’agit d’un format imposé dans cette collection des éditions Martin de Halleux, inspiré de l’ouvrage 25 images de la passion d'un homme (1918), réalisé par Frans Masereel (1889-1972). Dans cet ouvrage, l’histoire est racontée en 25 gravures sur bois, chacune imprimée comme un dessin en pleine page, sans aucun dialogue non plus. Le premier tome de cette collection est La forêt (2020) de Thomas Ott. L’auteur belge respecte cette contrainte à la lettre, à raison d’une image par page. Une petite entorse à la règle : la première et la quatrième de couverture forment une image supplémentaire. Le texte de la quatrième de couverture indique que l’action se situe le lundi 12 février 1934, à la suite des émeutes des ligues du 6 février, alors qu’une gauche unie manifeste contre le danger fasciste. Marguerite est une jeune femme qui travaille dans un magasin de primeurs à Paris. Ce jour-là, sourire aux lèvres, elle porte son tablier de travail prête à répondre à la demande du premier client qui se manifestera. Elle tourne le dos à un jeune peintre qui passe derrière elle la tête baissée, son carton à dessin sous le bras. Une autre femme est en train de discuter avec le maraîcher. Le jeune homme s’assoit à une table en terrasse. Il a posé son carton à terre et il a sorti son crayon pour dessiner ce qu’il voit autour de lui. Un autre homme et une femme se trouvent à la même table que lui. Derrière eux, toutes les tables sont prises, et la terrasse est assez agitée. Par cette belle journée, Marguerite porte une robe à manche courte et des escarpins à talon. Elle a fini sa journée de travail et elle rentre chez elle, avec un sac contenant des légumes. Elle passe devant la terrasse du café et un léger sourire flotte toujours sur ses lèvres. Sur le trottoir, un autre jeune homme l’observe tranquillement, visiblement appréciateur de la silhouette de la jeune femme. Les clients en terrasse ne lui prêtent aucune attention. L’intérieur du café est également bondé, avec mêmes des clients debout. Sur le quai de la station de métro, les Parisiens attendent la rame qui est train d’arriver. Le jeune homme tient toujours une feuille dans une main, et un crayon de l’autre. Il ne semble pas regarder quelque chose en particulier. Il est concentré sur sa tâche. Il est l’un des rares hommes à ne pas porter de chapeau. La plupart des femmes portent un manteau. Marguerite poursuit son chemin, avec son visage toujours détendu. Elle continue de porter son sac de commissions avec le bras droit. Derrière elle, les usagers du métro se divisent en deux groupes : ceux qui vont prendre l’escalier pour sortir, ceux qui attendent. Une fois dehors, le jeune homme se dirige vers un groupe de policier en faction, surveillant une manifestation. Vingt-cinq images, des dessins facilement lisibles au premier coup d’œil, une intrigue linéaire et très simple d’attraction entre un homme et une femme, voire des dessins qui donnent l’impression de s’étaler sur les deux pages en vis-à-vis. Un album qui se lit en dix minutes en prenant le temps, et c’est fini : il y a eu rencontre entre Marguerite et ce jeune homme qui n’est pas nommé. L’absence de texte participe à la rapidité de la lecture, tout autant que cette trame de simple promenade dans Paris. Le lecteur voit bien que l’histoire se déroule dans Paris : le métro et les uniformes de police. Il n’y a pas d’indication de l’année, mais les modèles d’automobiles laissent supposer que ça se passe avant la seconde guerre mondiale. Il n’y a pas d’autres personnages récurrents à part Marguerite, vendeuse dans un magasin de fruits et légumes, et le jeune dessinateur qui croque différentes scènes qu’il a successivement sous les yeux. Le lecteur est bien content pour eux parce qu’il s’est produit une connexion entre les deux jeunes gens. Le récit s’est déroulé exclusivement en extérieur constituant une sympathique balade. Et voilà. Rien de plus qu’une tranche de vie quotidienne rendue une peu plus savoureuse par ce que le lecteur suppose être le commencement d’une potentielle histoire d’amour. Et encore ce n’est même pas une certitude, et il n’en saura rien puisque l’histoire est complète en vingt-cinq images (en réalité vingt-six car la couverture constitue bien la première et apporte un élément significatif dans le récit) et il n’y aura pas de suite. Le lecteur en déduit que c’est à lui d’apporter quelque chose pour enrichir la lecture, sauf si dépité il se dit qu’il s’est fait avoir par cet exercice de style artificiel et superficiel. Le premier élément surprenant réside dans le texte de la quatrième de couverture, qui précise le contexte historique : Le lundi 12 février 1934, à la suite des émeutes des ligues du huit février une gauche unie manifeste contre le danger fasciste, un jour annonciateur du Front Populaire. Certes, mais quand même il y a de la triche car la simple lecture des illustrations en pleine page ne permet pas d’en apprendre autant. Page six, le lecteur voit bien des hirondelles, c’est-à-dire des policiers à vélo, avec cette cape qui leur a valu ce surnom. En vis-à-vis, page sept, le dessin montre effectivement des hommes en train de défiler avec des pancartes portant des slogans : La liberté ou la mort, Unité, Il faut choisir socialisme ou fascisme. Puis dans les deux pages suivantes, une banderole avec l’inscription : des libertés démocratiques pour assurer la paix. Toutefois, le lecteur a beau revenir en arrière pour chercher d’autres indices relatifs à la date, il ne trouve pas d’autres éléments visuels pour la confirmer, pas même une manchette de journal lu par un figurant. Il prend la précision de la quatrième de couverture comme un élément à mettre en rapport avec l’amour naissant entre Marguerite et le peintre, un contrepoint. À la fin de l‘ouvrage se trouve une simple phrase venant expliciter les spécifications de cet exercice de style : Il s’agit pour les auteurs de créer un format court en vingt-cinq images – une par page, en noir et blanc, sans textes, tel qu’il a été défini en 1918 par Frans Masereel pour son livre 25 images de la passion d’un homme, premier roman sans paroles moderne. En effet, Joe Pinelli respecte, à la couverture près, le format : vingt-cinq illustrations indépendantes, en pleine page. Ces dessins s’inscrivent dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours présentant quelques irrégularités par endroit, des aplats de noir pour donner de la consistance aux formes ainsi détourées, une absence de bordure de case. L’artiste a choisi un savant dosage entre précision et évocation. Par exemple les traits des visages apparaissent plutôt appartenir au registre de l’esquisse que du photoréalisme. Les décors semblent représentés avec des traits jetés rapidement, sans être repris pour une apparence plus rigoureuse. Dans le même temps, ces représentations des rues de Paris comportent de nombreux détails : le store du magasin de primeurs, les modèles de table et de chaise de la terrasse, les poutrelles métalliques de la station de métro, les rails et les traverses de la voie de métro, les arbres d’alignement dans les rues, les voitures et autobus, la rue Mouffetard, la place de la République, la gare de l’Est, le quartier de Ménilmontant, etc. Ces caractéristiques de dessins donnent une certaine vitalité aux personnages, qu’ils soient au premier plan, ou bien des figurants dans la foule des gens qui attendent le métro, dans celle de manifestants. Une fois qu’il a commencé à prêter plus d’attention aux dessins, peut-être en relisant l’histoire pour en avoir pour son argent, le lecteur se rend compte qu’il devient plus attentif à d’autres aspects. Marguerite et l’artiste sont réunis dans la première planche, elle au premier plan, lui au second plan. Par la suite, ils ne se trouvent plus jamais dans une même illustration ; en revanche ils sont toujours en vis-à-vis, lui dans la page de gauche, elle dans celle de droite. Le lecteur en vient même à éprouver l’impression que les deux images en vis-à-vis n’en forment qu’une : mais non, elles ne peuvent pas être collées l’une à l’autre car il y manque une partie entre les deux. Toutefois la situation de l’artiste correspond bien à celle de Marguerite : devant le café, dans la station de métro, dans la rue alors que passent les manifestants, sur des trottoirs de part et d’autre de la chaussée, dans la gare de l’Est. Ils vivent dans un espace-temps presque identique, ce qui les rapprochent, ce qui constitue le socle d’une expérience commune, ou plutôt d’un environnement commun, en s’étant trouvé au même moment où se produisent certains événements. D’une certaine manière il s’agit d’une forme de complicité implicite et inconsciente, le partage d’un même instant à quelques mètres de distance. La même situation de détachement par rapport à la manifestation et à son objet, lui en spectateur simplement curieux, elle en passante allant son chemin. Ils finissent par prendre conscience de cette simultanéité, et peut-être à y voir une forme de synchronicité, de lien qui les rapproche, une expérience différente des mêmes choses qui conduit tout naturellement à un échange, représenté dans les deux derniers dessins après une ellipse temporelle qui laisse le lecteur libre d’user de son imagination pour la remplir. Il est peu probable que le lecteur soit arrivé par hasard à cette bande dessinée : soit il éprouvait déjà un intérêt pour son auteur, soit il a conscience de la nature de l’exercice de style à la manière des 25 images de la passion d’un homme, de Frans Masereel. Vingt-cinq images pour une bande dessinée, c’est très court et ça se lit très vite. Celan ne prend du sens qu’à la condition de l’implication active du lecteur, soit pour considérer la force narrative de chaque dessin, soit pour projeter sa sensibilité sur ce qui se joue sur le non-dit, sur ce qui se passe entre les cases, ou plutôt entre chaque dessin, et le phénomène qui se déroule sous ses yeux. Sous réserve qu’il se prête à ce jeu, qu’il apprécie cette dimension ludique, il y trouve son content et se rend compte que lui aussi peut prendre plaisir à la lecture, sans se soucier des revendications des grévistes du douze février 1934, ou du limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky.
Alzeor Mondraggo
Je ne me suis pas ennuyé durant cette lecture, mais je trouve cette série un peu décevante, et je ne comprends pas forcément toutes les très bonnes notes. Le point de départ (une sorte d’ange/magicien invisible peut exaucer les vœux du héros, lui donner de super pouvoirs temporaires, en échange de plus ou moins menues contreparties) est riche de potentiel, et aurait pu donner quelque chose de plus amusant et réussi que ce triptyque. Il y a bien des passages et dialogues amusants – ce qui fait que j’ai fini sans réel problème les trois albums. Mais le soufflé retombe, et le potentiel n’a pas été suffisamment exploité. De plus, j’ai trouvé que le scénario s’effilochait trop, on ressentait une sorte d’improvisation, comme si Makyo, après l’idée d’origine, n’avait pas su comment en tirer parti, et qu’il tentait d’assembler des bouts d’idées. Un bricolage qui donne une histoire décousue, dans laquelle les bons mots, les situations drôles sont un peu noyées. Et les quelques clins d’œil – à Jeanne d’Arc dans le dernier tome par exemple – peinent à dynamiser l’intrigue. Un dernier tome que j’ai trouvé vraiment faible, ça se traine, pour finir par une conclusion brutale, au point que je pensais qu’un tome manquait et que la série avait été abandonnée. Note réelle 2,5/5.
Le Partisan
Un album un peu étonnant, et un pari assez risqué : dire ce que fut la résistance, son engagement et les risques encourus, le tout sans mot. Le résultat est plutôt convainquant. Déjà parce que le dessin de Quarello est bon et beau. Avare de détails pour les décors, pas forcément exempt de défauts, je l’ai trouvé très agréable dans sa globalité. Et la colorisation donne un rendu presque apaisé, qui accompagne bien le silence de la lecture. Le côté « apaisé » vient aussi du fait que le partisan en question – et ses proches ou compagnons de lutte – s’en sortent plutôt bien – ce qui ne fut évidemment pas le cas de tous dans leur lutte contre l’occupant nazi (l’intrigue se déroule dans l’Italie de l’après Mussolini, entre 1944 et 1945. Nous voyons ainsi les chassés devant chasseur, avec l’épuration et les luttes finales pour libérer le territoire des derniers soldats allemands. La lecture et agréable, même si la volonté de tracer de façon muette une relativement longue période, allant de l’entrée dans la résistance jusqu’à la fin de la guerre donne parfois l’impression de « survoler » la période et l’histoire de ce partisan (histoire par ailleurs inspirée de faits et de personnages réels).
Astonishing Spider-Man & Wolverine - Une erreur de plus
Ce comics aurait pu être excellent. Sans qu'ils comprennent pourquoi, Spider-Man et Wolverine se sont retrouvés projetés des millions d'années dans le passé. Leur dernier souvenir sur Terre était lors de leur intervention contre des braqueurs de banque, jusqu'à la chute d'étranges diamants qu'ils venaient de dérober. Et depuis ils se retrouvent à vivre parmi les races humanoïdes vivant alors, alors que la météorite qui va causer la disparition des dinosaures s'apprêtent à frapper la Terre. Et ce n'est là que le début de leurs pérégrinations à travers le temps. En fait, j'ai vraiment aimé cette lecture jusqu'à la fin de son quatrième chapitre, soit sur plus des deux tiers de l'intrigue complète. Elle commence très sérieusement avec une atmosphère de fatalité et d'incompréhension de la part de nos héros, un véritable sentiment de fin du monde. Puis alors que les voyages temporels s'enchainent, elle commence à prendre une tournure plus légère tournant même au loufoque tout en gardant en permanence ce voile de mystère et l'envie pour le lecteur de comprendre le fin mot de l'histoire et de voir comment les choses vont s'arranger. La relation conflictuelle entre Peter Parker et Logan est bien utilisée, avec forcément l'un réfléchi mais trop bavard, et l'autre brutal et instinctif. Et toutes ces aventures sont l'occasion de pas mal de situations amusantes et de dialogues très drôles de la part essentiellement de Spider-Man. C'est aussi l'occasion de convoquer pas mal de personnages célèbres de l'univers Marvel dans des circonstances parfois épiques. Le tout sans noyer le lecteur sous l'action et en gardant une part de réflexion et de dialogues. Et pour ne rien gâcher, le dessin est excellent, tant pour les personnages que les décors. Bref, quatre premiers chapitres vraiment très bons. Seulement voilà, une histoire aussi complexe, il faut savoir la clore et visiblement le scénariste ne savait pas bien comment. A partir du cinquième chapitre, le loufoque prend le dessus sur la cohérence de l'intrigue. La logique perd pied en même temps que le sentiment d'être immergé dans l'histoire. Jusqu'alors, les choses se tenaient bien mais à partir de ce stade on commence à se dire que rien n'a vraiment de sens et que tout peut arriver. Et du coup, mon plaisir a décroché sans que rien jusqu'à la fin ne vienne me permettre de retrouver ce qui m'avait vraiment plu dans les chapitres précédents. Il y a juste une légère dose d'émotion à la toute fin mais comme les passages précédents avaient un peu tout détruit en chemin, elle n'a pas réussi à me toucher convenablement. Bref, une centaine de pages de vrai plaisir de lecture aux côtés de Spider-Man et Wolverine mêlant action, mystère et humour, malheureusement gâchés par la soixantaine de pages suivantes qui se révèle sans consistance. Je reste quand même sur une bonne opinion globale et j'ai passé un bon moment.
L'Adoption
Ces 4 tomes de l'Adoption (un 5ème est annoncé pour 2024) alternent le très sympathique et le légèrement décevant. Comme souvent, les tomes 1 des différents cycles me sont apparus plus agréables. Parce qu'il est naturellement plus simple d'ouvrir sur une nouvelle thématique intéressante, que de relier puis conclure efficacement une intrigue. Mais même dans leurs temps faibles, ces récits en apparence légers diffusent de plaisants sentiments doux-amers, une belle mélancolie pointe et les émotions affleurent à la lecture de ces tranches de vie. De par les couleurs chaleureuses, le trait rond sympathique, des récits certes simples mais à la thématique originale, ces BD ne peuvent qu'être recommandées : peu s'y ennuieront. Et peu s'agaceront de ce "feel good" copieux, mais non dégoulinant. ------------------------------------- Le tome 5 est une évolution importante et modifie les équilibres décrits précédemment. L'histoire se développe cette fois-ci en un unique tome ; elle est moins centrée sur la thématique de l'adoption (aussi parce qu'idyllique donc moins mouvementée, avec des enjeux narratifs moins intenses dramatiquement) et davantage sur les liens familiaux en découlant. Le dosage en ingrédient "feel good" est cette fois-ci particulièrement corsé : double deuil, chaleureuses évocations des êtres aimés en scénettes souvenirs. L'intrigue est ainsi mieux construite, mais flirte avec l'indigeste tant le surdosage "guimauve-mélo" est important. Une agréable lecture et une belle occasion de clore définitivement cette série globalement réussie : il serait sage de ne pas reprendre du dessert.
Cyberpunk 2077 - Les Rêves de Night City
Sixième comics de l'univers Cyberpunk 2077 que je lis, celui-ci n'est pas mauvais mais il est un peu court et un peu vain. Il raconte deux histoires en parallèle. Il y a d'un côté celle de Tasha et Mirek, un couple de punks qui vivent à 100 à l'heure dans Night City, enchainant les petits boulots criminels et les vols d'implants. Et à travers les danses sensorielles qui ont été tirées de leur vie, Mirek suit la vie aussi tranquille que possible d'un fermier et de sa petite famille au milieu de leurs champs de maïs. Alors que Tasha veut voir plus grand et plus dangereux, Mirek aimerait lui aussi vivre cette vie paisible qui devient son fantasme... fantasme forcément mis à mal par la cruelle réalité de la vie dans un monde cyberpunk. Ce comics a la particularité d'être réalisé par deux dessinateurs. Filipe Andrade, qui dessine les phases de danses sensorielles et donc les passages campagnards, a un style charmant, avec un trait organique et sensuel. Ses planches sont très agréables, régulièrement belles. A l'inverse, Alessio Fioriniello qui dessine les scènes à Night City a un style bien moins attirant. Certes il dégage une énergie et une violence qui se marie bien à l'univers punk de ses deux héros mais il est aussi souvent très laid, notamment pour le visage, en particulier celui de l'héroïne, ou pour les décors tracés à la règle. Ce graphisme là m'a rebuté et empêché d'apprécier ma lecture. L'intrigue quant à elle n'est pas mauvaise mais un peu convenue pour du Cyberpunk. Certes les passages campagnards sortent des habitudes du genre mais pas leur conclusion. Et la partie citadine, elle, est sans grande surprise, avec des protagonistes peu attachants. Bref, ça se lit bien, c'est bien dans l'esprit Cyberpunk, mais le scénario ne sort pas tellement du lot et la moitié des planches est trop laide à mon goût, gâchant la qualité de l'autre moitié. Note : 2,5/5
Automne en baie de Somme
BD séduisante visuellement, notamment du fait de couleurs à l'aquarelle à la tonalité impressionniste et d'un trait fin à la linéarité délicatement mal assurée. Les personnages sont bien plantés, intéressants a priori avec des aspérités excessives et caricaturales à souhait, donnant à l'ensemble une inattendue tonalité semi-parodique intrigante et fort agréable. Mais les choses se gâtent peu à peu : l'intrigue policière est trop lâche, légère sinon bâclée, enchaînant les rebondissements menés par les seuls dialogues, les explications maladroites données a posteriori. Les auteurs actuels n'ont plus l'habitude de mener une intrigue complexe en un tome, ne savent plus mener une narration avec le rythme et les ellipses adéquats. Relisez "Le Schtroumpfissime" que diable ! Et puis il y a ces habituels souhaits, irréprochables au demeurant, d'ouvrir aux thématiques contemporaines (féministes ici), mais dont le traitement policier est incompatible avec la morale et les traits de caractère jusqu'alors présentés par l'album. Voilà donc une BD qui séduit a priori, déçoit peu à peu et s'achève en laissant un goût amer. La note 2 serait sévère, un 3 délié de l'impression finale bien froide.
La Diplomatie du ping-pong
S’il se base sur une anecdote assez édifiante, Alcante s’offre des libertés avec la réalité historique pour nous relater cette extravagante histoire d’un pongiste américain à l’origine du rapprochement de la Chine et des USA au début des années ’70. Et franchement, franchement, franchement, je ne comprends pas pourquoi. L’histoire de Glenn Cowan était à mes yeux suffisamment pittoresque pour qu’une simple mais fidèle évocation des faits historiques se suffise à elle-même. Or, ici, je n’ai pu m’empêcher d’être déçu de découvrir que certains passages sont purement fantaisistes. C’est vraiment le gros bémol que j’ai à émettre au sujet de cet album. Un deuxième bémol, bien plus petit celui-là, vient de la personnalité de Glenn Cowan, personnage peu attachant dont l’évolution (de parfait connard à personne presque responsable) est d’ailleurs faussée par l’insertion de ces passages historiquement faux. A la réflexion, c’est d’ailleurs sans doute pour parvenir à rendre Cowan plus intéressant qu’Alcante a modifié certaines réalités… mais bon, je n’aime pas ce genre de procédé. A côté de ça, il y a plusieurs aspects que j’ai vraiment beaucoup aimés et qui font que je ne regrette pas mon achat. Tout d’abord, l’anecdote est tellement lunaire qu’elle mérite un livre. Ensuite, la reconstitution de l’époque et de son contexte est pleinement réussie. Enfin la lecture est agréable dans son ensemble avec une narration instructive mais pas étouffante, un découpage bien pensé et un dessin agréable à l’œil. Je reste sur un simple « pas mal » mais rien que pour l’anecdote, ce récit mérite d’être lu.
Buck Danny - Origines
Buck Danny : tome 1et 2 Lorsque j'ai eu vent de ce nouvel univers autour de Buck Danny, j'ai été assez intrigué. Achetant tout ce qui touche au plus célèbre des pilotes, je n'ai pas attendu longtemps pour me précipiter dans la lecture de cet album. Il débute pour autant par une surprise car, tout comme la série assez réussieLes Aventures de Buck Danny (classic), cette aventure fait immédiatement suite à l'album "Les mystères de Midway". C'est donc un capitaine Buck Danny, sans Tumbler et Tuckson, qui évolue ici. Mais, Yann, grâce à des flash-back, nous plonge tout de même dans la jeunesse de Buck Danny, notamment dans les rapports difficiles que celui -ci entretenait avec son père dans les années 30, tout en nous entrainant dans un récit plus militaire avec un Buck Danny prisonnier de Japs. J'ai retrouvé le style des premiers albums de Charlier et d'Hubinon, à la fois dans des expressions dépassées comme "faces de lune", "bloody bastard", "gros singe", "brouteurs de riz" et j'en passe; mais aussi dans le dessin. En effet, Guiseppe de Luca, que je découvre ici, nous offre des planches qui lorgnent vers les premiers albums signés Hubinon. Il y a en effet, un côté retro au dessin et au scénario qui sied parfaitement à cette histoire. Une bonne surprise en tout cas, que les amateurs de Buck Danny doivent découvrir Sonny Tuckson: tome 1 J'ai été assez agréablement surpris à la lecture de ce hors série consacré à Sonny Tuckson, qui joue un rôle beaucoup moins gaffeur que celui qu'on lui prêtera plus tard. En effet, nous suivons un récit beaucoup plus dramatique qu'autre chose. Certes les premiers exploits de Sonny n'apportent pas grand chose à la série mère, mais nous le découvrons sous un autre jour. D'ailleurs, l'intrigue n'est pas signée Yann, habitué depuis pas mal de temps aux bd sur l'aviation, mais repose sur le duo Buenda et Zumbiehl, à qui, pour ce dernier on doit déjà quelques scénarii de Buck Danny et Les Aventures de Buck Danny (classic). Et je suis toujours sous le charme du style vintage de Guiseppe de Luca, qui sait parfaitement retranscrire l'atmosphère d'une certaine Amérique des années 30. Je n'attendais pas grand chose de cet album, et finalement, je suis sorti de ma lecture ravi, et impatient de connaître la suite.