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Couverture de la série Rojava
Rojava

Il faut saluer cette sympathique mise en images du combat des femmes du Kurdistan : il n'y a pas que des barbus au Moyen-Orient. La rentrée littéraire c'est aussi des albums BD : voici Rojava avec Aurélien Ducoudray au scénario et Sébastien Morice au dessin. Sa formation d'architecte permet à S. Morice de se montrer très réaliste dans les scènes de guérilla urbaine au cœur des ruines syriennes et A. Ducoudray a réalisé de son côté un gros travail de documentation pour décrire cet épisode de la guerre civile syrienne. Un second épisode est programmé : on a déjà hâte ! L'héroïne, Rojava, est une très jeune femme kurde (16 ans !) qui s'engage comme sniper (snipeuse ?) dans les YPJ, la déclinaison féminine (depuis 2013) des YPG (Yekîneyên Parastina Gel : Unités de Protection du Peuple), la branche armée de la lutte pour l'indépendance du Kurdistan au Moyen-Orient. La nouveauté peut-être, c'est que les dirigeants des unités YPJ sont des dirigeantes, leurs chefs sont des cheffes, et ça c'est un peu nouveau dans l'histoire du combat au féminin. Leur cri de ralliement : « La vie ! La femme ! La liberté ! » L'ironie de la chose (si ironie il y a ici), c'est qu'elles sont devenues les bêtes noires de Daesh : aux yeux des barbus intégristes, se faire tuer par une femme est déshonorant et ferme la porte du paradis ... Rojava c'est aussi le nom de la région du nord de la Syrie, c'est donc la partie sud-ouest du Kurdistan. Lorsque la snipeuse Rojava débarque dans l'album, elle tient le rôle principal dans un reportage Youtube filmé par des journalistes occidentaux, ce qui ne plait pas forcément à la commandante de la section, Rukan. Pour la petite histoire, A. Ducoudray a eu cette idée en lisant (chez son dentiste !) un reportage-photo de Paris-Match sur des combattantes kurdes vêtues de propre, maquillées, baskets neuves aux pieds, comme à la fashion-week : sans doute un peu d'habile propagande de la part du PKK ! Au premier abord, on pourrait croire à une BD pour ados, mièvre et éducative : l'héroïne est moitié snipeuse moitié youtubeuse et il y a même dans l'équipe une gamine qui collectionne les photos de martyrs !? De plus, A. Ducoudray parsème son récit de blagues anti-Daesh histoire de détendre un peu une atmosphère de guérilla pour le moins tendue. Mais ce n'est qu'une amusante façade, et le propos, très documenté, va s'avérer bien plus sérieux que cela. « [...] Après mon premier affrontement, j'ai décidé de ne plus avoir mes règles ... À partir de là, j'étais dans un monde où il n'y avait plus que la mort, donc continuer chaque mois d'avoir un rappel que je pouvais donner la vie, ça ne coïncidait pas avec ce que je vivais ... » Ou bien encore : « [...] - Tiens, mets ce caillou dans ton slip. Chaque fois que tu seras couchée pour tirer, ça te griffera le ventre et tu t'endormiras pas ... Le confort c'est l'ennemi du sniper. » Pour cette dernière anecdote, A. Ducoudray s'est sans doute inspiré du livre de Azad Cudi, célèbre sniper kurde iranien ("Sniper - Ma guerre contre Daech" éditions Nouveau Monde). On sait que les guerres changent les pays et les frontières, mais aussi les habitants et les mœurs. Les américains l'ont découvert à la fin de la Seconde Guerre Mondiale quand les noirs sont revenus au pays après avoir servi dans les armes et été acclamés en libérateurs en Europe, ... tout comme les blancs, ou bien encore quand les GI sont rentrés chez eux et ont retrouvé des femmes qui avaient pris les affaires en main ... en leur absence. Les femmes des brigades YPJ espèrent qu'il en sera de même au Kurdistan, si du moins ces guerres prennent fin un jour. « [...] Contre Daesh, on est tous égaux, mais après ? Ils me respectent parce que j'ai un fusil et un uniforme. Change le costume, le respect part avec. Notre plus grand combat après Daesh, sera celui d'une société mixte vraiment égalitaire. » Les dessins de S. Morice sont ceux d'une belle ligne claire et laissent toute la place à l'intrigue et aux personnages, dessinés et typés avec soin. On a déjà évoqué son passé d'architecte et la colorisation comme les éclairages font ressortir les différentes ambiances : le bleu pour la nuit sur la terrasse, le rouge au fond des tunnels creusés sous la ville, les ocres du désert, ...

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Under Earth
Under Earth

Le récit ne révolutionne sans doute rien, et je peux lui reprocher d’être parfois un peu trop « léger », de manquer d’une certaine densité (malgré une pagination très importante). Certains passages m’ont aussi paru un chouia obscurs, et la conclusion, un peu ouverte, n’est, elle aussi pas assez claire. Mais, malgré ces remarques, c’est une lecture que j’ai trouvé sympathique, agréable. D’abord, les plus de 500 pages se dévorent rapidement. Il y a peu de texte, de cases. On est d’emblée plongé dans cet univers carcéral horrible, cette immense prison en grande partie souterraine, où des détenus – pour de longues peines, voire des peines infinies – vivent et travaillent quasiment en vase clos, survivent plutôt. Au milieu de cette masse de réprouvés, l’auteur nous propose de suivre quelques personnages, qui cherchent à s’en sortir, voire à sortir de ce mouroir implacable, où on fouille les bas-fonds pour en retrouver des objets, des restes de la société « ordinaire », artefacts vendus plus ou moins cher, seuls les plus riches, les plus forts pouvant agrémenter leur séjour d’un petit confort. Le jeu sur les couleurs est intéressant. Il y en a peu, c’est tranché, du Noir et Blanc avec nuances de gris, un peu de bichromies. Là aussi c’est simple et volontairement pauvre. L’univers créé par Chris Gooch est oppressant, franchement noir. Et prenant. On s’attache aussi aux personnages qui se débattent pour s’échapper, en lisant des livres pour l’un d’entre eux, ou physiquement pour d’autres. Comme à leur habitude, les éditions Huber nous proposent un auteur indé intéressant et original, avec un beau travail éditorial. Note réelle 3,5/5.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Vertigéo
Vertigéo

J’avais découvert – plutôt avec plaisir – Amaury Bündgen, comme auteur complet sur Le Rite et Ion Mud. En plus d’univers très différents, j’avais beaucoup aimé le dessin. Et déjà sur Ion Mud Bündgen s’en donnait à cœur-joie avec les immensités intérieures et vides. Et on retrouve ici son très beau dessin, une belle utilisation du Noir et Blanc. Les décors et les personnages sont vraiment chouettes. C’est clairement le point fort du cet album, et ce dessin entretient bien le relatif mystère angoissant qui prédomine. Mais, si l’histoire se laisse lire plutôt agréablement, il lui manque un peu de tension. Et surtout, lorsque éclate la bulle mystérieuse, sur la fin, j’ai été déçu. C’est un peu trop abrupt, trop vite expédié. D’autre part l’explication finale est trop facile et caricaturale, au point au dernier moment de faire perdre une bonne partie de la critique induite par le récit, dans lequel les simples ouvriers sont sacrifiés à la réussite d’une construction obscure, obéissant à des ordres impitoyables et quasi absurdes au profit de nantis se donnant bonne conscience. Le scénario de Chéry aurait pu peaufiner les nuances et la fin, pour mieux exploiter l’univers créé, et bien mis en images par Bündgen.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Petits Génies - Little Agatha Christie
Les Petits Génies - Little Agatha Christie

Une lecture plaisante. Probablement à réserver à un jeune lectorat, mais Aurel a réussi quelque chose d’intéressant. Il nous présente une très jeune Agatha Christie, vive, espiègle, qui donne libre cours à son imagination, et ne s’en laisse jamais conter. Pour ajouter au dynamisme de la gamine, et captiver davantage les jeunes lecteurs, de petites énigmes s’invitent régulièrement dans les histoires courtes (solutions en fin de volume). Album sympathique pour les futurs lecteurs de la reine du polar british !

06/09/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série Lord of the fans
Lord of the fans

Ce monde est scindé en deux royaumes : celui des humains et de leurs héros, et celui des démons, ennemis par essence sans véritable autre raison que leur opposition naturelle. À la tête des démons se trouve un jeune roi surpuissant, doté d’un mana quasi illimité lui permettant de réaliser toutes les magies qu'il désire. Pourtant, malgré cette toute-puissance, il s'ennuie ferme dans son rôle. Fasciné par une héroïne encore adolescente mais animée d’un sens du devoir inébranlable, il en tombe presque amoureux. Il passe son temps à l'observer à distance grâce à sa vision magique, l'encourageant en secret et cherchant à la motiver pour qu'elle revienne l'affronter. Le dessin est maîtrisé et agréable, même s'il reste très classique pour le genre. On est clairement plus proche du registre shonen que du seinen. Côté scénario, le point de départ surprend et intrigue, mais laisse d’abord perplexe : la narration s'avère très aérée et les premiers chapitres paraissent assez creux. Le ton penche parfois vers le nunuche, entre la passion exagérée du roi démon pour sa jeune héroïne et l'attitude de celle-ci, romantique et un brin immature malgré son statut de guerrière. L’intrigue, au final, reste simple mais tient la route. Elle occupe bien ses cinq tomes quoiqu'il n'en aurait pas fallu davantage car le concept n’aurait guère permis davantage de développements. Au fil de la lecture, on finit tout de même par s’attacher à ce roi démon fleur bleue, à son assistante rigide et mystérieuse, ainsi qu'à cette héroïne au cœur pur, naïve mais touchante. Le rythme est bon, l’histoire se lit sans ennui malgré quelques répétitions, et la conclusion se révèle étonnamment réussie : elle trouve une idée convaincante et un peu inattendue, et offre une grande scène finale à la fois drôle et efficace. En bref, ce n’est pas un grand manga, mais une série courte, plaisante et divertissante.

03/01/2025 (MAJ le 06/09/2025) (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série Le Goût du sang
Le Goût du sang

Un ex-mafieux minable et fraîchement sorti de prison se retrouve par hasard dans une ferme où la fermière vient de poignarder son mari. Il l'aide à faire disparaître le corps, avant de découvrir que la victime était en réalité le comptable de son ancienne mafia. Très vite, ses anciens comparses, persuadés qu'il a réglé un vieux compte, se lancent à ses trousses… Le ton oscille entre polar et comédie noire. Aldo, mafieux un peu balourd mais attachant, Lou, fermière imprévisible au couteau facile, un jeune policier bienveillant mais pas très futé et une galerie de mafieux obstinés composent un casting volontairement caricatural. L'intrigue repose davantage sur les quiproquos, les excès et les situations absurdes que sur la vraisemblance. On est presque dans le vaudeville criminel, où l'on enchaîne les cadavres et les malentendus sans jamais trop se soucier du réalisme. Le dessin, relâché et orienté humour, reste basique mais lisible. Il manque parfois de rigueur dans les enchaînements de cases, mais l’ensemble garde une fluidité agréable, renforcée par une mise en page aérée. Rien de spectaculaire, mais cela soutient bien le rythme et les dialogues. C'est une lecture légère, plaisante et sans prétention. Une histoire improbable mais amusante, qui arrache plus de sourires que de rires, et qui s'avère un peu anecdotique mais sympathique.

06/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Yeux doux
Les Yeux doux

Une lecture plutôt agréable, et un album que je me serais bien vu mieux noter. Certains détails m’ont toutefois un chouia laissé sur ma faim. Le récit est intéressant, la narration est assez vive, et on s’attache aux personnages. Au travers des citation introduisant les chapitres, mais aussi des dialogues et de l’intrigue elle-même, Corbeyran ne fait pas mystère de ses intentions de dénoncer certaines tares de nos sociétés actuelles. En effet, le productivisme déshumanisant des ouvriers interchangeables, la surconsommation d’objets standardisés, la surveillance omniprésente via des caméras sont ici présentés de façon presque ubuesque tant c’est outrancier. L’ultralibéralisme actuel est à l’évidence singé par Corbeyran. Et, au milieu de cette société froide et dystopique, quelques inévitables grains de sable pour gripper la machine, vont dynamiser l’intrigue. C’est donc dynamique, parfois amusant, en particulier ce qui tourne autour d’Anatole, le meilleur « surveillant », qui tombe amoureux d’une voleuse à la tire, et qui va se retrouver au milieu de tous ceux qui luttent contre ce système implacable et mortifère. Même si la plupart des femmes ont tendance à trop se ressembler, j’ai bien aimé le dessin. Il est surprenant dans son rendu (idem pour la colorisation), mais j’ai trouvé sympa ce côté un peu rétro, un peu loufoque et ressemblant à certains vieux dessins animés. Par contre, j’ai trouvé décevante la fin, trop facile et sucrée, trop rapide. La violence physique reste trop symbolique, la violence sociale un peu trop « lointaine », et surtout le château de cartes tombe trop aisément. Mais cela reste néanmoins une lecture agréable.

06/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Dolorès (Loth)
Dolorès (Loth)

C’est un énième album traitant de la guerre d’Espagne et de ses conséquences, mais qui le fait de façon intéressante, avec un flash-back plutôt bien amené : une femme découvre par hasard que sa vieille mère, commence à perdre la tête, en tout cas à parler espagnol dans la maison de retraite où elle se trouve, ce qui la surprend, puisqu’elle ne l’a jamais fait et ne lui a jamais parlé de l’Espagne. C’est l’occasion de mener une enquête pour comprendre cela, et donc de retourner en Espagne, là où s’est déroulée la « Retirada » à la fin de la guerre d’Espagne, lorsque les familles de Républicains fuyaient désespérément la répression franquiste. Sur un sujet déjà pas mal traité donc, et relativement sensible, Bruno Loth parvient à tenir un récit au ton équilibré, presque dépassionné (le moment où la gamine se retrouve seule en mer alors que sa mère se noie est prenant, mais vite évacué. Surtout, Loth inscrit son récit dans l’actualité contemporaine de l’Espagne, alors que de grosses manifestations se déroulent, et que les élections portent au pouvoir des élus du mouvement contestataire Podemos, contre la corruption et la mainmise des partis traditionnels (Parti populaire en tête). Sans y toucher, Loth relève certains points communs entre les luttes contemporaines et celles qui étaient menées par les Républicains. Le récit est en tout cas agréable à lire.

06/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Enfermé - Mathurin Reto, pupille à Belle-Ile
Enfermé - Mathurin Reto, pupille à Belle-Ile

J'avais beaucoup aimé Les Innocents coupables qui travaillait sur la même thématique de l'univers pénitentiaire pour enfants/adolescents, il y a plus d'un siècle. Autour de documents d'archives, Julien Hillion construit une fiction sur le personnage de Mathurin Réto envoyé à 14 ans dans le "bagne pour enfants" de Belle-Île. Je suis resté un peu sur ma faim à cause d'un déroulé du récit trop rapide à mes yeux. En voulant dramatiser à l'excès son récit l'auteur fait de son héros un personnage auquel j'ai eu du mal à m'attacher. De plus la construction du récit m'a donné l'impression que les brutalités se concentraient uniquement sur Mathurin et son ami Ernest. J'aurais aimé une vision plus large de la vie de la prison. Le personnage du gardien narrateur aurait eu plus de poids si dans le récit on avait noté un vrai lien entre les personnages. Même si le graphisme de René Coquin n'est pas mon style préféré, son trait pointu avec des visages taillés à la serpe correspond bien à la dureté de l'ambiance. Le final, historiquement avéré, arrive un peu abruptement à mon goût car tout le début du récit donne l'impression d'un Mathurin indestructible. Une lecture plaisante mais un peu superficielle sur certain points à mes yeux.

06/09/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Bury the Lede
Bury the Lede

J'ai pris plaisir à scier les os. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui peut aussi être considéré comme le pilote d'une série, si tant est qu'elle rencontre du succès. Il est paru d'un seul tenant en 2019, sans prépublication, écrit par Gaby Dunn, dessiné et encré par Claire Roe, avec une mise en couleurs réalisée par Miquel Muerto. Il se termine avec 6 pages d'études graphiques sur les personnages. La nuit, le portable sonne et réveille monsieur Pierce. À l'autre bout du fil, Lexington Ford une journaliste du Boston Lede : elle demande si son interlocuteur connaît Thomas Pierce junior, en expliquant qu'il a été impliqué dans une tuerie de masse. L'homme est interloqué et répond qu'il ne voit pas qui aurait voulu tuer Tom. Lexington Ford raccroche et rend compte au rédacteur en chef Terry Flaherty. À côté d'elle la stagiaire de fin d'études Madison Jackson écoute car elle n'a pas réussi à obtenir autant de décrochés que Ford. Flaherty s'adresse à Jackson pour lui demander un article sur le fait que la maire Caroline Yang n'a pas tenu sa promesse sur la lutte contre le crime. Après avoir fini son article, elle a le droit d'emprunter une voiture de service. Elle capte un appel de police pour un possible meurtre. Elle se rend sur place, mais Janie Lu du Boston Trombone est déjà sur place. Jackson aperçoit le policier Dominick O'Shane qu'elle connaît et l'interpelle pour savoir ce qui s'est passé. Le policier passe son téléphone à Madison Jackson et elle lit les textos. Elle comprend que Edgar Ballantyne a été assassiné à son domicile. Elle appelle incontinent son journal, mais le rédacteur en chef lui indique que l'information est déjà disponible sur le site internet du Boston trombone. Elle voit deux policiers emmener Dahlia Kennedy (l'épouse de Ballantyne), menottes aux poignets, sa robe maculée de sang. Le lendemain matin au petit déjeuner, elle écoute les informations télévisées et elle consulte son fil d'informations : Dahlia Kennedy n'a fait aucune déclaration. Son frère David Jackson lui demande s'ils sont vraiment obligés d'écouter ça. Il lui fait remarquer que sa synthèse sur la maire ne l'a pas aidé, car il fait partie de son équipe, et en plus il a encore un peu pal aux cheveux de la séance de dégustation de champagne de la veille au soir. Stefanie, sa fiancée, lui rappelle que cette dégustation était indispensable. Madison Jackson et Lexington Ford se rendent au commissariat dans la matinée, et elles croisent Janie Lu qui en sort déjà. Ford aperçoit la baby-sitter d'Henri Ballantyne-Kennedy assise sur les marches et suggère à Madison d'aller lui parler. Dahlia Kennedy a refusé de parler à Janie Lu, puis à Lexington Ford. Contre toute attente, elle accepte de parler à Madison Jackson. Cette dernière engage la conversation en déclarant qu'elle a l'intime conviction que Dahlia Kennedy n'a pas tué son mari. Cette dernière lui répond en évoquant le plaisir qu'elle a pris à scier les os du cadavre de son fils pour le faire disparaître. La couverture vante le fait que la scénariste fait partie de la liste du New York Times recensant les auteurs les plus vendeurs, mais sa notoriété n'a pas encore traversé l'Atlantique. Sur la base de la quatrième de couverture, le lecteur sait qu'il peut s'attendre à une enquête menée par une stagiaire en école de journalisme. La scénariste raconte son histoire de manière naturaliste. Il n'y a que les entretiens entre Madison Jackson et Dahlia Kennedy qui relève d'un procédé nécessitant un surcroit de suspension d'incrédulité consentie. Pour le reste, elle décrit un travail de journaliste pas forcément très palpitant qui consiste à interroger des personnes, effectuer des recherches majoritairement sur internet et passer des coups de fil. L'enquête progresse régulièrement pour que le récit dispose d'un rythme régulier, avec des surprises qui sont amenées naturellement, pendant les discussions ou les recherches. Il n'y a pas d'éclair de génie venant soudainement apporter une compréhension totale, ou d'informateur sortant de nulle part qui vient contacter la stagiaire parce qu'il faut que l'intrigue progresse. Les personnages disposent de suffisamment d'épaisseur pour exister : l'éditeur en chef rigoureux et ne faisant pas de sentiment, Lexington Ford voyant progresser la stagiaire empiétant sur ses propres articles, le jeune policier utilisant la stagiaire pour faire progresser l'enquête par d'autres moyens, le frère de Madison Jackson, qui l'héberge et s'occupe de sa propre carrière, Harold Genero la journaliste chevronnée, etc. Claire Roe a opté pour une narration graphique descriptive dans un registre naturaliste, avec un degré de simplification dans les formes, en phase avec la nature du récit. Elle campe des personnages réalistes, sans exagération morphologique, avec un jeu d'acteur naturaliste. Le lecteur peut voir les différences d'âge en regardant les personnages : Madison Jackson jeune adulte, Lexington Ford plus âgée (autour de 30 ans), Harold Genero ayant passé la cinquantaine, de même pour Terry Flaherty. Chaque personnage dispose de traits de visage différenciés, d'une garde-robe spécifique. Il note que de temps à autre les contours perdent un peu de leur assurance, dans le détourage d'une silhouette ou dans la représentation d'un visage, sans que cela ne le fasse sortir du récit. De même, parfois, une expression de visage peut sembler un peu exagérée ou décalée par rapport à la situation, là encore sans que cela ne provoque une impression de caricature. Assez rapidement, le lecteur éprouve l'impression que le coloriste est fortement influencé par le travail d'Elizabeth Breitweiser sur les séries d'Ed Brubaker dessinées par Sean Phillips, par exemple Kill or be killed. Il procède par aplats de couleurs pour chaque forme détourée ajoutant par-dessus une forme irrégulière d'une teinte plus foncée pour rendre compte des ombres, sans oser aller jusqu'à glisser dans un registre pour impressionniste comme le fait Breitweiser. Visiblement, Claire Roe estime que la représentation des environnements est importante car elle y consacre assez de temps pour qu'ils soient consistants et régulièrement représentés. Le lecteur peut ainsi observer la façade de l'immeuble où habite monsieur Pierce, l'aménagement de la salle de rédaction et les meubles utilisés, la pièce principale de l'appartement de Stefanie & David, la chambre de l'appartement de Lexington Ford, le beau pavillon de Charles Ballard, la façade de la précédente demeure de Dahlia Kennedy, et la salle de deux ou trois bars. À nouveau, l'artiste ne se lance pas dans une représentation photographique, mais elle trouve le bon équilibre entre les éléments représentés et leur degré de détails pour que la lecture ne s'en trouve pas ralentie. Elle trouve également le bon dosage pour les scènes de dialogue, avec des arrière-plans peu fournis, mais suffisant, et une bonne gestion de l'évolution de la prise de vue pour éviter l'enfilade de têtes en train de parler. Le lecteur plonge dans un monde réaliste, peuplé d'individus plausibles et aisément reconnaissables. Alors que le lecteur suppose qu'il va s'installer un jeu du chat et de la souris entre Dahlia Kennedy et la jeune Madison Jackson (à l'instar de celui malsain entre Hannibal Lecter et Clarice Sterling), Gaby Dunn fait preuve de plus d'originalité. Kennedy manipule bien la jeune journaliste, mais sans sadisme. Du coup, le lecteur se prête bien volontiers à ce jeu, n'essayant pas de devancer les révélations de Dahlia Kennedy qui en sait un peu beaucoup, mais se rangeant plutôt du côté de Madison Jackson qui comprend bien qu'elle est manipulée. L'enquête progresse régulièrement à un rythme plausible, pour déboucher sur un crime immonde plusieurs fois répété. Le lecteur sent bien que de temps à autre la scénariste amène les faits avec un soupçon de maladresse, ce qui les rend un peu abrupts. Mais ce défaut est compensé par les interactions entre les principaux personnages. Dans un premier temps, le lecteur suppose que la relation entre Madison Jackson et Dominick O'Shane relève de la convention qui veut que les journalistes cultivent des relations dans la police pour obtenir des informations confidentielles. Il met l'inimitié du frère et la sœur sur le même compte : une convention pratique pour introduire un peu d'animation à peu de frais. En cours de route, il relève que Madison Jackson se montre peu amène avec Dominick O'Shane, sans aucune reconnaissance. Il constate que David Jackson fait des remarques amères à sa sœur, qui dépassent les piques usuelles. Gaby Dunn fait apparaître la nature des motivations de ces personnages, et de plusieurs autres. Le récit révèle une absence totale d'angélisme ou de naïveté, que ce soit pour Madison Jackson et sa vocation, pour Lexington Ford, pour Dominick O'Shane, ou pour Dahlia Kennedy. Il s'agit bien d'adultes qui savent ce qu'ils veulent, et qui connaissent le prix à payer. Ils n'en deviennent pas infaillibles ou invulnérables pour autant. Gaby Dunn et Claire Roe racontent une histoire de genre mêlant enquête journalistique et thriller. La narration visuelle est accordée au scénario pour rendre les individus et les lieux plausibles et concrets. Le scénario associe des éléments plausibles, mais sans toujours prendre le temps de les étoffer ou de bien les intégrer, tout en développant un point de vue très adulte sur la motivation professionnelle des individus, tout en manquant un peu de subtilités dans la caractérisation psychologique de certains individus.

06/09/2025 (modifier)