À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ?
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa publication originale date de 2015. Il a été réalisé par Chantal van den Heuvel pour le scénario, et par Daphné Collignon pour l’adaptation, dessin et couleur. Il comprend soixante pages de bande dessinée.
Deux copines, Flora Fontaine et Léa, sont en train de prendre le soleil, par une belle après-midi d’été sur la terrasse de la maison de la première. La seconde complimente son amie sur le fait qu’elle a de la chance de ne pas faire son âge… Mais ça peut lui tomber dessus d’un coup. En son for intérieur, Flora se dit qu’elle n’a même pas eu le temps de savourer le compliment. Elle se disait aussi… Jamais à court d’une vacherie Léa. Et quand elle ne les balance pas, elle les pense. Ça se voit au petit éclat de scalpel dans ses yeux, ça se lit au fil acéré de son sourire. Flora se dit qu’elle doit avoir l’amitié masochiste, elle éprouve toujours une légère sensation d’écrasement avec Léa. Il faut dire que cette dernière a une supériorité indéniable sur Flora : les pieds sur terre et un solide paquet de stocks options. Léa est au top du management, alors que Flora est pigiste et elle écrit des contes pour enfant. Tout est dit. Enfin non. Tout n’est pas dit, il n’y a pas que le pouvoir et l’argent dans la vie ! quoi que… Avec un peu d’argent devant elle, Flora ne vivrait pas dans l’angoisse de perdre son vert paradis pour se retrouver Dieu sait où… Elle se souvient encore de ce rendez-vous chez le notaire lors du divorce, avec son ex-époux. Manu avait accepté de lui céder le bien commun, la maison, pour cent mille euros, et elle avait dû faire un emprunt. Du coup, au moindre pépin, genre on ne lui commande plus d’articles, elle ne peut plus rembourser l’emprunt et adieu ses verts arpents. Elle serait jetée à la rue avec son petit Tommy ! Ou pire ! Elle finirait encagée au sommet d’un clapier, tags et ascenseurs en panne à tous les étages.
Une impossibilité de payer ses traites, et il n’y aurait plus de clairs matins d’été pour aller prendre le premier thé de la journée chez son ami Roxane, sa voisine. Flora ne pourrait plus papoter avec Vénérable, son cher voisin qui adore les petits plats qu’elle cuisine avec les légumes du jardin de cet homme à la retraite. L’esprit de Flora revient au temps présent : elle ressert du thé à Léa, sans se rendre compte qu’elle est en train de verser à côté de la tasse, ce que son amie lui fait immédiatement observer. Flora s’excuse, expliquant qu’elle pensait au fait qu’il lui reste encore cinq ans à rembourser sa maison. Du coup, Léa lui fait observer que ce n’est pas le bon moment pour lui chercher un mec, ajoutant que Flora n’espère tout de même pas trouver un friqué sur internet dans l’espoir qu’il lui paie sa maison. Flora s’emporte car elle n’a jamais eu cette idée, ce qui est vrai mais ça lui donne à réfléchir. À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ? À partir de quel degré de famine, des naufragés perdus dans l’océan se laissent-ils aller à manger le foie de leur voisin ? Elle oublie ça, et elle revient à son profil qu’elle vient de placer sur le site de rencontre que Léa fréquente depuis deux ans.
Le texte de la quatrième de couverture correspond à un dialogue entre Flora et Léa, la dernière faisant observer une étoile filante dans le ciel et suggérant à son ami de faire un vœu. Ce qu’elle fait, en indiquant que ses souhaits sont d’une affligeante banalité : avoir un petit coin où être heureuse et trouver l’amour… comme à peu près sept milliards d’individus, consternant non ? Le lecteur comprend qu’il va découvrir l’équivalent d’un roman intimiste, une femme ayant atteint quarante ans, divorcée, avec un métier peu valorisant parfois créatif, et cherchant à construire un nouveau couple, ou plutôt une nouvelle cellule familiale avec son fils Tommy. Banal, plutôt que consternant, et Flora Fontaine est bien sympathique dans sa normalité. Elle ne souhaite pas vivre dans un petit appartement d’une cité avec une population trop dense et les dégradations qui vont de pair. Elle vit dans l’inquiétude de manquer une traite, et elle s’astreint à conserver un travail abrutissant, et précaire d’une certaine manière. Elle s’est établie en tant que profession libérale, et elle n’a qu’un seul client : elle ne peut donc qu’accepter chaque demande de modification de ses articles, que ce soient les retouches effectuées par Monsieur Ducasse le directeur de la société (convaincu d’ainsi améliorer le texte original), ou de devoir abandonner un article en cours de route pour en faire un autre sur un sujet différent, par exemple laisser tomber l’édito sur les loyers et les charges, pour un papier sur l’isolation thermique.
Cette banalité se retrouve dans l’apparence de la narration visuelle, douce et ordinaire. Les personnages sont représentés avec un degré de simplification : dans le contour de silhouette, dans les doigts, dans les traits de visage, etc. Pour autant, ils disposent tous d’une identité visuelle personnelle, et de caractéristiques physiques : les hanches un peu larges de Flora et des cheveux en bataille, une silhouette plus longiligne pour Léa et des cheveux longs, un corps plus massif pour Roxane, un corps de déesse pour Anitea (une jeune tahitienne, nièce de Roxane). Chacune de ces femmes porte des robes, des modèles différents accordés à leur personnalité. Une seule exception : la policière qui vient prendre la déposition des époux après le cambriolage, et qui est en uniforme. Les hommes présentent également des caractéristiques physiques particulières : la silhouette empâtée et le regard dur de Vénérable (Abraham), l’air vieille France de Monsieur Ducasse avec sa moustache à l’ancienne, Jack et son imposant menton sa forte carrure, Renaud et son beau costume, sa cravate et son bouc. Le lecteur se rend compte que l’empathie fonctionne bien pour ressentir les émotions des personnages, grâce à l’exagération ponctuelle de l’expression d’un visage ou d’une mimique, ou encore d’une posture. L’effet est le plus souvent touchant, plutôt que comique, rendant Flora très proche du lecteur.
Le récit se déroule essentiellement dans la maison de Flora, dans son jardin, et dans le garage de Vénérable qui lui sert d’atelier pour ses bricolages divers. Le dessinatrice alterne entre les cases avec des personnages parlant devant un fond vierge, avec quelques accessoires, et des représentations de l’environnement proche en arrière-plan. Elle apporte suffisamment d’informations visuelles sur chaque endroit et assez régulièrement, pour que le lecteur sache tout le temps où les personnages se trouvent, et que chaque lieu présente assez de caractéristiques qui le rendent unique. Le jardin de la maison de Flora Fontaine avec son mobilier (chaises et table), la facilité d’accès au jardin de sa voisine Roxane et à l’atelier de Vénérable, les différences architecturales de chacune des maisons, les solides arbres aux formes un peu torturées. En fonction de la scène et de la situation, la dessinatrice recourt à des traits de contours noirs un peu épais, ou à des traits de contour de couleur pour les arrière-plans, ou encore à la couleur directe pour certains éléments, apportant ainsi un caractère différent à chaque endroit, à chaque accessoire. En toute simplicité, elle représente des éléments particuliers totalement intégrés dans chaque case, dont le cumul aboutit à une richesse narrative discrète et bien réelle : le décor d’une tasse à café, les tuiles de toit, une variation sur le Radeau de la Méduse, l’intégration d’une vieille carte géographique ouvragée en fond de case, un ptérodactyle en ombre chinoise, une fourche posée contre une petite cabane de jardin, le motif de la jupe d’Anitea, l’ombre d’une personne à une fenêtre la nuit, etc.
Flora Fontaine a découvert que son mari Manu la trompait et il ne s’est pas gêné pour lui dire tout ce qu’il avait sur le cœur, contre elle : ses cucuteries qu’elle scribouille, ses petits contes qui le font bâiller, ses articles sur la peau d’orange et la cellulite, son blabla pour shampouineuse, son habitude de se badigeonner toutes les nuits avec des échantillons de crèmes à tester pour son magazine, et surtout le panaché de légumes sur la tronche ! En sus d’une telle critique, elle se retrouve avec la contrainte de conserver un travail alimentaire et précaire, et l’épée de Damoclès que constitue l’emprunt à rembourser. Elle semble vivre dans une petite ville calme, voire un village, et il lui faut donc investir du temps pour faire des rencontres. Elle a recours à une application de rencontre, avec l’aide de sa meilleure amie, qui ne s’est jamais mariée. Elle a sous les yeux l’exemple de sa voisine Roxane qui a choisi de ne jamais se remarier. Son autre voisin, Abraham (surnommé le vénérable) réprouve les applications de rencontre, pensant pense au gars qui passe son temps à la supérette des sentiments, estimant que ce n’est pas une occupation d’homme, car un homme, ça part à la chasse ou ça bêche son jardin. Même s’il ne s’entend pas avec Roxane, il la respecte car en voilà une qui ne compte plus sur un Jules pour adoucir ses vieux jours, il lui reconnaît une certaine lucidité : elle a au moins la sagesse de se résigner.
Les autrices savent faire en sorte que le récit s’ouvre à d’autres facettes de la situation de cette célibataire malgré elle. Flora sait apprécier les petits plaisirs de la vie, et la qualité de vie que lui offre sa maison et son entourage. Elle se questionne sur sa volonté de se remettre en couple, sur ce que ça dit de son besoin de sécurité financière (À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ?), sur la quarantaine qui annonce les varices, les charentaises et la descente de matrice, sur ses exigences en faisant défiler les profils sur l’application (bien dédaigneuse de rejeter tous ces braves types dont certains l’appellent Princesse ou Jolie Madame. C’est si agréable quand un homme fait un compliment), sur la possibilité pour son fils de s’entendre avec une nouvelle figure parentale (Roxane a la curieuse manie, dès qu’elle démarre une relation, de demander à son fils si l’heureux élu ferait un beau-père possible). Lorsqu’elle se rend à son premier rendez-vous avec Renaud, le déroulement du repas met en lumière toute la banalité de manger en tête à tête avec une personne qu’on ne connaît pas, et aussi toute l’étrangeté de découvrir ses particularités). Léa pointe le fait que tout homme présentera des bizarreries et que celles de Renaud sont bien anodines. Cela fait s’interroger le lecteur sur ce que Flora recherche chez un homme, point qui n’est pas développé. Enfin, il sourit quand elle est confrontée à l’absence d’appel de sa part, et il sourit à nouveau en découvrant quelle était cette silhouette en ombre chinoise observant le couple dans le jardin, depuis une fenêtre.
Une histoire des plus banales : Flora divorcée retrouvera-t-elle un homme pour se mettre en couple ? Une narration visuelle des plus agréables : douce et expressive, légère et consistante, rendant immédiatement les personnages agréables et sympathiques au lecteur. Le lecteur prend tout suite le parti de Flora Fontaine, lui souhaitant de réussir, et se laissant porter par ses interrogations, les remarques de ses voisins, fondant lui aussi de l’espoir dans ce premier rendez-vous. Très sympathique.
2,5
Un recueil de trois histoires Lovecraft qui m'a paru moyen.
Le premier récit m'a un peu déçu parce que j'ai eu l'impression que ça se terminait lorsque cela commençait vraiment. Les scènes dans le sous-marin sont bien faites, mais le problème c'est que j'ai eu l'impression de déjà vu. C'était certainement plus prenant dans les années 1920 où j'imagine il y avait moins d'histoires de huis-clos dans un sous-marin. C'est le fardeau des artistes précurseurs de se retrouver tellement copiés qu'on ne voit plus l'originalité de leurs œuvres.
Le second récit est correct, mais trop classique pour être captivant. La troisième est pas mal, même si c'est un peu trop court à mon goût. Au final, un manga à emprunter à la bibliothèque si on est un gros fan de Lovecraft, mais c'est pas une lecture indispensable.
Un album qui contient deux adaptations de récits de Lovecraft.
La première est courte et présente un intérêt limité. Il faut dire que les thèmes abordés par Lovecraft dans ce récit est du déjà vu dans son œuvre, mais il faut dire qu'à la base je ne pense pas qu'il pensait qu'on le lirait des décennies plus tard, étant un auteur peu connu de son vivant et qu'il a été tellement copié que le coté novateur de ses récits ne sautent pas aux yeux d'un lecteur moderne.
La deuxième histoire qui donne son titre à l'album est plus longue et donc plus développé et présente plus d'intérêt. Le récit est au final classique si on connait bien Lovecraft, mais il est efficace. Il y a des bonnes scènes avec une bonne ambiance horrifique. Ça se lit vite, mais sans déplaisir.
Pierre Alary adapte en BD le célèbre roman, paru il y a bientôt 100 ans. Tout le monde connait, au moins de nom, que ce soit le livre ou l'adaptation cinématographique sortie peu de temps après. Autant en emporte le vent a pour moi une image désuète, associée aux images en noir et blanc de Clark Gable. C'est l'histoire d'amour par excellence, le genre d'histoire fleur bleue qui passionnait nos grands mères.
Cette adaptation dépoussière bien cette image. La narration plutôt dynamique rend le récit interessant. Evidemment les problèmes de coeur de Scarlett rythment l'histoire, mais il y a beaucoup d'éléments autour qui donnent du contexte et du sens à l'ensemble. Que ce soit la condition des femmes, celles des esclaves noirs dans le sud des Etats-Unis, ou bien sûr la guerre de sécession, le cadre est bien développé et apporte une dimension interessante à cette histoire. C'est pas juste une banale love story un peu mièvre, il y a beaucoup plus que ça.
Autant en emporte le vent c'est le combat d'une femme forte dans une époque historique pas facile. Cette dimension justifie pleinement le succès et la popularité de l'oeuvre originale. Et elle est très bien rendue dans cette adaptation, au gré des péripéties et des galères qui s'enchainent pour notre héroïne.
Le dessin sublime vraiment bien le propos. Les personnages et les décors sont soignés et esthétiques pour le plus grand plaisir des yeux. D'autant que Rue de Sèvres propose une très belle édition grand format, dont les grandes cases permettent de mettre en valeur le dessin. Au final, un album plaisant à lire, qui modernise agréablement l'image que j'avais de cette histoire.
Tome 2
Le second tome est dans la parfaite continuité du premier. Il reprend l'histoire là ou on l'avait laisser et il nous emmène pour 160 nouvelles pages dans la vie de Scarlett. Le récit reste dans la même tonalité. Notre héroïne est vraiment le centre du propos (à tel point qu'au bout d'un moment on se demande même où est son fils qu'on ne voit jamais et qui n'est jamais avec elle).
Ce second tome enfonce le clou, Autant en emporte le vent, c'est effectivement l'histoire d'une femme forte, féministe avant l'heure. Elle se bat pour ses idées, ne se laisse pas faire dans l'adversité, et relève ses manches quand il le faut. On la découvre en femme d'affaires. Bien sur ses histoires de coeur continue d'alimenter le récit. Mais contrairement à l'image que j'en avais avant de lire cette adaptation, Autant en emporte le vent n'est pas juste une histoire d'amour. C'est avant tout le portrait d'une femme de caractère et de son époque.
Tout ça est toujours aussi bien édité, toujours aussi bien dessiné, le trait de Pierre Alary toujours aussi agréable. Rue de Sèvre nous propose une bien belle façon de découvrir, ou redécouvrir, ce classique.
Cette série se déroule dans l'univers de Lovecraft et met en scène Randolph Carter. Notre homme est un légionnaire de la première guerre mondiale, blessé au front, et soigné dans un hôpital de Marseille. Le cadre est fixé d'entrée puisque son régiment est décimé, non pas pas par l'armée allemande, mais par une hordes de créatures fantastiques identifiées comme des goules.
A partir de ce postulat de départ notre héros va découvrir et se livrer sur son passé et celui de ses ancêtres. Au fil de ses rencontres et ses confessions, l'intrigue se met en place et se dévoile peu à peu. La construction est efficace car le début est un peu calme, un peu lent dans son rythme, mais progresse en intensité et en intérêt de pages en pages. Et à la fin de ce premier tome la curiosité du lecteur est attisée juste ce qu'il faut pour avoir envie de connaitre la suite de l'histoire.
Visuellement c'est également réussi, le trait est propre et maitrisé que ce soit les personnages, les décors ou les créatures fantastiques. Au final c'est un premier tome agréable. Peut être ne se sort-il pas spécialement du lot par une originalité particulière ? Mais ce n'est pas grave, l'histoire est plutôt efficace et c'est déjà très bien.
Tome 2
Le second tome poursuit cette exploration de l'univers Lovecraftien. Coté ambiance, on retrouve encore plus de goules et de créatures fantastiques à tête de serpents ou à tentacules. Coté récit, le rythme s'accélère, les péripéties s'enchainent rapidement, presque un peu trop vite même.
Il y a en toile de fond un complot contre Carter. On cherche à l'attirer quelque part, il y a des traitres autour de lui. Malheureusement ce n'est pas assez exploité et la fin ouverte, et un peu vite expédiée, ne délivre pas toutes les réponses. On a un peu l'impression qu'il fallait aller vite pour conclure en 2 tomes.
Certains aspects auraient mérité d'être un peu plus développés et approfondis. Notamment la partie fantastique autour des créatures. La plupart sont un accessoire qui agrémente l'histoire. On les croise au détour d'une grotte, d'un rêve ou d'une nuit tragique. Mais on ne les revoit plus, on explique rien autour de ces bestioles : ni leurs origines, ni leurs intentions, ni leurs liens entre elle, avec Carter ou ces ancêtres. Il manque un petit quelque chose autour de tout ça.
J’ai bien aimé l’univers créé par Pelaez, dans lequel je suis d’emblée entré avec plaisir. On peut y retrouver des points communs avec d’autres séries (Horologiom, L'Homme sans sourire), mais elle se démarque et crée quelque chose d’original et intéressant.
Surtout que les auteurs apportent un visuel lui aussi intéressant, mêlant éléments du passé et du futur pour ce qui est de l’architecture et surtout des engins. Engins qui ont souvent la particularité de voler et de se déplacer sous les flots : c’est d’ailleurs amusant de voir ces gros avions à hélice, se déplacer comme de vulgaires sous-marins. Improbable, mais ici la magie opère, on accepte aisément tout ça.
Et je pense que les auteurs auraient franchement eu matière à développer davantage cet univers – sur au moins un tome de plus – pour lui donner encore plus de corps (et expliquer les villes recouvertes par les mers, cette catastrophe ayant eu lieu suite à la tombée de quelques météorites, ou alors la présence de ces crabes mutants géants au fond des mers).
Ma remarque est aussi valable pour l’intrigue elle-même. En effet, j’ai trouvé le second tome un peu bâclé sur la fin, comme si celle-ci avait été expédiée, dans une série de happy-end maladroits. Dans le détail, les personnalités de Troy Denen (le vrai faux traitre), de Shanice Abendale (la cheffe des rebelles) auraient mérité d’être étoffées (et leur relation fluctuante connait des sautes un peu brutales). De la même façon, Urban Yeiger, le méchant de l’histoire, parait parfois un peu trop loufoque et, là aussi, Pelaez airait pu nuancer personnalité et actions.
Je ressors globalement satisfait de ma lecture, mais avec l’impression qu’un matériau n’a pas été utilisé comme ou autant qu’il aurait dû l’être. Une petite frustration finale donc.
Un recueil de dessins jouant sur plusieurs registres. De l’humour noir, parfois absurde, de petites réflexions philosophiques.
Le dessin est épuré, minimaliste, l’auteur va à l’essentiel. On est ici dans la veine de ce que Jean Jacques Pauvert pouvait publier dans sa revue Bizarre dans les années 1960 avec des auteurs comme Chazal, Siné, Topor, etc. Il y a aussi parfois quelques accointances avec l’excellent « Catalogue d’objets introuvables » de Carelman. Un peu de surréalisme donc.
C’est un album pas très courant, mais qui, sans jamais réellement déclencher l’hilarité, se révèle sympathique à lire, le sourire aux lèvres.
Étrange album, assez décousu dans sa construction, qui ressemble à un assemblage de « moments », dans lesquelles l’auteure explore les diverses possibilités de la rencontre amoureuse.
Si parfois des personnages reviennent, il n’y a pas ici d’histoire traversant l’album, ce sont bien des « exemples » différents, indépendants les uns des autres, même si pour l’auteure ils semblent former par leur diversité et le panel assez large de protagonistes, une sorte d’étude exhaustive de la relation amoureuse.
Hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, adeptes du polyamour ou triolisme, tous les personnages que Julie Maroh nous présentent explorent un aspect de l’amour. Surtout saisi à ses débuts, qu’ils soient « ratés », manqués ou pas, que le coup de foudre ait pétrifié les amoureux, que des maladresses aient gêné son épanouissement, que la routine ait sclérosé les sentiments.
Ni étude sociologique ni roman graphique débridé, ni même témoignage autobiographique semble-t-il, cet album se laisse lire. Agréablement, même s’il m’a manqué un je ne sais quoi pour davantage l’apprécier.
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Flora et les étoiles filantes
À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa publication originale date de 2015. Il a été réalisé par Chantal van den Heuvel pour le scénario, et par Daphné Collignon pour l’adaptation, dessin et couleur. Il comprend soixante pages de bande dessinée. Deux copines, Flora Fontaine et Léa, sont en train de prendre le soleil, par une belle après-midi d’été sur la terrasse de la maison de la première. La seconde complimente son amie sur le fait qu’elle a de la chance de ne pas faire son âge… Mais ça peut lui tomber dessus d’un coup. En son for intérieur, Flora se dit qu’elle n’a même pas eu le temps de savourer le compliment. Elle se disait aussi… Jamais à court d’une vacherie Léa. Et quand elle ne les balance pas, elle les pense. Ça se voit au petit éclat de scalpel dans ses yeux, ça se lit au fil acéré de son sourire. Flora se dit qu’elle doit avoir l’amitié masochiste, elle éprouve toujours une légère sensation d’écrasement avec Léa. Il faut dire que cette dernière a une supériorité indéniable sur Flora : les pieds sur terre et un solide paquet de stocks options. Léa est au top du management, alors que Flora est pigiste et elle écrit des contes pour enfant. Tout est dit. Enfin non. Tout n’est pas dit, il n’y a pas que le pouvoir et l’argent dans la vie ! quoi que… Avec un peu d’argent devant elle, Flora ne vivrait pas dans l’angoisse de perdre son vert paradis pour se retrouver Dieu sait où… Elle se souvient encore de ce rendez-vous chez le notaire lors du divorce, avec son ex-époux. Manu avait accepté de lui céder le bien commun, la maison, pour cent mille euros, et elle avait dû faire un emprunt. Du coup, au moindre pépin, genre on ne lui commande plus d’articles, elle ne peut plus rembourser l’emprunt et adieu ses verts arpents. Elle serait jetée à la rue avec son petit Tommy ! Ou pire ! Elle finirait encagée au sommet d’un clapier, tags et ascenseurs en panne à tous les étages. Une impossibilité de payer ses traites, et il n’y aurait plus de clairs matins d’été pour aller prendre le premier thé de la journée chez son ami Roxane, sa voisine. Flora ne pourrait plus papoter avec Vénérable, son cher voisin qui adore les petits plats qu’elle cuisine avec les légumes du jardin de cet homme à la retraite. L’esprit de Flora revient au temps présent : elle ressert du thé à Léa, sans se rendre compte qu’elle est en train de verser à côté de la tasse, ce que son amie lui fait immédiatement observer. Flora s’excuse, expliquant qu’elle pensait au fait qu’il lui reste encore cinq ans à rembourser sa maison. Du coup, Léa lui fait observer que ce n’est pas le bon moment pour lui chercher un mec, ajoutant que Flora n’espère tout de même pas trouver un friqué sur internet dans l’espoir qu’il lui paie sa maison. Flora s’emporte car elle n’a jamais eu cette idée, ce qui est vrai mais ça lui donne à réfléchir. À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ? À partir de quel degré de famine, des naufragés perdus dans l’océan se laissent-ils aller à manger le foie de leur voisin ? Elle oublie ça, et elle revient à son profil qu’elle vient de placer sur le site de rencontre que Léa fréquente depuis deux ans. Le texte de la quatrième de couverture correspond à un dialogue entre Flora et Léa, la dernière faisant observer une étoile filante dans le ciel et suggérant à son ami de faire un vœu. Ce qu’elle fait, en indiquant que ses souhaits sont d’une affligeante banalité : avoir un petit coin où être heureuse et trouver l’amour… comme à peu près sept milliards d’individus, consternant non ? Le lecteur comprend qu’il va découvrir l’équivalent d’un roman intimiste, une femme ayant atteint quarante ans, divorcée, avec un métier peu valorisant parfois créatif, et cherchant à construire un nouveau couple, ou plutôt une nouvelle cellule familiale avec son fils Tommy. Banal, plutôt que consternant, et Flora Fontaine est bien sympathique dans sa normalité. Elle ne souhaite pas vivre dans un petit appartement d’une cité avec une population trop dense et les dégradations qui vont de pair. Elle vit dans l’inquiétude de manquer une traite, et elle s’astreint à conserver un travail abrutissant, et précaire d’une certaine manière. Elle s’est établie en tant que profession libérale, et elle n’a qu’un seul client : elle ne peut donc qu’accepter chaque demande de modification de ses articles, que ce soient les retouches effectuées par Monsieur Ducasse le directeur de la société (convaincu d’ainsi améliorer le texte original), ou de devoir abandonner un article en cours de route pour en faire un autre sur un sujet différent, par exemple laisser tomber l’édito sur les loyers et les charges, pour un papier sur l’isolation thermique. Cette banalité se retrouve dans l’apparence de la narration visuelle, douce et ordinaire. Les personnages sont représentés avec un degré de simplification : dans le contour de silhouette, dans les doigts, dans les traits de visage, etc. Pour autant, ils disposent tous d’une identité visuelle personnelle, et de caractéristiques physiques : les hanches un peu larges de Flora et des cheveux en bataille, une silhouette plus longiligne pour Léa et des cheveux longs, un corps plus massif pour Roxane, un corps de déesse pour Anitea (une jeune tahitienne, nièce de Roxane). Chacune de ces femmes porte des robes, des modèles différents accordés à leur personnalité. Une seule exception : la policière qui vient prendre la déposition des époux après le cambriolage, et qui est en uniforme. Les hommes présentent également des caractéristiques physiques particulières : la silhouette empâtée et le regard dur de Vénérable (Abraham), l’air vieille France de Monsieur Ducasse avec sa moustache à l’ancienne, Jack et son imposant menton sa forte carrure, Renaud et son beau costume, sa cravate et son bouc. Le lecteur se rend compte que l’empathie fonctionne bien pour ressentir les émotions des personnages, grâce à l’exagération ponctuelle de l’expression d’un visage ou d’une mimique, ou encore d’une posture. L’effet est le plus souvent touchant, plutôt que comique, rendant Flora très proche du lecteur. Le récit se déroule essentiellement dans la maison de Flora, dans son jardin, et dans le garage de Vénérable qui lui sert d’atelier pour ses bricolages divers. Le dessinatrice alterne entre les cases avec des personnages parlant devant un fond vierge, avec quelques accessoires, et des représentations de l’environnement proche en arrière-plan. Elle apporte suffisamment d’informations visuelles sur chaque endroit et assez régulièrement, pour que le lecteur sache tout le temps où les personnages se trouvent, et que chaque lieu présente assez de caractéristiques qui le rendent unique. Le jardin de la maison de Flora Fontaine avec son mobilier (chaises et table), la facilité d’accès au jardin de sa voisine Roxane et à l’atelier de Vénérable, les différences architecturales de chacune des maisons, les solides arbres aux formes un peu torturées. En fonction de la scène et de la situation, la dessinatrice recourt à des traits de contours noirs un peu épais, ou à des traits de contour de couleur pour les arrière-plans, ou encore à la couleur directe pour certains éléments, apportant ainsi un caractère différent à chaque endroit, à chaque accessoire. En toute simplicité, elle représente des éléments particuliers totalement intégrés dans chaque case, dont le cumul aboutit à une richesse narrative discrète et bien réelle : le décor d’une tasse à café, les tuiles de toit, une variation sur le Radeau de la Méduse, l’intégration d’une vieille carte géographique ouvragée en fond de case, un ptérodactyle en ombre chinoise, une fourche posée contre une petite cabane de jardin, le motif de la jupe d’Anitea, l’ombre d’une personne à une fenêtre la nuit, etc. Flora Fontaine a découvert que son mari Manu la trompait et il ne s’est pas gêné pour lui dire tout ce qu’il avait sur le cœur, contre elle : ses cucuteries qu’elle scribouille, ses petits contes qui le font bâiller, ses articles sur la peau d’orange et la cellulite, son blabla pour shampouineuse, son habitude de se badigeonner toutes les nuits avec des échantillons de crèmes à tester pour son magazine, et surtout le panaché de légumes sur la tronche ! En sus d’une telle critique, elle se retrouve avec la contrainte de conserver un travail alimentaire et précaire, et l’épée de Damoclès que constitue l’emprunt à rembourser. Elle semble vivre dans une petite ville calme, voire un village, et il lui faut donc investir du temps pour faire des rencontres. Elle a recours à une application de rencontre, avec l’aide de sa meilleure amie, qui ne s’est jamais mariée. Elle a sous les yeux l’exemple de sa voisine Roxane qui a choisi de ne jamais se remarier. Son autre voisin, Abraham (surnommé le vénérable) réprouve les applications de rencontre, pensant pense au gars qui passe son temps à la supérette des sentiments, estimant que ce n’est pas une occupation d’homme, car un homme, ça part à la chasse ou ça bêche son jardin. Même s’il ne s’entend pas avec Roxane, il la respecte car en voilà une qui ne compte plus sur un Jules pour adoucir ses vieux jours, il lui reconnaît une certaine lucidité : elle a au moins la sagesse de se résigner. Les autrices savent faire en sorte que le récit s’ouvre à d’autres facettes de la situation de cette célibataire malgré elle. Flora sait apprécier les petits plaisirs de la vie, et la qualité de vie que lui offre sa maison et son entourage. Elle se questionne sur sa volonté de se remettre en couple, sur ce que ça dit de son besoin de sécurité financière (À partir de quel degré de nécessité perd-on tout sens moral ?), sur la quarantaine qui annonce les varices, les charentaises et la descente de matrice, sur ses exigences en faisant défiler les profils sur l’application (bien dédaigneuse de rejeter tous ces braves types dont certains l’appellent Princesse ou Jolie Madame. C’est si agréable quand un homme fait un compliment), sur la possibilité pour son fils de s’entendre avec une nouvelle figure parentale (Roxane a la curieuse manie, dès qu’elle démarre une relation, de demander à son fils si l’heureux élu ferait un beau-père possible). Lorsqu’elle se rend à son premier rendez-vous avec Renaud, le déroulement du repas met en lumière toute la banalité de manger en tête à tête avec une personne qu’on ne connaît pas, et aussi toute l’étrangeté de découvrir ses particularités). Léa pointe le fait que tout homme présentera des bizarreries et que celles de Renaud sont bien anodines. Cela fait s’interroger le lecteur sur ce que Flora recherche chez un homme, point qui n’est pas développé. Enfin, il sourit quand elle est confrontée à l’absence d’appel de sa part, et il sourit à nouveau en découvrant quelle était cette silhouette en ombre chinoise observant le couple dans le jardin, depuis une fenêtre. Une histoire des plus banales : Flora divorcée retrouvera-t-elle un homme pour se mettre en couple ? Une narration visuelle des plus agréables : douce et expressive, légère et consistante, rendant immédiatement les personnages agréables et sympathiques au lecteur. Le lecteur prend tout suite le parti de Flora Fontaine, lui souhaitant de réussir, et se laissant porter par ses interrogations, les remarques de ses voisins, fondant lui aussi de l’espoir dans ce premier rendez-vous. Très sympathique.
Le Molosse
2,5 Un recueil de trois histoires Lovecraft qui m'a paru moyen. Le premier récit m'a un peu déçu parce que j'ai eu l'impression que ça se terminait lorsque cela commençait vraiment. Les scènes dans le sous-marin sont bien faites, mais le problème c'est que j'ai eu l'impression de déjà vu. C'était certainement plus prenant dans les années 1920 où j'imagine il y avait moins d'histoires de huis-clos dans un sous-marin. C'est le fardeau des artistes précurseurs de se retrouver tellement copiés qu'on ne voit plus l'originalité de leurs œuvres. Le second récit est correct, mais trop classique pour être captivant. La troisième est pas mal, même si c'est un peu trop court à mon goût. Au final, un manga à emprunter à la bibliothèque si on est un gros fan de Lovecraft, mais c'est pas une lecture indispensable.
Celui qui hantait les ténèbres
Un album qui contient deux adaptations de récits de Lovecraft. La première est courte et présente un intérêt limité. Il faut dire que les thèmes abordés par Lovecraft dans ce récit est du déjà vu dans son œuvre, mais il faut dire qu'à la base je ne pense pas qu'il pensait qu'on le lirait des décennies plus tard, étant un auteur peu connu de son vivant et qu'il a été tellement copié que le coté novateur de ses récits ne sautent pas aux yeux d'un lecteur moderne. La deuxième histoire qui donne son titre à l'album est plus longue et donc plus développé et présente plus d'intérêt. Le récit est au final classique si on connait bien Lovecraft, mais il est efficace. Il y a des bonnes scènes avec une bonne ambiance horrifique. Ça se lit vite, mais sans déplaisir.
Gone with the wind
Pierre Alary adapte en BD le célèbre roman, paru il y a bientôt 100 ans. Tout le monde connait, au moins de nom, que ce soit le livre ou l'adaptation cinématographique sortie peu de temps après. Autant en emporte le vent a pour moi une image désuète, associée aux images en noir et blanc de Clark Gable. C'est l'histoire d'amour par excellence, le genre d'histoire fleur bleue qui passionnait nos grands mères. Cette adaptation dépoussière bien cette image. La narration plutôt dynamique rend le récit interessant. Evidemment les problèmes de coeur de Scarlett rythment l'histoire, mais il y a beaucoup d'éléments autour qui donnent du contexte et du sens à l'ensemble. Que ce soit la condition des femmes, celles des esclaves noirs dans le sud des Etats-Unis, ou bien sûr la guerre de sécession, le cadre est bien développé et apporte une dimension interessante à cette histoire. C'est pas juste une banale love story un peu mièvre, il y a beaucoup plus que ça. Autant en emporte le vent c'est le combat d'une femme forte dans une époque historique pas facile. Cette dimension justifie pleinement le succès et la popularité de l'oeuvre originale. Et elle est très bien rendue dans cette adaptation, au gré des péripéties et des galères qui s'enchainent pour notre héroïne. Le dessin sublime vraiment bien le propos. Les personnages et les décors sont soignés et esthétiques pour le plus grand plaisir des yeux. D'autant que Rue de Sèvres propose une très belle édition grand format, dont les grandes cases permettent de mettre en valeur le dessin. Au final, un album plaisant à lire, qui modernise agréablement l'image que j'avais de cette histoire. Tome 2 Le second tome est dans la parfaite continuité du premier. Il reprend l'histoire là ou on l'avait laisser et il nous emmène pour 160 nouvelles pages dans la vie de Scarlett. Le récit reste dans la même tonalité. Notre héroïne est vraiment le centre du propos (à tel point qu'au bout d'un moment on se demande même où est son fils qu'on ne voit jamais et qui n'est jamais avec elle). Ce second tome enfonce le clou, Autant en emporte le vent, c'est effectivement l'histoire d'une femme forte, féministe avant l'heure. Elle se bat pour ses idées, ne se laisse pas faire dans l'adversité, et relève ses manches quand il le faut. On la découvre en femme d'affaires. Bien sur ses histoires de coeur continue d'alimenter le récit. Mais contrairement à l'image que j'en avais avant de lire cette adaptation, Autant en emporte le vent n'est pas juste une histoire d'amour. C'est avant tout le portrait d'une femme de caractère et de son époque. Tout ça est toujours aussi bien édité, toujours aussi bien dessiné, le trait de Pierre Alary toujours aussi agréable. Rue de Sèvre nous propose une bien belle façon de découvrir, ou redécouvrir, ce classique.
Randolph Carter
Cette série se déroule dans l'univers de Lovecraft et met en scène Randolph Carter. Notre homme est un légionnaire de la première guerre mondiale, blessé au front, et soigné dans un hôpital de Marseille. Le cadre est fixé d'entrée puisque son régiment est décimé, non pas pas par l'armée allemande, mais par une hordes de créatures fantastiques identifiées comme des goules. A partir de ce postulat de départ notre héros va découvrir et se livrer sur son passé et celui de ses ancêtres. Au fil de ses rencontres et ses confessions, l'intrigue se met en place et se dévoile peu à peu. La construction est efficace car le début est un peu calme, un peu lent dans son rythme, mais progresse en intensité et en intérêt de pages en pages. Et à la fin de ce premier tome la curiosité du lecteur est attisée juste ce qu'il faut pour avoir envie de connaitre la suite de l'histoire. Visuellement c'est également réussi, le trait est propre et maitrisé que ce soit les personnages, les décors ou les créatures fantastiques. Au final c'est un premier tome agréable. Peut être ne se sort-il pas spécialement du lot par une originalité particulière ? Mais ce n'est pas grave, l'histoire est plutôt efficace et c'est déjà très bien. Tome 2 Le second tome poursuit cette exploration de l'univers Lovecraftien. Coté ambiance, on retrouve encore plus de goules et de créatures fantastiques à tête de serpents ou à tentacules. Coté récit, le rythme s'accélère, les péripéties s'enchainent rapidement, presque un peu trop vite même. Il y a en toile de fond un complot contre Carter. On cherche à l'attirer quelque part, il y a des traitres autour de lui. Malheureusement ce n'est pas assez exploité et la fin ouverte, et un peu vite expédiée, ne délivre pas toutes les réponses. On a un peu l'impression qu'il fallait aller vite pour conclure en 2 tomes. Certains aspects auraient mérité d'être un peu plus développés et approfondis. Notamment la partie fantastique autour des créatures. La plupart sont un accessoire qui agrémente l'histoire. On les croise au détour d'une grotte, d'un rêve ou d'une nuit tragique. Mais on ne les revoit plus, on explique rien autour de ces bestioles : ni leurs origines, ni leurs intentions, ni leurs liens entre elle, avec Carter ou ces ancêtres. Il manque un petit quelque chose autour de tout ça.
Air - Sous un ciel moins gris
J’ai bien aimé l’univers créé par Pelaez, dans lequel je suis d’emblée entré avec plaisir. On peut y retrouver des points communs avec d’autres séries (Horologiom, L'Homme sans sourire), mais elle se démarque et crée quelque chose d’original et intéressant. Surtout que les auteurs apportent un visuel lui aussi intéressant, mêlant éléments du passé et du futur pour ce qui est de l’architecture et surtout des engins. Engins qui ont souvent la particularité de voler et de se déplacer sous les flots : c’est d’ailleurs amusant de voir ces gros avions à hélice, se déplacer comme de vulgaires sous-marins. Improbable, mais ici la magie opère, on accepte aisément tout ça. Et je pense que les auteurs auraient franchement eu matière à développer davantage cet univers – sur au moins un tome de plus – pour lui donner encore plus de corps (et expliquer les villes recouvertes par les mers, cette catastrophe ayant eu lieu suite à la tombée de quelques météorites, ou alors la présence de ces crabes mutants géants au fond des mers). Ma remarque est aussi valable pour l’intrigue elle-même. En effet, j’ai trouvé le second tome un peu bâclé sur la fin, comme si celle-ci avait été expédiée, dans une série de happy-end maladroits. Dans le détail, les personnalités de Troy Denen (le vrai faux traitre), de Shanice Abendale (la cheffe des rebelles) auraient mérité d’être étoffées (et leur relation fluctuante connait des sautes un peu brutales). De la même façon, Urban Yeiger, le méchant de l’histoire, parait parfois un peu trop loufoque et, là aussi, Pelaez airait pu nuancer personnalité et actions. Je ressors globalement satisfait de ma lecture, mais avec l’impression qu’un matériau n’a pas été utilisé comme ou autant qu’il aurait dû l’être. Une petite frustration finale donc.
Mes meilleurs Jésus
Un recueil de dessins jouant sur plusieurs registres. De l’humour noir, parfois absurde, de petites réflexions philosophiques. Le dessin est épuré, minimaliste, l’auteur va à l’essentiel. On est ici dans la veine de ce que Jean Jacques Pauvert pouvait publier dans sa revue Bizarre dans les années 1960 avec des auteurs comme Chazal, Siné, Topor, etc. Il y a aussi parfois quelques accointances avec l’excellent « Catalogue d’objets introuvables » de Carelman. Un peu de surréalisme donc. C’est un album pas très courant, mais qui, sans jamais réellement déclencher l’hilarité, se révèle sympathique à lire, le sourire aux lèvres.
Corps sonores
Étrange album, assez décousu dans sa construction, qui ressemble à un assemblage de « moments », dans lesquelles l’auteure explore les diverses possibilités de la rencontre amoureuse. Si parfois des personnages reviennent, il n’y a pas ici d’histoire traversant l’album, ce sont bien des « exemples » différents, indépendants les uns des autres, même si pour l’auteure ils semblent former par leur diversité et le panel assez large de protagonistes, une sorte d’étude exhaustive de la relation amoureuse. Hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, adeptes du polyamour ou triolisme, tous les personnages que Julie Maroh nous présentent explorent un aspect de l’amour. Surtout saisi à ses débuts, qu’ils soient « ratés », manqués ou pas, que le coup de foudre ait pétrifié les amoureux, que des maladresses aient gêné son épanouissement, que la routine ait sclérosé les sentiments. Ni étude sociologique ni roman graphique débridé, ni même témoignage autobiographique semble-t-il, cet album se laisse lire. Agréablement, même s’il m’a manqué un je ne sais quoi pour davantage l’apprécier.