Déroutant, sans doute clivant, du Blutch quoi.
Ici dans le bel écrin des éditions 2024 (couverture et papier épais, avec une colorisation qui fait volontairement un peu vieillot), Blutch nous propose quelque chose d’original. Avec son dessin caractéristique, moderne, proche de l’esquisse parfois, sans jamais paraitre négligé ou bâclé.
L’histoire quant à elle est très loufoque, absurde, emprunte allègrement les chemins du surréalisme. Et ce dès l’entame, qui voit une sorte de cow-boy arriver dans un train à vapeur au sommet des montagnes où se trouve Bruxelles (avec vue sur la mer !). Les péripéties qui s’ensuivent s’écartent tout autant du réalisme et du déroulé classique des BD franco-belges, les dialogues ne cherchant pas non plus à ramener le lecteur vers quelque chose de cartésien.
Quoi que, au final, Blutch nous y ramène presque. Qui rêvait quoi ? Qui était dans le rêve de l’autre ? « En vérité, lequel de nous eux rêve ici ? » dit la femme à l’homme étendue devant elle dans le dernier dialogue. Et si c’était le lecteur qui rêvait ?
Étonnant, jusqu’aux informations habituelles de l’éditeur, qui ne clôturent pas du tout l’album, puisqu’elles sont suivies de 8 pages concluant « l’histoire ».
Une lecture agréable, mais aussi énigmatique, une petite curiosité.
Jaime Martin est un auteur que j’aime bien. En particulier dans ses séries à la fois autobiographiques et historiques. Mais cette histoire m’a quand même moins intéressé.
Elle se laisse lire, et Martin nous montre bien l’âpreté de la vie de ses montagnards, enclavés, soumis à la pression d’un Église extrémiste et rétrograde, aux qu’en dira-t-on : une Espagne où l’on vit à la fin du XIXème siècle comme quelques siècles auparavant.
Un peu d’arrière-plan fantastique, autour de ce mal, de ces loups, avec la rage qui menace la communauté villageoise, m’a moyennement convaincu. J’ai été un peu plus intéressé par ces rebouteuses (appelées ici « trementinaires »), à la fois demandées et craintes, admirées et haïes.
Mais c’est le récit qui est ancré dans l’histoire des régions isolées d’Espagne, manque un peu de rythme et de surprise.
Quant au dessin de Martin, il est comme à l’habitude très lisible, avec un trait gras agréable, même si les décors – montagnards en particulier – sont un peu trop escamotés à mon goût.
Les 2 premiers m’avaient fait bonne impression lors de leur découverte, mais ce n’est que tout récemment que j’ai pu lire le tome 3.
Ce dernier clôture les aventures de notre gaulois mais sans que ça soit si évident. En fait, je trouve même ce final loupé, j’ai quitté notre Barbare avec un sentiment de ah ouais ?! bah bof alors.
Les 1ers tomes restent cool à mes yeux, un truc un peu dans la veine de Conan, facile vu la carrure de Coax ;) En plus, les récits sont équilibrés et la partie graphique envoie du lourd.
Franchement sympa.
Puis vient ce dernier tome qui m’a déçu, le graphisme ne m’a plus ébouriffé. L’histoire se perdant (avis personnel) dans une trop grande véracité historique, l’aventure est plus politique et raconte un moment charnière de Rome. Honnêtement pourquoi pas ? Mais ce n’est pas vraiment ce que j’attendais avec ce type de héros. C’est tout de suite beaucoup moins fun et surtout je n’y ai pas cru.
Bref je suis passé à côté de ce finish mais à essayer.
Je découvre cet auteur avec ce voyage de Renn. Effectivement, je rejoins PAco, les dessins sont une des forces indéniables de cet album. Les traits des animaux sont soignés. Ils ont un aspect réalistes très réussi. On reconnait les espèces en un coup d'oeil. Les détails sont là, poils, plumes, museaux, regards, tout est maitrisé. Mais au delà de cet aspect réaliste, ils sont personnifié avec justesse. On peut avoir une troupe de Rennes et reconnaitre les individus entre eux. Ils ont chacun leurs caractéristiques qui les rendent identifiables immédiatement. Et pour ne rien gâcher, ils ont globalement des bonnes bouilles, ça les rend sympas et attachants. Bref, bel équilibre entre réalisme et fiction, pas facile a priori, mais Christian Paty s'en sort avec mention.
Coté scénario, on a droit à une histoire plutôt attendrissante, avec une touche humoristique. Notre ours, adopté par un couple de rennes, va vivre des problématiques bien humaine, sur fond d'intégration au sein d'une communauté dont il n'est pas sensé faire partie. Ça fonctionne plutôt bien. Sa quête initiatique, guidé par la shamane de la bande m'a paru trop onirique et moins percutante, même si bien sur cela permet de boucler la boucle.
Le coté humour est gentillet mais fonctionne plutôt bien lui aussi. Cet aspect est souvent incarné par la triplette de singes japonais qui racontent pas mal de bêtises, fourchent sur les mots, ou tente de faire des rimes. On sourit de bon coeur lors de leurs interventions.
Un album original qui se distingue par un visuel fort agréable.
Je pense que je n'avais jamais encore lu de BD chinoise. Je voulais un peu de voyage et j'ai bien été transporté dans un ailleurs. On est ici plongés dans une ruelle hors du temps, où les histoires se croisent et s’entrelacent avec une poésie qui oscille entre douceur et mélancolie.
Les dessins jouent un rôle clé, avec un trait fin et des couleurs douces, comme passées par le temps. On sent que tout est pensé pour créer une cohérence, une unité qui fait de cette ruelle un personnage à part entière.
Les contes, eux, sont inégaux. Certains marquent par leur poésie ou leur originalité, d’autres semblent plus rapides, presque anecdotiques. Mais l’ensemble fonctionne, porté par cette ambiance qui donne envie de ralentir, de prendre le temps de regarder les détails. Les pavés, les murs, les fenêtres racontent presque autant que les personnages eux-mêmes.
Un album qui m'a fait spontanément baisser le rythme pour l'appréhender sans précipitation, et qui laisse un sentiment de calme. Pas un chef-d’œuvre, mais une belle lecture qui sait capter l’attention sans en faire trop. Une ruelle qu’on aurait envie de retrouver, pour s’y perdre un peu plus longtemps. En tous cas je suis sûr que j'y reviendrai.
Assez jolie BD dystopique de Corbeyran et Colline.
L'idée principale est de poser une tonalité légère et décalée sur un scénario dystopique sombre très balisé "à la 1984".
Visuellement, Colline s'appuie sur une rondeur rétro davantage attendue du côté de la BD jeunesse, tandis que Corbeyran glisse des éléments à la naïveté poétique, généralement charmants (l'invisibilité, les romances, la surprise dans le quartier général du pouvoir...), parfois maladroits (l'apologie du tabac, le discours globalement misogyne).
Le revers de cette touche jeunesse est naturellement de manquer d'ambition et de subversion. Ainsi les propos sur le travail, la surveillance, l'écologie, le militantisme... n'offusqueront personne tant ils ne s'appliquent qu'à cet univers dystopique. La conclusion est sur ce point aussi géniale que décevante : charmante et inoffensive à souhait, aboutissant à la même conclusion que le nihilisme absolu de La Route, mais via un mécanisme inverse, à de la dystopie ne dénonçant plus rien à force de s'offrir comme purement dystopique, creuse et détachée du réel.
L'efficacité du récit et l'originalité de la vision permettent de passer un bon moment, qui font passer la colère sourde de voir détourné et relativisé tout contre-discours.
Il faut reconnaitre l'originalité du scénario de cette BD. Il est difficile de la classer dans le domaine de l'érotisme car c'est avant tout son histoire qui importe et qu'elle n'est pas faite pour exciter particulièrement le lecteur, mais elle parle clairement de cul et on y a droit à presque chaque page. Plus précisément, elle parle la majorité du temps de masturbation... mais d'une manière qui la sublime un peu, en lui donnant des formes de lettres de noblesse.
C'est l'histoire d'un jeune homme, Pablo, qui tient un sex-shop minable sur le point de faire faillite. Il a pour particularité d'avoir une imagination de fantasme assez poussée qui donne vie dans son esprit à Gudrun, une femme plantureuse et imaginaire et avec qui il entretient dans son esprit une relation amoureuse et très sexuelle depuis son adolescence. Il découvre un jour qu'elle lui apparait de manière plus stable quand il évolue dans le décor de sa chambre d'ado et retrouve ses souvenirs de l'époque. Suivant cette idée, il va monter une entreprise spéciale proposant discrètement à ses clients de recréer le décor de leurs fantasmes ou de leur jeunesse pour réveiller chez eux leur propre imaginaire et leur permettre de... se masturber en toute plénitude. Et ça marche, même très bien.
C'est une histoire osée et qui sort des sentiers battus, mais qui donne finalement lieu à une romance elle aussi plutôt originale et à laquelle on veut bien croire. Et c'est aussi l'histoire d'une belle amitié avec un copain d'enfance, ainsi que d'un rapport assez adulte avec ses propres parents et sur le fait pour chacun d'entre eux d'oser avouer la vérité sur leur vie privée.
Bref, autant la thématique tourne autour du sexe, autour ce sont plusieurs sujets plus psychologiques, romantiques ou touchants qui sont abordés avec intelligence, justesse et en même temps un petit fond léger et amusant car cela ne se prend pas tout à fait au sérieux.
Original, sympathique, osé, et pas bête du tout.
Honnêtement, j'aurais pu mettre une note plus basse car c'est une BD qui se lit beaucoup trop vite et qui n'a pas vraiment d'histoire si ce n'est son petit gag final qui n'est pas hilarant. En outre, la réutilisation de certaines images, et la redondance du contenu de la majorité des autres, réduisent encore plus l'intérêt de ce qu'on peut appeler l'intrigue.
Mais voilà, c'est le dessin du génial Franquin et ses chats sont formidables et tellement expressifs.
Et c'est l'humour irrévérencieux de Gotlib d'avoir réagencé ces dessins pour raconter une telle chose.
Et l'éditeur Fluide Glacial ne se contente pas de simplement publier les 60 cases de l'histoire, il ajoute des pages supplémentaires dans son petit album pour mettre en avant les 20 dessins originaux de Franquin qui ont été par la suite mis en scène par Gotlib, et pour raconter les coulisses de la création de cette mini-BD.
Donc voilà, ce n'est pas un album que j'achèterai alors même que je suis fan de ses deux auteurs, mais je ne peux pas me résoudre à mettre une note plus basse.
Thierry Gloris et Pierre Bordaberry se mettent en scène pour illustrer et expliquer un certain nombre de concepts, pour rendre agréable à suivre de longues explications sur le bonheur, les moyens de l’obtenir, tout ce qui peut le mettre en danger, etc.
Faisant intervenir philosophes et spécialistes des sciences cognitives et humaines, ils tentent de balayer le champ de la question, sans jamais tomber dans la recette magique et les solutions clés en main. Ce sont plus des pistes de réflexion que nous avons ici. Et un album quand même singulièrement engagé parfois (ce qui n’est pas forcément pour me déplaire), comme lorsque la doxa libérale est mise sur le grill (quand elle permet un tout petit supplément de bonheur à ceux qui accaparent les richesses, ceci empêchant la grande majorité d’accéder au bonheur : le creusement des inégalités sociales va à l’encontre d’un bonheur général).
La narration est fluide – même lorsque des concepts philosophiques parfois pointus sont évoqués – et le dessin de Sergio Melia (pas forcément mon truc a priori) se révèle dynamique et complémentaire de ces démonstrations vulgarisantes.
Une lecture sympathique et intéressante. Instructive aussi.
Un style classique pour des blogs plus ou moins girly. Un découpage saccadé (des gags en un dessin, parfois un peu plus avec absence de gaufrier), une absence de décors et des personnages peu détaillés (on mise sur des expressions souvent exagérées). Ça n’est pas mon truc, mais c’est lisible et efficace, et l’essentiel est ailleurs.
Deux intérêts potentiels pour cet album au petit format. Avoir une vision caustique de l’exploitation des stagiaires dans pas mal de boites. Et découvrir éventuellement une auteure drôle.
Disons que pour ces deux choses je suis sorti sur ma faim.
Certes, l’auteure (qui décrit semble-t-il des situations personnellement vécues) montre bien l’exploitation hypocrite des stagiaires, leur invisibilisation, voire le mépris qui les frappe (comme la précarité, qui leur fait accepter des conditions de travail – une forte amplitude horaire que les salaires ne justifient pas par exemple). Mais le fait même de faire ça sur le ton de l’humour gentil atténue la critique, de toute façon pas trop poussée.
Ensuite l’humour justement. Il est inégal, et globalement pas assez tonique par rapport à mes attentes. Certes, quelques sourires ont accompagné ma lecture, ni désagréable ni trop longue, mais ça n’est pas trop ma came.
Note réelle 2,5/5.
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La Mer à boire
Déroutant, sans doute clivant, du Blutch quoi. Ici dans le bel écrin des éditions 2024 (couverture et papier épais, avec une colorisation qui fait volontairement un peu vieillot), Blutch nous propose quelque chose d’original. Avec son dessin caractéristique, moderne, proche de l’esquisse parfois, sans jamais paraitre négligé ou bâclé. L’histoire quant à elle est très loufoque, absurde, emprunte allègrement les chemins du surréalisme. Et ce dès l’entame, qui voit une sorte de cow-boy arriver dans un train à vapeur au sommet des montagnes où se trouve Bruxelles (avec vue sur la mer !). Les péripéties qui s’ensuivent s’écartent tout autant du réalisme et du déroulé classique des BD franco-belges, les dialogues ne cherchant pas non plus à ramener le lecteur vers quelque chose de cartésien. Quoi que, au final, Blutch nous y ramène presque. Qui rêvait quoi ? Qui était dans le rêve de l’autre ? « En vérité, lequel de nous eux rêve ici ? » dit la femme à l’homme étendue devant elle dans le dernier dialogue. Et si c’était le lecteur qui rêvait ? Étonnant, jusqu’aux informations habituelles de l’éditeur, qui ne clôturent pas du tout l’album, puisqu’elles sont suivies de 8 pages concluant « l’histoire ». Une lecture agréable, mais aussi énigmatique, une petite curiosité.
Un sombre manteau
Jaime Martin est un auteur que j’aime bien. En particulier dans ses séries à la fois autobiographiques et historiques. Mais cette histoire m’a quand même moins intéressé. Elle se laisse lire, et Martin nous montre bien l’âpreté de la vie de ses montagnards, enclavés, soumis à la pression d’un Église extrémiste et rétrograde, aux qu’en dira-t-on : une Espagne où l’on vit à la fin du XIXème siècle comme quelques siècles auparavant. Un peu d’arrière-plan fantastique, autour de ce mal, de ces loups, avec la rage qui menace la communauté villageoise, m’a moyennement convaincu. J’ai été un peu plus intéressé par ces rebouteuses (appelées ici « trementinaires »), à la fois demandées et craintes, admirées et haïes. Mais c’est le récit qui est ancré dans l’histoire des régions isolées d’Espagne, manque un peu de rythme et de surprise. Quant au dessin de Martin, il est comme à l’habitude très lisible, avec un trait gras agréable, même si les décors – montagnards en particulier – sont un peu trop escamotés à mon goût.
L'Espion de César
Les 2 premiers m’avaient fait bonne impression lors de leur découverte, mais ce n’est que tout récemment que j’ai pu lire le tome 3. Ce dernier clôture les aventures de notre gaulois mais sans que ça soit si évident. En fait, je trouve même ce final loupé, j’ai quitté notre Barbare avec un sentiment de ah ouais ?! bah bof alors. Les 1ers tomes restent cool à mes yeux, un truc un peu dans la veine de Conan, facile vu la carrure de Coax ;) En plus, les récits sont équilibrés et la partie graphique envoie du lourd. Franchement sympa. Puis vient ce dernier tome qui m’a déçu, le graphisme ne m’a plus ébouriffé. L’histoire se perdant (avis personnel) dans une trop grande véracité historique, l’aventure est plus politique et raconte un moment charnière de Rome. Honnêtement pourquoi pas ? Mais ce n’est pas vraiment ce que j’attendais avec ce type de héros. C’est tout de suite beaucoup moins fun et surtout je n’y ai pas cru. Bref je suis passé à côté de ce finish mais à essayer.
Le Voyage de Renn
Je découvre cet auteur avec ce voyage de Renn. Effectivement, je rejoins PAco, les dessins sont une des forces indéniables de cet album. Les traits des animaux sont soignés. Ils ont un aspect réalistes très réussi. On reconnait les espèces en un coup d'oeil. Les détails sont là, poils, plumes, museaux, regards, tout est maitrisé. Mais au delà de cet aspect réaliste, ils sont personnifié avec justesse. On peut avoir une troupe de Rennes et reconnaitre les individus entre eux. Ils ont chacun leurs caractéristiques qui les rendent identifiables immédiatement. Et pour ne rien gâcher, ils ont globalement des bonnes bouilles, ça les rend sympas et attachants. Bref, bel équilibre entre réalisme et fiction, pas facile a priori, mais Christian Paty s'en sort avec mention. Coté scénario, on a droit à une histoire plutôt attendrissante, avec une touche humoristique. Notre ours, adopté par un couple de rennes, va vivre des problématiques bien humaine, sur fond d'intégration au sein d'une communauté dont il n'est pas sensé faire partie. Ça fonctionne plutôt bien. Sa quête initiatique, guidé par la shamane de la bande m'a paru trop onirique et moins percutante, même si bien sur cela permet de boucler la boucle. Le coté humour est gentillet mais fonctionne plutôt bien lui aussi. Cet aspect est souvent incarné par la triplette de singes japonais qui racontent pas mal de bêtises, fourchent sur les mots, ou tente de faire des rimes. On sourit de bon coeur lors de leurs interventions. Un album original qui se distingue par un visuel fort agréable.
Les Contes de la ruelle
Je pense que je n'avais jamais encore lu de BD chinoise. Je voulais un peu de voyage et j'ai bien été transporté dans un ailleurs. On est ici plongés dans une ruelle hors du temps, où les histoires se croisent et s’entrelacent avec une poésie qui oscille entre douceur et mélancolie. Les dessins jouent un rôle clé, avec un trait fin et des couleurs douces, comme passées par le temps. On sent que tout est pensé pour créer une cohérence, une unité qui fait de cette ruelle un personnage à part entière. Les contes, eux, sont inégaux. Certains marquent par leur poésie ou leur originalité, d’autres semblent plus rapides, presque anecdotiques. Mais l’ensemble fonctionne, porté par cette ambiance qui donne envie de ralentir, de prendre le temps de regarder les détails. Les pavés, les murs, les fenêtres racontent presque autant que les personnages eux-mêmes. Un album qui m'a fait spontanément baisser le rythme pour l'appréhender sans précipitation, et qui laisse un sentiment de calme. Pas un chef-d’œuvre, mais une belle lecture qui sait capter l’attention sans en faire trop. Une ruelle qu’on aurait envie de retrouver, pour s’y perdre un peu plus longtemps. En tous cas je suis sûr que j'y reviendrai.
Les Yeux doux
Assez jolie BD dystopique de Corbeyran et Colline. L'idée principale est de poser une tonalité légère et décalée sur un scénario dystopique sombre très balisé "à la 1984". Visuellement, Colline s'appuie sur une rondeur rétro davantage attendue du côté de la BD jeunesse, tandis que Corbeyran glisse des éléments à la naïveté poétique, généralement charmants (l'invisibilité, les romances, la surprise dans le quartier général du pouvoir...), parfois maladroits (l'apologie du tabac, le discours globalement misogyne). Le revers de cette touche jeunesse est naturellement de manquer d'ambition et de subversion. Ainsi les propos sur le travail, la surveillance, l'écologie, le militantisme... n'offusqueront personne tant ils ne s'appliquent qu'à cet univers dystopique. La conclusion est sur ce point aussi géniale que décevante : charmante et inoffensive à souhait, aboutissant à la même conclusion que le nihilisme absolu de La Route, mais via un mécanisme inverse, à de la dystopie ne dénonçant plus rien à force de s'offrir comme purement dystopique, creuse et détachée du réel. L'efficacité du récit et l'originalité de la vision permettent de passer un bon moment, qui font passer la colère sourde de voir détourné et relativisé tout contre-discours.
A pleines mains
Il faut reconnaitre l'originalité du scénario de cette BD. Il est difficile de la classer dans le domaine de l'érotisme car c'est avant tout son histoire qui importe et qu'elle n'est pas faite pour exciter particulièrement le lecteur, mais elle parle clairement de cul et on y a droit à presque chaque page. Plus précisément, elle parle la majorité du temps de masturbation... mais d'une manière qui la sublime un peu, en lui donnant des formes de lettres de noblesse. C'est l'histoire d'un jeune homme, Pablo, qui tient un sex-shop minable sur le point de faire faillite. Il a pour particularité d'avoir une imagination de fantasme assez poussée qui donne vie dans son esprit à Gudrun, une femme plantureuse et imaginaire et avec qui il entretient dans son esprit une relation amoureuse et très sexuelle depuis son adolescence. Il découvre un jour qu'elle lui apparait de manière plus stable quand il évolue dans le décor de sa chambre d'ado et retrouve ses souvenirs de l'époque. Suivant cette idée, il va monter une entreprise spéciale proposant discrètement à ses clients de recréer le décor de leurs fantasmes ou de leur jeunesse pour réveiller chez eux leur propre imaginaire et leur permettre de... se masturber en toute plénitude. Et ça marche, même très bien. C'est une histoire osée et qui sort des sentiers battus, mais qui donne finalement lieu à une romance elle aussi plutôt originale et à laquelle on veut bien croire. Et c'est aussi l'histoire d'une belle amitié avec un copain d'enfance, ainsi que d'un rapport assez adulte avec ses propres parents et sur le fait pour chacun d'entre eux d'oser avouer la vérité sur leur vie privée. Bref, autant la thématique tourne autour du sexe, autour ce sont plusieurs sujets plus psychologiques, romantiques ou touchants qui sont abordés avec intelligence, justesse et en même temps un petit fond léger et amusant car cela ne se prend pas tout à fait au sérieux. Original, sympathique, osé, et pas bête du tout.
Slowburn
Honnêtement, j'aurais pu mettre une note plus basse car c'est une BD qui se lit beaucoup trop vite et qui n'a pas vraiment d'histoire si ce n'est son petit gag final qui n'est pas hilarant. En outre, la réutilisation de certaines images, et la redondance du contenu de la majorité des autres, réduisent encore plus l'intérêt de ce qu'on peut appeler l'intrigue. Mais voilà, c'est le dessin du génial Franquin et ses chats sont formidables et tellement expressifs. Et c'est l'humour irrévérencieux de Gotlib d'avoir réagencé ces dessins pour raconter une telle chose. Et l'éditeur Fluide Glacial ne se contente pas de simplement publier les 60 cases de l'histoire, il ajoute des pages supplémentaires dans son petit album pour mettre en avant les 20 dessins originaux de Franquin qui ont été par la suite mis en scène par Gotlib, et pour raconter les coulisses de la création de cette mini-BD. Donc voilà, ce n'est pas un album que j'achèterai alors même que je suis fan de ses deux auteurs, mais je ne peux pas me résoudre à mettre une note plus basse.
Le Prix du bonheur TTC
Thierry Gloris et Pierre Bordaberry se mettent en scène pour illustrer et expliquer un certain nombre de concepts, pour rendre agréable à suivre de longues explications sur le bonheur, les moyens de l’obtenir, tout ce qui peut le mettre en danger, etc. Faisant intervenir philosophes et spécialistes des sciences cognitives et humaines, ils tentent de balayer le champ de la question, sans jamais tomber dans la recette magique et les solutions clés en main. Ce sont plus des pistes de réflexion que nous avons ici. Et un album quand même singulièrement engagé parfois (ce qui n’est pas forcément pour me déplaire), comme lorsque la doxa libérale est mise sur le grill (quand elle permet un tout petit supplément de bonheur à ceux qui accaparent les richesses, ceci empêchant la grande majorité d’accéder au bonheur : le creusement des inégalités sociales va à l’encontre d’un bonheur général). La narration est fluide – même lorsque des concepts philosophiques parfois pointus sont évoqués – et le dessin de Sergio Melia (pas forcément mon truc a priori) se révèle dynamique et complémentaire de ces démonstrations vulgarisantes. Une lecture sympathique et intéressante. Instructive aussi.
Moi, 20 ans, diplômée, motivée... Exploitée !
Un style classique pour des blogs plus ou moins girly. Un découpage saccadé (des gags en un dessin, parfois un peu plus avec absence de gaufrier), une absence de décors et des personnages peu détaillés (on mise sur des expressions souvent exagérées). Ça n’est pas mon truc, mais c’est lisible et efficace, et l’essentiel est ailleurs. Deux intérêts potentiels pour cet album au petit format. Avoir une vision caustique de l’exploitation des stagiaires dans pas mal de boites. Et découvrir éventuellement une auteure drôle. Disons que pour ces deux choses je suis sorti sur ma faim. Certes, l’auteure (qui décrit semble-t-il des situations personnellement vécues) montre bien l’exploitation hypocrite des stagiaires, leur invisibilisation, voire le mépris qui les frappe (comme la précarité, qui leur fait accepter des conditions de travail – une forte amplitude horaire que les salaires ne justifient pas par exemple). Mais le fait même de faire ça sur le ton de l’humour gentil atténue la critique, de toute façon pas trop poussée. Ensuite l’humour justement. Il est inégal, et globalement pas assez tonique par rapport à mes attentes. Certes, quelques sourires ont accompagné ma lecture, ni désagréable ni trop longue, mais ça n’est pas trop ma came. Note réelle 2,5/5.