Depuis que j’ai appris l’existence de cette bd, j’ai toujours souhaité l’acheter tant son dessin m’attirait, donc quel ne fut pas mon bonheur quand je l’ai dégotée dans ma libraire d’occasion favorite ! La BD suit la chute et décadence de Renata. Suite à la rencontre infortunée avec Corbeau et Béluga (sacrés prénoms), Renata se laisse tomber dans une vie marginale qui lui permet de se libérer de ses pressions familiales, amoureuses et professionnelles mais qui l’entraîne également dans une spirale de violence et de destin tragique.
Ce que j’ai adoré dans cette œuvre c’est le dessin avec ces coups de crayons brouillons et parfaitement maîtrisés et qui collent avec le sens de liberté que dégage l’œuvre, et également ces 50 nuances de rouge-rosé qui match les différentes thématiques de l’œuvre.
L’histoire est sympa à suivre mais je trouve les instants poétiques un peu trop caricaturales et faussement poétiques ; une belle lecture quand même !
C'est un simple code Pig Pen.
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Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre initialement parue en 2009. Elle est l'œuvre de Christian de Metter qui en a écrit le scénario et réalisé les planches en peinture directe.
Le soir du 16 novembre 1959, Truman Capote se félicite d'être en retard pour son rendez-vous dans un bar de New York. Il y pénètre et s'assoie à une table, tout en constatant que son rendez-vous n'est pas encore arrivé, alors qu'il a une heure de retard. Un jeune homme attablé et qui l'a vu entrer se lève et se rend aux toilettes. Devant la glace au-dessus du lavabo, Norman Wells se demande comment il peut aborder Capote et s'il va réussir à en trouver le courage. Alors qu'il retourne dans la salle, il voit Capote héler une femme brune qui vient d'arriver, une certaine Zelda Zonk. Ils discutent de son retard, du sujet du prochain roman de Capote (un crime sordide), du fait qu'Audrey Hepburn ait été retenue pour le prochain film tiré d'un de ses romans plutôt qu'elle. Zelda boit plus que de raison et finit par s'écrouler sur la table. Norman Wells s'avance et propose ses services et sa voiture pour raccompagner Capote et Zelda à leur appartement. Capote accepte et s'endort à l'arrière alors que Norman essaye de lui parler de ses propres tentatives d'écrire un roman. Il les accompagne jusqu'à leur appartement où il les laisse cuver.
Le lendemain, Norman Wells est réveillé par le téléphone : son frère Paul L appelle pour lui reprocher d'avoir oublié de souhaiter l'anniversaire de leur mère. Il ne croit pas Norman quand il lui dit qu'il a croisé Capote. Une fois habillé, Norman Wells descend de chez lui et monte dans sa voiture (qu'il a surnommée Martine), où il retrouve l'un des escarpins de Zelda Zonk. Il décide d'aller le rendre à sa propriétaire et éprouve une surprise sans borne quand Marilyn Monroe répond à son coup de sonnette. Celle-ci lui suggère d'entrer le temps qu'elle se change avec l'aide de sa camériste, n'éprouvant aucune gêne à se déshabiller devant lui. Sa camériste lui rappelle qu'elle est en retard pour son rendez-vous ; Marilyn accepte qu'il lui serve de chauffeur pour l'emmener. Norman la dépose à l'adresse indiquée, puis se rend finalement chez sa mère. Sur place, il se rend compte qu'elle ne le croira pas et lui parle de sa vie de tous les jours. le lendemain il est appelé par un éditeur du journal qui veut savoir où en est son article, puis par Marilyn qui veut l'emmener en promenade.
Le lecteur ne peut qu'être intrigué par une couverture qui contient la promesse d'accompagner Marilyn Monroe de l'autre côté du miroir, le temps d'une histoire. Christian de Metter tient doublement sa promesse. D'une part, Marilyn Monroe est bien l'un des 2 personnages principaux du récit, et elle est présente pendant 90% de l'histoire. D'autre part, la couverture peinte n'est pas utilisée juste pour attirer l'œil du lecteur, puisque le créateur a réalisé l'intégralité de ses planches en peinture directe, à l'instar de la couverture. Il utilise sporadiquement des traits noirs ou gris tracés au pinceau, pour établir une ligne de séparation entre les formes. La majorité du temps il laisse le contraste et la différence s'établir uniquement par le biais des couleurs. Indépendamment du mode de dessin choisi, il réalise des images dans un registre descriptif, avec un degré de précision variant en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est représenté. Bien sûr, l'attention du lecteur se porte également sur l'utilisation de la couleur, puisque chaque case est peinte. Il observe que l'artiste s'en tient la plupart du temps à une utilisation naturaliste, les couleurs rendant compte de la teinte réelle de ce qui est représenté. De Metter les utilise parfois pour installer une ambiance lumineuse : la grisaille de la neige alors que la tombée de la nuit progresse, la couleur verdâtre indéfinissable des murs de la cuisine de la grande demeure, la couleur rouge passion de la chambre où se sont couchés Marilyn et Norman, le blanc stérile de la chambre d'hôpital.
Bien évidemment, le lecteur espère une Marilyn Monroe ressemblante et rayonnante, dégageant le même magnétisme qu'à l'écran. C'est placer la barre un peu haut pour l'artiste, mais c'est aussi lui qui s'est fourré dans cette situation. De Metter a indiqué dans des interviews qu'il avait regardé les films et les photographies de la star pour être en mesure de retranscrire son apparence. Il a choisi de lui donner des cheveux blond platine, de faire apparaître son grain de beauté, et de lui conserver son sourire franc. Elle n'apparaît nue que le temps d'une seule case, avec une volonté de ne pas la transformer en objet, choix régulièrement réaffirmée par les déclarations et le comportement de Norman Wells. Il sait reproduire la forme de son visage, ses expressions, ainsi que certains gestes observés dans ses films. le personnage de Marilyn apparaît donc comme un véritable individu, une personne avec ses caractéristiques gestuelles et psychologiques, et pas un fantasme à qui une actrice a donné vie dans des films. Sur ce plan, l'auteur tient ses promesses et donne la sensation au lecteur de côtoyer Norman Jeane Mortenson.
Christian de Metter réalise la majeure partie de ses cases à l'aquarelle. Afin de mieux capturer les émotions des personnages, il utilise régulièrement des traits noirs pour les yeux, les cils et les sourcils, plus rarement pour rehausser les narines. Ces 2 techniques se complémentent bien pour donner vie aux visages avec plus de précision. du coup, ces mêmes visages apparaissent un peu frustes quand le dessinateur n'utilise pas de trait noir. Il opte pour un jeu d'acteur naturaliste, avec souvent des prises de vue en plan taille ou en plan poitrine, ce qui crée un bon niveau d'intimité avec les personnages. Au fil des séquences, l'artiste plante les différents décors : le bar, l'appartement de Truman Capote, l'appartement de Norman Wells, l'appartement de sa mère, les paysages lors de la balade en voiture, l'extérieur et l'intérieur de Mirror House, et enfin le diner dans lequel Marilyn et Norman s'arrête. Il adapte le degré descriptif en fonction de la scène : parfois de qualité quasi photographique (les motifs du papier peint dans l'appartement de la mère de Norman), le plus souvent sous l'angle d'esquisse des principales formes et lignes directrices. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut ressentir les fluctuations de niveau descriptif de différentes manières : accompagnant l'état d'esprit des personnages, ou les conséquences des limites de représentation de la technique de l'aquarelle, plus qu'une intention d'auteur.
Dans un premier temps, le lecteur se focalise sur l'histoire proprement dite : une rencontre improbable (mais pas impossible) entre un jeune auteur en mal d'inspiration et une star de renommée internationale, triomphant dans le film Certains l'aiment chaud (1959) qui ne met pas en évidence son intelligence. Il suit ce duo dans une escapade à la campagne, avec une maison à l'étrange réputation. Christian de Metter dépeint Norman Wells comme un jeune homme très respectueux de Marilyn, refusant de la voir comme un objet sexuel, s'en tenant à la personne, jusqu'à coucher dans le même lit qu'elle, sans la toucher. La nuit passée à Mirror House relève de la comédie dramatique, l'auteur jouant sur l'enquête menée à tâtons par Marilyn & Norman, mais avec une résolution amenée de manière assez paisible, sans jouer sur le spectaculaire ou la dramatisation. le lecteur s'amuse à repérer les références et les sous-entendus, comme l'évocation des recherches faites par Truman Capote pour son prochain livre Les domaines hantés (1948), le roman Matthias Sandorf (1885) de Jules Verne, la chanson Go Down Moses, l'utilisation d'un code secret de Pig Pen.
S'il en reste à ce premier niveau de lecture, le lecteur en ressort avec une déception quant à une intrigue finalement cousue de fil de blanc. Dans le même temps, il garde en mémoire des passages étonnant, comme Marilyn se déshabillant sans pudeur devant Norman, le cerf mort devant la maison, la partie d'échec interrompue, ou encore Marilyn réconfortant un vieillard derrière une glace sans tain en se faisant passer pour la voix de Dieu. Il reste également étonné de l'absence de désir physique de Norman. Il referme l'ouvrage et voit l'image choisie pour figurer en quatrième de couverture : le portail métallique du domaine, avec son nom, à savoir Mirror House. L'histoire peut aussi se voir comme une façon de renvoyer l'image des personnages : l'absence de désir physique, 2 individus bourrus qui les accueillent à Mirror House, à la fois prévenants et indéchiffrables, l'innocence de la petite fille qui les incite à s'aventurer plus loin, le père qui a perdu son enfant. L'histoire comprend également une dimension psychanalytique, confrontant les personnages à leur relation avec leurs parents, mais aussi avec leur âme d'enfant. Vu sous cet angle, la nuit passée à Mirror House acquiert une autre signification, devient une révélation pour les personnages.
L'avis du lecteur dépend fortement de ce qu'il est venu chercher et de sa sensibilité pour une forme de conte jouant sur la mise en scène des non-dits et la représentation de l'inconscient. Christian de Metter tient sa promesse de mettre en scène Marilyn Monroe, avec une approche naturaliste et une volonté de montrer l'individu et pas la star ou le fantasme qu'elle incarne. L'intrigue se lit facilement avec des moments surprenants, mais ne prend son ampleur que sous réserve de se prêter au jeu de l'interprétation. La mise en images est effectuée sur la base d'aquarelle, avec une Marilyn ressemblante et une narration visuelle claire, à la consistance fluctuante, ce que le lecteur met ou non sur le compte de la nature des séquences.
Peter Bagge imagine ce qui arrive si un jour la ville de Seattle est victime d'une attaque nucléaire. On suit deux jeunes adultes un peu cons qui apprennent la nouvelle et le basculement dans un environnement où tout le monde est en monde survie et c'est chacun pour soi.
Le ton est satirique et comme c'est souvent le cas avec cet auteur, l'humour m'a fait sourire, mais je n'ai pas vraiment rigolé. Le scénario est sympathique, mais au final on a surtout droit à une accumulation des poncifs du genre et en plus il n'y a pas vraiment de fin, ce qui rend la lecture un peu frustrante. En plus, les personnages sont toujours dans les bois et on voit jamais ce qui est vraiment arrivé à Seattle, on a juste le témoignage de personnages secondaires que les deux héros rencontrent. Le dessin de Bagge va très bien à ce genre de scénario un peu délirant.
Au final, ça se laisse lire, mais ce n'est pas transcendant.
Haut Moyen Âge, isolée quelque part sur la côte Normande, une femme élève seule ses deux enfants. Ayant perdu son mari viking, elle craint la haine des locaux qui la considèrent comme une sorcière. Et c'est bien la haine qui va amener au meurtre de son aîné et au désir de vengeance qui va empoisonner la vie du plus jeune des deux.
Un titre évocateur, une couverture très attirante, la promesse d'un récit médiéval où se mêlent cultures celte, franque et viking, les attraits sont nombreux pour amener le lecteur à cette BD. Il faut avouer que Sophie Leullier a un chouette coup de crayon et qu'elle offre des planches charmantes. On y sent son expérience d'illustratrice jeunesse dans son sens de l'esthétisme, de la mise en scène et le choix judicieux des couleurs, tandis que le dynamisme et l'expressivité de ses personnages donne aussi l'impression d'une influence de l'animation. On sent aussi toutefois qu'il s'agit là de sa première BD car la narration graphique n'est pas impeccable. On regrettera en particulier la trop grande ressemblance entre les deux frères quand ils atteindront le même âge, ce qui embrouillera d'autant plus le lecteur qu'on s'y perd aussi entre les différents fantômes de l'aîné, les visions et les multiples flash-back. Cela mène à une certaine confusion qui pénalise la clarté de la lecture et lui donne des allures inutilement alambiquées.
On regrettera aussi les éléments moteurs de l'intrigue presque tous le résultat de haines aveugles : celle des villageois envers la jeune mère puis celle des deux vengeances ensuite. Autant celle du fils peut être compréhensible, mais celle de l'autre femme, sur autant d'années, parait forcée vu les circonstances initiales et d'autant plus manichéenne qu'elle l'abandonne abruptement sur un simple dialogue en fin d'album. Cela sonne comme une forme de romantisme artificiel un peu immature. De même, la défaillance de communication entre la mère et le fils (et un peu avant aussi entre les deux frères) ressemble à une crise d'adolescence exacerbée que le comportement de la mère n'arrive pas à arranger.
Et c'est bien dommage car à côté de cela, tout le traitement du deuil est raconté avec justesse. Au sentiment de culpabilité et aux étapes du deuil que la mère et le fils parcourent de manière bien différente, se mêlent des éléments de folklore celte et viking et une part de fantastique en la présence de deux incarnations opposées de l'âme du frère défunt. Il s'en dégage une réelle originalité dans le traitement du sujet et des planches finales assez touchantes.
Et comme tout cela est agréablement servi par le beau graphisme de l'autrice, cela donne envie de lire et de savourer l'ensemble.
Je me suis enfin lancé dans la lecture de mon premier Chabouté, avec une appétence pour les récits en noir et blanc. Je ne suis pas déçu de ma lecture, j'ai exprimé quelques émotions pour notre pauvre "tout seul" du haut de son phare. J'ai apprécié le ton aérien choisi par l'auteur, sur la lecture de son oeuvre, ça nous laisse le temps de nous plonger dans l'ambiance, de comprendre certaines scènes et de contempler les traits de son dessin exceptionnel.
En parlant de scènes, certaines sont tout de même redondantes, surtout celle du chalutier qui dépose sa cargaison au phare. Même si elle reste nécessaire pour l'avancé de l'intrigue, je la trouve juste surexploitée. Par contre celles sur notre protagoniste sont juste grandioses, nous mêlant à sa vision avec des mots que nous connaissons, qui diffèrent totalement de notre propre perception, du génie.
J'en conclue de vouloir découvrir d'autres oeuvres de cet auteur.
Jeshua et ses proches amis/amants tiennent un salon de beauté le jour et se travestissent pour vendre leurs charmes la nuit. Mais leur vie est bouleversée par l'apparition d'une maladie recouvrant doucement mais sûrement les corps humains de sortes d'écailles colorées dont la beauté ne masque pas l'inéluctable mortalité. Très contagieuse, il suffit d'un contact physique avec ces parties colorées pour tomber à son tour malade. Alex est le premier d'entre eux à être affecté et les rares médecins qui acceptent de traiter les "gens comme eux", à savoir les homosexuels et autres travestis, n'ont aucune solution médicale à leur apporter. Face à cette fatalité et à la manière dont elle se propage dans toute la communauté homosexuelle, Jeshua décide de transformer son salon en un lieu d'accueil pour les plus malades pour que quelqu'un puisse s'occuper d'eux et ne pas les laisser mourir seuls dans la rue.
Quand j'ai lu cette BD, j'ai trouvé son thème étrangement daté pour une BD d'aujourd'hui. Beaucoup de ses passages m'ont notamment fait penser au film Les Nuits Fauves de Cyril Collard qui a aujourd'hui plus de 30 ans. C'est parce que je ne savais pas qu'il s'agissait de l'adaptation d'un roman mexicain des années 90. Si le mot n'est jamais cité, il s'agit en effet sans doute possible d'une métaphore de l'épidémie de SIDA des années 80 et 90, et de ses ravages dans la communauté gay de l'époque. Et comme à l'époque on voyait le SIDA comme "la maladie des gays", l'auteur place la maladie de cette BD dans un même contexte où seuls les homosexuels sont affectés et où ils se retrouvent isolés face à une société qui les rejette et les laisse mourir comme on se débarrasse de déchets humains.
L'auteur traite le sujet comme dans le roman, par une métaphore assez poétique où l'horreur prend des allures colorées et la beauté de poissons et d'aquariums omniprésents tant dans l'histoire que dans le graphisme. Cet esthétisme prend un peu le pas sur la clarté du dessin mais elle permet d'instaurer une ambiance onirique, comme un rêve terrible et désespéré. Il transmet également bien son attrait pour les corps et la sensualité des uns et des autres même dans les pires instants.
L'histoire est assez simple, implacable, et il n'y aura pas de fin heureuse, mais elle dégage une certaine poésie, une triste poésie, et elle reflète bien l'angoissante manière dont la communauté gay a été ravagée et laissée sans espoir à l'époque.
Benoist Simmat avait déroulé en 2018, avec Daniel Casanave, L'Incroyable histoire du vin. Mais il n'avait semble-t-il pas tout dit et revient donc six ans après avec le même complice pour nous parler de la lente maturation des grands crus, au long de plusieurs siècles parfois. Pour cela, il remet en scène Dyonisos, son double de papier, toujours accompagné de Garance, la jeune femme aux cheveux longs qui a envie d'en savoir plus. Il déroule donc toute l'histoire du vin, depuis l'époque de -9 000 ans, lorsque la domestication du raisin a été mise en place (c'est peut-être même encore plus ancien). Cela aurait commencé en l'actuelle Géorgie, pour ensuite rayonner dans les régions proches du Moyen-Orient, puis la Méditerranée, la Syrie, pour se développer dans le monde entier. L'album s'attache à l'aspect politique (et parfois diplomatique) du choix de certains producteurs de réserver leurs productions aux grands de ce monde, un choix souvent dictés par les puissants eux-mêmes. Rois, papes, œnologues réputés se succèdent donc parmi les références, au travers de deux cents pages où Daniel Casanave fait du bon boulot, emplissant ses planches de paysages divers, de personnages hauts en couleurs pour accompagner les textes fournis par Simmat.
C'est un boulot de titan, reprenant de nombreux articles (cités en annexes), s'attachant à de nombreuses découvertes récentes sur le sujet. C'est traité de façon globalement sérieuse, un petit peu de pop culture de temps en temps sans en faire trop. C'est intéressant, bien foutu, mais...
Je ne suis pas très intéressé par le sujet, hélas. Je bois très occasionnellement du vin, mais n'ai pas développé un goût particulier pour la chose. Je pense que la cible est constituée par des amateurs plus éclairés que moi.
Un album vite lu, plutôt agréablement, même si j’aurais aimé une histoire plus longue et développée.
Tout est sec ici. Que ce soient les paysages, le décors (une région déserte et aride d’Espagne ?), franchement rétifs à accueillir la vie.
Et il faut dire que la vie qu’on nous donne à voir ici est des plus instables et fragiles. Un gamin, qui fuit les violences en tous genres de son père et d’un notable de son village, s’enfuit, et rejoint un vieux berger solitaire et son troupeau, qui va « l’escorter » et, sans trop parler ni lui manifester de l’empathie, ce vieux bonhomme va le sauver, lui transmettre son savoir et surtout une soif de vie nécessaire dans ce milieu hostile.
Des solitaires taiseux, une intrigue minimaliste et des décors d’une région semi-raide, on a là quelque chose qui a priori peut rebuter. Mais comme un oued à sec, on est surpris de découvrir de la vie et de l’intérêt dans cette histoire, que j’ai aimée. Et le dessin de Javi Rey – proche de Gipi parfois – est raccord avec l’ensemble : sans fioriture, efficace.
Cette BD est une intéressante manière de représenter la société humaine lors de la Préhistoire et son rapport à l'art pariétal. Sa particularité est un certain optimisme, une vision relativement heureuse de la vie des hommes préhistoriques qui s'éloigne de l'âpre combat pour la survie au quotidien auquel on peut être habitué quand on pense aux hommes des cavernes. Certains d'entre eux peuvent vivre vieux, c'est déjà tout dire. C'est une vision assez égalitaire également avec des femmes et des hommes dédiés aux mêmes tâches, certaines femmes partant à la chasse, certains hommes se consacrant aux travaux plus rituels, et avec un respect égal des uns envers les autres. Et enfin une vision spirituelle également, avec la mise en avant de croyances shamaniques et d'une mythologie bien établie et partagées entre différents clans sur de grandes distances. C'est une vision peut-être fausse, peut-être romantique mais elle reste crédible et agréable.
C'est également le cas du dessin qui est tout à fait plaisant et agréablement colorisé. La mise en scène suit un rythme un peu abrupt, avec quelques sauts chronologiques qui nous amènent à couvrir une cinquantaine d'années le long de l'album, mais elle reste à échelle humaine et même si on s'y attache pas parfaitement bien, on suit tout de même assez bien le parcours de l'héroïne du début à la fin.
Et j'ai bien aimé aussi le rapport final avec la peinture de la grotte Chauvet qui m'avait, moi aussi, épaté quand je l'avais découvert. Incroyable de penser qu'un dessin aussi âgé pouvait être aussi talentueux et moderne.
En définitive, c'est un bel hommage à l'art pariétal qui redonne profondeur et complexité à la société humaine à l'époque préhistorique. J'ai bien aimé, sans pour autant avoir été complètement transporté.
2.5
C'est effectivement le genre de lecture où il faut bien s'accrocher pour bien tout comprendre. Je peux comprendre que certains ont abandonné avant la fin. Je pense que j'aurai fait la même chose si je n'avais pas lu l'intégrale.
Je me demande toutefois si je n'aurais pas dû tout simplement abandonner, parce que mes efforts ont été récompensés par un scénario que j'ai trouvé moyen. Il y a des bons moments, mais je n'ai jamais été captivé. Il faut dire que ce qui n'aide pas, c'est que le dessin est typiquement le genre de dessin réaliste que je trouve froid et qui ne dégage aucune émotion. Peut-être que j'aurais mieux accroché si c'était dessiné dans un style que j'aime.
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Comme un frisson
Depuis que j’ai appris l’existence de cette bd, j’ai toujours souhaité l’acheter tant son dessin m’attirait, donc quel ne fut pas mon bonheur quand je l’ai dégotée dans ma libraire d’occasion favorite ! La BD suit la chute et décadence de Renata. Suite à la rencontre infortunée avec Corbeau et Béluga (sacrés prénoms), Renata se laisse tomber dans une vie marginale qui lui permet de se libérer de ses pressions familiales, amoureuses et professionnelles mais qui l’entraîne également dans une spirale de violence et de destin tragique. Ce que j’ai adoré dans cette œuvre c’est le dessin avec ces coups de crayons brouillons et parfaitement maîtrisés et qui collent avec le sens de liberté que dégage l’œuvre, et également ces 50 nuances de rouge-rosé qui match les différentes thématiques de l’œuvre. L’histoire est sympa à suivre mais je trouve les instants poétiques un peu trop caricaturales et faussement poétiques ; une belle lecture quand même !
Marilyn - De l'autre côté du miroir
C'est un simple code Pig Pen. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre initialement parue en 2009. Elle est l'œuvre de Christian de Metter qui en a écrit le scénario et réalisé les planches en peinture directe. Le soir du 16 novembre 1959, Truman Capote se félicite d'être en retard pour son rendez-vous dans un bar de New York. Il y pénètre et s'assoie à une table, tout en constatant que son rendez-vous n'est pas encore arrivé, alors qu'il a une heure de retard. Un jeune homme attablé et qui l'a vu entrer se lève et se rend aux toilettes. Devant la glace au-dessus du lavabo, Norman Wells se demande comment il peut aborder Capote et s'il va réussir à en trouver le courage. Alors qu'il retourne dans la salle, il voit Capote héler une femme brune qui vient d'arriver, une certaine Zelda Zonk. Ils discutent de son retard, du sujet du prochain roman de Capote (un crime sordide), du fait qu'Audrey Hepburn ait été retenue pour le prochain film tiré d'un de ses romans plutôt qu'elle. Zelda boit plus que de raison et finit par s'écrouler sur la table. Norman Wells s'avance et propose ses services et sa voiture pour raccompagner Capote et Zelda à leur appartement. Capote accepte et s'endort à l'arrière alors que Norman essaye de lui parler de ses propres tentatives d'écrire un roman. Il les accompagne jusqu'à leur appartement où il les laisse cuver. Le lendemain, Norman Wells est réveillé par le téléphone : son frère Paul L appelle pour lui reprocher d'avoir oublié de souhaiter l'anniversaire de leur mère. Il ne croit pas Norman quand il lui dit qu'il a croisé Capote. Une fois habillé, Norman Wells descend de chez lui et monte dans sa voiture (qu'il a surnommée Martine), où il retrouve l'un des escarpins de Zelda Zonk. Il décide d'aller le rendre à sa propriétaire et éprouve une surprise sans borne quand Marilyn Monroe répond à son coup de sonnette. Celle-ci lui suggère d'entrer le temps qu'elle se change avec l'aide de sa camériste, n'éprouvant aucune gêne à se déshabiller devant lui. Sa camériste lui rappelle qu'elle est en retard pour son rendez-vous ; Marilyn accepte qu'il lui serve de chauffeur pour l'emmener. Norman la dépose à l'adresse indiquée, puis se rend finalement chez sa mère. Sur place, il se rend compte qu'elle ne le croira pas et lui parle de sa vie de tous les jours. le lendemain il est appelé par un éditeur du journal qui veut savoir où en est son article, puis par Marilyn qui veut l'emmener en promenade. Le lecteur ne peut qu'être intrigué par une couverture qui contient la promesse d'accompagner Marilyn Monroe de l'autre côté du miroir, le temps d'une histoire. Christian de Metter tient doublement sa promesse. D'une part, Marilyn Monroe est bien l'un des 2 personnages principaux du récit, et elle est présente pendant 90% de l'histoire. D'autre part, la couverture peinte n'est pas utilisée juste pour attirer l'œil du lecteur, puisque le créateur a réalisé l'intégralité de ses planches en peinture directe, à l'instar de la couverture. Il utilise sporadiquement des traits noirs ou gris tracés au pinceau, pour établir une ligne de séparation entre les formes. La majorité du temps il laisse le contraste et la différence s'établir uniquement par le biais des couleurs. Indépendamment du mode de dessin choisi, il réalise des images dans un registre descriptif, avec un degré de précision variant en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est représenté. Bien sûr, l'attention du lecteur se porte également sur l'utilisation de la couleur, puisque chaque case est peinte. Il observe que l'artiste s'en tient la plupart du temps à une utilisation naturaliste, les couleurs rendant compte de la teinte réelle de ce qui est représenté. De Metter les utilise parfois pour installer une ambiance lumineuse : la grisaille de la neige alors que la tombée de la nuit progresse, la couleur verdâtre indéfinissable des murs de la cuisine de la grande demeure, la couleur rouge passion de la chambre où se sont couchés Marilyn et Norman, le blanc stérile de la chambre d'hôpital. Bien évidemment, le lecteur espère une Marilyn Monroe ressemblante et rayonnante, dégageant le même magnétisme qu'à l'écran. C'est placer la barre un peu haut pour l'artiste, mais c'est aussi lui qui s'est fourré dans cette situation. De Metter a indiqué dans des interviews qu'il avait regardé les films et les photographies de la star pour être en mesure de retranscrire son apparence. Il a choisi de lui donner des cheveux blond platine, de faire apparaître son grain de beauté, et de lui conserver son sourire franc. Elle n'apparaît nue que le temps d'une seule case, avec une volonté de ne pas la transformer en objet, choix régulièrement réaffirmée par les déclarations et le comportement de Norman Wells. Il sait reproduire la forme de son visage, ses expressions, ainsi que certains gestes observés dans ses films. le personnage de Marilyn apparaît donc comme un véritable individu, une personne avec ses caractéristiques gestuelles et psychologiques, et pas un fantasme à qui une actrice a donné vie dans des films. Sur ce plan, l'auteur tient ses promesses et donne la sensation au lecteur de côtoyer Norman Jeane Mortenson. Christian de Metter réalise la majeure partie de ses cases à l'aquarelle. Afin de mieux capturer les émotions des personnages, il utilise régulièrement des traits noirs pour les yeux, les cils et les sourcils, plus rarement pour rehausser les narines. Ces 2 techniques se complémentent bien pour donner vie aux visages avec plus de précision. du coup, ces mêmes visages apparaissent un peu frustes quand le dessinateur n'utilise pas de trait noir. Il opte pour un jeu d'acteur naturaliste, avec souvent des prises de vue en plan taille ou en plan poitrine, ce qui crée un bon niveau d'intimité avec les personnages. Au fil des séquences, l'artiste plante les différents décors : le bar, l'appartement de Truman Capote, l'appartement de Norman Wells, l'appartement de sa mère, les paysages lors de la balade en voiture, l'extérieur et l'intérieur de Mirror House, et enfin le diner dans lequel Marilyn et Norman s'arrête. Il adapte le degré descriptif en fonction de la scène : parfois de qualité quasi photographique (les motifs du papier peint dans l'appartement de la mère de Norman), le plus souvent sous l'angle d'esquisse des principales formes et lignes directrices. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut ressentir les fluctuations de niveau descriptif de différentes manières : accompagnant l'état d'esprit des personnages, ou les conséquences des limites de représentation de la technique de l'aquarelle, plus qu'une intention d'auteur. Dans un premier temps, le lecteur se focalise sur l'histoire proprement dite : une rencontre improbable (mais pas impossible) entre un jeune auteur en mal d'inspiration et une star de renommée internationale, triomphant dans le film Certains l'aiment chaud (1959) qui ne met pas en évidence son intelligence. Il suit ce duo dans une escapade à la campagne, avec une maison à l'étrange réputation. Christian de Metter dépeint Norman Wells comme un jeune homme très respectueux de Marilyn, refusant de la voir comme un objet sexuel, s'en tenant à la personne, jusqu'à coucher dans le même lit qu'elle, sans la toucher. La nuit passée à Mirror House relève de la comédie dramatique, l'auteur jouant sur l'enquête menée à tâtons par Marilyn & Norman, mais avec une résolution amenée de manière assez paisible, sans jouer sur le spectaculaire ou la dramatisation. le lecteur s'amuse à repérer les références et les sous-entendus, comme l'évocation des recherches faites par Truman Capote pour son prochain livre Les domaines hantés (1948), le roman Matthias Sandorf (1885) de Jules Verne, la chanson Go Down Moses, l'utilisation d'un code secret de Pig Pen. S'il en reste à ce premier niveau de lecture, le lecteur en ressort avec une déception quant à une intrigue finalement cousue de fil de blanc. Dans le même temps, il garde en mémoire des passages étonnant, comme Marilyn se déshabillant sans pudeur devant Norman, le cerf mort devant la maison, la partie d'échec interrompue, ou encore Marilyn réconfortant un vieillard derrière une glace sans tain en se faisant passer pour la voix de Dieu. Il reste également étonné de l'absence de désir physique de Norman. Il referme l'ouvrage et voit l'image choisie pour figurer en quatrième de couverture : le portail métallique du domaine, avec son nom, à savoir Mirror House. L'histoire peut aussi se voir comme une façon de renvoyer l'image des personnages : l'absence de désir physique, 2 individus bourrus qui les accueillent à Mirror House, à la fois prévenants et indéchiffrables, l'innocence de la petite fille qui les incite à s'aventurer plus loin, le père qui a perdu son enfant. L'histoire comprend également une dimension psychanalytique, confrontant les personnages à leur relation avec leurs parents, mais aussi avec leur âme d'enfant. Vu sous cet angle, la nuit passée à Mirror House acquiert une autre signification, devient une révélation pour les personnages. L'avis du lecteur dépend fortement de ce qu'il est venu chercher et de sa sensibilité pour une forme de conte jouant sur la mise en scène des non-dits et la représentation de l'inconscient. Christian de Metter tient sa promesse de mettre en scène Marilyn Monroe, avec une approche naturaliste et une volonté de montrer l'individu et pas la star ou le fantasme qu'elle incarne. L'intrigue se lit facilement avec des moments surprenants, mais ne prend son ampleur que sous réserve de se prêter au jeu de l'interprétation. La mise en images est effectuée sur la base d'aquarelle, avec une Marilyn ressemblante et une narration visuelle claire, à la consistance fluctuante, ce que le lecteur met ou non sur le compte de la nature des séquences.
Apocalypse Nerd
Peter Bagge imagine ce qui arrive si un jour la ville de Seattle est victime d'une attaque nucléaire. On suit deux jeunes adultes un peu cons qui apprennent la nouvelle et le basculement dans un environnement où tout le monde est en monde survie et c'est chacun pour soi. Le ton est satirique et comme c'est souvent le cas avec cet auteur, l'humour m'a fait sourire, mais je n'ai pas vraiment rigolé. Le scénario est sympathique, mais au final on a surtout droit à une accumulation des poncifs du genre et en plus il n'y a pas vraiment de fin, ce qui rend la lecture un peu frustrante. En plus, les personnages sont toujours dans les bois et on voit jamais ce qui est vraiment arrivé à Seattle, on a juste le témoignage de personnages secondaires que les deux héros rencontrent. Le dessin de Bagge va très bien à ce genre de scénario un peu délirant. Au final, ça se laisse lire, mais ce n'est pas transcendant.
Ce que les corbeaux nous laissent
Haut Moyen Âge, isolée quelque part sur la côte Normande, une femme élève seule ses deux enfants. Ayant perdu son mari viking, elle craint la haine des locaux qui la considèrent comme une sorcière. Et c'est bien la haine qui va amener au meurtre de son aîné et au désir de vengeance qui va empoisonner la vie du plus jeune des deux. Un titre évocateur, une couverture très attirante, la promesse d'un récit médiéval où se mêlent cultures celte, franque et viking, les attraits sont nombreux pour amener le lecteur à cette BD. Il faut avouer que Sophie Leullier a un chouette coup de crayon et qu'elle offre des planches charmantes. On y sent son expérience d'illustratrice jeunesse dans son sens de l'esthétisme, de la mise en scène et le choix judicieux des couleurs, tandis que le dynamisme et l'expressivité de ses personnages donne aussi l'impression d'une influence de l'animation. On sent aussi toutefois qu'il s'agit là de sa première BD car la narration graphique n'est pas impeccable. On regrettera en particulier la trop grande ressemblance entre les deux frères quand ils atteindront le même âge, ce qui embrouillera d'autant plus le lecteur qu'on s'y perd aussi entre les différents fantômes de l'aîné, les visions et les multiples flash-back. Cela mène à une certaine confusion qui pénalise la clarté de la lecture et lui donne des allures inutilement alambiquées. On regrettera aussi les éléments moteurs de l'intrigue presque tous le résultat de haines aveugles : celle des villageois envers la jeune mère puis celle des deux vengeances ensuite. Autant celle du fils peut être compréhensible, mais celle de l'autre femme, sur autant d'années, parait forcée vu les circonstances initiales et d'autant plus manichéenne qu'elle l'abandonne abruptement sur un simple dialogue en fin d'album. Cela sonne comme une forme de romantisme artificiel un peu immature. De même, la défaillance de communication entre la mère et le fils (et un peu avant aussi entre les deux frères) ressemble à une crise d'adolescence exacerbée que le comportement de la mère n'arrive pas à arranger. Et c'est bien dommage car à côté de cela, tout le traitement du deuil est raconté avec justesse. Au sentiment de culpabilité et aux étapes du deuil que la mère et le fils parcourent de manière bien différente, se mêlent des éléments de folklore celte et viking et une part de fantastique en la présence de deux incarnations opposées de l'âme du frère défunt. Il s'en dégage une réelle originalité dans le traitement du sujet et des planches finales assez touchantes. Et comme tout cela est agréablement servi par le beau graphisme de l'autrice, cela donne envie de lire et de savourer l'ensemble.
Tout seul
Je me suis enfin lancé dans la lecture de mon premier Chabouté, avec une appétence pour les récits en noir et blanc. Je ne suis pas déçu de ma lecture, j'ai exprimé quelques émotions pour notre pauvre "tout seul" du haut de son phare. J'ai apprécié le ton aérien choisi par l'auteur, sur la lecture de son oeuvre, ça nous laisse le temps de nous plonger dans l'ambiance, de comprendre certaines scènes et de contempler les traits de son dessin exceptionnel. En parlant de scènes, certaines sont tout de même redondantes, surtout celle du chalutier qui dépose sa cargaison au phare. Même si elle reste nécessaire pour l'avancé de l'intrigue, je la trouve juste surexploitée. Par contre celles sur notre protagoniste sont juste grandioses, nous mêlant à sa vision avec des mots que nous connaissons, qui diffèrent totalement de notre propre perception, du génie. J'en conclue de vouloir découvrir d'autres oeuvres de cet auteur.
Salon de beauté
Jeshua et ses proches amis/amants tiennent un salon de beauté le jour et se travestissent pour vendre leurs charmes la nuit. Mais leur vie est bouleversée par l'apparition d'une maladie recouvrant doucement mais sûrement les corps humains de sortes d'écailles colorées dont la beauté ne masque pas l'inéluctable mortalité. Très contagieuse, il suffit d'un contact physique avec ces parties colorées pour tomber à son tour malade. Alex est le premier d'entre eux à être affecté et les rares médecins qui acceptent de traiter les "gens comme eux", à savoir les homosexuels et autres travestis, n'ont aucune solution médicale à leur apporter. Face à cette fatalité et à la manière dont elle se propage dans toute la communauté homosexuelle, Jeshua décide de transformer son salon en un lieu d'accueil pour les plus malades pour que quelqu'un puisse s'occuper d'eux et ne pas les laisser mourir seuls dans la rue. Quand j'ai lu cette BD, j'ai trouvé son thème étrangement daté pour une BD d'aujourd'hui. Beaucoup de ses passages m'ont notamment fait penser au film Les Nuits Fauves de Cyril Collard qui a aujourd'hui plus de 30 ans. C'est parce que je ne savais pas qu'il s'agissait de l'adaptation d'un roman mexicain des années 90. Si le mot n'est jamais cité, il s'agit en effet sans doute possible d'une métaphore de l'épidémie de SIDA des années 80 et 90, et de ses ravages dans la communauté gay de l'époque. Et comme à l'époque on voyait le SIDA comme "la maladie des gays", l'auteur place la maladie de cette BD dans un même contexte où seuls les homosexuels sont affectés et où ils se retrouvent isolés face à une société qui les rejette et les laisse mourir comme on se débarrasse de déchets humains. L'auteur traite le sujet comme dans le roman, par une métaphore assez poétique où l'horreur prend des allures colorées et la beauté de poissons et d'aquariums omniprésents tant dans l'histoire que dans le graphisme. Cet esthétisme prend un peu le pas sur la clarté du dessin mais elle permet d'instaurer une ambiance onirique, comme un rêve terrible et désespéré. Il transmet également bien son attrait pour les corps et la sensualité des uns et des autres même dans les pires instants. L'histoire est assez simple, implacable, et il n'y aura pas de fin heureuse, mais elle dégage une certaine poésie, une triste poésie, et elle reflète bien l'angoissante manière dont la communauté gay a été ravagée et laissée sans espoir à l'époque.
Histoire des grands vins
Benoist Simmat avait déroulé en 2018, avec Daniel Casanave, L'Incroyable histoire du vin. Mais il n'avait semble-t-il pas tout dit et revient donc six ans après avec le même complice pour nous parler de la lente maturation des grands crus, au long de plusieurs siècles parfois. Pour cela, il remet en scène Dyonisos, son double de papier, toujours accompagné de Garance, la jeune femme aux cheveux longs qui a envie d'en savoir plus. Il déroule donc toute l'histoire du vin, depuis l'époque de -9 000 ans, lorsque la domestication du raisin a été mise en place (c'est peut-être même encore plus ancien). Cela aurait commencé en l'actuelle Géorgie, pour ensuite rayonner dans les régions proches du Moyen-Orient, puis la Méditerranée, la Syrie, pour se développer dans le monde entier. L'album s'attache à l'aspect politique (et parfois diplomatique) du choix de certains producteurs de réserver leurs productions aux grands de ce monde, un choix souvent dictés par les puissants eux-mêmes. Rois, papes, œnologues réputés se succèdent donc parmi les références, au travers de deux cents pages où Daniel Casanave fait du bon boulot, emplissant ses planches de paysages divers, de personnages hauts en couleurs pour accompagner les textes fournis par Simmat. C'est un boulot de titan, reprenant de nombreux articles (cités en annexes), s'attachant à de nombreuses découvertes récentes sur le sujet. C'est traité de façon globalement sérieuse, un petit peu de pop culture de temps en temps sans en faire trop. C'est intéressant, bien foutu, mais... Je ne suis pas très intéressé par le sujet, hélas. Je bois très occasionnellement du vin, mais n'ai pas développé un goût particulier pour la chose. Je pense que la cible est constituée par des amateurs plus éclairés que moi.
Intempérie
Un album vite lu, plutôt agréablement, même si j’aurais aimé une histoire plus longue et développée. Tout est sec ici. Que ce soient les paysages, le décors (une région déserte et aride d’Espagne ?), franchement rétifs à accueillir la vie. Et il faut dire que la vie qu’on nous donne à voir ici est des plus instables et fragiles. Un gamin, qui fuit les violences en tous genres de son père et d’un notable de son village, s’enfuit, et rejoint un vieux berger solitaire et son troupeau, qui va « l’escorter » et, sans trop parler ni lui manifester de l’empathie, ce vieux bonhomme va le sauver, lui transmettre son savoir et surtout une soif de vie nécessaire dans ce milieu hostile. Des solitaires taiseux, une intrigue minimaliste et des décors d’une région semi-raide, on a là quelque chose qui a priori peut rebuter. Mais comme un oued à sec, on est surpris de découvrir de la vie et de l’intérêt dans cette histoire, que j’ai aimée. Et le dessin de Javi Rey – proche de Gipi parfois – est raccord avec l’ensemble : sans fioriture, efficace.
Peindre avec les lions
Cette BD est une intéressante manière de représenter la société humaine lors de la Préhistoire et son rapport à l'art pariétal. Sa particularité est un certain optimisme, une vision relativement heureuse de la vie des hommes préhistoriques qui s'éloigne de l'âpre combat pour la survie au quotidien auquel on peut être habitué quand on pense aux hommes des cavernes. Certains d'entre eux peuvent vivre vieux, c'est déjà tout dire. C'est une vision assez égalitaire également avec des femmes et des hommes dédiés aux mêmes tâches, certaines femmes partant à la chasse, certains hommes se consacrant aux travaux plus rituels, et avec un respect égal des uns envers les autres. Et enfin une vision spirituelle également, avec la mise en avant de croyances shamaniques et d'une mythologie bien établie et partagées entre différents clans sur de grandes distances. C'est une vision peut-être fausse, peut-être romantique mais elle reste crédible et agréable. C'est également le cas du dessin qui est tout à fait plaisant et agréablement colorisé. La mise en scène suit un rythme un peu abrupt, avec quelques sauts chronologiques qui nous amènent à couvrir une cinquantaine d'années le long de l'album, mais elle reste à échelle humaine et même si on s'y attache pas parfaitement bien, on suit tout de même assez bien le parcours de l'héroïne du début à la fin. Et j'ai bien aimé aussi le rapport final avec la peinture de la grotte Chauvet qui m'avait, moi aussi, épaté quand je l'avais découvert. Incroyable de penser qu'un dessin aussi âgé pouvait être aussi talentueux et moderne. En définitive, c'est un bel hommage à l'art pariétal qui redonne profondeur et complexité à la société humaine à l'époque préhistorique. J'ai bien aimé, sans pour autant avoir été complètement transporté.
Le Monde de Lucie
2.5 C'est effectivement le genre de lecture où il faut bien s'accrocher pour bien tout comprendre. Je peux comprendre que certains ont abandonné avant la fin. Je pense que j'aurai fait la même chose si je n'avais pas lu l'intégrale. Je me demande toutefois si je n'aurais pas dû tout simplement abandonner, parce que mes efforts ont été récompensés par un scénario que j'ai trouvé moyen. Il y a des bons moments, mais je n'ai jamais été captivé. Il faut dire que ce qui n'aide pas, c'est que le dessin est typiquement le genre de dessin réaliste que je trouve froid et qui ne dégage aucune émotion. Peut-être que j'aurais mieux accroché si c'était dessiné dans un style que j'aime. On va dire que c'est à emprunter si on fait un long voyage de plusieurs heures en train ou bus et qu'on a besoin de lecture.