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Couverture de la série Sangoma - Les Damnés de Cape Town
Sangoma - Les Damnés de Cape Town

Après Zulu Caryl Férey nous invite à nouveau en Afrique du Sud post-apartheid. La nation construite dans la douleur peine encore à trouver ses couleurs "arc-en-ciel" pour sortir de l'antagonisme noir & blanc et pas sûr qu'un remède de Sangoma (un guérisseur, un sorcier) suffise à lui redonner des couleurs. Férey et son dessinateur, Corentin Rouge, nous plongent au cœur des discussions sur la redistribution des terres accaparées. Pendant les débats houleux au parlement, un meurtre est commis dans une exploitation vinicole. C'est un flic blanc qui va mener l'enquête : Shane Shepperd traîne son look de Bob Morane entre les townships et une trop jolie maîtresse black. Tout cela nous vaut de belles pages sur les vignobles du Cap ou ses townships. [...] Personne ne veut faire un pas vers l'autre, comme si les positions s'étaient figées du temps de l'apartheid. [...] C'est plus l'apartheid, mais on s'échine pareil pour gagner de moins en moins. La ferme est une exploitation, oui, et c'est nous qu'on exploite. La réforme agraire va changer les choses, je vous le promets ! [...] Le meurtre de cet ouvrier agricole est repris en boucle sur les réseaux sociaux pour raviver de vieux conflits. Comme on pouvait s'en douter avec Férey, le texte est très explicatif mais l'album réussit à condenser dans ses quelques 150 pages, une intrigue complexe où tous les personnages sont reliés les uns aux autres : Bob Morane (!) aura bien du mal à démêler les mensonges, ceux d'aujourd'hui comme ceux du passé.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Trio Bonaventure
Le Trio Bonaventure

Une série clairement à réserver à un jeune public (c’est à cette aune que je les note). Mais les deux premiers albums que j’ai eu sous la main (les seuls possédés par ma médiathèque) se laissent lire plutôt agréablement. C’est de l’aventure sympathique, dans laquelle nos trois gamins (qui font vivre une sorte de société secrète) se jettent éperdument, en lâchant la bride à leur imagination. Que ce soit dans un jardin public dans le premier tome, ou dans leur immeuble dans le suivant, les trois gamins ne se laissent pas de limites, et nous embarquent dans des aventures pleines de naïveté et d’une certaine poésie. Comme les histoires que l’on se racontait entre copains, ou que l’on mettait en scène quand on avait leur âge (je suis d’une génération qui jouait dehors et non sur écrans étant gamin). Alors, certes, il faut accepter naïveté et facilités scénaristiques. Mais pour le lectorat visé, c’est quand même une série sympathique. Et vite lue (une trentaine de pages peu denses à chaque fois).

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Mortel Imprévu
Mortel Imprévu

Un western qui se laisse lire, mais qui m’a un peu déçu dans sa seconde moitié. Toute la première partie est intéressante et un peu originale, avec la constitution de ce couple, puis de ce groupe de chercheurs d'or, jusqu’au coup de folie de l’un d’eux, et cette forte montée de tension entre le couple survivant, enfermé dans l’immensité hivernale, enfermé dans un dilemme qui va briser peu à peu les liens qui les avaient auparavant soudés. Ce huis-clos presque étouffant est ensuite rompu par leur fuite. Mais hélas, ce qui jusque là maintenait l’ambiance électrique, se transforme peu à peu en longueurs, avec une fuite devant une meute de loups qui aurait dû être écourtée – surtout que l’attitude stratégique quasi humaine de la louve cheffe de meute manque de crédibilité. La dernière partie est plus convenue, et j’ai presque eu l’impression que la conclusion avait été expédiée. Bon, cela dit, ça se laisse quand même lire agréablement (la première moitié surtout), et le dessin et la colorisation sont plutôt réussis.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Léna (Le Long Voyage de Léna)
Léna (Le Long Voyage de Léna)

Le scénariste Pierre Christin (celui de Valerian) et le dessinateur André Juillard sont aux commandes de cette petite série de 3 albums qui relatent Le long voyage de Léna. Les deux premiers sont parus en 2006 et 2009 mais il a fallu attendre 2019 pour le troisième épisode. ?? On aime le talent de Juillard pour retracer en quelques images l'ambiance d'une ville : ceux qui sont allés à Berlin ou Budapest retrouveront en deux ou trois images les clichés typiques de ces villes. On aime le personnage de Léna, femme mystérieuse au passé douloureux, vêtue de sa petite robe noire. Heureusement pour les lecteurs, il fait chaud et Léna aime bien la baignade. On aime charme tranquille de cette BD qui aborde pourtant des sujets sous haute tension : le personnage de Léna est bien loin des cow-boys qui hantent habituellement les coulisses des services de renseignement. L'après communisme, le terrorisme islamique, la poudrière du Moyen Orient. La géopolitique de notre monde moderne. Même s'il s'agit globalement d'une histoire d'espionnage, c'est surtout un beau portrait de femme : celui de la mystérieuse Léna qui parcourt le monde en délivrant des messages pour le moins ambigus et des cadeaux pour le moins piégés. Qui est-elle, pour qui travaille-t-elle et quel est son lourd passé mystérieux ? Il faudra attendre la fin du premier album pour en savoir un peu plus. [...] - Quel dommage que vous n'ayez pas le temps de visiter notre ville. - Mon départ s'annonce-t-il aussi lent et compliqué que mon arrivée ? - Lent oui, puisqu'il va se faire par voie maritime, mais c'est justement le prix à payer pour qu'il ne soit pas compliqué et que nul ne garde trace de vos mouvements. L'épisode suivant entraînera Léna au cœur de la préparation d'un attentat islamiste, peut-être l'histoire la moins réussie car il est bien difficile de sortir des clichés habituels. Le dernier épisode remet Léna au centre d'une conférence diplomatique sous haute surveillance et une surprise attendra finalement le lecteur ...

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Etranger
L'Etranger

Jacques Fernandez est né à Alger quelques temps avant le décès d'Albert Camus. Son album est paru en 2013 pour le centenaire de la naissance de Camus. L'étranger est une fidèle adaptation du bouquin éponyme. On aime les dessins gorgés de soleil de l'auteur et son adaptation fidèle du roman qui permet de ressentir l'ennui, l'indifférence du jeune Meursault (qui emprunte quelques traits à Camus lui-même !) face à un destin absurde où le hasard a peu de place, où seuls s'enchaînent les actes, ses actes, comme s'il avait pu, par son crime, enfin pu choisir sa destinée et sa fin programmée donner un sens à sa vie. Tout comme le roman, l'album est divisé en deux parties : d'abord les jours ensoleillés que passe le jeune Meursault auprès de sa fiancée mais où déjà pointent son indifférence et son insensibilité. [...] - Tu voudrais te marier avec moi ? - Ça m'est égal, mais on pourrait, si tu veux ... - Tu m'aimes ? - Ça ne signifie rien, mais je ne t'aime sans doute pas. - Pourquoi m'épouser alors ? - Cela n'a aucune importance, mais si tu le désires nous pouvons nous marier. D'ailleurs, c'est toi qui le demandes. Cette première partie se termine sur la plage lorsque Meursault sort un revolver et abat un "arabe" (nous sommes en 1942) au cours d'une vaine querelle sans grande importance. Le second temps sera celui du procès bâclé et de la condamnation à mort de Meursault avec le célèbre : le condamné à mort aura la tête tranchée. La personnalité de Meursault ne lui laisse aucune chance. [...] - On vous dépeint comme étant d'un caractère taciturne et renfermé. Qu'en pensez-vous ? - C'est que je n'ai jamais grand chose à dire, alors je me tais. [...] - Plutôt que du regret véritable, j'éprouve un certain ennui. Il n'était pas facile de mettre en images le texte de Camus, de donner corps au jeune Meursault indifférent au monde qui l'entoure mais cet album est une excellente occasion de se replonger dans la philosophie de Camus et d'approcher un peu l'absurdité de la condition humaine.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Old Pa Anderson
Old Pa Anderson

Les belges Hermann Huppen et Yves H. travaillent en famille : papa est au dessin et le fiston au scénario pour nous raconter la triste et sombre histoire d'Old Pa Anderson. Nous voici plongés, en 1952, dans l'état du Mississipi. L'esclavage a été officiellement aboli mais remplacé dans les États du Sud par la ségrégation. Ce n'est plus le Ku Klux Klan qui fait la loi comme autrefois mais pour autant, les noirs ne sont toujours pas chez eux et le racisme continue d'irriguer profondément la société étasunienne. ?? Dans la famille Huppen, je voudrais le père dont on aime le dessin sombre et poisseux qui convient particulièrement à ce roman noir, une sale histoire dans les états racistes du sud. ?? Dans la famille Huppen, je voudrais le fils dont on aime le scénario qui sait rester concentré sur l'essentiel : un drame sordide du passé et une vengeance tardive, tout cela ne peut que très mal se terminer, on est dans le Mississipi et ce sont encore les années 50. Ce sont les années de la génération de nos parents, comment imaginer qu'aujourd'hui ce pays soit dégagé d'un passé si terrible et si récent ? Le grand-père Old Pa Anderson est toujours rongé par la disparition de sa petite-fille, huit ans plus tôt et plus grand chose ne retient le vieux noir à la vie : sa chère Old Ma vient de s'éteindre dans leur lit, minée par le chagrin. - Si j'avais fait quelque chose pour la p'tite, peut-être que l'Bon Dieu me l'aurait laissée encore un peu. - Faire quoi ? ... Tu te serais surtout fait lyncher avant d'avoir parcouru la largeur d'un trottoir. Et Old Ma avec. On n'est juste que des nègres du Mississipi. Une révélation bien tardive va lancer Old Pa Anderson sur le sombre chemin de la vengeance. Et si [le Mississippi règle ses affaires à sa façon], le vieux noir veut lui aussi régler ses comptes avec le passé.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Dieu-Fauve
Le Dieu-Fauve

On avait déjà apprécié Roger le dessinateur espagnol : c'était un polar, Jazz Maynard, assez violent, au dessin très moderne. Des caractéristiques que l'on retrouve dans cet album Le Dieu-Fauve avec un scénario de Fabien Vehlmann. • On apprécie le dessin très moderne (habituellement on n'est pas trop fan) rehaussé d'une mise en page très dynamique, presque agressive, et tout cela convient parfaitement à cette histoire. • On aime bien le scénario de Vehlmann qui nous plonge dans des temps inconnus où quelques clans survivent sur Terre avant qu'un cataclysme ne vienne rebattre les cartes. Le montage est assez original en plusieurs chapitres : chacun d'eux se focalise sur l'un des personnages de l'histoire pour une conclusion assez inattendue, avant le chapitre suivant. Chaque partie nous dévoile un peu plus des dessous cachés de l'intrigue et remet en cause les apparences des volets précédents. • De cet album exsudent violence et chagrin. Le chagrin des soumis qui attendent que sonne l'heure de leur vengeance, quand la violence sera la leur et non plus seulement celle de leurs maîtres. Dans des temps inconnus, quelques clans survivent sur Terre avant qu'un cataclysme ne vienne rebattre les cartes et bouleverser les hiérarchies établies jusqu'ici entre maîtres et esclaves. Dans ce monde, il est d'usage de dresser des singes pour en faire de redoutables combattants. Sans-Voix est l'un d'eux. Il est appelé à devenir un Dieu-Fauve. [...] Je l'ai dressé à devenir une arme divine, Altesse. Et il m'a fallu pour cela faire grandir en lui une colère et une souffrance qu'il vous serait difficile d'imaginer... [...] L’élève qui dépasse le maître... Voilà qui est dans l’ordre des choses. C’est une bonne mort. [...] La coutume affirme en effet que parmi ces prédateurs se cache parfois un Dieu-Fauve : l'incarnation sur Terre du seigneur de la violence. La coqueluche des arènes apportant à son propriétaire honneur, gloire et fortune. Parfois même un retour en grâce au sein de l'Empire.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Âmes noires
Les Âmes noires

Aurélien Ducoudray met son expérience de journaliste au service de ses scénarios : la Bosnie, la Tchétchénie, ... et ici la Chine profonde. Et c'est Fred Druart qui est aux pinceaux de ce "polar documentaire" : Les âmes noires. • On aime beaucoup le sujet dont se sont inspirés Ducoudray et Druart. L'idée est curieuse mais idéale pour les curieux. Leur récit est basé sur un documentaire (de 2008) du cinéaste chinois Wang Bing : L'argent du charbon. Ne gardant que l'essentiel, Ducoudray a épuré scénario et dialogues jusqu'à l'os, exactement comme il convient dans cette région sèche et pauvre où il ne fait pas bon vivre. • Au diapason, Druart illustre cette courte histoire avec un dessin nerveux et délibérément "sale" qui fait ressortir le côté terreux et pierreux des paysages. Nous sommes au fin fond de la Chine du nord, dans une région minière reculée, sans doute la province de Shanxi près de la Mongolie. Entre la gigantesque mine de charbon et les usines ou les ports, une noria de vieux camions bringuebalants sillonnent une mauvaise route. Dans ces régions arides, pauvres et désolées, l'or noir est l'objet de toutes les convoitises et de tous les trafics. Yuan est chauffeur de camion sur cette route du salaire de la peur, mais un salaire de misère. Son camion, c'est ce qui les nourrit, lui, sa femme et sa fille. [...] - Assieds-toi, tu veux jouer ? - Tu joues quoi ? - Ton camion. - Contre ? - Mon commerce ? [avec les dés en main] - Ils sont truqués ? - Bien sûr. Tous les dés sont truqués ... On doit rien laisser au hasard dans la vie, ça serait bien trop dangereux.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série La France de l'ombre (Les Années rouge & noir)
La France de l'ombre (Les Années rouge & noir)

Cet album dresse un véritable panorama autour de celles et ceux qui œuvraient dans les coulisses du pouvoir, après-guerre. On y révise l'Histoire d'une France gaulliste pas toujours très reluisante, celle des années 50 et 60. Il s'agit d'une “intégrale” qui regroupe les 4 tomes précédemment sortis (en 2016) sous le titre “Les années rouge et noir”, une bande dessinée librement inspirée d'un roman éponyme de Gérard Delteil (2014). Didier Convard et Pierre Boisserie sont au scénario, Stéphane Douay au dessin. Un album qui fait bien sûr écho à celui d'Etienne Davodeau et Benoît Collombat : Cher pays de notre enfance (2015). Le scénario va faire se croiser les destinées de plusieurs personnages imaginaires : Aimé Bacchelli, un futur ex-collabo intriguant dans l'ombre, Agnès Laborde, une jeune résistante engagée chez les gaullistes, Alain Véron, le frère d'un militant communiste qui a été exécuté, et Simone Baroux, future journaliste. De quoi balayer un large panorama de la reconstruction après-guerre de la France. Certains de ces personnages “imaginaires” sont inspirés de la vraie vie : le parcours d'Aimé Bacchelli ressemble à celui de Georges Albertini, Simone Baroux pourrait être l'avatar de Françoise Giroud, ... On rencontrera également des personnages de la vraie vie sous leurs vrais noms comme René Bousquet, le patron de la police vichyste ou Hélène Lazareff, la journaliste qui fonda le magazine Elle. Et outre le Général, d'autres personnages plus ou moins brillants de notre République : George Pompidou, Marie-France Garaud, Pierre Juillet, Charles Pasqua, ... Ce sont les années de la création du SAC et de ses barbouzes, quand l'ombre du général plane sur le pays. Le canevas : Cette Histoire de France commence à la veille de la Libération. À Paris, ça sent le roussi pour les allemands et les vichystes. Et les manœuvres ont commencé autour des fiches perforées utilisées pour recenser les juifs, les communistes ou qui l'on veut. C'est de ce fichier que naîtront plus tard notre recensement INSEE et notre fameux numéro de sécu. [...] Je comprends. D'après ce que m'a dit Bacchelli, ces fiches représentent un moyen de pression et donc une arme redoutable pour qui les détient, c'est ça ? [...] Il faut jouer avec les cartes que l'on a en main. À propos de cartes, il se trouve que ... Fil rouge de ce thriller politique, ces fiches mécanographiques (c'était avant l'informatique) sont un véritable enjeu dans les comptes qui vont se régler entre vrai-faux collabos et faux-vrais résistants, tout au long de la France gaulliste, jusqu'à l'arrivée de Giscard d'Estaing et Jacques Chirac qui ferment le ban de ces années gaulliennes. On aime le côté très politique de ce récit : on y retrouve la plupart des événements qui ont marqué le pays depuis les années 50 jusqu'en 1974. C'est une véritable leçon d'Histoire qui donne envie de (re)lire le roman de Gérard Delteil. On apprécie le récit fait des parcours entrecroisés des quatre personnages principaux. Chacun tente de jouer avec les cartes (mécanographiques ou pas !) qu'il a en main et on se prend au jeu. Le dessin reste très simple pour laisser toute la place au récit, à peine teinté de sépia pour mieux dater le contexte rétro.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Submersion
Submersion

Polar celtique et familial à l'époque où bientôt les 'méga marées' repousseront les habitants loin du rivage. Avec de beaux dessins d'architecture 'brutaliste'. On ne connaissait pas encore Iwan Lépingle qui signe le scénario et les dessins de cet album : Submersion publié chez Sarbacane. Un autodidacte qui a commencé sa carrière chez les Humanoïdes Associés et qui est surtout un amateur de grands espaces et de voyages. Cette fois il ne nous emmène pas très loin, tout au nord de l'Écosse mais à une époque (vers 2045) où les marées géantes auront commencé à noyer les côtes. Quelques bonnes raisons de découvrir cet album ? Pour l'ambiance de ce petit polar celtique dans un décor qui paraît presque normal. Presque. Si le scénario évoque bien des 'méga marées', ce n'est pourtant pas un récit post-apocalyptique, encore moins un film catastrophe. De temps à autre apparaît ici ou là, un bâtiment déserté, une zone inondée, des bungalows que l'on recule un peu plus loin, des pêcheurs qui sont devenus cultivateurs d'algues, ... Bref, les changements futurs qui nous attendent sûrement, patiemment et sans esbroufe. Pour le dessin qui s'apparente à la ligne claire franco-belge avec des aplats de couleurs aux teintes orangées, aux ombres bleutées. Des personnages dont les visages sont parfois taillés au couteau. Et puis surtout ces bâtiments, cette architecture brutaliste (c'est à la mode en ce moment !), ces belles perspectives fuyantes (Iwan Lépingle dessine tout cela sans assistance logiciel). Pour l'intrigue enfin de cet agréable roman policier qui fait la part belle aux histoires de famille. Non loin d'Inverness, il y a là les trois frères Calloway. En fait, il n'en reste plus que deux : Wyatt, le plus jeune, c'est tué en voiture il y a 6 mois sur une grande ligne droite, peut-être après avoir bu une pinte de trop. Badger et Travis ont un peu de mal à s'en remettre, Travis est persuadé que ce n'était pas un banal accident. Il y a là aussi Jenny, la femme de Wyatt, et leur fils Kyle. Et puis un black, Joseph, un garagiste à la réputation de ... garagiste, donc pas très apprécié de ses clients. Lors d'une soirée chez des amis, "Travis a entendu le petit truc qu'il attendait, la petite info qu'il lui fallait pour démarrer la machine à embrouilles". Vers 2045, la mer a repoussé les habitants loin du rivage. La pêche ne donne plus rien et il faut se contenter de cultiver et ramasser des algues. Il faut rehausser régulièrement les digues et déménager les baraquements toujours plus loin. [...] La mer nous a poussés loin du rivage. Nous lui avons abandonné nos maisons. Nous avons vidé les lieux. Quand elle a monté et monté encore, elle a léché les murs qui nous avaient vu grandir. Elle les a grignotés méthodiquement, comme une bête affamée qui serait venue se délecter de nos vies d'avant et les engloutir à jamais. Travis reste accroché obstinément au passé : il n'arrive pas à faire le deuil de son frère Wyatt, tout comme il n'arrive pas à s'habituer à la nouvelle vie que la mer envahissante impose aux habitants, à un littoral qui devient inhabitable, recule d'année en année et redevient sauvage. Travis s'emporte un peu trop rapidement, mais ne dit-on pas que ce n'est qu'après la colère que vient l'acceptation ?

05/03/2025 (modifier)