J’espérais adorer cet album (et ce fut le cas à mon entame de lecture) mais je me retrouve finalement en grande partie dans l’avis de Ro.
La différence se fera sur le fait que Charlotte Perriand ne m’était pas inconnue (un membre de la famille travaille dans un Lycée P. qui porte son nom) mais cette BD m’aura permis de la recontextualiser.
Berbérian en livre un beau portrait, une femme forte et remarquable de son époque, mais un peu frustrant car on glisse sur beaucoup de chose. L’auteur s’attarde principalement sur ses années passées au Japon, une période intéressante tant elle marquera sa créativité pour l’épure. Si ce message est bien retranscrit (ainsi que la géopolitique de l’époque), c’est un peu au détriment de notre héroïne.
En fait, j’ai eu l’impression qu’elle survolait sa propre histoire, on reste sur les faits professionnels mais je regrette que l’auteur n’écorne un peu l’image « d’idole », pas grand chose sur sa relation chez Le Corbusier ou sa personnalité.
C’est intéressant mais narré un peu froidement, un peu trop en retrait et en pudeur (mais finalement dans le respect des traditions japonaises).
Et puis arrive la partie entretien qui amoindrit encore le ressenti, pas désintéressant mais tu pestes quand c’est dans une BD. D’autant plus dommage que la partie graphique me plaisait bien, j’ai senti l’auteur impliqué.
Pas mal de petites critiques, mais c’est une œuvre qui se lit très facilement et intéressante sur bien des points (histoire, design …), si vous en avez l’occasion ne boudez pas l’emprunt.
Un album dans la moyenne haute de la collection, pas indispensable mais lecture sympathique.
Je retrouve Willy Ohm que j’avais déjà pu croiser sur un album de Donjon Parade. Pas de surprise niveau trait, un style que l’on pourrait qualifier de sommaire mais très très rond. C’est loin d’atteindre le travail de Brüno mais ça donne un certain cachet et convient parfaitement à cette collection.
Au menu, l’auteur propose une aventure préhistorique teintée d’humour et de cul. Une histoire légère et loufoque, notre jeune héros part en quête d’une dulcinée pour repeupler son village, sur fond de prophétie et de rencontres improbables. Ça se lit vite mais pas sans déplaisir, il ne faut juste pas chercher quelque chose d’émoustillant ou d’hilarant.
Perso, l’équilibre a bien fonctionné avec moi. La naïveté de notre héros, le trash de certaines situations qui passe grâce au dessin (ça partouze à tout va et on n’oublie pas d’inclure des dinosaures), l’humour un peu beauf (on aura droit aux grossesalopitheques, le mont Grosnichons …) etc en font un mélange un peu WTF mais qui se tient. Je me suis surpris à bien rigoler de certains détails.
Entre biographie détaillée et conte légèrement loufoque, Gradimir Smudja retrace la vie de Jesse Owens dans un esprit rappelant celui de sa série la plus célèbre, Le Cabaret des Muses. L'histoire est racontée par un narrateur inattendu : un chat noir nommé Essej Snewo, symbôle de la musique blues et ami imaginaire de l'athlète, qui l'accompagne de sa naissance jusqu'à sa mort. À travers ce félin fantasque, Smudja mêle fantaisie et gravité, évoquant autant la magie du sport que les thèmes du racisme, de la ségrégation et du nazisme.
Graphiquement, c'est du pur Smudja : un style pictural somptueux, coloré, d'inspiration impressionniste. Malgré quelques maladresses anatomiques ou perspectives hasardeuses (comme ce chat dont la tête semble greffée au bassin dans une case du début d'album), les planches restent splendides, lumineuses et pleines de vitalité, y compris dans les passages les plus sombres. Certaines doubles pages prennent même des allures de fresques vibrantes.
Le ton narratif, en revanche, peut désarçonner. À force de voir le jeune Jesse courir sans répit, poursuivi par des hommes ou des animaux, difficile de ne pas penser à un certain Forrest Gump. Le personnage, d'ailleurs, apparaît parfois un peu abstrait, presque réduit à sa course, sans grande intériorité. De même, la représentation outrée des violences racistes ou du KKK, bien qu'efficace visuellement, confine parfois à la caricature et atténue involontairement la gravité du propos.
Il en ressort une œuvre à la fois singulière et ambivalente : pleine de poésie, de fantaisie et d'énergie, mais dont la tonalité oscillante empêche parfois de savoir si l'on lit une fable poétique ou une biographie sérieuse.
En conclusion, un album somptueux et audacieux, à l'esthétique éblouissante, qui séduit par sa liberté de ton autant qu'il déroute par son approche très personnelle de l'histoire d'Owens.
Le dessin est atypique et sert super bien le récit. Le traitement des couleurs est absolument superbe.
Je trouve fort d'intégrer une histoire aussi complexe dans un one-shot qui comprend de grandes et belles planches pas trop chargées en blabla.
Je mets 3/5 car j'ai beaucoup apprécié cette lecture sans être véritablement transcendé.
Ce n’est certes pas avec cet ouvrage qu’Hugo Clément va se faire de nouveaux amis à la FNSEA et chez les lobbyistes de l’agro-industrie. Il n’a pourtant pas vocation à créer la polémique mais à exposer une situation de manière très factuelle, mais qui ne convient pas à ceux pour qui la priorité est de faire passer leurs bénéfices au mépris de la santé du consommateur.
Le paradoxe de l’abondance, comme le dit lui-même le journaliste et militant écologiste, c’est qu’ « on produit énormément de nourriture, ce qui est très bien parce qu’on a beaucoup de gens à nourrir, mais on la produit d’une manière qui n’est pas durable », selon « un modèle agricole qui n’est pas orienté vers les bonnes productions ». Surexploités, les sols sont de moins en moins fertiles et la biomasse (masse totale d'organismes vivants) se dégrade de façon inquiétante, concernant 89% des terres agricoles ! Et comme si cela ne suffisait pas, les pesticides et les engrais chimiques comme les nitrates se diffusent dans l’air et dans les nappes phréatiques, augmentant les risques de cancer.
Pour mieux nous faire comprendre ce qui a créé cette situation, l’ouvrage remonte aux origines de l’agriculture, à partir du moment où les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs ont commencé à se sédentariser, puis aborde la question de l’eau, qui selon un rapport de la commission européenne, est contaminée à hauteur de 60 % dans les pays européens. Autre donnée inquiétante, même la filière bio est menacée par l’absence de volonté politique.
Dans ce contexte où la rentabilité prime, nos laitages et nos fromages tendent à l’uniformisation des goûts, tandis que la vache de race Prim’Holstein (celle que l’on voit en couverture avec ses pis surdimensionnés) remplace peu à peu toutes les espèces régionales, dont certaines sont même en voie de disparition. Est également abordé la question de la souffrance animale liée à ce type de production, autre cheval de bataille d’Hugo Clément.
Le livre se conclut sur du positif même si le combat est loin d’être gagné. Sont évoquées quelques initiatives porteuses notamment la réussite (encore trop rare) d’un maraîcher bio ou l’introduction du bio dans des cantines. Les auteurs nous livrent également des pistes pour nous permettre d’agir à notre niveau, car en tant que consommateur, nous avons aussi ce pouvoir d’infléchir les décisions politiques en privilégiant par exemple la production locale.
« Le Paradoxe de l’abondance » est loin d’être un ouvrage déprimant, bien au contraire. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, qui a mis en image une autre BD parue récemment sur un thème très proche, « Et soudain le futur », est très appréciable et accompagne parfaitement ce type de contenu.
Ce livre, porté par un des journalistes les plus populaires dont on ne peut mettre en cause le sérieux des enquêtes, a également le mérite d’être très accessible. Bénéficiant d’une narration bien structurée et extrêmement fluide, il ne fera que renforcer la conviction de ceux depuis longtemps sensibilisés par le sujet et pourrait toucher également un public habituellement moins concerné… On aimerait aussi qu’il puisse surtout réveiller les consciences de nos dirigeants, encore largement soumis aux diktats imposés par l’industrie agro-alimentaire et certains syndicats qui n’existent que pour défendre les intérêts de l’agriculture industrielle, au mépris des petits paysans qui s’efforcent de respecter la nature et l’assiette du consommateur.
La période Reagan est celle de mon éveil à la politique, et je m’en souviens très bien. Que ce soit du bonhomme ou des événements importants de cette époque.
Le Naour a pris le parti de centrer son récit sur le côté « crétin » de Reagan, en escamotant certains aspects de ses mandats, évoqués de façon trop superficiels selon moi : l’envolée de l’ultralibéralisme (en parallèle de ce que faisait Thatcher au Royaume-Uni), et l’interventionnisme autoritaire – sous couvert de guerre froide. Reagan est un acteur de seconde zone à Hollywood, dont le meilleur rôle a été celui de président de la République (un petit rappel sur son rôle de lâche délateur durant le Maccarthysme n’aurait pas été superflu je pense).
Reste le personnage de Reagan comme clown. Et c’est sûr qu’à part sa capacité (émoussé dans son second mandat) à apprendre par cœur des éléments de langage, des discours, et celle de ressortir des anecdotes vaguement marrantes, il ne s’est pas distingué par son intelligence, ni par sa clairvoyance. Simple pantin des milieux d’affaires et de ses conseillers, Le Naour parvient à le rendre attachant par sa naïveté, qui peut confiner à l’imbécilité certes, mais qui lui permet aussi parfois – même s’il peut tout gâcher par un caprice ou une maladresse – de passer outre certains blocages, pour se lier avec Gorbatchev (qui a sans doute dû halluciner autant que Le Naour nous le montre lors des entretiens qu’ils ont eus tous les deux).
Si Georges W Bush, parmi ses successeurs, s’est aussi distingué par une inculture et une crétinerie abyssales, Le Naour nous renvoie clairement à une comparaison avec Donald Trump – qui apparait, jeune entrepreneur militant pour la liberté des affaires, et plus ouvertement dans la dernière case, où Le Naour en fait un nouveau Reagan. Mais cette comparaison n’est pas forcément raison. Trump est plus raciste, misogyne et surtout haineux et assoiffé de pognon que ne l’était Reagan (W. Bush me parait plus comparable à Reagan).
Reste un album qui se laisse lire, dans lequel nous suivons une marionnette souvent pathétique, grotesque, au point d’en être presque plus acceptable qu’il ne l’était en réalité. La narration est agréable – sans doute monocorde pour justifier le titre – et met en avant un type sans envergure, qui a pu jouer un rôle sans doute trop grand pour lui, même si le hasard a voulu que l’Histoire lui propose, pour une fois, pas mal d’années après sa retraite d’Hollywood, de jouer Le Premier rôle.
Une histoire sympathique, de l’aventure à la Tintin, tendance Picaros ou Oreille cassée (l'un des personnages en est grand lecteur), en plus profond et émouvant, plus "adulte" je trouve.
Nous suivons un père qui, ayant appris que son fils a été enlevé par des guérilleros en Colombie, part sur un coup de tête à sa recherche, lui qui n’a jamais pris l’avion ni voyagé hors de France.
Animé de son espoir de retrouver son fils – vivant si possible – et plein de naïveté (il se retrouve fait pas mal balader et escroqué, et ne résiste pas à toutes les tentations), notre bonhomme ne va rien lâcher.
La narration est légère et fluide, plutôt agréable. L’histoire, elle aussi légère, un peu linéaire, se laisse lire très plaisamment. C’est dépaysant, et finalement centré sur l’aventure humaine, les relations fortes nouées au hasard des rencontres, la violence politique restant en arrière-plan.
Un sympathique diptyque en tout cas.
Les Italiens ont inventé le western spaghetti et renouvelé le genre aux États-Unis. Nous avons ici un peu l’inverse, avec une histoire se déroulant en Italie, mais qui ressemble pas mal à un western.
La cadre historique n’a pas été souvent utilisé en BD, à savoir les luttes nationalistes à l’aube du Risorgimento, alors que les luttes sociales ne sont pas toujours solubles dans l’unité italienne. Un décor intéressant donc, et une intrigue globalement rythmée, même si finalement la petite histoire éclipse complètement la grande. Et si cette petite histoire manque un peu de fond.
La lecture n’est pas désagréable, mais il m’a manqué quelque chose, un peu du souffle épique qui aurait sans doute pu magnifier cette histoire, inspirée de faits et de personnages réels. Idem pour le dessin, fluide et lisible, mais avec des visages qui ne me plaisent pas forcément.
Autrefois, j'aurais mis quatre étoiles. Mais passant par ici, j'ai découvert que je n'étais pas la seule personne a avoir décroché ! Dommage, le dessin aérien qui n'en exprime pas moins la poussière collant aux personnages sur la route, et les potes sympas me plaisaient bien, mais tout a été dit sur le déclin de la série. C'est à cause de nombreux naufrages comme Jeremiah qu'on suspecte tout ce qui est un peu long. C'est triste, un camarade d'école qui s'y connaissait en bd me l'avait fait découvrir ! Ceci dit, puisqu'on est au chapitre gratitude, vive les médiathèques qui permettent de lire gratuitement et en ouvrant la focale sur ce qu'on n'aurait pas cherché tout seul ! Je comprends que d'anciens amateurs restent dans un univers où ils ont leurs marques, mais je pense qu'il vaut mieux déconseiller à de nouveaux d'embarquer pour une croisière qui devient vite si décevante !
Trif s’est fait une spécialité de l’adaptation des contes célèbres dans une version très érotique. Avec celle-ci, je me suis longtemps demandé s’il n’était pas devenu plus « sage » dans ses illustrations.
En effet, la première scène de sexe n’apparait qu’après la quarantième page du premier tome – même si la « Belle » passe l’essentiel des pages quasiment nue. Plus de sensualité donc que de porno – même si les dernières pages de ce tome sont un peu plus corsées, et si quelques scènes – de masturbation essentiellement – se greffent au récit tout au long de son déroulé. Le second album joue sur le même registre.
Car Trif livre là une version finalement soft, jouant davantage sur un érotisme latent, sur les désirs (de la Belle comme de la Bête) presque retenus. Le résultat est fluide et agréable, bien plus fin que la plupart des œuvres du genre.
Le dessin de Trif – qui met l’accent sur les gros plans et les corps des personnages – est aussi pour beaucoup dans le plaisir de lecture.
C’est plutôt une belle adaptation de cette histoire, dont je ne connaissais que les versions de Cocteau ou de Disney.
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Charlotte Perriand - Une architecte française au Japon - 1940-1942
J’espérais adorer cet album (et ce fut le cas à mon entame de lecture) mais je me retrouve finalement en grande partie dans l’avis de Ro. La différence se fera sur le fait que Charlotte Perriand ne m’était pas inconnue (un membre de la famille travaille dans un Lycée P. qui porte son nom) mais cette BD m’aura permis de la recontextualiser. Berbérian en livre un beau portrait, une femme forte et remarquable de son époque, mais un peu frustrant car on glisse sur beaucoup de chose. L’auteur s’attarde principalement sur ses années passées au Japon, une période intéressante tant elle marquera sa créativité pour l’épure. Si ce message est bien retranscrit (ainsi que la géopolitique de l’époque), c’est un peu au détriment de notre héroïne. En fait, j’ai eu l’impression qu’elle survolait sa propre histoire, on reste sur les faits professionnels mais je regrette que l’auteur n’écorne un peu l’image « d’idole », pas grand chose sur sa relation chez Le Corbusier ou sa personnalité. C’est intéressant mais narré un peu froidement, un peu trop en retrait et en pudeur (mais finalement dans le respect des traditions japonaises). Et puis arrive la partie entretien qui amoindrit encore le ressenti, pas désintéressant mais tu pestes quand c’est dans une BD. D’autant plus dommage que la partie graphique me plaisait bien, j’ai senti l’auteur impliqué. Pas mal de petites critiques, mais c’est une œuvre qui se lit très facilement et intéressante sur bien des points (histoire, design …), si vous en avez l’occasion ne boudez pas l’emprunt.
Mr Coconut
Un album dans la moyenne haute de la collection, pas indispensable mais lecture sympathique. Je retrouve Willy Ohm que j’avais déjà pu croiser sur un album de Donjon Parade. Pas de surprise niveau trait, un style que l’on pourrait qualifier de sommaire mais très très rond. C’est loin d’atteindre le travail de Brüno mais ça donne un certain cachet et convient parfaitement à cette collection. Au menu, l’auteur propose une aventure préhistorique teintée d’humour et de cul. Une histoire légère et loufoque, notre jeune héros part en quête d’une dulcinée pour repeupler son village, sur fond de prophétie et de rencontres improbables. Ça se lit vite mais pas sans déplaisir, il ne faut juste pas chercher quelque chose d’émoustillant ou d’hilarant. Perso, l’équilibre a bien fonctionné avec moi. La naïveté de notre héros, le trash de certaines situations qui passe grâce au dessin (ça partouze à tout va et on n’oublie pas d’inclure des dinosaures), l’humour un peu beauf (on aura droit aux grossesalopitheques, le mont Grosnichons …) etc en font un mélange un peu WTF mais qui se tient. Je me suis surpris à bien rigoler de certains détails.
Jesse Owens - Des miles et des miles
Entre biographie détaillée et conte légèrement loufoque, Gradimir Smudja retrace la vie de Jesse Owens dans un esprit rappelant celui de sa série la plus célèbre, Le Cabaret des Muses. L'histoire est racontée par un narrateur inattendu : un chat noir nommé Essej Snewo, symbôle de la musique blues et ami imaginaire de l'athlète, qui l'accompagne de sa naissance jusqu'à sa mort. À travers ce félin fantasque, Smudja mêle fantaisie et gravité, évoquant autant la magie du sport que les thèmes du racisme, de la ségrégation et du nazisme. Graphiquement, c'est du pur Smudja : un style pictural somptueux, coloré, d'inspiration impressionniste. Malgré quelques maladresses anatomiques ou perspectives hasardeuses (comme ce chat dont la tête semble greffée au bassin dans une case du début d'album), les planches restent splendides, lumineuses et pleines de vitalité, y compris dans les passages les plus sombres. Certaines doubles pages prennent même des allures de fresques vibrantes. Le ton narratif, en revanche, peut désarçonner. À force de voir le jeune Jesse courir sans répit, poursuivi par des hommes ou des animaux, difficile de ne pas penser à un certain Forrest Gump. Le personnage, d'ailleurs, apparaît parfois un peu abstrait, presque réduit à sa course, sans grande intériorité. De même, la représentation outrée des violences racistes ou du KKK, bien qu'efficace visuellement, confine parfois à la caricature et atténue involontairement la gravité du propos. Il en ressort une œuvre à la fois singulière et ambivalente : pleine de poésie, de fantaisie et d'énergie, mais dont la tonalité oscillante empêche parfois de savoir si l'on lit une fable poétique ou une biographie sérieuse. En conclusion, un album somptueux et audacieux, à l'esthétique éblouissante, qui séduit par sa liberté de ton autant qu'il déroute par son approche très personnelle de l'histoire d'Owens.
Origines
Le dessin est atypique et sert super bien le récit. Le traitement des couleurs est absolument superbe. Je trouve fort d'intégrer une histoire aussi complexe dans un one-shot qui comprend de grandes et belles planches pas trop chargées en blabla. Je mets 3/5 car j'ai beaucoup apprécié cette lecture sans être véritablement transcendé.
Le Paradoxe de l'abondance
Ce n’est certes pas avec cet ouvrage qu’Hugo Clément va se faire de nouveaux amis à la FNSEA et chez les lobbyistes de l’agro-industrie. Il n’a pourtant pas vocation à créer la polémique mais à exposer une situation de manière très factuelle, mais qui ne convient pas à ceux pour qui la priorité est de faire passer leurs bénéfices au mépris de la santé du consommateur. Le paradoxe de l’abondance, comme le dit lui-même le journaliste et militant écologiste, c’est qu’ « on produit énormément de nourriture, ce qui est très bien parce qu’on a beaucoup de gens à nourrir, mais on la produit d’une manière qui n’est pas durable », selon « un modèle agricole qui n’est pas orienté vers les bonnes productions ». Surexploités, les sols sont de moins en moins fertiles et la biomasse (masse totale d'organismes vivants) se dégrade de façon inquiétante, concernant 89% des terres agricoles ! Et comme si cela ne suffisait pas, les pesticides et les engrais chimiques comme les nitrates se diffusent dans l’air et dans les nappes phréatiques, augmentant les risques de cancer. Pour mieux nous faire comprendre ce qui a créé cette situation, l’ouvrage remonte aux origines de l’agriculture, à partir du moment où les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs ont commencé à se sédentariser, puis aborde la question de l’eau, qui selon un rapport de la commission européenne, est contaminée à hauteur de 60 % dans les pays européens. Autre donnée inquiétante, même la filière bio est menacée par l’absence de volonté politique. Dans ce contexte où la rentabilité prime, nos laitages et nos fromages tendent à l’uniformisation des goûts, tandis que la vache de race Prim’Holstein (celle que l’on voit en couverture avec ses pis surdimensionnés) remplace peu à peu toutes les espèces régionales, dont certaines sont même en voie de disparition. Est également abordé la question de la souffrance animale liée à ce type de production, autre cheval de bataille d’Hugo Clément. Le livre se conclut sur du positif même si le combat est loin d’être gagné. Sont évoquées quelques initiatives porteuses notamment la réussite (encore trop rare) d’un maraîcher bio ou l’introduction du bio dans des cantines. Les auteurs nous livrent également des pistes pour nous permettre d’agir à notre niveau, car en tant que consommateur, nous avons aussi ce pouvoir d’infléchir les décisions politiques en privilégiant par exemple la production locale. « Le Paradoxe de l’abondance » est loin d’être un ouvrage déprimant, bien au contraire. Le dessin à l’aquarelle de Dominique Mermoux, qui a mis en image une autre BD parue récemment sur un thème très proche, « Et soudain le futur », est très appréciable et accompagne parfaitement ce type de contenu. Ce livre, porté par un des journalistes les plus populaires dont on ne peut mettre en cause le sérieux des enquêtes, a également le mérite d’être très accessible. Bénéficiant d’une narration bien structurée et extrêmement fluide, il ne fera que renforcer la conviction de ceux depuis longtemps sensibilisés par le sujet et pourrait toucher également un public habituellement moins concerné… On aimerait aussi qu’il puisse surtout réveiller les consciences de nos dirigeants, encore largement soumis aux diktats imposés par l’industrie agro-alimentaire et certains syndicats qui n’existent que pour défendre les intérêts de l’agriculture industrielle, au mépris des petits paysans qui s’efforcent de respecter la nature et l’assiette du consommateur.
Le Crétin qui a gagné la guerre froide
La période Reagan est celle de mon éveil à la politique, et je m’en souviens très bien. Que ce soit du bonhomme ou des événements importants de cette époque. Le Naour a pris le parti de centrer son récit sur le côté « crétin » de Reagan, en escamotant certains aspects de ses mandats, évoqués de façon trop superficiels selon moi : l’envolée de l’ultralibéralisme (en parallèle de ce que faisait Thatcher au Royaume-Uni), et l’interventionnisme autoritaire – sous couvert de guerre froide. Reagan est un acteur de seconde zone à Hollywood, dont le meilleur rôle a été celui de président de la République (un petit rappel sur son rôle de lâche délateur durant le Maccarthysme n’aurait pas été superflu je pense). Reste le personnage de Reagan comme clown. Et c’est sûr qu’à part sa capacité (émoussé dans son second mandat) à apprendre par cœur des éléments de langage, des discours, et celle de ressortir des anecdotes vaguement marrantes, il ne s’est pas distingué par son intelligence, ni par sa clairvoyance. Simple pantin des milieux d’affaires et de ses conseillers, Le Naour parvient à le rendre attachant par sa naïveté, qui peut confiner à l’imbécilité certes, mais qui lui permet aussi parfois – même s’il peut tout gâcher par un caprice ou une maladresse – de passer outre certains blocages, pour se lier avec Gorbatchev (qui a sans doute dû halluciner autant que Le Naour nous le montre lors des entretiens qu’ils ont eus tous les deux). Si Georges W Bush, parmi ses successeurs, s’est aussi distingué par une inculture et une crétinerie abyssales, Le Naour nous renvoie clairement à une comparaison avec Donald Trump – qui apparait, jeune entrepreneur militant pour la liberté des affaires, et plus ouvertement dans la dernière case, où Le Naour en fait un nouveau Reagan. Mais cette comparaison n’est pas forcément raison. Trump est plus raciste, misogyne et surtout haineux et assoiffé de pognon que ne l’était Reagan (W. Bush me parait plus comparable à Reagan). Reste un album qui se laisse lire, dans lequel nous suivons une marionnette souvent pathétique, grotesque, au point d’en être presque plus acceptable qu’il ne l’était en réalité. La narration est agréable – sans doute monocorde pour justifier le titre – et met en avant un type sans envergure, qui a pu jouer un rôle sans doute trop grand pour lui, même si le hasard a voulu que l’Histoire lui propose, pour une fois, pas mal d’années après sa retraite d’Hollywood, de jouer Le Premier rôle.
Au nom du fils (Ciudad Perdida)
Une histoire sympathique, de l’aventure à la Tintin, tendance Picaros ou Oreille cassée (l'un des personnages en est grand lecteur), en plus profond et émouvant, plus "adulte" je trouve. Nous suivons un père qui, ayant appris que son fils a été enlevé par des guérilleros en Colombie, part sur un coup de tête à sa recherche, lui qui n’a jamais pris l’avion ni voyagé hors de France. Animé de son espoir de retrouver son fils – vivant si possible – et plein de naïveté (il se retrouve fait pas mal balader et escroqué, et ne résiste pas à toutes les tentations), notre bonhomme ne va rien lâcher. La narration est légère et fluide, plutôt agréable. L’histoire, elle aussi légère, un peu linéaire, se laisse lire très plaisamment. C’est dépaysant, et finalement centré sur l’aventure humaine, les relations fortes nouées au hasard des rencontres, la violence politique restant en arrière-plan. Un sympathique diptyque en tout cas.
La Fleur au fusil
Les Italiens ont inventé le western spaghetti et renouvelé le genre aux États-Unis. Nous avons ici un peu l’inverse, avec une histoire se déroulant en Italie, mais qui ressemble pas mal à un western. La cadre historique n’a pas été souvent utilisé en BD, à savoir les luttes nationalistes à l’aube du Risorgimento, alors que les luttes sociales ne sont pas toujours solubles dans l’unité italienne. Un décor intéressant donc, et une intrigue globalement rythmée, même si finalement la petite histoire éclipse complètement la grande. Et si cette petite histoire manque un peu de fond. La lecture n’est pas désagréable, mais il m’a manqué quelque chose, un peu du souffle épique qui aurait sans doute pu magnifier cette histoire, inspirée de faits et de personnages réels. Idem pour le dessin, fluide et lisible, mais avec des visages qui ne me plaisent pas forcément.
Jeremiah
Autrefois, j'aurais mis quatre étoiles. Mais passant par ici, j'ai découvert que je n'étais pas la seule personne a avoir décroché ! Dommage, le dessin aérien qui n'en exprime pas moins la poussière collant aux personnages sur la route, et les potes sympas me plaisaient bien, mais tout a été dit sur le déclin de la série. C'est à cause de nombreux naufrages comme Jeremiah qu'on suspecte tout ce qui est un peu long. C'est triste, un camarade d'école qui s'y connaissait en bd me l'avait fait découvrir ! Ceci dit, puisqu'on est au chapitre gratitude, vive les médiathèques qui permettent de lire gratuitement et en ouvrant la focale sur ce qu'on n'aurait pas cherché tout seul ! Je comprends que d'anciens amateurs restent dans un univers où ils ont leurs marques, mais je pense qu'il vaut mieux déconseiller à de nouveaux d'embarquer pour une croisière qui devient vite si décevante !
La Belle et la Bête (Tabou)
Trif s’est fait une spécialité de l’adaptation des contes célèbres dans une version très érotique. Avec celle-ci, je me suis longtemps demandé s’il n’était pas devenu plus « sage » dans ses illustrations. En effet, la première scène de sexe n’apparait qu’après la quarantième page du premier tome – même si la « Belle » passe l’essentiel des pages quasiment nue. Plus de sensualité donc que de porno – même si les dernières pages de ce tome sont un peu plus corsées, et si quelques scènes – de masturbation essentiellement – se greffent au récit tout au long de son déroulé. Le second album joue sur le même registre. Car Trif livre là une version finalement soft, jouant davantage sur un érotisme latent, sur les désirs (de la Belle comme de la Bête) presque retenus. Le résultat est fluide et agréable, bien plus fin que la plupart des œuvres du genre. Le dessin de Trif – qui met l’accent sur les gros plans et les corps des personnages – est aussi pour beaucoup dans le plaisir de lecture. C’est plutôt une belle adaptation de cette histoire, dont je ne connaissais que les versions de Cocteau ou de Disney.