Un album salutaire sur la situation à la Gaza qui a malheureusement sans doute empiré depuis.
Bon, c'est quand même une BD assez courte et qui se lit assez vite. Je pense qu'on peut facilement la lire au complet en poivrant un peu chez notre libraire habituel, mais ce que dit Sacco reste gravé dans la mémoire pendant longtemps. C'est un beau cri du cœur contre une certaine hypocrisie occidentale et l'impunité du gouvernement de Netanyahou. Malheureusement, le cynique en moi se dit qu'au final Sacco ne va prêcher qu'à des lecteurs convertis, les autres ne vont juste pas lire l'album ou alors juste rejeter en bloc tout ce qu'il dit.
Attention une lecture que je ne conseil pas à tout le monde parce que c'est une lecture brutale qui fait mal au cœur et ce n'est pas à lire si on est déjà trop sensible rien qu'en regardant les actualités à la télé. Moi-même je suis très sensible et j'avais vraiment envie de pleurer toute les larmes de mon corps. Je ne suis pas un grand fan du dessin de Sacco, mais son style va bien lorsqu'il s'agit de faire de la satire.
J'ai ouvert ce diptyque plein d'entrain, alléché par les nombreux prix glanés par cette série : prix de la série 2024 d'Angoulême, Will Eisner Award 2022, prix lecteurs BDTheque 2023, rien que ça, n'en jetez plus !
Tout commençait parfaitement bien avec cette mise en page originale, mixant les différents supports et périodes de l'histoire (extraits de mails et SMS, compte-rendus de dialogues entre personnages, flashbacks, flashforwards, etc.) et variant les sens de lecture, tantôt sur double page, tantôt plus classique. Malgré une certaine irrégularité dans les graphismes (certains visages sont parfois tout juste esquissés), l'ensemble était également plutôt de belle tenue avec une mention spéciale aux magnifiques pages d'entête annonçant chaque nouveau chapitre de manière plutôt angoissante.
S'agissant de l'histoire, un premier bémol arrivait très vite tout de même, avec la présentation quasiment en même temps d'une dizaine de personnages que j'ai eu du mal à parfaitement identifier, et ce, malgré les différences physiques notables. Ainsi, j'ai eu beaucoup besoin de revenir en arrière pour être sûr que Ryan était la fille au cheveux bleus ou que l'autrice était bien Norah. Bref, si cela est rendu nécessaire par le récit qui traite d'un huis-clos entre une dizaine de personnages dans une villa huppée surplombant un lac, cela s'avère tout de même assez fastidieux à la longue.
Malgré ce petit bémol, l'intrigue jouait plutôt bien son rôle et j'avais envie de connaître le fin mot de l'histoire : pourquoi ces personnes ont-elles été conviées par Walter dans cette villa mystérieuse ? Que représentent ces signes attribués à chacun des personnages ? Enfin, que signifient ces sortes de totems présents à l'extérieur de la villa ? J'ai ainsi dévoré les 182 pages du tome 1 sans trop m'en rendre compte mais en gardant quand même une certaine appréhension de la chute finale, ayant peur d'être au final déçu.
C'est au milieu du tome 2 que j'ai commencé à être un peu lassé par ces discussions entre Walter et ses différents amis ayant l'impression que l'intrigue tournait en rond et ce malgré la fin surprenante du tome 1 ouvrant de nouvelles perspectives (je n'en dirai pas plus ici pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs). Au final, si la chute du tome 2 offre encore une petite surprise (que j'ai tout de même vu venir), j'ai tout de même été un peu déçu par les explications aux questions que je vous ai listées un peu avant. Mais peut-être que j'en attendais trop au vu de l'important mystère présent au début de l'intrigue, un peu à la manière d'une série telle que Lost. l'ensemble se tient tout de même et reste cohérent.
Comme certains ont pu le dire avant moi, j'ai été aussi un peu dérouté par l'amour que portent tous les personnages à Walter, héros quelque peu transparent et ventripotent qui ne dégage pas grand chose tout au long de l'ouvrage...
Ainsi, vous l'aurez compris, j'avoue être un peu hésitant au moment de noter ce diptyque. Autant j'ai été emballé par le premier tome auquel j'attribuerais sans problème la note de 4/5, autant le second tome m'a paru long est verbeux, ressassant sans cesse le même thème et m'a laissé un goût de déception.
Venant d'apprendre qu'une suite était prévue, je choisis donc de rester sur un 3/5 dans l'attente de voir si l'univers s'étoffera et si on comprendra contre quoi nos 10 protagonistes doivent se défendre dans les flashforwards aux airs de scènes de guerre post-apocalyptiques et parsemant les deux tomes. Je me laisse également le temps de la relire dans quelques mois pour voir si mon appréciation évoluera.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 6,5/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6,5/10
NOTE GLOBALE : 13/20
N.B. : Je viens d'apprendre que la suite, prévue en 2025, s’intitulera à priori "The nice houce by the sea" et reprendra le concept initial, à savoir 10 personnes enfermées dans une maison. Sans constituer forcément une suite à l’œuvre initiale ? [SPOILER] S'agira-t-il d'une autre maison expérimentale destinée à faire renaître l'humanité?[SPOILER]
Mona et Eko sont amis depuis l'enfance. Ils se sont promis de ne jamais se laisser tomber. Mais il y a un an et demi, ils se sont séparés et Mona en veut profondément à Eko. Tous deux artistes acrobates, ils appartiennent tous deux à des troupes différentes et ne se voient plus. Jusqu'au jour où Eko revient subitement dans la vie de Mona avant de... disparaitre littéralement quand elle lance un caillou dans une rivière. Et voilà que le lendemain, le même jour se répète et qu'Eko revient, essayant d'empêcher Mona de jeter ce fameux caillou. Elle ne s'en rend pas compte, mais ils sont coincés dans une boucle temporelle et Eko va faire tout ce qu'il peut pour essayer d'arrêter ce cycle infini.
Héros acrobates et artistes, graphisme doux et aérien, trait épuré, teintes bleues et grises, sujet sentimental et intrigue à base d'effets temporels, cet album fait indéniablement penser à Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher. Et c'est vrai que le dessin est ici aussi très agréable, dès la couverture qui attire immanquablement l'attention et l'envie de découvrir le contenu. C'est un graphisme vivant et esthétique, dont le trait légèrement manga et la mise en page inspirée rappelle avec plaisir le style de Boulet.
L'histoire, elle, part sur le même concept que le film "un jour sans fin" avec un cycle temporel dont le héros ne sait pas comment s'échapper. Il se doute bien toutefois qu'il doit pour cela se rabibocher avec son ancienne meilleure amie puisque c'est le caillou qu'elle jette dans une rivière qui le téléporte sans arrêt au même endroit chaque jour. C'est une histoire sur une amitié si forte qu'elle aurait pu tourner à l'amour, si forte qu'elle a mené à une rupture tant les sentiments étaient intenses.
Aussi originaux que soient les protagonistes et le contexte de leur mésentente, la répétition temporelle rend l'intrigue légèrement lassante. Elle est d'autant plus frustrante que l'héroïne est fermée au dialogue ; et comme chaque matin elle ne se souvient de rien, elle n'évolue pas au fil du temps, rendant difficile de s'attacher à elle car son entêtement à s'énerver devient vite agaçant. Il en découle qu'au-delà de l'excellent dessin et d'une ambiance de départ charmante, l'intrigue s'enlise un peu et ne parvient pas à toucher comme elle l'aurait pu. C'est dommage car c'est typiquement le genre de BD qui donne envie d'être lue.
J'étais passé complètement à côté de cette BD dans ma jeunesse, n'en ayant entendu parler que des années plus tard. Mais comme j'aime beaucoup Carlos Giménez et que j'aime la science-fiction, j'avais très envie de la découvrir. Et coup de chance, je suis tombé cette semaine sur un bouquiniste qui avait tous les albums sauf un.
Je dois me ranger aux avis des lecteurs précédents : c'est une série sympathique mais emplie de trop de défauts pour ne pas décevoir un peu un lecteur adulte.
Elle a tout de même une grande qualité à mes yeux : le graphisme de Gimenez que j'aime beaucoup. Un peu raide et influencé par d'autres auteurs pour les premières histoires, il me plait pourtant déjà, et il gagne ensuite en assurance et en autonomie pour les derniers tomes. J'aime son mélange entre des personnages semi réalistes et certains personnages secondaires, robots et IA, aux traits plus cartoons et humoristiques. Quant aux décors et véhicules, ils sont très inspirés des BD de science-fiction de l'époque, en particulier de Valérian, série dont on voit très vite que les deux auteurs espagnols ont essayé de se rapprocher quitte à parfois ressembler à un ersatz maladroit.
On notera rapidement que les éditeurs français n'ont pas publié les histoires dans leur ordre chronologique. C'est en effet le tome 2 français, "Le Cimetière de l'Espace", qui contient les vrais premiers épisodes de la série et en particulier l'explication de comment Daniel Blancor, adolescent des années 1970, s'est retrouvé projeté dans le futur et renommé Dani Futuro. Après cela, nous avons droit à des histoires courtes de taille variable, en moyenne une douzaine de pages, avant de devenir des histoires en un tome sur la fin de la série. D'abord limitées à un futur proche avec juste quelques planètes du système solaire colonisées par les humains, elles tourneront à du Space Opera sans limite avec des civilisations humaines partout dans l'univers et un gros gloubi-boulga sans cohérence scientifique qui mélange les galaxies, les nébuleuses et autres objets interstellaires comme on pouvait en trouver dans les pulps de science-fiction aventureuse.
Comme les ingrédients sont très proches de ceux de la série Valérian, on aurait pu obtenir des intrigues aussi bonnes et variées, mais celles de Dani Futuro sont bien plus basiques et convenues, bien plus enfantines aussi. La majorité reprennent une trame similaire de la découverte d'un nouveau lieu/nouvelle planète, d'un peuple en danger ou asservi, d'un méchant à combattre, et du gentil ado et de sa copine qui triomphent du mal et tout le monde est content à la fin. Certaines histoires sortent un peu de ce carcan stéréotypé, comme notamment "Une Planète en Héritage" qui a l'originalité de ne pas avoir Dani pour héros mais seulement sa copine Iris et d'autres protagonistes. Mais pour le reste, les intrigues sont trop désuètes et immatures pour satisfaire un lecteur moderne et adulte.
Seul demeure le dessin que je trouve toujours excellent et que j'aurais aimé voir mis au service d'un scénario de SF plus abouti et plus original.
Un polar rural qui se déroule volontairement sur un rythme atone. Très peu de personnages, des paysages désertiques entièrement recouverts de neige et deux fermes isolées, tout concourt finalement à écraser l’intrigue et à la ramener à quelques bribes auxquelles le lecteur doit se raccrocher pour suivre.
Au milieu de ce quasi néant, deux vieux garçons taiseux (les « dialogues » entre l’un deux et son chien sont presque les plus développés) dans leur ferme. L’aspect polar arrive sans s’imposer franchement. Ça n’est que vers la fin – et encore assez brutalement – que le lecteur est éclairé par rapport à certains comportements.
Dessin et colorisation accompagnent bien le récit et sont eux aussi très sobres. Quelques taches de couleurs (souvent du rouge sang) tranchent avec un ensemble très blanc ou grisâtre.
Un récit qui se laisse lire, mais il m’a manqué quelque chose (je ne saurais trop préciser quoi) pour que je le trouve plus captivant. Je reste un peu sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Heredia est un nom qui me disait quelque chose, mais en fait je ne connaissais – sans l’avoir lu – que celui du poète Jose-Maria de Heredia, m’étonnant bêtement de ne pas voir évoqué ce pan de sa vie dans cette biographie. Bref, erreur corrigée au bout d’un moment, cet album m’ayant fait découvrir ce personnage ayant joué un rôle relativement important dans la vie politique parisienne puis française du dernier quart du XIXème siècle.
Sa trajectoire est intéressante, illustrant la fin de l’esclavage dans les colonies, et l’évolution sociale et politique en France durant cette période. Sa trajectoire personnelle est tout aussi intéressante. Débutant sa vie française (il est l’héritier d’une riche famille de planteurs de la Havane) comme un noceur, il va peu à peu s’assagir – dans sa vie familiale, finalement très rangée et bourgeoise – comme dans sa vie professionnelle et politique.
Républicain, radical de gauche, il va voter la plupart des textes (loi autorisant les syndicat, lois Ferry sur l’instruction, diminution du temps de travail) réformateurs de l’époque, se montrant souvent engagé (modérément, puisqu'il oppose pas mal de tabous bourgeois aux idées communardes et communistes) et en avance sur son époque (concernant les femmes par exemple).
J’ai juste un peu tiqué par rapport au ton un peu hagiographique d’Ozanam. On a l’impression parfois que c’est Heredia qui à lui tout seul donne le ton, imprime le mouvement, est LE type et homme politique parfait, à nos yeux contemporains. C’est un peu exagéré, manichéen, et peut-être anachronique. Et, à vouloir ne montrer que le beau côté de la médaille, certaines contradictions sont masquée. Ainsi sur toute une page Heredia critique les zoos humains. Il a effectivement raison de le faire, mais pour le coup c'est très anachronique pour un homme politique de l'époque. Surtout, dans la même page, il défend la colonisation et l'empire colonial français. Or, les zoos humains sont une cause de la colonisation, par la propagande diffusée (ils entretiennent une imagerie positive du point de vue du colonisateur et diffuse des stéréotypes racistes). L'un ne va pas sans l'autre.
Mais je suis quand même content d’avoir pu découvrir ce personnage, sûrement moins important qu’Ozanam nous le laisse croire, mais en tout cas qui ne mérite pas le relatif oubli dans lequel il est tombé (et les attaques dont il a fait l’objet dans les années 1880-90, sur ses origines, sa couleur de peau, ses ascendances en partie juives, etc. me le rendent par réaction plus estimable, moi qui hais xénophobie et racisme).
Dans une petite maison au fond de la forêt, un père vit avec ses deux filles et leur raconte des histoires pour les consoler de la mort de leur mère. Mais quand les deux fillettes ramènent une renarde blessée chez elles, le père s'énerve d'apprendre que la plus âgée a utilisé une mélodie capable de soigner les blessures. Malheureuse, Erinn s'enfuit dans la forêt, plus tard suivie par sa sœur et la renarde. Là, par-delà le lac, elles vont réaliser que les contes rejoignent la réalité.
Malgré son titre, cette histoire n'adapte aucune légende Irlandaise en particulier mais s'inspire de leur culture et en emprunte quelques éléments. Après une poignée de pages d'introduction à la manière d'illustrations un peu naïves, l'autrice révèle son véritable graphisme qui est très joli. C'est un trait aérien et lâché rappelant celui de Cyril Pedrosa rehaussé de belles couleurs vivantes et légèrement pastels. Ce graphisme instaure une atmosphère de conte tendre, de beauté mais aussi de légèreté comme notamment dans la représentation de la renarde qui dégage un réel humour avec sa mèche qui lui masque les yeux et ses pancartes pour s'exprimer.
L'histoire tient effectivement du conte tout en mélangeant de nombreux thèmes tels que le secret de famille, le deuil, la confiance en soi ou encore le rejet des préjugés. La majorité des personnages sont très bons, en particulier les deux fillettes, la renarde et la vieille femme. J'aime moins par contre le comportement du père qui s'explique mal, ainsi que celui de l'antagoniste qui est un peu trop lisse et manichéen. Si l'intrigue tient la route et présente beaucoup de bons passages, je trouve toutefois qu'elle s'éparpille un peu trop au risque de briser son rythme et de perdre le lecteur dans une succession de péripéties parfois dispensables, comme celles dans les ruines du temple.
Cette légère confusion et ce problème de rythme m'ont empêché de savourer pleinement une histoire qui pourtant fourmille de qualités et qui est superbement mise en images.
Après 70 ans de silence Guy-Pierre Gautier a exprimé le besoin de transmettre une mémoire utile aux jeunes générations. C'est son petit fils, Tiburce Oger qui recueille et met en forme le récit poignant du résistant déporté. Oger livre un récit sobre et précis. A partir d'une scène initiale de remise de décoration, la chronologie remonte aux années 20/30 pour un bref rappel de la situation familiale de Guy-Pierre. La suite se déroule d'un façon simple en suivant la chronologie des événements. L'action résistante du jeune homme d'abord via des tracts puis des sabotages au sein des FTPF. Le récit ne fait pas dans l’esbroufe, la région n'est pas sous pression sauf sur la base sous-marine de La Rochelle et c'est presque avec surprise que l'on retrouve Guy-Pierre en prison (française). Les faits, les dates et les noms des amis sont là qui rendent la narration comme un quasi documentaire presque distant. L'intensité augmente un moment au moment des interrogatoires pour retomber quelque peu. Puis c'est l'épisode de Dachau à mon avis le plus marquant du récit. Personnellement c'est cette dernière partie qui m'a le plus saisi. Si les deux premières parties m'ont semblé en retrait par rapport à une œuvre comme Madeleine, résistante; la partie déportation est bouleversante et sincère. Là encore il y a beaucoup de précisions dans les dates, les organisations et le vécu au quotidien des prisonniers.
Si le graphisme proposé par Oger n'est pas mon préféré il colle parfaitement bien au récit. C'est surtout vrai pour les scènes d'interrogatoires ou la partie sur Dachau. Ces visages meurtris et ces corps tordus et déformés rendent très bien les souffrances endurées.
Une bonne lecture pour faire mémoire. Un bon 3.
J’ai lu la réédition parue chez Mangetsu. Ils ont gardé la couverture de Tonkam, mais ont dû ajouter du contenu. En effet, les posteurs précédents ne parlent que de Frankenstein (ou alors de deux histoires supplémentaires), alors qu’ici il y en a dix en sus de celle qui donne son titre au recueil.
L’histoire de Frankenstein entame ce recueil, et les amateurs de ce récit y retrouveront quelque chose de très classique, un roman noir et gothique que Junji Ito revisite en n’apportant pas trop de touche personnelle. Ça reste presque en retrait de ce qu’il fait d’habitude (à part les apparitions des créatures de Frankenstein, ou quelques cases en gros plans d’une femme guillotinée).
Les histoires qui accompagnent ce classique sont inégales, et sans doute issues de périodes différentes du maître japonais de l’horreur. Elles sont de plus en plus croutes. Mais la plupart mettent en avant un fantastique qui joue sur le gore, un malaise, pour emporter le lecteur à l’écart de la norme et du réel – tout en s’y enfouissant. I y a là quelque chose de plus proche de ce que fait Ito, j’ai presque préféré certaines de ces petites histoires au récit presque « retenu » - visuellement en tout cas – de Frankenstein.
Un recueil qui plaira aux amateurs d’Ito je pense (son dessin au trait fin et classique, clair et fluide, puis sombre et nerveux lorsque l’horreur s’invite, est toujours aussi réussi).
Enquête fouillée et roborative.
A l'époque où Giscard était président, Action Directe essayait de faire trembler le capitalisme en faisant exploser des bureaux de grandes entreprises, en assassinant des patrons... Pour assurer leur clandestinité et trouver les moyens de leurs projets, ils réalisaient aussi des braquages spectaculaires.
Les services du renseignement français étaient sur les dents et c'est cette histoire que raconte l'escamoteur.
En particulier l'histoire d'un indicateur étrange et fascinant.
Ce documentaire est mis en image dans des lavis sépia ou gris de Payne suivant les époques représentées.
Le visage séducteur de Gabriel Chahine, l'escamoteur, est suffisamment réussit pour nous faire avaler ses aventures parfaitement invraisemblables et pourtant réelles...
Cette BD fait revivre une époque suffisament recente pour que ses acteurs soit encore vivants mais assez éloignée pour que l'évolution des mentalités apparaisse de manière intéressante. Il s'agit d'une sorte de roman d'aventure ou tout est vrai. L'imaginaire des films de gangster devenu réalité, avec les moyens du bord.
Les terroristes d'hier et ceux d'aujourd'hui se confrontent dans notre esprit. La justification religieuse a remplacé la justification politique.
En réalité, ces groupuscules semblent le résultat d'une sorte de vide dans l'espoir présenté aux nouvelles générations.
L'action violente a toujours entraîné des retours de manivelle bien légitimes. Contre le capitalisme, des films, des BD, l'économie sociale et solidaire, les réglementations environnementales, certains economistes, le GIEC commencent à créer une nébuleuse qui imagine la fin du capitalisme tardif... Mais la société de consommation, elle, semble difficile à déboulonner.
Cette BD m'a intéressée mais elle peut véhiculer une certaine tristesse devant le renouvellement incessant des jeunesses exaspérées et désespérées qui se tirent des balles dans le pied , plutôt que de pousser légèrement et continuement vers d'autres horizons... En diminuant sa consommation et donc son "niveau de vie".
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Guerre à Gaza
Un album salutaire sur la situation à la Gaza qui a malheureusement sans doute empiré depuis. Bon, c'est quand même une BD assez courte et qui se lit assez vite. Je pense qu'on peut facilement la lire au complet en poivrant un peu chez notre libraire habituel, mais ce que dit Sacco reste gravé dans la mémoire pendant longtemps. C'est un beau cri du cœur contre une certaine hypocrisie occidentale et l'impunité du gouvernement de Netanyahou. Malheureusement, le cynique en moi se dit qu'au final Sacco ne va prêcher qu'à des lecteurs convertis, les autres ne vont juste pas lire l'album ou alors juste rejeter en bloc tout ce qu'il dit. Attention une lecture que je ne conseil pas à tout le monde parce que c'est une lecture brutale qui fait mal au cœur et ce n'est pas à lire si on est déjà trop sensible rien qu'en regardant les actualités à la télé. Moi-même je suis très sensible et j'avais vraiment envie de pleurer toute les larmes de mon corps. Je ne suis pas un grand fan du dessin de Sacco, mais son style va bien lorsqu'il s'agit de faire de la satire.
The Nice House on the lake
J'ai ouvert ce diptyque plein d'entrain, alléché par les nombreux prix glanés par cette série : prix de la série 2024 d'Angoulême, Will Eisner Award 2022, prix lecteurs BDTheque 2023, rien que ça, n'en jetez plus ! Tout commençait parfaitement bien avec cette mise en page originale, mixant les différents supports et périodes de l'histoire (extraits de mails et SMS, compte-rendus de dialogues entre personnages, flashbacks, flashforwards, etc.) et variant les sens de lecture, tantôt sur double page, tantôt plus classique. Malgré une certaine irrégularité dans les graphismes (certains visages sont parfois tout juste esquissés), l'ensemble était également plutôt de belle tenue avec une mention spéciale aux magnifiques pages d'entête annonçant chaque nouveau chapitre de manière plutôt angoissante. S'agissant de l'histoire, un premier bémol arrivait très vite tout de même, avec la présentation quasiment en même temps d'une dizaine de personnages que j'ai eu du mal à parfaitement identifier, et ce, malgré les différences physiques notables. Ainsi, j'ai eu beaucoup besoin de revenir en arrière pour être sûr que Ryan était la fille au cheveux bleus ou que l'autrice était bien Norah. Bref, si cela est rendu nécessaire par le récit qui traite d'un huis-clos entre une dizaine de personnages dans une villa huppée surplombant un lac, cela s'avère tout de même assez fastidieux à la longue. Malgré ce petit bémol, l'intrigue jouait plutôt bien son rôle et j'avais envie de connaître le fin mot de l'histoire : pourquoi ces personnes ont-elles été conviées par Walter dans cette villa mystérieuse ? Que représentent ces signes attribués à chacun des personnages ? Enfin, que signifient ces sortes de totems présents à l'extérieur de la villa ? J'ai ainsi dévoré les 182 pages du tome 1 sans trop m'en rendre compte mais en gardant quand même une certaine appréhension de la chute finale, ayant peur d'être au final déçu. C'est au milieu du tome 2 que j'ai commencé à être un peu lassé par ces discussions entre Walter et ses différents amis ayant l'impression que l'intrigue tournait en rond et ce malgré la fin surprenante du tome 1 ouvrant de nouvelles perspectives (je n'en dirai pas plus ici pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs). Au final, si la chute du tome 2 offre encore une petite surprise (que j'ai tout de même vu venir), j'ai tout de même été un peu déçu par les explications aux questions que je vous ai listées un peu avant. Mais peut-être que j'en attendais trop au vu de l'important mystère présent au début de l'intrigue, un peu à la manière d'une série telle que Lost. l'ensemble se tient tout de même et reste cohérent. Comme certains ont pu le dire avant moi, j'ai été aussi un peu dérouté par l'amour que portent tous les personnages à Walter, héros quelque peu transparent et ventripotent qui ne dégage pas grand chose tout au long de l'ouvrage... Ainsi, vous l'aurez compris, j'avoue être un peu hésitant au moment de noter ce diptyque. Autant j'ai été emballé par le premier tome auquel j'attribuerais sans problème la note de 4/5, autant le second tome m'a paru long est verbeux, ressassant sans cesse le même thème et m'a laissé un goût de déception. Venant d'apprendre qu'une suite était prévue, je choisis donc de rester sur un 3/5 dans l'attente de voir si l'univers s'étoffera et si on comprendra contre quoi nos 10 protagonistes doivent se défendre dans les flashforwards aux airs de scènes de guerre post-apocalyptiques et parsemant les deux tomes. Je me laisse également le temps de la relire dans quelques mois pour voir si mon appréciation évoluera. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 6,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6,5/10 NOTE GLOBALE : 13/20 N.B. : Je viens d'apprendre que la suite, prévue en 2025, s’intitulera à priori "The nice houce by the sea" et reprendra le concept initial, à savoir 10 personnes enfermées dans une maison. Sans constituer forcément une suite à l’œuvre initiale ? [SPOILER] S'agira-t-il d'une autre maison expérimentale destinée à faire renaître l'humanité?[SPOILER]
Le Jour du Caillou
Mona et Eko sont amis depuis l'enfance. Ils se sont promis de ne jamais se laisser tomber. Mais il y a un an et demi, ils se sont séparés et Mona en veut profondément à Eko. Tous deux artistes acrobates, ils appartiennent tous deux à des troupes différentes et ne se voient plus. Jusqu'au jour où Eko revient subitement dans la vie de Mona avant de... disparaitre littéralement quand elle lance un caillou dans une rivière. Et voilà que le lendemain, le même jour se répète et qu'Eko revient, essayant d'empêcher Mona de jeter ce fameux caillou. Elle ne s'en rend pas compte, mais ils sont coincés dans une boucle temporelle et Eko va faire tout ce qu'il peut pour essayer d'arrêter ce cycle infini. Héros acrobates et artistes, graphisme doux et aérien, trait épuré, teintes bleues et grises, sujet sentimental et intrigue à base d'effets temporels, cet album fait indéniablement penser à Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher. Et c'est vrai que le dessin est ici aussi très agréable, dès la couverture qui attire immanquablement l'attention et l'envie de découvrir le contenu. C'est un graphisme vivant et esthétique, dont le trait légèrement manga et la mise en page inspirée rappelle avec plaisir le style de Boulet. L'histoire, elle, part sur le même concept que le film "un jour sans fin" avec un cycle temporel dont le héros ne sait pas comment s'échapper. Il se doute bien toutefois qu'il doit pour cela se rabibocher avec son ancienne meilleure amie puisque c'est le caillou qu'elle jette dans une rivière qui le téléporte sans arrêt au même endroit chaque jour. C'est une histoire sur une amitié si forte qu'elle aurait pu tourner à l'amour, si forte qu'elle a mené à une rupture tant les sentiments étaient intenses. Aussi originaux que soient les protagonistes et le contexte de leur mésentente, la répétition temporelle rend l'intrigue légèrement lassante. Elle est d'autant plus frustrante que l'héroïne est fermée au dialogue ; et comme chaque matin elle ne se souvient de rien, elle n'évolue pas au fil du temps, rendant difficile de s'attacher à elle car son entêtement à s'énerver devient vite agaçant. Il en découle qu'au-delà de l'excellent dessin et d'une ambiance de départ charmante, l'intrigue s'enlise un peu et ne parvient pas à toucher comme elle l'aurait pu. C'est dommage car c'est typiquement le genre de BD qui donne envie d'être lue.
Dani Futuro
J'étais passé complètement à côté de cette BD dans ma jeunesse, n'en ayant entendu parler que des années plus tard. Mais comme j'aime beaucoup Carlos Giménez et que j'aime la science-fiction, j'avais très envie de la découvrir. Et coup de chance, je suis tombé cette semaine sur un bouquiniste qui avait tous les albums sauf un. Je dois me ranger aux avis des lecteurs précédents : c'est une série sympathique mais emplie de trop de défauts pour ne pas décevoir un peu un lecteur adulte. Elle a tout de même une grande qualité à mes yeux : le graphisme de Gimenez que j'aime beaucoup. Un peu raide et influencé par d'autres auteurs pour les premières histoires, il me plait pourtant déjà, et il gagne ensuite en assurance et en autonomie pour les derniers tomes. J'aime son mélange entre des personnages semi réalistes et certains personnages secondaires, robots et IA, aux traits plus cartoons et humoristiques. Quant aux décors et véhicules, ils sont très inspirés des BD de science-fiction de l'époque, en particulier de Valérian, série dont on voit très vite que les deux auteurs espagnols ont essayé de se rapprocher quitte à parfois ressembler à un ersatz maladroit. On notera rapidement que les éditeurs français n'ont pas publié les histoires dans leur ordre chronologique. C'est en effet le tome 2 français, "Le Cimetière de l'Espace", qui contient les vrais premiers épisodes de la série et en particulier l'explication de comment Daniel Blancor, adolescent des années 1970, s'est retrouvé projeté dans le futur et renommé Dani Futuro. Après cela, nous avons droit à des histoires courtes de taille variable, en moyenne une douzaine de pages, avant de devenir des histoires en un tome sur la fin de la série. D'abord limitées à un futur proche avec juste quelques planètes du système solaire colonisées par les humains, elles tourneront à du Space Opera sans limite avec des civilisations humaines partout dans l'univers et un gros gloubi-boulga sans cohérence scientifique qui mélange les galaxies, les nébuleuses et autres objets interstellaires comme on pouvait en trouver dans les pulps de science-fiction aventureuse. Comme les ingrédients sont très proches de ceux de la série Valérian, on aurait pu obtenir des intrigues aussi bonnes et variées, mais celles de Dani Futuro sont bien plus basiques et convenues, bien plus enfantines aussi. La majorité reprennent une trame similaire de la découverte d'un nouveau lieu/nouvelle planète, d'un peuple en danger ou asservi, d'un méchant à combattre, et du gentil ado et de sa copine qui triomphent du mal et tout le monde est content à la fin. Certaines histoires sortent un peu de ce carcan stéréotypé, comme notamment "Une Planète en Héritage" qui a l'originalité de ne pas avoir Dani pour héros mais seulement sa copine Iris et d'autres protagonistes. Mais pour le reste, les intrigues sont trop désuètes et immatures pour satisfaire un lecteur moderne et adulte. Seul demeure le dessin que je trouve toujours excellent et que j'aurais aimé voir mis au service d'un scénario de SF plus abouti et plus original.
Grossir le ciel
Un polar rural qui se déroule volontairement sur un rythme atone. Très peu de personnages, des paysages désertiques entièrement recouverts de neige et deux fermes isolées, tout concourt finalement à écraser l’intrigue et à la ramener à quelques bribes auxquelles le lecteur doit se raccrocher pour suivre. Au milieu de ce quasi néant, deux vieux garçons taiseux (les « dialogues » entre l’un deux et son chien sont presque les plus développés) dans leur ferme. L’aspect polar arrive sans s’imposer franchement. Ça n’est que vers la fin – et encore assez brutalement – que le lecteur est éclairé par rapport à certains comportements. Dessin et colorisation accompagnent bien le récit et sont eux aussi très sobres. Quelques taches de couleurs (souvent du rouge sang) tranchent avec un ensemble très blanc ou grisâtre. Un récit qui se laisse lire, mais il m’a manqué quelque chose (je ne saurais trop préciser quoi) pour que je le trouve plus captivant. Je reste un peu sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
Severiano de Heredia - Élu de la République
Heredia est un nom qui me disait quelque chose, mais en fait je ne connaissais – sans l’avoir lu – que celui du poète Jose-Maria de Heredia, m’étonnant bêtement de ne pas voir évoqué ce pan de sa vie dans cette biographie. Bref, erreur corrigée au bout d’un moment, cet album m’ayant fait découvrir ce personnage ayant joué un rôle relativement important dans la vie politique parisienne puis française du dernier quart du XIXème siècle. Sa trajectoire est intéressante, illustrant la fin de l’esclavage dans les colonies, et l’évolution sociale et politique en France durant cette période. Sa trajectoire personnelle est tout aussi intéressante. Débutant sa vie française (il est l’héritier d’une riche famille de planteurs de la Havane) comme un noceur, il va peu à peu s’assagir – dans sa vie familiale, finalement très rangée et bourgeoise – comme dans sa vie professionnelle et politique. Républicain, radical de gauche, il va voter la plupart des textes (loi autorisant les syndicat, lois Ferry sur l’instruction, diminution du temps de travail) réformateurs de l’époque, se montrant souvent engagé (modérément, puisqu'il oppose pas mal de tabous bourgeois aux idées communardes et communistes) et en avance sur son époque (concernant les femmes par exemple). J’ai juste un peu tiqué par rapport au ton un peu hagiographique d’Ozanam. On a l’impression parfois que c’est Heredia qui à lui tout seul donne le ton, imprime le mouvement, est LE type et homme politique parfait, à nos yeux contemporains. C’est un peu exagéré, manichéen, et peut-être anachronique. Et, à vouloir ne montrer que le beau côté de la médaille, certaines contradictions sont masquée. Ainsi sur toute une page Heredia critique les zoos humains. Il a effectivement raison de le faire, mais pour le coup c'est très anachronique pour un homme politique de l'époque. Surtout, dans la même page, il défend la colonisation et l'empire colonial français. Or, les zoos humains sont une cause de la colonisation, par la propagande diffusée (ils entretiennent une imagerie positive du point de vue du colonisateur et diffuse des stéréotypes racistes). L'un ne va pas sans l'autre. Mais je suis quand même content d’avoir pu découvrir ce personnage, sûrement moins important qu’Ozanam nous le laisse croire, mais en tout cas qui ne mérite pas le relatif oubli dans lequel il est tombé (et les attaques dont il a fait l’objet dans les années 1880-90, sur ses origines, sa couleur de peau, ses ascendances en partie juives, etc. me le rendent par réaction plus estimable, moi qui hais xénophobie et racisme).
La Princesse d'Hazelwood - Une légende Irlandaise
Dans une petite maison au fond de la forêt, un père vit avec ses deux filles et leur raconte des histoires pour les consoler de la mort de leur mère. Mais quand les deux fillettes ramènent une renarde blessée chez elles, le père s'énerve d'apprendre que la plus âgée a utilisé une mélodie capable de soigner les blessures. Malheureuse, Erinn s'enfuit dans la forêt, plus tard suivie par sa sœur et la renarde. Là, par-delà le lac, elles vont réaliser que les contes rejoignent la réalité. Malgré son titre, cette histoire n'adapte aucune légende Irlandaise en particulier mais s'inspire de leur culture et en emprunte quelques éléments. Après une poignée de pages d'introduction à la manière d'illustrations un peu naïves, l'autrice révèle son véritable graphisme qui est très joli. C'est un trait aérien et lâché rappelant celui de Cyril Pedrosa rehaussé de belles couleurs vivantes et légèrement pastels. Ce graphisme instaure une atmosphère de conte tendre, de beauté mais aussi de légèreté comme notamment dans la représentation de la renarde qui dégage un réel humour avec sa mèche qui lui masque les yeux et ses pancartes pour s'exprimer. L'histoire tient effectivement du conte tout en mélangeant de nombreux thèmes tels que le secret de famille, le deuil, la confiance en soi ou encore le rejet des préjugés. La majorité des personnages sont très bons, en particulier les deux fillettes, la renarde et la vieille femme. J'aime moins par contre le comportement du père qui s'explique mal, ainsi que celui de l'antagoniste qui est un peu trop lisse et manichéen. Si l'intrigue tient la route et présente beaucoup de bons passages, je trouve toutefois qu'elle s'éparpille un peu trop au risque de briser son rythme et de perdre le lecteur dans une succession de péripéties parfois dispensables, comme celles dans les ruines du temple. Cette légère confusion et ce problème de rythme m'ont empêché de savourer pleinement une histoire qui pourtant fourmille de qualités et qui est superbement mise en images.
Ma guerre
Après 70 ans de silence Guy-Pierre Gautier a exprimé le besoin de transmettre une mémoire utile aux jeunes générations. C'est son petit fils, Tiburce Oger qui recueille et met en forme le récit poignant du résistant déporté. Oger livre un récit sobre et précis. A partir d'une scène initiale de remise de décoration, la chronologie remonte aux années 20/30 pour un bref rappel de la situation familiale de Guy-Pierre. La suite se déroule d'un façon simple en suivant la chronologie des événements. L'action résistante du jeune homme d'abord via des tracts puis des sabotages au sein des FTPF. Le récit ne fait pas dans l’esbroufe, la région n'est pas sous pression sauf sur la base sous-marine de La Rochelle et c'est presque avec surprise que l'on retrouve Guy-Pierre en prison (française). Les faits, les dates et les noms des amis sont là qui rendent la narration comme un quasi documentaire presque distant. L'intensité augmente un moment au moment des interrogatoires pour retomber quelque peu. Puis c'est l'épisode de Dachau à mon avis le plus marquant du récit. Personnellement c'est cette dernière partie qui m'a le plus saisi. Si les deux premières parties m'ont semblé en retrait par rapport à une œuvre comme Madeleine, résistante; la partie déportation est bouleversante et sincère. Là encore il y a beaucoup de précisions dans les dates, les organisations et le vécu au quotidien des prisonniers. Si le graphisme proposé par Oger n'est pas mon préféré il colle parfaitement bien au récit. C'est surtout vrai pour les scènes d'interrogatoires ou la partie sur Dachau. Ces visages meurtris et ces corps tordus et déformés rendent très bien les souffrances endurées. Une bonne lecture pour faire mémoire. Un bon 3.
Frankenstein (Junji Ito)
J’ai lu la réédition parue chez Mangetsu. Ils ont gardé la couverture de Tonkam, mais ont dû ajouter du contenu. En effet, les posteurs précédents ne parlent que de Frankenstein (ou alors de deux histoires supplémentaires), alors qu’ici il y en a dix en sus de celle qui donne son titre au recueil. L’histoire de Frankenstein entame ce recueil, et les amateurs de ce récit y retrouveront quelque chose de très classique, un roman noir et gothique que Junji Ito revisite en n’apportant pas trop de touche personnelle. Ça reste presque en retrait de ce qu’il fait d’habitude (à part les apparitions des créatures de Frankenstein, ou quelques cases en gros plans d’une femme guillotinée). Les histoires qui accompagnent ce classique sont inégales, et sans doute issues de périodes différentes du maître japonais de l’horreur. Elles sont de plus en plus croutes. Mais la plupart mettent en avant un fantastique qui joue sur le gore, un malaise, pour emporter le lecteur à l’écart de la norme et du réel – tout en s’y enfouissant. I y a là quelque chose de plus proche de ce que fait Ito, j’ai presque préféré certaines de ces petites histoires au récit presque « retenu » - visuellement en tout cas – de Frankenstein. Un recueil qui plaira aux amateurs d’Ito je pense (son dessin au trait fin et classique, clair et fluide, puis sombre et nerveux lorsque l’horreur s’invite, est toujours aussi réussi).
L'Escamoteur
Enquête fouillée et roborative. A l'époque où Giscard était président, Action Directe essayait de faire trembler le capitalisme en faisant exploser des bureaux de grandes entreprises, en assassinant des patrons... Pour assurer leur clandestinité et trouver les moyens de leurs projets, ils réalisaient aussi des braquages spectaculaires. Les services du renseignement français étaient sur les dents et c'est cette histoire que raconte l'escamoteur. En particulier l'histoire d'un indicateur étrange et fascinant. Ce documentaire est mis en image dans des lavis sépia ou gris de Payne suivant les époques représentées. Le visage séducteur de Gabriel Chahine, l'escamoteur, est suffisamment réussit pour nous faire avaler ses aventures parfaitement invraisemblables et pourtant réelles... Cette BD fait revivre une époque suffisament recente pour que ses acteurs soit encore vivants mais assez éloignée pour que l'évolution des mentalités apparaisse de manière intéressante. Il s'agit d'une sorte de roman d'aventure ou tout est vrai. L'imaginaire des films de gangster devenu réalité, avec les moyens du bord. Les terroristes d'hier et ceux d'aujourd'hui se confrontent dans notre esprit. La justification religieuse a remplacé la justification politique. En réalité, ces groupuscules semblent le résultat d'une sorte de vide dans l'espoir présenté aux nouvelles générations. L'action violente a toujours entraîné des retours de manivelle bien légitimes. Contre le capitalisme, des films, des BD, l'économie sociale et solidaire, les réglementations environnementales, certains economistes, le GIEC commencent à créer une nébuleuse qui imagine la fin du capitalisme tardif... Mais la société de consommation, elle, semble difficile à déboulonner. Cette BD m'a intéressée mais elle peut véhiculer une certaine tristesse devant le renouvellement incessant des jeunesses exaspérées et désespérées qui se tirent des balles dans le pied , plutôt que de pousser légèrement et continuement vers d'autres horizons... En diminuant sa consommation et donc son "niveau de vie".