Cet ouvrage collectif est intéressant à double titre. D’abord parce qu’il a permis de faire connaitre quelques auteurs argentins – dont certains ont depuis participé à d’autres publications en France). Ensuite parce que ce collectif d’auteurs nous donne à voir leur pays frappé par la crise économique du début des années 2000.
En effet, les six histoires regroupées dans ce recueil (voir détails dans la fiche de la série) sont toutes imprégnées de cette crise, économique, sociale et politique. Un court lexique explique en début d’album quelques termes, mais aussi présente succinctement la situation, le décor est donc bien planté.
Et les auteurs regroupés ici sont clairement engagés – on va dire à gauche – et donnent à voir chacun une facette des conséquences de la crise, qui a frappé essentiellement les couches populaires. L’inflation galopante, les banques fermés, la disparition des « liquidités » (pour les pauvres s’entend), les pillages ou émeutes de la faim, les révoltes sociales ou le désenchantement, chaque histoire complète le tableau global. On admirera dans l’histoire intitulée « Dévorés par la rue » le cynisme du directeur de supermarché, qui ne paye plus ses employés, mais les encourage à se sacrifier pour lutter contre les pillages.
Toutes les histoires utilisent le Noir et Blanc, ce qui convient très bien au ton des récits. Qui plus est, si le dessinateur change à chaque fois, leurs styles se rapprochent pas mal, nerveux, gras, là aussi c’est raccord avec les récits, noirs et clairement désespérés, pessimistes.
Les histoires sont courtes, et ne développent donc pas trop d’intrigue mais, mise à part la dernière, qui m’a un peu laissé de côté, l’ensemble est intéressant.
Nero est une série publiée en Italie depuis 2021 et qui débarque maintenant en France. Le cadre, le dessin et la base de l'intrigue rappelleront des séries médiévales fantastiques telles que Le Troisième Testament.
Nous sommes plongés au XIIe siècle, entre la deuxième et la troisième Croisade, à un moment où les francs faisaient régner le chaos parmi les populations musulmanes locales. Nero, le héros éponyme de la série, est du côté des musulmans et il combat avec la plus grande hargne les croisés. Cette rage, il la doit à un traumatisme de son passé, son père ayant failli le sacrifier au nom d'un djinn emprisonné à qui un culte était voué. Aussi, quand il croise la route d'un chrétien qui cherche la trace de ce même djinn, il va tout faire pour l'empêcher de permettre sa libération.
Graphiquement, nous sommes à mi-chemin entre le sens de l'action et des personnages d'Enrico Marini (Le Scorpion) et celui des décors et ambiances médiévales fantastiques d'Alex Alice (Siegfried). Avec de telles références, autant dire que le dessin fait la force de cette série ambitieuse. Etonnamment, deux dessinateurs se partagent le travail sur le premier tome, Emiliano Mammucari pour le premier chapitre et Alessio Avallone pour le deuxième, et pourtant j'aurais eu bien du mal à différencier leurs styles tant ils sont proches. Ce sont des planches épiques, pleines de fureur et d'action, avec un grand soin apporté aux personnages, à leur dynamisme et aux décors. Par contre, l'encrage épais et les cadrages rapprochés donnent l'impression que les planches initiales étaient à un format plus petit que l'édition française : la mise en page ainsi adaptée s'en retrouve un peu trop aérée désormais. Concrètement, malgré le nombre de pages, ça se lit vite.
Même si le contexte historique et géographique est très plaisant, surtout parce qu'il nous place du côté musulman des croisades pour une fois, l'intrigue reste assez basique et plutôt convenue. C'est de l'action à grand spectacle mais sans réelle surprise hormis quelques rebondissements tragiques façon films catastrophes. La transition entre les grands chapitres est également souvent abrupte, donnant l'impression d'avoir manqué un bout d'épisode. Et la conclusion de ce grand récit en trois tomes est assez attendue, avec un combat épique final qui s'étire fortement en longueur. Moyennement convaincu malgré le graphisme qui se veut impressionnant.
Une BD bien bavarde et très posée, faisant état d'une jeune femme sujette aux crises de panique incontrôlable qui cherche à aller mieux.
Et comme le dit Mac Arthur, c'est un peu tout, mais ce n'est pas mal fait. En gros, il est difficile de tirer quelque chose d'autre de cette BD qui se concentre vraiment juste sur son sujet et suit tout du long India, sa vie et ses relations, tout ce qui se joue autour d'elle. D'ailleurs elle est sacrément mal entourée par une belle bande de cons, mais ça sert le récit même si j'ai trouvé l'acharnement un peu trop présent.
C'est une BD lente, très bavarde dans certains passages et qui a une tendance à faire dans le poétique ou l'onirique, notamment l'histoire qu'elle raconte aux enfants. Le tout est entrecoupé de la vie de tous les jours et notamment les difficultés que son trouble soulève dans son entourage. La fin est assez peu claire sur l'avenir de tout ça mais reste optimiste, ce qui est une bonne façon de conclure puisqu'il serait hypocrite de faire dans le happy end avec un tel trouble.
Une BD lente, un peu trop bavarde à mon goût mais qui a une patte graphique sympa avec son style dynamique. Je ne pense pas la relire un jour mais ce fut une lecture non déplaisante. Moyen, en somme, mais pas mauvais.
Une histoire de démon et de sorcellerie, de tromperies et de débats moraux, d'une jeune fille juive et du Diable en personne, sur fond de début du XXe siècle et de montée du nazisme, le tout dans un dessin magnifique donnant la part belle aux trais épais et aux contrastes, voilà qui m'a eu l'air on ne peut plus alléchant !
L'éponyme Coral, fille d'un rabbin aujourd'hui malheureusement cérébralement mort, est constamment suivie par Soufre, un démon prétendant être le prince de l'enfer en personne et souhaitant à tout prix récupérer son âme. Avec une prémisse pareille je m'attendais d'abord à ce qu'il s'agisse ici d'une histoire autour de dilemmes moraux (Coral étant une petite magouilleuse) et, oui, il y a bien de ça, mais in fine l'histoire se révèle plus ambitieuse. Montée du nazisme, persécution juive, un passé familial lourd, une relation paternelle compliquée, de la sorcellerie, de l'exorcisme et, bien évidemment, des entourloupes en veux-tu en voilà. C'est du bon, du très bon même, mais je dois avouer que le tout m'a semblé un peu… de trop.
L'ensemble se marie bien, l'ambiance créée est intéressante, pourtant je trouve que certains aspects - la montée du nazisme pour n'en citer qu'un - sont un peu trop survolés, auraient mérités d'être plus développé. Je n'aurais pas dit non à ce que ce parallèle entre la montée du mal et la présence du mal incarné sur Terre soit plus étoffé. Soit dit en passant, je ne suis pas sûr d'apprécier les fictions tentant d'illustrer la cruauté de certains personnages historiques en y amenant du surnaturel, surtout quand on illustre que lesdits personnages historiques auraient été aidés/aiguillés par des créatures purement malveillantes. On perd l'aspect malheureusement "humain" de ces figures historiques, et je pense qu'il n'est pas bon de déshumaniser ces êtres "monstrueux", je pense au contraire qu'il faut toujours garder en tête que ces personnes sont/ont été des êtres humains comme les autres et que c'est précisément ce qui rend leurs actes terrifiants. Donc, bon, illustrer le Diable murmurer à l'oreille d'Hitler en personne lors d'un défilé à Prague, je ne suis pas sûre d'apprécier. Mais bon, c'est sans doute pour illustrer l'arrivée d'un mal terrible, sans doute juste une représentation métaphorique.
Ce défaut mis à part, l'album est on ne peut plus agréable à lire. Je regrette que l'instabilité politique de l'époque ne serve pas plus l'intrigue mais le résultat proposé reste on ne peut plus louable. L'album vaut le coup d'œil, ne serait-ce que pour les dessins de Homs que je découvre ici et dont je trouve le travail graphique admirable.
Cette série avait bien des atouts pour me séduire: de l'aventure, de l'exotisme, un zest de sensualité et des scénarii bien élaborés autour d'une époque (les années 50) qui traine encore les scories des années noires. Malheureusement je n'ai pas accroché plus que cela. Probablement à cause de Calec personnage trop marqué par les codes du genre à mes yeux. Le beau capitaine, d'une blancheur immaculée quelque soit la situation, toujours rasé au plus près , qui attire les embrouilles les plus sordides mais il possède un ange gardien pour le sortir des situations les plus improbables. Kraehn ne fait pas dans la dentelle, ex nazis, collabos, pervers pédophiles ou violeurs, le beau chevalier blanc est à rude épreuve et se retrouve souvent à faire justice lui-même. Ainsi je ne partage pas la vision de l'auteur qui donne à Floss, le meurtrier violeur, une sorte de fin héroïque en queue de poisson. C'est ce final un peu style "tout est bien qui finit bien" qui me gène au sortir des deux premiers cycles.
Le graphisme de Jusseaume est agréable surtout pour ces extérieurs. Les scènes de bateaux sont très détaillées avec une belle ambiance; Les paysages sud américains ou africains sont bien travaillés avec une belle précision, les jeunes femmes sont séduisantes et sexy. Le seul bémol se trouve selon moi dans l'aspect des marins trop lisses et figés surtout pour Caldec.
Une lecture aventure pas désagréable mais j'ai eu du mal avec le héros.
Quand l'univers singulier de Jodorowsky rencontre le talent graphique de Boucq, cela donne Face de Lune, une série que je considère en demi-teinte.
Comme souvent avec Jodorowsky, l'imaginaire est foisonnant, excessif, parfois grotesque, et Boucq se révèle un compagnon idéal pour donner chair à cet univers délirant et malsain, peuplé de dictateurs obsédés par les œufs, de vagues cataclysmiques, de religieux fanatiques et de marginaux monstrueux. On retrouve les thèmes récurrents de l'auteur : pouvoir, religion et mysticisme, mais, ici, ils demeurent plus mesurés et ne saturent pas complètement le récit.
Au centre de ce chaos évolue Face de Lune, un simplet joyeux doté de pouvoirs mystérieux, qui traverse les événements avec une innocence désarmante. Je ne suis pas particulièrement amateur de ce type de personnages, mais il fonctionne ici comme un contrepoids bienvenu au côté malsain de l'univers de Jodorowsky. Il insuffle une poésie absurde, une naïveté fragile au milieu d'une humanité laide, cruelle et désespérée.
Le dessin, lui, est splendide : puissant, inspiré, même si les couleurs paraissent parfois un peu datées. J'ai surtout apprécié les décors et les cadrages, qui ont donné lieu à de nombreuses couvertures alternatives selon les éditions, toutes visuellement marquantes.
La série regorge de passages mémorables, oscillant entre hallucination, dégoût et fulgurance. C'est une lecture exigeante, parfois éprouvante, qui ne plaira pas à tous, mais qui ne laisse jamais indifférent. Pour ma part, l'expérience m'a intéressé malgré ses excès et ses longueurs. Le rythme manquant d'accroche m'avait d'ailleurs fait abandonner la lecture lors de sa première parution, avant d'y revenir quelques années plus tard.
En définitive, Face de Lune est une œuvre originale, extrême et déroutante : un Jodorowsky correct mais dont je retiens surtout la beauté du dessin de Boucq, bien plus que le scénario.
Je suis assez partagé sur Troubles fêtes qui est un album pour qui j'ai une certaine affection vu à quel point j'aime le graphisme de Loisel mais que je n'aurais pas envie d'acheter.
D'un côté, il faut reconnaître que les textes de Rose Le Guirec sont de belle facture : crus mais jamais vulgaires, parfois même poétiques, avec une vraie qualité d'écriture dans le registre érotique. Graphiquement, Loisel a toujours ce talent pour dessiner des femmes sensuelles et pleines de vie, et certaines planches, surtout dans les deux premières histoires, dégagent une vraie chaleur et une poésie campagnarde assez séduisante.
En revanche, la formule texte/illustration m'a paru bancale. On est plus proche d'un livre illustré que d'une vraie BD, et le rapport texte/image manque souvent de cohérence. Les histoires sont très inégales : la première est vite oubliée, la deuxième fonctionne bien et est sans doute la plus réussie, la troisième, vénitienne, m'a semblé confuse et parfois même un peu rebutante.
Au final, ce n'est ni un ratage total ni un chef-d’œuvre. Il y a de belles pages, de bons textes et quelques scènes émoustillantes, mais aussi de la redondance, un rythme inégal et une impression générale d'album bancal. Si c'est un ouvrage à lire par curiosité, c'est essentiellement pour savourer le dessin de Loisel et le voir se lâcher dans le domaine de l'érotique voire du pornographique, mais pour ce qui est des histoires elles-mêmes, elles s'oublient vite.
Comme mes prédécesseurs l'ont indiqué, ce one-shot scénarisé par Christin lui-même s'apparente fortement à une suite de la série officielle Valérian, après le dernier tome où nos deux héros revenaient en enfance au XXIe siècle. Accompagnés de M. Albert, devenu leur tuteur, ils prennent part à une mission dans une région des bords de la mer Noire, où se croisent des émissaires du futur et d'autres personnages venus négocier d'étranges pierres découvertes dans le sol.
L'ensemble ressemble donc à un album supplémentaire de Valérian et je dois avouer que, sur le plan scénaristique, il m'a paru assez moyen : pas mauvais, mais un peu ennuyeux, avec des enjeux peu clairs, peu d'action et des héros enfants qui peinent à captiver. Jusqu'au bout, j'ai eu du mal à comprendre les motivations des différentes parties, ainsi que leurs actes souvent confus et difficiles à appréhender.
Heureusement, il y a le dessin de Virginie Augustin, que j'apprécie depuis Alim le tanneur. Il colle parfaitement à l'ambiance du récit et réussit à la fois à se rapprocher du style de Mézières (dont les personnages sont immédiatement reconnaissables) tout en affirmant une patte propre.
En définitive, j'ai pris plaisir à retrouver l'univers et les éléments familiers d'une série que j'aime beaucoup, mais du point de vue de l'intrigue, cet album reste loin des meilleurs de Valérian.
Besseron commence à avoir publié pas mal d’albums, dont je pense avoir lu la très grande majorité. Sa production est inégale, mais je trouve que cet album se situe dans sa bonne moyenne.
En tout cas on y retrouve ce que je recherche chez lui. A savoir un humour un peu con, virant franchement vers l’humour noir à tendance – parfois assez marquée – trashouille.
Les éditions Rouquemoute ont fait un beau travail éditorial, avec une couverture épaisse et un format à l’italienne très adapté à ce genre de strips/histoires courtes. C’est en tout cas un format que j’aime bien.
Pour revenir sur l’album lui-même, j’ai bien aimé ce clown irrévérencieux, qui cherche surtout – voir uniquement – à se faire rire, le plus souvent au détriment du public. Car il ne respecte rien, détroussant les vieilles, introduisant son long nez là où de plus jeunes ne l’attendent pas, sabotant le travail des autres, les emmerdant par plaisir (voir leur vomissant dessus dans les manèges !), toujours avec ce sourire et cet accoutrement qui contrastent fortement avec son attitude pénible. Cela renforce bien sûr la force des gags, et Zozo mérite le détour pour ceux qui comme moi sont amateurs de ce type d’humour. Rien de fin, le pipi caca prout et l’humour bêta et trash dominent, mais ça fait du bien. En tout cas j’en redemande.
Et si vous voulez en plus aider les éditions Rouquemoute en difficulté, n’hésitez pas à acheter ce défouloir sympathique.
L’album s’adresse à un public assez large, même si le public cible est plutôt jeune (jeunes ados je pense), plus jeune en tout cas que la majorité des séries de Pixel Vengeur, habitué de l’humour graveleux – alors qu’ici c’est beaucoup plus sage, car publié dans une collection jeunesse des éditions Rouquemoute.
L’album tourne autour d’un seul personnage, un explorateur de planètes inconnues – il en visite six successivement, puis les « note » dans son carnet de bord. A chaque fois ses visites son courtes, et peu concluantes.
Un lecteur adulte trouvera peut-être légères – et très courtes – les histoires. Mais les plus jeunes apprécieront davantage je pense, l’humour bon enfant, légèrement couillon. Ainsi que le dessin fluide et agréable de Pixel Vengeur (par ailleurs auteur très sympathique, que j’avais rencontré au dernier festival Quai des Bulles).
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Carne Argentina
Cet ouvrage collectif est intéressant à double titre. D’abord parce qu’il a permis de faire connaitre quelques auteurs argentins – dont certains ont depuis participé à d’autres publications en France). Ensuite parce que ce collectif d’auteurs nous donne à voir leur pays frappé par la crise économique du début des années 2000. En effet, les six histoires regroupées dans ce recueil (voir détails dans la fiche de la série) sont toutes imprégnées de cette crise, économique, sociale et politique. Un court lexique explique en début d’album quelques termes, mais aussi présente succinctement la situation, le décor est donc bien planté. Et les auteurs regroupés ici sont clairement engagés – on va dire à gauche – et donnent à voir chacun une facette des conséquences de la crise, qui a frappé essentiellement les couches populaires. L’inflation galopante, les banques fermés, la disparition des « liquidités » (pour les pauvres s’entend), les pillages ou émeutes de la faim, les révoltes sociales ou le désenchantement, chaque histoire complète le tableau global. On admirera dans l’histoire intitulée « Dévorés par la rue » le cynisme du directeur de supermarché, qui ne paye plus ses employés, mais les encourage à se sacrifier pour lutter contre les pillages. Toutes les histoires utilisent le Noir et Blanc, ce qui convient très bien au ton des récits. Qui plus est, si le dessinateur change à chaque fois, leurs styles se rapprochent pas mal, nerveux, gras, là aussi c’est raccord avec les récits, noirs et clairement désespérés, pessimistes. Les histoires sont courtes, et ne développent donc pas trop d’intrigue mais, mise à part la dernière, qui m’a un peu laissé de côté, l’ensemble est intéressant.
Nero (Mammucari)
Nero est une série publiée en Italie depuis 2021 et qui débarque maintenant en France. Le cadre, le dessin et la base de l'intrigue rappelleront des séries médiévales fantastiques telles que Le Troisième Testament. Nous sommes plongés au XIIe siècle, entre la deuxième et la troisième Croisade, à un moment où les francs faisaient régner le chaos parmi les populations musulmanes locales. Nero, le héros éponyme de la série, est du côté des musulmans et il combat avec la plus grande hargne les croisés. Cette rage, il la doit à un traumatisme de son passé, son père ayant failli le sacrifier au nom d'un djinn emprisonné à qui un culte était voué. Aussi, quand il croise la route d'un chrétien qui cherche la trace de ce même djinn, il va tout faire pour l'empêcher de permettre sa libération. Graphiquement, nous sommes à mi-chemin entre le sens de l'action et des personnages d'Enrico Marini (Le Scorpion) et celui des décors et ambiances médiévales fantastiques d'Alex Alice (Siegfried). Avec de telles références, autant dire que le dessin fait la force de cette série ambitieuse. Etonnamment, deux dessinateurs se partagent le travail sur le premier tome, Emiliano Mammucari pour le premier chapitre et Alessio Avallone pour le deuxième, et pourtant j'aurais eu bien du mal à différencier leurs styles tant ils sont proches. Ce sont des planches épiques, pleines de fureur et d'action, avec un grand soin apporté aux personnages, à leur dynamisme et aux décors. Par contre, l'encrage épais et les cadrages rapprochés donnent l'impression que les planches initiales étaient à un format plus petit que l'édition française : la mise en page ainsi adaptée s'en retrouve un peu trop aérée désormais. Concrètement, malgré le nombre de pages, ça se lit vite. Même si le contexte historique et géographique est très plaisant, surtout parce qu'il nous place du côté musulman des croisades pour une fois, l'intrigue reste assez basique et plutôt convenue. C'est de l'action à grand spectacle mais sans réelle surprise hormis quelques rebondissements tragiques façon films catastrophes. La transition entre les grands chapitres est également souvent abrupte, donnant l'impression d'avoir manqué un bout d'épisode. Et la conclusion de ce grand récit en trois tomes est assez attendue, avec un combat épique final qui s'étire fortement en longueur. Moyennement convaincu malgré le graphisme qui se veut impressionnant.
La Mer verticale
Une BD bien bavarde et très posée, faisant état d'une jeune femme sujette aux crises de panique incontrôlable qui cherche à aller mieux. Et comme le dit Mac Arthur, c'est un peu tout, mais ce n'est pas mal fait. En gros, il est difficile de tirer quelque chose d'autre de cette BD qui se concentre vraiment juste sur son sujet et suit tout du long India, sa vie et ses relations, tout ce qui se joue autour d'elle. D'ailleurs elle est sacrément mal entourée par une belle bande de cons, mais ça sert le récit même si j'ai trouvé l'acharnement un peu trop présent. C'est une BD lente, très bavarde dans certains passages et qui a une tendance à faire dans le poétique ou l'onirique, notamment l'histoire qu'elle raconte aux enfants. Le tout est entrecoupé de la vie de tous les jours et notamment les difficultés que son trouble soulève dans son entourage. La fin est assez peu claire sur l'avenir de tout ça mais reste optimiste, ce qui est une bonne façon de conclure puisqu'il serait hypocrite de faire dans le happy end avec un tel trouble. Une BD lente, un peu trop bavarde à mon goût mais qui a une patte graphique sympa avec son style dynamique. Je ne pense pas la relire un jour mais ce fut une lecture non déplaisante. Moyen, en somme, mais pas mauvais.
Le Diable et Coral
Une histoire de démon et de sorcellerie, de tromperies et de débats moraux, d'une jeune fille juive et du Diable en personne, sur fond de début du XXe siècle et de montée du nazisme, le tout dans un dessin magnifique donnant la part belle aux trais épais et aux contrastes, voilà qui m'a eu l'air on ne peut plus alléchant ! L'éponyme Coral, fille d'un rabbin aujourd'hui malheureusement cérébralement mort, est constamment suivie par Soufre, un démon prétendant être le prince de l'enfer en personne et souhaitant à tout prix récupérer son âme. Avec une prémisse pareille je m'attendais d'abord à ce qu'il s'agisse ici d'une histoire autour de dilemmes moraux (Coral étant une petite magouilleuse) et, oui, il y a bien de ça, mais in fine l'histoire se révèle plus ambitieuse. Montée du nazisme, persécution juive, un passé familial lourd, une relation paternelle compliquée, de la sorcellerie, de l'exorcisme et, bien évidemment, des entourloupes en veux-tu en voilà. C'est du bon, du très bon même, mais je dois avouer que le tout m'a semblé un peu… de trop. L'ensemble se marie bien, l'ambiance créée est intéressante, pourtant je trouve que certains aspects - la montée du nazisme pour n'en citer qu'un - sont un peu trop survolés, auraient mérités d'être plus développé. Je n'aurais pas dit non à ce que ce parallèle entre la montée du mal et la présence du mal incarné sur Terre soit plus étoffé. Soit dit en passant, je ne suis pas sûr d'apprécier les fictions tentant d'illustrer la cruauté de certains personnages historiques en y amenant du surnaturel, surtout quand on illustre que lesdits personnages historiques auraient été aidés/aiguillés par des créatures purement malveillantes. On perd l'aspect malheureusement "humain" de ces figures historiques, et je pense qu'il n'est pas bon de déshumaniser ces êtres "monstrueux", je pense au contraire qu'il faut toujours garder en tête que ces personnes sont/ont été des êtres humains comme les autres et que c'est précisément ce qui rend leurs actes terrifiants. Donc, bon, illustrer le Diable murmurer à l'oreille d'Hitler en personne lors d'un défilé à Prague, je ne suis pas sûre d'apprécier. Mais bon, c'est sans doute pour illustrer l'arrivée d'un mal terrible, sans doute juste une représentation métaphorique. Ce défaut mis à part, l'album est on ne peut plus agréable à lire. Je regrette que l'instabilité politique de l'époque ne serve pas plus l'intrigue mais le résultat proposé reste on ne peut plus louable. L'album vaut le coup d'œil, ne serait-ce que pour les dessins de Homs que je découvre ici et dont je trouve le travail graphique admirable.
Tramp
Cette série avait bien des atouts pour me séduire: de l'aventure, de l'exotisme, un zest de sensualité et des scénarii bien élaborés autour d'une époque (les années 50) qui traine encore les scories des années noires. Malheureusement je n'ai pas accroché plus que cela. Probablement à cause de Calec personnage trop marqué par les codes du genre à mes yeux. Le beau capitaine, d'une blancheur immaculée quelque soit la situation, toujours rasé au plus près , qui attire les embrouilles les plus sordides mais il possède un ange gardien pour le sortir des situations les plus improbables. Kraehn ne fait pas dans la dentelle, ex nazis, collabos, pervers pédophiles ou violeurs, le beau chevalier blanc est à rude épreuve et se retrouve souvent à faire justice lui-même. Ainsi je ne partage pas la vision de l'auteur qui donne à Floss, le meurtrier violeur, une sorte de fin héroïque en queue de poisson. C'est ce final un peu style "tout est bien qui finit bien" qui me gène au sortir des deux premiers cycles. Le graphisme de Jusseaume est agréable surtout pour ces extérieurs. Les scènes de bateaux sont très détaillées avec une belle ambiance; Les paysages sud américains ou africains sont bien travaillés avec une belle précision, les jeunes femmes sont séduisantes et sexy. Le seul bémol se trouve selon moi dans l'aspect des marins trop lisses et figés surtout pour Caldec. Une lecture aventure pas désagréable mais j'ai eu du mal avec le héros.
Face de Lune
Quand l'univers singulier de Jodorowsky rencontre le talent graphique de Boucq, cela donne Face de Lune, une série que je considère en demi-teinte. Comme souvent avec Jodorowsky, l'imaginaire est foisonnant, excessif, parfois grotesque, et Boucq se révèle un compagnon idéal pour donner chair à cet univers délirant et malsain, peuplé de dictateurs obsédés par les œufs, de vagues cataclysmiques, de religieux fanatiques et de marginaux monstrueux. On retrouve les thèmes récurrents de l'auteur : pouvoir, religion et mysticisme, mais, ici, ils demeurent plus mesurés et ne saturent pas complètement le récit. Au centre de ce chaos évolue Face de Lune, un simplet joyeux doté de pouvoirs mystérieux, qui traverse les événements avec une innocence désarmante. Je ne suis pas particulièrement amateur de ce type de personnages, mais il fonctionne ici comme un contrepoids bienvenu au côté malsain de l'univers de Jodorowsky. Il insuffle une poésie absurde, une naïveté fragile au milieu d'une humanité laide, cruelle et désespérée. Le dessin, lui, est splendide : puissant, inspiré, même si les couleurs paraissent parfois un peu datées. J'ai surtout apprécié les décors et les cadrages, qui ont donné lieu à de nombreuses couvertures alternatives selon les éditions, toutes visuellement marquantes. La série regorge de passages mémorables, oscillant entre hallucination, dégoût et fulgurance. C'est une lecture exigeante, parfois éprouvante, qui ne plaira pas à tous, mais qui ne laisse jamais indifférent. Pour ma part, l'expérience m'a intéressé malgré ses excès et ses longueurs. Le rythme manquant d'accroche m'avait d'ailleurs fait abandonner la lecture lors de sa première parution, avant d'y revenir quelques années plus tard. En définitive, Face de Lune est une œuvre originale, extrême et déroutante : un Jodorowsky correct mais dont je retiens surtout la beauté du dessin de Boucq, bien plus que le scénario.
Troubles fêtes
Je suis assez partagé sur Troubles fêtes qui est un album pour qui j'ai une certaine affection vu à quel point j'aime le graphisme de Loisel mais que je n'aurais pas envie d'acheter. D'un côté, il faut reconnaître que les textes de Rose Le Guirec sont de belle facture : crus mais jamais vulgaires, parfois même poétiques, avec une vraie qualité d'écriture dans le registre érotique. Graphiquement, Loisel a toujours ce talent pour dessiner des femmes sensuelles et pleines de vie, et certaines planches, surtout dans les deux premières histoires, dégagent une vraie chaleur et une poésie campagnarde assez séduisante. En revanche, la formule texte/illustration m'a paru bancale. On est plus proche d'un livre illustré que d'une vraie BD, et le rapport texte/image manque souvent de cohérence. Les histoires sont très inégales : la première est vite oubliée, la deuxième fonctionne bien et est sans doute la plus réussie, la troisième, vénitienne, m'a semblé confuse et parfois même un peu rebutante. Au final, ce n'est ni un ratage total ni un chef-d’œuvre. Il y a de belles pages, de bons textes et quelques scènes émoustillantes, mais aussi de la redondance, un rythme inégal et une impression générale d'album bancal. Si c'est un ouvrage à lire par curiosité, c'est essentiellement pour savourer le dessin de Loisel et le voir se lâcher dans le domaine de l'érotique voire du pornographique, mais pour ce qui est des histoires elles-mêmes, elles s'oublient vite.
Valérian - Là où naissent les histoires
Comme mes prédécesseurs l'ont indiqué, ce one-shot scénarisé par Christin lui-même s'apparente fortement à une suite de la série officielle Valérian, après le dernier tome où nos deux héros revenaient en enfance au XXIe siècle. Accompagnés de M. Albert, devenu leur tuteur, ils prennent part à une mission dans une région des bords de la mer Noire, où se croisent des émissaires du futur et d'autres personnages venus négocier d'étranges pierres découvertes dans le sol. L'ensemble ressemble donc à un album supplémentaire de Valérian et je dois avouer que, sur le plan scénaristique, il m'a paru assez moyen : pas mauvais, mais un peu ennuyeux, avec des enjeux peu clairs, peu d'action et des héros enfants qui peinent à captiver. Jusqu'au bout, j'ai eu du mal à comprendre les motivations des différentes parties, ainsi que leurs actes souvent confus et difficiles à appréhender. Heureusement, il y a le dessin de Virginie Augustin, que j'apprécie depuis Alim le tanneur. Il colle parfaitement à l'ambiance du récit et réussit à la fois à se rapprocher du style de Mézières (dont les personnages sont immédiatement reconnaissables) tout en affirmant une patte propre. En définitive, j'ai pris plaisir à retrouver l'univers et les éléments familiers d'une série que j'aime beaucoup, mais du point de vue de l'intrigue, cet album reste loin des meilleurs de Valérian.
Zozo le clown
Besseron commence à avoir publié pas mal d’albums, dont je pense avoir lu la très grande majorité. Sa production est inégale, mais je trouve que cet album se situe dans sa bonne moyenne. En tout cas on y retrouve ce que je recherche chez lui. A savoir un humour un peu con, virant franchement vers l’humour noir à tendance – parfois assez marquée – trashouille. Les éditions Rouquemoute ont fait un beau travail éditorial, avec une couverture épaisse et un format à l’italienne très adapté à ce genre de strips/histoires courtes. C’est en tout cas un format que j’aime bien. Pour revenir sur l’album lui-même, j’ai bien aimé ce clown irrévérencieux, qui cherche surtout – voir uniquement – à se faire rire, le plus souvent au détriment du public. Car il ne respecte rien, détroussant les vieilles, introduisant son long nez là où de plus jeunes ne l’attendent pas, sabotant le travail des autres, les emmerdant par plaisir (voir leur vomissant dessus dans les manèges !), toujours avec ce sourire et cet accoutrement qui contrastent fortement avec son attitude pénible. Cela renforce bien sûr la force des gags, et Zozo mérite le détour pour ceux qui comme moi sont amateurs de ce type d’humour. Rien de fin, le pipi caca prout et l’humour bêta et trash dominent, mais ça fait du bien. En tout cas j’en redemande. Et si vous voulez en plus aider les éditions Rouquemoute en difficulté, n’hésitez pas à acheter ce défouloir sympathique.
Le Carnet de voyage intergalactique de Robert Thomas'Tomate
L’album s’adresse à un public assez large, même si le public cible est plutôt jeune (jeunes ados je pense), plus jeune en tout cas que la majorité des séries de Pixel Vengeur, habitué de l’humour graveleux – alors qu’ici c’est beaucoup plus sage, car publié dans une collection jeunesse des éditions Rouquemoute. L’album tourne autour d’un seul personnage, un explorateur de planètes inconnues – il en visite six successivement, puis les « note » dans son carnet de bord. A chaque fois ses visites son courtes, et peu concluantes. Un lecteur adulte trouvera peut-être légères – et très courtes – les histoires. Mais les plus jeunes apprécieront davantage je pense, l’humour bon enfant, légèrement couillon. Ainsi que le dessin fluide et agréable de Pixel Vengeur (par ailleurs auteur très sympathique, que j’avais rencontré au dernier festival Quai des Bulles).