Si, dans l’ensemble, j’aurais aimé que la série dégage un peu plus de tension, je la trouve tout de même assez prenante pour continuer à la lire. Le dessin est soigné (je le trouve même d’une qualité supérieure à la moyenne pour le genre manga), les personnages sont attachants et l’histoire permet d’en apprendre assez bien sur la culture du cannabis et sur le mode de fonctionnement d’un réseau de ce type tout en conservant un certain suspense.
Au début, j’ai craint que le caractère documentaire l’emporte sur l’intrigue. En effet, cette histoire est très réaliste, limite trop réaliste, et c’est sans doute de cette particularité que vient mon sentiment qu’il lui manque un peu de peps. Mais au fur et à mesure des mésaventures de Morio Chitô (qui, à son corps défendant, se retrouve de plus en plus pris dans l’engrenage), la tension augmente et l’on commence vraiment à craindre pour lui et pour sa famille.
Pas mal du tout, en résumé. Pas une œuvre imparable mais un récit soigné, bien documenté et de plus en plus prenant.
Eric Corbeyran est un auteur extrêmement prolifique et sa production va de l’excellent au médiocre, à mes yeux. Mais une chose demeure, même dans le cas d’œuvres qui ne m’ont pas séduit : il sait écrire un scénario de bande dessinée. Ses histoires sont bien racontées, ses dialogues fonctionnent, son découpage est clair. Avec lui, on sait qu’on aura un récit facile d’accès.
Michel Colline était un parfait inconnu à mes yeux mais c’est son travail (auquel je m’en voudrais de ne pas associer celui du coloriste Cyril Saint-Blancat) qui m’a convaincu d’acheter cet album. Son trait est bourré de personnalité et ses grandes cases recèlent de petits détails qui parviennent à rendre l’univers créé pour l’occasion très immersif et jouissif. Ses personnages sont très expressifs et son mélange de style, entre hommage à l’esthétique des années ’50 et une vraie modernité de trait, dégage un charme auquel j’ai été très sensible.
Le synopsis est très classique. Comme l’indique l’éditeur lui-même, il est difficile de ne pas penser à 1984 ou à Brazil en le découvrant. Cette dystopie, qui se veut critique de notre société de consommation, n’est pas des plus originales mais le concept marche bien. Il y a un côté rassurant car les marqueurs de ce genre de récit sont tous bien présents, depuis le concept Big Brother à la galerie des personnages en passant par l’organisation secrète qui s’oppose au système. Sans doute cet univers aurait-il été trop prévisible s’il n’y avait eu un élément en plus. Cet élément est, cerise sur le gâteau, tout-à-fait logique dans un univers qui tend ainsi à effacer les personnalités et à faire disparaître ceux qui ne servent pas le système. Ce petit détail en plus sauve cet univers du déjà trop souvent vu.
L’histoire est celle à laquelle on s’attend. Elle est plaisante à suivre grâce à une belle galerie de personnages auxquels on s’attache facilement, à des dialogues plaisants, à des décors dans lesquels il est bon de s’égarer, à des rebondissements qui à défaut de réellement surprendre relancent bien l’intrigue.
La fin, par contre, m’a déçu tant je l’ai trouvée facile et expédiée même si cette manière de procéder permet aux auteurs de montrer combien un système qu’une majorité suit aveuglément peut être fragile et ne reposer sur rien sinon sur nos habitudes (et c’est, je pense, le but recherché).
Un mot enfin sur un détail qui m’a plu : le grain sur la couverture vraiment agréable au toucher.
Au final, je ne regrette pas mon achat même si j’aurais aimé un peu plus d’originalité et surtout une fin plus marquante. Mais c’est une chouette dystopie, classique mais plaisante.
Suite à l'attaque de Pearl Harbour et à l'engagement américain dans la Seconde Guerre Mondiale, l'armée US mobilise toute la population masculine entre 18 et 45 ans. Toute ? Non ! Outre les exemptés d'office, un tri médical et psychologique est opéré au recrutement pour exclure les délinquants, les psychopathes, les alcooliques et... les homosexuels, même ceux désireux de s'engager pour servir leur patrie. Alan est un jeune médecin chargé de faire ce tri. Après avoir accepté une recrue qui s'avère gay, il tombe finalement sous son charme et découvre le monde des homosexuels de l'époque, et en particulier des quelques-uns qui ont réussi à s'engager dans l'armée. Ceux-ci seront confrontés alors à deux combats : contre l'ennemi Japonais d'une part, et contre la répression interne à l'armée d'autre part.
Alcante, notamment scénariste de La Bombe, s'oriente de plus en plus vers des BD à caractère historique au contenu bien documenté. Le sujet de cette dernière est aussi bien documentaire que militant. Son héros et narrateur est en effet présenté en parallèle des décennies plus tard, soutenant la promulgation par Barack Obama de l'abolition de la loi "Don't ask, don't tell", permettant ainsi aux homosexuels d'être complètement acceptés dans l'armée américaine.
Bernardo Muñoz le met en scène avec un style réaliste et soigné. Il y a une vraie patte et une vraie maîtrise technique dans son trait et dans le travail des couleurs. Le résultat est peut-être légèrement académique mais c'est du bon boulot à tous les niveaux. Je regrette juste la représentation choisie pour celui qui va charmer le héros, ce fameux Merle qui a tout du bel ange blond souriant et charmeur : il m'apparait trop stéréotypé dans son genre.
L'histoire est bonne et bien rythmée. On la suit avec intérêt, découvrant une réalité relativement peu connue sur la vie des homosexuels à l'époque, et sur le traitement parfois injuste et parfois même criminel de l'armée envers eux. C'est aussi avec curiosité qu'on se demande comment va évoluer la relation entre les deux héros et ce qu'il va advenir d'eux. Toutefois, malgré l'implication romantique des personnages, la BD garde un léger aspect documentaire historique dans son ton et sa forme narrative qui empêche l'émotion d'être pleinement partagée.
C'est un album joliment dessiné, instructif et plutôt prenant, mais pas aussi touchant qu'il aurait pu l'être.
Je connais assez bien le phénomène du Dust Bowl puisque après ma lecture de Steinbeck durant ma jeunesse, j'ai été chercher des clés de compréhension du récit. De fait, la BD me parlait de certaines choses que j'avais déjà en tête mais ça ne m'a pas empêché de découvrir quelques petits détails supplémentaires qui m'étaient inconnus.
Cela étant dit, il y a un réel écueil dans cette BD selon moi. Mais en commençant par les qualités, je dois reconnaitre un dessin efficace, qui joue sur les grandes planches pour étaler les conséquences de ces tempêtes de poussières. Il y a aussi le jeu sur les couleurs, ocre/jaune/brun de cette terre dévastée par un phénomène climatique d'ampleur.
L'autre aspect est l'impact de l'homme sur son environnement, qui rentre parfaitement en résonance avec l'actualité. Le trajet de cet homme dans la dévastation causée par celle-ci et la découverte progressive de son ampleur, tant sur la nature que sur ses habitants, est assez bien dosée.
Maintenant, il y a bien un écueil dans le récit, et c'est le personnage principal. Si je comprends son arc narratif et les raisons de l'avoir mis ici, je trouve que le résultat de son parcours personnel et du Dust Bowl ne fonctionne pas. Il n'y a pas de réelle résonance entre les deux, surtout que sa conclusion quant à la photo à de la gueule, certes, mais me semble très en désaccord avec ce qu'on a vu précédemment : la question de photographier pour tenter de prendre conscience de l'ampleur de ce qu'il se passe. En l'état, je trouve que la fin reflète son rapport à la photo, comme si le Dust Bowl était finalement une révélation pour lui, semblant indiquer que le récit se concentre avant tout sur John. Mais à mes yeux, la narration privilégie la documentation du phénomène, qui semble bien au cœur du récit jusqu'à la fin. Cette dissonance est d'autant plus forte que je trouvais l'histoire de John très contemporaine dans ses questionnements et ses choix. Pas sur qu'en pleine Amérique de la Grande Dépression, une personne ayant les moyens de faire de la photo (encore peu courant à l'époque) ait fait ces choix-là. C'est chouette niveau narration, ça me parait assez peu crédible dans le récit.
Bref, il y a une sorte d'entre deux étonnant dans le récit, entre documentation sur le phénomène et récit initiatique. Le tout est assez mal mélangé et personnellement je n'ai pas compris l'acte final. Surtout qu'au final, c'est bien la photo qui a permis de transmettre l'ampleur de cette catastrophe et d'avoir aujourd'hui autant de matière pour en tirer une fiction.
J'ai surtout l'impression que les questions sur la photo présente dans la BD sont en phase avec l'actualité de la sortie (IA, fake, images retouchées ...) et beaucoup moins avec cette époque. Non pas que le trucage n'existait pas, comme précisé dans le livre, mais que la question de son importance était sans doute bien moindre.
Pour moi, ce sont deux moitiés de projets collés ensemble sans que les liens soit évidents. Et à mon gout, l'une des deux est bien plus faible que l'autre. Dommage, j'aurais aimé rester sur le phénomène qui m'a beaucoup intéressé !
Implacables et vulnérables
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Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre qui ne nécessite qu'une connaissance superficielle des Aliens pour pouvoir être appréciée. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par Gabriel Hardman, avec une mise en couleurs réalisée par Rain Beredo. Il contient les couvertures originales d'Hardman, ainsi que les couvertures alternatives réalisées par Carlos d'Anda (*4). le tome commence par une introduction de deux pages écrites par Hardman en novembre 2018, indiquant dans quelles circonstances il a découvert Alien et à quel âge.
Sur la colonie Trono, sur la Lune LV-871, le jeune Maxon (un garçon de douze ans) se réveille en sursaut. Il se lève et se rend compte qu'il y a une personne en train de tirer sur un agresseur invisible dans le passage en dessous de sa chambre. Soudain sa fenêtre vole en éclat et il se retrouve projeté à terre par le souffle. Il se relève avec plus de peur que de mal et court chercher du réconfort dans la chambre de sa mère. Il découvre qu'il y a une sorte de gros insecte à 8 pattes avec une longue queue sur son visage. Il a un mouvement de recul et voit son visage dans le miroir ; il en retire un débris de verre alors que le gros insecte tombe par terre. Sa mère se réveille d'un coup. Il se jette dans ses bras. À l'extérieur les combats font rage et plusieurs bâtiments sont la proie des flammes. Sur l'écran d'information de la chambre, un message de l'entreprise Weyland-Yutani clignote indiquant une alerte code jaune. La mère intime à Maxon de s'habiller et de prendre des affaires dans son sac de classe.
La mère convainc son fils de partir : il faut qu'ils se rendent au spatioport pour monter à bord d'une navette d'évacuation. En descendant l'escalier, ils doivent passer par-dessus le cadavre d'un homme. La mère en profite pour ramasser son fusil. Ils se retrouvent face à un xénomorphe et se tiennent immobiles. La créature les ignore ; ils poursuivent leur périlleux chemin. Au dehors le chaos règne, entre véhicules renversés et cadavres. La mère réussit à faire démarrer l'un des véhicules du garage. En passant dans les rues, ils voient deux xénomorphes s'acharner sur un cadavre humain. L'un des pneus finit par crever et le véhicule s'immobilise en plein milieu de la rue, avec plusieurs xénomorphes qui commencent à s'approcher et à monter le toit du véhicule. Soudain surgit un autre véhicule qui les percute. La voiture est renversée, mais les xénomorphes volent au loin. le conducteur sort de la voiture utilisée comme un bélier, et enjoint Maxon et sa mère de le rejoindre. Il s'agit de l'assistant administrateur Waugh. le périple pour rejoindre le spatioport maintenant tout proche peut continuer.
Dans l'introduction, Gabriel Hardman explique donc qu'il a découvert les xénomorphes en allant voir le film Aliens (1986) de James Cameron à l'âge de 12 ans, ce qui lui a donné l'idée de raconter son histoire avec le point de vue d'un enfant du même âge. Avec le succès du film Alien (1979) de Ridley Scott, les xénomorphes sont devenus une franchise, d'abord déclinée en film, puis en comics édités par Dark Horse à partir de 1988, à commencer par Aliens Omnibus Volume 1 et suivants. Dans un premier temps, les auteurs se sont concentrés sur la race des xénomorphes comme la forme de vie dédiée à sa survie, parfaitement adaptés à cet objectif, avec une dimension horrifique. Rapidement, les scénarios ont évolué vers une confrontation entre l'instinct de survie des humains, et la perpétuation des xénomorphes. Dans son introduction, Gabriel Hardman explicite son intention : un mélange d'horreur et d'action spectaculaire. Il indique qu'il est conscient que cet exercice est beaucoup plus difficile à réussir dans une bande dessinée que dans un film, car il n'y a pas l'aide de la musique, et c'est le lecteur qui maîtrise le rythme de l'histoire, c'est-à-dire sa vitesse de lecture, par opposition à un film où le réalisateur impose le rythme au spectateur. Néanmoins, le lecteur sait que cet auteur est à même de se montrer à la hauteur car il a déjà réalisé plusieurs histoires de science-fiction bien troussées avec sa femme Corinna Bechko, que ce soit leur propre création comme Invisible Republic (2015-), ou une version alternative très réussie d'un superhéros DC Green Lantern: Earth One Vol. 1 (2018).
Dès le départ, le lecteur sait bien qu'il ne va pas trop s'attacher aux personnages : il y a peu de chance qu'ils en réchappent, les xénomorphes étant des tueurs d'une rare efficacité. du coup, le scénariste doit déployer d'énormes efforts pour pouvoir provoquer un début d'empathie vis-à-vis de protagonistes dont l'espérance de vie est très réduite. Fort à propos, Gabriel Hardman ne perd pas de temps à essayer. Maxon reste un enfant, ou plutôt un pré-adolescent, absolument pas porté sur la pleurnicherie. On peut même dire qu'il ne prend pas le temps de faire son deuil, et qu'il se montre intrépide et déterminé jusqu'à l'inconscience, ce qui correspond bien à son âge. L'auteur ne perd pas non plus de temps à développer la personnalité des 2 autres principaux protagonistes : Waugh et la capitaine de vaisseau Sinta. Ils sont définis par leur fonction, par une caractéristique physique découverte en cours de récit pour Waugh, et par leur détermination à fuir cette colonie infestée. le fil directeur du récit est également très simple et clair : rejoindre une navette d'évacuation à tout prix. Effectivement, les quelques survivants se heurtent à plusieurs reprises aux xénomorphes dont Hardman respecte scrupuleusement la mythologie, du Face-hugger à la reine. Effectivement, le nombre de survivants diminue très rapidement. le récit est conclu en bonne et due forme. L'auteur tient sa promesse d'un récit entre horreur et spectaculaire.
Le lecteur vient donc pour voir des Aliens impitoyables massacrer des humains qui font tout pour essayer de survivre. Gabriel Hardman réalise des dessins descriptifs, avec des traits de détourage qui donnent l'impression de ne pas toujours être ébarbés, rarement polis pour obtenir des jolies courbes, et des aplats de noir plus importants que de simples ombres portées, avec des contours anguleux et parfois déchiquetés. Ces caractéristiques aboutissent à des dessins alourdis par du noir propice au surgissement de créatures violentes, à une atmosphère sombre (renforcée par la mise en couleurs), à des visages fatigués par le stress et les épreuves, à des corps usés et meurtris par les coups. En tant qu'auteur complet (scénariste + dessinateur), Hardman propose une narration très cohérente et complémentaire entre intrigue et mise en images. Oui, les xénomorphes sont très réussis à chacune de leur apparition, quel que soit leur stade de développement. le dessinateur respecte leurs caractéristiques, trouve le juste milieu entre détails descriptifs et zones d'ombre mystérieuses, transcrit leurs mouvements vifs et létaux, met les personnages et le lecteur en face de leur visage dénué d'expression indifférent. Il en découle des apparitions horrifiques, et des combats très tendus. Mais, dans le même temps, les aliens donnent l'impression d'être un peu moins efficaces que d'habitude. Plusieurs personnages se sortent plutôt à bon compte de leur face-à-face, ou arrivent à s'enfuir assez facilement. En outre le sang des xénomorphes ne coulent pas beaucoup, évitant les horribles blessures à l'acide.
Gabriel Hardman fait également le nécessaire pour rendre l'action spectaculaire, en s'investissant pour donner de la consistance aux décors. le lecteur voit les protagonistes évoluer dans des endroits avec de la profondeur, se déplacer en fonction des caractéristiques de chaque lieu (volumes, obstacles) et la base de la colonie est à la fois conforme aux constructions des films et à une installation fonctionnelle et éphémère. Les courses-poursuites et les rencontres au détour d'un couloir ou d'un escalier deviennent donc plausibles, gagnant en impact sur le lecteur. L'artiste privilégie un jeu d'acteur naturaliste, sans exagération de panique ou perte de contrôle, même parfois trop en retenue pour Maxon. le lecteur observe donc des individus crédibles, autant capables de réflexion, que capables de réagir sous le coup de la montée de l'adrénaline, avec un rythme de péripéties soutenu sans être épileptique. L'investissement de l'artiste ne faiblit pas du début à la fin, et s'il ne fait pas l'effort de s'interroger sur la présence ou non des décors en fond de case, le lecteur ne ressent aucune baisse de la qualité d'immersion.
Le lecteur referme ce tome avec une impression mitigée. Gabriel Hardman a imaginé une histoire simple avec des xénomorphes s'en prenant à une petite installation. Il y greffe des observations très standards sur les manigances de la corporation Weyland-Yutani. Il prend le point de vue d'un enfant de douze ans, montrant bien comment les adultes le considèrent régulièrement comme quantité négligeable, et n'oubliant pas l'absence de notion de danger spécifique à cet âge. Pour autant, régulièrement, Maxon se comporte comme un héros adulte classique. La narration visuelle est particulièrement adaptée aux spécificités du genre Aliens, avec des dessins sombres, consistants, violents sans avoir besoin de se complaire dans le gore. Dans le même temps, le déroulement de l'intrigue recèle peu de surprises, le dénouement est plié d'avance, et l'implication émotionnelle du lecteur reste en berne. Un récit Alien bien maîtrisé, mais manquant d'incarnation.
La Mousse est la suite chronologique du précédent album de Nina Six, Les Pissenlits. On y retrouve l'alter ego de papier de l'autrice alors qu'elle s'engage progressivement dans la pente savonneuse de l'adolescence. Le corps qui change, les centres d'intérêt qui évoluent, les amies qui s'éloignent : l'album aborde tous ces sujets au travers d'une fiction aux allures fantastiques dans laquelle les changements internes de Nina trouvent un écho dans la mutation de la nature. C'est cette fameuse mousse qui commence à tout envahir, profitant d'un pipeline inachevé symbolisant les craintes environnementales actuelles.
Vous l'aurez compris, l'autrice use de beaucoup de symbolisme et de métaphores, et c'est aux lecteurs et lectrices de se faire leur propre interprétation de certains événements. Heureusement, le récit demeure léger et primesautier. le trait de l'autrice dégage une certaine candeur qui contrebalance bien la gravité du sujet de l'adolescence. De plus, l'autrice reste constamment dans une approche positive. On sent directement que rien de grave ne peut vraiment arriver et que les disputes d'hier n'empêcheront pas les réconciliations de demain.
Au final, je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les métaphores mais je ne me suis pas embêté. Un album sympa qui laisse au lecteur le plaisir de l'interprétation tout en lui proposant des personnages attachants et une vision positive des changements liés à l'adolescence.
L'intérêt majeur de ce recueil est de nous donner une image du rôle de la femme au foyer tel que l'autrice l'a vécu au Japon dans les années '80. En effet, Yamada Murasaki s’est énormément nourrie de sa propre expérience pour dresser ce portrait sensible et sans concession du nid familial. L’intérêt est double à mes yeux. D’abord parce que c’est un sujet féministe qui est très rarement abordé dans les mangas. Ensuite parce qu’il y a très peu d’autrices de cette époque qui sont publiées, surtout pour ce genre de roman graphique.
Yamada Murasaki découpe son récit en de courts chapitres, conséquence de la publication d’origine au sein de revues périodiques. Le résultat aurait pu être très syncopé mais il n’en est rien. L’évolution du personnage central est constante et ces petites scènes de la vie du foyer permettent d’en comprendre l’origine comme les aspirations de l’héroïne.
Le style graphique de la mangaka est très épuré. Il n’est pas rare qu’un visage se résume à un simple ovale ou qu’un œil ne soit pas dessiné. De même les décors se résument la plupart du temps à pas grand-chose (voire un peu moins). Ce style aurait pu me gêner mais, dans le cas présent, je le trouve très adéquat. Il se dégage du trait une forme de pudeur mais aussi une capacité à centrer l’attention du lecteur sur les attitudes et les non-dits qui sont en parfaite osmose avec la thématique du livre. Si l'intérêt se trouve dans une posture, alors le visage peut être oublié. Si l'attention doit se porter sur le visage, alors le décors peut s'effacer. Cette recherche constante d'épure devient alors une démarche artistique au service du récit. Et ça, ça me plait !
Au final, j’ai enchainé ces courts chapitres. Ils permettent de dresser un très beau portrait de femme et c’est sans doute le récit qui m’a fait le mieux ressentir la charge mentale que devaient (et doivent encore) porter beaucoup d’entre elles.
Vraiment pas mal du tout !
Expliquer aux enfants les dangers liés à l’accès libre à la pornographie via internet est une démarche qui me plait. En effet, je fais partie des personnes qui trouvent que l’on ne parle pas assez de sexualité aux enfants mais aussi qu’il est très difficile d’en parler sans créer de malaise. Ce livre est donc une très belle initiative à mes yeux même s’il n’est pas exempt de défauts.
Les chapitres qui composent celui-ci sont construits sur base de témoignages. Témoignages sur lesquels les autrices vont développer des thèmes allant du consentement à la longueur d’un rapport sexuel, toujours en comparant la réalité avec ce que propose la grosse majorité des sites pornographiques. Le ton est maternant et parfois un peu trop idéaliste à mon goût mais, dans l’ensemble, j’ai trouvé les sujets abordés pertinents et les réponses apportées bien adaptées au public visé (depuis les enfants de 9-10 ans jusqu’à leurs parents, voire leurs grands-parents, en passant par les adolescents plus ou moins émancipés). C’est en tous les cas un livre que je considère comme utile et proposé à un prix très abordable (une dizaine d’euro).
Le style graphique est assez sommaire et caractéristique du dessin de type blog (ce recueil est construit sur base d’une séries d’articles diffusés sur le journal numérique Mâtin, disponible sur Instagram). Il est tout à fait adéquat pour illustrer les propos et ne présente aucun visuel choquant (oui, messieurs dames, vous pouvez laisser vos enfants regarder le contenu, ils en verront nettement moins ici que sur internet, et rien que la morale même la plus extrême puisse réprouver).
Instructif, nécessaire, et rendant la tâche plus facile aux parents. Pas mal, quoi !
Je ne suis pas forcément le cœur de cible de ce type de roman graphique proche d’un scénario hollywoodien, avec envolées mélodramatiques, famille où, sur plusieurs générations, un destin contrariant va poursuivre de ses mauvaises ondes les femmes d’une famille d’immigrés espagnols.
Le dessin et la colorisation d’Amélie causse sont plutôt agréables. Fluide, efficace, un style simple, plus « sucré » que le récit, plus en rondeurs (proche de certains dessins animés japonais parfois pour les bouches et certaines expressions).
La narration est elle aussi agréable, même si on aurait sans doute pu développer un peu plus certains passages, certaines transitions. Sans doute le passage du roman à son adaptation BD est-il responsable de cette impression de « manque ». Mais ça n’est de toute façon pas trop important, on suit facilement cette histoire familiale, du drame des Républicains face à Franco durant la guerre d’Espagne jusqu’à la période contemporaine.
Mais c’est la petite histoire qui prend rapidement le pas sur la grande, et les drames familiaux qui irriguent l’intrigue. Une impression de malédiction artificiellement entretenu parfois, mais ça passe, finalement. Et dans les dernières pages, deux rebondissements (l’un dramatique, l’autre plus doux, frais et surprenant) concluent bien le récit.
Je suis étonné de retrouver L.F. Bollée au scénario sur ce type de sujet (mais après tout il adapte un livre), plutôt éloigné de ce que je connais de lui.
Si j’ai trouvé le dessin très lisible et efficace, je ne l’ai pas non plus trouvé extraordinaire, il y a quelques défauts et il manque sans doute de détails. Mais bon, là n’est pas l’essentiel.
Le sujet est grave, de ceux qui commencent à sortir de dessous le tapis : les violences conjugales, avec un conjoint ultra-violent, et une victime sous emprise, qui peine à trouver une échappatoire. Ça n’est hélas pas une histoire inventée, mais le récit du calvaire vécu par l’héroïne, Morgane.
Quant à son tortionnaire, en plus d’être violent et pervers, il se révèle être d’une grande immaturité, plusieurs réactions étant proches de celles qu’aurait pu avoir un gamin.
La violence subie quotidiennement par Morgane est dure à regarder, comme est difficile de l’extérieur à comprendre le temps qu’elle prend pour appeler à l’aide et tout faire pour sortir d’une spirale infernale qui aurait tout aussi bien pu se finir par sa mort – plus d’une centaine de femmes décèdent sous les coups de leur conjoint chaque année en France ! Mais le phénomène d’emprise, invisible lien, explique que les victimes hésitent à franchir le pas et dénoncer celui qui les bât.
Il faut dire que la clémence de la justice – ici illustré – peut refroidir certaines victimes. Les choses évoluent, lentement, mais elles évoluent, et en dernière page quelques chiffres et adresse/téléphone donnent un bon aperçu du sujet, et des pistes pour se défendre.
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Tokyo Cannabis
Si, dans l’ensemble, j’aurais aimé que la série dégage un peu plus de tension, je la trouve tout de même assez prenante pour continuer à la lire. Le dessin est soigné (je le trouve même d’une qualité supérieure à la moyenne pour le genre manga), les personnages sont attachants et l’histoire permet d’en apprendre assez bien sur la culture du cannabis et sur le mode de fonctionnement d’un réseau de ce type tout en conservant un certain suspense. Au début, j’ai craint que le caractère documentaire l’emporte sur l’intrigue. En effet, cette histoire est très réaliste, limite trop réaliste, et c’est sans doute de cette particularité que vient mon sentiment qu’il lui manque un peu de peps. Mais au fur et à mesure des mésaventures de Morio Chitô (qui, à son corps défendant, se retrouve de plus en plus pris dans l’engrenage), la tension augmente et l’on commence vraiment à craindre pour lui et pour sa famille. Pas mal du tout, en résumé. Pas une œuvre imparable mais un récit soigné, bien documenté et de plus en plus prenant.
Les Yeux doux
Eric Corbeyran est un auteur extrêmement prolifique et sa production va de l’excellent au médiocre, à mes yeux. Mais une chose demeure, même dans le cas d’œuvres qui ne m’ont pas séduit : il sait écrire un scénario de bande dessinée. Ses histoires sont bien racontées, ses dialogues fonctionnent, son découpage est clair. Avec lui, on sait qu’on aura un récit facile d’accès. Michel Colline était un parfait inconnu à mes yeux mais c’est son travail (auquel je m’en voudrais de ne pas associer celui du coloriste Cyril Saint-Blancat) qui m’a convaincu d’acheter cet album. Son trait est bourré de personnalité et ses grandes cases recèlent de petits détails qui parviennent à rendre l’univers créé pour l’occasion très immersif et jouissif. Ses personnages sont très expressifs et son mélange de style, entre hommage à l’esthétique des années ’50 et une vraie modernité de trait, dégage un charme auquel j’ai été très sensible. Le synopsis est très classique. Comme l’indique l’éditeur lui-même, il est difficile de ne pas penser à 1984 ou à Brazil en le découvrant. Cette dystopie, qui se veut critique de notre société de consommation, n’est pas des plus originales mais le concept marche bien. Il y a un côté rassurant car les marqueurs de ce genre de récit sont tous bien présents, depuis le concept Big Brother à la galerie des personnages en passant par l’organisation secrète qui s’oppose au système. Sans doute cet univers aurait-il été trop prévisible s’il n’y avait eu un élément en plus. Cet élément est, cerise sur le gâteau, tout-à-fait logique dans un univers qui tend ainsi à effacer les personnalités et à faire disparaître ceux qui ne servent pas le système. Ce petit détail en plus sauve cet univers du déjà trop souvent vu. L’histoire est celle à laquelle on s’attend. Elle est plaisante à suivre grâce à une belle galerie de personnages auxquels on s’attache facilement, à des dialogues plaisants, à des décors dans lesquels il est bon de s’égarer, à des rebondissements qui à défaut de réellement surprendre relancent bien l’intrigue. La fin, par contre, m’a déçu tant je l’ai trouvée facile et expédiée même si cette manière de procéder permet aux auteurs de montrer combien un système qu’une majorité suit aveuglément peut être fragile et ne reposer sur rien sinon sur nos habitudes (et c’est, je pense, le but recherché). Un mot enfin sur un détail qui m’a plu : le grain sur la couverture vraiment agréable au toucher. Au final, je ne regrette pas mon achat même si j’aurais aimé un peu plus d’originalité et surtout une fin plus marquante. Mais c’est une chouette dystopie, classique mais plaisante.
G.I. Gay
Suite à l'attaque de Pearl Harbour et à l'engagement américain dans la Seconde Guerre Mondiale, l'armée US mobilise toute la population masculine entre 18 et 45 ans. Toute ? Non ! Outre les exemptés d'office, un tri médical et psychologique est opéré au recrutement pour exclure les délinquants, les psychopathes, les alcooliques et... les homosexuels, même ceux désireux de s'engager pour servir leur patrie. Alan est un jeune médecin chargé de faire ce tri. Après avoir accepté une recrue qui s'avère gay, il tombe finalement sous son charme et découvre le monde des homosexuels de l'époque, et en particulier des quelques-uns qui ont réussi à s'engager dans l'armée. Ceux-ci seront confrontés alors à deux combats : contre l'ennemi Japonais d'une part, et contre la répression interne à l'armée d'autre part. Alcante, notamment scénariste de La Bombe, s'oriente de plus en plus vers des BD à caractère historique au contenu bien documenté. Le sujet de cette dernière est aussi bien documentaire que militant. Son héros et narrateur est en effet présenté en parallèle des décennies plus tard, soutenant la promulgation par Barack Obama de l'abolition de la loi "Don't ask, don't tell", permettant ainsi aux homosexuels d'être complètement acceptés dans l'armée américaine. Bernardo Muñoz le met en scène avec un style réaliste et soigné. Il y a une vraie patte et une vraie maîtrise technique dans son trait et dans le travail des couleurs. Le résultat est peut-être légèrement académique mais c'est du bon boulot à tous les niveaux. Je regrette juste la représentation choisie pour celui qui va charmer le héros, ce fameux Merle qui a tout du bel ange blond souriant et charmeur : il m'apparait trop stéréotypé dans son genre. L'histoire est bonne et bien rythmée. On la suit avec intérêt, découvrant une réalité relativement peu connue sur la vie des homosexuels à l'époque, et sur le traitement parfois injuste et parfois même criminel de l'armée envers eux. C'est aussi avec curiosité qu'on se demande comment va évoluer la relation entre les deux héros et ce qu'il va advenir d'eux. Toutefois, malgré l'implication romantique des personnages, la BD garde un léger aspect documentaire historique dans son ton et sa forme narrative qui empêche l'émotion d'être pleinement partagée. C'est un album joliment dessiné, instructif et plutôt prenant, mais pas aussi touchant qu'il aurait pu l'être.
Jours de sable
Je connais assez bien le phénomène du Dust Bowl puisque après ma lecture de Steinbeck durant ma jeunesse, j'ai été chercher des clés de compréhension du récit. De fait, la BD me parlait de certaines choses que j'avais déjà en tête mais ça ne m'a pas empêché de découvrir quelques petits détails supplémentaires qui m'étaient inconnus. Cela étant dit, il y a un réel écueil dans cette BD selon moi. Mais en commençant par les qualités, je dois reconnaitre un dessin efficace, qui joue sur les grandes planches pour étaler les conséquences de ces tempêtes de poussières. Il y a aussi le jeu sur les couleurs, ocre/jaune/brun de cette terre dévastée par un phénomène climatique d'ampleur. L'autre aspect est l'impact de l'homme sur son environnement, qui rentre parfaitement en résonance avec l'actualité. Le trajet de cet homme dans la dévastation causée par celle-ci et la découverte progressive de son ampleur, tant sur la nature que sur ses habitants, est assez bien dosée. Maintenant, il y a bien un écueil dans le récit, et c'est le personnage principal. Si je comprends son arc narratif et les raisons de l'avoir mis ici, je trouve que le résultat de son parcours personnel et du Dust Bowl ne fonctionne pas. Il n'y a pas de réelle résonance entre les deux, surtout que sa conclusion quant à la photo à de la gueule, certes, mais me semble très en désaccord avec ce qu'on a vu précédemment : la question de photographier pour tenter de prendre conscience de l'ampleur de ce qu'il se passe. En l'état, je trouve que la fin reflète son rapport à la photo, comme si le Dust Bowl était finalement une révélation pour lui, semblant indiquer que le récit se concentre avant tout sur John. Mais à mes yeux, la narration privilégie la documentation du phénomène, qui semble bien au cœur du récit jusqu'à la fin. Cette dissonance est d'autant plus forte que je trouvais l'histoire de John très contemporaine dans ses questionnements et ses choix. Pas sur qu'en pleine Amérique de la Grande Dépression, une personne ayant les moyens de faire de la photo (encore peu courant à l'époque) ait fait ces choix-là. C'est chouette niveau narration, ça me parait assez peu crédible dans le récit. Bref, il y a une sorte d'entre deux étonnant dans le récit, entre documentation sur le phénomène et récit initiatique. Le tout est assez mal mélangé et personnellement je n'ai pas compris l'acte final. Surtout qu'au final, c'est bien la photo qui a permis de transmettre l'ampleur de cette catastrophe et d'avoir aujourd'hui autant de matière pour en tirer une fiction. J'ai surtout l'impression que les questions sur la photo présente dans la BD sont en phase avec l'actualité de la sortie (IA, fake, images retouchées ...) et beaucoup moins avec cette époque. Non pas que le trucage n'existait pas, comme précisé dans le livre, mais que la question de son importance était sans doute bien moindre. Pour moi, ce sont deux moitiés de projets collés ensemble sans que les liens soit évidents. Et à mon gout, l'une des deux est bien plus faible que l'autre. Dommage, j'aurais aimé rester sur le phénomène qui m'a beaucoup intéressé !
Aliens - Cendres
Implacables et vulnérables - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre qui ne nécessite qu'une connaissance superficielle des Aliens pour pouvoir être appréciée. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits, dessinés et encrés par Gabriel Hardman, avec une mise en couleurs réalisée par Rain Beredo. Il contient les couvertures originales d'Hardman, ainsi que les couvertures alternatives réalisées par Carlos d'Anda (*4). le tome commence par une introduction de deux pages écrites par Hardman en novembre 2018, indiquant dans quelles circonstances il a découvert Alien et à quel âge. Sur la colonie Trono, sur la Lune LV-871, le jeune Maxon (un garçon de douze ans) se réveille en sursaut. Il se lève et se rend compte qu'il y a une personne en train de tirer sur un agresseur invisible dans le passage en dessous de sa chambre. Soudain sa fenêtre vole en éclat et il se retrouve projeté à terre par le souffle. Il se relève avec plus de peur que de mal et court chercher du réconfort dans la chambre de sa mère. Il découvre qu'il y a une sorte de gros insecte à 8 pattes avec une longue queue sur son visage. Il a un mouvement de recul et voit son visage dans le miroir ; il en retire un débris de verre alors que le gros insecte tombe par terre. Sa mère se réveille d'un coup. Il se jette dans ses bras. À l'extérieur les combats font rage et plusieurs bâtiments sont la proie des flammes. Sur l'écran d'information de la chambre, un message de l'entreprise Weyland-Yutani clignote indiquant une alerte code jaune. La mère intime à Maxon de s'habiller et de prendre des affaires dans son sac de classe. La mère convainc son fils de partir : il faut qu'ils se rendent au spatioport pour monter à bord d'une navette d'évacuation. En descendant l'escalier, ils doivent passer par-dessus le cadavre d'un homme. La mère en profite pour ramasser son fusil. Ils se retrouvent face à un xénomorphe et se tiennent immobiles. La créature les ignore ; ils poursuivent leur périlleux chemin. Au dehors le chaos règne, entre véhicules renversés et cadavres. La mère réussit à faire démarrer l'un des véhicules du garage. En passant dans les rues, ils voient deux xénomorphes s'acharner sur un cadavre humain. L'un des pneus finit par crever et le véhicule s'immobilise en plein milieu de la rue, avec plusieurs xénomorphes qui commencent à s'approcher et à monter le toit du véhicule. Soudain surgit un autre véhicule qui les percute. La voiture est renversée, mais les xénomorphes volent au loin. le conducteur sort de la voiture utilisée comme un bélier, et enjoint Maxon et sa mère de le rejoindre. Il s'agit de l'assistant administrateur Waugh. le périple pour rejoindre le spatioport maintenant tout proche peut continuer. Dans l'introduction, Gabriel Hardman explique donc qu'il a découvert les xénomorphes en allant voir le film Aliens (1986) de James Cameron à l'âge de 12 ans, ce qui lui a donné l'idée de raconter son histoire avec le point de vue d'un enfant du même âge. Avec le succès du film Alien (1979) de Ridley Scott, les xénomorphes sont devenus une franchise, d'abord déclinée en film, puis en comics édités par Dark Horse à partir de 1988, à commencer par Aliens Omnibus Volume 1 et suivants. Dans un premier temps, les auteurs se sont concentrés sur la race des xénomorphes comme la forme de vie dédiée à sa survie, parfaitement adaptés à cet objectif, avec une dimension horrifique. Rapidement, les scénarios ont évolué vers une confrontation entre l'instinct de survie des humains, et la perpétuation des xénomorphes. Dans son introduction, Gabriel Hardman explicite son intention : un mélange d'horreur et d'action spectaculaire. Il indique qu'il est conscient que cet exercice est beaucoup plus difficile à réussir dans une bande dessinée que dans un film, car il n'y a pas l'aide de la musique, et c'est le lecteur qui maîtrise le rythme de l'histoire, c'est-à-dire sa vitesse de lecture, par opposition à un film où le réalisateur impose le rythme au spectateur. Néanmoins, le lecteur sait que cet auteur est à même de se montrer à la hauteur car il a déjà réalisé plusieurs histoires de science-fiction bien troussées avec sa femme Corinna Bechko, que ce soit leur propre création comme Invisible Republic (2015-), ou une version alternative très réussie d'un superhéros DC Green Lantern: Earth One Vol. 1 (2018). Dès le départ, le lecteur sait bien qu'il ne va pas trop s'attacher aux personnages : il y a peu de chance qu'ils en réchappent, les xénomorphes étant des tueurs d'une rare efficacité. du coup, le scénariste doit déployer d'énormes efforts pour pouvoir provoquer un début d'empathie vis-à-vis de protagonistes dont l'espérance de vie est très réduite. Fort à propos, Gabriel Hardman ne perd pas de temps à essayer. Maxon reste un enfant, ou plutôt un pré-adolescent, absolument pas porté sur la pleurnicherie. On peut même dire qu'il ne prend pas le temps de faire son deuil, et qu'il se montre intrépide et déterminé jusqu'à l'inconscience, ce qui correspond bien à son âge. L'auteur ne perd pas non plus de temps à développer la personnalité des 2 autres principaux protagonistes : Waugh et la capitaine de vaisseau Sinta. Ils sont définis par leur fonction, par une caractéristique physique découverte en cours de récit pour Waugh, et par leur détermination à fuir cette colonie infestée. le fil directeur du récit est également très simple et clair : rejoindre une navette d'évacuation à tout prix. Effectivement, les quelques survivants se heurtent à plusieurs reprises aux xénomorphes dont Hardman respecte scrupuleusement la mythologie, du Face-hugger à la reine. Effectivement, le nombre de survivants diminue très rapidement. le récit est conclu en bonne et due forme. L'auteur tient sa promesse d'un récit entre horreur et spectaculaire. Le lecteur vient donc pour voir des Aliens impitoyables massacrer des humains qui font tout pour essayer de survivre. Gabriel Hardman réalise des dessins descriptifs, avec des traits de détourage qui donnent l'impression de ne pas toujours être ébarbés, rarement polis pour obtenir des jolies courbes, et des aplats de noir plus importants que de simples ombres portées, avec des contours anguleux et parfois déchiquetés. Ces caractéristiques aboutissent à des dessins alourdis par du noir propice au surgissement de créatures violentes, à une atmosphère sombre (renforcée par la mise en couleurs), à des visages fatigués par le stress et les épreuves, à des corps usés et meurtris par les coups. En tant qu'auteur complet (scénariste + dessinateur), Hardman propose une narration très cohérente et complémentaire entre intrigue et mise en images. Oui, les xénomorphes sont très réussis à chacune de leur apparition, quel que soit leur stade de développement. le dessinateur respecte leurs caractéristiques, trouve le juste milieu entre détails descriptifs et zones d'ombre mystérieuses, transcrit leurs mouvements vifs et létaux, met les personnages et le lecteur en face de leur visage dénué d'expression indifférent. Il en découle des apparitions horrifiques, et des combats très tendus. Mais, dans le même temps, les aliens donnent l'impression d'être un peu moins efficaces que d'habitude. Plusieurs personnages se sortent plutôt à bon compte de leur face-à-face, ou arrivent à s'enfuir assez facilement. En outre le sang des xénomorphes ne coulent pas beaucoup, évitant les horribles blessures à l'acide. Gabriel Hardman fait également le nécessaire pour rendre l'action spectaculaire, en s'investissant pour donner de la consistance aux décors. le lecteur voit les protagonistes évoluer dans des endroits avec de la profondeur, se déplacer en fonction des caractéristiques de chaque lieu (volumes, obstacles) et la base de la colonie est à la fois conforme aux constructions des films et à une installation fonctionnelle et éphémère. Les courses-poursuites et les rencontres au détour d'un couloir ou d'un escalier deviennent donc plausibles, gagnant en impact sur le lecteur. L'artiste privilégie un jeu d'acteur naturaliste, sans exagération de panique ou perte de contrôle, même parfois trop en retenue pour Maxon. le lecteur observe donc des individus crédibles, autant capables de réflexion, que capables de réagir sous le coup de la montée de l'adrénaline, avec un rythme de péripéties soutenu sans être épileptique. L'investissement de l'artiste ne faiblit pas du début à la fin, et s'il ne fait pas l'effort de s'interroger sur la présence ou non des décors en fond de case, le lecteur ne ressent aucune baisse de la qualité d'immersion. Le lecteur referme ce tome avec une impression mitigée. Gabriel Hardman a imaginé une histoire simple avec des xénomorphes s'en prenant à une petite installation. Il y greffe des observations très standards sur les manigances de la corporation Weyland-Yutani. Il prend le point de vue d'un enfant de douze ans, montrant bien comment les adultes le considèrent régulièrement comme quantité négligeable, et n'oubliant pas l'absence de notion de danger spécifique à cet âge. Pour autant, régulièrement, Maxon se comporte comme un héros adulte classique. La narration visuelle est particulièrement adaptée aux spécificités du genre Aliens, avec des dessins sombres, consistants, violents sans avoir besoin de se complaire dans le gore. Dans le même temps, le déroulement de l'intrigue recèle peu de surprises, le dénouement est plié d'avance, et l'implication émotionnelle du lecteur reste en berne. Un récit Alien bien maîtrisé, mais manquant d'incarnation.
La Mousse
La Mousse est la suite chronologique du précédent album de Nina Six, Les Pissenlits. On y retrouve l'alter ego de papier de l'autrice alors qu'elle s'engage progressivement dans la pente savonneuse de l'adolescence. Le corps qui change, les centres d'intérêt qui évoluent, les amies qui s'éloignent : l'album aborde tous ces sujets au travers d'une fiction aux allures fantastiques dans laquelle les changements internes de Nina trouvent un écho dans la mutation de la nature. C'est cette fameuse mousse qui commence à tout envahir, profitant d'un pipeline inachevé symbolisant les craintes environnementales actuelles. Vous l'aurez compris, l'autrice use de beaucoup de symbolisme et de métaphores, et c'est aux lecteurs et lectrices de se faire leur propre interprétation de certains événements. Heureusement, le récit demeure léger et primesautier. le trait de l'autrice dégage une certaine candeur qui contrebalance bien la gravité du sujet de l'adolescence. De plus, l'autrice reste constamment dans une approche positive. On sent directement que rien de grave ne peut vraiment arriver et que les disputes d'hier n'empêcheront pas les réconciliations de demain. Au final, je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les métaphores mais je ne me suis pas embêté. Un album sympa qui laisse au lecteur le plaisir de l'interprétation tout en lui proposant des personnages attachants et une vision positive des changements liés à l'adolescence.
Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté
L'intérêt majeur de ce recueil est de nous donner une image du rôle de la femme au foyer tel que l'autrice l'a vécu au Japon dans les années '80. En effet, Yamada Murasaki s’est énormément nourrie de sa propre expérience pour dresser ce portrait sensible et sans concession du nid familial. L’intérêt est double à mes yeux. D’abord parce que c’est un sujet féministe qui est très rarement abordé dans les mangas. Ensuite parce qu’il y a très peu d’autrices de cette époque qui sont publiées, surtout pour ce genre de roman graphique. Yamada Murasaki découpe son récit en de courts chapitres, conséquence de la publication d’origine au sein de revues périodiques. Le résultat aurait pu être très syncopé mais il n’en est rien. L’évolution du personnage central est constante et ces petites scènes de la vie du foyer permettent d’en comprendre l’origine comme les aspirations de l’héroïne. Le style graphique de la mangaka est très épuré. Il n’est pas rare qu’un visage se résume à un simple ovale ou qu’un œil ne soit pas dessiné. De même les décors se résument la plupart du temps à pas grand-chose (voire un peu moins). Ce style aurait pu me gêner mais, dans le cas présent, je le trouve très adéquat. Il se dégage du trait une forme de pudeur mais aussi une capacité à centrer l’attention du lecteur sur les attitudes et les non-dits qui sont en parfaite osmose avec la thématique du livre. Si l'intérêt se trouve dans une posture, alors le visage peut être oublié. Si l'attention doit se porter sur le visage, alors le décors peut s'effacer. Cette recherche constante d'épure devient alors une démarche artistique au service du récit. Et ça, ça me plait ! Au final, j’ai enchainé ces courts chapitres. Ils permettent de dresser un très beau portrait de femme et c’est sans doute le récit qui m’a fait le mieux ressentir la charge mentale que devaient (et doivent encore) porter beaucoup d’entre elles. Vraiment pas mal du tout !
Pop-Porn
Expliquer aux enfants les dangers liés à l’accès libre à la pornographie via internet est une démarche qui me plait. En effet, je fais partie des personnes qui trouvent que l’on ne parle pas assez de sexualité aux enfants mais aussi qu’il est très difficile d’en parler sans créer de malaise. Ce livre est donc une très belle initiative à mes yeux même s’il n’est pas exempt de défauts. Les chapitres qui composent celui-ci sont construits sur base de témoignages. Témoignages sur lesquels les autrices vont développer des thèmes allant du consentement à la longueur d’un rapport sexuel, toujours en comparant la réalité avec ce que propose la grosse majorité des sites pornographiques. Le ton est maternant et parfois un peu trop idéaliste à mon goût mais, dans l’ensemble, j’ai trouvé les sujets abordés pertinents et les réponses apportées bien adaptées au public visé (depuis les enfants de 9-10 ans jusqu’à leurs parents, voire leurs grands-parents, en passant par les adolescents plus ou moins émancipés). C’est en tous les cas un livre que je considère comme utile et proposé à un prix très abordable (une dizaine d’euro). Le style graphique est assez sommaire et caractéristique du dessin de type blog (ce recueil est construit sur base d’une séries d’articles diffusés sur le journal numérique Mâtin, disponible sur Instagram). Il est tout à fait adéquat pour illustrer les propos et ne présente aucun visuel choquant (oui, messieurs dames, vous pouvez laisser vos enfants regarder le contenu, ils en verront nettement moins ici que sur internet, et rien que la morale même la plus extrême puisse réprouver). Instructif, nécessaire, et rendant la tâche plus facile aux parents. Pas mal, quoi !
La Commode aux tiroirs de couleurs
Je ne suis pas forcément le cœur de cible de ce type de roman graphique proche d’un scénario hollywoodien, avec envolées mélodramatiques, famille où, sur plusieurs générations, un destin contrariant va poursuivre de ses mauvaises ondes les femmes d’une famille d’immigrés espagnols. Le dessin et la colorisation d’Amélie causse sont plutôt agréables. Fluide, efficace, un style simple, plus « sucré » que le récit, plus en rondeurs (proche de certains dessins animés japonais parfois pour les bouches et certaines expressions). La narration est elle aussi agréable, même si on aurait sans doute pu développer un peu plus certains passages, certaines transitions. Sans doute le passage du roman à son adaptation BD est-il responsable de cette impression de « manque ». Mais ça n’est de toute façon pas trop important, on suit facilement cette histoire familiale, du drame des Républicains face à Franco durant la guerre d’Espagne jusqu’à la période contemporaine. Mais c’est la petite histoire qui prend rapidement le pas sur la grande, et les drames familiaux qui irriguent l’intrigue. Une impression de malédiction artificiellement entretenu parfois, mais ça passe, finalement. Et dans les dernières pages, deux rebondissements (l’un dramatique, l’autre plus doux, frais et surprenant) concluent bien le récit.
Il m'a volé ma vie
Je suis étonné de retrouver L.F. Bollée au scénario sur ce type de sujet (mais après tout il adapte un livre), plutôt éloigné de ce que je connais de lui. Si j’ai trouvé le dessin très lisible et efficace, je ne l’ai pas non plus trouvé extraordinaire, il y a quelques défauts et il manque sans doute de détails. Mais bon, là n’est pas l’essentiel. Le sujet est grave, de ceux qui commencent à sortir de dessous le tapis : les violences conjugales, avec un conjoint ultra-violent, et une victime sous emprise, qui peine à trouver une échappatoire. Ça n’est hélas pas une histoire inventée, mais le récit du calvaire vécu par l’héroïne, Morgane. Quant à son tortionnaire, en plus d’être violent et pervers, il se révèle être d’une grande immaturité, plusieurs réactions étant proches de celles qu’aurait pu avoir un gamin. La violence subie quotidiennement par Morgane est dure à regarder, comme est difficile de l’extérieur à comprendre le temps qu’elle prend pour appeler à l’aide et tout faire pour sortir d’une spirale infernale qui aurait tout aussi bien pu se finir par sa mort – plus d’une centaine de femmes décèdent sous les coups de leur conjoint chaque année en France ! Mais le phénomène d’emprise, invisible lien, explique que les victimes hésitent à franchir le pas et dénoncer celui qui les bât. Il faut dire que la clémence de la justice – ici illustré – peut refroidir certaines victimes. Les choses évoluent, lentement, mais elles évoluent, et en dernière page quelques chiffres et adresse/téléphone donnent un bon aperçu du sujet, et des pistes pour se défendre.