Les derniers avis (118 avis)

Par Emka
Note: 3/5
Couverture de la série Air - Sous un ciel moins gris
Air - Sous un ciel moins gris

J'aime bien le concept de ce diptyque : un monde où l’air est devenu une ressource rare, contrôlée par un État centralisé. Il y avait quelque chose de très contemporain dans cette idée, un écho à nos préoccupations écologiques et politiques actuelles. Mais en même temps, j’avais cette petite appréhension : est-ce que ça n’allait pas tomber dans une histoire trop calibrée, trop "blockbuster dystopique" ? Maintenant que j’ai lu les deux tomes, je peux dire que, malheureusement, mes craintes se sont en partie confirmées. La mise en place fonctionne bien. Les masques à gaz, les météorites porteuses de bactéries, l’État qui gère tout comme un Big Brother de l’oxygène… Tout ça est bien posé, avec une ambiance suffocante et des enjeux clairs. Le personnage principal, semble avoir le profil idéal quoique un peu cliché pour incarner l'intrigue : un agent d’élite chargé d’infiltrer un réseau rebelle et de découvrir qui sabote les vaisseaux de purification. Mais rapidement, quelque chose s’essouffle. Le scénario reste en surface. On nous présente les rebelles, les figures de pouvoir, les enjeux écologiques, mais tout ça manque de profondeur. Les personnages, notamment, ne parviennent jamais vraiment à sortir de leurs archétypes : Troy, le héros tiraillé, fait le job mais reste prévisible; les rebelles sont sympathiques mais stéréotypés; et les antagonistes manquent d’ambiguïté. J’espérais des dilemmes plus marquants, des situations qui questionnent vraiment la morale ou l’efficacité du système, mais on reste sur des rails. Le deuxième tome accélère l’action, avec des scènes spectaculaires et une conclusion qui boucle bien l’histoire. Mais là encore, ça reste très formaté. L’aspect politique et écologique, qui aurait pu être beaucoup plus développé, passe au second plan au profit d’un rythme de thriller. On est plus dans le divertissement que dans la réflexion, et c’est dommage, car le potentiel pour creuser des thématiques plus profondes était là. Heureusement, la partie graphique rattrape une partie de ces faiblesses. Porcel livre un travail impeccable, avec des villes grises et étouffantes, ces vaisseaux massifs, ces ciels saturés de particules toxiques. Le contraste entre l’immensité des machines et la petitesse des personnages renforce le sentiment d’un monde où l’humanité lutte désespérément pour sa survie. Les couleurs sont bien choisies, oscillant entre des teintes sombres et des éclats plus vifs pour les scènes d’action. Au final, une lecture agréable mais frustrante. Il y avait de quoi faire une belle œuvre de science-fiction, mais le récit reste trop sage, trop centré sur des codes narratifs déjà vus. C’est un peu le syndrome du film d’action avec un gros budget : spectaculaire, mais pas forcément mémorable. Un bon moment de lecture, mais pas la bonne surprise que j’aurais aimé trouver.

13/01/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série La Couleur tombée du ciel
La Couleur tombée du ciel

Dernière adaptation de Lovecraft par Tanabe parue en français qui me restait à lire. Si on a déjà lu d'autres mangas de cette collection, on n'est pas surpris par le résultat. Le dessin de Tanabe est très bon pour créer des atmosphères glauques et il y a de bonnes scènes, mais en même temps le rythme est parfois un peu trop lent pour moi. Au moins le récit se termine en un seul tome et la dernière partie est mémorable. Évidemment, rien dans le scénario n'est vraiment surprenant si on connait déjà Lovecraft qui a repris les mêmes éléments dans ses nouvelles encore et encore, mais c'est bien fait et j'ai passé un bon moment de lecture malgré tout. Il faut dire que ça se lit tout de même assez vite.

12/01/2025 (modifier)
Par Titanick
Note: 3/5
Couverture de la série Ötzi - Une vie décongelée
Ötzi - Une vie décongelée

Un couple de randonneurs dans les Alpes découvre un homme congelé qui s’avère dater de la fin du néolithique. L’état de conservation du corps et de ses effets personnels offre une mine d’informations pour les chercheurs. Dès lors, l’auteur imagine la vie qu’aurait pu mener Ötzi. Sa vie dans sa tribu, passablement belliqueuse d’ailleurs, son métier, sa santé, ses batailles, ses amis, ses amours… et son décès dans ces montagnes. À défaut d’être réelle, cette pseudo-reconstitution a sans doute le mérite d’être à peu près crédible. On navigue régulièrement entre la vie de cet homme, et les découvertes et hypothèses des chercheurs, intégrées au fur et à mesure de l’histoire. La vision d’ensemble de cette période est plutôt intéressante. À mes yeux, il y a quelques réussites et quand même quelques défauts dans ce récit. Les dialogues des protagonistes sont « modernes » et passablement familiers. Je comprends le parti pris. Chaque époque a son langage moderne et spontané, on s’immerge, inutile d’imaginer n’importe quoi ou d’ampouler le truc. On imagine bien sa place dans la tribu, ses relations sociales, ses camarades, sa façon de se soigner, mention spéciale pour le clin d’oeil lors de sa visite à l’oracle qui lui prédira une gloire posthume. Mais voila, on a aussi ses batailles contre les tribus voisines et là, c’est beaucoup trop long. L’auteur nous gratifie pour chaque escarmouche de plusieurs pages de combats, agrémentées de « pif, bam, ouille…. » qui n’apportent rien et rallongent la sauce, j’ai survolé ces passages. Pour finir, j’ai pas mal aimé le dessin, très gras et fouillé. Ce n’est pourtant pas ma tasse de thé, mais là, j’ai trouvé qu’il collait bien à ces « âges farouches » comme dirait l’autre ! En revanche pour les épisodes modernes avec les scientifiques, j’aurais préféré que l’auteur choisisse un autre graphisme, mais c’est un goût tout personnel, j’en conviens.

12/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Castro
Castro

Kleist nous propose ici un album intéressant, une biographie très honnête, qui retrace l’évolution de Cuba sur les 60 dernières années. Pour nous faire vivre cette période, Kleist a inventé un personnage de photographe allemand, tombé sous le charme de Castro et de ses idées, et qui va rester jusqu’au bout à Cuba, alors que les illusions s’envolent, aveuglé par rapport au raidissement du régime castriste. Kleist parvient à bien faire prendre la greffe, ça ne fait pas trop artificiel. Sur les deux premiers tiers de l’album, Kleist nous présente un Castro enthousiaste, exalté, mais aussi avec une très forte personnalité, qui se bat pour de beaux idéaux, et incarne à lui seul une certaine vision d’un monde différent. Kleist montre bien aussi les difficultés liées à l’exercice du pouvoir, les pressions des États-Unis et de l’URSS, et la fêlure avec le Che. Le dernier tiers est très amer. Par contre, je trouve que, même si c’est un peu évoqué au début, Kleist fait trop l’impasse sur le rôle joué par les États-Unis dans la situation économique désastreuse (et par là la principale raison et de l’exode massif et du durcissement d’un régime devenu dictatorial) du pays. Alors même qu’ils soutiennent à l’époque les dictatures sud-américaines, les États-Unis mènent (encore aujourd’hui) un embargo très dur, des actions de déstabilisation, voire soutiennent des attentats et coups d’État, quand ils n’utilisent pas la base de Guantánamo (utilisée pour emprisonner et torturer sans tenir compte des lois américaines). Sans l’action américaine, la situation – et donc l’évolution politique de Castro et Cuba, y compris son rapprochement avec l’URSS – auraient été tout autres (sans parler des millions de dollars avec lesquels le dictateur est parti avant l'arrivée de Castro au pouvoir) ! Dernière petite remarque. Alors que Kleist – mis à part son personnage imaginaire de Karl Mertens – a joué sur une histoire réaliste et crédible, il fait apparaitre vers le début parmi les mafieux qui soutiennent Batista un certain Michael Corleone (clin d’œil amusant, mais qui détonne un peu).

12/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Enferme-moi si tu peux
Enferme-moi si tu peux

L’album rassemble les biographies-artistiques de plusieurs créateurs relevant de l’Art brut. C’est un sujet qui a priori m’intéresse. J’avais vu le Palais du Facteur Cheval adolescent, sans en avoir hélas gardé beaucoup de souvenirs. J’ai ensuite découvert ce pan de la créativité au travers du surréalisme. C’est en effet en grande partie ce mouvement – André Breton en tête – qui va permettre une réévaluation majeure des œuvres. Il n’y a qu’à voir le très beau livre préfacé par Breton « Les inspirés et leurs demeures » (avec de superbes photos d’Ehrmann). Et j’avais récemment profité du festival de Quai des Bulles pour aller voir les rochers sculptés de Rothéneuf. Mais une partie des artistes présentés dans cet album m’étaient inconnus, et c’est donc avec plaisir que je les ai découverts (même si j’ai été moins sensible à l’œuvre de la dernière évoquée, Judith Scott). L’album est une bonne entrée en matière, même s’il est surtout centré sur la biographie, puis la genèse de l’œuvre, plus que sur l’œuvre elle-même de ces artistes. Il ne reste ensuite au plus curieux qu’à découvrir ces œuvres (Lesage est par exemple quelqu’un qui a produit une œuvre des plus intrigantes). La narration est intéressante, faisant intervenir et raconter les artistes autodidactes inspirés, mais aussi en montrant comment la société les bridait, comment, la plupart du temps issus des classes laborieuse présumées incultes, l’art leur était étranger. Jusqu’à ce qu’un coup de foudre, l’inspiration, une « voix », quelques pas de côté, les fassent devenir l’instrument qui donne à voir le merveilleux. Une lecture recommandée, et des artistes à (re)découvrir. Je m’associe à la préface pour regretter que les œuvres de ces artistes soient aujourd’hui – bien après leur mort – l’objet d’une spéculation qui les écarte une fois de plus en les enfermant dans un coffre-fort… Note réelle 3,5/5.

12/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Le Téléscope
Le Téléscope

Les pauvres, il n’y a rien de mieux pour devenir riche. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2009. Il a été réalisé par Jean van Hamme pour le scénario, Paul Teng pour les dessins et Walter de Strooper pour les couleurs. Il comprend quatre-vingt-deux pages de bande dessinée. Il s’agit de l’adaptation du roman du même nom, paru en 1996, dont l’auteur est aussi Jean van Hamme. Dans son appartement bondé de livres dans tous les coins et sur tous les supports horizontaux, Julien Villars a les écouteurs sur les oreilles et écoute l’interview du cycliste Mathias Vandamme pour la transformer en une autobiographie, servant de prête-plume au sportif. Julien Villars, 60 ans et 42 jours. Licencié ès lettres, deux fois divorcé, sans enfants. Écrivain spécialisé dans les mémoires de vedettes du sport ou de la chanson. Rêvait d’être Proust, Montherlant ou Mallarmé. Signes particuliers : fume deux paquets de Gitanes filtre par jour et ne bande plus depuis quatre ans. La sonnette retentit et deux de ses amis entrent dans l’appartement. Ils le saluent, et Marcello Garini se dirige droit vers le télescope pour regarder dedans et mater la voisine d’en face qui est justement en sous-vêtements rouges, en train d’ajuster son deuxième bas. Marcello Garini, dit Marcel. 60 ans et 27 jours, fils d’immigrés italiens, 1m62 pour 68kg. Cuisinier de formation, ne voit dans son travail qu’une source de fatigue et de désagréments. Dragueur invétéré, franc buveur et joueur impénitent, sans regrets ni remords. Signe particulier : est en ménage avec Adrienne, propriétaire du restaurant La Cantonade. Charles Ferignac se contente de regarder par la fenêtre, pendant que son ami monopolise le télescope. Charles Ferignac, 59 ans et 9 mois. Gérant de la plus petite agence de l’hexagone du Crédit Viticole de France. Célibataire endurci, de nature accommodante, a le défaut naïf et obstiné de croire son charme épargné par l’usure du temps. Signes particuliers : se teint les cheveux et adore les cravates voyantes avec pochettes assorties. La belle voisine reçoit un amant, et elle tire les rideaux, mettant fin au spectacle. René Jouvert a sorti son pistolet et il effectue une descente dans un local supposé être la planque de Dédé-les-doigts-d’or. René Jouvert, 60 ans aujourd’hui. Inspecteur principal à la répression du banditisme. Veuf inconsolable depuis douze ans, deux filles mariées (avec deux cons) vivant à l’étranger. Second aux championnats interpolices de tir aux armes de poing en 1994. Signe particulier : collectionne les revolvers américains d’avant 1917. Son collègue défonce la porte d’un coup de pied : la pièce est vide, ils ont fait chou blanc. Pas tout à fait car trois autres collègues surgissent de derrière un tas de fournitures de grande taille, en lui chantant Bon anniversaire. De retour au bureau, Jouvert découvre la fête organisée par ses collègues, pendant qu’il était en mission. M. le sous-secrétaire d’état s’est déplacé en personne pour le féliciter pour ses soixante ans, lui remettre la médaille de l’ordre national du mérite, pour ses trente-huit ans de carrière exemplaire, et l’informer que l’inspecteur principal Jouvert est dès aujourd’hui admis à faire valoir ses droits à une retraite bien méritée. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et rien ne s’oppose à ce qu’un écrivain réalise lui-même le scénario pour une adaptation en bande dessinée, d’autant plus s’il s’agit d’un scénariste confirmé comme peut l’être Jean van Hamme, travaillant avec dessinateur confirmé (artiste de séries comme Delgadito, L’ordre impair, Jhen, Shane, La complainte des landes perdues). En ayant en tête le fait qu’il s’agit d’une adaptation, le lecteur peut détecter un ou deux passages littéraux, en particulier le cartouche de texte occupant une case pour présenter tour à tour chacun des cinq amis, ou le long discours de René Joubert pour faire le constat des carrières pathétiques de chacun d’entre eux. En fait, la construction du récit bénéficie de son origine première pour sa construction solide et bien articulée, et régulièrement des réparties soutenues avec une profondeur psychologique appréciable. De son côté, le dessinateur assume complètement son rôle, réalisant des cases dans un registre descriptif et réaliste qui prend en charge de montrer les personnages et les lieux, sans se contenter d’affiler les têtes en train de parler, avec un camaïeu en guise de fond de case. Le point de départ du récit révèle tout de suite son originalité. Pour commencer les personnages principaux sont au nombre de cinq et ils sont tous sexagénaires : Julien Villars (60 ans et 42 jours), Marcello Garini (60 ans et 27 jours), Charles Ferignac (presque 60 ans, 59 ans et 9 mois), René Jouvert (60 ans aujourd’hui), Louis Seigner (60 ans et 19 jours). Ensuite, ils ont tous mené une vie sans éclat et ils font le constat de leur banalité : écrivain réduit à la fonction de porte-plume, cuisinier dans un petit restaurant possédé par sa compagne, banquier gérant la plus petite agence de France, policier arrivé en bout de carrière et veuf, comédien malchanceux reconverti dans les pubs troisième âge. Enfin, malheureux en amour, ils le vivent par procuration en observant par un télescope la voisine de Julien, qui se fait entretenir par le président directeur général d’une grosse entreprise. La case accueillant un texte sans image permet de les présenter chacun efficacement et de leur donner une solide fondation pour leur personnalité et leur caractère. Ils vont finir par avoir le courage d’aller parler en face à face à Josefine, la belle femme, et ils vont se retrouver à assurer son train de vie, ce qui ne peut pas durer longtemps au vu de leur situation économique respective. La narration visuelle raconte cette histoire comme un roman naturaliste. L’artiste s’investit pour représenter la réalité au premier degré, comme s’il la filmait pour un documentaire. Ses dessins se montrent honnêtes avec les marques du temps sur ces sexagénaires : rides, calvitie ou ligne de cheveu qui recule, embonpoint allant au surpoids pour l’un d’eux, tenue vestimentaire quelque peu datée ou en tout cas passée de mode depuis de nombreuses années, fatigue rapide à l’effort physique et importante sudation, et même impuissance pour Julien. En face, la bonne santé et la relative jeunesse de Josefine (entre trente et quarante ans) resplendissent, ainsi que sa prestance et son goût pour les belles toilettes (un peu chères). Le lecteur apprécie tout autant les rôles secondaires, éprouvant la sensation d’en avoir déjà rencontré des comme ça : Claude Lorraine (35 ans, diplômé HEC, ne lit jamais les manuscrits qu’il publie) et sa belle chemisette, Adrienne Lafourcade (58 ans, 82 kilos de chair encore ferme, une ombre de moustache et pas un gramme d’humour, le tintement de sa caisse enregistreuse lui procure ses seuls vrais moments d’extase), ou encore Lucette Germeau (17 ans et demi, la peau sur les os, serveuse à La Cantonade signes particuliers : aucun). Les dessins montrent également un haut niveau d’investissement de l’artiste pour représenter chaque lieu, lui donner de la consistance, le rendre palpable et réaliste. Le lecteur se rend compte qu’il visite de nombreux endroits très différents : l’appartement encombré de l’écrivain, un studio de tournage pour une publicité, un bar-restaurant de quartier, le bureau très lumineux à l’aménagement minimaliste de l’éditeur, une chambre d’hôpital, le petit appartement de Josefine, le luxueux restaurant qu’elle fréquente, le grand jardin municipal ombragé avec sa buvette ; l’étonnante mosaïque d’une quarantaine de minuscules jardins urbains, la librairie où Julien Villars dédicace son recueil de poésie (une seule lectrice), la salon bourgeois où règne une dominatrice, les bureaux luxueux du président directeur général d’une grosse entreprise de BTP, et la magnifique villa à Marbella. Ce registre de dessins a pour effet de rendre concret et réaliste le récit. De fait, le scénariste a construit une solide intrigue dans laquelle de vrais adultes refusent de capituler devant la fatalité de leur avenir tout tracé, et devant l’âge, ayant atteint la soixantaine. Les différents éléments s’imbriquent de manière organique : l’amitié des cinq sexagénaires, le choix de mode de vie de Josefine, les finalités capitalistes du PDG Maxime Schroeder pour qui tous les moyens sont bons pour augmenter ses profits. Sans grossir le trait, Jean van Hamme met à profit l’existence de vraies malversations, les regrets de personnes arrivant à la retraite, la conjugaison de compétences variées pour atteindre un but collectif (les cinq amis formant sans le savoir une équipe pluridisciplinaire) et une femme entretenue faisant montre d’une confiance en elle à la hauteur de son charme, remplissant le rôle de muse, et un peu plus. En arrière-plan, l’intrigue évoque les liens entre le capitalisme et le monde politique avec la facilité de la corruption, le monde du paraître pour un chef d’entreprise dont la philanthropie n’est que de façade, le désir sexuel qui nécessite de payer passé un certain âge. Le scénarise a l’élégance de ne pas verser dans un cynisme de pacotille, facile et complaisant, restant plutôt dans une forme de pragmatisme futé et de circonstance. Un roman adapté en bande dessinée par son auteur : pourquoi pas. Le lecteur averti peut détecter une ou deux transpositions littérales rappelant l’origine de ce projet. Il a vite fait de l’oublier, après avoir fait connaissance avec cinq amis tout frais sexagénaires, très ordinaires et moyens, ayant conscience de leur banalité sans éclat. La solide narration visuelle permet au lecteur de se projeter dans des endroits du quotidien normal et personnalisé, et de suivre des individus adultes qu’il pourrait croiser dans la rue ou les transports. À l’opposé de la résignation, l’intrigue montre que ces cinq amis entretiennent encore des projets, qu’ils sont susceptibles d’atteindre en mettant à profit leur savoir-faire ordinaire. Une belle histoire plus amorale qu’immorale, pragmatique sans être cynique ou blasée.

12/01/2025 (modifier)
Par greg
Note: 3/5
Couverture de la série La Porte d'Ishtar
La Porte d'Ishtar

Il y a à boire et à manger dans cette série. Nous suivons une jeune scribe royale de justice dans la Babylone antique, donc concrètement une enquêtrice, sur deux tomes pour tenter de résoudre un meurtre bien mystérieux. Commençons une fois n'est pas coutume par le négatif: le récit est entaché d'un féminisme très XXème siècle, et absolument pas crédible pour son époque: comme l'a indiqué un commentateur précédent, la société babylonienne ne donne pas une telle importance (et surtout une telle imprudence) aux femmes, et pour bien enfoncer le clou, le personnage principal est au service d'une reine babylonienne...Qui n'a effectivement jamais existé. Tandis qu'un autre protagoniste important est une veuve archère hors pair. L'autre défaut, c'est l'absence de consistance dans les visages, qui sont parfois étrangement déformés. En fait le dessinateur a beaucoup de mal avec les gros plans des visages en question. Ces deux défauts mis à part, tout amateur d'Histoire avec un grand "H" ne peut pas bouder son plaisir en découvrant les procédures légales de l'époque, ainsi que les procédures barbares attachées. Le côté détaillé des lieux, des vêtements, des coutumes de l'époque, quasiment jamais abordées en BD, cet honneur étant laissé à Rome ou à l'Egypte. Le tout avec une intrigue ayant son bon lot de surprises. Les auteurs sont très bien documentés, ce qui gomme assez les défauts évoqués plus haut. Tout au plus peut-on regretter une sous-intrigue ne connaissant pas de résolution, et un titre au final sans rapport aucun avec le contenu. Dommage que d'autres tomes n'aient pas suivi. La série avait du potentiel.

12/01/2025 (modifier)
Par greg
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série William Lapoire
William Lapoire

J'ai découvert William Lapoire, contrairement à beaucoup ici, vers la fin de la série, qui coïncide avec la fin du Journal Tintin. Après la disparition de Tintin, Lapoire cessera d'exister, son format habituel ne l'autorisant pas autre chose qu'une publication dans un hebdomadaire ou un mensuel. Mais je m'avance...Venons-en au point de départ: William Lapoire nait effectivement en 1978 dans le Journal Tintin. C'est un personnage du Moyen-Âge, plus lâche que fourbe, qui avait profité du départ de son Roi pour les croisades pour prendre sa place. Hélas pour lui, comme le dit le monarque, il n'avait oublié qu'une chose: que le roi puisse revenir ^^. Le roi décide donc de jeter Lapoire dans une oubliette, et le Diable intervient pour lui sauver la vie...Sous condition: la mission de Lapoire (ou plutôt son double envoyé par le Diable, le corps de Lapoire restant aux enfers, pour éviter qu'il s'enfuie), c'est d'aller à la rencontre de diverses célébrités à toutes les époques (Godefroy de Bouillon, Napoléon, le monstre du Loch Ness, King Kong...), afin de les pousser au bord de la mort et les convaincre de signer un contrat vendant leur âme contre une quelconque sécurité. Sauf que Lapoire, anti-héros attachant de par sa nullité toute humaine, est vous l'aurez déjà compris, davantage du côté de Gaston Lagaffe que Machiavel, et chacune de ses missions (publiées dans un court format de 5 à 6 pages) finit inévitablement en catastrophe, avant tout parce que Lapoire est lâche et idiot/naïf, quand il n'est pas tout simplement affublé de malchance. Le dessin initial est volontairement naïf, très rond, mais va s'affermir avec le temps. Graphiquement, la comparaison entre la première et la dernière aventure de Lapoire est comme le jour et la nuit. En 10 ans, le design évoluera radicalement pour devenir aussi mature que sérieux. Les personnages évoluent également dans leur physionomie pour accentuer ce point. Petit détail amusant: l'habit typiquement moyenâgeux de Lapoire devient presque contemporain à la fin. La dernière aventure de Lapoire, publiée par Tintin en 1988, sera par ailleurs la seconde histoire complète (après "Dégelées par moins quarante" publiée en 1987), "le Big Bagne". Ce qui rompait avec les habitudes précédentes de courts récits. Ce sera aussi le dernier récit complet jamais réalisé par l'auteur, qui se cantonnera aux gags sur une page par la suite, avec de nouveaux personnages. Produit de son époque, Lapoire n'est pas hilarant, mais arrache un petit sourire, et pour beaucoup fera revenir de joyeux souvenirs d'enfance. C'est ce qui compte, non? :-)

12/01/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 3/5
Couverture de la série La Grande Vision de Black Elk
La Grande Vision de Black Elk

Jean-Marie Michaud adapte le roman de John G. Neihardt "Black Elk parle" publié en 1932. C'est l'histoire d'une vision d'un Indien Lakota de 9 ans, Black Elk. Black Elk (1863-1950) est un chef de la tribu des Indiens Oglalas (Sioux). Il fut un petit cousin du célèbre chef indien Crazy Horse. Il participa à l’âge de 13 ans à la bataille de Little Bighorn en 1876 et fut blessé en 1890 lors du massacre de Wounded Knee. Il fera même parti du spectacle de Buffalo Bill lors de sa tournée européenne. Il va aussi rejoindre l'Église épiscopale. Un parcours hors norme. L'écrivain John G. Neihardt en 1930, puis en 1931, va à la rencontre de Black Elk écouter le récit des coutumes de son peuple, de sa vie et de sa vision qu'il a eu enfant. Je vais être moins dithyrambique que pour La Reine de Saba, pour plusieurs raisons. Ici, nous n'aurons pas droit à une biographie, mais juste à la vision de Black Elk et c'est bien dommage, il y avait vraiment matière à faire mieux. Seulement 40 pages de BD... De plus, la narration mystique et onirique est quelque peu absconse, elle ne m'a jamais transporté dans cet autre monde. Chacun interprétera les symboliques de cette vision. Je pense qu'il me faudra plusieurs lectures pour tout assimiler. Mais cela a permis de sauvegarder un pan de l'histoire des sioux, d'ailleurs cette vision est devenue la bible moderne des Indiens des pleines d'Amérique du nord. Quant au dessin de Jean-Marie Michaud il est toujours aussi merveilleux et les couleurs directes donnent cette ambiance spirituelle. Disposant de photos, Michaud reproduit le vrai visage de Black Elk, voir la première planche de la galerie. Une technique différente dans un style moyenâgeux/pariétal pour la présentation des six grands-pères. Très beau. Une postface de Bernard Chevillant très instructive. Pour les amoureux de la culture amérindienne, dont je fais partie.

11/01/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série Witch club
Witch club

Tiens ? J'ai des goûts d'ordinaire assez proches de ceux de Mac Arthur et je suis surpris de le voir aussi réticent à cette série que moi j'ai bien appréciée. J'aurais presque pu mettre une meilleure note s'il n'y avait pas quelques aspects immatures qui m'ont un peu déçu. L'immaturité, je l'ai ressentie dans le graphisme d'abord. Et pourtant je le trouve très joli dans son esthétique et ses choix de couleurs. Mais on sent un manque d'aisance technique dans la représentation des personnages et surtout dans les perspectives : outre certaines vraies erreurs techniques, trop de scènes paraissent applaties, sans profondeur, ce qui crée un peu de confusion visuelle. De même, nombre de scènes d'action voire même de simples tentatives de gags visuels sont ratées et difficiles à déchiffrer. En définitive, ce type de graphisme me rappelle davantage de l'illustration jeunesse que de la BD. A côté de cela, le titre m'a fait sourire puisqu'il m'apparait comme la synthèse de W.I.T.C.H. et de leur série rivale le Winx Club auquel j'imagine que les auteurs font un clin d'oeil appuyé. Nous y sommes dans un univers fantasy de magie avec pas mal d'inspiration de Harry Potter, où les sorcières se regroupent en communauté et où elles invoquent de vrais démons qui ont leur propre communauté infernale. On y suit un jeune apprentie sorcière sans pouvoir qui part à la recherche de sa tante, une puissante sorcière qui a disparu, et qui sera accompagnée du Diable lui-même dans sa quête. J'ai trouvé la série sympa et divertissante. J'ai en particulier apprécié les interactions entre l'héroïne et le Diable, ce dernier étant mon personnage préféré au final. Mais il faut avouer à nouveau qu'on trouve quelques immaturités dans le déroulement de l'intrigue, des passages un peu cucul trop destinés à des pré-adolescents et qui empêchent de vraiment se plonger totalement dans l'histoire. Les motivations des personnages sont aussi difficiles à suivre et elles paraissent parfois incohérentes ou du moins inconstantes, avec quelques passages où on se dit que les auteurs les font réagir de telle manière juste pour rajouter un peu de péripéties sans vraie logique derrière. Bref, j'ai bien aimé mais c'est loin d'être parfait.

11/01/2025 (modifier)