Les éditions Polystyrène ne publient que très peu de livres chaque année, mais à chaque fois ils sortent du lot, par leur format, leur découpage, leur façonnage. Ils prennent des risques, mais arrivent à publier ce qu’ils aiment, et à surprendre les lecteurs curieux. C’est en tout cas un éditeur que je suis toujours avec plaisir.
Les ayant une nouvelle fois rencontrés lors du dernier salon Quai des Bulles, je leur ai acheté cet album – l’un des rares de leur catalogue que je n’avais pas encore. Si le prix est élevé pour un album un peu minimaliste et vite lu, je suis prêt à faire un effort (tant que j’en ai les moyens !) avec ce genre d’éditeur : l’achat est ici aussi un acte de soutien à la création indépendante, les éditeurs sont quasi bénévoles, et ils prennent de gros risques éditoriaux.
L’album est un grand format à l’italienne, qui fait penser à un gros chéquier classique. Mais qui ne permet ici que de se payer la tête d’un pauvre personnage, zigouillé de façon plus ou moins originale une soixantaine de fois. Les conseils à suivre pour tuer le personnages sont parfois agrémentés de compléments loufoques (encore plus que la méthode de base).
Comme pour l’excellent Le Coup du lapin – mais sans doute encore plus ici – la lecture d’une traite peut lasser. Je pense qu’il vaut mieux picorer quelques gags par-ci par-là. L’ensemble est inégal, mais il y a suffisamment de gags cons et noirs, mais amusants, pour que la lecture – très rapide au demeurant – soit plaisante.
Une petite lecture défouloir sans prétention, mais qui m’a amusé.
Plusieurs choses m’ont poussé à lire cet album. D’abord le fait qu’il ait été publié par Fantagraphics Books (leur catalogue d’auteurs indés américains est vraiment très riche et j’y ai déjà trouvé de belles pépites). Ensuite le prix glané à Angoulême – même si les lauréats ne m’ont pas toujours convaincu.
Ce qui m’a un peu freiné, et ce qui explique que j’avise cette série avec un petit peu de retard, c’est Clowes lui-même. Je reconnais l’originalité de son œuvre, mais la plupart des albums que j’ai lus (je commence à avoir bien balayé sa production) m’ont laissé dubitatif. Je ne suis pas forcément son cœur de cible.
Et cet album confirme mes difficultés avec cet auteur.
Tout le côté graphique est intéressant. Certes, le dessin est souvent figé, mais ça participe d’un certain malaise que l’auteur cherche à montrer je pense. La colorisation, très tranchée, très marquée, accentue l’aspect un peu vieillot du contexte, assez sixties. Le papier assez fin – qui change légèrement de couleur selon les périodes – donne lui aussi une touche vintage et pop à l’album.
C’est avec l’histoire que j’ai eu plus de mal. La construction de la biographie de Monica est déstructurée. On passe d’une époque et d’un genre à l’autre : on commence par un court récit de guerre, puis alternent du roman graphique pur, du fantastique mystique/grunge, de la SF, etc. Clowes passe gentiment à la moulinette les genres forts du comics, mais il égratigne aussi certains piliers de l’american way of life : la famille, la normalité sociale. Comme souvent avec lui, beaucoup de personnages sont insatisfaits, trainent un mal-être.
Mais, à vouloir partir dans tous les sens, Clowes m’a un peu perdu, et certains passages m’ont paru un peu longuets. Et on ne s’attache pas aux personnages de Clowes, Monica en tête. Une histoire un peu hermétique, dans laquelle Clowes a sans doute glissé des éléments autobiographiques (je ne connais pas assez sa vie pour faire le tri), mais j’en suis sorti un peu déçu, n’ayant pas saisi suffisamment de choses dans les détails pour apprécier une histoire qui pourtant, visuellement, ne manque pas d’intérêt.
Note réelle 2,5/5.
Au travers de la vie de quelques protagonistes (Palestiniens, soldat anglais, Juifs ayant fui l’Europe), Alfonso Zapico nous donne à voir un moment important de l’histoire, dont l’onde de choc continue à se propager : la naissance d’Israël.
L’auteur ne prend pas parti pour un camp, à l’image de Yosef, immigré juif hongrois, qui tente coute que coute de maintenir neutralité, amitié entre tous ses amis et clients arabes, juifs. Au travers de la détérioration de la situation, de la violence qui déchire la région, Zapico montre l’absurdité de la situation, la lâcheté du Royaume-Uni, et la prise du pouvoir dans les deux camps par des extrémistes (il est intéressant au passage de rappeler que parmi les fondateurs d’Israël figurent d’authentiques terroristes). Zapico montre qu’une cohabitation pacifique aurait très bien pu se développer et perdurer, avec le couple formé entre Yechezkel (jeune violoniste juif hongrois rescapé de la Shoah) et Yaiza, une jeune arabe palestinienne.
Un roman graphique fortement imprégné d’histoire, qui met en avant personnages et idées positives et optimistes, mais qui entérine sur la fin que la paix peut n’être qu’une utopie lorsque les extrémistes de tous bords ont les coudées franches.
Will Eisner s’attaque à l’un des faux qui a la vie dure et qui résiste même alors que depuis longtemps ont été établis les faits qui lui font perdre toute réalité. Mais il faut croire que ça marche, et que l’inculture – ou l’aveuglement – de beaucoup facilitent le réemploi ad nauseam de ce genre de propagande éculée.
La narration d’Eisner – et son dessin – sont fluides, dynamiques et très clairs. On suit facilement la construction du faux, les raisons de son utilisation, et les nombreuses résurgences de ce texte qui, quand on y songe ne serait-ce qu’un instant, est d’une absurdité sans nom. Mais le complotisme (et l'antisémitisme) ne datent pas d’hier, et ont hélas de beaux jours devant eux !
Ceci dit, c’est d’abord un documentaire, simple et bien fichu, et ça n’est clairement pas un roman graphique qui cherche à passionner. La lecture est intéressante, mais pas palpitante. Mais il est hélas encore nécessaire de démonter cette idée nauséabonde sur le prétendu complot de « la juiverie internationale ».
Cette série mélange toutes les franchises de l’univers, pour peu que l’on en soit un tantinet amateur, ça a de quoi bien bien titiller.
Bref une série concept alléchante mais je rejoins l’avis du Gand A dans sa globalité. Ce n’est pas une franche réussite mais c’est pas un four non plus, on y trouve quelques ingrédients intéressants.
Précisons également que je n’avais pas de grandes attentes et que si j’apprécie beaucoup l’univers, je me perds rapidement dans les dates et les lieux. Le point mentionné par mon prédécesseur autour du raccrochement/explication aux films ne m’a donc pas gêné.
Une série qu’il faut lire impérativement dans l'ordre, les événements étant plus ou moins chronologiques et surtout on retrouve certains personnages de tome en tome.
Ça ne révolutionnera rien, la qualité graphique ou scénaristique n’est pas systématiquement au rdv. Cependant malgré cette disparité, j’ai jugé ma lecture agréable dans son ensemble.
Le tome 2 est le plus faible, j’aime bien le dessin mais la peur, la tension sont malheureusement absentes des planches (pour du Aliens c’est ballot). Le tome 4 est l’un des plus réussis, pas au niveau du dessin (l’un des pires), le récit possède un petit côté bien fun.
Sinon intro et conclusion de la série assurent le taf pour un moment de divertissement honnête.
Je viens un peu au secours de cette série qui collectionne les une étoile . 26 avis, presque tous négatifs, j'ai du mal à comprendre un tel acharnement sur une série assez bon enfant. C'est une série qui correspond à une niche temporelle celle où la tv avec un nombre de canaux assez réduits ( 6 si je me souviens bien) mais déjà supérieur aux trois chaînes historiques. C'est donc l'apparition de la télécommande qui va régenter les choix des soirées de millions de familles qui ne possédaient qu'un écran à la maison.
A l'époque, j'ai acheté volontiers une dizaine d'albums qui paraissent presque archéologiques dans l'environnement médiatique actuel.
Les gags de Ernst autour de cette famille archétype des années 90 sont d'un humour bon enfant (on retrouve un peu le même schéma familial dans la série tv SODA) . Cela me faisait d'autant plus (sou)rire que nous ne regardions que très peu la TV pendant la période scolaire. Les gags s'appuient souvent sur des anecdotes ou des émissions de l'époque complétement oubliées aujourd'hui.
Le graphisme est typique de ce genre de série gag avec une mise en couleur très standard. Un graphisme passe-partout , commercial bien maîtrisé sans audace qui est facilement reproductible sans prise de tête, ni vulgarité. Lisse mais apaisant après une sale journée.
Une série complétement has been mais qui garde pour moi un parfum de bons moments avec mes enfants.
Un album sympathique sur le monde du rugby.
Je ne suis pas fan de ce sport qui de toute façon est peu populaire en Amérique du nord, mais l'autrice a su communiquer sa passion pour ce sport. C'est un convenu de voir une héroïne qui a plein de problèmes s'épanouir après avoir trouvé une activité sportive qu'elle aime (schéma qu'on retrouve dans d'autres séries sur le sport), mais c'est bien fait et des scènes sentent le vécu. Le dessin est simple et efficace.
Je suis d'accord avec Ju sur le fait que c'est tout de même un peu trop caricatural. L’héroïne semble n'être entourée que de connards lorsqu'elle ne fait pas de rugby. Ce qui lui arrive est malheureusement sûrement le reflet de ce que vivent des femmes dans la vraie vie, notamment tout ce qui tourne autour du petit copain jaloux et égocentrique, mais par moment on dirait que l'autrice voulait que son héroïne subisse tout ce qui peut arriver de mal à une femme et à force de la voir subir des malheurs cela commence à perdre de la crédibilité. Si l'autrice voulait donner un côté féministe à son récit, elle aurait pu simplement parler du fait que le sport féminin est beaucoup moins valorisé que le sport masculin. On voit ça un peu avec les propriétaires des équipes de rugby qui traitent mieux celle des hommes et je pense que ça aurait pu être un élément du scénario qu'on aurait pu développer davantage.
2.5
Un autre album de Baudoin qui regroupe les défauts que je retrouve dans ses albums.
Ce n'est pas totalement inintéressant parce qu'ici Baudoin raconte sa vie entière et pas seulement un voyage ou un truc du genre. J'aime bien l'autobiographie en BD et il y a des bons passages. L'auteur n'a pas peur de parler de trucs très privés et il est cru sur sa sexualité et son rapport avec les femmes.
Malgré un propos intéressant, j'ai quand même eu de la difficulté à lire cet album parce qu'encore une fois Baudoin semble improviser au fil des pages en mettant ce qui lui passe par la tête. Ainsi le récit n'est pas linéaire, on peut donc avoir sur une page la mention d'un voyage à Beyrouth dans les années 80 et la page suivante il nous parle du covid.
La mise en scène part aussi dans tous les sens. On peut avoir des pages avec du texte et juste de l'illustration qui donne l'impression qu'on est en train de lire le journal intime de l'auteur et ensuite on tombe dans de la BD avec plusieurs cases qui forment un récit. Des lecteurs peuvent aimer ça, mais moi je trouve que cela donne un album décousu et pas du tout agréable à lire.
C'est simple, c'est encore un album que vont surtout apprécier les lecteurs qui sont fans de l'auteur et sont sensibles à son style si particulier. Ceux qui trouvent que ses albums sont hermétiques vont encore une fois s'ennuyer.
Très joli diptyque qui permet de mettre en lumière une anecdote peu connue de la Première Guerre Mondiale tout en mettant en lumière les problématiques que l'époque a soulevée.
C'est simple comme récit, avec une trame de polar au centre qui sert de prétexte à l'exposition des personnages et du récit, tandis que le vrai contexte est surtout celui de la Première Guerre Mondiale où l'Allemagne et la France vont se déchirer, entrainant des conséquences sur la petite vie des habitants de l'île. Quelques personnages parsèment l'histoire, avec des comportements et caractères très typés qui permettent de comprendre rapidement les enjeux et les personnages. C'est une facilité scénaristique pour pouvoir rentrer dans l'histoire rapidement, puisqu'elle est assez brève au final. C'est mieux de ne pas trainer !
L'histoire est surtout servie par le dessin, qui est franchement excellent. Il met en lumière les îles et surtout la lumière, avec ces jeux de couleurs qui parsèment les pages. C'est très beau, aucun doute là-dessus et je dois dire que c'est une grande qualité du livre. C'est juste dommage que l'histoire reste assez "légère" dans l'ensemble, même si elle exploite son contexte d'une bonne manière (la résolution de l'enquête notamment). La lecture reste plaisante et très belle, donnant envie de voir ces îles mais en même temps il n'oublie pas de se placer dans l'époque pour en faire ressortir de nombreuses aspects. Un bon moment de lecture !
Je ne connais pas l'œuvre d'origine, mais cette adaptation procure une lecture rapide et globalement agréable.
C'est en fait surtout le côté graphique qui m'a séduit. En effet, j'ai bien aimé ce travail, qui use d'un Noir et Blanc très tranché, proche parfois des ombres chinoises ou de papiers découpés. C'est parfois un peu stylisé, souvent minimaliste, mais toujours plaisant et très lisible.
L'histoire elle-même se laisse lire, mais elle manque un peu de densité. Le texte d'origine devait être court (short story ou petite nouvelle ?).
Ça fait drame antique dans sa construction, avec le héros qui, un voyant lui ayant prédit un drame, ne peut échapper à son accomplissement, devenant lui-même le bras armé de l'oracle. Avec en sus une chute finale à la fois noire et quelque peu moralisatrice : on ne peut trouver son bonheur dans le crime.
Très agréable à voir, pas désagréable à lire, mais pas inoubliable, voilà une petite lecture détente que je ne regrette pas.
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61 façons de tuer un personnage de bande dessinée
Les éditions Polystyrène ne publient que très peu de livres chaque année, mais à chaque fois ils sortent du lot, par leur format, leur découpage, leur façonnage. Ils prennent des risques, mais arrivent à publier ce qu’ils aiment, et à surprendre les lecteurs curieux. C’est en tout cas un éditeur que je suis toujours avec plaisir. Les ayant une nouvelle fois rencontrés lors du dernier salon Quai des Bulles, je leur ai acheté cet album – l’un des rares de leur catalogue que je n’avais pas encore. Si le prix est élevé pour un album un peu minimaliste et vite lu, je suis prêt à faire un effort (tant que j’en ai les moyens !) avec ce genre d’éditeur : l’achat est ici aussi un acte de soutien à la création indépendante, les éditeurs sont quasi bénévoles, et ils prennent de gros risques éditoriaux. L’album est un grand format à l’italienne, qui fait penser à un gros chéquier classique. Mais qui ne permet ici que de se payer la tête d’un pauvre personnage, zigouillé de façon plus ou moins originale une soixantaine de fois. Les conseils à suivre pour tuer le personnages sont parfois agrémentés de compléments loufoques (encore plus que la méthode de base). Comme pour l’excellent Le Coup du lapin – mais sans doute encore plus ici – la lecture d’une traite peut lasser. Je pense qu’il vaut mieux picorer quelques gags par-ci par-là. L’ensemble est inégal, mais il y a suffisamment de gags cons et noirs, mais amusants, pour que la lecture – très rapide au demeurant – soit plaisante. Une petite lecture défouloir sans prétention, mais qui m’a amusé.
Monica
Plusieurs choses m’ont poussé à lire cet album. D’abord le fait qu’il ait été publié par Fantagraphics Books (leur catalogue d’auteurs indés américains est vraiment très riche et j’y ai déjà trouvé de belles pépites). Ensuite le prix glané à Angoulême – même si les lauréats ne m’ont pas toujours convaincu. Ce qui m’a un peu freiné, et ce qui explique que j’avise cette série avec un petit peu de retard, c’est Clowes lui-même. Je reconnais l’originalité de son œuvre, mais la plupart des albums que j’ai lus (je commence à avoir bien balayé sa production) m’ont laissé dubitatif. Je ne suis pas forcément son cœur de cible. Et cet album confirme mes difficultés avec cet auteur. Tout le côté graphique est intéressant. Certes, le dessin est souvent figé, mais ça participe d’un certain malaise que l’auteur cherche à montrer je pense. La colorisation, très tranchée, très marquée, accentue l’aspect un peu vieillot du contexte, assez sixties. Le papier assez fin – qui change légèrement de couleur selon les périodes – donne lui aussi une touche vintage et pop à l’album. C’est avec l’histoire que j’ai eu plus de mal. La construction de la biographie de Monica est déstructurée. On passe d’une époque et d’un genre à l’autre : on commence par un court récit de guerre, puis alternent du roman graphique pur, du fantastique mystique/grunge, de la SF, etc. Clowes passe gentiment à la moulinette les genres forts du comics, mais il égratigne aussi certains piliers de l’american way of life : la famille, la normalité sociale. Comme souvent avec lui, beaucoup de personnages sont insatisfaits, trainent un mal-être. Mais, à vouloir partir dans tous les sens, Clowes m’a un peu perdu, et certains passages m’ont paru un peu longuets. Et on ne s’attache pas aux personnages de Clowes, Monica en tête. Une histoire un peu hermétique, dans laquelle Clowes a sans doute glissé des éléments autobiographiques (je ne connais pas assez sa vie pour faire le tri), mais j’en suis sorti un peu déçu, n’ayant pas saisi suffisamment de choses dans les détails pour apprécier une histoire qui pourtant, visuellement, ne manque pas d’intérêt. Note réelle 2,5/5.
Café Budapest
Au travers de la vie de quelques protagonistes (Palestiniens, soldat anglais, Juifs ayant fui l’Europe), Alfonso Zapico nous donne à voir un moment important de l’histoire, dont l’onde de choc continue à se propager : la naissance d’Israël. L’auteur ne prend pas parti pour un camp, à l’image de Yosef, immigré juif hongrois, qui tente coute que coute de maintenir neutralité, amitié entre tous ses amis et clients arabes, juifs. Au travers de la détérioration de la situation, de la violence qui déchire la région, Zapico montre l’absurdité de la situation, la lâcheté du Royaume-Uni, et la prise du pouvoir dans les deux camps par des extrémistes (il est intéressant au passage de rappeler que parmi les fondateurs d’Israël figurent d’authentiques terroristes). Zapico montre qu’une cohabitation pacifique aurait très bien pu se développer et perdurer, avec le couple formé entre Yechezkel (jeune violoniste juif hongrois rescapé de la Shoah) et Yaiza, une jeune arabe palestinienne. Un roman graphique fortement imprégné d’histoire, qui met en avant personnages et idées positives et optimistes, mais qui entérine sur la fin que la paix peut n’être qu’une utopie lorsque les extrémistes de tous bords ont les coudées franches.
Le Complot
Will Eisner s’attaque à l’un des faux qui a la vie dure et qui résiste même alors que depuis longtemps ont été établis les faits qui lui font perdre toute réalité. Mais il faut croire que ça marche, et que l’inculture – ou l’aveuglement – de beaucoup facilitent le réemploi ad nauseam de ce genre de propagande éculée. La narration d’Eisner – et son dessin – sont fluides, dynamiques et très clairs. On suit facilement la construction du faux, les raisons de son utilisation, et les nombreuses résurgences de ce texte qui, quand on y songe ne serait-ce qu’un instant, est d’une absurdité sans nom. Mais le complotisme (et l'antisémitisme) ne datent pas d’hier, et ont hélas de beaux jours devant eux ! Ceci dit, c’est d’abord un documentaire, simple et bien fichu, et ça n’est clairement pas un roman graphique qui cherche à passionner. La lecture est intéressante, mais pas palpitante. Mais il est hélas encore nécessaire de démonter cette idée nauséabonde sur le prétendu complot de « la juiverie internationale ».
Le Feu et la Roche
Cette série mélange toutes les franchises de l’univers, pour peu que l’on en soit un tantinet amateur, ça a de quoi bien bien titiller. Bref une série concept alléchante mais je rejoins l’avis du Gand A dans sa globalité. Ce n’est pas une franche réussite mais c’est pas un four non plus, on y trouve quelques ingrédients intéressants. Précisons également que je n’avais pas de grandes attentes et que si j’apprécie beaucoup l’univers, je me perds rapidement dans les dates et les lieux. Le point mentionné par mon prédécesseur autour du raccrochement/explication aux films ne m’a donc pas gêné. Une série qu’il faut lire impérativement dans l'ordre, les événements étant plus ou moins chronologiques et surtout on retrouve certains personnages de tome en tome. Ça ne révolutionnera rien, la qualité graphique ou scénaristique n’est pas systématiquement au rdv. Cependant malgré cette disparité, j’ai jugé ma lecture agréable dans son ensemble. Le tome 2 est le plus faible, j’aime bien le dessin mais la peur, la tension sont malheureusement absentes des planches (pour du Aliens c’est ballot). Le tome 4 est l’un des plus réussis, pas au niveau du dessin (l’un des pires), le récit possède un petit côté bien fun. Sinon intro et conclusion de la série assurent le taf pour un moment de divertissement honnête.
Les Zappeurs
Je viens un peu au secours de cette série qui collectionne les une étoile . 26 avis, presque tous négatifs, j'ai du mal à comprendre un tel acharnement sur une série assez bon enfant. C'est une série qui correspond à une niche temporelle celle où la tv avec un nombre de canaux assez réduits ( 6 si je me souviens bien) mais déjà supérieur aux trois chaînes historiques. C'est donc l'apparition de la télécommande qui va régenter les choix des soirées de millions de familles qui ne possédaient qu'un écran à la maison. A l'époque, j'ai acheté volontiers une dizaine d'albums qui paraissent presque archéologiques dans l'environnement médiatique actuel. Les gags de Ernst autour de cette famille archétype des années 90 sont d'un humour bon enfant (on retrouve un peu le même schéma familial dans la série tv SODA) . Cela me faisait d'autant plus (sou)rire que nous ne regardions que très peu la TV pendant la période scolaire. Les gags s'appuient souvent sur des anecdotes ou des émissions de l'époque complétement oubliées aujourd'hui. Le graphisme est typique de ce genre de série gag avec une mise en couleur très standard. Un graphisme passe-partout , commercial bien maîtrisé sans audace qui est facilement reproductible sans prise de tête, ni vulgarité. Lisse mais apaisant après une sale journée. Une série complétement has been mais qui garde pour moi un parfum de bons moments avec mes enfants.
Protocole Commotion
Un album sympathique sur le monde du rugby. Je ne suis pas fan de ce sport qui de toute façon est peu populaire en Amérique du nord, mais l'autrice a su communiquer sa passion pour ce sport. C'est un convenu de voir une héroïne qui a plein de problèmes s'épanouir après avoir trouvé une activité sportive qu'elle aime (schéma qu'on retrouve dans d'autres séries sur le sport), mais c'est bien fait et des scènes sentent le vécu. Le dessin est simple et efficace. Je suis d'accord avec Ju sur le fait que c'est tout de même un peu trop caricatural. L’héroïne semble n'être entourée que de connards lorsqu'elle ne fait pas de rugby. Ce qui lui arrive est malheureusement sûrement le reflet de ce que vivent des femmes dans la vraie vie, notamment tout ce qui tourne autour du petit copain jaloux et égocentrique, mais par moment on dirait que l'autrice voulait que son héroïne subisse tout ce qui peut arriver de mal à une femme et à force de la voir subir des malheurs cela commence à perdre de la crédibilité. Si l'autrice voulait donner un côté féministe à son récit, elle aurait pu simplement parler du fait que le sport féminin est beaucoup moins valorisé que le sport masculin. On voit ça un peu avec les propriétaires des équipes de rugby qui traitent mieux celle des hommes et je pense que ça aurait pu être un élément du scénario qu'on aurait pu développer davantage.
Les Fleurs de cimetière
2.5 Un autre album de Baudoin qui regroupe les défauts que je retrouve dans ses albums. Ce n'est pas totalement inintéressant parce qu'ici Baudoin raconte sa vie entière et pas seulement un voyage ou un truc du genre. J'aime bien l'autobiographie en BD et il y a des bons passages. L'auteur n'a pas peur de parler de trucs très privés et il est cru sur sa sexualité et son rapport avec les femmes. Malgré un propos intéressant, j'ai quand même eu de la difficulté à lire cet album parce qu'encore une fois Baudoin semble improviser au fil des pages en mettant ce qui lui passe par la tête. Ainsi le récit n'est pas linéaire, on peut donc avoir sur une page la mention d'un voyage à Beyrouth dans les années 80 et la page suivante il nous parle du covid. La mise en scène part aussi dans tous les sens. On peut avoir des pages avec du texte et juste de l'illustration qui donne l'impression qu'on est en train de lire le journal intime de l'auteur et ensuite on tombe dans de la BD avec plusieurs cases qui forment un récit. Des lecteurs peuvent aimer ça, mais moi je trouve que cela donne un album décousu et pas du tout agréable à lire. C'est simple, c'est encore un album que vont surtout apprécier les lecteurs qui sont fans de l'auteur et sont sensibles à son style si particulier. Ceux qui trouvent que ses albums sont hermétiques vont encore une fois s'ennuyer.
Papeete 1914
Très joli diptyque qui permet de mettre en lumière une anecdote peu connue de la Première Guerre Mondiale tout en mettant en lumière les problématiques que l'époque a soulevée. C'est simple comme récit, avec une trame de polar au centre qui sert de prétexte à l'exposition des personnages et du récit, tandis que le vrai contexte est surtout celui de la Première Guerre Mondiale où l'Allemagne et la France vont se déchirer, entrainant des conséquences sur la petite vie des habitants de l'île. Quelques personnages parsèment l'histoire, avec des comportements et caractères très typés qui permettent de comprendre rapidement les enjeux et les personnages. C'est une facilité scénaristique pour pouvoir rentrer dans l'histoire rapidement, puisqu'elle est assez brève au final. C'est mieux de ne pas trainer ! L'histoire est surtout servie par le dessin, qui est franchement excellent. Il met en lumière les îles et surtout la lumière, avec ces jeux de couleurs qui parsèment les pages. C'est très beau, aucun doute là-dessus et je dois dire que c'est une grande qualité du livre. C'est juste dommage que l'histoire reste assez "légère" dans l'ensemble, même si elle exploite son contexte d'une bonne manière (la résolution de l'enquête notamment). La lecture reste plaisante et très belle, donnant envie de voir ces îles mais en même temps il n'oublie pas de se placer dans l'époque pour en faire ressortir de nombreuses aspects. Un bon moment de lecture !
Le Crime de Lord Arthur Savile
Je ne connais pas l'œuvre d'origine, mais cette adaptation procure une lecture rapide et globalement agréable. C'est en fait surtout le côté graphique qui m'a séduit. En effet, j'ai bien aimé ce travail, qui use d'un Noir et Blanc très tranché, proche parfois des ombres chinoises ou de papiers découpés. C'est parfois un peu stylisé, souvent minimaliste, mais toujours plaisant et très lisible. L'histoire elle-même se laisse lire, mais elle manque un peu de densité. Le texte d'origine devait être court (short story ou petite nouvelle ?). Ça fait drame antique dans sa construction, avec le héros qui, un voyant lui ayant prédit un drame, ne peut échapper à son accomplissement, devenant lui-même le bras armé de l'oracle. Avec en sus une chute finale à la fois noire et quelque peu moralisatrice : on ne peut trouver son bonheur dans le crime. Très agréable à voir, pas désagréable à lire, mais pas inoubliable, voilà une petite lecture détente que je ne regrette pas.