Lors d'une résidence d'auteur, Laurent Lolmède s'est retrouvé à Périgueux, avec comme mission de dessiner les bâtiments du Toulon, un quartier autrefois populaire dans l'ouest de la ville, le Toulon. L'auteur se balade donc dans ce quartier qui a connu ses grandes heures des années 1860 à 1950, alors que plusieurs fabriques ponctuaient le secteur : des ateliers SNCF, une filature, sans oublier une source qui alimente deux rivières et hydrate toute la ville. A une époque de nombreux bars et commerces faisaient battre le cœur de ce secteur, un peu plus isolé à présent.
Lolmède interroge de nombreuses personnes habitant encore là, qui témoignent de cette effervescence passée, et de leurs vies, ordinaires mais touchantes. C'est sympa, pas voyeuriste, on sent que l'auteur a approché le quartier et ses habitants avec un grand respect. Son style est basé sur des croquis, il est donc à la fois sensible et fragile, sans aller dans la voie du photoréalisme. Les couleurs d'Isabelle Merlet donne beaucoup de vie à ce dessin.
L'album a bénéficié d'un grand soin quant à sa présentation, superbe boulot des Editions Ouïe/Dire. A réserver à celles et ceux qui aiment bien ces quartiers à l'ambiance un peu désuète, mais aussi aux habitants de Périgueux et sa périphérie.
Beau thriller, rondement mené, souvent via des planches à la limite du muet.
Certes, le scénario de ce huis clos est prévisible et l'on aurait aimé davantage de nuances dans l'évolution des personnages au gré de la situation. On regrette qu'un crescendo jouant de cette évolution n'ait pas été instauré, que le thriller et l'angoisse ne naissent de procédés différents : d'abord par les non-dits et les infernales circonvolutions de la pensée, que maladresse et humour noir s'invitent ensuite pour envisager et exprimer les résolutions possibles, que le pire ne soit pas ironiquement provoqué par les personnages eux-mêmes, que l'horreur psychologique du pragmatisme soit à l'origine d'une perversité meurtrière plus ignoble encore, avant que du grand-guignolesque ne s'immisce pour clore factuellement la dernière partie.
Tout ne se développe pas ainsi, la maestria est absente, mais l'habileté est de son côté bien au rendez-vous : c'est limpide, clair, rythmé et tendu ; jusque dans sa mise en place et dans sa conclusion, qui savent aller rapidement à l'essentiel.
Une lecture agréable, si l'on ose l'exprimer ainsi.
Les schtroumpfs sont incontestablement des figures très connues de la bande-dessinée franco-belge (connus à l'internationale, même).
Sauf que voilà, pour être honnête, je n'aime pas les schtroumpfs.
Bon, en vrai, je les aimais bien dans l'album où ils apparaissaient pour la première fois, à savoir "La Flûte à six schtroumpfs" de la série Johan et Pirlouit. Et je dois aussi reconnaître que, même s'il ne me font pas rire, les premiers albums ont un certain charme.
Mais c'est tout. Charmant mais peu profond, palpitant ou même engageant à mes yeux. Pour tout dire, même dans ma jeunesse, les histoires des schtroumpfs m'ennuyaient un peu. Et pourtant j'en ai lu, parce qu'on m'en offrait quelques fois et je me retrouvais parfois à en lire quand il n'y avait rien d'autre.
L'idée de base est intéressante, et j'aime beaucoup l'idée du village composé de schtroumpfs se ressemblant physiquement en tout point mais ou tout le monde est doté d'une forte personnalité qui lui est propre (l'humour est presque un humour sitcom, basé sur les rencontres et les interactions régulières de personnages aux traits caricaturaux), mais la base ne fait pas tout.
Je ne digresserais pas sur le cas de la Schtroumpfette, d'autres l'on déjà fait et je ne pense pas m'exprimer mieux qu'elleux (j'invite à lire l'article originel de Katha Pollitt sur le syndrome de la schtroumpfette publié dans le New York Times pour celleux souhaitant se renseigner).
Et même pour les qualités que je lui reconnais, il faut aussi dire que la série devient vraiment mauvaise (tout juste passable par moment) dès le douzième album. Il y en a 42 en tout. Donc forcément, si je dois noter la série dans sa globalité, ça ne me donne pas envie de noter très haut.
Et pourtant je mentirais si je disais que "Le Schtroumpfissime" ne me fait pas extrêmement rire. Mais après, est-ce qu'un album faisant mouche chez moi pourrait me faire remonter toute une série dans mon estime ? Je ne pense pas.
Bon, allez, même si je trouve les histoires peu engageantes, elles restent lisibles et la grande majorité portent en sous-texte des messages sympathiques (exception faite de certains comme "La Schtroumpfette"), alors au nom de l'affect (et parce que je ne veux pas finir lynchée en place publique), je peux arrondir ma note à 3 étoiles (note réelle 2,5).
La biographie d'une femme d'exception dont j'ignorais l'existence et pour cause, elle avait été occultée par les premiers historiens de l'Histoire du cinéma. Il s'agit de la première metteuse en scène féminine, et même presque la première metteuse en scène tout court de l'Histoire du cinématographe même si elle même estime qu'il s'agit plutôt des frères Lumière avec L'Arroseur arrosé.
Cette BD nous présente la vie entière d'Alice Guy, de sa naissance à sa mort. On découvre un contexte historique et technologique très intéressant, à une époque où la photographie était encore balbutiante et que plusieurs scientifiques travaillaient chacun de leur côté sur différentes manière de combiner les images pour créer de l'animation qu'on appellera plus tard le cinéma. Alice Guy est au cœur de ce tumulte puisqu'elle y a quelques responsabilités au Comptoir général de la photographie à Paris qui reçoit les brevets de quelques-uns de ces inventeurs. Côtoyant les pionniers de cette technologie, elle va réaliser parmi les premières le potentiel des films qui peuvent en être faits et diffusés au grand public, et elle parvient à convaincre Léon Gaumont (qui a entretemps monté sa propre société avec elle comme partenaire) de financer les films qu'elle va elle-même mettre en scène et réaliser. Avec elle, nous allons avoir un aperçu des premiers âges du cinéma, d'abord français puis ensuite largement plus américain tandis qu'Alice s'y est essayée à une carrière moins réussie qu'en France. Outre sa carrière, nous suivons aussi sa vie amoureuse au départ inexistante car focalisée sur son travail puis marquée par une rencontre qui ne finira pas de belle manière.
C'est une histoire très intéressante et racontée de manière claire et suffisamment rythmée pour bien capter le lecteur. Mais ça reste une simple biographie, une suite de faits certes mis en scène de manière plaisante et humaine, mais avec quelques points survolés (on voit bien peu la manière dont Alice Guy réalise ses films notamment) et des années qui vont finalement s'enchainer assez rapidement sur le dernier tiers de l'album créant une certaine distance entre le lecteur et le personnage principal. J'en suis donc ressorti instruit mais pas touché.
Je découvre cet auteur avec cet album. Il produit là un récit intéressant, relativement original, mais qui m’a laissé quelque peu perplexe et sur ma faim.
Disons que j’ai davantage apprécié la mise en place du contexte, l’arrière-plan politique et religieux, que l’intrigue elle-même, plus difficile à appréhender, et sans doute moins intéressante aussi.
L’histoire se déroule en Angleterre durant le règne d’Henry VIII, période trouble et riche s’il en est, en particulier en matière religieuse. En effet, le souverain, en but à l’opposition du pape, décide de rompre avec Rome, et de soutenir une nouvelle vision de la pratique religieuse. On est en pleine Réforme, et il va prendre le chemin d’un entre-deux, plus proche du protestantisme, pillant les biens de l’Église, poussant à traduire la Bible en Anglais, etc. Bien évidemment tout le monde n’est pas d’accord avec ces changements brutaux. C’est dans ce contexte que nous suivons deux personnages (un jeune conteur noir et une jeune femme intrépide – se battant comme un homme et portant épée), qui amusent la population par leurs histoires, mais aussi qui tentent de lutter contre le diable.
Le récit est un peu décousu, et je pense ne pas avoir tout saisi (en particulier le passage avec le géant sur la plage). Je n’ai pas non plus été convaincu de l’utilité des quelques passages contemporains (nous faisant penser qu’un vieux bonhomme raconte ce que nous voyons à une dame).
Mais bon, ça se laisse quand même lire, c’est rythmé, on ne s’ennuie pas.
Le dessin est lisible, lui aussi dynamique. Du comics moderne classique. Mais inégal (en particulier je n’aime pas les traits de visage effacés sur certaines cases).
Un Batman moyen.
Cet album est la suite de Batman et les Monstres, un titre qu'il ne faut pas nécessairement lire pour appréhender celui-ci.
Matt Wagner situe cette histoire au début de la carrière de notre homme chauve-souris. Rien de bien transcendant dans le scénario, ça reste très classique et un peu tiré par les cheveux.
Le personnage du commissaire Gordon est bien exploité, Bruce Wayne et son alter ego sont fidèles à eux-même, par contre le méchant de service (je le découvre) est affligeant, une espèce de gourou vampire de pacotille. C'est bien les problèmes de Gordon qui m'ont intéressé le plus, le côté fantastique du récit est un gros flop.
Une narration maîtrisée, elle permet de ne pas trop s'ennuyer pendant la lecture.
Le dessin de Matt Wagner dans un style rétro fait penser aux vieux comics des années 60/70. Il est plaisant à regarder et il est bien mis en valeur par un choix limité de couleurs qui renforcent cette ambiance désuète.
Pour les inconditionnels du Batman.
Un petit 3 étoiles.
2.5
Un album qui m'a moyennement convaincu.
Je rejoins mes camarades au sujet du dessin qui est agréable même si je ne suis pas trop fan de la manière dont est dessiné le visage bien blanc du personnage principal. Le coté historique est intéressant même si je connaissais déjà les grandes lignes de la retraite de la compagne de Napoléon en Russie.
Le problème vient plutôt du coté de la fiction comme c'est malheureusement trop souvent avec les bandes dessinées historiques dont leur seul intérêt est le cadre historique. Je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage principal qui m'a même semblé tête à claque par moment. Le scénario est un peu trop prévisible pour moi et ne m'a pas marqué. Ça se laisse lire une fois et sans plus.
Un album qui se laisse lire facilement, mais qui ne m’a pas captivé plus que ça.
Le dessin est à la fois racé, intéressant, mais pas toujours suffisamment lisible (en particulier pendant les phases de lutte, de combat). Pourtant il y a des qualités, et ce trait en Noir et Blanc assez gras est assez bien vu globalement, tant il rappelle la calligraphie de l’alphabet japonais.
L’auteur nous livre un récit qui met en avant une idée pure des arts martiaux. Loin de l’esprit de compétition que nous connaissons (du moins les occidentaux). Loin aussi de l’esprit des samouraïs de la grande époque. Une vision mystique.
C’est plutôt bien fait. Mais c’est un peu sec – très peu d’action finalement – et le sujet n’est pas forcément de ceux qui m’interpellent. Mais d’autres que moi peuvent y trouver leur compte.
Note réelle 2,5/5.
Avec ce recueil, Zidrou s’amuse à collectionner des moments de vie simples, parfois légers, parfois plus graves, mais toujours empreints d’humanité. Chaque histoire est un instantané, une petite bulle où le temps semble s’arrêter, et si certaines fonctionnent mieux que d’autres, l’ensemble reste homogène grâce à la plume tendre et malicieuse de Zidrou.
Les dessins varient d’une nouvelle à l’autre, puisque plusieurs artistes y contribuent. Je suis toujours un peu perturbé quand il y a autant de diversité visuelle. On accroche moins à certains styles, forcément. Mais dans l’ensemble, les traits et les couleurs s’accordent bien avec les récits : doux, parfois mélancoliques, mais toujours chaleureux.
En revanche, la nature même du format, avec ses récits courts, limite parfois la profondeur. Certaines histoires manquent de développement et restent un peu anecdotiques, ce sera ma principale frustration. Ce qui revient toujours, c’est cette volonté de Zidrou de mettre en avant les petites choses qui rendent la vie plus belle, même si ce penchant pour le « feel good » peut sembler un peu appuyé par moments.
J'ai refermé l’album avec un sourire, mais sans véritable coup de cœur. Un recueil qui fait du bien, qui réchauffe un peu, mais qui laisse aussi une impression d’inachevé, je pense que je ne suis tout simplement pas le meilleur client pour ce genre de format. Une lecture agréable mais sans les fulgurances qui marquent durablement.
J'ai découvert le travail d'Emmanuel Lepage avec Un printemps à Tchernobyl puis Ar-Men - L'Enfer des enfers que j'ai beaucoup aimés, je continue à remonter le temps avec cet album qui nous amène loin, très loin, sur un bout du monde à la fois fascinant et hostile. Avec Lepage, on sait qu’on aura des pages à couper le souffle, et je n'ai pas été déçu de ce côté-là. Les paysages sont grandioses, presque irréels, et la façon dont il capte la lumière est impressionnante. Le dessin, c’est clairement la force de l’album. Là-dessus, rien à redire.
Mais voilà, une fois qu’on a admiré les images, qu’est-ce qu’il reste ? Pas grand-chose, je trouve, c'est là que le bât blesse. Lepage accompagne une mission scientifique sur ces terres australes, et si l’idée de départ est séduisante, le récit ne décolle jamais vraiment. On reste collé au carnet de voyage, on découvre la routine des scientifiques, quelques anecdotes sur la faune, la météo, les conditions de vie. C’est intéressant, mais ça reste très descriptif. On sent qu’il y a de l’émotion, une envie de partager un moment hors du temps, mais ça reste au bord du chemin, comme si Lepage n’osait pas aller plus loin.
Son regard sur ces îles, sur les hommes et les femmes qui y travaillent, manque de relief pour m'emporter. On a l’impression qu’il s’est laissé prendre par la beauté des lieux au point d’oublier d’y chercher une vraie histoire. Le peu d’introspection qu’il glisse dans ses cases paraît léger, presque anecdotique. Tout ça donne une œuvre visuellement puissante, mais narrativement trop faible pour moi. C’est beau, c’est contemplatif, mais je suis resté sur ma faim.
J'ai refermé l'album avec une impression partagée : d’un côté, la satisfaction d’avoir voyagé à travers ces paysages incroyables, et de l’autre, une frustration de ne pas en avoir appris davantage, ni sur les îles, ni sur celui qui les raconte. Un bel album pour les yeux.
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Un Autre Toulon
Lors d'une résidence d'auteur, Laurent Lolmède s'est retrouvé à Périgueux, avec comme mission de dessiner les bâtiments du Toulon, un quartier autrefois populaire dans l'ouest de la ville, le Toulon. L'auteur se balade donc dans ce quartier qui a connu ses grandes heures des années 1860 à 1950, alors que plusieurs fabriques ponctuaient le secteur : des ateliers SNCF, une filature, sans oublier une source qui alimente deux rivières et hydrate toute la ville. A une époque de nombreux bars et commerces faisaient battre le cœur de ce secteur, un peu plus isolé à présent. Lolmède interroge de nombreuses personnes habitant encore là, qui témoignent de cette effervescence passée, et de leurs vies, ordinaires mais touchantes. C'est sympa, pas voyeuriste, on sent que l'auteur a approché le quartier et ses habitants avec un grand respect. Son style est basé sur des croquis, il est donc à la fois sensible et fragile, sans aller dans la voie du photoréalisme. Les couleurs d'Isabelle Merlet donne beaucoup de vie à ce dessin. L'album a bénéficié d'un grand soin quant à sa présentation, superbe boulot des Editions Ouïe/Dire. A réserver à celles et ceux qui aiment bien ces quartiers à l'ambiance un peu désuète, mais aussi aux habitants de Périgueux et sa périphérie.
Confession
Beau thriller, rondement mené, souvent via des planches à la limite du muet. Certes, le scénario de ce huis clos est prévisible et l'on aurait aimé davantage de nuances dans l'évolution des personnages au gré de la situation. On regrette qu'un crescendo jouant de cette évolution n'ait pas été instauré, que le thriller et l'angoisse ne naissent de procédés différents : d'abord par les non-dits et les infernales circonvolutions de la pensée, que maladresse et humour noir s'invitent ensuite pour envisager et exprimer les résolutions possibles, que le pire ne soit pas ironiquement provoqué par les personnages eux-mêmes, que l'horreur psychologique du pragmatisme soit à l'origine d'une perversité meurtrière plus ignoble encore, avant que du grand-guignolesque ne s'immisce pour clore factuellement la dernière partie. Tout ne se développe pas ainsi, la maestria est absente, mais l'habileté est de son côté bien au rendez-vous : c'est limpide, clair, rythmé et tendu ; jusque dans sa mise en place et dans sa conclusion, qui savent aller rapidement à l'essentiel. Une lecture agréable, si l'on ose l'exprimer ainsi.
Les Schtroumpfs
Les schtroumpfs sont incontestablement des figures très connues de la bande-dessinée franco-belge (connus à l'internationale, même). Sauf que voilà, pour être honnête, je n'aime pas les schtroumpfs. Bon, en vrai, je les aimais bien dans l'album où ils apparaissaient pour la première fois, à savoir "La Flûte à six schtroumpfs" de la série Johan et Pirlouit. Et je dois aussi reconnaître que, même s'il ne me font pas rire, les premiers albums ont un certain charme. Mais c'est tout. Charmant mais peu profond, palpitant ou même engageant à mes yeux. Pour tout dire, même dans ma jeunesse, les histoires des schtroumpfs m'ennuyaient un peu. Et pourtant j'en ai lu, parce qu'on m'en offrait quelques fois et je me retrouvais parfois à en lire quand il n'y avait rien d'autre. L'idée de base est intéressante, et j'aime beaucoup l'idée du village composé de schtroumpfs se ressemblant physiquement en tout point mais ou tout le monde est doté d'une forte personnalité qui lui est propre (l'humour est presque un humour sitcom, basé sur les rencontres et les interactions régulières de personnages aux traits caricaturaux), mais la base ne fait pas tout. Je ne digresserais pas sur le cas de la Schtroumpfette, d'autres l'on déjà fait et je ne pense pas m'exprimer mieux qu'elleux (j'invite à lire l'article originel de Katha Pollitt sur le syndrome de la schtroumpfette publié dans le New York Times pour celleux souhaitant se renseigner). Et même pour les qualités que je lui reconnais, il faut aussi dire que la série devient vraiment mauvaise (tout juste passable par moment) dès le douzième album. Il y en a 42 en tout. Donc forcément, si je dois noter la série dans sa globalité, ça ne me donne pas envie de noter très haut. Et pourtant je mentirais si je disais que "Le Schtroumpfissime" ne me fait pas extrêmement rire. Mais après, est-ce qu'un album faisant mouche chez moi pourrait me faire remonter toute une série dans mon estime ? Je ne pense pas. Bon, allez, même si je trouve les histoires peu engageantes, elles restent lisibles et la grande majorité portent en sous-texte des messages sympathiques (exception faite de certains comme "La Schtroumpfette"), alors au nom de l'affect (et parce que je ne veux pas finir lynchée en place publique), je peux arrondir ma note à 3 étoiles (note réelle 2,5).
Alice Guy
La biographie d'une femme d'exception dont j'ignorais l'existence et pour cause, elle avait été occultée par les premiers historiens de l'Histoire du cinéma. Il s'agit de la première metteuse en scène féminine, et même presque la première metteuse en scène tout court de l'Histoire du cinématographe même si elle même estime qu'il s'agit plutôt des frères Lumière avec L'Arroseur arrosé. Cette BD nous présente la vie entière d'Alice Guy, de sa naissance à sa mort. On découvre un contexte historique et technologique très intéressant, à une époque où la photographie était encore balbutiante et que plusieurs scientifiques travaillaient chacun de leur côté sur différentes manière de combiner les images pour créer de l'animation qu'on appellera plus tard le cinéma. Alice Guy est au cœur de ce tumulte puisqu'elle y a quelques responsabilités au Comptoir général de la photographie à Paris qui reçoit les brevets de quelques-uns de ces inventeurs. Côtoyant les pionniers de cette technologie, elle va réaliser parmi les premières le potentiel des films qui peuvent en être faits et diffusés au grand public, et elle parvient à convaincre Léon Gaumont (qui a entretemps monté sa propre société avec elle comme partenaire) de financer les films qu'elle va elle-même mettre en scène et réaliser. Avec elle, nous allons avoir un aperçu des premiers âges du cinéma, d'abord français puis ensuite largement plus américain tandis qu'Alice s'y est essayée à une carrière moins réussie qu'en France. Outre sa carrière, nous suivons aussi sa vie amoureuse au départ inexistante car focalisée sur son travail puis marquée par une rencontre qui ne finira pas de belle manière. C'est une histoire très intéressante et racontée de manière claire et suffisamment rythmée pour bien capter le lecteur. Mais ça reste une simple biographie, une suite de faits certes mis en scène de manière plaisante et humaine, mais avec quelques points survolés (on voit bien peu la manière dont Alice Guy réalise ses films notamment) et des années qui vont finalement s'enchainer assez rapidement sur le dernier tiers de l'album créant une certaine distance entre le lecteur et le personnage principal. J'en suis donc ressorti instruit mais pas touché.
Gospel
Je découvre cet auteur avec cet album. Il produit là un récit intéressant, relativement original, mais qui m’a laissé quelque peu perplexe et sur ma faim. Disons que j’ai davantage apprécié la mise en place du contexte, l’arrière-plan politique et religieux, que l’intrigue elle-même, plus difficile à appréhender, et sans doute moins intéressante aussi. L’histoire se déroule en Angleterre durant le règne d’Henry VIII, période trouble et riche s’il en est, en particulier en matière religieuse. En effet, le souverain, en but à l’opposition du pape, décide de rompre avec Rome, et de soutenir une nouvelle vision de la pratique religieuse. On est en pleine Réforme, et il va prendre le chemin d’un entre-deux, plus proche du protestantisme, pillant les biens de l’Église, poussant à traduire la Bible en Anglais, etc. Bien évidemment tout le monde n’est pas d’accord avec ces changements brutaux. C’est dans ce contexte que nous suivons deux personnages (un jeune conteur noir et une jeune femme intrépide – se battant comme un homme et portant épée), qui amusent la population par leurs histoires, mais aussi qui tentent de lutter contre le diable. Le récit est un peu décousu, et je pense ne pas avoir tout saisi (en particulier le passage avec le géant sur la plage). Je n’ai pas non plus été convaincu de l’utilité des quelques passages contemporains (nous faisant penser qu’un vieux bonhomme raconte ce que nous voyons à une dame). Mais bon, ça se laisse quand même lire, c’est rythmé, on ne s’ennuie pas. Le dessin est lisible, lui aussi dynamique. Du comics moderne classique. Mais inégal (en particulier je n’aime pas les traits de visage effacés sur certaines cases).
Batman et le Moine Fou
Un Batman moyen. Cet album est la suite de Batman et les Monstres, un titre qu'il ne faut pas nécessairement lire pour appréhender celui-ci. Matt Wagner situe cette histoire au début de la carrière de notre homme chauve-souris. Rien de bien transcendant dans le scénario, ça reste très classique et un peu tiré par les cheveux. Le personnage du commissaire Gordon est bien exploité, Bruce Wayne et son alter ego sont fidèles à eux-même, par contre le méchant de service (je le découvre) est affligeant, une espèce de gourou vampire de pacotille. C'est bien les problèmes de Gordon qui m'ont intéressé le plus, le côté fantastique du récit est un gros flop. Une narration maîtrisée, elle permet de ne pas trop s'ennuyer pendant la lecture. Le dessin de Matt Wagner dans un style rétro fait penser aux vieux comics des années 60/70. Il est plaisant à regarder et il est bien mis en valeur par un choix limité de couleurs qui renforcent cette ambiance désuète. Pour les inconditionnels du Batman. Un petit 3 étoiles.
Le Tambour de la Moskova
2.5 Un album qui m'a moyennement convaincu. Je rejoins mes camarades au sujet du dessin qui est agréable même si je ne suis pas trop fan de la manière dont est dessiné le visage bien blanc du personnage principal. Le coté historique est intéressant même si je connaissais déjà les grandes lignes de la retraite de la compagne de Napoléon en Russie. Le problème vient plutôt du coté de la fiction comme c'est malheureusement trop souvent avec les bandes dessinées historiques dont leur seul intérêt est le cadre historique. Je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage principal qui m'a même semblé tête à claque par moment. Le scénario est un peu trop prévisible pour moi et ne m'a pas marqué. Ça se laisse lire une fois et sans plus.
O Senseï
Un album qui se laisse lire facilement, mais qui ne m’a pas captivé plus que ça. Le dessin est à la fois racé, intéressant, mais pas toujours suffisamment lisible (en particulier pendant les phases de lutte, de combat). Pourtant il y a des qualités, et ce trait en Noir et Blanc assez gras est assez bien vu globalement, tant il rappelle la calligraphie de l’alphabet japonais. L’auteur nous livre un récit qui met en avant une idée pure des arts martiaux. Loin de l’esprit de compétition que nous connaissons (du moins les occidentaux). Loin aussi de l’esprit des samouraïs de la grande époque. Une vision mystique. C’est plutôt bien fait. Mais c’est un peu sec – très peu d’action finalement – et le sujet n’est pas forcément de ceux qui m’interpellent. Mais d’autres que moi peuvent y trouver leur compte. Note réelle 2,5/5.
La Vieille Dame qui n'avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien
Avec ce recueil, Zidrou s’amuse à collectionner des moments de vie simples, parfois légers, parfois plus graves, mais toujours empreints d’humanité. Chaque histoire est un instantané, une petite bulle où le temps semble s’arrêter, et si certaines fonctionnent mieux que d’autres, l’ensemble reste homogène grâce à la plume tendre et malicieuse de Zidrou. Les dessins varient d’une nouvelle à l’autre, puisque plusieurs artistes y contribuent. Je suis toujours un peu perturbé quand il y a autant de diversité visuelle. On accroche moins à certains styles, forcément. Mais dans l’ensemble, les traits et les couleurs s’accordent bien avec les récits : doux, parfois mélancoliques, mais toujours chaleureux. En revanche, la nature même du format, avec ses récits courts, limite parfois la profondeur. Certaines histoires manquent de développement et restent un peu anecdotiques, ce sera ma principale frustration. Ce qui revient toujours, c’est cette volonté de Zidrou de mettre en avant les petites choses qui rendent la vie plus belle, même si ce penchant pour le « feel good » peut sembler un peu appuyé par moments. J'ai refermé l’album avec un sourire, mais sans véritable coup de cœur. Un recueil qui fait du bien, qui réchauffe un peu, mais qui laisse aussi une impression d’inachevé, je pense que je ne suis tout simplement pas le meilleur client pour ce genre de format. Une lecture agréable mais sans les fulgurances qui marquent durablement.
Voyage aux îles de la Désolation
J'ai découvert le travail d'Emmanuel Lepage avec Un printemps à Tchernobyl puis Ar-Men - L'Enfer des enfers que j'ai beaucoup aimés, je continue à remonter le temps avec cet album qui nous amène loin, très loin, sur un bout du monde à la fois fascinant et hostile. Avec Lepage, on sait qu’on aura des pages à couper le souffle, et je n'ai pas été déçu de ce côté-là. Les paysages sont grandioses, presque irréels, et la façon dont il capte la lumière est impressionnante. Le dessin, c’est clairement la force de l’album. Là-dessus, rien à redire. Mais voilà, une fois qu’on a admiré les images, qu’est-ce qu’il reste ? Pas grand-chose, je trouve, c'est là que le bât blesse. Lepage accompagne une mission scientifique sur ces terres australes, et si l’idée de départ est séduisante, le récit ne décolle jamais vraiment. On reste collé au carnet de voyage, on découvre la routine des scientifiques, quelques anecdotes sur la faune, la météo, les conditions de vie. C’est intéressant, mais ça reste très descriptif. On sent qu’il y a de l’émotion, une envie de partager un moment hors du temps, mais ça reste au bord du chemin, comme si Lepage n’osait pas aller plus loin. Son regard sur ces îles, sur les hommes et les femmes qui y travaillent, manque de relief pour m'emporter. On a l’impression qu’il s’est laissé prendre par la beauté des lieux au point d’oublier d’y chercher une vraie histoire. Le peu d’introspection qu’il glisse dans ses cases paraît léger, presque anecdotique. Tout ça donne une œuvre visuellement puissante, mais narrativement trop faible pour moi. C’est beau, c’est contemplatif, mais je suis resté sur ma faim. J'ai refermé l'album avec une impression partagée : d’un côté, la satisfaction d’avoir voyagé à travers ces paysages incroyables, et de l’autre, une frustration de ne pas en avoir appris davantage, ni sur les îles, ni sur celui qui les raconte. Un bel album pour les yeux.