Je n’irais pas jusqu’au coup de cœur mais ce 1er tome est une très bonne entrée en matière, parfaitement équilibré, je suis curieux de découvrir la suite.
Après des premières pages intrigantes (pour la suite notamment ), le récit démarre sur un ton réaliste en présentant notre héros alors petite frappe, membre d’un gang et antipathique à souhait. Puis le fantastique va faire son apparition gentiment et nous allons découvrir un pan caché de notre réalité où monstres et sorcières s’affrontent. Le ton m’a bien plu.
Honnêtement dit comme ça, rien de franchement novateur mais c’est très bien amené avec suffisamment de mystères pour titiller. Je dois également préciser que le plaisir de lecture découle énormément de la partie graphique, je découvre le dessinateur mais il possède un style vraiment solide, des pages dynamiques aux ambiances réussies.
Un rien classique mais parfaitement réalisé, une bonne surprise au final. J’espère que les auteurs vont conserver ce petit côté sombre et sanglant insufflé.
MàJ Tome 2 :
Une série qui ne faiblit pas. Je trouve toujours ça franchement très sympa.
L’univers est attachant et l’aventure rythmée avec sa part de mystères. On explore cette fois bien plus le monde de l’autre côté du miroir.
C’est surtout (toujours) magnifiquement mis en page. Johann Corgié a bien fait de délaisser son rôle préalable de coloriste, il livre du superbe boulot. J’accroche bien à son design.
Ados, cette série aurait été dans mes must mais çà reste efficace pour tout âge.
Une belle réussite que cet album, et ce sur plusieurs plans.
D’abord tout le côté « militaire », l’engagement de ces étrangers dans les armées alliées, ici française, la « Nueve » donc, au sein de la Deuxième division blindée de Leclerc, est bien retranscrit. Avec le courage, l’insouciance, mais surtout la volonté de lutter contre les idées fascistes – et l’espérance – entretenue hypocritement par certains officiers et officiels français – qu’ensuite viendrai la libération de l’Espagne du régime franquiste.
On retrouve aussi en parallèle les errements français durant cette guerre. De la part des pétainistes, mais aussi des gaullistes, de Gaulle voulant bien enrôler étrangers et coloniaux, mais pas que ceux-ci soient visibles et mentionnés dans l’Histoire nationale qu’il s’apprêtait à réécrire.
Mais la meilleure part de l’album tourne autour des hommes, de leurs idéaux, ces Républicains martyrs, persécutés par les Franquistes (et fusillés en masse jusque bien après l’arrivée au pouvoir de Franco, sans réaction des « démocraties »), déportés dans des camps de concentration français, massacrés par les Nazis lorsqu’ils étaient pris, etc.
Et le récit tournant autour du témoignage d’un ancien de la Nueve, cela donne une épaisseur à l’intrigue, de la chair. C’est émouvant de voir ce vieil homme, véritable héros anonyme, qui redécouvre en même temps que l’auteur (qui se met en scène) son lointain passé – qui n’est pas passé.
La narration est fluide et agréable. Elle alterne flash-back en couleur (toute l’épopée des Espagnols durant ces 6 années de conflit) et passages contemporains en Noir et Blanc (où l’auteur rencontre le vieux Républicain et note son témoignage).
Une page d’Histoire un peu occultée, et une aventure humaine, on a là un récit prenant et bien monté.
Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle.
Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary.
Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit.
L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée.
Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé.
Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas.
C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur.
Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. .
L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité.
Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.
On nous assimile à des Communards. Alors faisons la Commune de l’Art.
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Ce tome contient une biographie de Gustave Caillebotte sur une courte période de sa vie. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Laurent Colonnier, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de sept pages, intitulé Le célèbre inconnu, rédigé par Dimitri Joannidès. Après une courte introduction en un paragraphe, il développe la vie de l’artiste au fil de chapitres intitulés Une enfance dorée, Vers l’émancipation, Le legs Caillebotte, Le compagnonnage impressionniste, Les raboteurs de parquet, Le jardin du postimpressionnisme, Un visionnaire en avance sur son temps. Ce dossier est agrémenté de reproductions de tableaux de l’artiste : Autoportrait (vers 1882), Partie de bateau ou Le canotier au chapeau haut-de-forme (1878), Vue depuis le balcon (1880), La Seine à Argenteuil (1882), Les raboteurs de parquet (1875), Baigneurs se préparant à plonger bord de l’Yerres (1878), Vue des toits effets de neige à Paris (1878).
Dans le Palais de l’Industrie, à Paris, en 1875, un groupe d’hommes commentent les tableaux exposés. Les critiques fusent : quelle horreur ! C’est pire chaque année ! Manet et sa clique font des émules. Ils continuent : Une peinture se doit d’être historique, religieuse ou mythologique, certainement pas vulgaire. Des raboteurs de parquet, ce n’est pas un sujet. Ce panneau peut tout juste servir d’enseigne à un artisan, mais n’a aucunement sa place au Salon officiel. Les trois hommes se penchent sur le cas particulier du tableau de Caillebotte, le jugement tombe : C’est de la peinture de démocrate, de ces hommes qui ne changent pas de linge et veulent s’imposer au monde. Messieurs du jury, le verdict est donc unanime : Refusé ! Le salon est un organisme de protection et de salubrité publique.
Édouard Manet et Auguste Caillebotte prennent un fiacre pour rentre chez eux, tout en devisant : Le monde moderne n’a que faire de la mythologie, le labyrinthe moderne n’est pas celui de Dédale, mais celui du baron Haussmann. Les gens se perdent dans toutes ces façades identiques. L’homme moderne est un fantôme qui glisse silencieusement sur le pavé mouillé de la ville grise. Ils estiment que le salon reste figé sur de vieilles lunes, ils refusent de voir que le monde change. Manet descend car son atelier est à deux pas, tout en saluant Caillebotte, et en l’assurant qu’il est un grand peintre et qu’il ne doit jamais laisser personne dire le contraire. Caillebotte continue de réfléchir : pourquoi figer la perspective dans des règles aussi strictes ? Après tout Piero Della Francesca dépeignait la modernité de son époque comme il la voyait. Pourquoi ne pourrait-on dépeindre sa propre modernité ? Ils sont dans l’ère de l’industrie, de la vapeur, des trains et des gares. Il est de retour dans l’hôtel particulier familial. Une lettre l’attend : une invitation des intransigeants à venir exposer à leur côté, le groupe de peintres refusés au salon officiel qui ont exposé il y a deux ans chez Nadar.
Le lecteur constate d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’une biographie complète de l’artiste : le récit commence en 1875, alors que la tableau Raboteurs parquet est refusé au Salon de peinture et de sculpture (dit le Salon), il s’achève avec la troisième exposition des impressionnistes en 1877. Intégrée, se trouve une séquence dans le passé de la page huit à la page treize, montrant le peintre solliciter la participation d’un raboteur de parquet travaillant dans un appartement de l’autre côté de la rue, qu’il aperçoit travailler depuis son appartement, pour réaliser son tableau. L’auteur s’attache à faire revivre ce moment charnière dans l’histoire de l’art, depuis le point de vue de Caillebotte, à la fois artiste, mécène et participant à l’organisation d’une exposition d’impressionnistes, fréquentant plusieurs autres peintres, et ami de Manet. C’est ainsi qu’il croise, outre Édouard Manet (1832-1883) : Auguste Renoir (1841-1919), Henri Rouart (1833-1912), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (1841-1895), Paul Cézanne (1839-1906), Claude Monet (1840-1926) & Camille Monet (1847-1879), Paul Durand-Ruel (1831-1922), Camille Pissarro (1830-1903), Alfred Sisley (1839-1899). Lors d’une discussion, une partie de ces artistes évoquent le jugement d’Émile Zola (1840-1902) sur les Raboteurs de parquet : Caillebotte a exposé les raboteurs de parquet et un jeune à sa fenêtre d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable.
Le premier contact avec les dessins peut s’avérer déconcertant : le lecteur voit des traits encrés un peu irréguliers, des traits fins pour les contours, des aplats de noir aux formes irrégulières non lissées. Cela donne une sensation de réalité perçue un peu grossièrement, une impression de description pas entièrement précise, pouvant être perçue comme désagréable. Dans le même temps, l’artiste a investi un temps et une énergie considérable pour réaliser une reconstitution historique solide, fiable et tangible. Le lecteur le constate dès la première case avec la façade du palais de l’Industrie : une reproduction détaillée, les arcades, les colonnes, les statues, la forme des toits, jusqu’au trottoir planté, alors que l’impression de surface est celle d’un dessin pas bien fini du fait de traits de contours un peu irréguliers. La scène passe en intérieur, et la verrière est montrée avec le même souci d’exactitude. Lors du trajet en fiacre, le lecteur peut admirer les façades d’immeubles parisiens haussmanniens, reconnaître les places, identifier le modèle de candélabre, retrouver la structure métallique caractéristique du pont de l’Europe, sans oublier les pavés parisiens et les persiennes aux fenêtres. Par la suite, il ralentit son rythme de lecture pour regarder le Café de la Nouvelle Athènes place Pigalle, le moulin de la Galette sur la butte Montmartre, la rue Moncey, ce qu’il reste du palais des Tuileries après la Commune, etc. Il prend tout autant plaisir à regarder les intérieurs, ceux de l’hôtel particulier des Caillebotte, ou de l’appartement accueillant la troisième exposition des impressionnistes, ainsi que l’aménagement des différents cafés parisiens fréquentés par ces artistes.
Dans le même temps, le lecteur observe que la mise en couleurs vient nourrir chaque surface détourée, le plus souvent avec une approche de camaïeu autour de la couleur réaliste principale, déclinée en nuances pour rehausser le relief de la forme détourée. Il note dès la deuxième case que l’artiste change de technique et de palette de couleurs pour la représentation du tableau Raboteurs de parquet : avec un résultat évoquant plus l’œuvre d’art, qu’un facsimilé à base de contours détourés à l’encre. Il en a la confirmation en page huit, dans une case représentant les raboteurs à l’œuvre dans l’appartement en vis-à-vis de la pièce où se tient caillebotte : à nouveau l’artiste utilise la couleur directe, établissant le lien visuel avec l’œuvre d’art. D’ailleurs cette technique s’étend également au torse nu de l’ouvrier devenu modèle, avec lequel le peintre discute. Colonnier mixe cette technique avec quelques traits de contour pour les formes principales, afin d’évoquer les autres œuvres d’art présentées lors des différentes expositions, facsimilés qui fonctionnent parfaitement, l’esprit du lecteur effectuant instantanément l’association avec les chefs d’œuvre évoqués. Ayant repéré ce dispositif chromatique, le lecteur le relève à chaque utilisation, et voit comment il sert aussi de repère pour souligner l’évocation d’autres toiles de Caillebotte dans une séquence, comme décor naturel ou urbain.
Le lecteur réalise rapidement que l’auteur a choisi de focaliser son histoire sur ces trois années où convergent les impressionnistes au moment des expositions, remettant en cause l’ordre établi. Il perçoit ce mouvement artistique du point de vue Caillebotte, individualité bien distincte, artiste jouissant de la fortune familiale, à l’abri du besoin, achetant des toiles à ses contemporains, leur venant en aide financièrement pour certains. Il découvre son credo artistique en début d’album lors de la discussion avec Manet : dépeindre sa propre modernité. L’auteur sait inclure de manière organique sa méthode de travail : réalisation de nombreux dessins préparatoires, décomposer la toile en carrés, effectuer plusieurs esquisses, jouer sur la perspective en la tronquant, etc. La bande dessinée s’achève avec une réflexion du peintre sur le sens (et la futilité) de leur art : chercher dans la matière, chercher dans les pigments, chercher à faire surgir la lumière de l’opacité. Pas étonnant que les gens les prennent pour des fous. Les peintres se consolent d’être injuriés, d’être niés en comptant sur la postérité, sur l’équité des siècles à venir. Mais si les générations futures se trompaient et préféraient d’aimables bêtises aux œuvres fortes, alors leurs existences de forçats cloués au travail, pour quoi ? Comment rester debout sous les huées sans l’illusion consolante d’être aimé un jour. Quand la Terre claquera dans l’espace comme une noix sèches, leurs œuvres n’ajouteront pas un atome de poussière. À quoi bon vouloir combler le néant. Et dire qu’ils le savent, et que leur orgueil s’acharne !
Peut-être venu avec des a priori, le lecteur commence par s’étonner de l’apparence graphique un peu rugueuse, et de la très courte période retenue. Il entame sa lecture et apprécie sa fluidité, la richesse et la solidité de la reconstitution historique, la manière dont le mouvement impressionniste est montré du point de vue de Gustave Caillebotte. Il repère également l’art consommé avec lequel l’artiste intègre des évocations des tableaux du maître, et de quelques autres peintres. Il comprend en quoi ce mouvement pictural va à l’encontre de l’ordre établi et doit se développer en marge des institutions. Une belle réussite.
Des citations bibliques (qui m’ont fait un peu penser à Universal War One) un casting de taulards dangereux à la « Douze salopards », et un scénario qui mâtine de la bonne SF avec pas mal de fantastique, on entre de plain-pied dans une histoire très rythmée, violente, mais prenante.
En effet, le scénario est bien huilé, et cette entame (l’histoire est prévue en trois tomes) augure d’une série dynamique et intéressante. Si certains flash-backs nous font découvrir le passé de certains protagonistes, il reste beaucoup de zones d’ombre. Idem pour l’histoire, qui nous mène sur une planète inconnue, un « mur noir » quasi infranchissable cachant une civilisation perdue.
Si les taulards recrutés/sacrifiés pour percer ce mystère (accompagnés d’un officier chargé de les « escorter ») se révèlent pour le moment moins « fous » que je ne le pensais, ce premier tome est déjà très bien mené, pose le décor, situe les personnages, et est rempli d’action.
Surtout, il pose pas mal de questions (sur cette civilisation, ces ruines entrevues, sur ce brouillard qui déchaine les « monstres »). Et il se finit sur un gros cliffhanger !
Un tome inaugural qui donne envie de lire la suite en tout cas.
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MAJ après lecture du tome 2:
Un deuxième tome moins surprenant et original, et un peu frustrant, puisqu'il n'y est plus (momentanément !?) question du mystère de la planète Képler. Le récit est bâti ici sur des flash-backs, mais aussi sur la révolte qui gronde, menée par les rescapés de l'équipe de "salopards" découverts dans le tome précédent. Le début de la fin pour la dictature du Gouverneur ? On en sait en tout cas un peu plus sur le fonctionnement de ce régime, entre jeux du cirque romain (tendance Roller Ball) et cynisme censure/propagande de pas mal de régime contemporains.
Si Kepler est absente de cet album, celui-ci est dynamique et très rythmé, l'action ne manque pas, et l'intrigue donne toujours envie de connaitre la suite. C'est une série intéressante en tout cas.
Note réelle 3,5/5.
Entamer la lecture de « D’or et d’oreillers » équivaut un peu à franchir le fameux miroir d’Alice. D’abord, il y a cette très jolie couverture mise en valeur par la technique d’impression à l’or (logique) du titre, un travail éditorial soigné très en phase avec le contenu empreint d’une fine poésie. Parce que cet album est une véritable gâterie d’un point de vue graphique, parvenant d’emblée à envelopper le lecteur comme le ferait un drapé de soie, et c’est bien cette sensation qui nous accompagnera sans discontinuer au fil des pages. Le travail sur le dessin est tout à fait remarquable, sur ce plan, il est rare qu’une œuvre de bande dessinée procure une telle extase. Il y a la grâce et la sensualité du trait, la diversité dans la palette de couleurs, agencées avec un goût incomparable, le tout étayé par une mise en page variée, avec nombre de pleines pages se laissant admirer avec bonheur. Mayalen Goust montre ici toute l’étendue de son talent, bien plus que n’auraient pu les faire ses précédentes productions, qui pourtant livraient déjà un bon aperçu de son potentiel artistique. « D’or et d’oreillers » est dans la parfaite lignée d’une autre parution sortie il y a trois ans, "Le Jardin – Paris" de Gaëlle Geniller, qui produisait également un effet très similaire.
Pour illustrer ce récit se déroulant dans le cadre de l’Angleterre victorienne, l’autrice mêle avec brio et délicatesse un style un peu gothique à un art nouveau revisité, ce dernier étant incontestablement le mouvement artistique le plus sensuel de l’Histoire européenne. Ainsi, une telle approche est tout à fait appropriée pour narrer cette histoire d’amour (apparemment) impossible entre un jeune lord reclus dans son immense château et une « roturière », la néanmoins belle et mystérieuse Sadima.
La fascination de l’objet se trouve renforcée par le choix du genre, le conte. Le récit de Flora Vesco, dont s’est inspiré Mayalen Goust, respecte les fondamentaux avec tout ce qu’il faut de noirceur nécessaire. Avec moult références aux grands classiques : « Cendrillon », « La Belle et la Bête », « La Princesse et le Petit Pois », « Alice au pays des merveilles » (avec ici un lapin qui va mal finir) … Et c’est bien la magie du conte qui permet de métaphoriser cette relation toxique et fusionnelle entre une mère diabolique et son fils pris au piège de sa folie possessive, repoussoir inébranlable pour toutes les potentielles épouses. Autour d’un axe narratif linéaire viennent s’enrouler des digressions très oniriques mais complémentaires. La seule chose que l’on pourrait regretter est que la tension liée à la folie inhérente à l’histoire, cette tension caractéristique des contes qui fait que l’on adore sentir ses cheveux se dresser sur la tête, apparaît quelque peu diluée par l’écrin graphique dans son extravagance poétique.
Malgré ce très léger bémol, « D’or et d’oreillers » demeure une belle réussite, offrant à nos yeux ébahis un très bel univers pour enchanter nos âmes de ses chatoiements. On sera presque surpris de voir que l’ouvrage n’ait pas été publié dans le cadre de la collection Métamorphose, cette dernière ayant réussi à se distinguer en faisant de la féérie sa ligne éditoriale. Ce livre ressortira très certainement comme un des musts de l’année, prouvant par la même occasion, et on ne pourra que s’en réjouir, la place croissante et légitime occupée par les femmes dans la bande dessinée.
3.5
Parodier la bible n'est pas nouveau et j'avais peur de ne voir que du déjà vu. Mes craintes ont été vite balayées lorsque les premiers gags m'ont bien fait rire et que cela a continué durant tout l'album qui comporte peu de gags pourris.
Faire des gags en une ou deux pages est un exercice difficile selon moi et le scénariste s'en sort bien. Les gags basés sur les dialogues m'ont fait penser à du Fabcaro et du Trondheim. Il y aussi des gags un peu trash qui je pense vont plaire aux amateurs du genre. On revoit les grands moments de l'ancien et du nouveau testament et vers la fin on a des gags qui se passent à différentes époques historiques, ce qui permet à l'album de bien se renouveler.
Je sais pas trop quoi dire de plus hormis que c'est une BD humoristique qui m'a fait rigoler. Le seul défaut est que le dessin est un peu pauvre et je n'aime pas trop comment sont dessinés les humains, mais au moins c'est lisible et la mise en scène est bien faite, ce qui est le minimum que je demande au niveau du dessin.
Et si tout n'était que mensonges ?
Évidemment, avec ce titre, la religion va être au centre du récit. D'abord avec Judas Iscariot en personnage principal, mais deux autres protagonistes vont avoir des rôles majeurs : Jésus et le diable.
Si Judas n'avait pas facilité l'arrestation de Jésus, l'histoire n'aurait plus la même résonance, il n'aurait pas été jugé par Ponce Pilate, crucifié sur la croix et ressuscité trois jours plus tard. Car comme le souligne l'apôtre Paul : « Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre foi. », sa résurrection est le cœur de la foi chrétienne.
A sa mort Jésus descend à l'Hadès et là... Jeff Loveness nous en donne sa version, en réunissant nos trois personnages pour un "Qui a trahi qui ?".
Un scénario inventif et bien construit, il puise dans la bible pour être au plus proche des évangiles. C'est cet aspect du récit qui met du grain à moudre dans la tête du lecteur, tout en suivant en parallèle les interrogations de Judas. Un Judas qui dégage une belle humanité. Rien n'est totalement noir ou totalement blanc.
Une fin qui ne pouvait que se terminer ainsi, et elle me satisfait.
Si j'ai autant aimé ce récit, Jakub Rebelka n'y est pas étranger. Sa composition graphique est totalement immersive avec le grand soin apporté aux décors, aux détails vestimentaires, à sa mise en page, à son trait gras et géométrie et à ses choix de couleurs. Un style à nul autre pareil, d'une efficacité redoutable.
Une reconstitution minutieuse de cette période historique et la partie se situant aux enfers sent le souffre et la putréfaction.
Très très beau !
Un comics très original sur le fond et sur la forme.
Mais un comics que je ne peux ni conseiller, ni déconseiller, le sujet risque d'en laisser certains sur le carreau.
Coup de cœur.
"Nul n'a plus grand amour que celui-ci : Donner sa vie pour ses amis."
Jean,15 : 13.
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Vermines
Je n’irais pas jusqu’au coup de cœur mais ce 1er tome est une très bonne entrée en matière, parfaitement équilibré, je suis curieux de découvrir la suite. Après des premières pages intrigantes (pour la suite notamment ), le récit démarre sur un ton réaliste en présentant notre héros alors petite frappe, membre d’un gang et antipathique à souhait. Puis le fantastique va faire son apparition gentiment et nous allons découvrir un pan caché de notre réalité où monstres et sorcières s’affrontent. Le ton m’a bien plu. Honnêtement dit comme ça, rien de franchement novateur mais c’est très bien amené avec suffisamment de mystères pour titiller. Je dois également préciser que le plaisir de lecture découle énormément de la partie graphique, je découvre le dessinateur mais il possède un style vraiment solide, des pages dynamiques aux ambiances réussies. Un rien classique mais parfaitement réalisé, une bonne surprise au final. J’espère que les auteurs vont conserver ce petit côté sombre et sanglant insufflé. MàJ Tome 2 : Une série qui ne faiblit pas. Je trouve toujours ça franchement très sympa. L’univers est attachant et l’aventure rythmée avec sa part de mystères. On explore cette fois bien plus le monde de l’autre côté du miroir. C’est surtout (toujours) magnifiquement mis en page. Johann Corgié a bien fait de délaisser son rôle préalable de coloriste, il livre du superbe boulot. J’accroche bien à son design. Ados, cette série aurait été dans mes must mais çà reste efficace pour tout âge.
La Nueve - Les Républicains Espagnols qui ont libéré Paris
Une belle réussite que cet album, et ce sur plusieurs plans. D’abord tout le côté « militaire », l’engagement de ces étrangers dans les armées alliées, ici française, la « Nueve » donc, au sein de la Deuxième division blindée de Leclerc, est bien retranscrit. Avec le courage, l’insouciance, mais surtout la volonté de lutter contre les idées fascistes – et l’espérance – entretenue hypocritement par certains officiers et officiels français – qu’ensuite viendrai la libération de l’Espagne du régime franquiste. On retrouve aussi en parallèle les errements français durant cette guerre. De la part des pétainistes, mais aussi des gaullistes, de Gaulle voulant bien enrôler étrangers et coloniaux, mais pas que ceux-ci soient visibles et mentionnés dans l’Histoire nationale qu’il s’apprêtait à réécrire. Mais la meilleure part de l’album tourne autour des hommes, de leurs idéaux, ces Républicains martyrs, persécutés par les Franquistes (et fusillés en masse jusque bien après l’arrivée au pouvoir de Franco, sans réaction des « démocraties »), déportés dans des camps de concentration français, massacrés par les Nazis lorsqu’ils étaient pris, etc. Et le récit tournant autour du témoignage d’un ancien de la Nueve, cela donne une épaisseur à l’intrigue, de la chair. C’est émouvant de voir ce vieil homme, véritable héros anonyme, qui redécouvre en même temps que l’auteur (qui se met en scène) son lointain passé – qui n’est pas passé. La narration est fluide et agréable. Elle alterne flash-back en couleur (toute l’épopée des Espagnols durant ces 6 années de conflit) et passages contemporains en Noir et Blanc (où l’auteur rencontre le vieux Républicain et note son témoignage). Une page d’Histoire un peu occultée, et une aventure humaine, on a là un récit prenant et bien monté.
Gourmet Détective
Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle. Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary. Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Servitude
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit. L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée. Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé. Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Blast
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas. C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur. Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. . L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité. Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.
Gustave Caillebotte
On nous assimile à des Communards. Alors faisons la Commune de l’Art. - Ce tome contient une biographie de Gustave Caillebotte sur une courte période de sa vie. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Laurent Colonnier, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de sept pages, intitulé Le célèbre inconnu, rédigé par Dimitri Joannidès. Après une courte introduction en un paragraphe, il développe la vie de l’artiste au fil de chapitres intitulés Une enfance dorée, Vers l’émancipation, Le legs Caillebotte, Le compagnonnage impressionniste, Les raboteurs de parquet, Le jardin du postimpressionnisme, Un visionnaire en avance sur son temps. Ce dossier est agrémenté de reproductions de tableaux de l’artiste : Autoportrait (vers 1882), Partie de bateau ou Le canotier au chapeau haut-de-forme (1878), Vue depuis le balcon (1880), La Seine à Argenteuil (1882), Les raboteurs de parquet (1875), Baigneurs se préparant à plonger bord de l’Yerres (1878), Vue des toits effets de neige à Paris (1878). Dans le Palais de l’Industrie, à Paris, en 1875, un groupe d’hommes commentent les tableaux exposés. Les critiques fusent : quelle horreur ! C’est pire chaque année ! Manet et sa clique font des émules. Ils continuent : Une peinture se doit d’être historique, religieuse ou mythologique, certainement pas vulgaire. Des raboteurs de parquet, ce n’est pas un sujet. Ce panneau peut tout juste servir d’enseigne à un artisan, mais n’a aucunement sa place au Salon officiel. Les trois hommes se penchent sur le cas particulier du tableau de Caillebotte, le jugement tombe : C’est de la peinture de démocrate, de ces hommes qui ne changent pas de linge et veulent s’imposer au monde. Messieurs du jury, le verdict est donc unanime : Refusé ! Le salon est un organisme de protection et de salubrité publique. Édouard Manet et Auguste Caillebotte prennent un fiacre pour rentre chez eux, tout en devisant : Le monde moderne n’a que faire de la mythologie, le labyrinthe moderne n’est pas celui de Dédale, mais celui du baron Haussmann. Les gens se perdent dans toutes ces façades identiques. L’homme moderne est un fantôme qui glisse silencieusement sur le pavé mouillé de la ville grise. Ils estiment que le salon reste figé sur de vieilles lunes, ils refusent de voir que le monde change. Manet descend car son atelier est à deux pas, tout en saluant Caillebotte, et en l’assurant qu’il est un grand peintre et qu’il ne doit jamais laisser personne dire le contraire. Caillebotte continue de réfléchir : pourquoi figer la perspective dans des règles aussi strictes ? Après tout Piero Della Francesca dépeignait la modernité de son époque comme il la voyait. Pourquoi ne pourrait-on dépeindre sa propre modernité ? Ils sont dans l’ère de l’industrie, de la vapeur, des trains et des gares. Il est de retour dans l’hôtel particulier familial. Une lettre l’attend : une invitation des intransigeants à venir exposer à leur côté, le groupe de peintres refusés au salon officiel qui ont exposé il y a deux ans chez Nadar. Le lecteur constate d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’une biographie complète de l’artiste : le récit commence en 1875, alors que la tableau Raboteurs parquet est refusé au Salon de peinture et de sculpture (dit le Salon), il s’achève avec la troisième exposition des impressionnistes en 1877. Intégrée, se trouve une séquence dans le passé de la page huit à la page treize, montrant le peintre solliciter la participation d’un raboteur de parquet travaillant dans un appartement de l’autre côté de la rue, qu’il aperçoit travailler depuis son appartement, pour réaliser son tableau. L’auteur s’attache à faire revivre ce moment charnière dans l’histoire de l’art, depuis le point de vue de Caillebotte, à la fois artiste, mécène et participant à l’organisation d’une exposition d’impressionnistes, fréquentant plusieurs autres peintres, et ami de Manet. C’est ainsi qu’il croise, outre Édouard Manet (1832-1883) : Auguste Renoir (1841-1919), Henri Rouart (1833-1912), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (1841-1895), Paul Cézanne (1839-1906), Claude Monet (1840-1926) & Camille Monet (1847-1879), Paul Durand-Ruel (1831-1922), Camille Pissarro (1830-1903), Alfred Sisley (1839-1899). Lors d’une discussion, une partie de ces artistes évoquent le jugement d’Émile Zola (1840-1902) sur les Raboteurs de parquet : Caillebotte a exposé les raboteurs de parquet et un jeune à sa fenêtre d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable. Le premier contact avec les dessins peut s’avérer déconcertant : le lecteur voit des traits encrés un peu irréguliers, des traits fins pour les contours, des aplats de noir aux formes irrégulières non lissées. Cela donne une sensation de réalité perçue un peu grossièrement, une impression de description pas entièrement précise, pouvant être perçue comme désagréable. Dans le même temps, l’artiste a investi un temps et une énergie considérable pour réaliser une reconstitution historique solide, fiable et tangible. Le lecteur le constate dès la première case avec la façade du palais de l’Industrie : une reproduction détaillée, les arcades, les colonnes, les statues, la forme des toits, jusqu’au trottoir planté, alors que l’impression de surface est celle d’un dessin pas bien fini du fait de traits de contours un peu irréguliers. La scène passe en intérieur, et la verrière est montrée avec le même souci d’exactitude. Lors du trajet en fiacre, le lecteur peut admirer les façades d’immeubles parisiens haussmanniens, reconnaître les places, identifier le modèle de candélabre, retrouver la structure métallique caractéristique du pont de l’Europe, sans oublier les pavés parisiens et les persiennes aux fenêtres. Par la suite, il ralentit son rythme de lecture pour regarder le Café de la Nouvelle Athènes place Pigalle, le moulin de la Galette sur la butte Montmartre, la rue Moncey, ce qu’il reste du palais des Tuileries après la Commune, etc. Il prend tout autant plaisir à regarder les intérieurs, ceux de l’hôtel particulier des Caillebotte, ou de l’appartement accueillant la troisième exposition des impressionnistes, ainsi que l’aménagement des différents cafés parisiens fréquentés par ces artistes. Dans le même temps, le lecteur observe que la mise en couleurs vient nourrir chaque surface détourée, le plus souvent avec une approche de camaïeu autour de la couleur réaliste principale, déclinée en nuances pour rehausser le relief de la forme détourée. Il note dès la deuxième case que l’artiste change de technique et de palette de couleurs pour la représentation du tableau Raboteurs de parquet : avec un résultat évoquant plus l’œuvre d’art, qu’un facsimilé à base de contours détourés à l’encre. Il en a la confirmation en page huit, dans une case représentant les raboteurs à l’œuvre dans l’appartement en vis-à-vis de la pièce où se tient caillebotte : à nouveau l’artiste utilise la couleur directe, établissant le lien visuel avec l’œuvre d’art. D’ailleurs cette technique s’étend également au torse nu de l’ouvrier devenu modèle, avec lequel le peintre discute. Colonnier mixe cette technique avec quelques traits de contour pour les formes principales, afin d’évoquer les autres œuvres d’art présentées lors des différentes expositions, facsimilés qui fonctionnent parfaitement, l’esprit du lecteur effectuant instantanément l’association avec les chefs d’œuvre évoqués. Ayant repéré ce dispositif chromatique, le lecteur le relève à chaque utilisation, et voit comment il sert aussi de repère pour souligner l’évocation d’autres toiles de Caillebotte dans une séquence, comme décor naturel ou urbain. Le lecteur réalise rapidement que l’auteur a choisi de focaliser son histoire sur ces trois années où convergent les impressionnistes au moment des expositions, remettant en cause l’ordre établi. Il perçoit ce mouvement artistique du point de vue Caillebotte, individualité bien distincte, artiste jouissant de la fortune familiale, à l’abri du besoin, achetant des toiles à ses contemporains, leur venant en aide financièrement pour certains. Il découvre son credo artistique en début d’album lors de la discussion avec Manet : dépeindre sa propre modernité. L’auteur sait inclure de manière organique sa méthode de travail : réalisation de nombreux dessins préparatoires, décomposer la toile en carrés, effectuer plusieurs esquisses, jouer sur la perspective en la tronquant, etc. La bande dessinée s’achève avec une réflexion du peintre sur le sens (et la futilité) de leur art : chercher dans la matière, chercher dans les pigments, chercher à faire surgir la lumière de l’opacité. Pas étonnant que les gens les prennent pour des fous. Les peintres se consolent d’être injuriés, d’être niés en comptant sur la postérité, sur l’équité des siècles à venir. Mais si les générations futures se trompaient et préféraient d’aimables bêtises aux œuvres fortes, alors leurs existences de forçats cloués au travail, pour quoi ? Comment rester debout sous les huées sans l’illusion consolante d’être aimé un jour. Quand la Terre claquera dans l’espace comme une noix sèches, leurs œuvres n’ajouteront pas un atome de poussière. À quoi bon vouloir combler le néant. Et dire qu’ils le savent, et que leur orgueil s’acharne ! Peut-être venu avec des a priori, le lecteur commence par s’étonner de l’apparence graphique un peu rugueuse, et de la très courte période retenue. Il entame sa lecture et apprécie sa fluidité, la richesse et la solidité de la reconstitution historique, la manière dont le mouvement impressionniste est montré du point de vue de Gustave Caillebotte. Il repère également l’art consommé avec lequel l’artiste intègre des évocations des tableaux du maître, et de quelques autres peintres. Il comprend en quoi ce mouvement pictural va à l’encontre de l’ordre établi et doit se développer en marge des institutions. Une belle réussite.
Noir Horizon
Des citations bibliques (qui m’ont fait un peu penser à Universal War One) un casting de taulards dangereux à la « Douze salopards », et un scénario qui mâtine de la bonne SF avec pas mal de fantastique, on entre de plain-pied dans une histoire très rythmée, violente, mais prenante. En effet, le scénario est bien huilé, et cette entame (l’histoire est prévue en trois tomes) augure d’une série dynamique et intéressante. Si certains flash-backs nous font découvrir le passé de certains protagonistes, il reste beaucoup de zones d’ombre. Idem pour l’histoire, qui nous mène sur une planète inconnue, un « mur noir » quasi infranchissable cachant une civilisation perdue. Si les taulards recrutés/sacrifiés pour percer ce mystère (accompagnés d’un officier chargé de les « escorter ») se révèlent pour le moment moins « fous » que je ne le pensais, ce premier tome est déjà très bien mené, pose le décor, situe les personnages, et est rempli d’action. Surtout, il pose pas mal de questions (sur cette civilisation, ces ruines entrevues, sur ce brouillard qui déchaine les « monstres »). Et il se finit sur un gros cliffhanger ! Un tome inaugural qui donne envie de lire la suite en tout cas. **************************** MAJ après lecture du tome 2: Un deuxième tome moins surprenant et original, et un peu frustrant, puisqu'il n'y est plus (momentanément !?) question du mystère de la planète Képler. Le récit est bâti ici sur des flash-backs, mais aussi sur la révolte qui gronde, menée par les rescapés de l'équipe de "salopards" découverts dans le tome précédent. Le début de la fin pour la dictature du Gouverneur ? On en sait en tout cas un peu plus sur le fonctionnement de ce régime, entre jeux du cirque romain (tendance Roller Ball) et cynisme censure/propagande de pas mal de régime contemporains. Si Kepler est absente de cet album, celui-ci est dynamique et très rythmé, l'action ne manque pas, et l'intrigue donne toujours envie de connaitre la suite. C'est une série intéressante en tout cas. Note réelle 3,5/5.
D'or et d'oreillers
Entamer la lecture de « D’or et d’oreillers » équivaut un peu à franchir le fameux miroir d’Alice. D’abord, il y a cette très jolie couverture mise en valeur par la technique d’impression à l’or (logique) du titre, un travail éditorial soigné très en phase avec le contenu empreint d’une fine poésie. Parce que cet album est une véritable gâterie d’un point de vue graphique, parvenant d’emblée à envelopper le lecteur comme le ferait un drapé de soie, et c’est bien cette sensation qui nous accompagnera sans discontinuer au fil des pages. Le travail sur le dessin est tout à fait remarquable, sur ce plan, il est rare qu’une œuvre de bande dessinée procure une telle extase. Il y a la grâce et la sensualité du trait, la diversité dans la palette de couleurs, agencées avec un goût incomparable, le tout étayé par une mise en page variée, avec nombre de pleines pages se laissant admirer avec bonheur. Mayalen Goust montre ici toute l’étendue de son talent, bien plus que n’auraient pu les faire ses précédentes productions, qui pourtant livraient déjà un bon aperçu de son potentiel artistique. « D’or et d’oreillers » est dans la parfaite lignée d’une autre parution sortie il y a trois ans, "Le Jardin – Paris" de Gaëlle Geniller, qui produisait également un effet très similaire. Pour illustrer ce récit se déroulant dans le cadre de l’Angleterre victorienne, l’autrice mêle avec brio et délicatesse un style un peu gothique à un art nouveau revisité, ce dernier étant incontestablement le mouvement artistique le plus sensuel de l’Histoire européenne. Ainsi, une telle approche est tout à fait appropriée pour narrer cette histoire d’amour (apparemment) impossible entre un jeune lord reclus dans son immense château et une « roturière », la néanmoins belle et mystérieuse Sadima. La fascination de l’objet se trouve renforcée par le choix du genre, le conte. Le récit de Flora Vesco, dont s’est inspiré Mayalen Goust, respecte les fondamentaux avec tout ce qu’il faut de noirceur nécessaire. Avec moult références aux grands classiques : « Cendrillon », « La Belle et la Bête », « La Princesse et le Petit Pois », « Alice au pays des merveilles » (avec ici un lapin qui va mal finir) … Et c’est bien la magie du conte qui permet de métaphoriser cette relation toxique et fusionnelle entre une mère diabolique et son fils pris au piège de sa folie possessive, repoussoir inébranlable pour toutes les potentielles épouses. Autour d’un axe narratif linéaire viennent s’enrouler des digressions très oniriques mais complémentaires. La seule chose que l’on pourrait regretter est que la tension liée à la folie inhérente à l’histoire, cette tension caractéristique des contes qui fait que l’on adore sentir ses cheveux se dresser sur la tête, apparaît quelque peu diluée par l’écrin graphique dans son extravagance poétique. Malgré ce très léger bémol, « D’or et d’oreillers » demeure une belle réussite, offrant à nos yeux ébahis un très bel univers pour enchanter nos âmes de ses chatoiements. On sera presque surpris de voir que l’ouvrage n’ait pas été publié dans le cadre de la collection Métamorphose, cette dernière ayant réussi à se distinguer en faisant de la féérie sa ligne éditoriale. Ce livre ressortira très certainement comme un des musts de l’année, prouvant par la même occasion, et on ne pourra que s’en réjouir, la place croissante et légitime occupée par les femmes dans la bande dessinée.
Genèse et Prozac
3.5 Parodier la bible n'est pas nouveau et j'avais peur de ne voir que du déjà vu. Mes craintes ont été vite balayées lorsque les premiers gags m'ont bien fait rire et que cela a continué durant tout l'album qui comporte peu de gags pourris. Faire des gags en une ou deux pages est un exercice difficile selon moi et le scénariste s'en sort bien. Les gags basés sur les dialogues m'ont fait penser à du Fabcaro et du Trondheim. Il y aussi des gags un peu trash qui je pense vont plaire aux amateurs du genre. On revoit les grands moments de l'ancien et du nouveau testament et vers la fin on a des gags qui se passent à différentes époques historiques, ce qui permet à l'album de bien se renouveler. Je sais pas trop quoi dire de plus hormis que c'est une BD humoristique qui m'a fait rigoler. Le seul défaut est que le dessin est un peu pauvre et je n'aime pas trop comment sont dessinés les humains, mais au moins c'est lisible et la mise en scène est bien faite, ce qui est le minimum que je demande au niveau du dessin.
Judas
Et si tout n'était que mensonges ? Évidemment, avec ce titre, la religion va être au centre du récit. D'abord avec Judas Iscariot en personnage principal, mais deux autres protagonistes vont avoir des rôles majeurs : Jésus et le diable. Si Judas n'avait pas facilité l'arrestation de Jésus, l'histoire n'aurait plus la même résonance, il n'aurait pas été jugé par Ponce Pilate, crucifié sur la croix et ressuscité trois jours plus tard. Car comme le souligne l'apôtre Paul : « Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre foi. », sa résurrection est le cœur de la foi chrétienne. A sa mort Jésus descend à l'Hadès et là... Jeff Loveness nous en donne sa version, en réunissant nos trois personnages pour un "Qui a trahi qui ?". Un scénario inventif et bien construit, il puise dans la bible pour être au plus proche des évangiles. C'est cet aspect du récit qui met du grain à moudre dans la tête du lecteur, tout en suivant en parallèle les interrogations de Judas. Un Judas qui dégage une belle humanité. Rien n'est totalement noir ou totalement blanc. Une fin qui ne pouvait que se terminer ainsi, et elle me satisfait. Si j'ai autant aimé ce récit, Jakub Rebelka n'y est pas étranger. Sa composition graphique est totalement immersive avec le grand soin apporté aux décors, aux détails vestimentaires, à sa mise en page, à son trait gras et géométrie et à ses choix de couleurs. Un style à nul autre pareil, d'une efficacité redoutable. Une reconstitution minutieuse de cette période historique et la partie se situant aux enfers sent le souffre et la putréfaction. Très très beau ! Un comics très original sur le fond et sur la forme. Mais un comics que je ne peux ni conseiller, ni déconseiller, le sujet risque d'en laisser certains sur le carreau. Coup de cœur. "Nul n'a plus grand amour que celui-ci : Donner sa vie pour ses amis." Jean,15 : 13.