Ce livre a une étrange résonance aujourd'hui. Ce procès de Bobigny m'évoque un autre procès, celui de Mazan, commencé là aussi par un viol et symbolique de la violence exercée sur les femmes ....
Je partage quelques réserves de Canarde sur la BD et j'ajouterais que la BD parle de façon parfois très rapide de détails importants, même si elle respecte la temporalité et les grands axes de ce procès d'une loi qui permis, des années plus tard, l'avortement légal. Parce qu'il y en a des choses importantes durant ce procès, que ce soit la question sociale, féministe, légale et sociétale. Ce procès, c'est un pas important qui fut fait pour permettre aux femmes de ne plus subir une oppression systémique, au moins dans ce domaine.
Et c'est pour ça que malgré mes réserves je suis sur une note plus élevée. Cette BD se veut une instruction au plus grand nombre de ce fameux procès, particulièrement à la jeunesse qui pourrait parfaitement ignorer tout ce qui s'est joué à ce moment-là. Et je trouve que la BD permet de remettre quelques grands noms dans leur époque (Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir notamment) permet aussi de se rendre compte de leur message dans leur époque. Il en fallait du courage pour parler ainsi à voix haute !
La BD contient quelques textes forts, comme les plaidoyers ou les témoignages, mais aussi l'hymne du MLF qui mériterait d'être bien plus connu, je pense. Accompagné du dessin de Carole Maurel qui joue sur les couleurs clairs et la violence noire qui envahit les pages, c'est pourtant vite lu et digeste.
La BD est à mon sens très réussi. Adaptée à un large public, elle retrace en quelques moments forts un procès retentissant en France, dont l'impact est aujourd'hui encore au cœur des débats avec le vote cette année de l'inscription de l'IVG dans la constitution. Elle rappelle que la lutte des femmes a du se faire contre la loi elle-même et pour s'en sortir des horreurs des hommes.
Je ressors de cette BD avec les yeux humides et l'impression d'être toujours dans la même histoire qui se répète : les hommes violent, violentent et font souffrir les femmes. Il faut lutter, lutter encore, lutter sans cesse pour que cela change.
Vous savez ce qu’il advient à ceux qui ne tiennent pas leur langue ?
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une biographie partielle du peintre Jan van Eyck. Son édition originale date de 2015 ; il fait partie de la collection Les grands peintres. Il a été réalisé par Dimitri Joannidès pour le scénario, et par Dominique Hé pour les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. À la fin se trouve un dossier de six pages, consacré au peintre intitulé Peintre du monde d’après, composé de sept parties intitulées : Des origines mystérieuses, Le perfectionnement de la peinture à l’huile, Van Eyck et le pouvoir, Une révolution esthétique en marche, Aux origines du portrait, Le retable de l’agneau mystique (un destin contrarié), Van Eyck en héritage. La dernière page accueille une chronologie des peintres célèbres, une liste comprenant quatre-vingt-six artistes de Jan van Eyck à Andy Warhol.
Gand, le quatorze septembre 1426, une procession funéraire traverse lentement la ville. Un curieux fait remarquer à un autre qu’il s’agit de Hubert van Eyck. Son interlocuteur se demande ce qu’il va advenir du retable. Un autre encore plaint Joost Vijdt, car il l’avait commandé pour honorer la mémoire de son épouse. Un individu à la mine patibulaire intervient : papa Joost a surtout peur pour ses fesses, il ne pense qu’à ses affaires, car s’il ne finit pas le retable, il sera la risée de tous les puissants avec qui il fait des affaires, il pourra dire adieu à ses rêves d’éternité. Tout en partageant ces commentaires désagréables, il en a profité pour subtiliser la bourse d’un riche notable qui ne s’est aperçu de rien, tout entier accaparé par la procession. Jan van Eyck, le frère du défunt, se trouve dans une carriole à encore quelques minutes de Gand. Il arrive alors que la cérémonie commence tout juste dans la cathédrale. Il se souvient d’un jour d’été de l’an 1400 à Maastricht, alors que son frère était en train de dessiner de lui apprendre comment faire. Hubert avait fait promettre à Jan que s’il devenait peintre, il y mettrait toute son âme. Après la cérémonie, le peintre rallie la ville de Lille pour se présenter au duc de Bourgogne.
Philippe le Bon se déclare sincèrement désolé pour la mort du frère de Jan van Eyck. Ce dernier répond que c’est malheureusement dans l’ordre des choses. Toujours en présence de quelques conseillers et du bouffon, la discussion continue : van Eyck sait qu’il est le peintre du duc tout autant que son espion, mais voilà la mort de d’Hubert l’a profondément perturbé, et l’a poussé à s’interroger sur ce qu’il veut vraiment. Il se dit qu’il ferait peut-être mieux de retourner aux pinceaux. Le duc de Bourgogne répond qu’il a besoin de van Eyck, que son départ pour la terre sainte est prévu le mois prochain. Il promet de donner le double de ce qu’il a promis au peintre. Le bouffon ne perd rien de cet échange. Le lendemain, un geôlier va tirer Koenraad de son sommeil aviné et il le libère. Alors que van Eyck sort de la salle d’audience, le duc se demande s’il va le trahir, il ne serait pas le premier. À Gand, Joost Vijdt réfléchit à comment s’y prendre pour que van Eyck accepte de terminer le retable de l’Agneau, commencé par son frère.
Les auteurs ont choisi une période bien définie pour leur récit : de la mort de Hubert van Eyck en 1426, au retour de Jan van Eyck de son voyage en terre sainte en 1427, soit une année. Le début établit clairement l’enjeu du récit : le décès de son frère conduit Jan van Eyck à s’interroger sur ce qu’il souhaite faire de sa vie, partager son temps entre la peinture et des missions d’espionnage et de diplomatie au service du duc de Bourgogne, ou bien devenir peintre à plein temps. Le scénariste ne donne que très peu d’informations de contexte. Rien sur la commande de Joost Vijdt (1360-1439), c’est-à-dire le retable de l’Adoration de l’agneau mystique, sur la composition de ce polyptique. Rien sur les raisons et les circonstances dans lesquelles Jan van Eyck a rejoint Bruges, et est devenu le peintre de cour au service du duc de Bourgogne. D’un côté, ces informations ne manquent pas pour comprendre l’histoire et son enjeu ; d’un autre côté charge au lecteur de relever par lui-même les quelques éléments de contexte épars. Il comprend bien que le duc de Bourgogne attache une importance capitale à la technique de composition de la peinture dont se sert le peintre, et le chapitre consacré au perfectionnement de la peinture à l’huile dans le dossier de fin permet de mieux comprendre ce qu’il en est. De même le chapitre consacré à Van Eyck et le pouvoir permet de mieux comprendre comment Philippe le Bon en est venu à charger le peintre de missions diplomatiques. Par ailleurs, le lecteur apprend, toujours dans ce dossier, que le peintre avait déjà aidé son frère sur le chantier du retable, avant sa mort.
La couverture montre que le dessin s’inscrit dans une approche descriptive avec un haut niveau de détail, ne serait-ce que pour rendre hommage au retable de l’agneau mystique. Il en va de même dans les pages intérieures : il ne manque aucune pierre sur les murs de la forteresse de Gand, ni sur ceux de la cathédrale, toutes les armoiries sont présentes dans la salle d’audience ainsi que les broderies sur les tentures du trône, les brins de paille dans la geôle de Koenraad, les ferrures sur un coffre, les gravures sur chaque pièce dans un coffre, les planches sur le navire qui emmène van Eyck en terre sainte ainsi que les cordages, les arbres dans une vue éloignée de Grenade, chaque met sur la table de Mohammed al-Mutamassik, les mailles sur la cagoule en cotte de mailles d’un garde, les gravures sur les montant de bois des bancs, les motifs sur les tissus divers et variés, les pierreries sur les couronnes, etc. L’artiste apporte la même minutie pour les tenues vestimentaires, les coiffures, les accessoires, avec une mention spéciale pour le costume du bouffon du duc de Bourgogne. Le lecteur peut donc s’immerger dans cette époque, à différents endroits du globe, que ce soit la cathédrale de Gand, les rues de Bruges, le port de cette même ville, Grenade et ses bâtiments magnifiquement ouvragées, Constantinople et son port.
L’artiste s’inscrit dans une démarche similaire à celle du peintre, à savoir un naturalisme minutieux et d'une grande précision, tout en restant dans le domaine du dessin, avec des traits de contour encrés. Il réalise une mise en couleur également dans le registre naturaliste, avec un savoir-faire remarquable, pour rendre chaque case lisible. Les principaux éléments ressortent, structurant ainsi l’image, permettant de saisir l’objet principal du dessin, et ensuite de détailler chaque élément, par exemple chaque bâtiment de la ville de Constantinople vue depuis le pont d’un navire arrivant au port. À quelques reprises, il met en avant un élément avec un aplat de noir plus copieux : les silhouettes des porteurs de cercueil, la silhouette du duc de Bourgogne tout de noir vêtu, la pénombre régnant dans la geôle, un ciel nocturne chargé de nuages, etc. Par le biais du jeu des nuances d’une teinte, il souligne aussi le relief d’un vêtement, d’un corps, d’une allée, etc. Il réalise également des visions mémorables car le scénariste sait ménager des moments dépourvus de mots : l’étendue des champs à l’approche de Gand, la déambulation dans une ruelle de Bruges avec son sol en terre et les eaux usées s’écoulant au milieu, l’animation dans une taverne en sous-sol, un navire voguant sur une mer calme sous un ciel parsemé de nuages, Koenraad posant en tant que roi pour le retable de l’Adoration de l’agneau mystique, la reprise du reflet du miroir accroché au mur dans l’intérieur bourgeois des époux Arnolfini comme dans le tableau du même nom de 1434 (huile sur toile).
Le lecteur part peut-être avec un a priori sur le choix de narration : beaucoup de texte pour exposer la situation historique de l’époque, et développer différents points de vue sur le grand peintre, de ses années d’apprentissage, aux conditions de réalisation de ses chefs d’œuvre, en passant par sa technique ou ses relations avec les grands de ce monde à cette époque, en particulier ceux du pouvoir temporel. Conscient du nombre de pages limité qui lui est alloué, le scénariste a pris le parti de focaliser son propos sur une année charnière dans la vie de Jan van Eyck, et de s’en tenir aux circonstances concrètes menant le peintre à prendre une décision essentielle quant à la conduite de sa vie. Ainsi certains éléments peuvent sembler trop rapidement évoqués ou juste absents, en particulier le choix d’une huile siccative comme liant pour ses peintures, la composition des tableaux en quatre niveaux (littéral, allégorique, allusif et mystique), l’introduction de la nature dans ses compositions, etc. D’un autre côté, cela permet au scénariste de donner de la place aux dessins, de les laisser raconter sans être surchargés de cartouches de texte en tout petits caractères.
Le lecteur découvre le grand peintre au travers d’une de ses missions en tant que diplomate pour le compte de Philippe le Bon, auprès de Mohammed al-Mutamassik, c’est-à-dire une occupation qu’on n’attend pas pour un artiste. Il peut le voir dans sa relation avec son protecteur qui lui met à disposition une rente, le voir à l’œuvre dans la négociation diplomatique (sans bien savoir quelle langue est utilisée), et peindre. Les auteurs savent montrer ce qui motive Jan van Eyck, et ils mettent en scène un processus psychologique l’amenant à accorder la priorité à son art. D’un côté, le lecteur se rend compte qu’il aurait apprécié plus d’informations contextuelles, et il les trouve dans le dossier de fin. De l’autre côté, la lecture a été celle d’une vraie bande dessinée, plutôt que d’un exposé illustré, insufflant plus de vie aux personnages, avec une narration aérée et fluide.
Une tâche complexe que de donner vie à Jan van Eyck, considéré comme le fondateur du portrait occidental. Le dessinateur raconte ce morceau de biographie sur un an, dans un registre similaire à celui du peintre : descriptif, minutieux et réaliste, donnant ainsi une impressionnante consistance à cette époque, aux lieux et aux personnages. Le scénariste concentre son récit sur cette évolution dans le choix de vie du peintre, tout en mettant en scène un homme à la vie sortant de l’ordinaire.
Mise à jour après lecture du tome 3.
Poursuite de l’ironie dans la veine des deux premiers volumes. Mais en poussant encore plus loin la critique de la vision occidentale du monde et de la nature. L’anthropologue Jivaro pointe du doigt toutes nos absurdités, mais l’auteur ouvre la voie d’un espoir avec l’engagement des zadistes.
Absurde, décalé, et tellement vrai. Un petit rayon de bonheur. Je réitère mon coup de coeur !
Tomes 1 et 2.
Que ce petit traité est intelligent, et diablement drôle. Je regrette que ma bibliothèque municipale ne possède que les deux premiers tomes, j'aurais sans doute adoré lire le troisième, je vais aller déposer une réclamation sous peu (je plaisante).
Nos paradigmes de sociétés, pas seulement occidentales d'ailleurs, sont bien mis à mal ici, et pour notre plus grand plaisir, zygomatique et intellectuel.
Que nous ayons, et surtout nos politiciens avec nous, adopté les modes de pensée animistes jivaros, donne une saveur particulière à tous les discours et échanges verbaux des hautes sphères des états.
On en vient à rêver que ce soit réellement le cas en ces temps troublés sur notre continent.
Quant à l'élection présidentielle, le débat des deux candidats restant en lice, Mélanchon et Hamon, m'a fait hurler de rire. Je sens que celle qui approche sera moins enthousiasmante.
Et que dire des interprétations de l'ethnologue Jivaro venu observer la dernière poche de résistance de la pensée actuelle ? Ses conclusions sont si évidentes dans l'absurde que c'en est confondant.
Et si le dessin n'est en général pas le plus important dans ce genre de bd, il est ici particulièrement réussi. Les poses sont statiques et répétitives, certes, l'humour étant dans les dialogues. Mais les aquarelles sont très belles, surtout les mésanges, qui d'ailleurs ne manquent pas d'humour non plus.
Bon, ben, je pars à la pêche du tome 3.
Par chance, je ne m'en suis pas tenu au seul premier tome de cette série que j'avais trouvé certes bien dessiné mais trop convenu.
Il nous plonge dans un univers d'heroic-fantasy à la géographie surprenante mais qu'on ne découvrira que plus tard et aux factions bien particulières mais là encore en apparence très superficielles dans ce seul premier tome. L'auteur y introduit dans le feu de l'action ses héros qui sont des mercenaires plus ou moins rejetés par le pouvoir en place et qui veulent gagner auprès de lui le droit à des terres bien à eux, quitte pour cela à combattre d'autres rejetés, une race étrangère au royaume des humains et qui a envahi une ville pour s'y réfugier. On découvre Vesper, une amazone sorcière dotée de puissants pouvoirs magiques en plus de grandes capacités guerrières. Et on y découvre surtout la perfidie des humains au pouvoir avec notamment un cardinal fourbe, raciste et gratuitement mauvais. C'est ce manichéisme, le méchant trop méchant qui fait subir la pire des injustices aux gentils rejetés, qui m'a refroidi sur ce premier tome.
Par bonheur, la suite gagne en subtilité et en profondeur. L'intrigue se déploie pleinement, gagnant en complexité et en ramifications dans le temps et entre deux mondes parallèles. Le dessin y est toujours d'excellente qualité et les personnages intéressants. L'auteur parvient à maintenir une réelle incertitude sur la suite de la série qui empêche d'en deviner les péripéties et la conclusion à l'avance.
Cette conclusion, elle arrive au 4e tome alors que 6 étaient prévus initialement et cela se ressent un peu sans être rédhibitoire. Un retournement de situation au début de cet album m'est paru un peu abrupt comparé au contexte des précédents, puis ensuite les explications sont assez verbeuses, mais il faut reconnaitre qu'elles clarifient bien les choses et que l'auteur apporte les réponses à toutes les questions ouvertes.
Il en découle une très bonne série de fantasy un peu sombre, dont le lyrisme et la fatalité m'ont parfois rappelé ce vieux classique qu'était Légendes des Contrées Oubliées, ce qui est pour moi un gage de qualité.
Charline est une petite fille en CP qui déborde d'énergie et d'imagination. Certes elle fait pas mal de bêtises, mais elle le fait sans penser à mal et est prête à utiliser sa verve pour défendre sa position et se chercher des excuses.
Je découvre Raoul Paoli avec cet album. A vrai dire, même si son trait est plus fin et ses décors plus épurés, je me suis demandé un moment s'il ne s'agissait pas de Bruno Dequier, l'auteur de Louca, tant j'ai cru reconnaitre des expressions et personnages similaires par moment. Le résultat est en tout cas très agréable, apportant dynamisme et expressivité à des gags efficacement mis en scène.
L'auteur se présente comme le père de la vraie Charline qu'il présente en photo masquée en quatrième de couverture. Et c'est vrai que j'ai apprécié la complicité qu'on peut observer entre le personnage de Charline et son père dans la BD, me rappelant ma propre relation avec ma fille quand elle était petite. J'aime aussi la manière dont est traité le chat de la famille, une vieille boule de poils blasée que la petite fille adorerait câliner mais qui ne se laisse jamais faire.
Malgré ses nombreuses bêtises, Charline est très attachante et fait preuve d'un bel esprit de répartie et d'imagination. Les gags ne sont pas tous aussi bons mais beaucoup sont vraiment drôles, tant pour un lecteur adulte qu'enfantin ce qui rend la BD vraiment tous publics malgré le jeune âge de l'héroïne. Un bien agréable moment de lecture et de sourire.
Décidément, Valette est un auteur à suivre ! Qui développe une œuvre originale, et qui ne cherche pas à se répéter. En effet, on est ici très loin de ses autres productions. Mais c’est encore quelque chose de réussi. Ça doit être ça le talent, je suppose.
Ce qui saute tout d’abord aux yeux, c’est le travail graphique encore original (après son impayable « Jean Doux et le mystère de la disquette molle »). Il explique d’ailleurs son processus de création dans ce domaine en fin d’album, dessinant personnages et expressions, pour ensuite les intégrer à des décors 3D. Si le rendu est surprenant de prime abord, on s’y fait rapidement, et j’ai trouvé ça agréable à l’œil (quelques petits airs rétro de « Cosmos 1999 » parfois, le côté kitsch en moins. Pas désagréable me concernant).
L’histoire est bien fichue, amenant par paliers la chute finale. Les rebondissements successifs empêchent le lecteur de s’ennuyer, et, avec un minimum d’action et de dialogues, Valette nous propose un album qui sort de l’ordinaire. Une des belles réussites de cette année, c’est certain !
L'adaptation du roman du même nom d'Olivier Guez. Roman ayant reçu le prix Renaudot 2017.
Une petite préface de Guez, il dit tout le bien qu'il pense de cette adaptation.
Une BD qui nous dévoile une partie de la vie de Josef Mengele, sa vie de cavale après la chute du IIIe reich. Une vie en Amérique du Sud, de l'Argentine au Brésil, en passant par le Paraguay.
Une narration maîtrisée et non linéaire puisqu'elle fera quelques retours dans son passé en tant que Hauptsturmführer au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
On va découvrir, mais est-ce une surprise, un personnage répugnant à l'absence d'humanité, il avait encore l'espoir d'un IVe reich à la fin des années 40.
Un récit instructif, immersif et captivant sur cet homme dont les idées ne vont pas évoluer d'un iota jusqu'à sa mort. Il fait froid dans le dos, on reste au plus près de l'idéologie nazie au contact de ce monstre, de cet ange de la mort.
Mengele aura la chance de passer entre les mailles du filet avec le soutien financier de sa famille jusqu'à sa mort sur une plage brésilienne.
Matz a réalisé un travail remarquable !
Un dessin à l'ambiance malsaine avec ce noir omniprésent et ces couleurs ternes. Un dessin qui demande un minimum de concentration pour différencier quelques personnages sur certaines vignettes.
Je valide la partie graphique, elle retranscrit l'âme noire de ce monstre.
Je recommande évidemment.
t.1 : Ceux qui restent
Dans cette comédie à la fois légère et subversive, Lupano, scénariste très en vue depuis plusieurs années, nous démontre avec jubilation que le troisième âge n’est pas l’antichambre de la mort, loin s’en faut, avec des personnages hauts en couleur. Tout d’abord, il y a Pierrot, le plus déjanté, vieil anar à l’esprit de révolte intact malgré sa vue défaillante, qui prend un malin plaisir à perturber les soirées branchées et autres cocktails mondains, de préférence en compagnie de son groupe d’action « Ni yeux ni maître ». « C’est ça ou moisir du bulbe. » explique-t-il en guise d’excuse. Puis Antoine, l’ancien syndicaliste déprimé par la mort de sa femme Lucette mais dont la hargne anti patronale va vite se révéler plus virulente que jamais lorsqu’il apprendra que cette dernière a flirté de son vivant avec le PDG de sa boîte… Le troisième compère se prénomme Mimile. Sous son air jovial et bon vivant, il cache un passé de baroudeur globe-trotter, « seul blanc à avoir joué première ligne de rugby aux Îles Samoa ». Il y a enfin la jeune et jolie Sophie, artiste altermondialiste et nièce d’Antoine, portrait craché de sa tante jeune. Malgré son statut de femme enceinte, elle ne se débinera pas lorsqu’il sera question d’accompagner les vieux potes de tonton pour empêcher ce dernier de commettre l’irréparable en voulant buter son ancien patron.
Ces papys flingueurs n’ont pas leur langue dans leur poche, et ils auraient bien tort, avec des dialogues qui dynamitent et dispersent avec une telle pétulance – l’esprit d’Audiard n’est pas bien loin… Sur le thème de l’adultère posthume, le scénario, en plus d’être original, est assez bien ficelé pour ce premier épisode en guise de – très bonne – mise en bouche. Pour ce qui est du dessin, Cauuet s’inspire avec virtuosité d’une certaine BD franco-belge semi-réaliste orientée « comique » : postures dynamiques, bouilles expressives, jeunes femmes bien « bidochées », enceintes ou pas (on ne pouvait pas non plus mettre que des vieux en scène…), et ça fonctionne à merveille.
Et l’air de rien, ils sont rafraîchissants ces anciens et pourraient en remontrer à bien des « d’jeuns » de notre époque formatée par le rêve marketé et illusoire d’un paradis high-tech. De manière significative, nos héros chenus feraient presque une déprime en constatant que le trésor caché à proximité de la cabane de leur enfance n’a toujours pas été découvert… drôle d’époque où les enfants naissent avec des tablettes dans les mains tout en croyant que les poissons sont carrés et les vaches des animaux exotiques. Pour autant, les auteurs ne tombent pas dans le piège du « c’était mieux avant » en procédant à un rééquilibrage par l’entremise de la jeune Sophie au tempérament sanguin. Car si elle les aime bien, ces vieux « flibustiers », elle en veut aux ainés dans leur ensemble de n’avoir pas su ou pas voulu prévenir les problèmes du monde actuel, refilant le fardeau aux jeunes générations avec une insouciance consternante. La scène de la rencontre avec le groupe de retraités sur l’aire d’autoroute est parlante, si comique soit-elle dans son exagération.
En somme, sous les apparences d’une joyeuse farce, les auteurs utilisent leurs personnages pour mieux mettre en lumière et dénoncer les dérives de notre monde où les valeurs humaines semblent chaque jour céder un peu plus de terrain au profit d’un conformisme déshumanisant. Il reste que ces portraits plein de tendresse sont à la fois touchants et tonifiants, un peu dans le même esprit que Les Petits ruisseaux de Rabaté, petit bijou de la BD séniorisante.
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t.2 : Bonnie and Pierrot
On notera une moindre truculence des dialogues par rapport au premier épisode, mais compensée par quelques scènes tout à fait savoureuses (si l’on peut dire, car la scène de « l’attentat gériatrique » au meeting de Jean-François Coppé peut donner des haut-le-cœur) et franchement hilarantes. Et désormais, vous ne réagirez peut-être plus tout à fait de la même manière quand vous demanderez une baguette à votre boulanger et qu’il vous proposera de choisir entre quinze sortes… Avec ce deuxième volet au titre en forme de clin d’œil aux gangsters Bonnie and Clyde, Lupano réussit parfaitement à pointer du doigt les travers de notre époque consumériste et individualiste, où le jeunisme TGV finit par contaminer tous les domaines de la société en poussant au talus les déambulateurs de nos anciens. Ces « vieux fourneaux » pourraient se contenter de venger leur génération à la manière d’une Tatie Danielle, mais dans leur élan aussi altruiste que rageur, englobent les exclus et les opprimés tous âges confondus. C’est également un plaisir de retrouver le très efficace trait « franco-belge » de Cauuet et ses tronches expressives.
Si la vieillesse vous inquiète, et que cette inquiétude est accentuée par un sentiment de révolte vis-à-vis de ce monde de brutes, voyez la vie du bon côté et fourbissez vos armes avec ces « Vieux Fourneaux ». Une véritable mine d’or pour votre âme d’insoumis, laquelle pourra inspirer vos opérations commando d’aujourd’hui et plus particulièrement de demain, à un âge où on vous commencerez à passer pour inoffensif, où on vous considérera comme un débris incontinent, charge pour la société pour les uns ou vieil aigri anti-jeune incapable de changer le monde pour les autres. Le tout dans la joie et la bonne humeur, ce qui ne gâche rien.
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t.3 : Celui qui part
Dès l’introduction, on comprend vite que nos vieux briscards n’ont pas l’intention de rendre les armes de leurs jeunes années rebelles ! Ils seraient même là pour durer, et plutôt que de briser leur pipe, ils semblent bien déterminés à la fumer jusqu’au bout… Ce tome 3 commence avec l’interpellation de Pierrot, affublé d’un magnifique costume d’abeille, alors qu’il vient de commettre avec ses potes un « attentat au miel » contre les producteurs de pesticides…
Pourtant, la roue tourne et nos vioques préférés, qui se plaisent souvent à donner des leçons, vont à leur tour en recevoir une de la nièce d’Antoine, et pas piquée des vers, en particulier ceux qui les attendent avec impatience au fond du trou pour une joyeuse ripaille… Et c’est d’une vieille voisine recluse et bougonne que viendra la tempête, un « ange de la vengeance » dénommée Berthe. Par la voix de la nièce qui a sympathisé avec cette dernière, on apprendra que les trois vieux copains sont loin d’être des enfants de chœur et n’ont pas toujours été héroïques comme pourrait le laisser penser la BD depuis le premier tome… Sophie, en marionnettiste de profession, va leur rafraîchir la mémoire en leur contant cet épisode peu glorieux du village dont ils furent les principaux protagonistes durant la seconde guerre mondiale…
Pour ce troisième volet, c’est donc un sujet grave (les représailles post-collaboration) qui est abordé mais le ton humoristique reste le même, preuve que l’on peut discuter de tout sans imposer pour autant une chape de plomb comme le voudrait la bienséance. Et c’est entre autres sur ce point précis qu’on perçoit l’intelligence des auteurs, qui parviennent à inclure un sujet sérieux dans un cadre burlesque sans en retirer la portée morale. A ce titre, la scène finale est très parlante.
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t.4 : La Magicienne
Le projet d’extension de la firme pharmaceutique Garan-Servier était pourtant bien parti, mais c’était sans compter sur un petit insecte menacé d’extinction au nom évocateur – et malicieux dans ce contexte : la Magicienne dentelée. Cette magicienne va à elle seule attirer un climat révolutionnaire dans le paisible village du Sud-ouest où réside Antoine, avec l’implantation d’une ZAD sous les fenêtres des bâtiments ultramodernes de la multinationale.
Malgré son passé de syndicaliste, Antoine apparaît ici comme la voix discordante, car il se réjouit curieusement du projet pharaonique de Garan-Servier, arguant que cela créerait des emplois dans la région et pestant contre ces « rastaquouères » de zadistes. Un prétexte des auteurs pour ne pas faire ressembler leurs « Vieux Fourneaux » à un porte voix de l’extrême-gauche tendance écolo ? A moins que cela ne soit qu’un simple parti pris objectif permettant de prendre en compte toutes les opinions… car en fin de compte, Antoine est un naïf qui reste attachant, convaincu comme beaucoup d’autres pourraient l'être, par le discours démagogique d’une entreprise cynique. Et les faits lui donneront bien évidemment tort...
Grâce au talent des deux auteurs, Cauuet pour le pinceau et Lupano pour la plume, le lecteur aura droit à quelques trouvailles, tant graphiques que scénaristiques. Comme toujours, l’histoire est émaillée de « punchlines » truculentes qui sont un peu la marque de fabrique de la série. Le trait franquinien reste toujours aussi alerte, à l’image de nos héros octos bouillonnants, dont le plus excentrique reste Pierrot, débarquant dans la ZAD telle un météore dans un vieil autobus bringuebalant, rempli de ses frères et sœurs d’armes, tous hauts en couleurs.
Ce volet évoque immanquablement une bataille de longue haleine – celle qui, hasard du calendrier, vient de prendre fin à Notre Dame des Landes. Et c’est bien le point fort de cette série vibrionnante, centrée autour de vieux briscards du troisième âge mais en prise directe avec l’actualité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou technologique. Une série de son temps, comme son nom ne l’indique pas. Et tout en subversion habile sous une tonalité burlesque et bon enfant.
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t.8 : Graines de voyous
« Graines de voyous » va plutôt se révéler comme une parenthèse un peu nostalgique, où les préoccupations liées au monde actuel vont être mis un peu en sourdine, une fois n’est pas coutume, si ce n’est le cagnard qui s’est abattu sur la charmante cité de Montcoeur. Parce qu’il faut le rappeler, même si cette bande dessinée a des « anciens » pour héros, cela ne l’empêche pas d’être plutôt ancrée dans le réel, avec à chaque fois un message politique sur l’écologie ou les excès du capitalisme, distillé habilement par Lupano (j’entends par là, sans que cela soit insistant au point d’être pesant), car c’est avant tout la bonne humeur et le rire qui dominent dans cette série.
Ce tome 8 est inauguré en fanfare de façon hilarante par Pierrot, le plus turbulent du trio, qui va se retrouver avec un bracelet électronique à la cheville après une embrouille dans la cafète d’une gare provoquée par un QR Code contrariant ses besoins en caféine ! Il y aura aussi cette ex-nonne missionnaire en Afrique, qui n’est autre que la sœur du précité et va débouler à l’improviste, donnant lieu à des scènes tout aussi cocasses.
Mais l’axe principal de cet épisode sera la fête organisée dans le village par Sophie en hommage à sa grand-mère Lucette, fondatrice du théâtre itinérant du Loup en slip*. L’événement aura lieu dans le corps de ferme gentiment mis à disposition de M. Civrac, producteur de pommes bien connu dans le village, mais celui-ci semble avoir une idée derrière la tête, alors que remontent les souvenirs et les frustrations mal digérées. Lui aussi était amoureux de Lucette, tout comme son principal concurrent à l’époque, Antoine, qui captiva finalement le cœur de la belle… Aurait-il donc des comptes à régler ?
Le dessin vif de Paul Cauuet est toujours efficace pour mettre en images les facéties de ces trois irréductibles papys ô combien attachants. Le rythme narratif reste enlevé à l’instar des tomes précédents.
Même s’il n’est pas le plus marquant de la série, ce « Graines de voyous » reste du même tonneau et procure un moment de réconfort en cette époque qui part en vrille. Sous ses aspects de divertissement grand public, cette série, tout en racontant une longue, très loooongue histoire d’amitié, recèle des valeurs humanistes et une éthique qui la mettent en phase avec son temps. Et tout ça en laissant la possibilité de se bidonner… D’ailleurs, il faudrait sans doute songer un jour à faire rembourser ce type d’ouvrage par la sécurité sociale.
J'ai beaucoup apprécié cette lecture. Pour commencer je ne connais aucune œuvre de Miyazaki ni papier ni animé donc je ne pourrais faire aucune comparaison ni renvoi savant. Ensuite j'ai commencé par le tome 4 ( allez savoir pourquoi). Je ne m'en plains pas car ce que j'ai perdu en surprises et rebondissements scénaristiques, j'y ai gagné en sens et intelligence du récit. Un rêve onirique et poétique comme Alice puis un rêve dans un rêve qui m'a fait penser à certains passages d'Inception. Ainsi cet éternel hiver impose une ambiance qui nous fait voyager entre un conte de Noël et la dramaturgie sociale d'un récit réaliste comme Sans Famille. La même ambiance pour deux issues diamétralement opposées. C'est tout le talent de Marazano de suivre les deux voies jusqu'au final. C'est touchant, intriguant et créatif. La galerie des personnages s'impose avec justesse dans ce monde de rêve ou l'absurde côtoie le comique.
Le dessin de Yin Luo autorise une lecture au plus large public. Elle se situe à la croisée de plusieurs influences mais reste toujours cohérente et attractive. Une belle mise en couleur complète ce sympathique visuel.
Une lecture touchante et agréable à redécouvrir.
Le scénario de "La Nef des fous" est à la fois drôle et mystérieux. Dès les premières pages, j'ai été intrigué par les événements étranges qui se passent dans le royaume d’Eaux Folles. Le roi a une fuite dans sa chambre, le bouffon chasse un oiseau et la princesse repousse les avances du Grand Coordinateur. Chaque événement s'enchaîne avec humour et un soupçon de mystère, ce qui m'a rendu curieux de découvrir la suite.
Cette bande dessinée aborde plusieurs thèmes intéressants comme la folie, le pouvoir et les relations humaines. J'ai apprécié la manière dont elle mélange conte de fées, fantastique et science-fiction. Le tout est traité avec beaucoup d'humour, ce qui rend la lecture encore plus agréable. Les réflexions sur le pouvoir et les comportements humains m'ont fait réfléchir tout en me divertissant.
Les personnages sont uniques et attachants. J'ai particulièrement aimé suivre les aventures du Prince Putatif, dont les apparitions ajoutent une touche comique. Le roi est excentrique, le bouffon est fidèle et la princesse est indépendante. Chacun apporte quelque chose de spécial à l'histoire, même si certains personnages secondaires sont moins développés, ils restent amusants à suivre.
Le dessin de Turf est époustouflant. Les planches sont remplies de détails qui rendent l'univers d’Eaux Folles vivant et coloré. Les couleurs sont vibrantes et les expressions des personnages sont bien retranscrites. J'ai adoré me perdre dans les illustrations, elles ajoutent une dimension supplémentaire à l'histoire. Cependant, parfois, la surabondance de détails peut rendre certaines scènes un peu confuses, mais cela n'enlève rien au charme de l'ensemble.
"La Nef des fous" est une bande dessinée que j'ai vraiment aimée lire. Le mélange d'humour, de mystère et de beauté visuelle en fait une expérience mémorable et très agréable.
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Bobigny 1972
Ce livre a une étrange résonance aujourd'hui. Ce procès de Bobigny m'évoque un autre procès, celui de Mazan, commencé là aussi par un viol et symbolique de la violence exercée sur les femmes .... Je partage quelques réserves de Canarde sur la BD et j'ajouterais que la BD parle de façon parfois très rapide de détails importants, même si elle respecte la temporalité et les grands axes de ce procès d'une loi qui permis, des années plus tard, l'avortement légal. Parce qu'il y en a des choses importantes durant ce procès, que ce soit la question sociale, féministe, légale et sociétale. Ce procès, c'est un pas important qui fut fait pour permettre aux femmes de ne plus subir une oppression systémique, au moins dans ce domaine. Et c'est pour ça que malgré mes réserves je suis sur une note plus élevée. Cette BD se veut une instruction au plus grand nombre de ce fameux procès, particulièrement à la jeunesse qui pourrait parfaitement ignorer tout ce qui s'est joué à ce moment-là. Et je trouve que la BD permet de remettre quelques grands noms dans leur époque (Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir notamment) permet aussi de se rendre compte de leur message dans leur époque. Il en fallait du courage pour parler ainsi à voix haute ! La BD contient quelques textes forts, comme les plaidoyers ou les témoignages, mais aussi l'hymne du MLF qui mériterait d'être bien plus connu, je pense. Accompagné du dessin de Carole Maurel qui joue sur les couleurs clairs et la violence noire qui envahit les pages, c'est pourtant vite lu et digeste. La BD est à mon sens très réussi. Adaptée à un large public, elle retrace en quelques moments forts un procès retentissant en France, dont l'impact est aujourd'hui encore au cœur des débats avec le vote cette année de l'inscription de l'IVG dans la constitution. Elle rappelle que la lutte des femmes a du se faire contre la loi elle-même et pour s'en sortir des horreurs des hommes. Je ressors de cette BD avec les yeux humides et l'impression d'être toujours dans la même histoire qui se répète : les hommes violent, violentent et font souffrir les femmes. Il faut lutter, lutter encore, lutter sans cesse pour que cela change.
Jan van Eyck
Vous savez ce qu’il advient à ceux qui ne tiennent pas leur langue ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une biographie partielle du peintre Jan van Eyck. Son édition originale date de 2015 ; il fait partie de la collection Les grands peintres. Il a été réalisé par Dimitri Joannidès pour le scénario, et par Dominique Hé pour les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. À la fin se trouve un dossier de six pages, consacré au peintre intitulé Peintre du monde d’après, composé de sept parties intitulées : Des origines mystérieuses, Le perfectionnement de la peinture à l’huile, Van Eyck et le pouvoir, Une révolution esthétique en marche, Aux origines du portrait, Le retable de l’agneau mystique (un destin contrarié), Van Eyck en héritage. La dernière page accueille une chronologie des peintres célèbres, une liste comprenant quatre-vingt-six artistes de Jan van Eyck à Andy Warhol. Gand, le quatorze septembre 1426, une procession funéraire traverse lentement la ville. Un curieux fait remarquer à un autre qu’il s’agit de Hubert van Eyck. Son interlocuteur se demande ce qu’il va advenir du retable. Un autre encore plaint Joost Vijdt, car il l’avait commandé pour honorer la mémoire de son épouse. Un individu à la mine patibulaire intervient : papa Joost a surtout peur pour ses fesses, il ne pense qu’à ses affaires, car s’il ne finit pas le retable, il sera la risée de tous les puissants avec qui il fait des affaires, il pourra dire adieu à ses rêves d’éternité. Tout en partageant ces commentaires désagréables, il en a profité pour subtiliser la bourse d’un riche notable qui ne s’est aperçu de rien, tout entier accaparé par la procession. Jan van Eyck, le frère du défunt, se trouve dans une carriole à encore quelques minutes de Gand. Il arrive alors que la cérémonie commence tout juste dans la cathédrale. Il se souvient d’un jour d’été de l’an 1400 à Maastricht, alors que son frère était en train de dessiner de lui apprendre comment faire. Hubert avait fait promettre à Jan que s’il devenait peintre, il y mettrait toute son âme. Après la cérémonie, le peintre rallie la ville de Lille pour se présenter au duc de Bourgogne. Philippe le Bon se déclare sincèrement désolé pour la mort du frère de Jan van Eyck. Ce dernier répond que c’est malheureusement dans l’ordre des choses. Toujours en présence de quelques conseillers et du bouffon, la discussion continue : van Eyck sait qu’il est le peintre du duc tout autant que son espion, mais voilà la mort de d’Hubert l’a profondément perturbé, et l’a poussé à s’interroger sur ce qu’il veut vraiment. Il se dit qu’il ferait peut-être mieux de retourner aux pinceaux. Le duc de Bourgogne répond qu’il a besoin de van Eyck, que son départ pour la terre sainte est prévu le mois prochain. Il promet de donner le double de ce qu’il a promis au peintre. Le bouffon ne perd rien de cet échange. Le lendemain, un geôlier va tirer Koenraad de son sommeil aviné et il le libère. Alors que van Eyck sort de la salle d’audience, le duc se demande s’il va le trahir, il ne serait pas le premier. À Gand, Joost Vijdt réfléchit à comment s’y prendre pour que van Eyck accepte de terminer le retable de l’Agneau, commencé par son frère. Les auteurs ont choisi une période bien définie pour leur récit : de la mort de Hubert van Eyck en 1426, au retour de Jan van Eyck de son voyage en terre sainte en 1427, soit une année. Le début établit clairement l’enjeu du récit : le décès de son frère conduit Jan van Eyck à s’interroger sur ce qu’il souhaite faire de sa vie, partager son temps entre la peinture et des missions d’espionnage et de diplomatie au service du duc de Bourgogne, ou bien devenir peintre à plein temps. Le scénariste ne donne que très peu d’informations de contexte. Rien sur la commande de Joost Vijdt (1360-1439), c’est-à-dire le retable de l’Adoration de l’agneau mystique, sur la composition de ce polyptique. Rien sur les raisons et les circonstances dans lesquelles Jan van Eyck a rejoint Bruges, et est devenu le peintre de cour au service du duc de Bourgogne. D’un côté, ces informations ne manquent pas pour comprendre l’histoire et son enjeu ; d’un autre côté charge au lecteur de relever par lui-même les quelques éléments de contexte épars. Il comprend bien que le duc de Bourgogne attache une importance capitale à la technique de composition de la peinture dont se sert le peintre, et le chapitre consacré au perfectionnement de la peinture à l’huile dans le dossier de fin permet de mieux comprendre ce qu’il en est. De même le chapitre consacré à Van Eyck et le pouvoir permet de mieux comprendre comment Philippe le Bon en est venu à charger le peintre de missions diplomatiques. Par ailleurs, le lecteur apprend, toujours dans ce dossier, que le peintre avait déjà aidé son frère sur le chantier du retable, avant sa mort. La couverture montre que le dessin s’inscrit dans une approche descriptive avec un haut niveau de détail, ne serait-ce que pour rendre hommage au retable de l’agneau mystique. Il en va de même dans les pages intérieures : il ne manque aucune pierre sur les murs de la forteresse de Gand, ni sur ceux de la cathédrale, toutes les armoiries sont présentes dans la salle d’audience ainsi que les broderies sur les tentures du trône, les brins de paille dans la geôle de Koenraad, les ferrures sur un coffre, les gravures sur chaque pièce dans un coffre, les planches sur le navire qui emmène van Eyck en terre sainte ainsi que les cordages, les arbres dans une vue éloignée de Grenade, chaque met sur la table de Mohammed al-Mutamassik, les mailles sur la cagoule en cotte de mailles d’un garde, les gravures sur les montant de bois des bancs, les motifs sur les tissus divers et variés, les pierreries sur les couronnes, etc. L’artiste apporte la même minutie pour les tenues vestimentaires, les coiffures, les accessoires, avec une mention spéciale pour le costume du bouffon du duc de Bourgogne. Le lecteur peut donc s’immerger dans cette époque, à différents endroits du globe, que ce soit la cathédrale de Gand, les rues de Bruges, le port de cette même ville, Grenade et ses bâtiments magnifiquement ouvragées, Constantinople et son port. L’artiste s’inscrit dans une démarche similaire à celle du peintre, à savoir un naturalisme minutieux et d'une grande précision, tout en restant dans le domaine du dessin, avec des traits de contour encrés. Il réalise une mise en couleur également dans le registre naturaliste, avec un savoir-faire remarquable, pour rendre chaque case lisible. Les principaux éléments ressortent, structurant ainsi l’image, permettant de saisir l’objet principal du dessin, et ensuite de détailler chaque élément, par exemple chaque bâtiment de la ville de Constantinople vue depuis le pont d’un navire arrivant au port. À quelques reprises, il met en avant un élément avec un aplat de noir plus copieux : les silhouettes des porteurs de cercueil, la silhouette du duc de Bourgogne tout de noir vêtu, la pénombre régnant dans la geôle, un ciel nocturne chargé de nuages, etc. Par le biais du jeu des nuances d’une teinte, il souligne aussi le relief d’un vêtement, d’un corps, d’une allée, etc. Il réalise également des visions mémorables car le scénariste sait ménager des moments dépourvus de mots : l’étendue des champs à l’approche de Gand, la déambulation dans une ruelle de Bruges avec son sol en terre et les eaux usées s’écoulant au milieu, l’animation dans une taverne en sous-sol, un navire voguant sur une mer calme sous un ciel parsemé de nuages, Koenraad posant en tant que roi pour le retable de l’Adoration de l’agneau mystique, la reprise du reflet du miroir accroché au mur dans l’intérieur bourgeois des époux Arnolfini comme dans le tableau du même nom de 1434 (huile sur toile). Le lecteur part peut-être avec un a priori sur le choix de narration : beaucoup de texte pour exposer la situation historique de l’époque, et développer différents points de vue sur le grand peintre, de ses années d’apprentissage, aux conditions de réalisation de ses chefs d’œuvre, en passant par sa technique ou ses relations avec les grands de ce monde à cette époque, en particulier ceux du pouvoir temporel. Conscient du nombre de pages limité qui lui est alloué, le scénariste a pris le parti de focaliser son propos sur une année charnière dans la vie de Jan van Eyck, et de s’en tenir aux circonstances concrètes menant le peintre à prendre une décision essentielle quant à la conduite de sa vie. Ainsi certains éléments peuvent sembler trop rapidement évoqués ou juste absents, en particulier le choix d’une huile siccative comme liant pour ses peintures, la composition des tableaux en quatre niveaux (littéral, allégorique, allusif et mystique), l’introduction de la nature dans ses compositions, etc. D’un autre côté, cela permet au scénariste de donner de la place aux dessins, de les laisser raconter sans être surchargés de cartouches de texte en tout petits caractères. Le lecteur découvre le grand peintre au travers d’une de ses missions en tant que diplomate pour le compte de Philippe le Bon, auprès de Mohammed al-Mutamassik, c’est-à-dire une occupation qu’on n’attend pas pour un artiste. Il peut le voir dans sa relation avec son protecteur qui lui met à disposition une rente, le voir à l’œuvre dans la négociation diplomatique (sans bien savoir quelle langue est utilisée), et peindre. Les auteurs savent montrer ce qui motive Jan van Eyck, et ils mettent en scène un processus psychologique l’amenant à accorder la priorité à son art. D’un côté, le lecteur se rend compte qu’il aurait apprécié plus d’informations contextuelles, et il les trouve dans le dossier de fin. De l’autre côté, la lecture a été celle d’une vraie bande dessinée, plutôt que d’un exposé illustré, insufflant plus de vie aux personnages, avec une narration aérée et fluide. Une tâche complexe que de donner vie à Jan van Eyck, considéré comme le fondateur du portrait occidental. Le dessinateur raconte ce morceau de biographie sur un an, dans un registre similaire à celui du peintre : descriptif, minutieux et réaliste, donnant ainsi une impressionnante consistance à cette époque, aux lieux et aux personnages. Le scénariste concentre son récit sur cette évolution dans le choix de vie du peintre, tout en mettant en scène un homme à la vie sortant de l’ordinaire.
Petit traité d'écologie sauvage
Mise à jour après lecture du tome 3. Poursuite de l’ironie dans la veine des deux premiers volumes. Mais en poussant encore plus loin la critique de la vision occidentale du monde et de la nature. L’anthropologue Jivaro pointe du doigt toutes nos absurdités, mais l’auteur ouvre la voie d’un espoir avec l’engagement des zadistes. Absurde, décalé, et tellement vrai. Un petit rayon de bonheur. Je réitère mon coup de coeur ! Tomes 1 et 2. Que ce petit traité est intelligent, et diablement drôle. Je regrette que ma bibliothèque municipale ne possède que les deux premiers tomes, j'aurais sans doute adoré lire le troisième, je vais aller déposer une réclamation sous peu (je plaisante). Nos paradigmes de sociétés, pas seulement occidentales d'ailleurs, sont bien mis à mal ici, et pour notre plus grand plaisir, zygomatique et intellectuel. Que nous ayons, et surtout nos politiciens avec nous, adopté les modes de pensée animistes jivaros, donne une saveur particulière à tous les discours et échanges verbaux des hautes sphères des états. On en vient à rêver que ce soit réellement le cas en ces temps troublés sur notre continent. Quant à l'élection présidentielle, le débat des deux candidats restant en lice, Mélanchon et Hamon, m'a fait hurler de rire. Je sens que celle qui approche sera moins enthousiasmante. Et que dire des interprétations de l'ethnologue Jivaro venu observer la dernière poche de résistance de la pensée actuelle ? Ses conclusions sont si évidentes dans l'absurde que c'en est confondant. Et si le dessin n'est en général pas le plus important dans ce genre de bd, il est ici particulièrement réussi. Les poses sont statiques et répétitives, certes, l'humour étant dans les dialogues. Mais les aquarelles sont très belles, surtout les mésanges, qui d'ailleurs ne manquent pas d'humour non plus. Bon, ben, je pars à la pêche du tome 3.
Vesper
Par chance, je ne m'en suis pas tenu au seul premier tome de cette série que j'avais trouvé certes bien dessiné mais trop convenu. Il nous plonge dans un univers d'heroic-fantasy à la géographie surprenante mais qu'on ne découvrira que plus tard et aux factions bien particulières mais là encore en apparence très superficielles dans ce seul premier tome. L'auteur y introduit dans le feu de l'action ses héros qui sont des mercenaires plus ou moins rejetés par le pouvoir en place et qui veulent gagner auprès de lui le droit à des terres bien à eux, quitte pour cela à combattre d'autres rejetés, une race étrangère au royaume des humains et qui a envahi une ville pour s'y réfugier. On découvre Vesper, une amazone sorcière dotée de puissants pouvoirs magiques en plus de grandes capacités guerrières. Et on y découvre surtout la perfidie des humains au pouvoir avec notamment un cardinal fourbe, raciste et gratuitement mauvais. C'est ce manichéisme, le méchant trop méchant qui fait subir la pire des injustices aux gentils rejetés, qui m'a refroidi sur ce premier tome. Par bonheur, la suite gagne en subtilité et en profondeur. L'intrigue se déploie pleinement, gagnant en complexité et en ramifications dans le temps et entre deux mondes parallèles. Le dessin y est toujours d'excellente qualité et les personnages intéressants. L'auteur parvient à maintenir une réelle incertitude sur la suite de la série qui empêche d'en deviner les péripéties et la conclusion à l'avance. Cette conclusion, elle arrive au 4e tome alors que 6 étaient prévus initialement et cela se ressent un peu sans être rédhibitoire. Un retournement de situation au début de cet album m'est paru un peu abrupt comparé au contexte des précédents, puis ensuite les explications sont assez verbeuses, mais il faut reconnaitre qu'elles clarifient bien les choses et que l'auteur apporte les réponses à toutes les questions ouvertes. Il en découle une très bonne série de fantasy un peu sombre, dont le lyrisme et la fatalité m'ont parfois rappelé ce vieux classique qu'était Légendes des Contrées Oubliées, ce qui est pour moi un gage de qualité.
Le Monde de Charline
Charline est une petite fille en CP qui déborde d'énergie et d'imagination. Certes elle fait pas mal de bêtises, mais elle le fait sans penser à mal et est prête à utiliser sa verve pour défendre sa position et se chercher des excuses. Je découvre Raoul Paoli avec cet album. A vrai dire, même si son trait est plus fin et ses décors plus épurés, je me suis demandé un moment s'il ne s'agissait pas de Bruno Dequier, l'auteur de Louca, tant j'ai cru reconnaitre des expressions et personnages similaires par moment. Le résultat est en tout cas très agréable, apportant dynamisme et expressivité à des gags efficacement mis en scène. L'auteur se présente comme le père de la vraie Charline qu'il présente en photo masquée en quatrième de couverture. Et c'est vrai que j'ai apprécié la complicité qu'on peut observer entre le personnage de Charline et son père dans la BD, me rappelant ma propre relation avec ma fille quand elle était petite. J'aime aussi la manière dont est traité le chat de la famille, une vieille boule de poils blasée que la petite fille adorerait câliner mais qui ne se laisse jamais faire. Malgré ses nombreuses bêtises, Charline est très attachante et fait preuve d'un bel esprit de répartie et d'imagination. Les gags ne sont pas tous aussi bons mais beaucoup sont vraiment drôles, tant pour un lecteur adulte qu'enfantin ce qui rend la BD vraiment tous publics malgré le jeune âge de l'héroïne. Un bien agréable moment de lecture et de sourire.
L'Héritage fossile
Décidément, Valette est un auteur à suivre ! Qui développe une œuvre originale, et qui ne cherche pas à se répéter. En effet, on est ici très loin de ses autres productions. Mais c’est encore quelque chose de réussi. Ça doit être ça le talent, je suppose. Ce qui saute tout d’abord aux yeux, c’est le travail graphique encore original (après son impayable « Jean Doux et le mystère de la disquette molle »). Il explique d’ailleurs son processus de création dans ce domaine en fin d’album, dessinant personnages et expressions, pour ensuite les intégrer à des décors 3D. Si le rendu est surprenant de prime abord, on s’y fait rapidement, et j’ai trouvé ça agréable à l’œil (quelques petits airs rétro de « Cosmos 1999 » parfois, le côté kitsch en moins. Pas désagréable me concernant). L’histoire est bien fichue, amenant par paliers la chute finale. Les rebondissements successifs empêchent le lecteur de s’ennuyer, et, avec un minimum d’action et de dialogues, Valette nous propose un album qui sort de l’ordinaire. Une des belles réussites de cette année, c’est certain !
La Disparition de Josef Mengele
L'adaptation du roman du même nom d'Olivier Guez. Roman ayant reçu le prix Renaudot 2017. Une petite préface de Guez, il dit tout le bien qu'il pense de cette adaptation. Une BD qui nous dévoile une partie de la vie de Josef Mengele, sa vie de cavale après la chute du IIIe reich. Une vie en Amérique du Sud, de l'Argentine au Brésil, en passant par le Paraguay. Une narration maîtrisée et non linéaire puisqu'elle fera quelques retours dans son passé en tant que Hauptsturmführer au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. On va découvrir, mais est-ce une surprise, un personnage répugnant à l'absence d'humanité, il avait encore l'espoir d'un IVe reich à la fin des années 40. Un récit instructif, immersif et captivant sur cet homme dont les idées ne vont pas évoluer d'un iota jusqu'à sa mort. Il fait froid dans le dos, on reste au plus près de l'idéologie nazie au contact de ce monstre, de cet ange de la mort. Mengele aura la chance de passer entre les mailles du filet avec le soutien financier de sa famille jusqu'à sa mort sur une plage brésilienne. Matz a réalisé un travail remarquable ! Un dessin à l'ambiance malsaine avec ce noir omniprésent et ces couleurs ternes. Un dessin qui demande un minimum de concentration pour différencier quelques personnages sur certaines vignettes. Je valide la partie graphique, elle retranscrit l'âme noire de ce monstre. Je recommande évidemment.
Les Vieux Fourneaux
t.1 : Ceux qui restent Dans cette comédie à la fois légère et subversive, Lupano, scénariste très en vue depuis plusieurs années, nous démontre avec jubilation que le troisième âge n’est pas l’antichambre de la mort, loin s’en faut, avec des personnages hauts en couleur. Tout d’abord, il y a Pierrot, le plus déjanté, vieil anar à l’esprit de révolte intact malgré sa vue défaillante, qui prend un malin plaisir à perturber les soirées branchées et autres cocktails mondains, de préférence en compagnie de son groupe d’action « Ni yeux ni maître ». « C’est ça ou moisir du bulbe. » explique-t-il en guise d’excuse. Puis Antoine, l’ancien syndicaliste déprimé par la mort de sa femme Lucette mais dont la hargne anti patronale va vite se révéler plus virulente que jamais lorsqu’il apprendra que cette dernière a flirté de son vivant avec le PDG de sa boîte… Le troisième compère se prénomme Mimile. Sous son air jovial et bon vivant, il cache un passé de baroudeur globe-trotter, « seul blanc à avoir joué première ligne de rugby aux Îles Samoa ». Il y a enfin la jeune et jolie Sophie, artiste altermondialiste et nièce d’Antoine, portrait craché de sa tante jeune. Malgré son statut de femme enceinte, elle ne se débinera pas lorsqu’il sera question d’accompagner les vieux potes de tonton pour empêcher ce dernier de commettre l’irréparable en voulant buter son ancien patron. Ces papys flingueurs n’ont pas leur langue dans leur poche, et ils auraient bien tort, avec des dialogues qui dynamitent et dispersent avec une telle pétulance – l’esprit d’Audiard n’est pas bien loin… Sur le thème de l’adultère posthume, le scénario, en plus d’être original, est assez bien ficelé pour ce premier épisode en guise de – très bonne – mise en bouche. Pour ce qui est du dessin, Cauuet s’inspire avec virtuosité d’une certaine BD franco-belge semi-réaliste orientée « comique » : postures dynamiques, bouilles expressives, jeunes femmes bien « bidochées », enceintes ou pas (on ne pouvait pas non plus mettre que des vieux en scène…), et ça fonctionne à merveille. Et l’air de rien, ils sont rafraîchissants ces anciens et pourraient en remontrer à bien des « d’jeuns » de notre époque formatée par le rêve marketé et illusoire d’un paradis high-tech. De manière significative, nos héros chenus feraient presque une déprime en constatant que le trésor caché à proximité de la cabane de leur enfance n’a toujours pas été découvert… drôle d’époque où les enfants naissent avec des tablettes dans les mains tout en croyant que les poissons sont carrés et les vaches des animaux exotiques. Pour autant, les auteurs ne tombent pas dans le piège du « c’était mieux avant » en procédant à un rééquilibrage par l’entremise de la jeune Sophie au tempérament sanguin. Car si elle les aime bien, ces vieux « flibustiers », elle en veut aux ainés dans leur ensemble de n’avoir pas su ou pas voulu prévenir les problèmes du monde actuel, refilant le fardeau aux jeunes générations avec une insouciance consternante. La scène de la rencontre avec le groupe de retraités sur l’aire d’autoroute est parlante, si comique soit-elle dans son exagération. En somme, sous les apparences d’une joyeuse farce, les auteurs utilisent leurs personnages pour mieux mettre en lumière et dénoncer les dérives de notre monde où les valeurs humaines semblent chaque jour céder un peu plus de terrain au profit d’un conformisme déshumanisant. Il reste que ces portraits plein de tendresse sont à la fois touchants et tonifiants, un peu dans le même esprit que Les Petits ruisseaux de Rabaté, petit bijou de la BD séniorisante. ---------------------- t.2 : Bonnie and Pierrot On notera une moindre truculence des dialogues par rapport au premier épisode, mais compensée par quelques scènes tout à fait savoureuses (si l’on peut dire, car la scène de « l’attentat gériatrique » au meeting de Jean-François Coppé peut donner des haut-le-cœur) et franchement hilarantes. Et désormais, vous ne réagirez peut-être plus tout à fait de la même manière quand vous demanderez une baguette à votre boulanger et qu’il vous proposera de choisir entre quinze sortes… Avec ce deuxième volet au titre en forme de clin d’œil aux gangsters Bonnie and Clyde, Lupano réussit parfaitement à pointer du doigt les travers de notre époque consumériste et individualiste, où le jeunisme TGV finit par contaminer tous les domaines de la société en poussant au talus les déambulateurs de nos anciens. Ces « vieux fourneaux » pourraient se contenter de venger leur génération à la manière d’une Tatie Danielle, mais dans leur élan aussi altruiste que rageur, englobent les exclus et les opprimés tous âges confondus. C’est également un plaisir de retrouver le très efficace trait « franco-belge » de Cauuet et ses tronches expressives. Si la vieillesse vous inquiète, et que cette inquiétude est accentuée par un sentiment de révolte vis-à-vis de ce monde de brutes, voyez la vie du bon côté et fourbissez vos armes avec ces « Vieux Fourneaux ». Une véritable mine d’or pour votre âme d’insoumis, laquelle pourra inspirer vos opérations commando d’aujourd’hui et plus particulièrement de demain, à un âge où on vous commencerez à passer pour inoffensif, où on vous considérera comme un débris incontinent, charge pour la société pour les uns ou vieil aigri anti-jeune incapable de changer le monde pour les autres. Le tout dans la joie et la bonne humeur, ce qui ne gâche rien. ------------------ t.3 : Celui qui part Dès l’introduction, on comprend vite que nos vieux briscards n’ont pas l’intention de rendre les armes de leurs jeunes années rebelles ! Ils seraient même là pour durer, et plutôt que de briser leur pipe, ils semblent bien déterminés à la fumer jusqu’au bout… Ce tome 3 commence avec l’interpellation de Pierrot, affublé d’un magnifique costume d’abeille, alors qu’il vient de commettre avec ses potes un « attentat au miel » contre les producteurs de pesticides… Pourtant, la roue tourne et nos vioques préférés, qui se plaisent souvent à donner des leçons, vont à leur tour en recevoir une de la nièce d’Antoine, et pas piquée des vers, en particulier ceux qui les attendent avec impatience au fond du trou pour une joyeuse ripaille… Et c’est d’une vieille voisine recluse et bougonne que viendra la tempête, un « ange de la vengeance » dénommée Berthe. Par la voix de la nièce qui a sympathisé avec cette dernière, on apprendra que les trois vieux copains sont loin d’être des enfants de chœur et n’ont pas toujours été héroïques comme pourrait le laisser penser la BD depuis le premier tome… Sophie, en marionnettiste de profession, va leur rafraîchir la mémoire en leur contant cet épisode peu glorieux du village dont ils furent les principaux protagonistes durant la seconde guerre mondiale… Pour ce troisième volet, c’est donc un sujet grave (les représailles post-collaboration) qui est abordé mais le ton humoristique reste le même, preuve que l’on peut discuter de tout sans imposer pour autant une chape de plomb comme le voudrait la bienséance. Et c’est entre autres sur ce point précis qu’on perçoit l’intelligence des auteurs, qui parviennent à inclure un sujet sérieux dans un cadre burlesque sans en retirer la portée morale. A ce titre, la scène finale est très parlante. ----------------------- t.4 : La Magicienne Le projet d’extension de la firme pharmaceutique Garan-Servier était pourtant bien parti, mais c’était sans compter sur un petit insecte menacé d’extinction au nom évocateur – et malicieux dans ce contexte : la Magicienne dentelée. Cette magicienne va à elle seule attirer un climat révolutionnaire dans le paisible village du Sud-ouest où réside Antoine, avec l’implantation d’une ZAD sous les fenêtres des bâtiments ultramodernes de la multinationale. Malgré son passé de syndicaliste, Antoine apparaît ici comme la voix discordante, car il se réjouit curieusement du projet pharaonique de Garan-Servier, arguant que cela créerait des emplois dans la région et pestant contre ces « rastaquouères » de zadistes. Un prétexte des auteurs pour ne pas faire ressembler leurs « Vieux Fourneaux » à un porte voix de l’extrême-gauche tendance écolo ? A moins que cela ne soit qu’un simple parti pris objectif permettant de prendre en compte toutes les opinions… car en fin de compte, Antoine est un naïf qui reste attachant, convaincu comme beaucoup d’autres pourraient l'être, par le discours démagogique d’une entreprise cynique. Et les faits lui donneront bien évidemment tort... Grâce au talent des deux auteurs, Cauuet pour le pinceau et Lupano pour la plume, le lecteur aura droit à quelques trouvailles, tant graphiques que scénaristiques. Comme toujours, l’histoire est émaillée de « punchlines » truculentes qui sont un peu la marque de fabrique de la série. Le trait franquinien reste toujours aussi alerte, à l’image de nos héros octos bouillonnants, dont le plus excentrique reste Pierrot, débarquant dans la ZAD telle un météore dans un vieil autobus bringuebalant, rempli de ses frères et sœurs d’armes, tous hauts en couleurs. Ce volet évoque immanquablement une bataille de longue haleine – celle qui, hasard du calendrier, vient de prendre fin à Notre Dame des Landes. Et c’est bien le point fort de cette série vibrionnante, centrée autour de vieux briscards du troisième âge mais en prise directe avec l’actualité, qu’elle soit politique, économique, sociale ou technologique. Une série de son temps, comme son nom ne l’indique pas. Et tout en subversion habile sous une tonalité burlesque et bon enfant. ------------------ t.8 : Graines de voyous « Graines de voyous » va plutôt se révéler comme une parenthèse un peu nostalgique, où les préoccupations liées au monde actuel vont être mis un peu en sourdine, une fois n’est pas coutume, si ce n’est le cagnard qui s’est abattu sur la charmante cité de Montcoeur. Parce qu’il faut le rappeler, même si cette bande dessinée a des « anciens » pour héros, cela ne l’empêche pas d’être plutôt ancrée dans le réel, avec à chaque fois un message politique sur l’écologie ou les excès du capitalisme, distillé habilement par Lupano (j’entends par là, sans que cela soit insistant au point d’être pesant), car c’est avant tout la bonne humeur et le rire qui dominent dans cette série. Ce tome 8 est inauguré en fanfare de façon hilarante par Pierrot, le plus turbulent du trio, qui va se retrouver avec un bracelet électronique à la cheville après une embrouille dans la cafète d’une gare provoquée par un QR Code contrariant ses besoins en caféine ! Il y aura aussi cette ex-nonne missionnaire en Afrique, qui n’est autre que la sœur du précité et va débouler à l’improviste, donnant lieu à des scènes tout aussi cocasses. Mais l’axe principal de cet épisode sera la fête organisée dans le village par Sophie en hommage à sa grand-mère Lucette, fondatrice du théâtre itinérant du Loup en slip*. L’événement aura lieu dans le corps de ferme gentiment mis à disposition de M. Civrac, producteur de pommes bien connu dans le village, mais celui-ci semble avoir une idée derrière la tête, alors que remontent les souvenirs et les frustrations mal digérées. Lui aussi était amoureux de Lucette, tout comme son principal concurrent à l’époque, Antoine, qui captiva finalement le cœur de la belle… Aurait-il donc des comptes à régler ? Le dessin vif de Paul Cauuet est toujours efficace pour mettre en images les facéties de ces trois irréductibles papys ô combien attachants. Le rythme narratif reste enlevé à l’instar des tomes précédents. Même s’il n’est pas le plus marquant de la série, ce « Graines de voyous » reste du même tonneau et procure un moment de réconfort en cette époque qui part en vrille. Sous ses aspects de divertissement grand public, cette série, tout en racontant une longue, très loooongue histoire d’amitié, recèle des valeurs humanistes et une éthique qui la mettent en phase avec son temps. Et tout ça en laissant la possibilité de se bidonner… D’ailleurs, il faudrait sans doute songer un jour à faire rembourser ce type d’ouvrage par la sécurité sociale.
Le Rêve du papillon
J'ai beaucoup apprécié cette lecture. Pour commencer je ne connais aucune œuvre de Miyazaki ni papier ni animé donc je ne pourrais faire aucune comparaison ni renvoi savant. Ensuite j'ai commencé par le tome 4 ( allez savoir pourquoi). Je ne m'en plains pas car ce que j'ai perdu en surprises et rebondissements scénaristiques, j'y ai gagné en sens et intelligence du récit. Un rêve onirique et poétique comme Alice puis un rêve dans un rêve qui m'a fait penser à certains passages d'Inception. Ainsi cet éternel hiver impose une ambiance qui nous fait voyager entre un conte de Noël et la dramaturgie sociale d'un récit réaliste comme Sans Famille. La même ambiance pour deux issues diamétralement opposées. C'est tout le talent de Marazano de suivre les deux voies jusqu'au final. C'est touchant, intriguant et créatif. La galerie des personnages s'impose avec justesse dans ce monde de rêve ou l'absurde côtoie le comique. Le dessin de Yin Luo autorise une lecture au plus large public. Elle se situe à la croisée de plusieurs influences mais reste toujours cohérente et attractive. Une belle mise en couleur complète ce sympathique visuel. Une lecture touchante et agréable à redécouvrir.
La Nef des fous
Le scénario de "La Nef des fous" est à la fois drôle et mystérieux. Dès les premières pages, j'ai été intrigué par les événements étranges qui se passent dans le royaume d’Eaux Folles. Le roi a une fuite dans sa chambre, le bouffon chasse un oiseau et la princesse repousse les avances du Grand Coordinateur. Chaque événement s'enchaîne avec humour et un soupçon de mystère, ce qui m'a rendu curieux de découvrir la suite. Cette bande dessinée aborde plusieurs thèmes intéressants comme la folie, le pouvoir et les relations humaines. J'ai apprécié la manière dont elle mélange conte de fées, fantastique et science-fiction. Le tout est traité avec beaucoup d'humour, ce qui rend la lecture encore plus agréable. Les réflexions sur le pouvoir et les comportements humains m'ont fait réfléchir tout en me divertissant. Les personnages sont uniques et attachants. J'ai particulièrement aimé suivre les aventures du Prince Putatif, dont les apparitions ajoutent une touche comique. Le roi est excentrique, le bouffon est fidèle et la princesse est indépendante. Chacun apporte quelque chose de spécial à l'histoire, même si certains personnages secondaires sont moins développés, ils restent amusants à suivre. Le dessin de Turf est époustouflant. Les planches sont remplies de détails qui rendent l'univers d’Eaux Folles vivant et coloré. Les couleurs sont vibrantes et les expressions des personnages sont bien retranscrites. J'ai adoré me perdre dans les illustrations, elles ajoutent une dimension supplémentaire à l'histoire. Cependant, parfois, la surabondance de détails peut rendre certaines scènes un peu confuses, mais cela n'enlève rien au charme de l'ensemble. "La Nef des fous" est une bande dessinée que j'ai vraiment aimée lire. Le mélange d'humour, de mystère et de beauté visuelle en fait une expérience mémorable et très agréable.