Pahé nous livre ici son autobiographie. Incomplète (un troisième tome devait traiter « des femmes » !), mais qui se laisse lire agréablement.
Le dessin est assez simple, mais efficace. L’auteur a officié comme caricaturiste dans plusieurs journaux gabonais, et ça se sent au niveau du trait et du rythme. Ça n’est pas forcément ma came, mais c’est efficace et très lisible.
Pahé, au milieu de sa vie personnelle et familiale en Afrique (au Gabon plus précisément), nous présente ses allers-retours entre la France et le Gabon. Cela donne quelque chose d’assez frais. Et, pour un lecteur comme moi, deux choses sont intéressantes dans ces albums.
D’abord, étant quasiment de la même génération que lui, sa vision des quelques années qu’il a passé enfant en France (jouets, émissions télé, pubs, etc.) me parle. On est là dans la lignée des albums de souvenirs d’enfance (dont la meilleure réussite est sans doute Le Petit Christian). Une petite madeleine de Proust pour moi.
Mais son regard est double. Il nous présente aussi la société africaine, et là c’est pour moi plus dépaysant. Surtout, il présente un regard extérieur sur la société française. Gamin lorsqu’il débarque une première fois en France, puis plus tard lorsqu’il revient quelques années pour des études de graphiste : la vision des foyers d’immigrés, des « tracasseries administratives et policières » envers les Noirs, sont autant de moments à la fois drôles et scandaleux. les différences entre les deux cultures et sociétés, pointées par Pahé, donnent aussi à réfléchir (il n'y a pas de jugement de valeur).
Le fonctionnement du régime paternaliste – voire carrément dictatorial d’Omar Bongo est aussi épinglé, de façon moins corrosive que je m’y attendais d’ailleurs.
Deux albums qui se laissent lire plutôt agréablement.
Une horreur mise en place pour remplacer des super-héros manquant de souffle, dans les années 1950. C’est globalement assez daté, et l’horreur développée ici n’a plus du tout le même effet – on ne retrouve ce genre de chose que dans des parodies je pense.
En effet, à vouloir quasi systématiquement faire naître cette horreur dans des décors et avec des personnages (aux têtes hideuses) que l’on n’a aucune chance de rencontrer dans notre quotidien, cet artificialisation (sans doute dû en partie à l’époque) ne joue plus son rôle d'épouvante ici. Du coup, rien d’une lente construction d’ambiance glaçante qui pourrait nous faire croire que ceci peut nous arriver.
Autre défaut, l’omniprésence envahissante des textes. Les bulles très – trop – remplies occupent la majeure partie des cases, semblant nous forcer à ingurgiter l’histoire, au détriment du dessin, et de l’imagination du lecteur.
Le dessin justement, je l’ai trouvé bon, expressif et fluide. Je n’ai lu que les deux premiers recueils parus chez Albin Michel. Je ne sais pas ce qu’Akiléos a pu modifier dans ses rééditions plus récentes, mais semble-t-il ils n’ont pas publié exactement les mêmes histoires, au vu des auteurs (dessinateurs en particulier crédités).
Mais bon, malgré les réserves évoquées plus haut, ça se laisse lire, même si les deux recueils que j’ai lus me suffisent. On se lasse rapidement je trouve.
Même si Gondry est français, l’album a d’abord été publié aux Etats-Unis en anglais. Je ne connais pas trop Gondry, n’ayant vu aucun de ses films, et devinant juste quelqu’un de créatif et d’atypique. Ce que confirme cet album !
C’est une sorte d’ovni, très marqué par l’underground, que ce soit pour le trait (parfois grossier, mal assuré, faisant fi des conventions au niveau des perspectives par exemple) ou le propos, volontiers provocateur et iconoclaste.
L’intrigue est en effet des plus loufoques et absurdes, dans les grandes lignes ou dans les détails.
Gondry, au travers de son histoire, semble se défouler contre les « autorités », qu’elles soient militaires (un clone de Bigeard totalement déjanté mène une guerre débile contre des hordes de féministes communistes – et il y a une bonne charge contre e service militaire au début – qui doit sans doute être en partie autobiographique) ou politiques (Johnny Hallyday est un président improbable de l’Ile de France).
L’histoire ressemble à une grosse farce, ponctuée de sous-entendus et d’images graveleuses, d’images quasi surréalistes, avec un scénario qui semble avoir été en partie improvisé.
Totalement inclassable – et pas courant – cet album est une curiosité qui risque de déconcerter ceux qui tomberont dessus. Mais c’est assez frais et sort du formatage habituel.
Note réelle 2,5/5.
Un album qu'on pourra rapprocher de récits de santé comme Carnet de santé foireuse de Pozla. Dans Sang neuf, JC Chauzy évoque son sang épuisé qui lui annihile toute immunité. Il se retrouve en chambre stérile loin de tous ses proches en pleine période de Covid en 2020. C'est un récit sans concession sur sa personne et la générosité de beaucoup d'autres autour de lui, médecins et infirmières et bien sûr sa soeur qui lui permet de bénéficier d'une greffe de moelle osseuse. Il se dévalorise beaucoup dans ses pages, regrettant d'être un poids mort pour son entourage, notamment sa compagne qui doit tout assumer pendant qu'il se remet sans sortir de son appartement.
Un sujet grave mais pas pesant pour autant, la narration est suffisamment bien menée pour garder une lecture fluide. Le dessin est fort bien maîtrisé, dominé par du gris, du rouge bien sûr comme le sang.
Un bon 3,5 pour ce nouvel album d'Anouk Ricard. C'est un univers gentiment absurde de western où évolue Ducky Coco et son cheval Guiguite, qui parle bien sûr comme dans Lucky Luke et participe beaucoup à l'humour de ces pages. D'ailleurs je l'aurai plutôt catégorisé en humour qu'en western.
Cela alterne des histoires courtes et des gags en une planche. On y voit des parties de carte sans queue ni tête, avec pour certaines d'astucieuses techniques de triche de Guiguite. Le tout reste bon enfant et est accessible à tous les âges.
Signalons l'astucieuse couverture cartonnée trouée laissant paraître Ducky chevauchant. Dès qu'on tourne on voit un gag caché dans le bas.
Une bonne lecture sur une artiste égyptienne que je ne connaissais que de réputation. Oum Kalthoum nous est retracée sous forme de flash-back via un entretien avec une journaliste à l'issue d'un concert à l'Olympia en 1967. Une performance de 3 heures, et seulement 3 chansons. La chanteuse narre donc sa vie dans une biographie chronologique somme toute classique sur la forme. Son enfance très pauvre, la chance qu'elle a eue soutenue par ses parents dans son éducation et la révélation de sa voix qui a modifié sa destinée. Tout d'abord elle récite le Coran déguisée en garçon pour de riches gens, puis sa renommée s'étend et elle ouvre son chant à la musique profane.
L'inconvénient de la bande dessinée est de ne pas avoir le son qui va avec... La mort de l'artiste en 1975 est un deuil pour des millions de personnes. Il y a également un message sur l'émancipation de la femme dans une société patriarcale et sous le poids de la religion.
Je trouve que ce récit a quelque chose de touchant. C'est l'histoire vue et revue de celui qui, avant de se marier, refait un voyage vers un lieu de son enfance, se repose des questions, imagine si ... Sauf qu'il ne cherche pas une autre femme, qu'il aurait perdue de vue. Il cherche son ami d'enfance, celui qui était là tous les étés lorsqu'il était enfant, avec qui il jouait tout le temps.
Le récit est assez simple dans son déroulé, les petites retrouvailles et les moments où le passé ressurgit, les dates clés qui reviennent, les discussions pleines de sens alors que l'âge est plus avancé ... On a les scènes classiques de ce genre de récit mais tout l'ensemble contient aussi une petite note d’ambiguïté sur l'ensemble qui rajoute une couche d'intérêt. Et cet entre-deux qui dure tout au long du récit ne sera pas vraiment résolu à la fin, même si elle est très ouverte, laissant libre cours à plein d’interprétations.
Le dessin est sympathique, me rappelant d'ailleurs ce que Gipi peut produire aussi. Il y a d'ailleurs un petit jeu de couleurs et quelques planches en calques (le même procédé que dans Les Voyages d'Ulysse) qui font jolies mais qui ne sont pas franchement indispensables. C'est joli, c'est sûr !
Je suis moins un peu moins enthousiaste que les autres posteurs, surtout parce que le récit est lent et que cette fin reste un peu trop ouverte à mon goût. Pour être franc, je ne sais même pas si elle suggère une bonne chose ou non. J'aurais peut-être aimé qu'il y ait un peu plus de précision, mais en dehors de ça le récit reste bon. C'est juste que je ne pense pas être intéressé par une relecture.
Je fais mienne la remarque de carottebio, ce récit reste un travail "honnête et soigné" sans plus je dirais. On ne parle plus beaucoup de la Syrie aujourd'hui probablement à tort tellement la situation du pays reste explosive dans un contexte du MO de plus en plus instable.
Bachar est toujours en place et j'ai trouvé intéressant toute la première partie du récit de Nicolas Hénin sur le tout début de la révolution syrienne en 2011. On sent que le journaliste est dans son élément sur un sujet qu'il maitrise parfaitement. Même si je suis toujours dubitatif sur les souvenirs de jeunes enfants, la narration est précise et très crédible pour décrire l'évolution de la situation en interne.
J'ai été beaucoup moins séduit par la partie française du récit. J'ai senti le journaliste beaucoup moins à son aise dans ce récit qui mêle intime et social de l'intégration du jeune garçon. On se retrouve avec un suite de séquences foot, école, logement foot copain famille activisme un peu collées côte à côte sans lien narratif bien établi. Je me suis parfois ennuyé à lire cette suites d'anecdotes parfois insignifiantes.
De plus j'ai un peu tiqué à certains passages. Comme la famille a obtenu le statut de réfugié ("La France lui a accordé l'asile"p48) il aurait été intéressant d'approfondir ce versant de l'histoire. Or ici l'OFPRA n'est même pas cité. Au contraire on a une présentation ambiguë. D'un côté on trouve des remerciements pour l'action du gouvernement français et de l'autre on a des séquences avec des comportements et des dialogues négatifs (voire racistes) des fonctionnaires français. Cette présentation m'a mis mal à l'aise (attendre 2 heures devant la préfecture ce n'est pas long, la file peut débuter à 4 h du matin!). En effet obtenir le statut de réfugié est un sésame qui facilite et accélère beaucoup les démarches administratives. Je trouve dommage que ce côté soit très superficiel voire tendancieux.
Le graphisme N&B assez réaliste de Park ne m'a pas séduit. Je l'ai trouvé assez daté dans sa composition. Il y a un côté manichéen dans la présentation des bons et gentils. J'ai trouvé cela un peu scolaire. Cela reste du travail soigné.
Une lecture pour se remémorer des événements tout proches et dont la page n'est pas encore tournée.
Une histoire qui se laisse lire, mais sans plus. On reste dans du classique, avec une intrigue qui ne renouvelle rien, tout en restant lisible.
Le pacte avec le diable, les rivalités entre frères, héritiers d’une fortune et d’un grand manoir – forcément éloigné de tout, avec un personnage qui échoue ici par hasard et va se trouver entraîné dans une histoire machiavélique, coincé entre le châtelain perfide et son valet (un géant quasi muet) : la principale surprise vient que ce manoir est au Canada et non dans les Carpates… Quant aux créatures de « l’autre monde », celui des enfers, elles sont, elles-aussi, très classiques.
Malgré ces clichés et ce sentiment de déjà-vu, le diptyque se laisse lire (sans doute les happy-end auraient-ils mérité d’être nuancés pour éviter d’en faire trop, mais bon…).
Le dessin de Ma Yi est plutôt agréable, surtout pour les visages, malgré des décors un peu trop escamotés à mon goût. La colorisation lisse par contre un peu trop le rendu général.
A emprunter à l’occasion, mais je n’y reviendrai pas.
Note réelle 2,5/5.
Des séries sur la résistance il y en a pas mal, et c’est difficile de se démarquer. Et le lecteur blasé doit aussi ne pas se laisser engourdir, il ne faut pas oublier le sacrifice de ceux qui nous ont permis de vivre avec un minimum de libertés
La particularité de cet album est de s’intéresser à de vrais résistant, ça n’est pas une histoire inventée. Mais de centrer le récit sur Marcel Rayman, un quasi anonyme – pourtant quasi célèbre !
En effet, il a été arrêté en même temps que Manouchian, et, en tant que Juif d’origine polonaise, a eu « l’honneur » de figurer sur « l’Affiche rouge ». Mais il est resté dans l’ombre historique de Manouchian, et cet album permet de le mettre davantage en avant.
Le récit est assez froid – dans tous les sens du terme d’ailleurs. Je trouve qu’on s’attache davantage à la résistance et au courage, voire au sacrifice exigé qu’aux protagonistes eux-mêmes. Mais Galandon rend quand même bien la montée en tension, la pression exercée de plus en plus fortement par la Gestapo et les collaborateurs, l’angoisse d’être suivi, repéré, perdu, qui étreint Rayman.
Quant au dessin de Puchol, il accentue sans doute le côté froid évoqué plus haut, mais cette ligne claire presque rétro n’est pas désagréable.
Un album plaisant, à compléter avec les nombreux albums publiés récemment autour de Manouchian, à l’occasion de sa « panthéonisation ».
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La Vie de Pahé
Pahé nous livre ici son autobiographie. Incomplète (un troisième tome devait traiter « des femmes » !), mais qui se laisse lire agréablement. Le dessin est assez simple, mais efficace. L’auteur a officié comme caricaturiste dans plusieurs journaux gabonais, et ça se sent au niveau du trait et du rythme. Ça n’est pas forcément ma came, mais c’est efficace et très lisible. Pahé, au milieu de sa vie personnelle et familiale en Afrique (au Gabon plus précisément), nous présente ses allers-retours entre la France et le Gabon. Cela donne quelque chose d’assez frais. Et, pour un lecteur comme moi, deux choses sont intéressantes dans ces albums. D’abord, étant quasiment de la même génération que lui, sa vision des quelques années qu’il a passé enfant en France (jouets, émissions télé, pubs, etc.) me parle. On est là dans la lignée des albums de souvenirs d’enfance (dont la meilleure réussite est sans doute Le Petit Christian). Une petite madeleine de Proust pour moi. Mais son regard est double. Il nous présente aussi la société africaine, et là c’est pour moi plus dépaysant. Surtout, il présente un regard extérieur sur la société française. Gamin lorsqu’il débarque une première fois en France, puis plus tard lorsqu’il revient quelques années pour des études de graphiste : la vision des foyers d’immigrés, des « tracasseries administratives et policières » envers les Noirs, sont autant de moments à la fois drôles et scandaleux. les différences entre les deux cultures et sociétés, pointées par Pahé, donnent aussi à réfléchir (il n'y a pas de jugement de valeur). Le fonctionnement du régime paternaliste – voire carrément dictatorial d’Omar Bongo est aussi épinglé, de façon moins corrosive que je m’y attendais d’ailleurs. Deux albums qui se laissent lire plutôt agréablement.
Tales from the crypt
Une horreur mise en place pour remplacer des super-héros manquant de souffle, dans les années 1950. C’est globalement assez daté, et l’horreur développée ici n’a plus du tout le même effet – on ne retrouve ce genre de chose que dans des parodies je pense. En effet, à vouloir quasi systématiquement faire naître cette horreur dans des décors et avec des personnages (aux têtes hideuses) que l’on n’a aucune chance de rencontrer dans notre quotidien, cet artificialisation (sans doute dû en partie à l’époque) ne joue plus son rôle d'épouvante ici. Du coup, rien d’une lente construction d’ambiance glaçante qui pourrait nous faire croire que ceci peut nous arriver. Autre défaut, l’omniprésence envahissante des textes. Les bulles très – trop – remplies occupent la majeure partie des cases, semblant nous forcer à ingurgiter l’histoire, au détriment du dessin, et de l’imagination du lecteur. Le dessin justement, je l’ai trouvé bon, expressif et fluide. Je n’ai lu que les deux premiers recueils parus chez Albin Michel. Je ne sais pas ce qu’Akiléos a pu modifier dans ses rééditions plus récentes, mais semble-t-il ils n’ont pas publié exactement les mêmes histoires, au vu des auteurs (dessinateurs en particulier crédités). Mais bon, malgré les réserves évoquées plus haut, ça se laisse lire, même si les deux recueils que j’ai lus me suffisent. On se lasse rapidement je trouve.
On a perdu la guerre mais pas la bataille
Même si Gondry est français, l’album a d’abord été publié aux Etats-Unis en anglais. Je ne connais pas trop Gondry, n’ayant vu aucun de ses films, et devinant juste quelqu’un de créatif et d’atypique. Ce que confirme cet album ! C’est une sorte d’ovni, très marqué par l’underground, que ce soit pour le trait (parfois grossier, mal assuré, faisant fi des conventions au niveau des perspectives par exemple) ou le propos, volontiers provocateur et iconoclaste. L’intrigue est en effet des plus loufoques et absurdes, dans les grandes lignes ou dans les détails. Gondry, au travers de son histoire, semble se défouler contre les « autorités », qu’elles soient militaires (un clone de Bigeard totalement déjanté mène une guerre débile contre des hordes de féministes communistes – et il y a une bonne charge contre e service militaire au début – qui doit sans doute être en partie autobiographique) ou politiques (Johnny Hallyday est un président improbable de l’Ile de France). L’histoire ressemble à une grosse farce, ponctuée de sous-entendus et d’images graveleuses, d’images quasi surréalistes, avec un scénario qui semble avoir été en partie improvisé. Totalement inclassable – et pas courant – cet album est une curiosité qui risque de déconcerter ceux qui tomberont dessus. Mais c’est assez frais et sort du formatage habituel. Note réelle 2,5/5.
Sang neuf
Un album qu'on pourra rapprocher de récits de santé comme Carnet de santé foireuse de Pozla. Dans Sang neuf, JC Chauzy évoque son sang épuisé qui lui annihile toute immunité. Il se retrouve en chambre stérile loin de tous ses proches en pleine période de Covid en 2020. C'est un récit sans concession sur sa personne et la générosité de beaucoup d'autres autour de lui, médecins et infirmières et bien sûr sa soeur qui lui permet de bénéficier d'une greffe de moelle osseuse. Il se dévalorise beaucoup dans ses pages, regrettant d'être un poids mort pour son entourage, notamment sa compagne qui doit tout assumer pendant qu'il se remet sans sortir de son appartement. Un sujet grave mais pas pesant pour autant, la narration est suffisamment bien menée pour garder une lecture fluide. Le dessin est fort bien maîtrisé, dominé par du gris, du rouge bien sûr comme le sang.
Ducky Coco
Un bon 3,5 pour ce nouvel album d'Anouk Ricard. C'est un univers gentiment absurde de western où évolue Ducky Coco et son cheval Guiguite, qui parle bien sûr comme dans Lucky Luke et participe beaucoup à l'humour de ces pages. D'ailleurs je l'aurai plutôt catégorisé en humour qu'en western. Cela alterne des histoires courtes et des gags en une planche. On y voit des parties de carte sans queue ni tête, avec pour certaines d'astucieuses techniques de triche de Guiguite. Le tout reste bon enfant et est accessible à tous les âges. Signalons l'astucieuse couverture cartonnée trouée laissant paraître Ducky chevauchant. Dès qu'on tourne on voit un gag caché dans le bas.
Oum Kalthoum - Naissance d'une diva
Une bonne lecture sur une artiste égyptienne que je ne connaissais que de réputation. Oum Kalthoum nous est retracée sous forme de flash-back via un entretien avec une journaliste à l'issue d'un concert à l'Olympia en 1967. Une performance de 3 heures, et seulement 3 chansons. La chanteuse narre donc sa vie dans une biographie chronologique somme toute classique sur la forme. Son enfance très pauvre, la chance qu'elle a eue soutenue par ses parents dans son éducation et la révélation de sa voix qui a modifié sa destinée. Tout d'abord elle récite le Coran déguisée en garçon pour de riches gens, puis sa renommée s'étend et elle ouvre son chant à la musique profane. L'inconvénient de la bande dessinée est de ne pas avoir le son qui va avec... La mort de l'artiste en 1975 est un deuil pour des millions de personnes. Il y a également un message sur l'émancipation de la femme dans une société patriarcale et sous le poids de la religion.
Le Dernier des étés
Je trouve que ce récit a quelque chose de touchant. C'est l'histoire vue et revue de celui qui, avant de se marier, refait un voyage vers un lieu de son enfance, se repose des questions, imagine si ... Sauf qu'il ne cherche pas une autre femme, qu'il aurait perdue de vue. Il cherche son ami d'enfance, celui qui était là tous les étés lorsqu'il était enfant, avec qui il jouait tout le temps. Le récit est assez simple dans son déroulé, les petites retrouvailles et les moments où le passé ressurgit, les dates clés qui reviennent, les discussions pleines de sens alors que l'âge est plus avancé ... On a les scènes classiques de ce genre de récit mais tout l'ensemble contient aussi une petite note d’ambiguïté sur l'ensemble qui rajoute une couche d'intérêt. Et cet entre-deux qui dure tout au long du récit ne sera pas vraiment résolu à la fin, même si elle est très ouverte, laissant libre cours à plein d’interprétations. Le dessin est sympathique, me rappelant d'ailleurs ce que Gipi peut produire aussi. Il y a d'ailleurs un petit jeu de couleurs et quelques planches en calques (le même procédé que dans Les Voyages d'Ulysse) qui font jolies mais qui ne sont pas franchement indispensables. C'est joli, c'est sûr ! Je suis moins un peu moins enthousiaste que les autres posteurs, surtout parce que le récit est lent et que cette fin reste un peu trop ouverte à mon goût. Pour être franc, je ne sais même pas si elle suggère une bonne chose ou non. J'aurais peut-être aimé qu'il y ait un peu plus de précision, mais en dehors de ça le récit reste bon. C'est juste que je ne pense pas être intéressé par une relecture.
Haytham - Une jeunesse syrienne
Je fais mienne la remarque de carottebio, ce récit reste un travail "honnête et soigné" sans plus je dirais. On ne parle plus beaucoup de la Syrie aujourd'hui probablement à tort tellement la situation du pays reste explosive dans un contexte du MO de plus en plus instable. Bachar est toujours en place et j'ai trouvé intéressant toute la première partie du récit de Nicolas Hénin sur le tout début de la révolution syrienne en 2011. On sent que le journaliste est dans son élément sur un sujet qu'il maitrise parfaitement. Même si je suis toujours dubitatif sur les souvenirs de jeunes enfants, la narration est précise et très crédible pour décrire l'évolution de la situation en interne. J'ai été beaucoup moins séduit par la partie française du récit. J'ai senti le journaliste beaucoup moins à son aise dans ce récit qui mêle intime et social de l'intégration du jeune garçon. On se retrouve avec un suite de séquences foot, école, logement foot copain famille activisme un peu collées côte à côte sans lien narratif bien établi. Je me suis parfois ennuyé à lire cette suites d'anecdotes parfois insignifiantes. De plus j'ai un peu tiqué à certains passages. Comme la famille a obtenu le statut de réfugié ("La France lui a accordé l'asile"p48) il aurait été intéressant d'approfondir ce versant de l'histoire. Or ici l'OFPRA n'est même pas cité. Au contraire on a une présentation ambiguë. D'un côté on trouve des remerciements pour l'action du gouvernement français et de l'autre on a des séquences avec des comportements et des dialogues négatifs (voire racistes) des fonctionnaires français. Cette présentation m'a mis mal à l'aise (attendre 2 heures devant la préfecture ce n'est pas long, la file peut débuter à 4 h du matin!). En effet obtenir le statut de réfugié est un sésame qui facilite et accélère beaucoup les démarches administratives. Je trouve dommage que ce côté soit très superficiel voire tendancieux. Le graphisme N&B assez réaliste de Park ne m'a pas séduit. Je l'ai trouvé assez daté dans sa composition. Il y a un côté manichéen dans la présentation des bons et gentils. J'ai trouvé cela un peu scolaire. Cela reste du travail soigné. Une lecture pour se remémorer des événements tout proches et dont la page n'est pas encore tournée.
Le Manoir Sheridan
Une histoire qui se laisse lire, mais sans plus. On reste dans du classique, avec une intrigue qui ne renouvelle rien, tout en restant lisible. Le pacte avec le diable, les rivalités entre frères, héritiers d’une fortune et d’un grand manoir – forcément éloigné de tout, avec un personnage qui échoue ici par hasard et va se trouver entraîné dans une histoire machiavélique, coincé entre le châtelain perfide et son valet (un géant quasi muet) : la principale surprise vient que ce manoir est au Canada et non dans les Carpates… Quant aux créatures de « l’autre monde », celui des enfers, elles sont, elles-aussi, très classiques. Malgré ces clichés et ce sentiment de déjà-vu, le diptyque se laisse lire (sans doute les happy-end auraient-ils mérité d’être nuancés pour éviter d’en faire trop, mais bon…). Le dessin de Ma Yi est plutôt agréable, surtout pour les visages, malgré des décors un peu trop escamotés à mon goût. La colorisation lisse par contre un peu trop le rendu général. A emprunter à l’occasion, mais je n’y reviendrai pas. Note réelle 2,5/5.
Vivre à en mourir
Des séries sur la résistance il y en a pas mal, et c’est difficile de se démarquer. Et le lecteur blasé doit aussi ne pas se laisser engourdir, il ne faut pas oublier le sacrifice de ceux qui nous ont permis de vivre avec un minimum de libertés La particularité de cet album est de s’intéresser à de vrais résistant, ça n’est pas une histoire inventée. Mais de centrer le récit sur Marcel Rayman, un quasi anonyme – pourtant quasi célèbre ! En effet, il a été arrêté en même temps que Manouchian, et, en tant que Juif d’origine polonaise, a eu « l’honneur » de figurer sur « l’Affiche rouge ». Mais il est resté dans l’ombre historique de Manouchian, et cet album permet de le mettre davantage en avant. Le récit est assez froid – dans tous les sens du terme d’ailleurs. Je trouve qu’on s’attache davantage à la résistance et au courage, voire au sacrifice exigé qu’aux protagonistes eux-mêmes. Mais Galandon rend quand même bien la montée en tension, la pression exercée de plus en plus fortement par la Gestapo et les collaborateurs, l’angoisse d’être suivi, repéré, perdu, qui étreint Rayman. Quant au dessin de Puchol, il accentue sans doute le côté froid évoqué plus haut, mais cette ligne claire presque rétro n’est pas désagréable. Un album plaisant, à compléter avec les nombreux albums publiés récemment autour de Manouchian, à l’occasion de sa « panthéonisation ».