Un recueil inégal, on sent que Backderf tâtonne encore dans ses premières années de publication, que ce soit dans la narration ou le dessin. Mais certaines anecdotes ont réussi à me surprendre et me faire rire. Je connais bien les Etats Unis pour y avoir vécu, y compris en milieu rural, et il faut bien reconnaitre que ces anecdotes prises sur le vif sont sociologiquement très intéressantes :)
Elles sont très hétérogènes, mais c’est cette diversité qui fait la force du recueil. On retrouve cette critique acide de la société américaine, avec des personnages souvent grotesques, exagérés, comme si Backderf amplifiait les travers de ses contemporains pour mieux en exposer la bêtise ou la misère intellectuelle.
Les strips, généralement en quatre cases, offrent des instants fugaces, des scènes de vie capturées à vif, sans forcément chercher à approfondir. Certains passages m’ont fait sourire, d’autres m’ont laissé plus indifférent. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est la façon dont Backderf explore l’absurdité du quotidien avec ce regard à la fois critique et décalé. Derrière chaque portrait, il y a une forme de désenchantement, comme s’il montrait un miroir déformé de l’Amérique.
Le dessin évolue au fil des pages, hésitant parfois, mais on sent déjà les prémices du style qui deviendra si reconnaissable dans ses œuvres suivantes. Ce qui ressort de True Stories, c’est un mélange de cynisme et de désillusion, un regard à la fois amusé et inquiet sur la société. Ce n’est pas son meilleur travail, mais c’est un témoignage intéressant des débuts de Backderf, un aperçu de ce qui allait devenir son style unique.
Fabrizio Dori remet le couvert avec les tribulations du dieu Eustis. Je fais partie du lectorat pas spécialement conquis par son "Dieu vagabond" . Ici encore j'ai beaucoup aimé son graphisme si original et toujours plein de séquences imprévues.
Sa mise en couleur toujours aussi recherchée participe pour beaucoup à la qualité de la narration. Mais j'ai trouvé le scénario assez décevant. Cette double quête du Thiasos pour Eustis et de son père pout l'enfant est un argument assez commun pour construire un scénario fait d'une suite de rencontres assez disparates et inégales en qualité.
L'enfant a une faible présence et le personnage d'Eustis finit par ressembler à un gentil clown à mes yeux. En outre je trouve que Dori nous sert la version cool du Thiasos et de l'ivresse dionysiaque. Dans son conte l'auteur omet le côté sombre du mythe. Par exemple avec la destruction de Thèbes ou le meurtre de Penthée par sa mère Agavé sous l'emprise de l'ivresse. Cette version sombre de la fête dionysiaque me fait penser aux soirée étudiantes très alcoolisées qui ne se finissent pas toujours bien pour certaines JF.
Pour finir je râle encore sur une série de 240 pages qui aurait pu faire des économies avec un scénario qui tourne quelquefois en rond.
Cela reste une lecture agréable avec un beau travail graphique.
Les auteurs montrent la réalité crue de ce que peut potentiellement vivre un immigrant africain qui va essayer de trouver une vie meilleur en Europe.
On peut saluer un ouvrage qui parle d'un sujet important et qui va peut-être ouvrir les yeux à certains lecteurs... Sauf que l'on vit dans un monde de plus en plus polarisé et j'ai l'impression que cela va surtout toucher les lecteurs qui pensent déjà comme les auteurs et que les autres vont juste dire que c'est de la propagande ou ne pas lire l'album du tout.
Le récit est assez intéressant, il y a des bons passages notamment lorsque le héros devient l'apprenti d'un sorcier, mais je n'ai jamais réussi à trouver que c'était exceptionnel. Il faut dire que j'ai déjà lu L'Odyssée d'Hakim qui doit êtres la meilleure série sur la crise migratoire et qui en plus est un documentaire alors tout fait 'plus vrai' que dans une œuvre de fiction où l'accumulation d'ennuis qui s'abattent sur le héros finissent par devenir caricaturaux même si malheureusement tout ce qui lui arrive représente ce que subissent des gens tous les jours.
J'ai un peu de difficulté avec le dessin. Je n'ai pas du tout aimé ses personnages déformés avec des grandes jambes et des grands bras.
"La Ride", pas celle qui apparaît sur nos beaux visages avec le temps qui passe, mais bien celle qui se prononce à l'anglo-saxonne. Bref, on va partir pour une longue balade à vélo.
Deux parisiens, les auteurs de cette BD, tous les deux vivant à Paris, vont nous retracer leur long périple en direction du patelin de naissance d'un de nos cyclistes, en Bourgogne.
J'ai pris un certain plaisir à suivre les déboires, les prises de tête, les rencontres improbables, le goût de l'effort, les courbatures, les fringales et enfin la récompense d'arriver à destination de nos deux chevelus.
Une parenthèse sur le sens des priorités à donner et l'amitié, un développement trop superficiel.
Un road movie sur un rythme soutenu, au ton léger et pas des plus captivant. Il permet néanmoins de profiter d'une France authentique et de ses "beaux" paysages.
Ce qui m'a dérangé c'est le dessin de Florent Pierre, très simpliste. Il ne permet pas de distinguer au premier coup d'œil nos deux protagonistes, deux gaillards aux cheveux longs. On peut les différencier à leur nez ou à la couleur de leur polo. Pas top.
Je dois reconnaître un savoir-faire dans la mise en scène.
Sans plus.
Ça se laisse lire, mais je n'y reviendrai pas.
Je pensais bien plus me régaler avec ce tome. Ce n’est pas mauvais, juste que c’est clairement destiné à un lectorat très jeune.
Le dessin est le principal atout de cette bd : fluide, rond et coloré. Il accompagne bien ce petit monde, accentuant le côté mignon de l’univers. Les quelques doubles pages sont très chouettes avec moult détails.
Par contre, je serai plus critique sur l’aventure, à l’image de nos héros, je l’ai trouvé bien niaise. La BD se lit très vite et il ne s’y passe pas vraiment grand chose. Notre duo quitte l’auberge, font une quête (soporifique au possible) et revienne à l’auberge, fin.
Bah dis donc, bonjour le développement, !! même plus jeune j’aurai pesté. On ajoute à ça une absence de double lecture ou une quelconque profondeur, comme ça l’ennui arrive vite.
Un deuxième tome est annoncé pour 2024. Ça sera sans moi, ça n’a m’a pas émoustillé. Bien faite et réalisée pour les primaires mais passer ce stade, elle vous tombera des mains.
2,5
En fait, ça m’a fait le même effet qu‘avec La Saga d'Atlas et Axis (et je préfère cette dernière).
Je ne suis a priori pas le cœur de cible. Le dessin et la colorisation à l’informatique, et certains aspects un peu manga au niveau des visages ne sont pas mon truc. Mes goûts font donc que mon ressenti est « moyen » (2,5/5). Ça se laisse lire : le dessin est lisible, et c’est dynamique.
Disons que je pense que le public cible est plus adolescent – même si ça passe la barrière de l’âge. Le personnage de Magda, au départ une petite futée utilisant ses pouvoirs de sorcières pour arnaquer quelques crédules, s’assagit rapidement : délinquante recherchée par la police, elle devient une collaboratrice régulière de celle-ci, pour lutter contre les méfaits de certains de ses coreligionnaires.
Car sorciers et humains ordinaires cohabitent – plutôt mal d’ailleurs. Des partis politiques et associations luttent même pour restreindre les droits des sorciers, dans un parallèle facile à faire avec certaines problématiques actuelles (si l’on remplace sorciers par migrants…) : la dirigeante la plus virulente contre les sorciers a d’ailleurs de faux airs de Marine Le Pen.
Bon, pas fan a priori donc mais, après avoir lu l’intégrale, je reconnais que l’univers polar fortement teinté de fantastique de cette série peut trouver son public.
Les amateurs/amoureux de Poe trouveront sans aucun doute leur compte dans cette adaptation.
D’abord parce que la nouvelle est entièrement reprise en fin de volume.
Ensuite parce que la partie proprement BD est fidèle au texte, qu’elle garde la phrasé caractéristique – et parfois un peu lourd et grandiloquent il faut le dire ! – de Poe. C’est en effet très « littéraire », et il faut accepter ce parti pris de Nicolas Guillaume pour apprécier à sa juste valeur son travail.
Il faut aussi être prêt à entrer dans son dessin, très personnel et sans doute déroutant. Mais j’ai vraiment beaucoup aimé ce trait nerveux, torturé. Un Noir et Blanc, avec des cases comme lacérées, raturées (un peu de Guido Buzzelli dans le rendu), des décors et des personnages parfois esquissés. On passe aussi à certains moments sans transition d’un réalisme détaillé à quelque chose de presque abstrait.
Le dessin est en tout cas raccord avec le récit tourmenté : il donne à voir les crises internes, les coups de sang, les angoisses. Un chouette travail graphique.
Je suis d’accord avec les remarques de Canarde. L’album se laisse lire agréablement, mais le style est quelque peu ampoulé parfois, tourne à une hagiographie presque béate. C’est vraiment dommage, parce que le sujet – la personne au centre de cet album – est des plus beaux.
Autre bémol, le dessin. Il est très lisible, mais avec l’absence de gaufrier, et un style au rendu un peu « vieillot », j’ai trouvé qu’il peinait à faire sentir l’ardeur des combats, et la passion qui a toute sa vie habité Gisèle Halimi.
Les albums sur Gisèle Halimi se sont multipliés ces derniers temps. « Gisèle Halimi – Une enfance tunisienne » m’avait vraiment intéressé en me dévoilant le pan le moins connu de cette femme, son enfance, période au combien importante pour sa « construction ». C’est aussi une des périodes les plus intéressantes de cet album.
Gisèle Halimi est une belle personne, qui n’a jamais démérité des idéaux de sa jeunesse, qui a su mener jusqu’au bout des combats importants, en tant qu’avocate, que femme, que militante (les trois coïncidant souvent chez elle) : contre le sexisme et le patriarcat, contre le racisme et le colonialisme, et pour les droits des femmes à disposer de leur corps. Ce dernier combat très médiatique est celui qui occupe la plus grande partie de l’album, avec parfois quelques longueurs dans le développement.
Mais bon, la vie de Gisèle Halimi est passionnante en elle-même, et ses combats révèlent en creux les fractures qui ont traversé – et qui traversent encore – la société française de la seconde moitié du XXème siècle (je regrette juste que le mélange entre parties chronologiques et thématiques durant la guerre d’Algérie gênent un peu la lecture).
Une lecture forcément intéressante – « sujet » oblige – mais dont la tonalité parfois m’a gêné. Sans doute les auteures ont-elles, dans ce travail de commande, eu du mal à prendre un peu de distance dans la narration, je ne sais pas.
Flagrant délit de manterrupting !
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2023. Il a été réalisé par Isabelle Denis & Michel Gaudelette pour le scénario, et par la première pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-trois pages de bande dessinée.
En l’an 48 de l’ère #metoo, dans la résidence autogérée des viragos éco-wokistes, un groupe de quatre petits-enfants viennent rendre visite à leur tata Isa. Ils lui demandent de raconter les derniers jours patriarcat. Elle leur fait observer que c’est une longue histoire : le mâle blanc cis hétéro n’a pas été cancellé en un jour, on partait de loin. C’est qu’ils faisaient une descente d’organes au moindre point médian à l’époque. Alors #metoo, ils n’étaient pas prêts. Il faut se remettre dans le contexte. Elle accepte de raconter, mais il faut commencer par un bon goûter : qui va chercher la boîte de Palmito ? La fabrique de la monstre : Bin sang, mais c’est quoi cette horreur ? Voilà les premiers mots qu’Isa a entendus. Elle était attendue un vingt-et-avril, mais comme elle était bien au chaud, elle n’était pas pressée de sortir. Elle a été délogée le vingt-cinq. Le problème des séjours prolongés dans le liquide amiotique, c’est que ça donne des bébés tout fripés. Fort heureusement, ça ne dure pas : la peau se retend très rapidement. Mais allez savoir pourquoi, c’est le genre de truc anecdotique qui vient se nicher dans l’inconscient. Et bon, fatalement, ça ressort un jour. À partir de là, c’est open bar pour tout ce qui est déni, frustration et multi-traumatismes. Et c’est comme ça qu’on devient le cauchemar number one de toute société patriarcale : la quinquagénaire sans enfants, avec un chat, auteure de BD (facteur aggravant +1). 100% no life. Au XVIIe siècle, c’eût été le bûcher direct.
Assoupie à sa table à dessin, Isa revient à la réalité, alors que son père vient d’entrer dans la pièce. Il lui apporte deux cageots de brugnons qu’ils lui ont ramenés de la campagne. Vu qu’elle ne passe pas les chercher à la maison. Et là, ils s’abiment. Alors faut vite les utiliser pour faire de la compote. Ou de la confiture. Isa objecte que ses pages sont à la bourre et qu’elle n’a pas le temps. Son père perd un peu patience, et lui fait observer qu’elle n’a jamais le temps. Franchement, comment aurait-elle fait si elle avait quatre gosses ? Cette réflexion l’a énervée : typiquement des propos de boomer cis blanc dominant. Et si elle n’avait jamais eu envie d’avoir des enfants ? Ce n’est pas parce qu’on a un utérus qu’on est obligé de s’en servir. Il continue en faisant une remarque sur le fait qu’elle ne passe jamais l’aspirateur sous son canapé. Plus tard, Elle raconte la scène à son amie Claire en prenant un café. Celle-ci estime qu’il est temps qu’elle la présente aux copines. C’est comme ça qu’Isa s’est radicalisée. Claire l’a emmenée dans un club de féministes qui lui ont fait recopier cent fois King Kong théorie. Pour sa première prise de paroles, Isa s’adresse à un troupeau de vaches élevées en batterie. Elles se plaignent qu’elle ne parle pas assez fort.
Le titre annonce un programme clair, et vraisemblablement pétri d’autodérision, en utilisant un terme moqueur, et en l’associant au verbe très fort Radicaliser. Il peut paraître étrange qu’Isa tourne en dérision le féminisme dès le titre, en tant que femme, certes avec un co-auteur. D’un autre côté, il s’agit d’un album publié par l’éditeur Fluide Glacial, et le dessin s’inscrit dans un registre caricatural, dès la couverture. L’artiste se positionne dans l’école dite Gros nez, une caractéristique physique typique de l'école belge enfantine, popularisée par des séries comme Astérix, et Spirou et Fantasio. Dans l’avant-dernière histoire, Elfriede, une amie allemande, demande à Isa pourquoi elle se dessine avec un gros nez. La dessinatrice ne répond pas à cette question, mais elle se représente avec une réelle autodérision : en forcissant sa silhouette d’une manière générale, sa poitrine en particulier, avec un imperméable informe, des yeux souvent ronds et vides pour montrer un état d’ahurissement ou d’abrutissement comme s’il n’y avait rien entre les deux oreilles, ou encore un gros nez rouge à cause d’un gros rhume, une posture avachie en train de procrastiner à fond, et bien sûr se montrer complètement gaga avec son chat Kiki.
Le lecteur peut voir une forme de filiation avec l’artiste Florence Cestac, dans ce parti pris de dessiner un gros nez aux personnages, dans l’expressivité des visages, et le rendu gentil des personnages. Dans le même temps, il perçoit la personnalité graphique d’Isa : un trait de contour moins gras, une exagération comique moins poussée, une narration visuelle plus posée. Elle gère la densité d’informations visuelles en fonction de la séquence, en maintenant un fort pourcentage de représentation des arrière-plans dans les cases. Au cours de cette dizaine de scénettes, le lecteur découvre Isa dans sa maison de retraite, bien calée dans un large fauteuil et il se retrouve avec elle dans une maternité alors qu’elle vient de naître, à sa table à dessin dans son salon, dans une réunion du Collectif de Féminazies Radicalisées Soon Menopaused, dans un long hangar abritant des dizaines de vaches en élevage intensif, les allées d’un supermarché, un bar où se déroule la soirée de bouclage du magazine Fluide Glacial, les bureaux dudit magazine, une version parodique de jeu massivement multijoueur en ligne, la tablée du repas de Noël chez les parents d’Isa, le plateau de tournage d’un version consentante du film Angélique, les plantations de courgette de Poutine, un épisode la série Wonder Woman des années 1970, un petit village balnéaire du sud de la France, un magasin d’outillage pour le bricolage, les calanques en randonnée pédestre, un séminaire de revirilisation dans la campagne, etc.
La narration visuelle est empreinte d’humour visuel : l’œil au beurre noir du mari qui a présenté un autre bébé qu’Isa à son épouse, les vaches qui réclament un autre discours à Isa, la version parodique de World of Warcraft façon vieillotte et sans moyens, Vladimir Poutine en train de récolter ses courgettes, Lynda Carter en Wonder Woman façon Sergio Aragonés, un membre de la rédaction de Fluide Glacial allant chercher des touillettes en rampant, Gaudelette passant la serpillère, un bricoleur au bord des larmes en voyant tout le stock de tubes en PVC de diamètre 160 utilisés pour confectionner des arbres à chat, etc. Le lecteur ressent la dérision présente tout du long de l’album, sans même parler de l’avatar de papier d’Isa, sans enfants, arborant souvent un air ahuri, mémère avec son chat, un peu neuneu, tout en gardant à l’esprit que l’autrice s’autocaricature, mais sans jamais se dépeindre comme hystérique. Bien évidemment elle interagit avec différents hommes. Le lecteur découvre les premiers à la maternité : son père essayant de faire plaisir à sa mère, puis un gros costaud bas du front. Son père très attentionné envers elle, tout en lui demandant comment elle ferait si elle avait quatre gosses.
La remarque banale de son père déclenche en Isa une vive réaction durable : ce n’est pas parce qu’on a un utérus qu’on est obligé de s’en servir. Elle s’en ouvre à une copine qui l‘invite à une réunion de féministes. Il est par la suite question de manspreading et de mansplaining, mais aussi d’élevage d’épouses par la métaphore des vaches en élevage de batterie, de male gaze (ce qui aboutit à une séquence de mom gaze), de condescendance des hommes vis-à-vis des femmes, de consentement, de rôle traditionnel, de charge mentale, d’occupation de lieux masculins (un magasin de bricolage) par des femmes, de politiquement correct (on ne peut plus rien dire), de persécution des mâles blancs dominants… Et même, dans une séquence, des femmes supportent stoïquement du mansplaining pour mieux manipuler leur interlocuteur mâle afin qu’il fasse le nettoyage de printemps de l’appartement de l’une d’elle. À l’instar d’une femme dans la dernière séquence, le lecteur peut lui aussi cocher les entrées de sa liste : tout y est dans les thèmes de la dénonciation du patriarcat.
Dans le même temps, la charge féministe s’avère assez bénigne. L’humour désamorce toute critique, qu’elle soit contre les hommes ou contre les féministes radicalisées, ne serait-ce que parce que Isa n’est pas vraiment opprimée, et parce que les hommes qu’elle côtoie se conduisent en êtres humaines normaux. Voire la mise en scène gentiment caricaturale fait ressortir, par exemple, que l’explication condescendante d’un homme vis-à-vis d’Isa aurait très bien pu être formulée par une femme vis-à-vis d’elle, ou même par une femme vis-à-vis d’un homme. Dans le même temps, cela ne constitue pas non plus une raillerie contre des hommes tous machos ou bêtas. Virginie Despentes, Raphael Enthoven, Pascal Bruckner, Yann Moix, Chantal Montellier ne sont mentionnés que le temps d’une case chacun, pour la moquerie ou la référence culturelle, juste en passant. La promesse du titre peut se lire comme l’idée qu’Isa se fait de son comportement, trouvant qu’elle se rebiffe contre l’ordre établi qu’elle attribue au patriarcat, alors qu’elle ne fait que réagir à des comportements malpolis sans malice, voire qu’elle s’offusque pour pas grand-chose, ce qui correspond assez bien à la formulation de la quatrième de couverture : un combat en pantoufle armée d’un chat roux au creux de l’épaule.
Un titre et une couverture qui captent l’attention du lecteur prêt à plonger dans une féroce critique soit du patriarcat, soit du féminisme radicalisé. Il apprécie tout de suite les rondeurs de la narration visuelle et son sens du détail, ainsi que l’expressivité des personnages. Il se rend compte que l’autrice se positionne sur le terrain de la dérision de la banalité, sans nier les difficultés des femmes dans la société, mais sans les attaquer de front non plus, sans tirer à boulet rouge contre tous les hommes, mais sans chercher à les glorifier non plus. Une vision plutôt attendrie de l’ordinaire banal du quotidien, avec un humour gentil et amusé.
Série plutôt pour adolescents ou pré-ados, j'ai cru que je n'allais pas vraiment l'apprécier. En effet, je trouvais qu'il surfait un peu sur la mode du cosplay en alignant quelques personnages pas mal stéréotypés. Il présente aussi des facilités peu crédibles sur la manière dont des gamins peuvent entraver les manœuvres de pros de la sécurité et du combat. Et surtout, j'ai trouvé que le retournement de situation qui a lieu vers le milieu de l'album était factice, dans le sens où dès lors qu'on le découvre, le comportement précédent des membres de la partie adverse apparait soudain illogique, comme volontairement tourné pour induire le lecteur en erreur au détriment du réalisme.
Mais à côté de ça, le dessin est de bonne qualité, la narration rythmée et prenante, le scénario est dense pour un one-shot et la conclusion de l'histoire est sympathique avec quelques bonnes idées ici et là. Bref, ce n'est pas de la BD de supermarché, il y a une vraie sincérité de la part des auteurs et le résultat est divertissant.
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True Stories
Un recueil inégal, on sent que Backderf tâtonne encore dans ses premières années de publication, que ce soit dans la narration ou le dessin. Mais certaines anecdotes ont réussi à me surprendre et me faire rire. Je connais bien les Etats Unis pour y avoir vécu, y compris en milieu rural, et il faut bien reconnaitre que ces anecdotes prises sur le vif sont sociologiquement très intéressantes :) Elles sont très hétérogènes, mais c’est cette diversité qui fait la force du recueil. On retrouve cette critique acide de la société américaine, avec des personnages souvent grotesques, exagérés, comme si Backderf amplifiait les travers de ses contemporains pour mieux en exposer la bêtise ou la misère intellectuelle. Les strips, généralement en quatre cases, offrent des instants fugaces, des scènes de vie capturées à vif, sans forcément chercher à approfondir. Certains passages m’ont fait sourire, d’autres m’ont laissé plus indifférent. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est la façon dont Backderf explore l’absurdité du quotidien avec ce regard à la fois critique et décalé. Derrière chaque portrait, il y a une forme de désenchantement, comme s’il montrait un miroir déformé de l’Amérique. Le dessin évolue au fil des pages, hésitant parfois, mais on sent déjà les prémices du style qui deviendra si reconnaissable dans ses œuvres suivantes. Ce qui ressort de True Stories, c’est un mélange de cynisme et de désillusion, un regard à la fois amusé et inquiet sur la société. Ce n’est pas son meilleur travail, mais c’est un témoignage intéressant des débuts de Backderf, un aperçu de ce qui allait devenir son style unique.
Le Fils de Pan
Fabrizio Dori remet le couvert avec les tribulations du dieu Eustis. Je fais partie du lectorat pas spécialement conquis par son "Dieu vagabond" . Ici encore j'ai beaucoup aimé son graphisme si original et toujours plein de séquences imprévues. Sa mise en couleur toujours aussi recherchée participe pour beaucoup à la qualité de la narration. Mais j'ai trouvé le scénario assez décevant. Cette double quête du Thiasos pour Eustis et de son père pout l'enfant est un argument assez commun pour construire un scénario fait d'une suite de rencontres assez disparates et inégales en qualité. L'enfant a une faible présence et le personnage d'Eustis finit par ressembler à un gentil clown à mes yeux. En outre je trouve que Dori nous sert la version cool du Thiasos et de l'ivresse dionysiaque. Dans son conte l'auteur omet le côté sombre du mythe. Par exemple avec la destruction de Thèbes ou le meurtre de Penthée par sa mère Agavé sous l'emprise de l'ivresse. Cette version sombre de la fête dionysiaque me fait penser aux soirée étudiantes très alcoolisées qui ne se finissent pas toujours bien pour certaines JF. Pour finir je râle encore sur une série de 240 pages qui aurait pu faire des économies avec un scénario qui tourne quelquefois en rond. Cela reste une lecture agréable avec un beau travail graphique.
Le Ciel dans la tête
Les auteurs montrent la réalité crue de ce que peut potentiellement vivre un immigrant africain qui va essayer de trouver une vie meilleur en Europe. On peut saluer un ouvrage qui parle d'un sujet important et qui va peut-être ouvrir les yeux à certains lecteurs... Sauf que l'on vit dans un monde de plus en plus polarisé et j'ai l'impression que cela va surtout toucher les lecteurs qui pensent déjà comme les auteurs et que les autres vont juste dire que c'est de la propagande ou ne pas lire l'album du tout. Le récit est assez intéressant, il y a des bons passages notamment lorsque le héros devient l'apprenti d'un sorcier, mais je n'ai jamais réussi à trouver que c'était exceptionnel. Il faut dire que j'ai déjà lu L'Odyssée d'Hakim qui doit êtres la meilleure série sur la crise migratoire et qui en plus est un documentaire alors tout fait 'plus vrai' que dans une œuvre de fiction où l'accumulation d'ennuis qui s'abattent sur le héros finissent par devenir caricaturaux même si malheureusement tout ce qui lui arrive représente ce que subissent des gens tous les jours. J'ai un peu de difficulté avec le dessin. Je n'ai pas du tout aimé ses personnages déformés avec des grandes jambes et des grands bras.
La Ride
"La Ride", pas celle qui apparaît sur nos beaux visages avec le temps qui passe, mais bien celle qui se prononce à l'anglo-saxonne. Bref, on va partir pour une longue balade à vélo. Deux parisiens, les auteurs de cette BD, tous les deux vivant à Paris, vont nous retracer leur long périple en direction du patelin de naissance d'un de nos cyclistes, en Bourgogne. J'ai pris un certain plaisir à suivre les déboires, les prises de tête, les rencontres improbables, le goût de l'effort, les courbatures, les fringales et enfin la récompense d'arriver à destination de nos deux chevelus. Une parenthèse sur le sens des priorités à donner et l'amitié, un développement trop superficiel. Un road movie sur un rythme soutenu, au ton léger et pas des plus captivant. Il permet néanmoins de profiter d'une France authentique et de ses "beaux" paysages. Ce qui m'a dérangé c'est le dessin de Florent Pierre, très simpliste. Il ne permet pas de distinguer au premier coup d'œil nos deux protagonistes, deux gaillards aux cheveux longs. On peut les différencier à leur nez ou à la couleur de leur polo. Pas top. Je dois reconnaître un savoir-faire dans la mise en scène. Sans plus. Ça se laisse lire, mais je n'y reviendrai pas.
Puppy knight
Je pensais bien plus me régaler avec ce tome. Ce n’est pas mauvais, juste que c’est clairement destiné à un lectorat très jeune. Le dessin est le principal atout de cette bd : fluide, rond et coloré. Il accompagne bien ce petit monde, accentuant le côté mignon de l’univers. Les quelques doubles pages sont très chouettes avec moult détails. Par contre, je serai plus critique sur l’aventure, à l’image de nos héros, je l’ai trouvé bien niaise. La BD se lit très vite et il ne s’y passe pas vraiment grand chose. Notre duo quitte l’auberge, font une quête (soporifique au possible) et revienne à l’auberge, fin. Bah dis donc, bonjour le développement, !! même plus jeune j’aurai pesté. On ajoute à ça une absence de double lecture ou une quelconque profondeur, comme ça l’ennui arrive vite. Un deuxième tome est annoncé pour 2024. Ça sera sans moi, ça n’a m’a pas émoustillé. Bien faite et réalisée pour les primaires mais passer ce stade, elle vous tombera des mains. 2,5 En fait, ça m’a fait le même effet qu‘avec La Saga d'Atlas et Axis (et je préfère cette dernière).
Magda Ikklepotts
Je ne suis a priori pas le cœur de cible. Le dessin et la colorisation à l’informatique, et certains aspects un peu manga au niveau des visages ne sont pas mon truc. Mes goûts font donc que mon ressenti est « moyen » (2,5/5). Ça se laisse lire : le dessin est lisible, et c’est dynamique. Disons que je pense que le public cible est plus adolescent – même si ça passe la barrière de l’âge. Le personnage de Magda, au départ une petite futée utilisant ses pouvoirs de sorcières pour arnaquer quelques crédules, s’assagit rapidement : délinquante recherchée par la police, elle devient une collaboratrice régulière de celle-ci, pour lutter contre les méfaits de certains de ses coreligionnaires. Car sorciers et humains ordinaires cohabitent – plutôt mal d’ailleurs. Des partis politiques et associations luttent même pour restreindre les droits des sorciers, dans un parallèle facile à faire avec certaines problématiques actuelles (si l’on remplace sorciers par migrants…) : la dirigeante la plus virulente contre les sorciers a d’ailleurs de faux airs de Marine Le Pen. Bon, pas fan a priori donc mais, après avoir lu l’intégrale, je reconnais que l’univers polar fortement teinté de fantastique de cette série peut trouver son public.
La Chute de la Maison Usher
Les amateurs/amoureux de Poe trouveront sans aucun doute leur compte dans cette adaptation. D’abord parce que la nouvelle est entièrement reprise en fin de volume. Ensuite parce que la partie proprement BD est fidèle au texte, qu’elle garde la phrasé caractéristique – et parfois un peu lourd et grandiloquent il faut le dire ! – de Poe. C’est en effet très « littéraire », et il faut accepter ce parti pris de Nicolas Guillaume pour apprécier à sa juste valeur son travail. Il faut aussi être prêt à entrer dans son dessin, très personnel et sans doute déroutant. Mais j’ai vraiment beaucoup aimé ce trait nerveux, torturé. Un Noir et Blanc, avec des cases comme lacérées, raturées (un peu de Guido Buzzelli dans le rendu), des décors et des personnages parfois esquissés. On passe aussi à certains moments sans transition d’un réalisme détaillé à quelque chose de presque abstrait. Le dessin est en tout cas raccord avec le récit tourmenté : il donne à voir les crises internes, les coups de sang, les angoisses. Un chouette travail graphique.
Une Farouche liberté - Gisèle Halimi, la cause des femmes
Je suis d’accord avec les remarques de Canarde. L’album se laisse lire agréablement, mais le style est quelque peu ampoulé parfois, tourne à une hagiographie presque béate. C’est vraiment dommage, parce que le sujet – la personne au centre de cet album – est des plus beaux. Autre bémol, le dessin. Il est très lisible, mais avec l’absence de gaufrier, et un style au rendu un peu « vieillot », j’ai trouvé qu’il peinait à faire sentir l’ardeur des combats, et la passion qui a toute sa vie habité Gisèle Halimi. Les albums sur Gisèle Halimi se sont multipliés ces derniers temps. « Gisèle Halimi – Une enfance tunisienne » m’avait vraiment intéressé en me dévoilant le pan le moins connu de cette femme, son enfance, période au combien importante pour sa « construction ». C’est aussi une des périodes les plus intéressantes de cet album. Gisèle Halimi est une belle personne, qui n’a jamais démérité des idéaux de sa jeunesse, qui a su mener jusqu’au bout des combats importants, en tant qu’avocate, que femme, que militante (les trois coïncidant souvent chez elle) : contre le sexisme et le patriarcat, contre le racisme et le colonialisme, et pour les droits des femmes à disposer de leur corps. Ce dernier combat très médiatique est celui qui occupe la plus grande partie de l’album, avec parfois quelques longueurs dans le développement. Mais bon, la vie de Gisèle Halimi est passionnante en elle-même, et ses combats révèlent en creux les fractures qui ont traversé – et qui traversent encore – la société française de la seconde moitié du XXème siècle (je regrette juste que le mélange entre parties chronologiques et thématiques durant la guerre d’Algérie gênent un peu la lecture). Une lecture forcément intéressante – « sujet » oblige – mais dont la tonalité parfois m’a gêné. Sans doute les auteures ont-elles, dans ce travail de commande, eu du mal à prendre un peu de distance dans la narration, je ne sais pas.
Comment je me suis radicalisée en féminazie
Flagrant délit de manterrupting ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2023. Il a été réalisé par Isabelle Denis & Michel Gaudelette pour le scénario, et par la première pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-trois pages de bande dessinée. En l’an 48 de l’ère #metoo, dans la résidence autogérée des viragos éco-wokistes, un groupe de quatre petits-enfants viennent rendre visite à leur tata Isa. Ils lui demandent de raconter les derniers jours patriarcat. Elle leur fait observer que c’est une longue histoire : le mâle blanc cis hétéro n’a pas été cancellé en un jour, on partait de loin. C’est qu’ils faisaient une descente d’organes au moindre point médian à l’époque. Alors #metoo, ils n’étaient pas prêts. Il faut se remettre dans le contexte. Elle accepte de raconter, mais il faut commencer par un bon goûter : qui va chercher la boîte de Palmito ? La fabrique de la monstre : Bin sang, mais c’est quoi cette horreur ? Voilà les premiers mots qu’Isa a entendus. Elle était attendue un vingt-et-avril, mais comme elle était bien au chaud, elle n’était pas pressée de sortir. Elle a été délogée le vingt-cinq. Le problème des séjours prolongés dans le liquide amiotique, c’est que ça donne des bébés tout fripés. Fort heureusement, ça ne dure pas : la peau se retend très rapidement. Mais allez savoir pourquoi, c’est le genre de truc anecdotique qui vient se nicher dans l’inconscient. Et bon, fatalement, ça ressort un jour. À partir de là, c’est open bar pour tout ce qui est déni, frustration et multi-traumatismes. Et c’est comme ça qu’on devient le cauchemar number one de toute société patriarcale : la quinquagénaire sans enfants, avec un chat, auteure de BD (facteur aggravant +1). 100% no life. Au XVIIe siècle, c’eût été le bûcher direct. Assoupie à sa table à dessin, Isa revient à la réalité, alors que son père vient d’entrer dans la pièce. Il lui apporte deux cageots de brugnons qu’ils lui ont ramenés de la campagne. Vu qu’elle ne passe pas les chercher à la maison. Et là, ils s’abiment. Alors faut vite les utiliser pour faire de la compote. Ou de la confiture. Isa objecte que ses pages sont à la bourre et qu’elle n’a pas le temps. Son père perd un peu patience, et lui fait observer qu’elle n’a jamais le temps. Franchement, comment aurait-elle fait si elle avait quatre gosses ? Cette réflexion l’a énervée : typiquement des propos de boomer cis blanc dominant. Et si elle n’avait jamais eu envie d’avoir des enfants ? Ce n’est pas parce qu’on a un utérus qu’on est obligé de s’en servir. Il continue en faisant une remarque sur le fait qu’elle ne passe jamais l’aspirateur sous son canapé. Plus tard, Elle raconte la scène à son amie Claire en prenant un café. Celle-ci estime qu’il est temps qu’elle la présente aux copines. C’est comme ça qu’Isa s’est radicalisée. Claire l’a emmenée dans un club de féministes qui lui ont fait recopier cent fois King Kong théorie. Pour sa première prise de paroles, Isa s’adresse à un troupeau de vaches élevées en batterie. Elles se plaignent qu’elle ne parle pas assez fort. Le titre annonce un programme clair, et vraisemblablement pétri d’autodérision, en utilisant un terme moqueur, et en l’associant au verbe très fort Radicaliser. Il peut paraître étrange qu’Isa tourne en dérision le féminisme dès le titre, en tant que femme, certes avec un co-auteur. D’un autre côté, il s’agit d’un album publié par l’éditeur Fluide Glacial, et le dessin s’inscrit dans un registre caricatural, dès la couverture. L’artiste se positionne dans l’école dite Gros nez, une caractéristique physique typique de l'école belge enfantine, popularisée par des séries comme Astérix, et Spirou et Fantasio. Dans l’avant-dernière histoire, Elfriede, une amie allemande, demande à Isa pourquoi elle se dessine avec un gros nez. La dessinatrice ne répond pas à cette question, mais elle se représente avec une réelle autodérision : en forcissant sa silhouette d’une manière générale, sa poitrine en particulier, avec un imperméable informe, des yeux souvent ronds et vides pour montrer un état d’ahurissement ou d’abrutissement comme s’il n’y avait rien entre les deux oreilles, ou encore un gros nez rouge à cause d’un gros rhume, une posture avachie en train de procrastiner à fond, et bien sûr se montrer complètement gaga avec son chat Kiki. Le lecteur peut voir une forme de filiation avec l’artiste Florence Cestac, dans ce parti pris de dessiner un gros nez aux personnages, dans l’expressivité des visages, et le rendu gentil des personnages. Dans le même temps, il perçoit la personnalité graphique d’Isa : un trait de contour moins gras, une exagération comique moins poussée, une narration visuelle plus posée. Elle gère la densité d’informations visuelles en fonction de la séquence, en maintenant un fort pourcentage de représentation des arrière-plans dans les cases. Au cours de cette dizaine de scénettes, le lecteur découvre Isa dans sa maison de retraite, bien calée dans un large fauteuil et il se retrouve avec elle dans une maternité alors qu’elle vient de naître, à sa table à dessin dans son salon, dans une réunion du Collectif de Féminazies Radicalisées Soon Menopaused, dans un long hangar abritant des dizaines de vaches en élevage intensif, les allées d’un supermarché, un bar où se déroule la soirée de bouclage du magazine Fluide Glacial, les bureaux dudit magazine, une version parodique de jeu massivement multijoueur en ligne, la tablée du repas de Noël chez les parents d’Isa, le plateau de tournage d’un version consentante du film Angélique, les plantations de courgette de Poutine, un épisode la série Wonder Woman des années 1970, un petit village balnéaire du sud de la France, un magasin d’outillage pour le bricolage, les calanques en randonnée pédestre, un séminaire de revirilisation dans la campagne, etc. La narration visuelle est empreinte d’humour visuel : l’œil au beurre noir du mari qui a présenté un autre bébé qu’Isa à son épouse, les vaches qui réclament un autre discours à Isa, la version parodique de World of Warcraft façon vieillotte et sans moyens, Vladimir Poutine en train de récolter ses courgettes, Lynda Carter en Wonder Woman façon Sergio Aragonés, un membre de la rédaction de Fluide Glacial allant chercher des touillettes en rampant, Gaudelette passant la serpillère, un bricoleur au bord des larmes en voyant tout le stock de tubes en PVC de diamètre 160 utilisés pour confectionner des arbres à chat, etc. Le lecteur ressent la dérision présente tout du long de l’album, sans même parler de l’avatar de papier d’Isa, sans enfants, arborant souvent un air ahuri, mémère avec son chat, un peu neuneu, tout en gardant à l’esprit que l’autrice s’autocaricature, mais sans jamais se dépeindre comme hystérique. Bien évidemment elle interagit avec différents hommes. Le lecteur découvre les premiers à la maternité : son père essayant de faire plaisir à sa mère, puis un gros costaud bas du front. Son père très attentionné envers elle, tout en lui demandant comment elle ferait si elle avait quatre gosses. La remarque banale de son père déclenche en Isa une vive réaction durable : ce n’est pas parce qu’on a un utérus qu’on est obligé de s’en servir. Elle s’en ouvre à une copine qui l‘invite à une réunion de féministes. Il est par la suite question de manspreading et de mansplaining, mais aussi d’élevage d’épouses par la métaphore des vaches en élevage de batterie, de male gaze (ce qui aboutit à une séquence de mom gaze), de condescendance des hommes vis-à-vis des femmes, de consentement, de rôle traditionnel, de charge mentale, d’occupation de lieux masculins (un magasin de bricolage) par des femmes, de politiquement correct (on ne peut plus rien dire), de persécution des mâles blancs dominants… Et même, dans une séquence, des femmes supportent stoïquement du mansplaining pour mieux manipuler leur interlocuteur mâle afin qu’il fasse le nettoyage de printemps de l’appartement de l’une d’elle. À l’instar d’une femme dans la dernière séquence, le lecteur peut lui aussi cocher les entrées de sa liste : tout y est dans les thèmes de la dénonciation du patriarcat. Dans le même temps, la charge féministe s’avère assez bénigne. L’humour désamorce toute critique, qu’elle soit contre les hommes ou contre les féministes radicalisées, ne serait-ce que parce que Isa n’est pas vraiment opprimée, et parce que les hommes qu’elle côtoie se conduisent en êtres humaines normaux. Voire la mise en scène gentiment caricaturale fait ressortir, par exemple, que l’explication condescendante d’un homme vis-à-vis d’Isa aurait très bien pu être formulée par une femme vis-à-vis d’elle, ou même par une femme vis-à-vis d’un homme. Dans le même temps, cela ne constitue pas non plus une raillerie contre des hommes tous machos ou bêtas. Virginie Despentes, Raphael Enthoven, Pascal Bruckner, Yann Moix, Chantal Montellier ne sont mentionnés que le temps d’une case chacun, pour la moquerie ou la référence culturelle, juste en passant. La promesse du titre peut se lire comme l’idée qu’Isa se fait de son comportement, trouvant qu’elle se rebiffe contre l’ordre établi qu’elle attribue au patriarcat, alors qu’elle ne fait que réagir à des comportements malpolis sans malice, voire qu’elle s’offusque pour pas grand-chose, ce qui correspond assez bien à la formulation de la quatrième de couverture : un combat en pantoufle armée d’un chat roux au creux de l’épaule. Un titre et une couverture qui captent l’attention du lecteur prêt à plonger dans une féroce critique soit du patriarcat, soit du féminisme radicalisé. Il apprécie tout de suite les rondeurs de la narration visuelle et son sens du détail, ainsi que l’expressivité des personnages. Il se rend compte que l’autrice se positionne sur le terrain de la dérision de la banalité, sans nier les difficultés des femmes dans la société, mais sans les attaquer de front non plus, sans tirer à boulet rouge contre tous les hommes, mais sans chercher à les glorifier non plus. Une vision plutôt attendrie de l’ordinaire banal du quotidien, avec un humour gentil et amusé.
Cosplay
Série plutôt pour adolescents ou pré-ados, j'ai cru que je n'allais pas vraiment l'apprécier. En effet, je trouvais qu'il surfait un peu sur la mode du cosplay en alignant quelques personnages pas mal stéréotypés. Il présente aussi des facilités peu crédibles sur la manière dont des gamins peuvent entraver les manœuvres de pros de la sécurité et du combat. Et surtout, j'ai trouvé que le retournement de situation qui a lieu vers le milieu de l'album était factice, dans le sens où dès lors qu'on le découvre, le comportement précédent des membres de la partie adverse apparait soudain illogique, comme volontairement tourné pour induire le lecteur en erreur au détriment du réalisme. Mais à côté de ça, le dessin est de bonne qualité, la narration rythmée et prenante, le scénario est dense pour un one-shot et la conclusion de l'histoire est sympathique avec quelques bonnes idées ici et là. Bref, ce n'est pas de la BD de supermarché, il y a une vraie sincérité de la part des auteurs et le résultat est divertissant.